Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Quelle étrange déclaration, monsieur Yung ! Je sais bien qu’il est tard et que nous sommes tous fatigués, mais tout de même !
Qu’y a-t-il de surprenant à ce que les dispositions d’un amendement déposé par les membres du groupe UMP correspondent peu ou prou aux positions de la formation politique à laquelle ceux-ci appartiennent ? Je ne comprends votre surprise, monsieur Yung.
M. Richard Yung. Dites les choses clairement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela ne nous gêne pas !
M. Philippe Dallier. En quoi cela nous gênerait-il ? Est-il interdit dans ce pays de parler de la régulation de l’immigration ? Est-il interdit – le Sénat le fait pourtant – de s’intéresser aux problèmes des demandeurs d’asile et au détournement de cette mécanique qui permet à des dizaines de milliers d’émigrants économiques d’entrer sur le territoire, de bénéficier de l’allocation temporaire d’attente et de l’AME, alors que nous savons bien qu’ils sont ici pour des raisons économiques et non pour des raisons liées au droit d’asile ? Ne peut-on débattre de tout cela ?
Peut-être faudrait-il réfléchir, monsieur Yung, à la manière dont vous présentez les choses. À force de laisser penser aux Français que nous ne voulons pas débattre et qu’il faudrait, à coups de grands sentiments, supprimer toute contribution à l’AME ou encore éviter de débattre de tout sujet, vous faites le jeu des extrêmes ! Et c’est bien cela le plus dangereux.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Dallier, P. André, Belot, Gilles, Grignon, Houel, B. Fournier et Mayet, Mme Procaccia, M. Bécot, Mme Boog, MM. Cardoux, Cléach et de Legge, Mme Des Esgaulx, MM. Lefèvre, Leleux, Portelli, Savary, Charon, Beaumont, J.P. Fournier, G. Bailly, Bizet et Gaillard, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. du Luart, Huré, Pierre, Grosdidier, Legendre et Retailleau, Mme Hummel, MM. Reichardt et Milon et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Le projet de loi de finances pour 2013 avait doublé le prélèvement sur l’épargne salariale, mécanisme issu des lois sur la participation permettant aux salariés, y compris les plus modestes, de se constituer une épargne.
Ce dispositif permet également aux entreprises, monsieur le ministre, de se constituer des fonds propres. Je me souviens qu’un grand groupe comme Eiffage a pu échapper à un prédateur grâce aux actions du fonds d’épargne de ses salariés.
M. Philippe Dallier. La Société générale également !
M. Francis Delattre. En taxant davantage la participation, vous vous en prenez une nouvelle fois au pouvoir d’achat de nombreux salariés. Voilà qui est tout de même incroyable : c’est un gouvernement de gauche qui s’initie à la pratique des prélèvements sur les fonds d’épargne salariale !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas si incroyable !
M. Francis Delattre. Pourtant, tout le monde pense que ne pas associer le capital et le travail constitue un véritable handicap pour notre pays. Les fonds de participation, dont les fonds d’épargne salariale sont les héritiers, étaient une tentative de gommer ce problème. M. le président de la commission des finances, gaulliste historique, se souvient sans doute du long cheminement nécessaire pour y parvenir.
Cet amendement tend donc à revenir à un prélèvement plus raisonnable, au taux de 10 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de cet amendement entraînerait un manque à gagner de près de 1,8 milliard d’euros pour les organismes de sécurité sociale, qui devrait être compensé par la hausse d’une autre recette fiscale ou sociale. M. Delattre n’a pas précisé comment cela se ferait.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Grâce aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ! (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 123, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 104 du livre des procédures fiscales, après les mots : « en recouvrement, », sont insérés les mots : « soit une copie de la déclaration d’impôt, ».
