M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai eu la chance de vivre la guerre d’Algérie en France, loin des opérations. J’ai donc été totalement épargné par les effets de ce conflit, qui a marqué notre histoire, puisque les noms de 25 000 de nos compatriotes figurent sur les monuments aux morts.
Il est important, selon moi, de rendre hommage aux 80 000 soldats français qui ont été engagés dans cette guerre jusqu’au 1er juillet 1964 et de leur adresser la reconnaissance de la nation.
C’est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi, qui me paraît tout à fait adéquate et qui intègre le critère des quatre mois pour tout engagé dans une opération extérieure, ce qui me semble normal. Il s’agissait d’une très bonne intention. Je regrette que cette belle proposition de loi, qui est l’expression de notre humanisme, soit rejetée. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, sur l'article.
Mme Catherine Deroche. Mon intervention sera brève, car Isabelle Debré et Marcel-Pierre Cléach ont déjà parfaitement exposé les raisons qui sous-tendent cette proposition de loi à laquelle le groupe UMP est attaché.
Je souhaite dire à M. Néri que je respecte ses convictions, tout comme il respecte les nôtres. Néanmoins, ce débat mérite mieux qu’une recherche en paternité quelque peu décalée. Tous les gouvernements ont essayé d’agir en faveur des combattants. Un tel sujet devrait donc transcender les clivages. Nous leur devons tous la même reconnaissance. Pourquoi revendiquer certaines actions ou jeter à la figure de l’autre camp : vous n’avez pas fait ceci, vous n’avez pas fait cela ? Les combattants méritent mieux que ce genre de débat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Laménie, rapporteur. Au terme de ce débat, à la fois passionnant et passionné, je remercie l’ensemble des intervenants, ainsi que la présidente de la commission et les services du Sénat. Je me réjouis du travail de fond que nous ayons réalisé.
Je remercie également M. le ministre et les différentes associations du monde combattant, patriotes et très attachées au devoir de mémoire. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont permis d’éclairer le sujet.
Naturellement, le plus grand mérite revient à notre collègue, auteur de la proposition de loi, Marcel-Pierre Cléach, et à ses collègues qui ont signé le texte.
Je n’oublie pas non plus de rappeler l’engagement collectif et les témoignages de sincérité, de respect, de reconnaissance recueillis tout au long du débat. Certains collègues ont parlé de l’histoire. La tâche reste immense et ne cesse jamais. C’est un travail qu’il convient de réaliser ensemble, sur toutes les travées de cet hémicycle et bien au-delà. Ce devoir de mémoire nous anime, ainsi que tous les bénévoles qui œuvrent, avec beaucoup de dévouement et de cœur, pour servir ceux qui ont fait l’histoire en participant aux guerres et aux conflits, en toutes circonstances, en tout temps, et qui méritent à la fois notre respect et notre reconnaissance.
Permettez-moi ici de leur rendre, en notre nom à tous, l’hommage collectif qui leur est dû. Nous voulons leur dire notre profond respect, même si beaucoup reste encore à faire.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des engagements que vous avez pris. Certains de mes collègues vous ont témoigné de leur confiance : je partage leur sentiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. M. le rapporteur m’a en quelque sorte ôté les mots de la bouche ! Quoi qu’il en soit, je suis très heureuse de présider la commission des affaires sociales, qui a la chance d’être chargée du dossier des anciens combattants. C’est un sujet toujours passionné, mais aussi constamment passionnant.
Le débat d’aujourd'hui démontre à quel point nous avons tous nos convictions chevillées au corps lorsqu’il s’agit de défendre les anciens combattants. Je ne crois pas qu’il y aurait, d’un côté, les défenseurs de la justice et des valeurs de notre pays, et, de l’autre, ceux qui s’y opposent.
La sincérité avec laquelle chacun s’est exprimé au cours de ce débat reflète celle des valeurs que nous portons, qui sont profondément ancrées en nous.
