M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 230 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 11 sexies, supprimé par notre commission des lois, visait à allonger de trois à six ans le délai de prescription applicable aux délits de fraude fiscale.
Le groupe écologiste considère que, compte tenu de la complexité, souvent constatée, des méthodes de fraude et de la difficulté à les mettre en évidence, le délai actuel de prescription est manifestement trop court. Or l'enjeu politique et financier de la lutte contre la fraude fiscale nécessite que soient aujourd'hui donnés aux services administratifs et judiciaires les moyens de mener efficacement cette lutte, sans attendre une refonte générale des régimes de prescription.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons rétablir l’allongement de trois à six ans du délai de prescription applicable aux délits de fraude fiscale. Cette disposition avait d'ailleurs fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Depuis bien des années, la commission des lois réfléchit sur la question de la prescription. Sa réponse a toujours été la même : soyons méfiants quand il s'agit de toucher à la prescription.
Je comprends bien la position d’Esther Benbassa et son souci de donner davantage de temps à la justice. Mais n’oublions pas qu’il existe des actes interruptifs de prescription. Par conséquent, lorsque le délai de prescription est de trois ans, cela ne veut pas dire que l’affaire doit nécessairement être réglée dans un délai de trois ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement le sens de votre amendement, qui vise à allonger un certain nombre de délais de prescription afin de donner davantage de temps pour effectuer des opérations de contrôle. Du point de vue de la répression du délit de fraude fiscale, votre amendement va donc dans le bon sens.
Cependant, je comprends également les préoccupations exprimées par le rapporteur de la commission des lois, qui a attiré notre attention sur la nécessité de conserver une cohérence, un équilibre, dans l’architecture globale des délais de prescription. Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Marc, rapporteur pour avis. Lors de nos débats en commission des finances, nous avons estimé que cet amendement présentait un intérêt. Pourquoi ?
Les infractions en matière fiscale susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales sont les plus graves. Elles sont aussi, bien souvent, particulièrement sophistiquées. Elles exigent donc un travail d’investigation extrêmement poussé.
Par conséquent, l’allongement de la durée de prescription des infractions en matière fiscale apparaît comme un moyen de parvenir à une sanction effective en cas de fraude complexe.
De surcroît, l’allongement proposé présente un caractère particulièrement dissuasif dès lors qu’il limite les chances, pour le fraudeur, d’échapper aux sanctions.
Il nous semble qu’un délai permettant une action efficace n’est pas un délai disproportionné.
Dans ces conditions, il nous a semblé que cette disposition constituait une avancée pertinente. Pour ma part, je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. La tendance générale est au raccourcissement des délais de prescription.
En outre, je rappelle que le délai de prescription est interrompu dès lors que la fraude est détectée. Le délai ne tombe ainsi pas invariablement au bout de trois ans.
Par ailleurs, allonger le délai de prescription peut créer de l’insécurité juridique. Cette préoccupation a justifié la réduction des délais de prescription dans tous les domaines, notamment en matière civile. Nous avons d’ailleurs suivi, en l’espèce, ce qui se faisait dans les autres pays européens. Car il faut savoir que la France avait des délais de prescription invraisemblablement longs !
Une réflexion sur ce sujet peut, certes, être intéressante. Toutefois, les délais actuels ont été définis en connaissance de cause, et les modifier brutalement ne me paraît pas judicieux. Et puis, si on le fait dans ce domaine-là, on le fera aussi dans d’autres ! On se retrouvera ainsi dans un maquis où plus personne ne s’y reconnaîtra ! Pourquoi établir, ici, un délai de six ans, là, de trois ans, ailleurs, de quatre ans ?
La meilleure option est de fixer, dans la mesure du possible, des délais homogènes permettant une lisibilité et une accessibilité de la règle de droit.
De plus, monsieur le ministre, imaginez que l’administration fiscale « débarque » dans une entreprise au bout de six ans, alors qu’elle n’a pas fait l’objet d’un contrôle dans le délai initial de trois ans ! Pensez-vous que cela soit raisonnable ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Les entreprises honnêtes n’auront pas peur !
M. Jean-Jacques Hyest. Ah, bien sûr ! Mais savez-vous ce que c’est qu’un contrôle fiscal ? Êtes-vous chef d’entreprise ? Avez-vous une idée de la façon dont cela se passe ? Cela peut durer des jours et des jours, quelquefois des semaines !
Allons, il faut être raisonnable !
M. Jean Arthuis. Parfaitement !
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’irai dans le même sens que M. Hyest. Les délais de prescription actuels ont leur logique ; ils n’ont pas été fixés au hasard.
