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Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, du projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.
J’informe également le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen et du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député et limitant à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.
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Radio France Europe
Adoption d'une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, de la proposition de résolution visant à créer une station de radio française « Radio France Europe », RFE, destinée à mieux faire connaître, dans tous les domaines, la vie quotidienne de nos partenaires européens, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Pierre Bernard-Reymond et plusieurs de ses collègues (proposition n° 459, 2012-2013).
Dans le débat, la parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, auteur de la proposition de résolution.
M. Pierre Bernard-Reymond, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, née aux États-Unis des excès de l’ultralibéralisme, la crise financière qui a déferlé sur le monde a mis en évidence la fragilité de la construction européenne.
Cette crise est financière, économique, sociale, mais elle est aussi morale, identitaire, existentielle.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, grâce à l’intuition de ses pères fondateurs, l’Europe a parfaitement répondu au défi de l’établissement d’une paix durable sur notre continent.
Quarante ans plus tard, après l’implosion de l’URSS, la chute du mur de Berlin et la dissolution du Pacte de Varsovie, l’Europe a été capable de répondre à un deuxième grand défi : celui de sa réunification. Certes, la question de savoir s’il fallait privilégier l’élargissement ou l’approfondissement s’est posée. D’ailleurs, elle se pose toujours. Mais, face à cette interpellation forte de l’histoire venue des anciens pays de l’Est, pouvait-on ignorer la profonde aspiration de tous ces peuples à retrouver auprès de nous la liberté et la démocratie ?
Aujourd’hui, l’Europe fait face à son troisième grand défi : celui de la mondialisation. Resterons-nous acteurs de l’histoire ou n’en serons-nous plus que les spectateurs ?
Jadis, les affaires du monde se réglaient autour de la Méditerranée. Puis, pendant plusieurs siècles, cela s’est fait autour de l’Atlantique. Aujourd’hui, et plus encore demain, ce sera autour du Pacifique, où nous ne sommes pas. Ce défi géostratégique est important. Il est d’autant plus difficile à relever qu’il est accompagné de la plus grande crise économique que nous ayons subie depuis la guerre. Comment imaginer que chaque État européen puisse s’en sortir seul quand on sait que, dans moins de cinquante ans, un seul pays de l’Union figurera peut-être dans les dix premières puissances mondiales ?
La naissance de l’Europe s’est faite dans un climat quasiment euphorique : la paix, le plan Marshall, le baby-boom, puis les Trente Glorieuses, durant lesquelles il était possible de produire et de redistribuer dans des conditions exceptionnelles. Un tel climat était propice à un consensus sur l’Europe et à des avancées institutionnelles importantes, même si la politique des petits pas a toujours été la règle.
L’institution du Conseil européen, l’élection du Parlement européen au suffrage universel, la création de l’euro et, plus récemment, le traité de Lisbonne, ont été des étapes significatives.
Aujourd’hui, le seul mot de « traité » fait peur à tout le monde.
Une telle situation est d’autant plus préoccupante qu’elle se déroule sur un fond de désamour et de scepticisme des populations à l’égard de l’Europe. On assiste même à la résurgence des nationalismes, des populismes et des séparatismes.
Il est vrai que la gouvernance de l’Europe n’est certainement pas étrangère à ces difficultés.
L’ultralibéralisme mondial, auquel l’Europe a volontiers adhéré, la persistance du mode intergouvernemental dans le processus de décision, la répugnance de chefs d’États à déléguer une part de souveraineté au profit d’une plus grande intégration et d’une plus grande efficacité, la pratique de plus en plus répandue d’un mode de gouvernance qui rétrécit l’horizon, fondé sur ce que j’appellerai le « carré tragique » que constituent les sondages, le marketing, la tactique électorale et la communication au détriment d’un projet à long terme par lequel le peuple se sentirait appelé : tout cela concourt à un certain ensablement de la construction européenne.
Or jamais l’Europe n’a été aussi nécessaire. À l’heure de la mondialisation, c’est en étant davantage Européens que nous pourrons rester souverains.
