Article 58 ter (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové
Article additionnel après l'article 59 (priorité)

Article 59 (priorité)

(Non modifié)

I. – À l’intitulé du chapitre IV du titre IV du livre IV du code de l’urbanisme, le mot : « caravanes » est remplacé par les mots : « résidences mobiles ou démontables ».

II. – L’article L. 444-1 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » sont remplacés par les mots : « résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs ou de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent être autorisés dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, dans les conditions prévues au 6° du I de l’article L. 123-1-5. »

III. – L’article L. 111-4 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas aux demandes d’autorisation concernant les terrains aménagés pour permettre l’installation de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs, sous réserve que le projet du demandeur assure l’alimentation en eau potable et en électricité, l’assainissement des eaux domestiques usées et la sécurité incendie des occupants de ces résidences.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles le demandeur s’engage, dans le dossier de demande d’autorisation, sur le respect de ces conditions d’hygiène et de sécurité. »

IV. – L’article L. 121-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le 1° est complété par un d ainsi rédigé :

« d) Les besoins en matière de mobilité et de transport de marchandises ; »

2° Au 1° bis, après le mot : « paysagère », il est inséré le mot : « notamment » ;

3° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « en matière » sont remplacés par les mots : « de l’ensemble des modes » ;

b) Les mots : « et de développement des transports collectifs » sont remplacés par les mots : « motorisés et de développement des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 587 rectifié, présenté par MM. Collombat, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. J’ai bien conscience de m’approcher d’un point incandescent puisqu’il s’agit d’une mesure phare de ce projet de loi.

J’ai été assez étonné lorsque j’ai découvert cet article : alors que le projet de loi est censé lutter contre l’étalement urbain et la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers, ce type d’article favorise ce que j’appellerai la « cabanisation » de ces espaces, un phénomène très présent dans mon département.

Cette cabanisation prend souvent une forme très sommaire. C’est en quelque sorte la cabanisation artisanale : vous remontez trois pierres l’une sur l’autre et vous avez un cabanon à l’ancienne ; vous demandez ensuite à pouvoir le réhabiliter. Bien sûr, vous n’aurez ni eau ni électricité, vous ne serez pas à l’abri de la pluie et, en cas d’incendie de forêt – car ces cabanons sont en général en forêt –, vous risquez d’avoir quelques problèmes…

Il y a aussi la cabanisation semi-industrielle, qui s’explique par l’histoire : des personnes qui venaient jadis en vacances dans le Var ont construit un cabanon en bois, par exemple. On trouve ainsi dans certains coins des regroupements de dix, vingt ou trente cabanons. Et puis, ces braves gens ont pris leur retraite. Comme ils n’étaient pas bien riches, ils sont venus habiter leur cabanon, dans la plus parfaite illégalité, parfois même au risque de se retrouver dans une situation assez dangereuse. Mais ce sont évidemment des gens charmants, qu’on n’a pas forcément envie de chasser. Et d’ailleurs, où les enverrait-on ?

Enfin, il y a la cabanisation moderne, industrielle, qui consiste à acheter une grande parcelle en zone inconstructible – c’est moins cher, bien sûr ! –, puis à la démembrer et à revendre le tout par lots. Le prix de chaque lot représente dix fois leur valeur réelle, mais comme on est en zone inconstructible, il est quand même dix fois moins élevé que celui de l’équivalent en zone constructible. Bien entendu, on explique aux acheteurs que ce n’est pas constructible, mais qu’ils pourront y mettre leur caravane. On leur dit aussi que ce serait une bonne idée de s’inscrire sur la liste électorale et qu’un jour le terrain pourrait devenir constructible…

M. Pierre-Yves Collombat. J’ai connu ce genre de situation dans ma commune, avec des gens à qui j’étais bien obligé de dire qu’ils s’étaient fait escroquer.

Alors, je veux bien admettre ceci ou cela, je veux bien qu’on « pastille », qu’on autorise toutes les formes…

M. le président. Je vais vous demander de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, je n’ai pas beaucoup parlé jusqu’à présent. J’aurais pourtant eu bien des choses à dire ! Pourriez-vous m’accorder encore deux minutes ?

On se retrouve donc dans une situation très compliquée, à laquelle s’ajoute un problème annexe : l’institutionnalisation d’un traitement discriminatoire, alors que l’on prétend agir ainsi pour éviter de discriminer les personnes qui ont un mode de vie différent.

