M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Être autonome est l’une des conditions essentielles pour avoir une vie équilibrée et heureuse. C’est vrai à tous les âges et ça l’est manifestement plus encore pour les personnes âgées.
Le Président de la République et le Premier ministre vous ont confié, madame la ministre, une tâche immense. En effet, le Gouvernement a inscrit parmi ses priorités l’anticipation et la prévention de la perte d’autonomie.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. C’est vrai !
M. Claude Domeizel. Pour reprendre les termes de l’une de vos déclarations, madame la ministre, « il n’y a pas de fatalité ; il est des situations sur lesquelles nous pouvons et nous devons agir pour préserver l’autonomie ».
Au cœur de la prévention, vous avez lancé le dispositif MONALISA. Quel bel acronyme, frais et souriant, pour dénommer une mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Qui peut nier l’importance du lien social dans la préservation de l’autonomie ? C’est un sujet essentiel partout, dans les villes comme dans les zones rurales. Qu’il s’agisse de l’adaptation des logements, de la téléassistance, des actions collectives, des ateliers associatifs portant sur l’activité physique ou la nutrition ou encore de l’aide à domicile, voilà autant de leviers pour la préservation de l’autonomie.
Madame la ministre, selon quel calendrier et avec quels partenaires comptez-vous mettre en œuvre ces orientations ?
Au moment où s’engage cette concertation, quelle place comptez-vous accorder aux caisses de retraite pour ce qui concerne le volet « anticipation » de votre projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement ? Allez-vous répondre au besoin de clarification de leur fonction dans le champ de la gérontologie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Encore une question écrite par le cabinet !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné, le volet « anticipation et prévention » du projet de loi que nous présenterons au Parlement l’année prochaine est tout à fait essentiel : c’est le moteur même de ce texte.
Les nombreux baby-boomers, qui vieillissent, sont les premiers à accompagner massivement leurs parents dans le très grand âge, et ils ne veulent plus aujourd'hui se laisser surprendre : ils souhaitent anticiper et se préparer à cette nouvelle étape.
Les caisses de retraite jouent d’ores et déjà un rôle très important en la matière : elles accompagnent les retraités, les informent, les conseillent, et elles développent la culture de l’autonomie non seulement au moment du passage à la retraite, mais aussi tout au long de l’avancée en âge.
Elles ont orienté leur action sociale vers la préservation de l’autonomie, en faisant preuve d’un grand sens de l’innovation et en engageant une coordination entre les différents régimes. Elles développent une vision large de cette prévention, à la fois individuellement, sur les comportements favorables, et, collectivement, sur la dimension sociale. Elles financent des ateliers collectifs, que vous avez évoqués, et elles contribuent à l’amélioration des logements avec l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et au financement des logements-foyers et des résidences sociales.
Enfin, elles assurent le maintien à domicile des personnes relevant des GIR, les groupes iso-ressources, 5 et 6, c'est-à-dire les personnes en début de perte d’autonomie quand celles-ci connaissent des difficultés sociales. Sans ces caisses de retraite, ces personnes ne pourraient pas demeurer chez elles.
Les caisses de retraite interviennent également sur le lien social. À cet égard, vous avez souligné, monsieur le sénateur, la mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, le dispositif MONALISA. Elles y participent activement dans huit départements témoins, ce qui donne de très grands espoirs quant à la reprise du lien social pour toutes les générations.
La place des caisses de retraite dans la prévention est donc d’ores et déjà reconnue. Toutefois, nous allons plus loin. Nous engageons, avec les partenaires sociaux qui en sont les gestionnaires, un dialogue sur le renforcement de la convergence entre les régimes dans les différentes actions menées, et ce dans le prolongement des actions qu’elles ont amorcées, afin de formaliser un socle commun de l’action sociale, garantissant un égal accès à une politique publique nationale de prévention de l’autonomie.
Sur la base de ces travaux, nous devons améliorer la coordination de ces politiques avec les conseils généraux, dont le chef de filat sera confirmé dans le cadre de la future loi et qui travailleront en partenariat avec les agences régionales de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
rythmes scolaires
M. le président. La parole est à M. Joël Billard.
M. Joël Billard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, à la suite de la publication de votre décret concernant les rythmes scolaires, l’inquiétude et la colère des élus, des enseignants et des parents d’élèves ne s’apaisent pas.