À cet égard, je ferai mien le propos tenu tout à l'heure par Gisèle Printz, qui a très bien dit qu’il n’y avait pas, d’un côté, les tenants de l’égalité et, de l’autre, ceux qui ne la souhaiteraient pas.
Je voudrais m’associer aux remerciements formulés par M. le rapporteur envers les services du Sénat. À mon tour, je salue le travail de la commission et les compétences de ses fonctionnaires. Grâce à eux, les dossiers des anciens combattants sont toujours bien traités au sein de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la sincérité de vos propos et surtout de vos engagements. Vous vous étiez engagé, Alain Néri l’a rappelé, sur la carte « à cheval ». Vous honorez cette promesse cette année même et, si cela ne va peut-être pas suffisamment loin aujourd’hui pour certains, la réflexion est en cours et un premier pas a été fait, qui devrait être acté lors de l’examen du projet de loi de finances.
Je tiens également à vous remercier de la réflexion que vous avez lancée sur la reconnaissance pour les soldats engagés dans les OPEX, réflexion très attendue, au-delà des anciens combattants. Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour qu’elle soit menée à son terme, afin que l’ensemble des soldats concernés puissent bénéficier d’une véritable reconnaissance.
Monsieur le ministre, je vous remercie, mais soyez assuré que la commission des affaires sociales sera vigilante – vous pouvez à votre tour nous faire confiance – sur la suite de cette réflexion !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà plusieurs fois que nous débattons au Sénat de questions mémorielles, au sens large. Il s’agit toujours de débats passionnés, passionnants, durant lesquels sont évoquées des histoires singulières, toujours avec sincérité, souvent avec émotion. C’est en effet par rapport à notre propre histoire que nous nous exprimons, et je sais, car cela m’arrive également, combien il est difficile de le faire.
Je souhaiterais à mon tour remercier vos équipes respectives. J’apprécie particulièrement l’accueil qui m’est chaque fois réservé par la commission des affaires sociales du Sénat.
Lors des nombreux débats qui ont eu lieu sur ces questions, j’ai constaté que chacun exprimait ses engagements avec beaucoup de force et de vérité. Certains m’ont dit qu’il s’agissait de débats explosifs, pouvant avoir des prolongements sinon dramatiques, du moins très compliqués, dans la vie publique. Or je crois qu’il faudrait davantage s’inspirer de la sagesse des associations d’anciens combattants, qui ont su, au-delà de leurs dissensions, même lorsque les débats ont été tranchés par les votes dans un sens ou dans l’autre, assumer leurs discussions pour permettre que, ensuite, les esprits s’apaisent.
C’est autour de cette question de la mémoire, autour de notre histoire collective, autour de cette reconnaissance du droit à réparation, qui nous porte et nous guide dans notre engagement, que nous pouvons nous retrouver et, en faisant collectivement preuve de sagesse, permettre que les choses évoluent au mieux. (Applaudissements.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 163 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble du texte.
La proposition de loi est rejetée.
4
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour un rappel au règlement.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, je comprends très bien que l’on ne se soit pas prononcé sur la proposition de loi, les trois articles qui la composent ayant été rejetés. Toutefois, je m’interroge : comment a-t-on pu voter sur l’article 3, qui prévoit le gage financier des articles 1er et 2, alors que ces deux articles n’ont pas été adoptés ?
M. le président. C’est très simple, ma chère collègue : un article, contrairement à un amendement, ne devient jamais sans objet. Ainsi en dispose le règlement du Sénat. Il fallait donc voter sur l’article 3, même si ce vote ne pouvait logiquement qu’être négatif.
M. Charles Revet. Que se serait-il passé si nous l’avions adopté ?
Mme Isabelle Debré. Il faudrait peut-être faire évoluer le règlement du Sénat sur ce point, monsieur le président, car cela me paraît parfaitement absurde.
