M. François Rebsamen. Hors sujet !
M. René-Paul Savary. Cette année, 1 200 000 foyers supplémentaires vont payer l’impôt sur le revenu ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. La faute à qui ?
M. Claude Bérit-Débat. Amnésie !
M. René-Paul Savary. Nous le savons, cette loi sera difficilement applicable. C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement cet amendement de suppression.
Rappels au règlement
M. François Fortassin. C’est en tant que membre du bureau que je fais ce rappel au règlement.
Ce matin, comme un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de lire un titre particulièrement désagréable…
M. Christian Cambon. Offensant !
M. François Fortassin. … sur une chaîne que, par ailleurs, nous finançons.
M. Alain Anziani. Cela veut dire qu’elle est libre !
M. François Fortassin. Nous exprimons ici des points de vue différents qui, tous, sont respectables. Ceux d’entre nous qui défendent un cumul limité ne doivent pas être traités de « ringards ». Pensons que, au-delà des élus que nous sommes, il y a les électeurs qui nous ont confié ce mandat. La moindre des choses, c’est de les respecter !
Je conçois tout à fait que certains de mes collègues soient favorables au non-cumul. À titre personnel, je ne partage pas ce point de vue : je suis pour un cumul limité à un seul mandat exécutif.
Quoi qu’il en soit, s’il n’est pas question pour nous de dicter d’une manière quelconque notre point de vue à une chaîne que nous avons voulue indépendante,...
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle l’est !
M. François Fortassin. … nous pouvons tout de même lui demander de nous respecter ! (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Le bandeau diffusé ce matin sur Public Sénat, c’est de l’irrespect pur et simple !
M. François Trucy. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La presse est libre !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 1er ter (suite)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur l’amendement n° 10.
M. Éric Doligé. Avec l’article 1er ter, dont nous sommes nombreux à demander la suppression, nous commençons à saisir ce qui se passe au sein du Parlement : par petites touches successives des unes, des uns ou des autres, on commence à enfermer le parlementaire, pour qu’il n’y en ait plus qu’une seule catégorie.
Mme Éliane Assassi. Non, justement !
M. Éric Doligé. On veut limiter la durée du mandat, le cumul et interdire toutes les fonctions quelles qu’elles soient. (Mme Corinne Bouchoux s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. On veut des hommes et des femmes qui représentent la société !
M. Éric Doligé. On veut empêcher l’activité professionnelle. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) À force, on ne pourra plus rien faire, ni avant, ni pendant, ni après le mandat !
Certes, le Parlement est pour beaucoup composé de personnalités ayant accompli leur carrière au sein de partis ou de structures politiques – le mot « apparatchik » ne me plaît pas –, mais n’oublions pas tous ceux qui étaient dans la vie active : médecins, chefs d’entreprise, ouvriers...
Mme Éliane Assassi. Amalgame !
M. Éric Doligé. Au cours de nos mandats, qui auront pu être renouvelés, les entreprises, les métiers, les savoirs auront évolué. Pourtant, on voudrait que nous soyons complètement détachés de la vie et de ce qui se passe en dehors de cet hémicycle !
S’il est interdit aux parlementaires de garder un lien avec leur ancienne activité – il ne s’agit pas seulement de rester en contact avec d’anciens collègues ! –, comment pourront-ils, au terme de leur mandat ou de deux mandats, si c’est cette limite qui est fixée, retourner dans la vie civile ? Ce sera impossible, car ils ne s’y retrouveront pas et auront perdu pied ! Et ce sera le cas de 80 % des parlementaires !
Trouvez-vous normal que la représentation nationale se prive d’individus susceptibles de faire bénéficier notre pays de leur expérience professionnelle ?
Mme Éliane Assassi. C’est déjà le cas !
