compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Fin de mission d’une sénatrice
M. le président. Par lettre en date du 17 septembre, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 19 septembre 2013, de la mission temporaire sur les améliorations en faveur de l’accès aux soins des personnes en situation de précarité confiée à Mme Aline Archimbaud, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 19 septembre 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 621-2 et L. 622-1 du code de commerce dans leur rédaction applicable en Polynésie française (Faculté du tribunal de se saisir d’office aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire) (2013-352 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
4
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (projet n° 734, résultat des travaux de la commission n° 834, rapport n° 832).
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 344, qui a eu lieu hier soir : notre collègue Michelle Meunier a été comptabilisée comme votant pour, alors qu’elle voulait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Michel Vergoz.
M. Michel Vergoz. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point : lors des scrutins nos 343 et 344, je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Discussion des articles (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement portant article additionnel après l’article 1er.
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2411-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 18° Conseiller municipal ou conseiller général ou conseiller régional ou parlementaire. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref puisque j’ai longuement développé le sujet lors de mon intervention dans la discussion générale.
Si nous souscrivons, pour notre part, à la limitation du cumul des mandats, nous considérons qu’il faudrait aborder la question de fond, qui est la mise en place d’un véritable statut de l’élu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement d’appel a pour objet d’attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en place un véritable statut de l’élu, souhait que je ne peux que partager, comme beaucoup de nos collègues.
Je saisis cette occasion pour vous interroger à nouveau, monsieur le ministre, sur les intentions du Gouvernement à cet égard, plus particulièrement sur l’avenir de la proposition de loi de nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, adoptée par le Sénat en janvier dernier.
Je crois savoir – M. le ministre chargé des relations avec le Parlement l’a indiqué hier – qu’un rapporteur a été nommé à l’Assemblée nationale. Nous aimerions avoir la certitude que ce texte sera examiné d’ici à la fin de l’année par nos collègues députés.
Madame la sénatrice, je vous invite à retirer cet amendement. A défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. O. 127 du même code, il est inséré un article L. O. 127-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 127-1. – Nul ne peut exercer plus de deux mandats parlementaires successifs. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet article vise à lutter contre le cumul dans le temps, qui est un frein important au renouvellement de la vie politique. La classe politique française est en effet marquée par un faible renouvellement de ses élus.
Telle est la raison pour laquelle nous proposons que nul ne puisse exercer plus de deux mandats parlementaires successifs.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Lipietz, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L.O. 127 du même code, il est inséré un article L.O. 127-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 127-1. – Nul ne peut exercer plus de trois mandats successifs. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Les Verts proposent que nul ne puisse exercer plus de trois mandats successifs. Je vous renvoie aux explications développées par Mme Assassi sur les raisons d’une telle proposition.
M. le président. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L.O. 127 du code électoral, il est inséré un article L.O. 127-… ainsi rédigé :
« Art. L.O. 127-... – Nul ne peut exercer plus de trois mandats de député successifs.
« Les personnes appelées à remplacer un député dans les conditions prévues par l’article L.O. 176 sont réputées avoir exercé un mandat au sens de l’alinéa précédent si elles ont exercé ce mandat pendant une durée d’au moins trois ans. »
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Il s’agit là d’un amendement important que nous avons d’ailleurs évoqué lors de la discussion générale. Puisque le Gouvernement veut, par son projet, assurer le renouvellement de la vie politique, nous proposons de commencer par une disposition très simple, qui paraît une évidence : la limitation des mandats dans le temps. Ainsi, au sein d’une des deux chambres, les parlementaires ne pourraient exercer plus de trois mandats successifs. Pour un sénateur, cela ferait trois fois six ans, soit dix-huit ans. Pour un député, cela ferait trois fois cinq ans, soit quinze ans. Cela paraît raisonnable. D’ailleurs, dans les faits, cela ne toucherait pas énormément de nos collègues.
Je n’ai donc toujours pas compris pourquoi le Gouvernement s’était opposé à l’Assemblée nationale à cette demande de la commission des lois. J’attends par conséquent que M. le ministre nous indique les raisons pour lesquelles il s’oppose au renouvellement de la vie politique française que nous proposons par cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. L’amendement n° 57 rectifié vise à limiter à deux mandats successifs le nombre de mandats comme parlementaire. Les amendements nos 37 et 61 rectifié reprennent le même principe en permettant néanmoins l’exercice de trois mandats successifs.
La limitation du cumul des mandats dans le temps soulève, sur le plan constitutionnel, des réserves qui ont conduit l’Assemblée nationale à supprimer, en séance publique, les dispositions similaires adoptées en commission des lois, contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement.
En effet, dans sa décision du 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel a estimé que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ».