Bien entendu, on peut modifier les délais de prescription. Pourquoi pas ? Toutefois, une telle réforme doit faire l’objet d’une réflexion d’ensemble. Cela suppose de prendre du temps. On ne peut pas procéder ainsi, au détour d’un texte, aussi important soit-il.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Thani Mohamed Soilihi. Il est vrai que, lorsqu’on est honnête, on n’a rien à craindre de l’administration fiscale. Mais la lutte contre la fraude fiscale soulève également des questions de liberté individuelle et de respect des droits, notamment la présomption d’innocence.
Mme Éliane Assassi. Cela a du sens !
M. Thani Mohamed Soilihi. Lorsque des poursuites sont engagées, un temps long peut s’écouler avant que l’innocence présumée puisse, in fine, être confirmée. Les trois ans prévus pour le délai de prescription me paraissent donc suffisants.
De plus, comme l’a rappelé le rapporteur de la commission des lois, le délai de prescription peut être suspendu par des actes interruptifs.
Il n’y a pas lieu d’allonger à la hâte le délai de prescription sans procéder au préalable à une étude globale sur la question de la prescription en matière fiscale.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Je soutiens la même position.
Nous devons faire preuve de cohérence. Notre préoccupation majeure est de susciter les conditions de la confiance pour que les entrepreneurs investissent, créent de la croissance et des emplois.
Certes, nous examinons un texte dont l’objet est de faire en sorte que puissent être pourchassées toutes les formes de fraude. Mais notre législation est à ce point complexe que nombre de chefs d’entreprise se demandent en permanence s’ils ne sont pas en marge de la légalité.
Dans ces conditions, allonger les délais de prescription n’est pas de nature à contribuer à la confiance. C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 11 sexies demeure supprimé.
Article 11 septies
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, après le mot : « valeurs », sont insérés les mots : « , y compris les valeurs mentionnées à l’article L. 561-13, les moyens de paiement décrits par la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, ou de l’or ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 11 septies
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 152-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 152-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 152-3-1. – I. – Les établissements bancaires et financiers, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement étrangers ainsi que les organismes et services mentionnés à l’article L. 518-1 et les personnes exerçant des activités mentionnées à l’article L. 561-2 effectuant des opérations sur leurs propres fonds ou ceux de leurs clients avec des établissements bancaires et financiers français ou ayant une ou plusieurs filiales sur le territoire national sont soumis à l’obligation de transmission à l’administration fiscale française des informations concernant les ressortissants français, les résidents français ou les établissements détenus majoritairement par un ou plusieurs ressortissants français, propriétaires d’un compte dans l’établissement, comprenant :
« 1° identité ;
« 2° adresse ;
« 3° numéro de compte ;
« 4° montant des fonds reçus ;
« 5° montant des fonds transmis ;
« 6° solde du compte ;
« 7° intérêts.
« II. – Est considéré comme le compte d’un ressortissant français tout compte détenu :
« 1° par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d’entreprises de statut juridique équivalent établi en France ;
« 2° par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l’alinéa précédent :
« – détient directement ou indirectement, dans le cas d’une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d’actions ou en valeur ;
« – ou, dans le cas d’un partenariat, bénéficie d’au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;
« – ou, dans le cas d’une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.
« Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s’appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou des activités exercées à l’étranger.
« III. – À partir du 1er janvier 2014, si les ressortissants français, tel que définis au II, souhaitent conserver leur anonymat, les établissements bancaires et financiers prélèvent une retenue à la source de 60 % sur l’ensemble des opérations effectuées pour leur compte et versent cette somme à l’administration fiscale française.
« IV. – En cas de manquement aux obligations d’information prévues aux I et III, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution procède au retrait de l’agrément de l’ensemble des filiales situées sur le territoire national de l’établissement bancaire et financier ayant refusé la transmission des informations dans les modalités prévues aux articles L. 532-6 à L. 532-8 du présent code. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 125 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 152-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 152-3-… - I.- Les établissements bancaires et financiers, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement étrangers ainsi que les organismes et services mentionnés à l’article L. 518-1 et les personnes exerçant des activités mentionnées à l’article L. 561-2 effectuant des opérations sur leurs propres fonds ou ceux de leurs clients avec des établissements bancaires et financiers français ou ayant une ou plusieurs filiales sur le territoire national sont soumis à l’obligation de transmission à l’administration fiscale française des informations concernant les ressortissants français, les résidents français ou les établissements détenus majoritairement par un ou plusieurs ressortissants français, propriétaires d’un compte dans l’établissement, comprenant :
« 1° Identité ;
« 2° Adresse ;
« 3° Numéro de compte ;
« 4° Montant des fonds reçus ;
« 5° Montant des fonds transmis ;
« 6° Solde du compte ;
« 7° Intérêts.