M. Éric Doligé. Cette mesure aura un autre inconvénient ! Plus aucune profession libérale, plus personne issu du monde de l’entreprise ou du secteur privé ne voudra exercer un mandat ! Souhaite-t-on que les chefs d’entreprise, les cadres, les médecins, etc. soient tous interdits de Parlement ? En effet, ils ne pourront plus exercer à nouveau leur profession au terme de leur mandat ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
C’est facile quand on est fonctionnaire,…
M. Christian Cambon. Eh oui !
M. Éric Doligé. … qu’on a la vie devant soi et qu’on est sûr de retrouver son métier à la sortie,…
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Éric Doligé. … qui plus est en ayant connu de l’avancement !
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
M. Éric Doligé. Je pourrais vous citer l’exemple de nombreux collègues issus de la fonction publique qui ont été élus au moment où ils occupaient des postes importants et qui, à l’issue de leur mandat, ont bénéficié de promotions assez extraordinaires.
M. Christian Cambon. Eh oui !
M. Éric Doligé. Je n’ai jamais vu un élu issu du secteur privé quitter son entreprise à un certain niveau et la réintégrer dix ans après en se voyant promu ! Cela n’arrive pas ! Il faut donc être raisonnable.
Là, vous êtes en train de tuer le fonctionnement de la société. Bien pis, vous êtes en train de tuer le Parlement !
Rappels au règlement (suite)
M. François-Noël Buffet. Je reviens sur les propos de M. Fortassin. Il est vrai que le bandeau diffusé par Public Sénat ce matin pose une question fondamentale, celle du respect de l’institution dont nous sommes les représentants.
Il n’est pas question une seule seconde de vouloir tenir la plume des journalistes.
M. François-Noël Buffet. En revanche, il est absolument nécessaire que ceux-ci prennent conscience du respect qu’ils doivent à ceux qui siègent dans cet hémicycle, qui sont élus au suffrage universel et qui se sont hier soir exprimés très largement en faveur de l'amendement de M. Mézard, contre la proposition du Gouvernement.
Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir demander au président du Sénat d’exercer un droit de réponse auprès de Public Sénat, de manière à faire prévaloir la défense de notre institution. On ne peut pas dire n’importe quoi, n’importe quand, seulement pour faire des effets d’annonce ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 1er ter (suite)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’amendement n° 10.
Mme Éliane Assassi. Monsieur Doligé, c’est justement pour les raisons que vous avez avancées que nous demandons un véritable statut de l’élu !
M. Éric Doligé. Vous ne l’aurez pas !
M. Christian Cambon. Ce n’est pas une priorité !
Mme Éliane Assassi. En partant perdant, on n’obtient jamais rien dans la vie !
Vous avez parlé des cadres, des fonctionnaires, des professions libérales. Moi, je vous parlerai des ouvriers et des ouvrières. Certes, il y en a peu dans nos assemblées.
L’une de mes collègues était ouvrière avant de devenir parlementaire. Sans statut de l’élu local, croyez-vous qu’elle retrouvera du travail dans trois ans, au terme de son mandat ?
Mme Hélène Lipietz. Exactement !
Mme Éliane Assassi. Pensez-vous qu’elle pourra réintégrer son poste, d’autant qu’elle exerçait dans son entreprise des fonctions syndicales ?
Mme Hélène Lipietz. Voilà !
Mme Éliane Assassi. C'est la raison pour laquelle je ne déroge pas à l’ambition qui est la nôtre, celle de disposer le plus rapidement possible d’un véritable statut de l’élu local. (Mmes Hélène Lipietz et Corinne Bouchoux applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’ai bien écouté les différentes interventions depuis le début de nos débats, et je souhaite attirer l’attention de notre assemblée sur les parcours que des femmes et des hommes peuvent avoir dans le cadre de leur engagement, quel qu’il soit. Mais nous sommes ici dans une assemblée d’élus, et je prendrai donc l’exemple d’un parcours d’élu.
Ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie viennent d’horizons divers : ils sont ou non héritiers ; ils se battent. Nous pouvons regarder nos parcours respectifs, ils se résument tous ainsi : d’abord, il faut croire, avoir envie et oser ; ensuite, le suffrage universel ou, s’agissant de notre assemblée, le corps des grands électeurs se prononce.
Ce qui me dérange avec ce texte, c’est que l’on nous prive de liberté.
