M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Vous évoquiez, chers collègues, le critère parfaitement juste de l’exposition au risque. Ce chiffre de 534 morts ne signifie-t-il pas que le risque militaire existait bien ?
M. Marcel-Pierre Cléach. Évidemment !
M. Bruno Retailleau. Comment mesurer ce risque, si ce n’est à travers la mort de ces combattants après l’indépendance ?
Pourquoi ces militaires ne seraient-ils pas des combattants à part entière ? Pourquoi vouloir que la nation leur accorde un signe de reconnaissance, comme à ceux qui ont servi avant l’indépendance ? Tout simplement parce que c’est juste.
Il s’agit d’une exigence d’égalité et d’équité, y compris vis-à-vis de ceux qui bénéficient de la carte du combattant alors qu’ils ont servi au Maroc ou en Tunisie plusieurs années après la date d’indépendance de ces pays. Nous n’allons pas retirer à ces derniers le bénéfice de cette carte sous prétexte qu’ils se seraient trouvés de part et d’autre d’une date d’indépendance ! Ce ne serait pas sérieux. Il s’agit d’une exigence d’équité, mes chers collègues, mais aussi d’une exigence de reconnaissance.
Souvent, et nous l’avons tous fait le 11 novembre, nous invoquons le devoir de mémoire à l’égard de nos morts, le devoir du souvenir. J’ai encore en tête ce que disait Victor Hugo sur les morts : « Les morts sont des invisibles, mais non des absents ».
Pourquoi ne pas faire preuve du même devoir de mémoire à l’égard des vivants, qui ont combattu et qui, parce qu’ils ont exposé leur vie au sacrifice suprême, nous permettent de vivre aujourd’hui libres et en paix ?
Ce sacrifice fait écho à une très belle phrase de Lazare Ponticelli, dernier survivant de la Première Guerre mondiale. Interrogé par un journaliste sur les raisons qui l’avaient poussé à s’engager pour notre pays, alors qu’il était un Français de sang-mêlé, issu d’une famille immigrée italienne, il répondit : « Je voudrais rendre à la France ce qu’elle m’a donné ».
Je pense que le moment est venu de rendre à ceux qui ont beaucoup fait pour la France. Nous nous honorerions les uns les autres, quelle que soit notre appartenance politique, en leur témoignant notre gratitude, notamment celle des générations que nous représentons et qui ne sont pas allées au feu, grâce à vous, mes chers collègues, qui y êtes allés.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Je voudrais aussi bien saluer Claude Néri que Jean Boyer et tous les autres : mes chers collègues, vous avez pris des risques immenses durant les plus belles années de votre jeunesse et de votre vie. Quant à nous, nous servons la patrie d’une autre façon. Je pense que ces risques doivent être reconnus, quelle que soit la date à laquelle vous y avez été exposés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué. Monsieur Retailleau, je suis sensible à vos propos sur la reconnaissance, mais je m’étonne. Je ne voudrais pas ouvrir un débat polémique sur ces questions, mais les anciens d’Afrique du Nord attendaient cette carte « à cheval » depuis cinquante ans.
Or le premier gouvernement à le proposer dans le cadre d’un projet de loi de finances est celui auquel j’appartiens. (Murmures sur les travées de l'UMP.) J’ai du mal à accepter une leçon sur le thème de la reconnaissance quand cela fait plus de cinquante ans que l’ensemble des anciens combattants d’Algérie attend un geste de la part des gouvernements successifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Charles Revet. Et dire que vous ne vouliez pas ouvrir une polémique !
M. Kader Arif, ministre délégué. Par ailleurs, puisque nous parlons de la reconnaissance due à l’ensemble des soldats morts pour la France, je veux vous faire part de mon étonnement lors de mon arrivée dans ce ministère, dont le budget avait baissé de 5,4 % entre 2011 et 2012 et de plus de 3 % entre 2010 et 2011. Les autorisations d’engagement sont aujourd’hui de l’ordre de 2,7 milliards d’euros. Tout compte fait, il s’agit d’un budget en baisse de seulement 1,1 point, alors que la population concernée a diminué de plus de 5 %. Voilà quelles sont les réalités des chiffres, monsieur Couderc.
