M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bilan « chiffré » de l’année 2012 n’est pas très florissant, c’est le moins que l’on puisse dire : une croissance nulle, un recul du pouvoir d’achat de 0,4 %, un franchissement du seuil critique de 90 % du PIB pour la dette publique – c’est deux fois plus qu’il y a vingt ans ! –, des faillites d’entreprises en cascade, un taux de chômage qui atteint des sommets…
Pourtant, des efforts réels et des réformes structurelles ont été amorcés par la nouvelle majorité. Ils sont plus que significatifs, puisque l’effort structurel a atteint 1,1 point de PIB. Cet effort sera poursuivi et accentué en 2013, pour atteindre 1,9 point de PIB, ce sera alors le plus important de l’histoire budgétaire.
À ce titre, le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, considère que nous avons parcouru « la moitié du chemin ».
Nous devons donc persévérer pour redresser nos comptes publics, restaurer la croissance et, surtout, donner à la France les atouts dont elle a besoin pour l’avenir.
Faut-il rappeler les risques que nous fait courir le niveau historiquement élevé de notre dette publique ?
Réduire la dette est un enjeu de souveraineté, car c’est refuser d’être soumis aux marchés. C’est aussi, et avant tout, un enjeu d’équité entre les générations. Nous ne pouvons pas accepter que nos enfants et petits-enfants aient à rembourser une dette qui couvre essentiellement des dépenses de fonctionnement, alors qu’elle devrait servir à réaliser des investissements qui permettent de préparer l’avenir.
Je rappelle que, pour stabiliser la dette, le déficit nominal devrait représenter 1,3 % du PIB. Avec 4,8 % en 2012 et une conjoncture qui ne semble pas vraiment s’améliorer en 2013, nous en sommes loin. Le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril a été l’occasion de revoir à la hausse l’objectif de déficit public pour 2013, qui est passé de 3 % à 3,7 %.
Êtes-vous toujours confiant quant à ce nouvel objectif, monsieur le ministre ? La Cour des comptes a émis quelques doutes quant à notre capacité à l’atteindre et nous avons, me semble-t-il, de bonnes raisons d’être inquiets.
Malgré les quelques signaux économiques positifs...
M. Philippe Dallier. Ah bon ?
M. Jean-Claude Requier. … – quelques signaux, mon cher collègue ! - qui nous ont permis d’espérer ces derniers mois le retour de la croissance, d’autres indicateurs nous invitent à rester très vigilants.
Si la production industrielle a rebondi en avril, les défaillances d’entreprises, qui avaient ralenti au premier trimestre 2013, ont augmenté de près de 10 % au deuxième trimestre. Plus de 60 000 emplois, en particulier dans les petites et très petites entreprises, seraient aujourd’hui menacés.
En outre, si les taux d’intérêt sont pour l’instant extrêmement bas, ce qui est l’une des rares bonnes nouvelles dans le contexte actuel, ils ne peuvent, en toute logique, que remonter, ce qui devrait sérieusement nous préoccuper.
Sans céder à la tentation de l’austérité, nous ne devons donc pas relâcher les efforts engagés pour remettre la France sur la voie de la croissance et de l’emploi. Si nous ne redressons pas les comptes publics et n’engageons pas dès aujourd’hui les réformes structurelles dont notre pays a besoin, nous en paierons le prix fort dans peu de temps. Personne ne souhaite que notre pays se retrouve dans la situation de la Grèce, de l’Espagne ou du Portugal !
Toutefois, après d’importantes hausses d’impôts qui nous ont conduits à atteindre le taux record de prélèvements obligatoires de 45 % en 2012, il est urgent désormais de concentrer les efforts sur les économies de dépenses.
Je rappelle, au passage, les légitimes inquiétudes qui pèsent sur l’élasticité des recettes. En 2012, les recettes encaissées étaient en deçà des estimations. Les recettes de TVA, notamment, ont été bien inférieures aux prévisions ; une part de ce manque à gagner reste d’ailleurs inexpliquée.
Devons-nous nous attendre à ce que cette moindre élasticité de certaines recettes perdure sur le long terme ? Je rappelle que la Cour des comptes a identifié pour 2013 des risques en recettes de l’ordre de 6 milliards d’euros.