Pour ma part, j’ai souhaité occuper de plus hautes fonctions pour pouvoir agir et travailler sur l’aspect législatif. Avec ce projet de loi, je n’en aurai plus le droit. Entendez que des femmes et des hommes, d’âges et de conditions différentes, siégeant sur les différentes travées de cette assemblée, peuvent avoir encore envie d’agir !
Vous ne me ferez pas croire qu’un conseiller municipal d’une très grande ville ou d’un tout petit village aura le même poids, dans les assemblées départementales ou régionales, qu’un président ou un vice-président, femme ou homme. Il faut tout de même respecter la hiérarchie ! On lui demandera de rester gentiment assis sur son tabouret !
Je vous le dis : je n’en peux plus. Je considère que c’est liberticide. Laissez-nous agir !
Je le démontrerai par un seul exemple, celui de l’inflation normative, sujet qui nous occupe tous, toutes tendances confondues, mais qu’a porté plus particulièrement Éric Doligé ces dernières années.
Voilà quelques mois, j’ai eu l’occasion d’évoquer le début de l’acte de contrition des parlementaires devant l’inflation normative. En effet, c’est bien par des lois, puis par les décrets qu’exigent les dispositions nouvelles votées par le Parlement, que nous ajoutons progressivement des normes.
En toute logique, l’inflation législative et normative se poursuivra demain, puisque nous exercerons nos fonctions à temps complet et que nous aurons chacun envie de faire davantage. Ainsi, sans doute aveuglément, vous allez encourager une forme d’antiparlementarisme et de populisme que la crise ne manquera pas d’exacerber.
Mes chers collègues, je vous en conjure : ressaisissons-nous ! Il est grand temps aujourd’hui de donner de nous une autre image. À la place qui est la mienne aujourd’hui, et dans les conditions actuelles, je considère aujourd’hui que le procès en ringardise est un faux et un mauvais procès. Ressaisissons-nous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Rappels au règlement (suite)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je voudrais faire quelques observations sur des propos qui viennent d’être tenus.
Je comprends l’exaspération, l’indignation, l’agacement, devant ce qui peut être considéré comme une vision caricaturale proposée par la presse. Toutefois, le principe qui doit nous conduire a été rappelé : nous devons respecter toutes les opinions, qu’elles soient émises ici même ou à l’extérieur. Nous devons donc respecter aussi les opinions exprimées par la presse, même si ces dernières ne nous sont pas favorables ou même si nous ne les partageons pas. Il s’agit là d’un premier principe.
J’irai un peu plus loin. N’engageons pas le débat comme nous avons pu le faire nous-mêmes, hier, en opposant d’un côté les charognards, de l’autre les parachutistes. En faisant cette distinction entre cumulards-charognards et parachutistes, nous donnons nous-mêmes le baton pour nous faire battre. Il s’agit là d’un mauvais débat qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous savons bien quel est l’enjeu : il s’agit de notre vision des institutions et de la pratique politique. Les questions qui nous sont posées à propos de cette vision – et je répondrai ainsi à l’orateur – sont les suivantes : quel est l’équilibre des pouvoirs ? Comment concevons-nous notre mandat ?
Pour répondre à un autre intervenant, je rappellerai que nous avons eu, avant les vacances – il n’y a donc pas si longtemps –, un débat sur la transparence de la vie publique, au cours duquel nous avons été quelques-uns à poser clairement la question : peut-on être parlementaire et exercer en même temps une activité professionnelle très lourde ? Ainsi, peut-on être en même temps parlementaire et avocat ? J’ai été avocat ; j’ai arrêté. Peut-on être en même temps parlementaire et chef d’entreprise ?
Ma réponse n’a pas varié. J’affirme, parce que j’en ai fait l’expérience, que c’est impossible. Je soutiens même qu’il est sans doute beaucoup plus redoutable, y compris en termes de conflit d’intérêts, d’être, par exemple, parlementaire et avocat d’affaires que d’être parlementaire et maire. Cette question-là devra un jour être pleinement traitée, vidée, si l’on veut résoudre le problème des conflits d’intérêts.