J’entends parler de reconnaissance pour les soldats tombés pour la France, mais, quand je suis arrivé dans ce ministère, rien n’était prévu pour la commémoration des soixante-dix ans de la fin du second conflit mondial. Pas un seul euro n’avait été engagé par le gouvernement précédent, pas une ligne budgétaire n’avait été prévue pour la reconnaissance de nos soldats, en particulier ceux dits « des anciennes colonies » pour leur rôle dans le débarquement de Provence ou la campagne d’Italie. Nous avons également réparé cet oubli dans le budget que je propose. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas deux façons de mourir pour la France. Il n’y a pas deux façons de combattre. Il n’y a pas deux façons de se sacrifier pour son pays. On ne meurt pas différemment pour la France avant ou après une date déterminée.
M. Marcel-Pierre Cléach. Très bien !
M. Alain Houpert. Je pense aux jeunes de la génération de mon père, qui ont traversé la Méditerranée pour aller vers leur avenir lointain, vers un futur incertain. Même après le 19 mars 1962, mes chers collègues, ils avaient la peur au ventre. Ils se sont trouvés dans une situation de fait, une situation de risque de guerre.
Mes chers collègues, soyons généreux. Ne remuons pas le passé. L’homme, comme la loi, est perfectible. Votons l’article 1er, pour que la France manifeste sa reconnaissance envers ces jeunes et pour qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité entre ceux qui sont partis avant une certaine date et ceux qui sont partis après. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison de penser à votre père. Imaginez comme je pense au mien, que j’ai perdu, et à son engagement pour la France. Imaginez tout ce qui pourrait amener quelqu’un comme moi, dont la violence a traversé la vie, à considérer qu’il n’y a pas de réconciliation possible. Sans l’honneur d’officiers français, qui ont sauvé des harkis et les ont ramenés en métropole, contre la volonté politique du moment, les choses auraient été encore plus dramatiques.
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
M. Kader Arif, ministre délégué. Il faut être prudent quand on évoque ce sujet. Si je m’oppose au décalage de la borne temporelle à 1964, c’est aussi parce que, au-delà de mon histoire personnelle, au-delà des histoires singulières des familles, de la violence qu’elles ont traversée, de leurs douleurs, il s’agit plutôt de travailler, pour les générations à venir, à la réconciliation avec la rive sud de la Méditerranée, en particulier avec l’Algérie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis sensible aux propos tenus à l’instant par M. Houpert. Il n’y a pas deux types de morts. Il n’y a pas non plus deux types de guerre. D’ailleurs, il n’y a pas de bonne guerre.
Alain Néri l’a rappelé avec brio, en la matière, ce sont des gouvernements de gauche qui ont – c’est irréfutable – balisé l’histoire, en faisant adopter des lois pour témoigner de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont laissé leur vie dans ces conflits. Je le répète, c’est sous le gouvernement de Lionel Jospin que « les événements » d’Algérie ont enfin été reconnus comme une véritable guerre. C’est sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault que le 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, a été reconnu, de manière puissante, comme un fait historique indéniable.
Chers collègues du groupe UMP, sans vouloir nier la sincérité de vos déclarations, notamment celles qui portent sur les victimes de l’avant ou de l’après-2 juillet 1962, j’ai comme l’impression que vous cherchez à reconstruire l’histoire. J’y vois la même contestation que lors de nos débats sur l’annonce du cessez-le-feu du 19 mars 1962 par le général Ailleret. Là encore, vous niez la réalité historique : de fait, les accords d’Évian ont imposé la paix et la fin définitive du conflit entre l’Algérie et la France.
De ce point de vue, je rejoins les propos de M. Domeizel : à vouloir trop s’arranger avec l’histoire, on prend le risque de créer des inimitiés. J’y insiste, ce que vous dites des victimes de ce conflit, avant ou après la date dont nous discutons, est parfaitement recevable ; nous le ressentons au moins autant que vous.