Je le disais à l’instant, après des hausses de prélèvements très importantes qui font peser certaines menaces sur l’activité économique et le pouvoir d’achat des Français, les efforts doivent désormais se concentrer sur les dépenses. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons opter pour un service public « au rabais » ou un État providence de « seconde zone ».
L’exemple de la formule « un sur deux » de la RGPP, c’est-à-dire le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, d’une simplicité mathématique qui pouvait paraître séduisante, et des coupes budgétaires « aveugles » de la précédente majorité, n’est certainement pas à reproduire. La modernisation de l’action publique, la MAP, mise en œuvre par l’actuel gouvernement, plus fine et mieux ciblée, sera aussi plus efficace.
L’essentiel, c’est l’efficience de la dépense publique et son adéquation avec les besoins de nos concitoyens. Mieux dépenser tout en garantissant la qualité de notre service public, c’est un enjeu majeur, c’est un enjeu de justice, et je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes, comme les membres du RDSE, très attaché. Nous espérons donc que le projet de loi de finances pour 2014 saura satisfaire à cette exigence.
En tout état de cause, la très grande majorité des membres du groupe RDSE soutiennent les efforts du Gouvernement pour redresser notre pays.
Ces efforts se reflètent dans ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012, malgré les difficultés conjoncturelles que j’ai soulignées. Nous approuverons donc, comme en première lecture, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les écologistes ont voté, lors de son précédent examen, en faveur de ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012. Nous le revoterons évidemment aujourd’hui, même si, nous le voyons bien, l’enjeu du scrutin de ce soir paraît limité.
Je saisirai l’occasion qui m’est donnée pour procéder à quelques rappels.
Année d’alternance et donc de transition, 2012 aura été la première occasion pour la nouvelle majorité d’imposer sa marque en matière de gestion budgétaire.
Trois ruptures me semblent intéressantes à souligner : la rupture en matière de réduction du déficit public, la rupture en matière de maîtrise des dépenses de l’État, et la volonté de restaurer une certaine justice fiscale. En effet, l’effort réalisé l’an passé sur ces différents plans aura été sans commune mesure avec ce qui avait été fait les années précédentes.
Là où le déficit public représentait 5,3 % du PIB en 2011, il n’en représentait plus que 4,8 % en 2012.
Là où la dépense publique aura augmenté en moyenne de 1,7 % par an sur le quinquennat précédent, elle n’aura augmenté que de 0,7 % en 2012.
Là où un bouclier fiscal très inégalitaire avait été instauré en 2006, et surtout renforcé en 2007, les recettes de l’impôt sur le revenu, dont la progressivité a été restaurée, ont augmenté de 15,6 %. Les recettes issues de l’impôt de solidarité sur la fortune ont également progressé, à hauteur de 16 %.
Je pourrais donner d’autres chiffres, mais l’idée est bien là : la politique fiscale menée par la majorité depuis 2012 a été plus responsable et plus juste que les politiques précédentes, et nous devons le saluer.
Nous devons aussi identifier, dès aujourd’hui, les points pour lesquels des améliorations restent possibles.
En l’occurrence, nous péchons par l’attention trop grande encore que nous accordons aux mesures d’austérité, au détriment d’une réflexion de fond sur les moyens de relancer une activité qui soit plus adaptée à l’état actuel de notre société, de l’Europe, de la planète et de ses ressources.
Ainsi, nous tardons à mettre en place une véritable fiscalité écologique, dont la définition arrive enfin dans nos débats, notamment sous la direction du ministre du budget.
Rappelons que la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques est la seule dont le produit n’ait pas augmenté l’an dernier. Plus largement, les effets du redressement budgétaire sur l’activité économique sont aujourd’hui des plus ambivalents : la croissance a été nulle en 2012 et le PIB devrait diminuer en 2013, même si cette diminution reste modeste. Dans une économie européenne où beaucoup d’acteurs abusent des mêmes recettes – Eurostat vient d’en démontrer l’effet négatif, à terme, sur la dette publique de l’ensemble de la zone euro –, ce constat est évidemment préoccupant et appelle à franchir une nouvelle étape.
Les efforts que je viens d’évoquer doivent être suivis par d’autres qui permettront de progresser vers la mutation écologique, sociale et technologique dont l’économie de notre pays a besoin.