À l'évidence, proposer au niveau national une réforme de ce genre, qui puisse s’adapter à la fois à une école isolée dans une zone rurale et à un groupe scolaire implanté dans une grande ville est tout simplement irréaliste.
Un cadre national ne peut se concevoir sans dérogations tenant compte des contraintes locales et, bien entendu, de la spécificité des territoires ruraux. Comment, par exemple, faire venir une heure chaque jour une personne diplômée pour encadrer les enfants, à moins de mettre en place une garderie, ce qui ne correspond pas à l’esprit du décret, sans parler de l’organisation et du coût des transports ?
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP du Sénat a déposé, sur l’initiative de son président, une proposition de loi visant à permettre à chaque commune de s’organiser comme elle le souhaite pour proposer aux enfants et aux familles l’organisation la plus favorable.
Il semblerait que votre réforme ne permette pas d’agir positivement sur les rythmes biologiques de l’enfant, pourtant à la base du débat. Par ailleurs, si l’on en croit les expériences passées, les aménagements des rythmes scolaires seraient sans incidence sur les résultats des élèves. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
MM. François Marc et Yannick Vaugrenard. C’est faux !
M. Joël Billard. Il est facile de le constater, cette nouvelle organisation est techniquement très difficilement réalisable et financièrement inacceptable, d’autant que les communes doivent faire face, sur trois ans, à une baisse des dotations de fonctionnement. À titre d’exemple, cela représenterait, pour ma commune, environ dix points de fiscalité. Eu égard au ras-le-bol fiscal de nos concitoyens, cette nouvelle imposition n’est pas envisageable.
Monsieur le ministre, j’ai adressé une lettre à tous les maires de mon département pour demander au Gouvernement de renoncer à ce décret ou de laisser aux communes le libre choix de l’organisation du temps scolaire, tout en garantissant à celles-ci la compensation intégrale des charges.
M. David Assouline. C’est national !
M. Joël Billard. Je me suis toujours posé en défenseur de la ruralité et, aujourd’hui, je continue d’aider mes collègues maires, qui se débattent contre les multiples difficultés rencontrées.
M. Didier Guillaume. Il faut y mettre de la bonne volonté !
M. Joël Billard. Monsieur le ministre, écoutez les voix qui montent de la France profonde et apportez aujourd’hui à nos concitoyens la réponse qu’ils attendent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, votre question comprend de nombreux éléments.
Tout d'abord, si les rythmes scolaires n’ont véritablement aucune incidence sur les résultats scolaires, je ne m’explique pas pourquoi les groupes parlementaires, y compris le groupe UMP, avaient engagé, avec mon prédécesseur Luc Chatel, une si longue consultation, qui a abouti à la même conclusion…
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Vincent Peillon, ministre. … que celle de l’Académie nationale de médecine et de l’ensemble des pédopsychiatres. Dans votre jeunesse, vous aviez quatre jours et demi de classe !
M. Didier Guillaume. C’est la réalité !
M. Vincent Peillon, ministre. Il n’est pas légitime que la France soit le seul pays du monde à avoir, depuis 2008, quatre jours de classe. Vous l’avez vu récemment, cette situation a des conséquences sur le niveau scolaire des élèves.
M. Jacques Gautier. D'accord, mais qui paye ?
M. Vincent Peillon, ministre. À moins d’avoir totalement changé d’avis en l’espace de deux ans, ce qui serait étonnant, vous ne pouvez donc pas considérer que l’instauration de nouveaux rythmes scolaires ne serait pas bonne pour l’apprentissage, alors que tout le monde l’a établi et que c’est ce que vous affirmiez vous-mêmes lorsque vous étiez aux responsabilités.
Concernant votre autre question, il ne faut pas confondre deux choses : notre Constitution et le code de l’éducation. L’éducation est un service public national et il revient à l’État de fixer le temps scolaire.
M. Alain Gournac. Qu’il paye !
M. Vincent Peillon, ministre. Heureusement, l’organisation du temps scolaire est décidée par l’État. Cela a toujours été le cas et, en 2008, le retour aux quatre jours a été décidé sans consultation,…
M. Jean-Pierre Sueur. Aucune !
M. Vincent Peillon, ministre. … contrairement à ce que j’ai fait pour ma propre réforme.
En revanche – c’est sans doute ce qui pose un certain nombre de problèmes –, pour la première fois dans l’histoire des relations entre l’école et les collectivités, nous avons souhaité demander l’avis des maires… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Demander ?
