M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Collombat, Requier, Mézard, Bertrand, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Tropeano et Vendasi.
L'amendement n° 78 rectifié est présenté par MM. Courteau et Camani.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par M. Tandonnet, Mme Dini, MM. Maurey, Amoudry et Namy, Mme Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 155 rectifié bis est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Lenoir, Cornu, D. Laurent, Doublet et Belot, Mme Deroche et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les achats de produits et matériaux destinés à la construction, à l'amélioration ou à l'entretien d'ouvrages immobiliers, ce délai ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. L’article 61, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, prévoyait de compléter les dispositions de l’article L. 441–6 du code de commerce relatives aux délais de paiement par des mesures touchant aux factures périodiques.
Plus précisément, il prévoyait que le délai de paiement ne pourrait dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d’émission de la facture, sauf pour les achats de produits et matériaux destinés à la construction, à l'amélioration ou à l'entretien d'ouvrages immobiliers, pour lesquels ce délai ne pourrait dépasser soixante jours à compter de la même date.
Cette disposition dérogatoire visait, de façon opportune, à soutenir les entreprises du secteur du bâtiment, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés. Le Sénat l’a supprimée en première lecture, ce qui menace de remettre en cause le fragile équilibre financier d’un très grand nombre d’entreprises de ce secteur.
En effet, les délais de paiement des clients de ces entreprises sont extrêmement longs, tandis que les délais qu’elles-mêmes doivent respecter vis-à-vis de leurs fournisseurs se raccourcissent. Sans compter qu’une PME artisanale du secteur du bâtiment n’a aucun moyen de forcer un client qui traîne pour payer sa facture à respecter les délais de paiement ; or ce cas de figure, déjà très courant, tend à se généraliser.
Les PME et les TPE du bâtiment, qui font face à des difficultés de trésorerie et d’accès au crédit, ne peuvent pas devenir les banquiers de leurs clients !
Dans ces conditions, le seul moyen de maintenir l’activité et l’emploi dans ce secteur consiste à harmoniser les délais de paiement entre l’amont et l’aval. Sans doute, cette perspective ne réjouit pas les entreprises de l’amont, c’est-à-dire les fournisseurs du secteur du bâtiment et de la construction ; du reste, je tiens à signaler que certains de leurs représentants exercent sur nous des pressions fortes, et tout à fait inacceptables, pour que nous n’adoptions pas ces amendements identiques, pourtant inspirés par le bon sens.
Après l’augmentation de la TVA et une série d’autres mesures qui les fragilisent encore davantage, il est temps de faire un geste pour les TPE et les PME du bâtiment. (M. Jacques Mézard opine.) Que quatre amendements identiques aient été déposés par des sénateurs de quatre groupes différents semble montrer que la mesure proposée est largement soutenue sur nos travées : mes chers collègues, je vous invite à l’adopter sans hésitation !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 78 rectifié.
M. Roland Courteau. Les préoccupations qui m’ont inspiré cet amendement sont les mêmes qui viennent d’être présentées par M. Requier.
Selon l’Observatoire des délais de paiement, les délais fournisseurs se sont réduits, alors que les délais clients se sont allongés. Il en résulte un effet de ciseaux qui cause de nombreuses difficultés aux entreprises du bâtiment, dont il faut se souvenir qu’elles subissent, depuis des années, une crise sévère.
L’instauration d’un nouveau délai de paiement, de quarante-cinq jours nets, spécifique aux factures périodiques au sens de l’article 289 du code général des impôts contribuerait à accroître cet écart entre les délais clients et les délais fournisseurs.
J’insiste : la réduction du crédit fournisseur entraînerait de nombreuses défaillances d’entreprises dans le secteur du bâtiment, qui est actuellement fragilisé.
C’est pourquoi les auteurs de l’amendement n° 78 rectifié proposent de rétablir le délai maximal de soixante jours pour les achats de produits et matériaux destinés à la construction, à l’amélioration ou à l’entretien d’ouvrages immobiliers.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l'amendement n° 115 rectifié.
M. Henri Tandonnet. Comme mes deux collègues viennent de le souligner, les entreprises du bâtiment sont prises en tenaille.
Cet amendement vise à rétablir à soixante jours, à compter de la date d’émission de la facture, le délai de paiement pour l’achat de produits et matériaux destinés à la construction, à l’amélioration ou à l’entretien d’ouvrages immobiliers. Je rappelle que ce délai avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, sur l’initiative du rapporteur.