Je parlais de la fiscalité écologique, et notamment de l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, que nous réclamons de longue date. Mais les écologistes proposent également une baisse de la TVA pour les produits et services de la transition écologique, par exemple, la rénovation et l’isolement thermique des logements ; ou encore, naturellement, une augmentation des crédits dévolus à la mission « Écologie », que je ne confonds pas avec le budget du ministère de l’écologie…
Je n’oublie pas non plus nos demandes s’agissant du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et de la lutte contre ses effets d’aubaine et de redondance, parfois scandaleux, en particulier lorsque de grandes entreprises le prennent comme prétexte afin d’imposer à leurs fournisseurs une diminution de leurs propres tarifs, sans que cela bénéficie forcément au client ou au consommateur final. Il convient de contrer efficacement ce détournement d’un dispositif dont les écologistes ont par ailleurs déjà souligné toutes les limites.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans connaître la phrase fameuse prononcée en 1904 par le juriste américain Oliver Wendell Holmes, phrase qu’un ministre des finances de Franklin Delano Roosevelt allait par la suite reprendre et populariser à son compte : « Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. »
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. André Gattolin. J’ajoute qu’ils révèlent aussi la civilisation que nous voulons.
Au Royaume-Uni, le gouvernement Cameron vient d’annoncer une fiscalité outrageusement basse en faveur de l’exploitation des gaz de schiste, dont les revenus ne devraient plus être imposés qu’à hauteur de 30 % quand ceux qui sont générés par les hydrocarbures conventionnels le sont à 62 %, et cela alors que la fracturation hydraulique avait été suspendue en 2012, quand il avait été avéré que des opérations de ce type avaient entraîné une série de petits séismes – rien de moins !
Le message envoyé par le gouvernement Cameron est clair : il ne souhaite pas permettre à son pays de sauter le pas de la transition écologique et énergétique, et reste prisonnier de schémas productivistes dépassés.
Sur ce chapitre précis des gaz de schiste, le président de la République français, le Premier ministre et le ministre de l’écologie rappellent régulièrement la ligne du Gouvernement, qui est une ligne claire excluant que notre pays s’engage dans cette voie dangereuse, et nous les en remercions.
Nous pouvons aller plus loin encore, cependant, et c’est par là que je conclurai mon propos.
De la même façon que David Cameron utilise sa politique fiscale pour promouvoir de semblables aberrations, nous devons utiliser au mieux notre politique fiscale et budgétaire pour favoriser la transformation de notre modèle économique. Les pistes de travail pour y parvenir sont sur la table. Nous devons les étudier sans plus attendre, dans le cadre de la préparation du projet de budget pour 2014.
La lutte contre le chômage, dont le Président de la République et le Gouvernement font, à juste titre, une priorité, passera aussi par là ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (M. Jacques Gautier applaudit.)
M. Philippe Dallier. Nous voici donc réunis, à la veille de la clôture de cette session extraordinaire qui, reconnaissons-le au passage, est de moins en moins extraordinaire, puisqu’il est désormais de tradition que le Parlement siège tous les mois de juillet !
Reconnaissons également que l’importance des textes qui nous sont soumis pendant cette session est toute relative. Mais enfin, comme le dit le proverbe, à quelque chose, malheur est bon, puisque cette prolongation estivale va vous permettre, monsieur le ministre, après une longue navette, de voir in fine le Parlement adopter cette loi de règlement, qui peine, comme nous ce soir, à trouver son public.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’était la vôtre !
M. Philippe Dallier. Disons que nous la partageons, monsieur le rapporteur général...
Mme Michèle André. Justement !
M. Philippe Dallier. Cependant, pour ce qui est du Sénat, je crains que nous ne vous donnions pas cette ultime satisfaction... En effet, après l’échec de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de règlement des comptes de l’État pour 2012, le texte a également été rejeté, ce matin, par notre commission des finances.
Cette ultime péripétie législative d’une session qui aura été riche en la matière, n’est cependant pas anodine, car l’arrêté des comptes de l’État ne devrait, en principe, pas poser de difficulté. Force est de constater que, cette année, ce n’est pas le cas.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que vous aviez voté la loi de règlement du budget de l’année 2011. Je crois utile de rappeler qu’en 2007, 2008, 2009 et 2010, tel n’avait pas été le cas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je n’étais pas là ! Et je parlais à l’instant d’un minimum d’élégance politique...