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 122, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le débiteur, qui n’a pas encore engagé de poursuite judiciaire, est dispensé de constituer des garanties sur le montant des droits contestés. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 163, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Baylet, Barbier, Bertrand, Collombat et Esnol, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le quatrième alinéa de l’article L. 330-5 du code de la route est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 156, présenté par M. Delahaye et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les opérations de travaux et de réorganisation des sites du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’écologie et du développement durable financées au sein de l’action 01 du programme 723 au sein du compte spécial "Gestion du patrimoine immobilier de l’État" visé dans la loi n° …du … de finances pour 2014 sont suspendues.
Cette suspension prend fin après remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement justifiant l’engagement des sommes prévues par la loi de finances pour 2014 au titre de ces opérations.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. La question dont il s’agit ici mériterait un débat plus long que celui que nous autorise l’heure tardive.
Je suis surpris par la politique immobilière de l’État, ainsi que par son coût. J’ai déjà eu l’occasion de le dire l’an dernier, lors de nos discussions sur l’autorisation de programme qui avait été ouverte dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui prévoyait le déménagement du ministère de l’écologie dans le quartier de la Défense, pour une somme de 900 millions d’euros environ. Ce montant me paraissait démentiel, au regard du nombre de personnes concernées et de l’état des finances de notre pays.
Cette année, la mission « Action extérieure de l’État » présente une opération d’investissement visant à réaménager 2 000 mètres carrés au Quai d’Orsay, pour une somme de 30 millions d’euros, soit 15 000 euros le mètre carré ! Les parlementaires qui dirigent des collectivités et ont déjà réalisé des travaux apprécieront. Pour ma part, je sursaute quand le prix de ces derniers atteint 3 000 euros par mètre carré.
Il semble donc nécessaire d’obtenir des précisions sur cette opération. Une meilleure expertise permettrait de ne pas se lancer dans des dépenses somptuaires, alors que, je vous le rappelle, nous cherchons de l’argent un peu partout. Selon moi, cette dépense n’est pas une priorité.
Cet amendement tend donc à suspendre cette opération, jusqu’à ce qu’un rapport du Gouvernement sur le sujet soit remis au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à suspendre des opérations immobilières importantes. Ce faisant, nulle économie de dépense : son adoption n’entraînerait rien d’autre que de coûteux retards ! Dès lors, il me semble préférable de laisser les choses avancer : je ne vois pas l’intérêt de voter un amendement qui alourdirait encore la facture.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Les arguments donnés par M. le rapporteur général ne me satisfont absolument pas. La suspension d’une opération coûterait plus cher que sa réalisation si elle était déjà entamée. Or tel n’est pas le cas, puisque les crédits dont nous parlons figurent en autorisation de programme dans le projet de loi de finances pour 2014 !
J’aimerais donc avoir plus de précisions sur cette opération, que j’estime somptuaire. Il faut utiliser l’argent public avec précaution. Selon moi, je le répète, il est démentiel de payer 30 millions d’euros pour réaménager 2 000 mètres carrés.
Mme la présidente. L’amendement n° 158, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er juin 2014 un rapport établissant le nombre, les missions, le coût et l’évaluation des ambassadeurs itinérants.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise, lui aussi, le ministère des affaires étrangères, mais sur un tout autre sujet. Il a trait, en effet, aux ambassadeurs itinérants ou thématiques, un sujet cher à Nathalie Goulet.
Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juin 2014, un rapport établissant le nombre, les missions, le coût et l’évaluation des ambassadeurs itinérants.
Il semble qu’il ait été question, à un moment, de les supprimer ou d’en réduire le nombre. Pourtant, de nouvelles nominations d’ambassadeurs itinérants ont été annoncées. Depuis le temps que nous demandons des précisions sur le sujet, nous serions heureux de les obtenir enfin !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les travaux de Richard Yung, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l’État » pour le projet de loi de finances pour 2014, nous ont déjà bien informés sur cette question. Avec Mme Goulet, qui nous a alertés à plusieurs reprises sur le même sujet, il partage la préoccupation de nous éclairer davantage.