M. le président. Nous verrons ce qu’il adviendra de votre proposition !
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
5
Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, présentée par M. Jean-Pierre Leleux et plusieurs de ses collègues (proposition n° 355 [2011-2012], texte de la commission n° 123, rapport n° 122).
Mes chers collègues, il est dix-sept heures cinquante-cinq. Je rappelle que nous devrons interrompre la discussion de cette proposition de loi à dix-huit heures trente, conformément à la décision prise par la conférence des présidents, ce qui permettra en outre à Mme la ministre des sports de se rendre au Stade de France afin d’y soutenir l’équipe de France de football. (Sourires.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, les accidents de la route demeurent, en France, une préoccupation, même si la mortalité routière a connu, ces quarante dernières années, une forte et progressive diminution.
J’en veux pour preuve quelques chiffres assez éloquents. Si en 1972, année qui détient en ce domaine un triste record, on dénombrait encore 18 000 tués, les décennies qui suivirent ont vu ce nombre décroître à 9 000 dans les années quatre-vingt-dix, pour passer sous la barre symbolique des 5 000 morts à partir de 2006.
De 2009 à aujourd'hui, ce chiffre tend à se stabiliser à un peu moins de 4 000 tués par an. Ainsi l’évolution constatée depuis 1972 correspond-elle à un nombre de tués sur les routes divisé par plus de quatre, alors que, sur la même période, le parc roulant et le trafic ont été multipliés par plus de deux. Cette tendance doit être soutenue.
Ces résultats, certes, traduisent l’évolution des comportements des conducteurs, plus respectueux, dans leur ensemble, des règles du code de la route, mais ils sont également, et en très grande partie, la conséquence des nombreuses actions des pouvoirs publics visant non seulement à améliorer l’état du réseau routier, mais aussi à mettre en œuvre diverses mesures d’ordre technique et juridique constitutives de la politique de sécurité routière menée dans notre pays.
Il en est ainsi de la détermination de seuils de taux d’alcoolémie, de l’instauration de limitations de vitesse ou du port obligatoire de la ceinture de sécurité et du casque, de la création d’un bonus-malus dans le domaine des assurances ou du permis à points et du contrôle technique des véhicules.
Je retiendrai également, sur le plan législatif, l’adoption par le Parlement de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, qui a prévu, notamment, l’alourdissement des sanctions dans les cas d’accidents graves ou un permis probatoire instauré pour les nouveaux conducteurs.
Toutefois, malgré ces outils et les progrès qu’ils ont pu induire, la situation pourrait être encore améliorée en accentuant les politiques en direction des premiers secours apportés aux accidentés et plus particulièrement aux blessés en détresse.
En la matière, plusieurs formations ou sensibilisations aux gestes de survie existent en France, mais elles présentent la caractéristique d’être généralistes et l’inconvénient d’être insuffisantes quant à l’étendue des publics bénéficiaires.
C’est ainsi le cas des formations en direction de nos concitoyens leur permettant, pour ceux qui le souhaitent, de concourir aux missions de sécurité civile. À l’issue de ces formations leur sont délivrées les attestations de « prévention et secours civique de niveau 1 », ou PSC1, après environ huit à neuf heures d’enseignement, et de « premiers secours en équipe de niveau 1 et de niveau 2 », ou PSE1 et PSE2, qui sanctionnent, pour les personnes désireuses de s’orienter vers le secourisme, trente-cinq heures d’enseignement, ou bien encore le dispositif organisé de manière obligatoire dans le cadre scolaire concernant la formation PSC1 et les attestations de sécurité routière de niveau 1 et de niveau 2.
Malheureusement, force est de constater que, malgré les efforts entrepris, dans les deux cas, le nombre de personnes bénéficiaires est loin d’atteindre les objectifs visés : 220 000 au titre de la sécurité civile pour 2011 et de l’ordre de 120 000 annuellement au sein de l’éducation nationale.