La mesure annoncée tout à l’heure par M. le ministre, la fameuse carte « à cheval », prend en compte le sort de ceux que nous évoquons. Sa logique, qui s’applique aux OPEX, me semble offrir une solution largement satisfaisante à moyen terme, qui sera de nature à apaiser les esprits, comme cela a été le cas pour le vote sur la date du 19 mars 1962. Or l’adoption de l’article 1er créerait une ambiguïté qui, je le crains, raviverait certains foyers d’incendie que nous croyions définitivement éteints par le vote que je viens d’évoquer.
Mes chers collègues, nous vous le disons très sereinement, vous faites erreur. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. On fait donc l’impasse sur les victimes après cette date ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 141 |
Contre | 171 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 1 bis du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La République française reconnaît dans des conditions de stricte égalité avec les anciens combattants des conflits antérieurs, les services rendus par des personnes qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d’unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 253 ter du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une durée des services d’au moins quatre mois, consécutifs ou non, au sein d’unités françaises ou alliées ou de forces internationales dans le cadre des conflits armés, opérations ou missions mentionnées au premier alinéa, est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigées à l’article L. 253 bis. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Laménie, rapporteur. Le débat sur l’article 1er a été de qualité. Il a donné lieu à des témoignages particulièrement poignants, sur des sujets très importants et très sensibles, qui touchent à l’humain. On a senti beaucoup de respect, sur toutes les travées de cet hémicycle.
Ce débat n’est pas simple et, malgré le temps qui passe, il ne faut pas oublier l’histoire ; je le dis avec force. C’est le sens des témoignages de nombre d’entre vous, mes chers collègues.
Dans la discussion générale, j’ai exprimé ma position sur l’article 1er, même si la carte « à cheval » peut constituer un élément de réponse. Notre assemblée ne l’a pas adopté. Je prends acte du vote, je le respecte, mais je le regrette.
L’article 2, on l’a dit longuement en commission, prévoit de faciliter l’attribution de la carte du combattant aux soldats. J’associe à ces derniers les gendarmes ayant servi en OPEX. Même s’ils dépendent du ministère de l’intérieur, ils ont un statut de militaire. Or le dispositif concerne l’ensemble des militaires. J’en profite d’ailleurs pour exprimer mon profond respect à l’égard de tous ceux qui continuent à servir en OPEX. (M. Alain Néri acquiesce.)
La mesure relative à l’attribution de la carte du combattant a reçu un large assentiment en commission des affaires sociales, au-delà du groupe politique de l’auteur de la proposition de loi, Marcel-Pierre Cléach, et des cosignataires de ce texte. Je vous invite donc à l’adopter, mes chers collègues, car elle répond à un impératif fort : l’égalité – certains ont également parlé d’équité – entre les générations du feu.
J’ai pris bonne note des débats sur la guerre d’Algérie que l’article 1er a suscités. Je comprends naturellement les réticences de certains de nos collègues.
Toutefois, l’article 2 ne peut que faire consensus. Évitons les écueils – nous les connaissons – qui se présentent lorsque l’on aborde la guerre d’Algérie. Reconnaissons dès maintenant, sans attendre plusieurs décennies, l’effectivité du droit à réparation pour les services rendus en OPEX ; ils méritent tout notre respect !
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, sur l'article.
M. Jean Boyer. Je me réjouis de l’évolution du débat. À mon sens, il ne faut pas qu’il y ait des vainqueurs ou des vaincus à l’issue de notre vote. C’est, me semble-t-il, un élément fondamental.
Ceux qui ont fait la guerre d’Algérie, qu’ils soient originaires de métropole, harkis ou algériens, sont aujourd'hui dans la dernière partie de leur vie. Ce ne sont peut-être pas ceux qui manifestent dans les rues, ne serait-ce que parce qu’ils n’en ont plus nécessairement la force, mais ils aspirent à la paix ; je pense que tout le monde partage cette analyse.