M. Richard Yung. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Toutefois, si je comprends l’esprit de cet amendement, j’en suggère le retrait, car le rapport demandé ne me paraît pas nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je suis ravi que M. le ministre s’en remette à la sagesse du Sénat. J’espère que notre assemblée en fera preuve !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 44.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec l’examen des articles du projet de loi.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération sur les articles 7 bis, 10 bis A, 10 bis B, 10 bis C, 10 bis D, 12 bis A, 12 bis B, 12 ter A, 13 bis A, 16, 17 bis, 22 et 27.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est beaucoup !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En outre, conformément à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et à l’article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à un seul vote sur les amendements de cette seconde délibération, ainsi que sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.
Mme la présidente. En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat qu’il soit procédé à une seconde délibération sur les articles que M. le ministre vient d’énumérer.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, c’est un avis personnel du rapporteur général de la commission des finances que je vous donne.
Sur les articles évoqués par M. le ministre, j’ai soutenu des positions qui ont été peu à peu édulcorées, voire battues en brèche, au fil des votes qui sont intervenus. Je suis, bien évidemment, partisan de réintroduire dans le texte du projet de loi les éléments que j’avais défendus, mais qui ont été supprimés en séance.
J’émets donc un avis favorable sur cette demande de seconde délibération.
Mme la présidente. Je vais consulter le Sénat sur la demande de seconde délibération.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UDI-UC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Madame la présidente, afin que les membres du groupe socialiste puissent délibérer entre eux, je sollicite une suspension de séance d’une durée d’une heure. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Peut-être aurons-nous besoin d’un peu moins de temps.
Mme la présidente. J’accepte de suspendre la séance pour quelques instants, ma chère collègue.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à une heure vingt-cinq, est reprise à deux heures.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà, à la fin de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013, dans une configuration quelque peu originale.
Les quatre-vingt-treize articles dont nous avons débattu ont eu à subir quelques votes défavorables, qui les ont soit modifiés, soit supprimés, ce qui place le Sénat dans une position tout à fait particulière eu égard aux préoccupations du Gouvernement. Nous savons de quelle situation ce dernier a hérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Cela commence à faire rengaine !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les rires de M. Delattre paraissent bien gênants en de telles circonstances.
M. Francis Delattre. Je ne ris pas, je trouve que cela fait rengaine !
Mme Michèle André. Et nous allons continuer !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le Gouvernement a dû faire face à un endettement démentiel – jamais la dette n’avait connu une telle augmentation pendant un quinquennat en France –…
M. Francis Delattre. Vous avez fait 300 millions d’euros de dette en dix-huit mois !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et à des déficits non maîtrisés. À l’intérieur du pays, la productivité est en chute libre, la compétitivité de la France catastrophique, le commerce extérieur dégradé, etc.
Tout gouvernement, quel qu’il soit, serait donc contraint de se plier aux exigences formulées aujourd'hui en matière de gestion des finances publiques.
Ces exigences se manifestent à l’intérieur de nos frontières. Elles sont également exprimées par nos partenaires européens. Bref, le Gouvernement s’est attelé à une tâche particulièrement exigeante. Si la situation n’était pas meilleure à l’issue de ce quinquennat, les Français ne nous le pardonneraient pas, mes chers collègues. Nous devons en effet tenir compte des générations futures, qui attendent de nous que nous commencions à corriger les erreurs qui ont été commises pendant toutes les années passées.
M. Francis Delattre. Et ces dix-huit derniers mois !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’objectif du projet de loi de finances pour 2014, qui a fait l’objet de discussions au Sénat voilà quelques jours, on l’a dit cent fois, était d’assainir les finances publiques, de diminuer le déficit et d’améliorer l’état de la dette. Or, face à cette volonté du Gouvernement, un certain nombre de forces représentées au Sénat ont mené une action conjuguée pour dégrader le solde de la dette de plus de 10 milliards d’euros.
Au cours de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, la même philosophie d’irresponsabilité, face à l’exigence fondamentale d’assainir les finances publiques de notre pays, s’est manifestée de nouveau.
M. Francis Delattre. Vous n’avez rien assaini du tout, vous aggravez la situation !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les vociférations de notre collègue Delattre illustrent parfaitement mon propos !