Il n’est dès lors pas étonnant d’apprendre par un récent sondage Opinion Way, réalisé en septembre dernier pour la Croix-Rouge française, que 98 % des Français interrogés se disent favorables à la perspective d’une formation aux gestes de premiers secours lors du passage du permis de conduire.
Plus que le citoyen ou l’élève, c’est l’usager de la route qui se sent alors concerné, car plusieurs victimes d’accidents décèdent sur place avant l’arrivée du SAMU ou des pompiers, laquelle peut nécessiter un délai incompressible de quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes, selon l’éloignement du lieu de l’accident.
Or dans les cas de détresses graves, tout se joue dans les instants qui suivent l’accident. Les premiers témoins sont souvent les seuls à pouvoir intervenir de manière décisive. Ainsi, il est permis d’estimer qu’entre 250 et 350 vies par an pourraient être sauvées sur les routes de France, des chiffres confirmés par l’Académie nationale de médecine.
Par quel moyen ? En passant d’une formation pratique qui est presque confidentielle, comme nous venons de le voir, à une formation de masse ciblée sur les candidats au permis de conduire, soit environ 700 000 personnes par an, si l’on tient compte de celles qui pourraient en être dispensées, car elles sont déjà titulaires d’une attestation de formation. Cette démarche s’apparenterait à celle qui est menée dans le domaine de l’urgence cardiaque avec les « trois gestes qui sauvent » mis en place par la Fédération française de cardiologie. Il s’agit donc d’introduire un enseignement pratique en quatre heures, limité à l’urgence vitale et assimilable par le plus grand nombre.
Ce constat avait déjà conduit, dès 1967, à l’élaboration d’un programme d’enseignement de cinq gestes de survie, simples et élémentaires : alerter, baliser, pour l’alerte, ventiler, comprimer et sauvegarder, pour la survie.
Puis, un comité interministériel de la sécurité routière, en novembre 1974, avait approuvé le projet d’une telle formation pour les candidats aux permis de conduire, mais sans pour autant qu’elle soit mise en œuvre, et ce malgré un large consensus des médecins de premiers secours, des professionnels et des enseignants du secourisme.
Pour sa part, le législateur s’est saisi de cette question par le biais de diverses propositions de loi, déposées de 1997 à 2012 par des parlementaires de tous bords politiques, preuve supplémentaire d’un large consensus. Dans l’ensemble de ces propositions était prévue une formation aux gestes de premiers secours lors de l’examen du permis de conduire. Malheureusement, ces initiatives n’ont jamais abouti.
Dans le même esprit, la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière avait prévu que les candidats au permis de conduire soient sensibilisés, dans le cadre de leur formation, aux notions élémentaires de premiers secours, tout en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ses modalités d’application de cette mesure. Or ce texte ne fut jamais publié !
Vous le voyez, mes chers collègues, d’un point de vue tant législatif que réglementaire, depuis maintenant plus d’une quarantaine d’années, rien d’efficace n’a pu prospérer.
Aussi, je ne puis que me réjouir de l’examen, ce jour, en séance publique, de ce texte qui, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois, constitue une avancée notable en la matière.
J’en rappelle le dispositif : « Les candidats à l'examen du permis de conduire sont formés aux notions élémentaires de premiers secours en cas d'accident de la circulation. Cette formation est sanctionnée dans le cadre de l'examen du permis de conduire. Le contenu de cette formation et les modalités de vérification de son assimilation par les candidats sont fixés par voie réglementaire. »
Avant de développer le contenu de cette proposition, je voudrais féliciter et remercier la commission des lois, son président, Jean-Pierre Sueur, le rapporteur du texte, notre collègue Catherine Troendlé, et nombre de ses membres qui, tout en conservant l’esprit du dispositif prévu par la proposition initiale que j’ai eu l’honneur de déposer avec Jean-René Lecerf, ont pour autant souhaité le simplifier.
Tout d’abord, la commission a fait le choix de ne pas retenir une épreuve supplémentaire au permis de conduire, qui aurait eu pour conséquence, j’en conviens, d’alourdir l’existant.