Toutefois, s’ils veulent aujourd'hui la paix, ils ne veulent pas que le combat qu’ils ont mené hier soit source de conflits politiques aujourd'hui. Quand nous sommes partis en Algérie, moi et tant d’autres, nous ne pensions pas qu’il y aurait des polémiques sur d’autres sujets, par ricochet, cinquante ans plus tard !
Ayant entendu M. le rapporteur, je me réjouis que le message envoyé soit un message de reconnaissance et de paix.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, la question qui a été soulevée à propos des opérations extérieures est légitime et juste. Je la prends en compte au quotidien dans les responsabilités qui sont les miennes.
Sans revenir sur les chiffres annoncés, je vous renvoie au passage de 3 800 à 13 000 cartes en moins de deux ans, avec une accélération notable depuis 2012, pour les soldats ayant combattu en opérations extérieures. Je mentionne également, même si cela peut paraître symbolique, le maintien du budget du monument aux morts en OPEX qui est prévu à Paris. J’évoquerai aussi le déblocage d’un million d’euros pour permettre l’appareillage des soldats blessés lors d’opérations extérieures : jusqu’à présent, il fallait faire des montages financiers très compliqués et nos soldats n’étaient pas appareillés dans les meilleures conditions.
Je souhaite qu’un débat serein nous permette d’évoluer sur le sujet et de déterminer, à partir du cas de la guerre d’Algérie, des critères qui vaillent pour toutes les OPEX. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose donc, si nous sommes tous d'accord sur cet engagement, d’examiner le dispositif dans le cadre de la préparation du budget triennal de 2015.
Au lieu d’être dans la précipitation, donnons-nous le temps d’étudier l’ensemble des critères, même si je me réjouis qu’il y ait eu, depuis un certain nombre d’années, un assouplissement pour les soldats engagés en opérations extérieures. D’ailleurs, je ne me l’attribue pas seulement à moi-même, ce travail ayant été engagé depuis 2010.
Je le sais, la question des soldats engagés dans la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, sera liée au passage à cent vingt jours de présence en unité combattante ; j’ai cet élément à l’esprit dans le traitement du dossier. Lorsque je me suis rendu dernièrement à Beyrouth, j’ai évoqué, au-delà du drame du Drakkar, ces questions avec les soldats qui étaient présents.
Je vous appelle donc à un travail serein et sage. Ne vous engagez pas avec un vote qui n’aurait, à mes yeux, aucun sens. Je préfère que l’ensemble des groupes s’engagent en faveur d’un examen de la question dans le cadre du budget triennal de 2015. Ce serait, je le crois, la meilleure des solutions.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, sur l'article.
M. Alain Néri. Je souscris tout à fait aux propos de M. le ministre. Cela rejoint ce que j’avais indiqué dans ma première intervention ; je pensais d’ailleurs que nous pouvions faire une explication de vote globale sur les deux articles.
Personne ne peut contester la volonté de M. le ministre de régler le problème. Je le répète, il a tenu l’engagement qu’il avait pris sur la fameuse carte « à cheval ». Et il s’engage aujourd'hui publiquement, devant la représentation nationale, à prendre en compte la question des soldats en OPEX.
Je pense qu’il n’y a pas d’urgence. Je peux entendre qu’il faille régler certaines situations rapidement. Toutefois, un tel vote n’aurait pas de traduction immédiate ; les soldats en OPEX dont il est question sont encore relativement jeunes et beaucoup d’entre eux ne sont pas directement concernés par la carte du combattant pour leur retraite.
À mon sens, il n’y aurait rien de pire que de voter un peu trop rapidement, en confondant vitesse et précipitation, dans un souci de rendre hommage à ces soldats en OPEX. Ne serait-il pas regrettable de constater ensuite des oublis et de devoir remettre l’ouvrage sur le métier ?
La proposition du Gouvernement me semble une proposition de sagesse et de responsabilité. Je demande à la Haute Assemblée de la suivre, afin d’exprimer notre confiance à M. le ministre et de lui donner rendez-vous pour le budget de 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 163 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, par cohérence avec la suppression des deux premiers articles, l’article 3 ne devrait pas être adopté dans la mesure où il prévoit un gage. Si cet article est supprimé, il n’y aura pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi et, par conséquent, il n’y aura pas d’explications de vote sur l’ensemble.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach, sur l'article.