Certes, les mesures mises en œuvre après la crise de 2008 ont d’ores et déjà permis de réorienter la gouvernance économique, bancaire et budgétaire, à un rythme qu’il eût été impossible d’atteindre en période de croisière. Mais nous sentons bien qu’il faut avoir le courage d’aller au-delà et que le passage de l’Europe économique à l’Europe politique ne se fera pas automatiquement.
Il s’agit d’un saut qualitatif indispensable, car l’Europe sera politique ou ne sera plus.
Or l’Europe politique suppose deux conditions : le courage et l’ambition des gouvernants – nous attendons beaucoup du couple franco-allemand à cet égard – et l’adhésion des peuples. C’est sur ce second point que porte la proposition de résolution que j’ai l’honneur de vous présenter. Je remercie la présidence et le bureau de notre assemblée de m’y avoir autorisé, comme je vous remercie de votre présence ce soir, madame la ministre.
J’ai eu plaisir de constater il y a encore peu de temps, même si la situation a évolué depuis, que ma proposition était soutenue par des collègues de différents groupes, dans la majorité comme dans l’opposition. Je m’en félicitais.
Si la construction de l’Europe a été à l’origine essentiellement l’affaire des hommes politiques, des fonctionnaires bruxellois et des grandes entreprises, le besoin s’est très vite fait sentir d’y associer les peuples ; les jumelages, l’office franco-allemand pour la jeunesse, le programme Erasmus s’inscrivent dans cette perspective. Mais, au moment où le projet européen est contesté par une partie de l’opinion publique, une relance de l’Europe par les peuples est devenue indispensable.
Cela passe par une meilleure connaissance mutuelle et une plus grande intimité des peuples européens entre eux. La radio peut être un moyen, parmi beaucoup d’autres, d’y parvenir.
Il ne s’agit surtout pas de créer Radio Bruxelles ou Radio Strasbourg ! Les institutions doivent comprendre, même si ce sont elles qui apportent l’essentiel du financement, que les peuples n’adhèreront à l’idée de l’Europe qu’à travers une meilleure connaissance mutuelle de chaque pays de l’Union, de son histoire, de sa culture, de sa vie quotidienne, et non à travers l’actualité des institutions européennes.
Il s’agit d’offrir à nos concitoyens la possibilité de mieux connaître ce qui nous rapproche ou ce qui nous distingue des autres peuples de l’Union européenne, à travers une connaissance immédiate et régulière de réalités ou d’événements culturels, sportifs, politiques, économiques, sociaux et festifs qui font la société de chaque peuple.
Si, grâce à Radio France Internationale, RFI, les Français peuvent être informés de la vie de tel ou tel pays africain, ne serait-il pas légitime qu’ils puissent l’être aussi des peuples avec lesquels nous construisons l’Europe ?
Dans cette perspective, mon idée première consistait à proposer la création d’une radio, Radio France Europe, RFE, qui émettrait vingt-quatre heures sur vingt-quatre de manière que l’auditeur soit certain à tout moment de pouvoir se brancher sur une réalité européenne au lieu d’être contraint à des tranches horaires qui ne correspondent pas nécessairement à la propre organisation de son emploi du temps. J’en espérai une audience raisonnable.
Toutefois, même si l’on ne peut guère comparer ma proposition, dont l’objet est de faire connaître les autres peuples européens, et non pas le travail des institutions européennes, l’analyse des différentes tentatives antérieures, ainsi que la situation financière nécessairement contrainte à laquelle s’attacherait une telle création imposent peut-être plus de modestie. Il semble donc nécessaire de procéder par étapes, en partant de ce qui existe. Pour autant, la démarche doit rester empreinte d’une certaine ambition. Nous ne devons pas perdre de vue, à terme, l’objectif initial, à savoir la création d’une radio émettant au moins dix-huit heures par jour et entièrement dédiée à une meilleure connaissance de chaque partenaire de l’Union européenne.
Par ailleurs, il s’agit de faire connaître non pas la France en Europe, mais les pays européens en France, en souhaitant évidemment que cette démarche française soit un jour copiée par chacun de nos partenaires pour ce qui les concerne. Or cette expérience n’a encore jamais été vécue, ni mise en œuvre.
L’autre raison d’une démarche plus pragmatique vient du fait qu’un contrat est actuellement en cours entre l’Union européenne et le groupement d’intérêt économique ayant remporté l’appel d’offres, Euranet Plus. Il convient donc de le respecter.