Je vous le dis : réfléchissez bien à ce que vous faites ! Parce que le jour où vous allez autoriser ce type de constructions un peu partout, tous ceux qu’on embête à longueur de journée sous prétexte qu’ils ont fait une demi-fenêtre qui ne convenait pas…

M. le président. Monsieur Collombat, je suis obligé de vous demander d’en rester là.

M. Pierre-Yves Collombat. Alors, monsieur le président, je reprendrai la parole tout à l'heure en explication de vote.

Les dispositions qui nous sont présentées ne sont pas bonnes et, je le répète, on ne sait pas où l’on met les pieds !

M. le président. L'amendement n° 557, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

résidences

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

mobiles ou démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’article 59 introduit la notion de « résidence démontable » et remplace le terme de « caravane » par celui de « résidence mobile ». Il s’agit à nos yeux d’une évolution positive et conforme à la réforme de 2007 de la partie réglementaire du code de l’urbanisme.

Toutefois, le renvoi à la loi 2000-614, dite « loi Besson », n’est pas opportun. En effet, ce texte mentionne une catégorie de « gens du voyage », dont le mode de vie serait « traditionnel ». Le code de l’urbanisme a vocation à s’adresser à l’ensemble de la population, sans faire référence à certaines catégories de personnes.

Nous proposons donc de supprimer la référence à la loi Besson et d’opter pour la notion générale de « résidences mobiles ou démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs ».

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 286 rectifié est présenté par Mme Lamure, MM. César, Calvet, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 298 rectifié bis est présenté par MM. Marseille, Delahaye, Bockel, Guerriau et Amoudry.

L'amendement n° 460 rectifié est présenté par Mme Gourault et M. Jarlier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 6 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 286 rectifié

Mme Élisabeth Lamure. Le projet de loi évoque ces habitats exotiques que sont les yourtes en recourant à l’expression de « résidences démontables ». Nous estimons qu’il n’est ni logique ni justifié de leur accorder un statut particulier plus favorable que le droit commun. Comme l’a dit Pierre-Yves Collombat, nombre d’élus rencontrent de grandes difficultés pour s’opposer aux installations illégales, et ils ne comprendraient pas que l’on crée un tel régime de faveur. D’où notre proposition de suppression.

M. le président. L'amendement n° 298 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l'amendement n° 460 rectifié.

M. Pierre Jarlier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. L’amendement n° 587 rectifié vise à supprimer les dispositions relatives à l’autorisation d’installation visant les caravanes et les résidences démontables qui constituent l’habitat permanent de leurs utilisateurs, aussi bien dans les zones pastillées d’un PLU que dans les zones situées de part et d’autre des voies à grande circulation.

L’amendement n° 557 vise à supprimer la référence explicite aux gens du voyage dans les dispositions qui concernent les résidences mobiles.

Les amendements nos 286 rectifié et 460 rectifié visent à supprimer la disposition qui oblige l’autorité administrative délivrant l’autorisation d’urbanisme à assurer le raccordement au réseau.

La commission est défavorable aux amendements nos 587 rectifié, 286 rectifié et 460 rectifié. À titre personnel, je ne suis pas hostile – sans que cela suscite pour autant mon enthousiasme – à la possibilité d’installation de caravanes et de résidences démontables dans les zones pastillées des PLU, car le pastillage en zone agricole naturelle est une faculté des communes. Elles ne définissent des secteurs d’accueil pour ces types d’habitat que si elles le souhaitent.

La commission demande l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 557. Même s’il existe des discriminations, à mon sens, la suppression de l’expression « gens du voyage » ne fera pas disparaître le fait que les intéressés vivent dans des caravanes, qu’ils habitent sur des terrains familiaux ou sur des aires de rassemblement ou d’accueil aménagées par des collectivités ; pour ma part, je m’honore d’avoir mis en place un tel système. J’ai quelques interrogations quant à l’opportunité de cette mesure, car je suis confronté tous les jours, sur le terrain, à ces situations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je pense que, au bout de quatre jours, vous commencez à comprendre le mode de travail que j’ai souhaité voir mis en œuvre dans l’élaboration de ce projet de loi.