Les rapports successifs de l’Observatoire des délais de paiement remis au ministère de l’économie et des finances ont montré que le secteur du bâtiment rencontrait des difficultés spécifiques, en particulier un problème lancinant de délais cachés. Une enquête récente de la banque professionnelle BTP Banque confirme que les délais fournisseurs se sont réduits, alors que les délais clients se sont allongés.
La création d’un nouveau délai de paiement, de quarante-cinq jours nets, spécifique aux factures périodiques au sens de l’article 289 du code général des impôts aggraverait cet écart. En vérité, un crédit fournisseur réduit de quinze jours entraînerait une augmentation importante des défaillances d’entreprises dans le secteur du bâtiment !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié bis.
Mme Élisabeth Lamure. Le présent amendement vise également à tenir compte de la spécificité du secteur du bâtiment, qui justifie le maintien du délai de paiement de soixante jours pour les matériaux de construction, quel que soit le type de facturation utilisé par les fournisseurs.
On constate un déséquilibre persistant entre les délais de paiement des fournisseurs, effectivement réduits, et les délais de paiement des clients, qui continuent de s'allonger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Ces quatre amendements identiques portent sur les délais de paiement spécifiquement applicables à l’achat de produits et de matériaux destinés à la construction. Un autre amendement concerne quant à lui les entreprises qui travaillent à l’international.
Les entreprises du bâtiment ont exercé un lobbying très intense auprès des parlementaires que nous sommes. J’ai ici une lettre que m’ont adressée des PME d’amont, fournisseurs d’entreprises du bâtiment. Que nous disent-elles ? Elles nous disent que, alors qu’elles sont, pour plus de 80 % d’entre elles, des entreprises de taille moyenne ou petite, on voudrait que ce soient elles qui règlent les problèmes financiers des entreprises du bâtiment. Elles ajoutent que ce serait concevable si elles étaient des entreprises d’une taille plus importante, mais que, en l’espèce, elles ont le sentiment que, plus elles sont petites, moins on leur fait de cadeaux !
Sachez, mes chers collègues, que cette question des délais de paiement est problématique et commence à faire très mal à l’économie française. Les grandes entreprises doivent 11 milliards d’euros aux plus petites. Onze milliards d’euros !
En France, en raison de délais de paiement trop longs, une entreprise sur quatre rencontre des difficultés. Que nous proposent les auteurs de ces amendements ? D’en rajouter une couche en créant des exceptions à la règle posée par le projet de loi !
Mes chers collègues, dans l’intérêt du bâtiment, dans l’intérêt des PME fournisseurs, fixons des délais de paiement raisonnables. Les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux dans lesquels les délais de paiement sont optimaux.
Prenons un exemple. Alors que nous essayons, en France, de ramener les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois ou à soixante jours à compter de l’émission de la facture, ces délais sont de vingt-quatre jours en Allemagne, pays qui exporte partout dans le monde !
De bons délais de paiement, c’est la garantie d’une bonne situation économique. Allonger les délais de paiement, c’est faire le choix de la facilité, c’est permettre aux plus gros de se financer sur les plus petits.
Comment régler la situation dans le bâtiment ? Lorsque j’ai travaillé sur cette question des délais de paiement, j’ai avancé trois idées.
Premièrement, que l’État et l’ensemble des collectivités publiques pratiquent la dématérialisation. Alors qu’il est parfois nécessaire d’attendre plusieurs semaines avant d’obtenir l’attestation de travail fait, ce qui fait courir les délais de paiement, grâce à la dématérialisation, celle-ci serait délivrée quasi immédiatement.
Deuxièmement, développer l’affacturage pour les sociétés rencontrant des difficultés.
Troisièmement, recourir au plan d’aide aux entreprises du bâtiment que le Gouvernement a engagé. Il est préférable de s’orienter vers cette solution plutôt que de reporter les difficultés d’un secteur de l’économie sur un autre, plus défavorisé encore.
Au final, je dois dire que je ne comprends pas très bien les motivations des auteurs de ces amendements.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
La réduction des délais de paiement pourrait en effet permettre de récupérer 11 milliards d’euros, au bénéfice de la trésorerie des entreprises. Cela leur offrirait de nouvelles capacités d’investissement, ce qui est leur objectif. Permettre au secteur du bâtiment de déroger à cet objectif de réduction des délais de paiement, au nom de sa spécificité, n’irait pas dans le bon sens et ne favoriserait pas la bonne marche de l’économie française, qui, je le rappelle, est aujourd’hui une économie ouverte.