L’Europe n’est pas totalement absente de notre univers de radiodiffusion. Je pense à Accents d’Europe ou à Carrefour de l’Europe, qui, sur l’initiative de Radio France Internationale et Euranet Plus, regroupe treize radios, concerne 20 millions d’auditeurs et diffuse en France, à travers BFM, des informations européennes à raison de soixante-quinze minutes par jour.
Mais cette radio, qui, à ma connaissance, ne couvre pas tout le territoire national, est davantage orientée vers la diffusion d’informations de nature politique, ayant trait notamment à la vie des institutions, ce qui reflète une conception différente de cette proposition de résolution.
Néanmoins, ce serait déjà un progrès si, par exemple, France Inter, qui l’avait, je crois, un temps envisagé, rejoignait Euranet Plus pour additionner ses propres efforts à ceux de BFM. Ce serait une étape significative vers la création d’une radio française qui rapprocherait nos concitoyens des autres peuples européens.
Certes, il y aurait encore à faire ensuite, mais c’est un premier pas qui témoignerait de la volonté de reconquérir durablement et en profondeur les opinions publiques. Il importe en effet que celles-ci soient favorables à la construction européenne, dont, en définitive, dépend le destin de chacune et de chacun d’entre nous.
En fait, il y a deux façons d’aborder une telle proposition de résolution. Soit l’on reste dans la sphère des communications et l’on fait l’inventaire de toutes les difficultés à surmonter, notamment techniques et financières. Soit l’on s’élève à un niveau politique en envisageant l’avenir de la construction européenne, et, si l’on y croit, en se promettant de mettre en œuvre progressivement tous les moyens nécessaires, l’objectif étant d’une grande importance.
À la veille des élections européennes, il m’a semblé que la question méritait d’être posée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous débattons aujourd'hui a un objet à la fois fort simple et très ambitieux.
Il s’agit de favoriser une européanisation du débat public, une meilleure connaissance de l’Europe dans toute sa diversité et de le faire notamment par la création d’une nouvelle station de radio, qui serait provisoirement baptisée Radio France Europe, en référence à Radio France Internationale.
Je signale toutefois que cette nouvelle antenne radiophonique n’aurait pas la même visée que sa vénérable consœur et n’entrerait en aucun cas en concurrence frontale avec elle. Vu les craintes émises par certains de mes collègues depuis quelques jours, je tiens à le préciser à ce stade de mon intervention, afin d’évacuer la fausse controverse qui pourrait se développer à ce sujet...
RFI relève de l’audiovisuel extérieur de la France. La station, ou plutôt la myriade de stations qu’elle regroupe avec des programmes spécifiques en différentes langues, vise les publics installés ou vivant en permanence hors de France. Son périmètre est, sinon véritablement planétaire, tout au moins pluri-continental. À l’exception de la région parisienne, et encore de manière parfois assez inconfortable pour son écoute, RFI ne dispose pas d’un réseau national de fréquences sur notre territoire.
Certes, une part des programmes de RFI, très minoritaire d’ailleurs, traitent de l’actualité européenne, qu’elle soit institutionnelle ou qu’elle se rapporte aux nouvelles spécifiques à chacun de nos vingt-sept partenaires de l’Union européenne.
Mais, outre leur volume très réduit au regard de l’offre globale proposée par RFI, ces programmes sont épars, difficilement identifiables, et, comme je l’ai souligné, non captables par une très large majorité de nos concitoyens.
L’objet de Radio France Europe est précisément d’offrir à ces derniers, et à l’instar de ce que fait RFI à l’échelle mondiale, une information de qualité et facilement identifiable à propos de l’Europe sur l’ensemble du territoire national.
Car l’Europe demeure encore aujourd’hui le grand fantôme qui hante notre vie publique et qui, en dépit de son omniprésence, ne se révèle que de manière très fugace dans notre vie quotidienne. Comme tout ce qui est masqué ou recouvert d’un voile, l’Europe est aujourd’hui en France l’objet de tous les fantasmes. Hier, il s’agissait sans doute de fantasmes exagérément positifs. Aujourd’hui, il s’agit presque systématiquement de fantasmes négatifs et anxiogènes...