Je vous rappelle enfin que, de l’autre côté de l’Atlantique, il n’est pas possible d’être parlementaire et d’exercer une autre profession. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux dire un mot sur ce que j’ai entendu afin d’en appeler moi aussi à la responsabilité et à un principe que le Sénat a toujours défendu avec force, dans un passé récent, celui de la liberté de la presse.
Mme Hélène Lipietz. Voilà !
M. David Assouline. Lors de l’examen de la réforme constitutionnelle, j’ai eu l’honneur de présenter un amendement visant à introduire dans la Constitution le principe d’indépendance, de pluralisme et de liberté de la presse. Cet amendement a été majoritaire, ce qui signifie que, sur l’ensemble de nos travées, existe une majorité pour inscrire ce principe à l’article 34 de la Constitution.
La liberté de la presse est donc d’abord un mot, mais elle se traduit ensuite en une pratique de tous les jours. Nous devons respecter la liberté de la presse, que nous soyons d’accord ou non avec telle une ou tel bandeau de quelque organe de presse que ce soit. Ainsi, ce matin, je ne peux être d’accord avec la une de Libération : vais-je pour autant demander un droit de réponse ? Il relève de l’honneur du Sénat de ne pas entrer dans ce type de considérations. Il s’agit bien là de liberté de la presse : en effet, Public Sénat n’est pas l’organe officiel du Sénat ; heureusement d’ailleurs pour la minorité sénatoriale, car ce serait alors forcément l’organe de l’exécutif et de son président.
Je veux vraiment vous appeler au sursaut là-dessus : n’entrez pas là-dedans ! Nos débats, dans lesquels chacun dit les choses jusqu’au bout, sont marqués par la liberté d’expression. Quant aux commentaires à l’extérieur de l’hémicycle, ils sont légitimes. À travers eux, l’opinion perçoit ce qui se passe ici.
L’existence de notre assemblée a toujours fait l’objet d’interrogations. La question : pourquoi deux chambres ? est constamment posée. La légitimité du Sénat repose sur l’adhésion du public et de l’opinion publique.
Par conséquent, quand la presse et ceux qui s’expriment à l’extérieur font leurs commentaires, n’en rajoutons pas par nos interventions, nos protestations : du moment que nous ne relevons pas dans la presse d’appel à la violence, de propos racistes ou attentatoires aux personnes, laissons les opinions s’exprimer.
Je vous le dis donc : respectez la liberté de la presse dans cet hémicycle, ce sera à notre honneur ! (Exclamations sur diverses travées.)
Mme Éliane Assassi. Avançons ! Avançons ! On ne va pas y passer la nuit !
M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais, ès qualités de président de la commission des lois, faire quelques remarques.
Premièrement, si des critiques doivent être présentées à l’encontre de propos tenus par un sénateur qui sont rapportés par un organe de presse écrite ou télévisée, il faut les présenter à celui qui a tenu ces propos.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr ! C’est évident !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne peut pas reprocher à des journalistes de rapporter des propos, dès lors qu’ils en indiquent l’auteur.
Deuxièmement, quoi qu’il en coûte – et nous sommes un certain nombre, sur toutes les travées, à savoir ce qu’il peut en coûter –, la liberté de la presse est un principe fondamental, et le Sénat de la République se doit d’en être le garant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Article 1er ter (suite)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur l’amendement n° 10.
M. Philippe Dallier. Je voudrais revenir sur le statut de l’élu. En évoquant les limites du cumul dans le temps, on est effectivement au cœur du problème. Cette question du statut de l’élu est vraiment un serpent de mer. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de statut de l’élu, puisque des dispositions existent. La question est de savoir si elles sont suffisantes.
En ce qui concerne les salariés, dont on a parlé tout à l’heure –, je rappelle que les dispositions en vigueur prévoient que la suspension du contrat de travail pendant la durée du premier mandat est de droit. A la fin du premier mandat, la suspension du contrat de travail tombe, et le contrat de travail tombe de droit. C’est cela le problème, aujourd’hui.