Ensuite, elle a opté pour le caractère réglementaire de la définition des épreuves concernées, permettant ainsi de supprimer un obstacle majeur à son adoption, qui avait déjà été soulevé à l’Assemblée nationale, voilà un peu plus d’un an, lors de l’examen de la proposition de loi du député Bernard Gérard.
Pour autant, il ne me paraîtrait pas contraire au principe de séparation des pouvoirs que nos débats viennent enrichir le dispositif de quelques précisions sur ce que recouvre exactement une formation « aux gestes de survie », ou mieux encore « aux gestes de survie comprenant, outre l’alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes ». Il me semble qu’en clarifiant ainsi le cadre général de la formation, nous n’empiéterions pas sur la compétence réglementaire.
Lors de la discussion de l’article unique de ce texte, j’aurai l’honneur de présenter deux amendements en ce sens, complétés par un troisième visant à introduire un alinéa additionnel afin d’instituer un comité de suivi chargé d’évaluer l’application de la présente loi, tout en s’assurant du contenu et de l’efficience de la formation dispensée.
Cette création me semble justifiée par les difficultés rencontrées depuis une quarantaine d’années, comme il nous a été donné de le constater, pour faire reconnaître les cinq gestes.
Au-delà de la discussion des amendements, mon souhait est que puisse s’engager devant la représentation nationale un débat de nature à faire progresser un secteur délaissé de notre politique en matière de protection civile. Toutefois, je souhaite également donner des pistes de réflexion au Gouvernement dans la mise en œuvre des modalités d’organisation de la formation.
Je sais, à ce sujet, que trois des gestes préconisés peuvent susciter quelques interrogations, voire des réticences qu’il y a lieu, à mon sens, de dépasser.
Tout d’abord, il faut savoir que la ventilation a pour but, jusqu’à l’arrivée des secours, de s’assurer simplement que le blessé inconscient respire correctement et de pratiquer une LVA, c'est-à-dire une libération des voies aériennes, simple geste qui consiste à relever le menton pour éviter que la trachée ne se bouche et empêche l’arrivée de l’air. Il ne s’agit nullement de pratiquer la respiration artificielle, telle que beaucoup d’entre nous l’ont apprise voilà quarante ans dans les cours de secourisme. Les techniques ont en effet beaucoup évolué en la matière.
En revanche, si la respiration ne se fait pas, ce qui arrive dans 20 % des cas au maximum, il faut alors procéder au bouche-à-bouche ou au bouche-à-nez afin d’éviter tout arrêt respiratoire. En effet, dans un moment comme celui-là, la fonction respiratoire ne peut se rétablir seule. Toutefois, il n’est pas question non plus de pratiquer une respiration artificielle par une quelconque méthode manuelle. Il s’agit d’un geste simple et élémentaire.
Ensuite, la position latérale de sécurité, la PLS, dont on parle aussi beaucoup, qualifiée de position « de sauvegarde » par son initiateur, le professeur Marcel Arnaud, fondateur du secourisme routier, vise à empêcher le blessé inconscient sur le sol de s’étouffer de par sa position, en évitant soit une inondation pulmonaire en cas de régurgitations ou de vomissements, soit que la chute de sa langue en arrière ne vienne obstruer les voies aériennes. Ce sont des choses très faciles à comprendre.
Enfin, comprimer consiste non pas à poser un garrot ou à faire un point de compression, comme nous l’apprenions voilà cinquante ou soixante ans, mais simplement à appuyer directement sur une plaie en cas d’hémorragies externes exclusivement.
Ce sont là des gestes de survie, dont on ne rappellera jamais assez la simplicité et le caractère élémentaire. Ils se retrouvent dans tous les programmes de formation, en France et dans le monde, car ce sont des gestes universels devant être pratiqués avec des précautions apprises et répétées lors des enseignements.