M. Alain Gournac. Ils sont là pour payer !
M. Vincent Peillon, ministre. … et les impliquer dans ce que l’on appelle « la coéducation », afin de construire non seulement le temps scolaire, mais aussi le temps périscolaire.
M. Christian Cambon. Et les financements ?
M. Vincent Peillon, ministre. Le temps périscolaire, vous êtes absolument libre, aujourd'hui comme hier, de l’organiser ! Il n’y a aucune contrainte. Le temps scolaire est géré par l’éducation nationale, qui assumera les cours du mercredi matin, tandis qu’il revient aux collectivités locales d’organiser, comme elle le faisait hier, le temps après la classe. En la matière, vous devrez, les uns et les autres, prendre vos responsabilités.
M. Alain Gournac. Prendre notre carnet de chèques !
M. Vincent Peillon, ministre. Toutefois, il y a, vous avez raison, une nouveauté : pour la première fois, l’État prend part au financement, au travers, par exemple, de la Caisse nationale d’allocations familiales,… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C’est faux !
M. Vincent Peillon, ministre. … afin de vous permettre de mieux vous organiser. J’aimerais savoir ce que vous faisiez avant !
Le président de l’Association des maires ruraux de France a mis en place cette réforme dans sa commune et l’Association des maires de France, dont le président est un représentant de l’UMP, a indiqué que 80 % des maires ayant mis en place ce nouveau rythme scolaire en étaient satisfaits et que cela se passe mieux en milieu rural qu’ailleurs. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Bref, tout va bien !
M. Vincent Peillon, ministre. N’hésitez donc pas à consulter vos collègues ! Ils vous montreront comment ils font.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Rendez-vous au mois de mars prochain !
M. Didier Guillaume. Nous y serons !
M. Vincent Peillon, ministre. Pour le reste, il y a peut-être une part de mauvaise volonté. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Finalement, peut-être ne portez-vous pas aux élèves et aux enfants un intérêt qui soit à la hauteur des exigences de notre pays. D’ailleurs, vous l’avez prouvé lorsque vous étiez aux responsabilités : vous n’avez rien fait pour l’école de la République, si ce n’est la détruire progressivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez rien compris !
M. Alain Gournac. Rendez-vous aux élections de mars prochain !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Accueil et habitat des gens du voyage
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 818 [2012-2013], texte de la commission n° 198, rapport n° 197, avis n° 193).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.
M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, manifestement, cette proposition de loi n’attire pas les foules dans l’hémicycle !
Quoi qu’il en soit, il me revient aujourd’hui de présenter un texte qui ne doit pas être confondu avec la problématique générale des personnes vivant de manière itinérante dans notre pays. Cette proposition de loi, très sectorisée à cet égard, n’est pas contradictoire avec celle que j’ai déposée moi-même après avoir été, pendant deux fois six mois, en 2005 et en 2011, parlementaire en mission sur ce sujet.
Je voudrais profiter du temps de parole qui m’est imparti pour tenter de tordre le cou à un certain nombre d’amalgames.
Ce sujet important est traité par une loi fondatrice, celle du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », du nom de Louis Besson, alors ministre du logement. Jean-Paul Delevoye en était le rapporteur au nom de la commission des lois, tandis que j’étais le rapporteur du texte au nom de la commission des affaires économiques.
Le texte que je présente aujourd'hui n’a pas vocation à être taxé d’électoraliste à l’approche d’échéances électorales locales et territoriales, puisque nous élirons le même jour les conseillers municipaux et les conseillers communautaires. Imaginez que nous ayons utilisé ce même genre d’arguments au motif que la loi Besson était discutée quelques mois avant les élections municipales de 2001 ! La même logique conduirait d'ailleurs à dire que, si la discussion de proposition de loi Raimbourg est prévue pour mai 2014, c’est pour reporter le débat après les municipales.
M. Antoine Lefèvre. Très bien ! Il fallait le dire.
M. Pierre Hérisson. Je ne crois pas un mot de tout cela ! Je le dis solennellement, nous sommes ici ce soir pour examiner ce texte, qui traite d’un sujet précis, et c’est tout.
J’ai occupé différentes responsabilités en lien avec ce sujet. J’ai été nommé une première fois parlementaire en mission par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et une seconde fois par le Premier ministre François Fillon. L’objet de ma mission était de faire évoluer le statut des gens du voyage pour tendre à le rapprocher le plus possible du droit commun.