À quoi cherchons-nous ici à faire face, monsieur Collombat ? Pas du tout à ce que vous avez décrit ! Du reste, vous êtes un peu désobligeant lorsque vous affirmez que cet article est un élément phare du projet de loi, car je crois que de vrais éléments phares ont d’ores et déjà été votés. Ma volonté est d’avancer sur certains dossiers et, en l’espèce, il s’agit seulement de clarifier un point de droit au regard de la jurisprudence.

Je me permets de vous inviter à une certaine gravité, car le sujet dont il est question peut paraître folklorique et il est vite caricaturé. En vérité, ce sujet n’a rien folklorique.

Quelle est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui ? Quand des personnes s’installent sur un terrain dont elles sont propriétaires en mettant en place un habitat démontable – cette appellation suppose qu’il soit satisfait à certains critères –, l’élu local a deux possibilités : soit ne rien dire, soit ne pas tolérer cette installation. Dans cette seconde hypothèse, il engage une procédure. Cela s’est produit un certain nombre de fois et les différentes actions en justice ont abouti à des décisions divergentes.

Il y a donc un conflit de jurisprudence avéré : dans certains cas, les habitats démontables sont considérés comme des tentes et ne sont donc soumis à aucune obligation au regard du droit de l’urbanisme ; dans d’autres cas, ils sont considérés comme des habitats permanents, relevant du régime du permis de construire, de sorte que la procédure peut aboutir à une demande non pas de démolition, puisqu’il ne s’agit pas de constructions, mais de démontage.

Certains membres de cette assemblée m’ont dit qu’ils n’avaient pas envie d’engager une procédure mais n’en étaient pas moins embarrassés par l’état de fait ; des cas m’ont été rapportés, notamment en Bretagne. (M. Joël Labbé acquiesce.)

La réponse que nous avons apportée ne satisfait pas pleinement les défenseurs de ce type d’habitat ; il suffit de lire les réactions de certains de leurs représentants. Mais notre réponse est une réponse juridique précise. Elle consiste à considérer que l’habitat permanent démontable – j’insiste sur le fait qu’il est démontable – peut être installé dans des zones constructibles ou pastillées, et exclusivement dans de telles zones. C'est pourquoi, monsieur Collombat, ce que vous nous avez expliqué à propos de cabanons en zone non constructible, sur des parcelles préalablement divisées, n’a absolument rien à voir avec ce que nous proposons dans le projet de loi : nous parlons de terrains constructibles qui peuvent faire l’objet d’une occupation légale par des bâtiments démontables.

Le conflit de jurisprudence – je le répète, les habitats démontables sont assimilés tantôt à des bâtiments et tantôt à des tentes – ne pourra pas être réglé autrement que par un travail législatif. C’est ce qui nous a amenés à mettre au point cette disposition.

Nous avons agi de même sur d’autres sujets, comme les établissements publics fonciers ou les dispositions datant de la Révolution française et relatives aux constructions en bord de Loire. Sur tous ces sujets, il est nécessaire d’avancer, parce que le vide juridique est préjudiciable aux élus, qui n’ont pas les moyens d’apporter une réponse adéquate.

Je suis parfaitement consciente que, du fait du caractère folklorisant qu’on peut lui prêter, le sujet de l’habitat démontable a donné lieu à des emballements, mais il convient de rester serein ; le rôle de législateur l’exige. Sommes-nous dans une situation satisfaisante d’un point de vue juridique ? Non. Faut-il, pour les élus locaux, apporter une réponse à ce problème ? Honnêtement, je pense que oui.

Si votre amendement est adopté, monsieur Collombat, nous resterons dans une situation de non-droit ; c'est la raison pour laquelle j’y suis défavorable. Vous n’empêcherez pas l’installation d’habitats démontables. Des procédures seront engagées. Dans certains cas, les habitats seront assimilés à des tentes ; d'ailleurs, sur le fond, un juge peut légitimement considérer qu’un habitat composé de toile et démontable en moins de trente minutes est assimilable à une tente. Mais d’autres juges ne verront pas les choses ainsi. Résultat : les élus locaux seront désarmés.

Nous proposons donc de clarifier la situation. Les habitats devront être, primo, non raccordés au réseau, c'est-à-dire parfaitement autonomes, secundo, parfaitement démontables et, troisièmement, installés dans des zones constructibles. Cette dernière condition est logique et répond à l’objectif, qui demeure, de limiter la consommation d’espace. Je rappelle également que les installations doivent pouvoir être intégralement démontées : s’il existe un seul élément inamovible, l’installation perd le statut d’habitat démontable.