Avec ce projet de loi de finances rectificative, les incidences attendues sur les recettes pour l’exercice 2014 étaient relativement neutres : nous aurions trouvé une forme d’équilibre, autour de 40 millions ou 50 millions d’euros. Au lieu de quoi, les votes intervenus au Sénat contribuent à dégrader le solde de plus de 5 milliards d’euros pour l’exercice à venir.
M. Francis Delattre. Vous l’avez déjà dit !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est le résultat des décisions que vous avez prises avec vos amis, monsieur Delattre !
M. Francis Delattre. Nous sommes fiers d’avoir renforcé le pouvoir d’achat des Français !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La démarche de l’opposition aujourd'hui au Sénat est claire.
Je le rappelle, lorsque la gauche est devenue majoritaire dans cette assemblée il y a deux ans et que s’est présentée la loi de finances pour l’exercice 2012, Nicole Bricq était rapporteur général et la préoccupation de l’opposition de l’époque, c'est-à-dire de la gauche, fut de restaurer le solde des finances publiques de la France. Nous avons proposé une amélioration de plus de 10 milliards d’euros de ce dernier, grâce à une baisse des dépenses et à une augmentation des recettes.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Grâce à une très forte augmentation des impôts ! C’était un signe avant-coureur de la politique suivie après 2012.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons amélioré le solde de plus de 10 milliards d’euros ! La situation était grave et nous avons plutôt fait montre de la responsabilité qui était attendue de nous.
À l’inverse, aujourd'hui, avec l’opposition, nous baignons dans l’irresponsabilité.
M. Philippe Dallier. C’est cela !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Qu’importent la dégradation du solde et les dizaines de milliards d’euros de déficit supplémentaires, ce qui compte avant tout est de faire valoir un certain nombre d’idées générales ou de préoccupations relevant d’une dynamique libérale. Très clairement, mes chers collègues, cette situation me paraît inacceptable et peu susceptible de valoriser l’image du Sénat.
Tout au long de l’examen des quatre-vingt-treize articles qui composent ce texte, dont la philosophe était de préserver autant que faire se peut l’équilibre des comptes publics, j’ai été amené, parfois de façon assez désagréable pour certains d’entre vous, à émettre un avis défavorable sur des amendements, faute de moyens financiers.
Certes, il n’est jamais agréable d’essuyer un refus. Pour autant, j’avais le sentiment, en défendant cette position, d’être fidèle aux attentes de nos concitoyens, qui espèrent un rééquilibrage de nos finances publiques. J’observe, malheureusement, que cette ligne n’est pas partagée par tous.
Ce soir, nous nous trouvons donc face à un projet de loi de finances rectificative totalement dénaturé par un certain nombre de mesures – exonérations fiscales, heures supplémentaires, relèvement du plafond du quotient familial, limitation de la portée du plafonnement global des avantages fiscaux, modifications de la TVA, caractère incitatif de la réforme des plus-values immobilières, etc. – qui dégradent le solde de la dette de plusieurs milliards d’euros.
Dans ces conditions, il ne serait pas responsable de participer à un vote sur un texte aussi dénaturé. Je propose donc au Sénat le laisser les groupes politiques qui veulent assumer cette situation d’irresponsabilité à l’égard des finances publiques voter la forte dégradation qu’ils ont mise en place au travers de leurs choix.
Pour ma part, je recommande à nos collègues de ne pas prendre part à cette mascarade, qui dégrade de façon tout à fait inacceptable le solde des finances publiques, et de ne pas participer au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. M. le rapporteur général a parfaitement résumé la situation, qui est tout à fait originale – fort heureusement pour le Sénat et pour nous-mêmes, d’ailleurs.
Cette situation curieuse ne permet pas ce soir à notre assemblée de se prononcer sur un projet de loi qui refléterait à la fois nos débats et nos sensibilités. Le texte auquel nous sommes parvenus est un assemblage hétéroclite, fait d’articles additionnels sans lien avec le texte initial. Il est le fruit de votes qui se sont ajoutés, sans véritable résultat positif.