L’enlisement dans la crise et les replis nationaux qu’elle suscite sont évidemment passés par là !
Nous, parlementaires, savons bien la place majeure qu’occupe aujourd’hui l’Union européenne dans les choix et les orientations prises à l’échelle nationale. Mais notre comportement politique est souvent des plus ambigus…
Lorsque l’Europe conduit à de réelles avancées pour nos concitoyens et engendre des subsides importants pour nos territoires, nous avons une fâcheuse tendance à occulter son rôle et à nous attribuer les mérites de la situation. À l’inverse, dès lors qu’une mesure prise à l’échelle européenne est impopulaire, et quand bien même elle a obtenu l’aval de notre gouvernement au sein du Conseil européen, nous sommes souvent prompts à fustiger Bruxelles et à nous dédouaner de nos propres responsabilités...
Soyons clairs, bien qu’européiste convaincu, je ne suis pas, loin s’en faut, en train de dire que le fonctionnement de l’Union européenne me satisfasse. Je veux simplement souligner que la mise en scène à laquelle nous nous prêtons parfois, relayée et amplifiée par de nombreux médias, consistant à ne faire apparaître le fantôme européen que pour le fustiger lorsque les choses vont mal, est sans doute la principale raison qui conduit nos concitoyens à l’euro-indifférence, voire à l’anti-européanisme qui sévit aujourd’hui dans notre société.
La résolution qui vous est proposée a justement pour ambition de renverser ce malheureux état de fait.
Il ne s’agit évidemment pas de créer un média propagandiste dont la fonction serait de porter la bonne parole d’une Europe où tout serait merveilleux. Non ! Il s’agit en premier lieu de donner à savoir et à comprendre, hors du seul périmètre étroit de l’information hexagonale, la dimension européenne de ce qui nous traverse au quotidien dans nos réalités de tous les jours. L’objet de cette radio serait précisément de faire toucher du doigt cette Europe-là, alors qu’elle est si mal connue.
Bien sûr, on nous objectera le coût d’un tel média. C’est un argument que je trouve malheureux, surtout en 2013, année de la citoyenneté européenne ! À quoi bon développer tout un discours sur cette belle notion et chercher à démocratiser l’Europe si nous ne nous donnons pas les moyens pour cela ?
Après un rapide calcul, le budget annuel de cette station se situerait aux alentours de 15 millions d’euros annuels, soit un peu moins que le budget du Mouv’, la station de Radio France à destination de la jeunesse. C’est, certes, une somme non négligeable, mais qui reste très raisonnable au regard de l’utilité publique d’un tel projet.
Radio France Europe, qui devra impérativement être sous la double tutelle de Radio France et de l’audiovisuel extérieur, et construite en étroite collaboration avec Radio France Internationale, pourra naturellement développer certains contenus propres. C’est souhaitable. Mais elle devra aussi fonctionner comme une radio de rattrapage pour les émissions à vocation européenne qui existent déjà sur le service public, notamment sur RFI, mais que nous avons du mal à capter ou à entendre parce qu’elles sont diffusées à des horaires tardifs.
Elle pourra également conclure des accords avec des médias publics européens pour reprendre certaines de leurs productions. Il serait bon, également, en partenariat avec EuroparlTV, la chaîne développée par le Parlement européen, qu’elle puisse aussi diffuser certaines sessions de l’Assemblée de Strasbourg.
Bref, ce sont autant de possibilités qui réduiraient le coût de cette nouvelle radio tout en apportant énormément à la qualité du débat public.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous n’ignorons pas qu’un débat se fait jour actuellement sur l’opportunité et la faisabilité d’une telle initiative, y compris d’ailleurs au sein du groupe écologiste : ses membres ne sont pas tous d’accord sur le sujet, et ils voteront de manière différenciée.
À titre personnel, et avec un certain nombre d’autres collègues, je voterai résolument en faveur de ce texte.