J’ai lu, dans le rapport de la commission des lois, des interventions demandant l’abrogation de la totalité de la loi de 1969. Nous sommes un certain nombre à formuler la même demande, soutenue par l’Association des maires de France.
Je tiens à préciser, en accord avec mon collègue Jean-Claude Carle, qui s’est associé à cette proposition de loi, que le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a abrogé deux dispositions de la loi du 3 janvier 1969, supprimant notamment l’obligation faite aux gens du voyage d’être en possession d’un « livret » de circulation ou d’un « carnet » si elles n’ont pas de ressources régulières. Il ne me paraît pas utile de revenir sur ce sujet, sauf à décider d’abroger la totalité des carnets – il en existe encore deux.
Pour avoir été l’auteur de deux rapports sur le sujet, pour être intervenu à différentes reprises et, surtout, pour avoir été nommé par les Premiers ministres en exercice à plusieurs reprises président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, mais aussi représentant de la France à la commission Roms du Conseil de l’Europe, je veux prendre quelques minutes pour tordre le cou à certains amalgames.
Pour dissiper certaines confusions, je tiens à dire que les Roms sont des minorités ethniques issues, pour leur grande majorité, des pays de l’Est. Celles-ci doivent être gérées et traitées dans notre pays selon les lois et règlements sur l’immigration, en tout cas tant que les pays d’origine de ces minorités se trouvent dans la période transitoire, qui devrait normalement se terminer au 31 décembre 2013.
J’en profite pour dire que nous sommes nombreux à être en accord avec l’actuel ministre des affaires européennes, qui considère que ces pays n’ont pas aujourd’hui la capacité de faire respecter les nouvelles frontières de l’Europe. Il est urgent d’allonger la période transitoire pour pouvoir continuer à travailler sur ce sujet, qui est important et pour lequel le Conseil de l’Europe a émis un certain nombre de recommandations, dont certaines ont été votées par la France.
Je voudrais affirmer ici solennellement que les gens du voyage, ceux qui nous préoccupent aujourd'hui, sont aujourd’hui tous de nationalité française et tous des ressortissants de l’Union européenne. À l’exception de la problématique que je viens d’évoquer, il s’agit donc bien de traiter une question franco-française ! Je crois que c’est un point important pour la compréhension de ceux qui nous écoutent, de ceux qui nous lisent et de ceux qui sont à la peine sur ce dossier.
Avant d’évoquer le sujet précis qui nous occupe ce soir, je rappellerai les fondements de la loi de 2000, en particulier pour éviter certains amalgames qui, malheureusement, sont trop nombreux.
Tout d’abord, la loi du 5 juillet 2000 organise, dans le cadre de l’aménagement du territoire, les obligations faites aux communes de réaliser, sur le territoire national et à l’issue d’un schéma approuvé par le conseil général et par le préfet du département, l’accueil et le stationnement des gens du voyage, pour l’essentiel sur des terrains aménagés et prévus à cet effet. Il faut y ajouter le logement social adapté et les terrains familiaux, très rapidement cités dans la loi Besson.
Beaucoup d’entre nous voient dans ce volet une évolution en quelque sorte adossée au logement social. Elle concerne l’accueil des populations qui ont choisi de vivre de manière itinérante sur notre territoire, soit environ 400 000 personnes, dont la moitié est sédentaire ou semi-sédentaire. En effet, l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement des populations font que certains, un jour, ont envie de poser leurs valises et de vivre de manière sédentaire sur le territoire. Au printemps prochain, lors de la discussion de la proposition de loi Raimbourg, nous aurons beaucoup à dire à cet égard et nous devrons essayer de trouver un consensus.
Mes chers collègues, il y a un enjeu d’importance dans la discussion qui s’ouvre dans cette enceinte. Nous allons, en effet, essayer d’envoyer un signal à l’adresse des 500 000 élus locaux de ce territoire pour leur dire que les réclamations faites à l’issue de l’été 2013 portent essentiellement sur la problématique des grands passages. J’y reviendrai tout à l’heure.
Ce ne sont pas des maires de gauche, de droite ou du centre qui sont en cause. Ce sont des élus locaux qui expriment la préoccupation de leurs habitants et de tous ceux qui ont du mal à accepter le vivre-ensemble parce qu’un certain nombre de problèmes réels se posent. Tel est bien le sujet de cette proposition de loi.