Il convient de relever que la limitation du cumul des mandats dans le temps crée non pas une incompatibilité qui peut être résolue après l’élection, mais une inéligibilité, qui empêche un élu sortant de déposer sa candidature.
La jurisprudence constitutionnelle est donc plus stricte pour encadrer la liberté du législateur dans la fixation de ces règles.
Il ressort de la décision précitée que, à défaut de l’âge, de l’incapacité ou de la nationalité – ce n’est pas en cause dans le cas présent –, seule une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu peut justifier une inéligibilité.
Or, même si d’aucuns jugent cette évolution souhaitable, elle ne semble pas disposer d’un fondement constitutionnel suffisant, car elle n’est pas véritablement de nature à préserver cette liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu.
Sur ce point, la récente décision du 10 juillet 2013 du Conseil constitutionnel, lequel a refusé de se prononcer sur une disposition similaire relative aux conseillers consulaires et aux conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, semble indiquer que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’a pas évolué.
Pour ces raisons, la commission des lois sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat a en effet eu lieu à l’Assemblée nationale, où un amendement similaire au vôtre a été adopté par la commission des lois. Ce texte n’a cependant pas été voté en séance publique.
M. le rapporteur vient de donner les arguments constitutionnels expliquant ce rejet.
Je dirai que notre texte est déjà très ambitieux en matière de limitation du cumul des mandats, puisqu’il interdit le cumul d’un mandat exécutif et d’un mandat parlementaire.
Nous considérons que, pour ce qui concerne la limitation des mandats dans le temps, c’est au fond à l’électeur qu’il appartient de faire ce choix.
D’autres discussions pourraient d’ailleurs être ouvertes, et l’exemple américain est de ce point de vue intéressant. Il y a aux États-Unis une limitation dans le temps pour les mandats exécutifs – pour le président, comme c’est également le cas désormais en France, pour le gouverneur d’un État ou le maire d’une ville –, mais pas pour les mandats parlementaires. Cette distinction, d’un point de vue politique – et aussi juridique et constitutionnel –, me paraît particulièrement intéressante. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas pris cette voie. Nous appelons donc au rejet de ces amendements.
Il s’agit, je le reconnais, d’un débat intéressant, porté par plusieurs groupes. Sans doute correspond-il à un questionnement. Pour des raisons politiques, constitutionnelles, de pratique, nous ne suivrons pas les auteurs de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur l'amendement n° 57 rectifié.
M. Éric Doligé. Je voudrais attirer l’attention sur un élément de différence entre les amendements, élément qui a peut-être échappé à certains. En effet, s’agissant des amendements nos 57 rectifié et 37, le cumul des mandats s’entend au sens de « mandat parlementaire » et vise à la fois les mandats de sénateur et de député. On a droit à deux mandats, sans plus.
M. Zocchetto vise, quant à lui, le cumul des mandats dans la même assemblée, les limitant à trois. Il s’agit là d’un point important.
Monsieur le ministre, vous nous expliquez – je l’ai bien noté – qu’il faut faire confiance aux électeurs quand ils choisissent leurs élus dans le temps ; je constate cependant que, s’agissant du cumul, on est très sélectif dans la confiance accordée aux électeurs !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous avons là la démonstration de tout ce que nous disons depuis longtemps. En effet, on fait confiance à l’électeur quand cela arrange, mais on ne lui fait plus confiance quand cela n’arrange pas! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Il est évident que la modernisation de la vie publique aurait des incidences sur le renouvellement des mandats.
S’opposer au cumul d’un mandat de sénateur et d’un mandat d’exécutif d’une commune de trente habitants et considérer que pouvoir y siéger pendant un demi-siècle, c’est moderniser la vie publique, la démarche est assez originale ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Mais rien ne nous étonne plus !
À un moment, il faut dire les choses ! Surtout quand on voit le traitement médiatique de ce dossier, y compris sur Public Sénat...
M. Christian Cambon. Eh oui ! C’est scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. On nous a dit, hier, que le Conseil constitutionnel avait changé d’avis s’agissant des lois organiques relatives au Sénat.
La décision du Conseil constitutionnel que viennent de citer M. le ministre et M. le rapporteur est ancienne et reflétait, très certainement, une conception de la Constitution voilà un quart de siècle.
On sait bien que les lois sont faites – et c’est heureux ! – pour être relues à la lumière d’une société qui évolue. Rien ne nous prouve, tant que nous ne lui avons pas soumis le présent texte, que le Conseil aurait aujourd’hui la même position qu’il y a un quart de siècle. L’argument fondé sur l’inconstitutionnalité de nos trois amendements me paraît donc quelque peu léger.
Mme Éliane Assassi. Exactement ! Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je veux souligner un point qui me semble assez étonnant.