M. Philippe Dallier. Quoi qu’il en soit, l’opposition d’alors ne l’avait pas adoptée.
Certes, l’exercice 2012 revêt un caractère particulier, puisqu’il retrace l’exécution budgétaire des cinq derniers mois du gouvernement Fillon et des sept premiers du gouvernement Ayrault. En théorie, cet exercice budgétaire partagé aurait donc pu rapprocher les points de vue... En pratique, c’est le contraire qui s’est produit, puisqu’une majorité de sénatrices et de sénateurs ont émis un vote négatif, non pas qu’ils contestent la véracité des chiffres ici présentés, mais parce qu’ils veulent envoyer un signal politique au Gouvernement.
Notons d’ailleurs que ce n’est pas seulement d’un signal qu’il s’agit, mais bien de plusieurs.
Je veux parler, tout d’abord, du message envoyé par une partie de votre propre majorité, qui vous fait maintenant défaut. Le Gouvernement a été « lâché » en première lecture, puis en commission mixte paritaire, tout comme en commission des finances ce matin, par les sénateurs communistes, qui ont préféré s’abstenir, jugeant votre politique, comme nous l’a redit Mme Beaufils, trop différente des promesses de la campagne électorale du candidat Hollande.
Si la gauche de la gauche, comme beaucoup de Français, a vu ses espoirs « douchés » et réagit donc en conséquence, pour notre part, nous n’avons malheureusement guère été surpris par vos orientations budgétaires. Voilà pourquoi le signal que nous vous adressons n’a, bien sûr, pas les mêmes fondements que celui de nos collègues communistes.
Lors de la première lecture, nous avions appelé de nos vœux un sursaut de l’exécutif qui, même s’il est peu enclin à entendre les avertissements de l’opposition, du FMI, voire de la Commission européenne, pourrait certainement prêter une oreille plus attentive aux recommandations de la Cour des comptes, qui certifie maintenant les comptes de l’État que nous examinons.
Monsieur le ministre, cet exercice 2012 augurait mal de la suite, puisque votre majorité n’a d’abord eu de cesse qu’elle ne défasse ce que nous avions fait et n’aggrave la pression fiscale sur les entreprises et les particuliers, tout en multipliant les annonces de dépenses nouvelles, le tout sans jamais nous dire où et comment vous trouveriez les économies censées les compenser, autrement qu’en invoquant les bienfaits à venir de la MAP.
Un an plus tard, tous les indicateurs ou presque sont au rouge et certains battent de tristes records. Alors que la Cour des comptes comme le Haut Conseil des finances publiques répètent que les hypothèses et les choix du Gouvernement ne sont pas suffisamment adaptés à la situation, vous répétez que tout est sous contrôle, qu’il faut laisser les stabilisateurs automatiques opérer, qu’il n’est nul besoin d’un collectif budgétaire...
Las, malgré les évidences et la dégradation de la situation, vous êtes droit dans vos bottes, refusant de présenter ce collectif budgétaire qui s’impose selon nous et qui, reconnaissez-le au moins, aurait pu aisément trouver sa place dans cette session extraordinaire : pour le coup, elle aurait pu justifier son nom !
De même, monsieur le ministre, malgré les demandes répétées du président de la commission des finances, vous avez refusé un vote des assemblées sur le programme de stabilité, puis sur le débat d’orientation des finances publiques.
Il ne nous reste donc que ce projet de loi de règlement pour manifester, par un vote, notre désapprobation de la politique que vous conduisez. C’est ce que nous avons fait en première lecture et c’est ce que nous referons ce soir. Au delà de ce signal politique toutefois, revenons en détail aux chiffres de 2012.
Quand nous y regardons de plus près, certes, le fait marquant est la baisse des dépenses de l’État de près de 300 millions d’euros, mais elle est essentiellement le fait des cinq derniers mois du précédent quinquennat et non le résultat des sept premiers mois de votre politique. En effet, vous avez largement bénéficié de la révision générale des politiques publiques, que vous avez tant critiquée, et des effets du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes !
En outre, cette diminution a été grandement facilitée par la faiblesse conjoncturelle des taux d’intérêt – c’est heureux –, dont on ne sait cependant combien de temps elle durera.
Mais 2012 aura également été une année de promesses non tenues, comme le fait de ne pas augmenter la TVA, de décisions mal ficelées, retoquées par le Conseil constitutionnel, par exemple la taxation des hauts revenus à 75 %, sans compter vos propres décisions sur lesquelles, tout compte fait, vous revenez ; je pense aux plus-values de cessions immobilières et aux plus-values de cessions de valeurs mobilières.