Je sais que les esprits se sont parfois échauffés, mais notre proposition est à la fois très simple et très nécessaire. Le rejet de cette proposition maintiendrait une situation incertaine sur le plan juridique. C'est pourquoi je sollicite le retrait de votre amendement, monsieur Collombat.

Je demande également le retrait des amendements nos 286 rectifié et 460 rectifié, qui non seulement ne résoudraient pas la difficulté, mais créeraient une difficulté supplémentaire. En effet, il y aurait un conflit pour savoir si la collectivité peut être sommée de réaliser les réseaux. Je pense que cela complexifierait davantage la situation.

Je vous invite à accepter notre proposition, en la prenant pour ce qu’elle est : une réponse juridique adaptée à une situation qui laisse un certain nombre d’élus dans le flou face à des difficultés de fait.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 557.

MM. François Grosdidier et Gérard Cornu. Alors, ce n’est plus une brèche, c’est un gouffre !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il ne s’agit que d’une substitution de termes, messieurs les sénateurs. Il n’y a aucune modification de la législation. Relisez l’amendement : vous verrez qu’il vise uniquement à remplacer un terme par un autre.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote sur l'amendement n° 587 rectifié.

M. Gérard Cornu. J’ai bien entendu vos explications, madame la ministre, mais j’avoue que j’ai été très séduit par celles de notre collègue Pierre-Yves Collombat. Il a décrit des situations que vivent beaucoup de maires, et ceux-ci n’en peuvent plus ! Leurs administrés ont des difficultés pour obtenir un permis de construire et peuvent se retrouver dans l’illégalité faute de certificat d’urbanisme positif. Or, parallèlement, des gens s’installent en contradiction avec le droit sur des terrains non constructibles, ainsi que Pierre-Yves Collombat l’a parfaitement expliqué.

J’ai tendance à penser que notre collègue a brossé un tableau très réaliste. Je pense, avec d’autres sénateurs de mon groupe, qu’il faut donner un signe très fort pour montrer que nous n’acceptons pas les yourtes et autres habitats du même genre. Nous voterons donc l’amendement de Pierre-Yves Collombat.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

M. François Grosdidier. Je soutiens, bien entendu, les amendements de Pierre-Yves Collombat et d’Élisabeth Lamure.

Que la jurisprudence soit aujourd'hui instable et incertaine, c’est vrai : elle va trop souvent dans le sens du plus grand laxisme. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut consacrer ce laxisme par la loi. Or, là, c’est carrément un précipice que l’on veut ouvrir ! Bien entendu, c’est en sens contraire qu’il convient de légiférer.

Je ne reviens pas sur ce qu’ont dit mes collègues au sujet des situations que vivent les maires. Il est aujourd'hui très difficile de faire respecter le droit des sols par des personnes qui commencent par s’installer avec une caravane sur un terrain naturel, puis ajoutent un appentis et, au fil du temps, divers autres éléments. Si bien qu’il ne faut pas une demi-heure mais des journées entières pour démonter tout cela ! On se trouve en permanence en butte à des difficultés pour obtenir les décisions judiciaires qui conviennent et plus encore pour les faire appliquer.

Cette situation n’est pas tenable. Elle l’est encore moins aujourd'hui du fait de l’objectif, que nous faisons nôtre, de limitation de l’artificialisation des terres agricoles. Nous sommes toujours plus restrictifs sur la transformation de terrains naturels en terrains urbanisés, alors que 70 % des Français, nous devons garder cela à l’esprit, aspirent encore à la maison individuelle. Et c’est au moment où nous essayons de les détourner de ce choix que l’on permettrait à d’autres de s’installer en secteur diffus de façon irrégulière, en attendant une future régularisation !

On créerait en quelque sorte une forme de communautarisation du droit des sols : certains auraient des droits différents du droit commun en raison de leur appartenance à telle ou telle communauté !

Certaines personnes font le choix, parfaitement respectable, de la non-sédentarisation. Elles ont malheureusement une certaine propension à s’installer sur le terrain d’autrui, faute souvent d’aires de stationnement susceptibles de les accueillir, d’où l’importance de la mise en œuvre effective des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage.

Mme Esther Benbassa. Vous mélangez tout !