Quelle différence y aurait-il entre une ventilation et une sauvegarde assimilées lors de la préparation au permis de conduire et les mêmes gestes dont la maîtrise serait acquise, notamment, au cours des formations de la protection civile ?
J’ai ici un ouvrage (M. Jean-Pierre Leleux brandit un livre.) qui n’est pas pour vous, mes chers collègues, puisqu’il s’intitule Les Premiers Secours pour les nuls : on y retrouve les cinq gestes que j’ai déjà mentionnés. Je pourrais vous citer de nombreux autres fascicules sur ce thème, trouvés dans les publications de l’association « 40 millions d’automobilistes » ou dans d’autres journaux spécialisés.
Même dans la PSC1, c’est-à-dire dans la formation de neuf heures du brevet de secouriste, la LVA et la PLS sont enseignées. Je le répète, ce sont des gestes très simples, que tout le monde peut apprendre, mais il faut surtout que les candidats au permis de conduire en acquièrent le réflexe, ce qui leur évitera tout accès de panique.
Peut-être faudrait-il reformuler les mots clefs de ces gestes, afin de les rendre définitivement acceptables et encore plus faciles à apprendre, d’un point de vue mnémotechnique, et à mettre en pratique, à titre de réflexe.
En tout cas, l’important est de donner un ordre chronologique au cours de cette formation, pour que la personne arrivant sur les lieux d’un accident où se trouvent des personnes inanimées ait immédiatement à l’esprit ce qu’il faut faire sans s’affoler. En effet, c’est la répétition des gestes lors des quatre heures de formation que nous préconisons qui préservera l’automobiliste de la panique, ce qui permettra peut-être de sauver une vie supplémentaire.
Au terme de cette discussion, avec, je l’espère, l’adoption de la proposition de loi par le Sénat puis son examen par l’Assemblée nationale, notre pays aura franchi un premier pas qui le rapprochera d’autres États européens ayant déjà, de longue date, introduit dans la formation au permis de conduire les gestes de premiers secours. Je pense à l’Allemagne, à l’Autriche, à la Suisse ou au Danemark, mais ce sont en réalité une dizaine de pays européens qui ont déjà mis en place un tel dispositif.
Madame la ministre, mes chers collègues, ces exemples nous incitent à persévérer dans cette voie. Tout en reconnaissant l’excellent travail de la commission des lois – celle-ci a permis l’adoption d’un amendement très juste, afin d’écarter la notion de troisième épreuve, qui aurait été trop lourde –, je me permettrai d’insister sur la nécessité de préciser et d’encadrer dans le décret à venir ce que l’on appelle les « premiers gestes au moment de l’intervention » et d’y ajouter les définitions des gestes d’alerte et de survie.
Nous pourrions ainsi sauver près de 10 % de vies supplémentaires, soit environ 350 personnes. Et même si elle ne permettait que de sauver une seule vie, notre démarche en vaudrait la peine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en l’état actuel du droit, la connaissance des gestes de premiers secours n’est ni enseignée ni sanctionnée lors de l’examen du permis de conduire, même professionnel. C’est pour répondre à cette carence que la présente proposition de loi a pour objet de rendre obligatoire une formation aux premiers secours dans le cadre du permis de conduire.
Lors d’un accident de la circulation, les premières minutes sont vitales pour la survie des blessés : la moitié de ces derniers décèdent à ce moment. J’ajouterai que la survie des blessés les plus gravement atteints est liée à leur prise en charge précoce par les services de secours.
L’Organisation mondiale de la santé remarque ainsi, en 2005, que « même les systèmes de secours les plus sophistiqués et les mieux équipés ne peuvent pas grand-chose si les témoins sont incapables d’analyser le degré de gravité de la situation, n’appellent pas à l’aide et ne pratiquent pas les soins de base avant que les services de secours n’arrivent sur place. C’est encore plus manifeste dans les zones rurales. »
Le lien entre témoins de l’accident et services de secours est donc essentiel, mais l’état de panique que peut susciter la survenance d’un accident conduit certains témoins à oublier les gestes essentiels consistant tout simplement à alerter les secours ou à protéger le lieu de l’accident.