La politique serait donc le seul domaine dans lequel l’expérience des uns et des autres finirait par devenir une tare. C’est tout de même extraordinaire !
Dans le domaine professionnel, l’expérience est valorisée. Or l’expérience s’acquiert avec le temps passé à travailler dans un même domaine, à exercer le même métier. En politique, en revanche, il semblerait que, pour certains, l’expérience soit une tare. C’est là une sacrée contradiction !
Vous voulez des assemblées parlementaires qui soient les plus diverses possible. Très bien !
Je rappellerai simplement qu’un salarié, comme je le fus avant d’être élu relativement jeune à des fonctions exécutives, se pose à un moment donné la question de savoir s’il doit privilégier sa carrière professionnelle ou son engagement dans la vie politique.
Ce débat est certes complexe. Mais il paraît délicat de dire à celui qui a été élu à trente ans que, âgé maintenant de quarante-cinq ans, il doit chercher autre chose ! Réfléchissez-y ! L’expérience n’est pas une tare ! Le Sénat est une assemblée de sages, en théorie. Or la sagesse nécessite de l’expérience !
Cessons de nous engager dans des voies qui flattent un certain populisme. Nous finirons, sinon, par dégoûter les Français de la politique ! Nous donnons l’impression de nous auto-flageller en permanence ! Cela finit par m’exaspérer... (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pourrions être tentés, dans un premier temps, de voter ces amendements, inspirés par de très bons sentiments. Ils reposent en effet sur l’idée selon laquelle, au bout d’un certain temps, il faut laisser la place aux jeunes. Les plus jeunes d’entre nous ne peuvent qu’être sensibles à une telle idée.
Dans un second temps cependant, il faut avoir le réflexe d’en revenir aux principes et à la prudence.
M. le ministre, M. le rapporteur et un certain nombre de nos collègues ont rappelé que, pour répondre à cette question, la confiance des électeurs devait être notre premier moteur, comme ce fut le cas lorsque nous avons débattu de la compatibilité d’un mandat exécutif local avec un mandat de député ou de sénateur.
Penchons-nous sur notre histoire : si une telle mesure avait été appliquée, il n’y aurait pas eu Clemenceau pour gagner la Grande Guerre,…
M. Philippe Dallier. C’est sûr !
M. Philippe Bas. … ni Léon Blum,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Jaurès !
M. Philippe Bas. … ni Valéry Giscard d’Estaing, ni Jacques Chirac, ni François Mitterrand.
Et il n’y aurait pas aujourd’hui François Hollande, monsieur le ministre ! (M. le ministre s’exclame.)
Prenons garde de ne pas priver la République de ces personnalités, toutes convictions et familles politiques confondues, qui ont su, au Parlement, forger leurs armes, creuser leur sillon et contribuer à l’avenir de notre pays.
Telle est la raison pour laquelle aucun de ces amendements ne me paraît devoir être adopté par notre assemblée, surtout après le vote intervenu cette nuit dans cet hémicycle sur la compatibilité entre un mandat exécutif local et un mandat de député et de sénateur.
C’est le même principe, cette confiance vis-à-vis des électeurs, qui doit, de mon point de vue, inspirer notre vote sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’entends bien vos arguments sur l’expérience, et je ne les remets pas en cause. Cependant, mes chers collègues, si, dans nos assemblées, siégeaient au moins 50 % de jeunes (Protestations sur les travées de l'UMP.) ou au moins 50 % de femmes,...
Mme Corinne Bouchoux. Tout à fait !
M. Christian Cambon. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Mme Éliane Assassi. ... et si ces assemblées étaient représentatives de la société, nous ne nous poserions pas cette question !
Si nous nous la posons, c’est précisément parce que, dans nos assemblées, il n’y a pas de jeunes, ni assez de femmes, et parce que notre société n’y est pas représentée dans son entièreté ! Cessons les faux débats !
J’ai également entendu l’argument de l’inconstitutionnalité qui a été invoqué ; mais j’ose vous le dire, mes chers collègues : faites preuve d’un peu de volontarisme et de courage politique pour faire bouger les lignes ! (Mmes Hélène Lipietz et Corinne Bouchoux applaudissent.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Article 1er ter A
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa des articles L.O. 137 et L.O. 137-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne perçoit que l’indemnité attachée au dernier mandat acquis. » ;
2° L’article L.O. 141 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au I de l’article L.O. 151, à l’incompatibilité mentionnée au premier alinéa du présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire et l’indemnité attachée à un autre de ses mandats de son choix. » –
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter A.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l'article.)