J’ajoute que l’État lui-même s’est fixé des objectifs en la matière pour le paiement de ses factures, sous trente jours, puis sous vingt jours.
Il s’agit là d’un engagement fort de nombreux acteurs, publics et privés.
Si la dérogation au profit du secteur du bâtiment que proposent les auteurs de ces amendements devait être votée, si l’on devait offrir aux acheteurs de produits et de matériaux de construction la possibilité de payer leurs fournisseurs à soixante jours à compter de la facture récapitulative et donc, potentiellement, à quatre-vingt-dix jours net, cela mettrait en difficulté les plus petits, ceux qui travaillent aujourd’hui avec les entreprises du bâtiment. Une nouvelle fois, ce seraient les plus forts qui s’en sortiraient le mieux !
L’allongement des délais de paiement qui résulterait de ces amendements risquerait de peser avant tout sur la trésorerie des petits fournisseurs du bâtiment, qui seraient moins résistants en cas de difficultés de trésorerie. En effet, ces petites entreprises du bâtiment, compte tenu de leur faible poids individuel face aux négociants, n’ont déjà de fait pas droit à un délai de paiement de quarante-cinq jours ; les négociants leur accordent trente jours en règle générale.
Dans un secteur particulièrement pourvoyeur d’emplois et si sensible à la conjoncture économique, cette mesure risquerait de mettre en difficulté un grand nombre de petites entreprises.
Cette dérogation, aux termes de laquelle le délai de paiement passerait de quarante-cinq jours à soixante jours date d’émission de la facture, ne sert en réalité, à nos yeux, que les entreprises du bâtiment importantes, qui ne sont certes pas en grande forme, mais en faveur desquelles le Gouvernement a, je le rappelle, mis en place des plans spécifiques.
Ainsi, pour contribuer à résoudre les difficultés de trésorerie propres aux entreprises du bâtiment, d’autres mesures d’adaptation du cadre normatif ont été introduites à l’article 61 de ce projet loi ; ces mesures ont pour objet de réduire les délais paiement des clients en y intégrant des délais de vérification des travaux.
Les arguments avancés par les auteurs de ces quatre amendements identiques ne sont pas à rejeter d’emblée, mais l’adoption de cette dérogation, par un effet domino, pourrait avoir des conséquences tout à fait défavorables sur l’économie française.
J’insiste donc pour que le Sénat rejette ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Je veux simplement préciser que, dans le bâtiment, l’allongement des délais de paiement trouve en réalité son origine en aval, auprès du client final.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que, au cours de la première lecture, vous avez émis un avis défavorable sur l’un de nos amendements qui visait précisément à encadrer les délais de paiement du client final ; l’adoption de cette mesure aurait en grande partie réglé le problème !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Les positions qu’ont exprimées les uns et les autres sont tout à fait respectables, mais, au fil du débat, elles me paraissent être souvent contradictoires, y compris sur le sujet de la concurrence.
Pourquoi une majorité des membres de mon groupe ont-ils cosigné l’amendement n° 55 rectifié et pourquoi le soutenons-nous, à l’instar de la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et de la Fédération française du bâtiment ?
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que les fabricants d’automobiles vivaient des moments difficiles. Je l’entends, mais les artisans, dont nous avons besoin dans nos départements,…
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jacques Mézard.... vivent eux aussi, et par dizaines, par centaines de milliers, des moments très difficiles, pris qu’ils sont entre leurs fournisseurs et leurs clients.
Quand vous êtes à la tête d’une entreprise de bâtiment comptant trois, quatre ou dix salariés et que vous attendez que vos clients vous paient, sachez que ces derniers se moquent comme de l’an quarante des délais de paiement, même si ceux-ci sont stipulés dans les conditions générales de vente, sur le devis ou sur la facture. Les clients paient quand ils le veulent bien !
Il faut en être conscient et prendre des mesures spécifiques qui permettront de conserver ce tissu économique dont nous avons impérativement besoin.