J’articulerai mon propos en trois temps : je montrerai tout d’abord que les dispositifs généraux de formation aux premiers secours ne permettent pas de former les conducteurs et qu’une formation spécifique leur est nécessaire ; je présenterai ensuite la proposition de loi, telle qu’elle résulte des travaux de la commission ; enfin, je répondrai à l’objection majeure, qui ne manquera pas d’être soulevée, relative au caractère réglementaire de cette proposition de loi.
En France, le niveau de formation aux premiers secours est faible et les dispositifs généraux de formation ne permettent pas de former efficacement les conducteurs. En effet, il n’existe qu’un dispositif général obligatoire de formation aux gestes de premiers secours : celui qui est organisé au bénéfice des élèves du premier et du second degré par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Ces dispositions imposent de former les élèves à l’attestation de prévention et secours civiques de niveau 1. Cependant, 20 % seulement des élèves de troisième sont formés chaque année.
Dans le cadre du permis de conduire, aucune exigence de connaissance des gestes de secourisme n’est imposée aux candidats, même pour les permis de conduire professionnels. Il existe bien un référentiel, à destination des enseignants de la route ; ce « cahier des charges » impose aux enseignants d’apprendre aux candidats un certain nombre de comportements et de réflexes à avoir en cas d’accident de la circulation, mais aucune question à l’examen théorique ou pratique ne vient sanctionner cet enseignement.
Pour les permis de conduire poids lourds et de transport de personnes, des connaissances théoriques sont dispensées en matière de conduite à tenir en cas d’accident, pendant la formation initiale et professionnelle, là encore sans sanction.
Face à ce constat, de nombreuses initiatives parlementaires ont tenté de conforter l’état du droit existant.
La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a ainsi créé une obligation de sensibilisation des candidats aux permis de conduire à la formation aux premiers secours. Toutefois, en l’absence de décret d’application, cette obligation est restée lettre morte.
Plusieurs propositions de loi ont été déposées afin d’imposer une formation pratique aux gestes de premiers secours lors du passage du permis de conduire. Certaines, comme celle que notre collègue Jean-Pierre Sueur a déposée le 2 août 2007, ont eu pour objet d’intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l’examen des permis de conduire de transport de personnes. D’autres propositions de loi ont eu pour objet d’instaurer cette obligation de formation pratique dans les épreuves du permis de conduire de catégorie B. La dernière en date a été déposée à l’Assemblée nationale par M. Bernard Gérard et plusieurs de ses collègues, le 23 août 2012. Elle a toutefois été rejetée le 11 octobre 2012.
J’observe que, dans de nombreux pays européens, une formation en matière de secourisme est un préalable obligatoire à l’obtention du permis de conduire. Cependant, ces formations ne sont jamais sanctionnées par un contrôle des connaissances intervenant à l’occasion du passage du permis de conduire. Il est simplement imposé aux candidats au permis de conduire de suivre une formation aux premiers secours, d’une durée variable, généralement de six heures à huit heures, comme en Allemagne ou en Autriche, ainsi que l’a rappelé M. Leleux.
J’en viens à la présentation de la proposition de loi, telle qu’elle a été amendée par la commission des lois.
La proposition de loi visait initialement à instaurer une troisième épreuve au permis de conduire pour sanctionner une formation aux « notions élémentaires de premiers secours », définies par le texte comme étant l’apprentissage de cinq gestes fondamentaux. Cette formulation posait deux types de difficultés pratiques.
En premier lieu, la création d’une épreuve supplémentaire spécifique est rapidement apparue comme un obstacle. En effet, créer une épreuve supplémentaire entraîne nécessairement un surcoût, même faible, qui pèsera in fine sur les candidats au permis de conduire. Or le coût de la formation au permis de conduire est évalué en France à près de 1 500 euros, un montant qui se situe certes dans la moyenne européenne, mais qui reste très élevé. Il semble difficile d’imposer une charge aux enseignants des auto-écoles sans que ceux-ci répercutent ce coût sur la formation dispensée. Si les candidats se forment auprès d’associations agréées, la formation leur sera également facturée.