Article 1er ter
Après l’article L.O. 147 du même code, il est inséré un article L.O. 147-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 147-1. – Le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président, de vice-président et de membre :
« 1° Du conseil d’administration d’un établissement public local ;
« 2° Du conseil d’administration du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale ;
« 3° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale ;
« 4° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement ;
« 5° (nouveau) D’un organisme d’habitations à loyer modéré. »
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Fouché, Milon et du Luart, Mme Sittler, M. Pointereau, Mlle Joissains, MM. Beaumont, Pintat, Hyest, Doublet et D. Laurent et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Hier, je ne suis pas intervenu dans la discussion générale sur le présent texte. Je souhaite simplement rappeler aujourd’hui que, au moment où la France connaît des difficultés économiques sans précédent, vous vous évertuez par pure idéologie à détricoter toutes les lois qui ont été votées par vos prédécesseurs, et dont certaines seront peut-être à nouveau soumises à notre examen. On entend dire en effet qu’un texte sur la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait revenir sur le bureau du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Puis, par calcul politique ou politicien,...
Mme Hélène Lipietz. Et vous, vous ne faites pas de politique ?
M. Rémy Pointereau. ... vous n’avez eu de cesse, depuis un an, de chercher à modifier méthodiquement tous les modes de scrutin pour tenter de verrouiller les élections les unes après les autres.
Désormais, par calcul « populiste », vous vous attaquez, au sein du Sénat, au cumul des mandats, non pas sous la pression de nos concitoyens, mais sous celle des médias et des sondages, en tombant bien sûr dans la démagogie la plus complète.
Selon moi, ce sont les électeurs qui doivent choisir si leurs élus peuvent cumuler plusieurs mandats : ils renouvellent leur confiance aux élus efficaces.
Là encore – et cela a été dit hier –, les Français sont opposés non au cumul des mandats, mais au cumul des indemnités.
Hier, j’ai volé au secours d’un député socialiste qui figure dans le classement de L’Express parmi les dix premiers « cumulards » et était accusé sur Internet de toucher 50 000 euros d’indemnités par mois ! Chacun sait en effet que, du fait de l’écrêtement, il n’est pas possible de toucher plus de 8 200 ou 8 500 euros par mois ! Il faudrait mieux informer nos concitoyens à cet égard et tenter de leur expliquer que le cumul des indemnités n’existe plus depuis longtemps.
Cet écrêtement, en revanche, n’existe pas pour les élus locaux, puisque ces derniers peuvent cumuler un certain nombre d’indemnités : on peut être à la fois maire, vice-président d’une agglomération, président d’un office d’HLM, président d’un syndicat départemental, président d’un « pays », et j’en passe, et cumuler les indemnités bien au-delà du plafond prévu pour les parlementaires.
Ce texte n’est à mon avis pas équitable. Puisque vous préconisez la justice et l’équité pour tous, vous devriez approuver cet amendement qui tend à permettre aux parlementaires d’exercer des fonctions de président ou de vice-président dans un établissement public, dans un « pays » ou autre.
Il s’agit de rétablir une certaine équité entre le statut de parlementaire et celui d’élu local.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. La suppression de l’article 1er ter mettrait en cause une mesure introduite par l’Assemblée nationale, qui nous semble majeure. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. On ne peut que soutenir cet amendement.
Il n’est qu’à prendre l’exemple des sociétés publiques locales, les SPL. Ce nouvel outil, qui présente la particularité d’être uniquement composé de collectivités locales, par le biais de représentants, permet à ces dernières de gérer des services intéressants, de bénéficier d’un droit et d’une comptabilité privés pour exercer directement un service public en in house, c’est-à-dire sans appel d’offres. C’est bien le but de ce type de structure.
Pourquoi empêcher les parlementaires de gérer des services dans le cadre de leur mandat local ? Pourquoi une telle discrimination ? Avec cette mesure, ces services seraient confiés à quelqu’un qui ne serait pas membre de la représentation nationale et ne pourrait pas faire l’articulation entre les problèmes locaux et les problèmes nationaux.
Le problème, c’est la rémunération ! Je suis d’accord : il faut des dispositions pour que les élus nationaux ne perçoivent pas de rémunération en tant que membres de ces structures ; mais il ne faut pas leur interdire d’exercer des responsabilités dans des domaines bien précis.
J’ai été élu en jouant la carte du cumul, comme d’ailleurs l’ensemble des sénateurs de mon département. (Mme Hélène Lipietz s’exclame.) Nous avons exposé ensemble pourquoi nous briguions un mandat national en plus de nos fonctions locales. C’est donc en toute connaissance de cause que les électeurs ont choisi. Ma position est toujours restée la même : il s’agit pour moi de savoir si une loi est applicable sur le terrain et supportable sur le plan comptable.
La mesure que vous proposez engendrera un coût supplémentaire, insupportable pour le contribuable, alors même qu’un ras-le-bol fiscal est constaté dans notre pays !