M. Marcel-Pierre Cléach. Je dois dire que je ne pensais pas déclencher un tel tir de barrage de la part du parti socialiste en déposant cette proposition de loi !
En effet, mon texte est non seulement voisin mais, je le crois, quasiment similaire à celui qui avait été déposé par le groupe socialiste le 17 avril 2008. J’aimerais d’ailleurs bien en relire l’exposé des motifs. Comme vous en étiez, me semble-t-il, signataire, cher Alain Néri, je serais curieux de savoir comment vous avez pu évoluer autant, notamment sur la question juridique que vous avez soulevée tout à l’heure, celle de l’état de guerre et de l’absence d’état de guerre à la suite de l’armistice et de la déclaration d’indépendance.
Pour ma part, je me suis exprimé sur l’aspect juridique. J’ai indiqué que nous étions confrontés à une situation de fait. La question juridique relève, selon moi, de l’argutie. Il y avait un risque. D’ailleurs, l’histoire ne l’a pas méconnu. Il n’y a pas de discussion sur le nombre de morts ou de disparus après la déclaration d’indépendance ou, plutôt, après la date du 19 mars 1962.
Ensuite, j’ai été étonné par les propos de Mme Dini. Pour ma part, je suis rentré d’Algérie en juin 1961, donc je n’y étais pas en 1962, mais j’y avais des amis et des camarades, je lisais la presse et j’étais déjà en contact avec les associations qui commençaient à se former. De plus, le ministère faisait état de certaines statistiques, confirmées par les associations.
Nul ne méconnaît l’état d’insécurité qui régnait à l’époque, ni les morts et les disparus, sans parler de l’épouvantable carnage perpétré à l’encontre des harkis. C’est la première fois que j’entends dire qu’à partir de juillet 1962 la situation était calme et paisible en Algérie !
M. Charles Revet. Et les 500 morts ?
M. Marcel-Pierre Cléach. Certes, dans la mesure où je n’y étais plus, il m’est difficile d’opposer un démenti fondé sur mon expérience, mais, au regard des statistiques, notamment celles des morts et des disparus, une telle allégation me semble curieuse.
Monsieur Mirassou, si vous ne votez pas cette proposition de loi, cela améliorera certainement vos statistiques : vous pourrez dire que toutes les propositions de loi mémorielles émanent de la gauche, puisque celles qui viennent de la droite ne sont pas votées ! (Sourires sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Cécile Cukierman. C’est un peu facile !
M. Marcel-Pierre Cléach. Enfin, je salue la modération des propos de M. le ministre, ainsi que ses engagements. Je comprends sa position et je sais combien il lui était extrêmement difficile d’accepter cette proposition, car son adoption aurait entraîné des inscriptions de dépenses importantes.
Monsieur le ministre, vous ne voulez certainement pas reconnaître cet état de fait, raison pour laquelle vous développez des tas d’arguties. Quoi qu’il en soit, je vous comprends et je ne vous mets pas personnellement en cause. Ce n’est pas la première fois que nous faisons cette proposition. Or les gouvernements que je soutenais ont eu la même attitude que vous, pour des raisons souvent financières. Je resterai donc modeste.
Toutefois, ma proposition tendait à aller de l’avant, vers davantage d’égalité. Il me semblait important de mettre sur un même pied les combattants d’avant, ceux d’après et ceux d’aujourd'hui. Je suis donc très déçu.
Bien sûr, je m’exprimais ici à titre personnel, en tant qu’auteur de la proposition de loi. Je laisserai à ma collègue Isabelle Debré le soin de présenter la position de mon groupe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, sur l'article.
Mme Isabelle Debré. Je veux remercier mon collègue Marcel-Pierre Cléach d’avoir déposé cette proposition de loi, dont nous avons pu débattre dans un climat serein, ainsi que M. le rapporteur.