À ce sujet, je tiens à dire qu’alors que ces mesures sont déjà annoncées vous laissez les publics concernés dans l’attente du vote du prochain projet de loi de finances. Au lieu de débloquer la situation au moyen d’un collectif budgétaire, vous préférez attendre encore de longs mois. Tout cela est difficilement compréhensible.
Votre erreur stratégique de 2012 a d’abord été de sous-estimer la gravité de la crise. Le Président de la République l’a d’ailleurs lui-même reconnu, un peu naïvement, à la télévision.
Ensuite, sous couvert de justice fiscale, plutôt que de favoriser la création de la richesse et de réduire les dépenses, vous avez cru que l’on pouvait, sans risque pour la croissance et la consommation, toujours et encore plus taxer les entreprises et les particuliers.
Manifestement, vous pensez toujours qu’il est possible de créer des emplois par la dépense publique, plutôt que de favoriser les conditions de la création d’emplois par les entreprises. Pourtant, les contrats de génération et les emplois d’avenir, qui peinent tant à démarrer, ne sont que du traitement social du chômage, et en aucun cas une solution pérenne à nos problèmes.
Il ne fallait pas surtaxer les entreprises. C’est pourtant ce que vous avez fait, en plus de décourager les chefs d’entreprises par tant de déclarations inopportunes ou vexatoires, et souvent contradictoires au sein même du Gouvernement.
Il ne fallait pas décourager l’investissement et la création d’entreprise. C’est pourtant ce que vous avez fait, en cette année 2012, avant de vous raviser, en partie. Vous auriez dû, comme nous l’avions décidé, baisser massivement les charges sociales patronales, car le coût du travail est un frein énorme au développement de l’emploi et des entreprises.
Vous avez, par pure idéologie, supprimé la « TVA compétitivité », tout cela pour reconnaître, quelques mois plus tard, que le coût du travail était trop élevé en France et que la TVA pouvait être augmentée en compensation, en tout cas en partie.
Je reconnais d’ailleurs que, nous aussi, nous avons commis une erreur, celle d’avoir décidé bien tard la mise en place de cette mesure. Après la péripétie de 2007 – je pense au fameux débat télévisé entre Laurent Fabius et Jean-Louis Borloo et au report sine die de cette mesure –, nous aurions dû la mettre en place en 2009, tout de suite après la crise.
Néanmoins, votre erreur a été plus grave encore, car, en supprimant cette mesure, vous avez perdu du temps et l’avez remplacée par une formule bien plus complexe, le CICE, qui suscite peu d’enthousiasme et n’est pas encore financé en totalité.
Vous avez également choisi de créer des emplois publics et des emplois aidés pour tenter d’infléchir la courbe du chômage. Toutefois, ces solutions ont des limites, celles que fixe l’état de nos finances publiques.
Pourtant, depuis le 14 juillet dernier, le Président de la République s’en va répétant que tout va mieux, que la croissance revient, que les premiers frémissements sont là, qu’il suffit d’un peu de patience pour que l’action du Gouvernement porte ses fruits. Le problème est que personne n’y croit, et ce ne sont pas les tout derniers chiffres du chômage qui vont nous convaincre, au contraire.
Je me demande d’ailleurs si, lors de son entretien télévisé, François Hollande ne cherchait pas davantage à se convaincre lui-même plutôt qu’à convaincre les Français auxquels il s’adressait et qui vivent, eux, au quotidien, la perte de pouvoir d’achat, les fermetures d’entreprises et le chômage.
Cette assurance en un avenir proche meilleur, cette prospérité retrouvée à portée de main, cette certitude d’avoir fait les meilleurs choix, cette conviction que les décisions déjà prises suffiront à enrayer la crise, force est de le constater, monsieur le ministre, vous en êtes le flambant et brillant porte-étendard.
Vous semblez pleinement assuré de la pertinence des choix opérés, qui serait confirmée par vos chiffres, que vous ne cessez de répéter, au nom de la transparence, dites-vous, lors de chacune de vos interventions au Parlement.
Pourtant, si vos chiffres sont exacts, et nous ne les contestons pas, la présentation que vous en faites nous semble biaisée, car vous ne retenez que ceux qui vous sont agréables et vous passez votre temps à nous dire qu’il ne faut être ni malhonnête intellectuellement ni anxiogène.