M. François Grosdidier. D’autres, en revanche, choisissent d’être sédentaires, ce qui implique qu’elles se soumettent au droit commun de l’urbanisme. Il faut donc donner aux communes, ou plutôt aux intercommunalités, puisque vous avez décidé de retirer cette prérogative aux maires, les moyens de faire respecter la législation.

Soit dit en passant, cette forme d’habitat anarchique en zone naturelle ne sera pas plus acceptable avec un PLUI qu’avec un PLU communal. Dans mon esprit, il s’agit simplement de faire respecter le droit des sols, faute de quoi, tout notre travail législatif serait vain !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour moi, il ne s’agit pas d’un problème folklorique ; c’est surtout un problème humain.

M. Pierre-Yves Collombat. À telle enseigne que je suis intervenu, notamment par des questions orales, pour essayer de régler - et nous avions réussi, au moins temporairement -, les situations invraisemblables de ces personnes vivant dans des ensembles ressemblant plus ou moins à des campings, qui se sont progressivement urbanisés sans respect de la réglementation. Quand ces braves gens apprennent qu’ils doivent déménager, alors qu’ils ont acheté leur emplacement pour l’hiver et qu’ils ne savent pas où aller, je puis vous dire que c’est véritablement un problème.

Pour ma part, je souhaiterais que nous essayions de régler ce type de problème, mais sans en rajouter.

Vous nous dites que cet article ne concerne que les zones urbanisables. (M. Gérard Cornu s’exclame.) Pourtant, dans les comptes rendus des séances de l’Assemblée nationale ou des travaux de la commission, j’ai bien lu que les résidences concernées, les yourtes, par exemple, pouvaient faire l’objet d’une pastille au sein des zones A ou N. Si les zones N deviennent constructibles, alors !…

Mme Cécile Duflot, ministre. Pas du tout !

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, les pastiller, c’est les rendre constructibles !

Enfin, ce qui me gêne le plus dans cet article, c’est le paragraphe III, dont la rédaction implique que l’on peut s’installer dans des terrains non aménagés, à condition, est-il précisé, que les personnes fassent leur affaire de l’alimentation en eau potable, de l’électricité et de l’assainissement des eaux domestiques usées, ainsi que de la sécurité.

Que signifie « assurer l’alimentation en eau potable » ? Les personnes vont se mettre à faire des forages ? Peut-être…

On peut concevoir qu’elles assurent l’approvisionnement en électricité, mais quid de l’assainissement des eaux domestiques usées ? Comment cela va-t-il se régler, à l’heure où l’on essaie de développer les services publics d’assainissement non collectif ?

Et la sécurité incendie ? Faut-il le rappeler ici, très souvent, ces occupations se situent dans des espaces boisés, où le risque d’incendie n’est absolument pas nul.

C’est la raison pour laquelle je précisais, dans l’objet de mon amendement, que l’article 73 amendé me semblait plus à même d’apporter une solution au problème. Car je ne nie pas la réalité du problème, madame la ministre, mes chers collègues.

Franchement, peut-on autoriser l’installation de gens, quel que soit leur mode d’habitat, dans des secteurs un peu dispersés et, surtout, sans un minimum de garanties en matière d’équipement ?

Comme nous le savons tous, les règles d’urbanisme sont nombreuses et complexes. L’urbanisme, c’est pas triste ! Je n’ai pas de conseil à donner, mais, si nous généralisons cette pratique, ce sera un tollé général, car les citoyens nous reprocheront de ne pas hésiter à les sanctionner pour la moindre entorse au droit de l’urbanisme mais de laisser d’autres s’installer n’importe où, sans équipement ni contraintes d’aucune sorte.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Ce n’est pas notre intention !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais je le sais bien, monsieur le rapporteur. Je ne doute pas un instant de la pureté de votre intention,…

M. Gérard Cornu. Il ne faut pas être naïf !

M. Pierre-Yves Collombat. … mais il faut tout de même se poser la question de l’impact de la mesure sur les habitants et sur la capacité du maire à faire respecter les règles d’urbanisation.

On a rappelé tout à l’heure qu’à Ramatuelle il avait fallu vingt ans pour faire démonter une maison en dur, au demeurant très belle, qui avait été construite dans l’illégalité.