Cette proposition de loi, qui ne sera malheureusement pas adoptée, puisque ses deux premiers articles ont été rejetés, reposait sur un principe qui nous est cher à tous, en particulier au Président de la République : l’égalité. Or celle-ci ne doit pas être réservée qu’à certaines personnes au sein de notre société.
L’égalité en question ici est entre quatre générations du feu. C’est l’égalité dans la reconnaissance de la nation envers ceux qui se sont sacrifiés pour elle ou qui se battent encore au Mali ou sur d’autres théâtres d’opérations, au nom des valeurs de notre pays. Ces quatre générations ne peuvent plus souffrir de différences de traitement.
Monsieur le ministre, si l’égalité, c’est maintenant, pourquoi ne pas avoir soutenu la proposition de loi de notre collègue Marcel-Pierre Cléach ? Sur toutes les travées, de gauche comme de droite, au cours de plusieurs législatures, les sénateurs et députés ont déposé des propositions de loi allant en ce sens. Comme tous mes collègues du groupe UMP, il me semble que nous ne devons plus attendre, car les générations du feu passent, les inégalités subsistent et la nation peine à témoigner aux combattants une véritable reconnaissance.
Enfin, et surtout, nous avons soutenu cette proposition de loi parce que, face au nouveau format des armées, à la nouvelle réalité des conflits et des crises dans lesquelles interviennent de façon exemplaire nos soldats envoyés en opérations extérieures, il est impératif que les critères d’attribution de la carte du combattant soient réactualisés. Monsieur le ministre, cette proposition de loi ne sera pas votée. Néanmoins, je serais tentée de vous faire confiance. J’espère donc que le texte que nous avons examiné aujourd'hui fera avancer les choses pour l’avenir.
En conclusion, mes chers collègues, je pense à tous ceux qui sont marqués dans leur chair et dans leur cœur, comme les soldats qui séjournent pendant des mois dans les services de l’hôpital Percy, ainsi qu’à leur famille. Qu’y aurait-il de plus républicain que de leur attribuer la reconnaissance de la nation, qu’ils méritent tant ?
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutient la proposition de notre collègue Marcel-Pierre Cléach. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, sur l'article.
M. Alain Néri. Nous voilà parvenus à la fin de nos débats, qui ont été marqués, vous avez eu raison de le souligner, madame Debré, par la sérénité, mais aussi par la force de nos convictions, ce qui est bien naturel dans un débat républicain.
Je respecte toutes les opinions, même si elles sont différentes des miennes, à partir du moment où elles sont sincères, ce qui est le cas ici.
Je me félicite que le débat ait permis à certains de prendre connaissance publiquement des intentions de M. le ministre et des décisions qui ont déjà été prises. Monsieur le ministre, nous vous accordons d’autant plus de crédit, je le répète, que le Gouvernement a tenu ses premiers engagements. Il est toujours plus difficile quand on ne tient pas ses premières promesses de faire croire que l’on tiendra les suivantes ! Voilà pourquoi chacun ici est obligé de reconnaître que l’on peut vous faire confiance.
Je suis très heureux de le constater, l’opposition reconnaît finalement que l’action des socialistes en faveur de la modification des critères d’attribution de la carte du combattant a été positive. On ne l’a fait qu’à partir de 1997 dans le budget de 1998, mais rendez-nous ce qui nous appartient, à défaut de le rendre à César !
Effectivement, il faut davantage d’égalité. Néanmoins, cette dernière signifie que l’on accepte toutes les conditions pour que les choses soient égales par ailleurs.
Monsieur le ministre, je sais que vos engagements seront tenus dans le futur projet de loi de finances pour 2015, comme vous avez déjà tenu parole en ce qui concerne les blessés et les appareillages. Au-delà de la reconnaissance à travers l’attribution de la carte du combattant, vous avez déjà amorcé le processus de réinsertion sociale et citoyenne de nos jeunes engagés dans les OPEX. Une de nos missions sera de nous impliquer fortement à leurs côtés, pour que ceux qui ont fait le sacrifice de leur jeunesse, comme les autres générations du feu, sachent que la nation est auprès d’eux pour contribuer à leur réinsertion citoyenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)