J’ouvre une parenthèse pour rappeler qu’un ministre de la République française a signé en 2004 une recommandation du Conseil de l’Europe reconnaissant la caravane comme un logement ou une habitation. Toutefois, cette question n’est pas réglée, car la transposition de la recommandation en droit national suscite hésitations et tergiversations.
Par ailleurs, les grands rassemblements, tels qu’ils sont définis dans la loi Besson, sont de la compétence de l’État, et de lui seul. Monsieur le président de la commission des lois, votre département fait exception. C’est, en effet, le seul département français où les gens du voyage, en l’occurrence, l’association « Vie et lumière », ont acquis une propriété agricole de plus de cent hectares. C’est là que se déroule le rassemblement évangéliste du printemps, avec plusieurs milliers de caravanes. Nous nous y sommes rendus, et j’ai lu les commentaires que vous avez faits au sujet de notre déplacement à Nevoy.
Je dois le dire, pour la partie des grands rassemblements, les choses sont bien organisées par les services de l’État. Je le dis ici et je le dirais si une autre majorité était en place, comme j’ai eu l’occasion de le dire sous de précédentes majorités : l’État fait son travail dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la loi d’assurer l’organisation des grands rassemblements, qui dépassent parfois 30 000 personnes réunies au même endroit, dans des communes de moins de mille habitants.
Il arrive que les gens du voyage soient propriétaires des lieux. Dans ce cas, il est certain qu’ils s’y rendront tous les ans, voire deux fois par an. Le ministre de l’intérieur trouve cette solution plus facile que de trouver un terrain ailleurs, très souvent en milieu hostile. Sans faire de parallèle avec d’autres religions, Nevoy est ainsi en train de devenir le lieu de pèlerinage des évangélistes en France.
Ce dispositif fonctionne, tout comme l’article 1er de la loi Besson, relatif à la participation des communes à l’aménagement des aires d’accueil. On peut toujours imputer aux élus des retards dans la réalisation de ces dernières. Je le rappelle néanmoins, nous avons, sinon inscrit dans la loi, du moins affirmé ici même que le nombre de places dans les aires d’accueil aménagées devrait se situer à terme aux environs de 40 000. Or, à l’heure où nous parlons, 25 000 emplacements sont réalisés.
Certes, ce n’est pas suffisant, mais j’ai lu aussi, dans certains rapports qui n’ont pas de lien direct avec le vôtre, monsieur le rapporteur, que certains s’interrogeaient sur la nécessité des 40 000 places et se demandaient s’il ne fallait pas panacher entre des aires d’accueil aménagées et l’évolution plus rapide des terrains familiaux, afin de permettre des sédentarisations ou des semi-sédentarisations. En additionnant les unes et les autres, on devrait répondre à la demande formulée par cette moitié des 400 000 personnes qui sont, aujourd’hui, soit des voyageurs permanents, soit des voyageurs occasionnels ou saisonniers.
J’en viens au problème des grands passages. Comment les définir ? Il faudra compléter la loi, insuffisante à cet égard. L’origine des grands passages est à vocation cultuelle. Je ne dis pas qu’il faut écarter toute autre forme de grand passage, mais l’origine de ces derniers, ce sont les missions évangéliques, qui étaient censées faire des haltes sur le terrain en direction du lieu de rassemblement annuel.
Une évolution a donc eu lieu. La circulaire définit plus ou moins bien le grand passage : deux cents caravanes au maximum sur quatre hectares au maximum, avec les services publics de la commune à disposition, l’attribution de l’eau, de l’assainissement, des équipements publics et des réseaux publics nécessaires à une vie normale sur le territoire.
Le lien avec le raccordement électrique ne doit évidemment pas être empêché par les élus sur ce territoire, dès lors qu’il s’agit d’alimenter en électricité le terrain qui fait partie du schéma départemental.
Il est vrai que, sur ce point, on peut se demander pourquoi tant de difficultés sont survenues au cours de l’année 2013. Je pense, en particulier, à la Haute-Savoie. Pourtant, dans ce département, le schéma est appliqué. Il compte quatre aires de grand passage, dont l’une est fixe et trois sont mobiles. Le préfet est efficace, il a engagé des procédures et des expulsions, avec le concours de la force publique, pour faire respecter la loi et le schéma départemental.
Bien sûr, certains départements français sont plus concernés que d’autres par ces grands passages : si une dizaine d’entre eux voient une population importante de gens du voyage se déplacer sur leur territoire; dans une trentaine d’autres, on n’a jamais entendu parler de grands passages ni même de gens du voyage !