En outre, il faut encore bien prendre en considération la différence entre deux types d’entreprises : les très grandes entreprises peuvent effectivement se permettre de conserver parmi leurs salariés un certain nombre de parlementaires ou de maires, tandis que les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises ne peuvent pas faire de même. Même si nous allions vers un allongement de la durée de la suspension du contrat de travail, nous savons bien que la situation serait extrêmement difficile pour certaines entreprises. Il faut prendre ce point en considération.
En termes d’évolution de carrière, il y a bien évidemment une énorme différence entre les fonctionnaires et ceux qui travaillent en entreprise. Si vous êtes fonctionnaire, vous continuez à bénéficier de droits à avancement, et vous retrouvez un emploi lorsque votre mandat est terminé. Dans les TPE et dans les PME, tel n’est absolument pas le cas, et c’est bien là que réside la différence fondamentale.
Par conséquent, si nous voulons que les assemblées soient les plus diverses et les plus représentatives possible, qu’elles comptent des jeunes, des salariés, des fonctionnaires, des moins jeunes, etc., encore faut-il prendre en considération les très grandes différences qui existent sur le terrain. Quelles que soient les dispositions que nous pourrions prendre, nous n’arriverons pas à les atténuer complètement.
Enfin, entrer en politique, c’est forcément prendre un risque et faire un choix. Si vous voulez voir en politique des jeunes et des personnes issues des entreprises, il faut prendre en considération le fait que ces gens-là vont prendre un risque, pour eux, pour leur famille, pour leur carrière et pour leur avenir.
Par conséquent, leur dire de manière abrupte : « Écoutez ! Vous pouvez faire deux mandats, et après deux mandats, vous retournerez sans aménagement particulier sur le marché du travail, et bonne chance pour la suite ! », ce n’est à mon avis pas tout à fait correct ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Rappels au règlement (suite)
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui, ici, est contre la liberté de la presse ? Monsieur Assouline, qu’est-ce que cet amalgame ? Le droit de réponse, la protection des sources dont M. Buffet parlait tout à l’heure font partie du droit républicain et de notre Constitution, tout comme le respect de la liberté de la presse. (Eh oui ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais quand quelqu’un s’estime atteint dans sa dignité, il peut demander un droit de réponse !
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin. Quand il s’agit de l’honneur, quand il s’agit de la dignité, le droit de réponse existe ! Nous sommes en droit, comme le faisait remarquer François-Noël Buffet après M. Fortassin, de demander à celui qui préside notre assemblée d’exprimer le fait qu’un certain nombre d’entre nous sont blessés dans leur dignité. (M. Jacques Mézard acquiesce.)
J’ai aimé l’intervention de M. Mézard hier, parce qu’elle avait quelque chose d’assez révoltant.
Monsieur le ministre, je vous parle avec respect. Au cours de ma vie politique, j’ai été dix-huit ans à la tête d’un exécutif régional, exerçant un certain nombre de responsabilités, et je suis maintenant sénateur à plein temps. Pouvant donc comparer plusieurs statuts, je peux vous dire que le statut d’aujourd’hui n’est pas forcément plus efficace que le statut d’hier.
Dans ma vie politique, j’ai eu très souvent besoin de prendre position, quelquefois même contre mon parti. J’ai eu besoin de ma liberté. Or, à qui devais-je ma liberté ? Non pas à ceux qui donnaient les investitures ! Je la devais à mes électeurs du Poitou qui me faisaient confiance ! Je savais que je pouvais parler à Paris parce qu’ils me soutenaient, et que c’était devant eux que je devais rendre des comptes.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cet enracinement, c’est notre liberté ! Cet enracinement, c’est la capacité, aujourd’hui, d’assumer nos convictions et de ne pas dépendre d’une investiture, d’un appareil qui, à un moment ou à un autre, finit par imposer sa règle !
À mes jeunes collègues qui sont nouveaux dans cette assemblée et ont la fraîcheur de la jeunesse, je voudrais simplement dire ceci : vous verrez ce qu’est la liberté en politique ! Ne laissez jamais votre liberté être atteinte ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ne laissez jamais les appareils, à un moment ou un autre, prendre possession de votre liberté ! Vous avez la liberté de vous engager, évidemment, mais vous avez aussi le devoir d’être respectés !