La demande de seconde délibération faite par le Gouvernement a été rejetée. Elle aurait pourtant pu permettre à chacun de se prononcer sur le fond. Faute d’accord sur cette procédure, les groupes de la majorité gouvernementale ne peuvent prendre part au vote, comme l’a souligné François Marc.
Voter pour ce texte reviendrait à voter contre le Gouvernement et les choix qu’il a opérés, alors que nous lui témoignons notre soutien depuis le premier moment ; voter contre ce texte reviendrait à reproduire un scénario récent, qui n’a grandi personne lors du débat sur les retraites !
Le groupe socialiste – certains autres groupes de la majorité partagent ce point de vue, qu’ils exprimeront sans doute – regrette ce blocage et n’accepte pas de cautionner cette mascarade. En tout état de cause, il ne participera pas au vote.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le rapporteur général, vous avez affirmé que la situation du pays se serait imposée à tout gouvernement, quel qu’il eût été. Convenez tout de même que le décalage avec le discours tenu pendant la campagne électorale de 2012 est assez significatif !
M. Philippe Dallier. On est d’accord !
M. Éric Bocquet. Combien de temps encore allez-vous, les uns et les autres, vous lancer à la figure vos déficits respectifs ? C’est ce discours qui désespère nos concitoyens et les éloigne des élus que nous sommes tous.
Vous avez sans doute, comme moi, entendu le terrible constat de notre collègue député Jean Lassalle, qui vient d’achever son tour de France : 6 000 kilomètres, huit mois et des centaines de personnes rencontrées. Son constat principal est celui-ci : « Ils nous détestent » !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous y compris !
M. Éric Bocquet. Le fossé se creuse et les choix politiques entérinés, répétés, sur lesquels on insiste, conduisent à cette désespérance et à ce discrédit.
Vous avez fait référence, monsieur le rapporteur général, au projet de loi de finances pour 2012 voté à la fin de l’année 2011 par toute la majorité de gauche nouvellement élue au Sénat. C’était un budget de gauche ! L’année suivante, les choses ont changé, et le budget présenté par l’actuel gouvernement n’a pu réunir la même majorité de gauche, pourtant toujours en place au Sénat.
Concernant le projet de loi de finances rectificative pour 2013, dont nous venons de discuter, je ne suis pas certain que l’optimisation des placements des contribuables faisant partie des 10 % des ménages les plus aisés soit forcément une priorité dans l’esprit de nos concitoyens, surtout lorsque l’on prolonge l’attaque contre le quotient familial et la demi-part des parents veufs ou divorcés et lorsque d’aucuns évoquent désormais, pour faciliter la mise en place de la retenue à la source, la mise en cause du quotient conjugal.
M. Philippe Marini. Ah ?
M. Éric Bocquet. Nous venons d’apprendre en effet, à notre plus grande stupéfaction, que les femmes salariées dans notre pays étaient moins payées que les hommes au motif qu’existait le « quotient conjugal », qui assimilait le salaire féminin à un revenu d’appoint.
Au demeurant, certains ont dû apprendre avec quelque satisfaction que notre pays comptait officiellement 3 millions de salariés au SMIC, soit 500 000 de plus en un an, signe que les politiques dites « d’allégement du coût du travail », qui porteront bientôt le paquet de cigarettes à 7 euros l’unité, étaient largement approuvées par leurs mandants.
Je passe rapidement sur les termes des amendements qui ont été examinés. Ceux de notre groupe étaient attachés à produire un équilibre entre mesures favorables au plus grand nombre et recettes fiscales nouvelles.
Que de sollicitude encore pour les entreprises ! Cadeaux fiscaux nombreux en cette période de l’avent, mais pour quelle efficacité ? Lorsqu’un crédit d’impôt pour les jeux vidéo coûte quelques millions d’euros, mais que le secteur enregistre une perte de dix mille emplois, c’est que la solution du crédit d’impôt n’est pas la bonne et qu’il faut faire autre chose.