Nous ne campons pas sur des positions de principe, mais, là encore, monsieur le ministre, il faut parvenir à un équilibre et tenir compte de la réalité du terrain.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Quels doivent être les délais de paiement ? Trente jours ? Quarante-cinq jours ? Quatre-vingt-dix jours ? Il est difficile d’en décider sans entrer dans le fonctionnement même de chaque entreprise. En revanche, les banques françaises, à la différence de ce qui se passe chez nos amis et voisins allemands, ne jouent pas leur rôle et se défaussent complètement sur les entreprises, qui doivent dès lors puiser dans leur trésorerie pour les suppléer. Ce n’est pas normal !
Cela fait des années qu’on le dit, qu’on le répète, et l’on n’arrive pas à faire passer ce message. Ou bien, quand il passe, il n’est pas entendu !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il faut nationaliser les banques ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Bécot. Je ne vous accuse pas, monsieur le ministre, mais il y a un réel travail à faire en la matière. Alors, profitons de l’occasion qui nous est offerte pour essayer d’avancer. Je vous assure que les entreprises seront derrière vous !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié, 78 rectifié, 115 rectifié et 155 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! sur certaines travées de l'UMP.)
L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Fichet, Roger, Besson et Chiron, Mme Emery-Dumas et M. Poher, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 9
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les délais de paiement mentionnés au neuvième alinéa du présent I ne sont pas applicables aux achats, effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, pourvu que le délai convenu par les parties ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Dans l’hypothèse où les biens ne recevraient pas la destination qui a justifié la présente dérogation, les pénalités de retard mentionnées au douzième alinéa du présent I sont exigibles. Le présent alinéa n’est pas applicable aux grandes entreprises mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. »
II. – En conséquence, alinéa 19
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les délais de paiement mentionnés au présent article ne sont pas applicables aux achats, effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, pourvu que le délai convenu par les parties ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Dans l’hypothèse où les biens ne recevraient pas la destination qui a justifié la présente dérogation, les pénalités de retard mentionnées au douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 sont exigibles. Le présent alinéa n’est pas applicable aux grandes entreprises mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. » ;
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement a pour objet de renforcer la compétitivité de nos entreprises exportatrices.
Il tend à tenir compte de la situation très particulière pour les délais de paiement des entreprises de négoce tournées vers la grande exportation.
La loi de modernisation de l’économie a plafonné les délais de paiement contractuel à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de l’émission de la facture. Cette disposition a amélioré sensiblement les pratiques commerciales interentreprises. Elle apparaît, toutefois, comme un handicap pour nos entreprises exportatrices, soit que celles-ci ne puissent obtenir de leurs clients des délais de paiement aussi brefs, alors que la marchandise peut mettre des semaines à parvenir à destination, en particulier par le transport maritime, soit qu’il leur faille faire face à des concurrents étrangers qui, n’étant pas soumis à ces mêmes délais, peuvent se montrer plus arrangeants et, donc, plus attractifs.
Ces délais imposés par la LME constituent un frein important à l’activité de nos entreprises exportatrices
Hors Union européenne, les délais de paiement pratiqués peuvent, en effet, se révéler significativement plus longs, courant parfois jusqu’à cent vingt jours, voire beaucoup plus. Cette situation confère aux productions hors Union européenne un avantage comparatif évident, avantage résultant d’une simple distorsion légale.
Alors que le redressement de la balance commerciale de notre pays est une priorité, nous proposons donc, pour le grand export, c’est-à-dire pour les marchandises dont la destination finale est située hors de l’Union européenne, que les délais de paiement soient convenus librement entre les parties.
Les délais des paiements convenus sur le fondement de cette dérogation ne sauraient, dans le respect de la réglementation européenne, constituer des abus manifestes à l’égard du créancier.
Cet amendement prévoit des pénalités en cas d’usage détourné de la dérogation, par exemple, dans le cas où le bien ne recevrait pas la destination qui a justifié la dérogation.
L’amendement que je soutiens tend donc à exonérer du respect des délais légaux en matière de paiement l’achat de marchandises destinées à l’exportation hors Union européenne.
Il doit donner un peu d’oxygène aux entreprises françaises qui pratiquent le grand export, dont il est illusoire de penser qu’elles peuvent respecter des délais de paiement à quarante-cinq jours, alors que leurs clients se situent sur d’autres continents.
À l’heure où le Président de la République souhaite redonner confiance à nos entrepreneurs, nous devons soutenir fortement cette mesure attendue par les entreprises qui pratiquent le grand export. L’avenir de l’export français en dépend.