Néanmoins, quel que soit le jugement que l’on peut avoir sur cette proposition de résolution précise, nous ne pouvons plus ignorer la nécessité de parler davantage d’Europe, sur nos ondes et dans nos débats. Il y a urgence, nous sommes tous d’accord sur ce point. Reste encore à trouver la façon la plus efficace d’y contribuer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la Seconde Guerre mondiale et l’arrêt des conflits qui l’ont longtemps agitée et divisée, l’Europe a pris une nouvelle dimension, tendant progressivement vers une union autour d’un projet commun.
Sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, la Communauté économique européenne, renforcée par les accords de Schengen, a réussi sa transformation en Union européenne, avec le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, qui a prévu à la fois une citoyenneté européenne, une monnaie unique, une politique de sécurité et une politique étrangère communes.
Il s’agit là d’une construction difficile, car les membres de l’Union européenne, derrière une unité de façade, tentent de préserver au mieux leur influence propre.
En dépit des réformes et de l’enrichissement général des citoyens de l’Union, l’aspect trop technocratique des décisions de Bruxelles, la complexité de l’édifice européen et les abandons de souveraineté – souvent mal vécus –, ainsi que les insuccès, par exemple, de la lutte contre le chômage ou encore de la gestion des crises de la vache folle ou des marées noires, et l’incapacité à faire valoir une position commune dans les relations internationales conduisent ces mêmes citoyens à oublier l’essentiel, notamment la nécessité d’aller voter.
La gravité de la crise économique actuelle a exacerbé les interrogations. Aujourd’hui, l’Europe est confrontée un problème : se retrouver autour de valeurs indiscutablement partagées.
Au-delà de la paix et de la prospérité, la nécessité de convaincre cinq cents millions d’habitants de revendiquer une citoyenneté européenne est de plus en plus évidente. L’Union européenne ne peut remplir sa mission qu’à la condition que ses membres partagent un fort sentiment d’unité et d’appartenance.
Selon moi, la création de la radio nationale Radio France Europe, destinée à mieux faire connaître la vie quotidienne de nos partenaires européens, permettrait de rappeler aux Européens qu’ils sont tous porteurs d’un héritage et d’un avenir commun. Je tiens donc à féliciter particulièrement notre collègue Pierre Bernard-Reymond de son initiative : par le biais de la présente proposition de résolution, il demande au Gouvernement la création de ladite radio.
L’idée d’une station de radio développant une connaissance mutuelle des citoyens de l’Union européenne n’est pas totalement nouvelle, mais la proposition de résolution suggère une mise en œuvre inédite.
À cet égard, il faut mentionner l’existence d’Euranet, réseau mis en place sur l’initiative et avec le soutien financier de la Commission européenne. Ce réseau a été lancé par des radios européennes telles que Deutsche Welle, Radio France Internationale ou Radio Netherlands. Il a pour objet « d’améliorer la couverture médiatique venant d’Europe et traitant de l’Europe, […] afin d’encourager la création d’une société civile européenne ». En 2008, seize radios et huit radios associées de quinze pays de l’Union européenne ont commencé à coproduire et à diffuser quotidiennement des émissions sur l’actualité européenne en dix langues. La finalité est de couvrir progressivement toutes les langues officielles de l’Union européenne.
Par ailleurs, le mode de fonctionnement d’Euranet lui permet d’être au plus près de la vie européenne, car les stations de radio participantes fournissent, dans leur langue respective, des actualités, des reportages, des interviews diffusés dans le cadre d’émissions communes. De plus, l’interactivité de ces programmes quotidiens, d’une durée comprise entre trente et soixante minutes, a été renforcée par le lancement d’un portail Internet commun.
Cependant, le barrage de la langue est un frein à la portée de ce réseau. Il faudrait donc qu’une radio française poursuive cette démarche en diffusant sur le territoire français, et dans notre langue, les informations concernant l’ensemble de nos voisins européens.
Des projets ont déjà vu le jour, mais uniquement à un niveau local. Ainsi, Euradionantes, une radio associative, consacre depuis plusieurs années l’ensemble de ses programmes à une meilleure connaissance de nos partenaires européens et des institutions européennes. Des émissions relatives à l’Europe sont également diffusées sur des chaînes locales, mais sur un créneau horaire limité.
Ces initiatives enregistrent de bons taux d’audience, démontrant l’intérêt réel de nos concitoyens pour cette démarche. Il serait donc pertinent de permettre la diffusion de telles informations à l’échelle nationale. C’est l’objet du projet intitulé « Radio France Europe », présenté dans le cadre de la présente proposition de résolution.