Encore une fois, pour être positif, il me semble que c’est plutôt en perfectionnant l’article 73 que nous pourrons apporter des réponses à ce vrai problème.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je vais essayer d’être bref, mais il est des moments où il faut bien dire les choses. Mme la ministre nous a fait une réponse juridique adaptée sur un sujet qui est délicat, pour moi comme pour vous tous, mes chers collègues.

Nous ne sommes ni dans la naïveté ni dans l’angélisme et nous reconnaissons l’existence du problème. Évidemment, il ne s’agit pas d’une mesure phare du texte, il en comporte bien d’autres, et nous en avons déjà débattu. Néanmoins, c’est un problème qui doit être pris en compte. Notre collègue Collombat a parlé à juste titre d’un point incandescent : c’est bien le cas !

À nos yeux, la solution ne saurait être le signal fort réclamé par M. Cornu, qui serait une façon de dire : « Pas de ça chez nous ! Circulez ! ». Autrement dit, soit vous rentrez dans les cases, soit vous vous en allez, alors qu’il y a des gens qui ont choisi ce mode de vie.

M. Gérard Cornu. Ils doivent simplement respecter le droit !

M. Joël Labbé. La réponse juridique adaptée dépend tout d’abord de la volonté du maire, dont nous avons beaucoup parlé tout à l’heure. Ensuite, si j’ai bien lu, il faut l’accord du préfet.

En cet instant, je souhaiterais exprimer le respect de mon groupe envers les personnes qui ont choisi ce mode de vie.

Mme Élisabeth Lamure. Ce n’est pas le sujet !

M. Joël Labbé. Je le répète, nous ne versons pas dans l’angélisme, encore moins dans l’anarchie : si nous laissons faire tout et n’importe quoi, c’est évidemment intenable ! Il s’agit simplement d’encadrer ce qui existe.

M. François Grosdidier. Mais les règles existent déjà !

M. Joël Labbé. Pour nous, cette mesure, qui donne enfin un statut à toutes ces formes d’habitat, même les moins conformistes, constitue un grand pas en avant.

J’ai entendu parler d’exotisme, ce qui sous-entend une certaine volonté d’exclusion, alors que vivre autrement, faire le choix de la sobriété heureuse si chère à Pierre Rabhi, trouver des alternatives à la crise et à l’austérité sont aussi des choix citoyens. C’est une forme de résilience particulièrement respectable.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ne dites pas cela !

M. Joël Labbé. Ces comportements ne sont pas appelés à se multiplier, mais les personnes qui font ce choix sont pleinement responsables et respectables. Ce ne sont pas forcément des modèles, mais elles existent.

En conclusion, je voudrais saluer le courage de Mme la ministre : elle a mis le doigt sur ce sujet, sans chercher à l’éviter, mais au contraire en tentant de trouver une réponse juridique adaptée à l’ensemble des modes de vie.

Avec cet article 59, Mme la ministre affirme que, dans notre beau pays de France, on a aussi le droit de vivre autrement !

M. François Grosdidier. Il sera bientôt plus facile de faire un bidonville qu’un lotissement !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur Grosdidier, je serais donc ici pour vous proposer, au nom du Gouvernement, de développer l’habitant anarchique en zone naturelle, pour reprendre vos propres termes…

Pensez-vous sérieusement que ce soit le cas ?

M. François Grosdidier. C’est ce que dit une certaine jurisprudence !

Mme Cécile Duflot, ministre. Évidemment, après de tels propos, qui travestissent complètement les objectifs de cet article, je suis bien dans l’embarras pour vous répondre sérieusement !

Nous sommes dans un faux débat, ce qui est très dommage. Monsieur Grosdidier, à trop vouloir envoyer des signaux à je ne sais qui pour la fin de je ne sais quoi, vous ne réglez rien du tout. La suppression de cet article provoquerait seulement le statu quo, laissant les élus locaux dans la difficulté.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous n’avons aucun message à envoyer !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous pouvez contester la réalité du monde, mais ce n’est pas ma façon de faire. Comme je l’ai dit à M. Fichet sur la loi Littoral, je ne prétends pas que tout est formidable et qu’il n’y a pas lieu de débattre. N’ayant adopté cette attitude sur aucune autre question, je ne vais pas commencer avec ce sujet, qui peut effectivement paraître marginal et qui devrait d’ailleurs le rester : résider dans un habitat démontable est un choix de vie qui n’a pas vocation à se multiplier.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Effectivement, ce n’est pas majoritaire !