C’est pourquoi le droit de réponse, tout à fait dans la ligne de notre droit, est pour nous la façon de dire que notre liberté est aussi notre honneur ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Bas. M. Jean-Pierre Raffarin l’a justement souligné, sur aucune des travées de cette assemblée, nous n’aurions supporté d’attendre les débuts du XXIe siècle et un amendement de M. David Assouline pour que la liberté de la presse entre enfin dans la catégorie des principes fondamentaux de notre République ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Je rappelle que l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – cela ne date pas d’hier, monsieur Assouline ! – proclame « la libre communication des pensées et des opinions », qui « est un des droits les plus précieux de l’Homme », et dispose que « tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement », ajoutant – et c’est bien clair – : « sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Le débat a donc déjà eu lieu voilà plus de deux siècles.
Nous sommes ici au cœur d’un principe fondamental. Il y a le droit, mais aucun droit n’est absolu ; tous les droits sont limités par la loi en cas d’abus.
Certains se rappellent les abus de la liberté de la presse dans les années trente,…
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’en est pas là !
M. Philippe Bas. … des désastres, y compris des désastres intimes, que ces abus ont pu provoquer.
Eh bien non ! l’insulte, l’offense, la mise en cause de la dignité des personnes ne relèvent pas de la liberté de la presse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Jacques Mirassou. J’ai été particulièrement silencieux jusqu’à maintenant, mais j’avoue entendre sur les travées situées à la droite de cet hémicycle une petite musique qui commence à être fatigante. En proclamant à toute force et à jet continu que vous seriez affranchis des partis politiques, vous trahissez considérablement la vérité, tout en vous achetant une forme de bonne conscience à peu de frais.
Ainsi que l’a dit hier l’un de mes camarades et collègues, il n’y a pas de honte à appartenir à une formation politique, et ce d’autant plus que l’utilité des partis politiques en matière de fonctionnement de la démocratie est consacrée dans notre Constitution. Il n’y a donc pas, d’un côté, ceux qui, un peu penauds peut-être d’assumer leur vote, saisiraient l’opportunité de sortir par le haut en stigmatisant les partis politiques, et, de l’autre, des hommes et des femmes qui, parce qu’ils appartiendraient à une formation politique, auraient parfaitement aliéné leur liberté d’individu et de citoyen.
De grâce, mes chers collègues, épargnons-nous ce débat par trop manichéen ! Les arguments avancés de part et d’autre sont recevables, mais, au bout du compte, c’est l’électeur qui choisira ! Que chacun prenne ses responsabilités ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour un rappel un règlement.
Mme Corinne Bouchoux. Je ne suis pas certaine que nos débats prennent le tour que nous souhaitons tous, quel que soit notre point de vue.
Je comprends tout à fait que certains aient pu se sentir vexés, peinés, voire agressés, par certains titres de ce matin. Néanmoins, déplacer le débat me semble au mieux maladroit, au pire contreproductif.
Je reconnais que le mot « cumulard » a une connotation franchement négative. Ceux d’entre nous qui cumulent ne sont pas forcément plus experts ou plus légitimes que les autres. C’est une affaire de choix personnel, d’intime conviction.
Dans un bus de la ligne 38, hier soir, j’ai entendu ce que des jeunes disaient de nous après avoir pris connaissance de la teneur de notre débat. Leurs propos m’ont fait prendre conscience du fait que si les arguments en faveur du cumul que certains d’entre nous exposent fort brillamment, avec beaucoup d’éloquence, étaient compris voilà dix ans, ou à tout le moins laissaient nos concitoyens indifférents, tel n’est plus le cas aujourd’hui. À tort ou à raison, ceux-ci considèrent que la Haute Assemblée, en dépit de son immense expertise, leur ressemble de moins en moins ; ils ne se retrouvent pas dans ce que nous faisons. (Brouhaha sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)