Bien évidemment, une telle ambition nécessite un soutien financier pour aboutir. C’est pourquoi ce texte prévoit une prise en charge pour moitié par l’Union européenne. Celle-ci doit agir, comme elle l’a fait avec Euranet, afin de développer une connaissance réciproque entre ses citoyens. Elle pourrait d’ailleurs étendre le projet d’une chaîne nationale européenne aux autres pays partenaires.
Cela étant, son histoire reste encore largement à écrire et je pense que l’adoption de cette proposition de résolution complèterait utilement cette œuvre collective. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP soutiendront cette démarche.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se limitera à une brève explication de vote. Le texte présenté par M. Bernard-Reymond a laissé mon groupe perplexe. L’absence d’aspérités dans l’exposé des motifs, clair et plutôt lisse, vise manifestement à susciter le consensus le plus large possible.
Mais la création d’une radio n’est pas une mince affaire, mes chers collègues, et ne peut se décréter d’un coup de baguette magique. Je comprends l’angoisse des défenseurs ardents de l’Europe libérale, celle des traités de Maastricht ou de Lisbonne, qui cherchent un moyen de persuader notre peuple du bien-fondé d’une construction européenne qui lui échappe et qu’il rejette de plus en plus.
De ce point de vue, l’auteur de la présente proposition de résolution a dressé un tableau plutôt noir de l’Europe actuelle dans le cadre de la mondialisation en marche – elle ne marche d’ailleurs pas si bien ! –, et s’est interrogé sur son avenir. J’ai ainsi relevé l’expression « scepticisme des populations » dans ses propos. L’ultralibéralisme n’apportant donc pas les réponses attendues, le manque de projet à long terme pour l’Europe se fait sentir.
Faut-il plus d’Europe ou une Europe du progrès social avec une adhésion des peuples, dont vous avez, mon cher collègue, souligné l’absence ? Pour ma part, je partage votre vision très noire.
Créer une radio consacrée uniquement à la vie des autres peuples d’Europe me semble d’une grande témérité et loin d’atteindre l’essentiel.
Si l’on peut admettre qu’il serait intéressant d’être mieux informé sur les difficultés de vie des peuples européens ou sur l’effondrement social de pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Roumanie ou la Bulgarie, pourquoi ne pas renforcer le rôle du service public actuel, de grande qualité de surcroît ? Je pense en particulier à Radio France, avec France Inter, France Culture, France Info et RFI.
Pourquoi limiter l’information à la réalité d’une Europe, à une station spécialisée, alors que l’Europe n’est ni source d’enthousiasme ni en bonne santé ?
Oui, il faut informer plus et mieux. Prenons l’exemple d’Aube dorée en Grèce. Qui, en dehors des passionnés de politique internationale, avait perçu le danger naissant ? N’était-ce pas le rôle du service public existant d’alerter nos concitoyens sur le développement d’une organisation néonazie aux portes du pouvoir au sein même de l’Union européenne ?
Je note d’ailleurs que France Inter a annoncé aujourd’hui même entamer une tournée des capitales européennes, dont le programme, pour l’instant limité, répond en partie à nos préoccupations.
Mais, et vous le savez bien, mes chers collègues, outre des questions réelles de ligne éditoriale, les moyens manquent cruellement au service public pour faire face à certaines missions C’est là le second argument qui motive le rejet par mon groupe de la présente proposition de résolution.
En 2014 comme en 2013, le budget de Radio France sera en baisse – cette année, il a diminué de 1,4 %. Or il nous est proposé de créer une nouvelle station de radio publique, a priori financée par l’Union européenne à hauteur de 50 %. Mais qu’en pensent les personnels de Radio France ? Cet aspect du problème semble vous avoir échappé… Je crois que ces salariés ne nous comprendraient pas, à l’heure où ils subissent des restrictions budgétaires et, par voie de conséquence, des suppressions de postes.
Cette proposition de résolution ne nous semble donc ni opportune ni prioritaire, sur le plan tant politique que budgétaire. C’est pourquoi nous ne la voterons pas.