Si la formation ne s’effectue pas au sein de l’auto-école, mais par le biais d’une association de secourisme, un nombre important de moniteurs de secourisme sera nécessaire pour former les candidats au permis de conduire.
Or, au regard des 900 000 candidats annuels au permis de conduire, imposer une formation supplémentaire entraînerait nécessairement un allongement très important des délais de passage du permis de conduire et saturerait les associations et les structures capables de délivrer cette formation.
En outre, on observe déjà une tendance à l’allongement des délais pour passer le permis de conduire : de 86 jours d’attente en moyenne en 2012, ce délai est d’environ 90 jours à 95 jours pour l’année 2013. Je souligne que l’obtention du permis de conduire est souvent une condition d’accès à l’emploi.
En second lieu, préciser dans la loi le contenu de la formation aux premiers secours pose des difficultés.
Les « cinq gestes qui sauvent » ont pu faire consensus au moment du lancement de ce programme dans les années 1970, mais, aujourd’hui, ventiler, c’est-à-dire pratiquer la respiration artificielle sur les blessés, est un geste plus contesté en cas d’accident de la circulation. Il est donc préférable de laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir cette formation, de la faire évoluer aussi, en fonction des connaissances et des techniques nouvelles.
La commission des lois a par conséquent adopté un amendement visant à reformuler l’article unique de la proposition de loi pour imposer non plus une épreuve spécifique, mais une formation obligatoire aux notions élémentaires de premiers secours en cas d’accident de la circulation. J’insiste cependant sur un point : la connaissance des notions élémentaires aux premiers secours sera bien sanctionnée, mais elle le sera dans le cadre des épreuves existantes : lors de l’examen théorique, des questions pourront être posées et, lors de l’épreuve pratique, une mise en situation pourra permettre de vérifier les connaissances du candidat en la matière.
Je voudrais répondre maintenant à l’objection essentielle qui ne manquera pas d’être formulée, selon laquelle cette proposition de loi relève de la compétence du pouvoir réglementaire.
D’une part, le Conseil constitutionnel admet depuis sa décision du 30 juillet 1982 relative à la loi sur les prix et les revenus que la loi peut empiéter sur le domaine du règlement, sans être inconstitutionnelle. D’autre part, il arrive que le législateur intervienne dans le domaine réglementaire en toute connaissance de cause, en raison du caractère tout à fait politique ou symbolique de la disposition en cause.
Par exemple, la durée d’assurance requise pour pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein est en principe de la compétence du règlement. Elle a été fixée par un décret du 27 août 1993 relatif au calcul des pensions de retraite, mais dans le cadre du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, que le Sénat a examiné ces derniers jours, le Gouvernement a fait le choix de définir cette durée à l’article 2 de la loi. Ce choix se justifiait par la portée de cette disposition et par la nécessité d’un débat sur la question.
Sans présenter une telle portée, le principe général de formation aux notions élémentaires de premiers secours à l’occasion du permis de conduire pourrait être intégré dans la partie législative du code de la route, compétence étant laissée au pouvoir réglementaire pour définir le contenu de cette obligation.
Dans d’autres domaines, ayant trait eux aussi à la sécurité des personnes, la loi est intervenue pour faire respecter une obligation essentielle de sécurité : la nécessité d’équiper les logements d’un détecteur de fumées, par exemple, résulte de la loi du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation ; les obligations en matière de sécurisation des piscines privées relèvent de la loi du 3 janvier 2003 relative à la sécurité des piscines.
Il existe donc plusieurs précédents et la présente proposition de loi s’inscrit dans la même logique : imposer une obligation dans la loi, afin de sauver des vies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)