Cet amendement constitue enfin une mesure concrète et facilement applicable par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, pour soutenir nos entreprises de négoce international.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Comme sur le dossier précédent, je dirais que les exceptions sont, pour les délais de paiement, la pire des choses ! Ils s’aggravent de 20 % environ en France. Bien sûr, ce sont les plus petits qui paient le tribut, et ils le paient cher !
Les délais de paiement à l’exportation constituent-ils une situation singulière ? Au 16 mars 2013, date butoir de transposition de la directive 2011/7/E du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement sont en principe limités à soixante jours civils en Europe. Or 70 % des exportations françaises ont pour destination le territoire européen.
De plus, la troisième action prévue dans le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi - le rapport Gallois - soulignait l’importance du respect des délais de paiement, ce qui fait cruellement défaut en France et ce qui nuit à la compétitivité française. Si cet amendement était adopté, comme les quatre identiques que le Sénat a précédemment votés, nous irions à l’encontre de cette exigence.
J’en viens aux exportations hors Europe.
Les contrats de vente internationale de marchandises sont régis par la convention des Nations unies du 11 avril 1980, dont l’article 59 renvoie aux clauses contractuelles et ne fixe aucun délai maximum de paiement.
L’Observatoire des délais de paiement souligne, dans son rapport, le très grave problème que nous rencontrons aujourd’hui. Actuellement, les questions de l’export se posent moins en termes de délais de paiement que sous l’angle de la compétitivité et de l’importance qui s’attache à orienter notre économie vers l’exportation. Les vingt mesures du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi sont de nature à aider les entreprises qui pratiquent l’export à l’international.
La Franche-Comté, pour prendre un exemple que je connais bien, exporte 55 % de sa production. On se bat – on essaie de se battre ! – pour obtenir de bons délais de paiement.
Défaisons-nous de l’idée que l’allongement des délais de paiement réglera le problème des entreprises ! C’est, au contraire, en obtenant de bons délais de paiement, en ayant une vraie compétitivité et en étant innovantes que nos entreprises pourront aller très loin dans la conquête des marchés à l’international.
Chers collègues, songez bien que chaque fois que l’on obtient des délais de paiement plus longs, c’est au détriment de quelqu’un d’autre. Les grandes entreprises du bâtiment, celles qui ont une activité à l’international, sont très contentes dès que nous décidons d’allonger certains délais de paiement. Il n’en va pas de même pour les plus petites entreprises, car ce sont elles qui paient, et qui paient très cher !
J’ai travaillé six mois sur cette question et j’ai été assez impressionné par ce que nous ont dit des représentants d’entreprises de taille intermédiaire. La loi de modernisation de l’économie a été négociée avec eux pendant des mois. Ils y ont cru ! Aujourd’hui, parce qu’ils attendent des parlementaires qu’ils les écoutent, ils nous alertent : continuer d’accorder des dérogations et donc des délais supplémentaires, c’est risquer de casser le ressort économique du pays. Car si le CAC 40 ne se porte pas trop mal, c’est, en revanche, très dur pour les PME, qui subissent souvent les décisions que nous prenons, dont il faut remarquer qu’elles vont souvent à l’encontre de leurs intérêts !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Ce que je viens d’entendre est trop énorme pour que je laisse passer le propos sans réagir !
Au cours des vingt dernières années, le trafic de marchandises vers la Chine et les pays asiatiques en général a doublé. Nous fournissons le monde entier. Il est illusoire de penser pouvoir fixer des délais de paiement sur le monde entier, sauf à se moquer des 30 % que représente aujourd’hui le « hors Europe », qui ne pense qu’à passer à 30 %, à 40, % ou à 50 %, si c’est possible !
Je suis l’élu d’un département qui exporte dans le monde entier des avions et des navires, la France achetant assez peu d’avions et assez peu de navires, je parle sous le contrôle de l’un de mes collègues…
Or les délais de paiement sont négociés dans le contrat initial de cession et les garanties bancaires sont apportées parce qu’on retrouve là (M. Martial Bourquin, rapporteur, proteste.)…
Monsieur le rapporteur, vous avez étudié le dossier pendant six mois, dites-vous, et vous avez fait quantité d’études sur tous les sujets ! À vous en croire, vous avez déjà étudié soixante-dix ans, monsieur Bourquin ! Cela suffit ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)