Pourquoi voulons-nous aujourd'hui donner un tel signal ? Certains ont dit que notre démarche répondait à une préoccupation électoraliste. Diverses explications ont été avancées. Moi, je prétends que cette proposition de loi est tellement ciblée sur les grands passages que, par définition, en quelque sorte, elle est déséquilibrée en ce sens qu’elle ne traite que d’une partie du sujet, notamment de ce qui a causé certains désordres publics et créé des difficultés que nous aborderons plus précisément au fur et à mesure de l’examen des amendements.
Je vous le dis d’emblée, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, nous voterons certains de ces amendements. En effet, dès lors qu’il s’agit, par exemple, de renforcer les pouvoirs du préfet, je demande qui parmi nous pourrait s’y opposer !
Il ne faut pas que les gens du voyage voient dans cette proposition de loi autre chose qu’un texte visant à aggraver les sanctions à l’encontre de ceux qui ne respectent rien, qui détruisent les terrains de sport, non sans avoir préalablement cassé des portails, qui utilisent indûment et dégradent ce qu’on appelait autrefois les « commodités » ou toute autre de ces installations qu’on trouve en général au sein ou aux abords des équipements sportifs. En fait, par cette proposition de loi, nous cherchons au contraire à donner du crédit aux associations qui ont aujourd'hui bien du mal à maîtriser ceux qui donnent une image déplorable des gens du voyage sur nos territoires.
Depuis 2000, j’ai eu l’occasion de rencontrer des responsables d’associations de gens du voyage ainsi que des responsables de différentes confessions chargés d’animer les rassemblements religieux sur le territoire. Comme dans toute la société française, il y a des gens très bien, mais il y a aussi, malheureusement, des délinquants ou des gens qui ne savent pas se conduire. Or, c’est vrai, on constate une aggravation de la délinquance et des détériorations des équipements publics qui nous imposent d’envoyer un signal aux élus : nous devons leur montrer que les parlementaires s’occupent d’eux et cherchent à renforcer les obligations propres à assurer une certaine discipline sur le terrain.
Tout cela doit, bien entendu, s’inscrire dans la poursuite d’une relation de confiance avec les représentants des gens du voyage.
Je crois qu’on n’est jamais récompensé d’un bienfait et, comme le disait un homme politique il y a une dizaine d’années, il faut toujours se faire pardonner les services que l’on rend ! Il m’arrive d’inviter les responsables des gens du voyage à la Commission nationale consultative, car il est intéressant d’avoir l’avis de personnes qui prennent en charge un dossier ; lorsqu’ils s’affichent en tant que membres éminents de cette commission, il me semble que c’est une façon de me remercier de les avoir invités !
À l’évidence, je plaide pour le vote de ce texte, et j’espère que nous pourrons rétablir l’article 1er. J’appelle tous ceux qui connaissent bien le sujet et qui sont par ailleurs présidents d’associations de maires, responsables d’organisations ou membres des commissions départementales à faire comprendre dans cet hémicycle que l’article 1er est un signal, et rien d’autre.
Je n’ai d’ailleurs pas vu beaucoup de magistrats utiliser l’actuel article 322-4-1 du code pénal pour prononcer des sanctions. En effet, ils préfèrent punir ceux qui ont commis le délit visé par une indemnisation ou un remboursement à la collectivité des dégradations que ceux-ci ont causées.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi dans sa version initiale, telle que je l’ai déposée avec Jean-Claude Carle et un certain nombre d’autres collègues. J’ai d’ailleurs été surpris, monsieur le président de la commission des lois, que vous en ayez changé le titre : ce n’est pas dans les usages de cette maison. Mais vous aurez sûrement de bonnes raisons à avancer pour vous en expliquer.
Oui, j’ai de la suite dans les idées ! Cette proposition de loi traite d’un sujet d’urgence, mais elle s’inscrit dans la lignée de celle de Dominique Raimbourg, qui je l’espère, sera examinée au mois de mai prochain, et elle s’inspire pour l’essentiel de ma proposition de loi de 2012, mais surtout du dernier rapport de parlementaire en mission que j’ai rédigé sous l’ancienne majorité : Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun. « Proche du droit commun » parce qu’il est en effet nécessaire d’offrir à ces populations certaines dispositions leur permettant de vivre dans la légalité sur le territoire.