Mais, lorsque vous critiquez le bilan de notre majorité, vous l’avez encore fait ce soir, en comparant votre première année aux cinq années précédentes, l’honnêteté intellectuelle ne vous oblige-t-elle pas à mentionner que nous avons dû faire face à la plus grave crise que le monde ait connue depuis des décennies ? Vous l’occultez systématiquement ; vous l’avez encore fait ce soir.
Oui, au plus fort de cette crise, pour soutenir la croissance, nous avons augmenté la dépense publique, aggravé le déficit et la dette. À l’époque, l’opposition, dont vous étiez, trouvait que nous n’en faisions pas assez. Aujourd’hui, elle nous le reproche !
Pour faire face à la chute spectaculaire des recettes de l’État, nous avons également augmenté la pression fiscale.
Il est donc aisé, même si ce n’est pas très correct, de faire des comparaisons en occultant le fait que nos comptes ont été plombés par une crise exceptionnelle venue des États-Unis à laquelle il a fallu faire face.
Monsieur le ministre, être transparent, c’est aussi parler de tous les chiffres et reconnaître par conséquent que, après un an d’exercice du pouvoir par la nouvelle majorité, absolument tous les indicateurs importants pour notre économie sont dans le rouge : un chômage record, avec une augmentation en 2012 qui a conduit à dépasser le niveau inédit de 3,2 millions de chômeurs ; un endettement record – 90,2 % du PIB en 2012, soit un niveau jamais atteint, alors même que François Hollande s’était engagé à ne pas dépasser la barre symbolique des 90 %, mais c’était à l’époque où il devait sous-estimer la crise ; une baisse historique du pouvoir d’achat, moins 0,9 % en 2012, du jamais vu depuis le tournant de la rigueur de 1984 ; une baisse record de la consommation des produits manufacturés depuis 1993, moins 0,8 % en 2012 ; une diminution record, depuis 1985, du taux de marge des entreprises, qui atteint 27,9 % seulement ; un niveau record, depuis 1999, des prélèvements obligatoires, avec 44,9 % du PIB en 2012 – leur montant devrait atteindre 46,5 % du PIB en 2013, ce qui serait un autre record depuis les années soixante ; pour finir, un niveau record de la dépense publique, avec 56,6 % du PIB en 2012, soit le même niveau qu’au plus fort de notre plan de relance, ce qui situe la France au deuxième rang des pays de l’OCDE.
Depuis un an, nous en avons effectivement battu des records, mais de ceux-là, nous nous serions bien passés...
Et, comme si tout cela ne suffisait pas, cerise sur le gâteau, voici qu’il y a moins de quinze jours l’agence Fitch a dégradé la note de la France. Les raisons invoquées sont clairement énumérées : les perspectives incertaines de croissance, malgré votre confiance affichée, les doutes de l’agence sur notre capacité à atteindre les objectifs de consolidation budgétaire, tout en faisant face à une potentielle hausse des taux d’intérêt. Rappelons simplement pour mesurer le risque que 1 point de taux d’intérêt supplémentaire accroît progressivement de 2 milliards d'euros par an la charge de la dette.
En conclusion, monsieur le ministre, au regard des mauvais choix que vous avez opérés, notamment le matraquage fiscal des ménages et des entreprises, qui a indéniablement eu un effet récessif sur notre économie, au regard de votre choix de ne pas vous attaquer suffisamment dès 2012 à la dépense publique, au regard de votre choix de différer les réformes structurelles, oui, au regard de tous ces choix suscitant les plus grandes réserves ou les critiques de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques, au regard de vos hésitations, des renoncements et changements de position que vous opérez, le groupe UMP ne votera pas ce projet de loi de règlement qui entérine ces choix que nous n’approuvons pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article liminaire
Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2012 s’établissent comme suit :
(En points de produit intérieur brut) |
|||
Exécution 2012 |
Soldes prévus par la loi de programmation des finances publiques |
Écart avec les soldes prévus par la loi de programmation des finances publiques |
|
Solde structurel (1) |
-3,9 |
-3,6 |
-0,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,8 |
-0,8 |
0,1 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
Solde effectif (1+2+3) |
-4,8 |
-4,5 |
-0,3 |