« II.- Est considéré comme le compte d'un ressortissant français tout compte détenu :
« 1° Par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d'entreprises de statut juridique équivalent établi en France ;
« 2° Par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l'alinéa précédent :
« - détient directement ou indirectement, dans le cas d'une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d'actions ou en valeur ;
« - ou, dans le cas d'un partenariat, bénéficie d'au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;
« - ou, dans le cas d'une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.
« Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s'appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou des activités exercées à l'étranger.
« III.- En cas de manquement aux obligations d'information prévues aux I et II, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution procède au retrait de l’agrément de l'ensemble des filiales situées sur le territoire national de l’établissement bancaire et financier ayant refusé la transmission des informations dans les modalités prévues aux articles L. 532-6 à L. 532-8 du code monétaire et financier.
« IV.- Les I, II et III sont applicables à compter de l'entrée en vigueur de dispositions adoptées par l'Union européenne et poursuivant le même objectif. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet d’instaurer, pour les établissements bancaires étrangers qui ont des relations avec les banques françaises ou ont une filiale en France, une obligation de déclarer à l’administration fiscale l’identité des ressortissants français qui ont un compte dans leurs établissements à l’étranger.
L’amendement donne également une définition des ressortissants français soumis à cette obligation.
Le manquement à ces obligations entraînerait le retrait de l’agrément de l’établissement.
L’amendement précise que les intermédiaires sont également concernés par cette obligation d’information sur leurs clients.
Cette sorte de « FATCA français » entrerait en vigueur uniquement après la mise en place d’un système allant dans le même sens au niveau européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. L’idée est excellente, tant et si bien qu’elle est d’ores et déjà reprise au niveau européen.
Aussi, en instaurant notre propre dispositif, nous courrions le risque d’entrer en contradiction avec le prochain dispositif européen. Je pense donc qu’il serait sage d’attendre la mise au point définitive de ce dispositif européen et sollicite le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, je suis du même avis que le rapporteur.
Nous avons en effet engagé, au sein de l’Union européenne, un combat pour que, dans le cadre de la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et de la quatrième directive anti-blanchiment, nous puissions mettre en place un dispositif européen de lutte contre la fraude fiscale. Ce dispositif repose sur trois idées.
La première consiste en la mise en place de conventions d’échange automatique d’informations entre l’ensemble des pays de l’Union européenne. Ces conventions ont vocation à être harmonisées et prises simultanément par les pays, les liant entre eux, à travers des textes identiques les engageant conjointement dans les mêmes termes.
La deuxième idée est celle de l’élaboration d’une liste européenne des États et territoires non coopératifs.
Dès lors que nous aurons instauré ces conventions entre les pays européens et que nous aurons ensemble arrêté cette liste, nous serons plus légitimes pour négocier – c’est la troisième idée – des conventions d’échange automatique d’informations avec les pays tiers : l’Union européenne, représentée par la Commission, sera en position de force pour développer un dispositif de type FATCA.
Nous sommes à l’avant-garde de ce combat au sein de l’Union européenne. Si nous venions à prendre seuls une telle initiative, nos partenaires européens ne le comprendraient pas et nous perdrions de notre force dans la négociation.
Une telle initiative n’est pertinente que dans la mesure où elle se déploie au sein de l’Union européenne. Nous nous battons pour qu’elle prenne une telle ampleur.
Lorsque j’invoque cet argument, on me répond souvent, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, que nous devons, en vertu de notre position d’avant-garde sur ce sujet, prendre des dispositions avant que l’Europe ne les adopte. Certes ! Cependant, ce n’est pas ainsi que nos partenaires liront une telle décision.
Il ne s’agit pas de nous regarder ici avec satisfaction parce que nous défendons des positions d’avant-garde, mais de faire en sorte que ces positions aboutissent. Il vaut mieux rechercher l’efficacité d’une démarche plutôt que se laisser aller au plaisir d’une posture.
Je comprends le sens de votre amendement, madame la sénatrice, car il rejoint les préoccupations gouvernementales. Néanmoins, pour les raisons que je viens d’évoquer, j’invite le Sénat à ne pas le retenir.
Mme Esther Benbassa. Je maintiens l’amendement, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 octies A (nouveau)
Le II de l’article L. 152-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les agents des douanes procèdent à la retenue, pour les besoins de l’enquête, des documents se rapportant aux sommes consignées, ou en prennent copie. » – (Adopté.)
Article 11 octies
(Non modifié)
Au second alinéa de l’article L. 152-6 du code monétaire et financier, les mots : « de l’administration des impôts » sont remplacés par les mots : « des administrations fiscales et douanières ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 octies
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 54 octies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 54 ... – Chaque année, les entreprises sont tenues de produire à l’administration un document récapitulant pour chacun des États étrangers et chacun des territoires situés hors de France où elles sont domiciliées ou établies, le nom des implantations et la nature des activités exercées, et pour chaque implantation, le chiffre d’affaires, les effectifs employés exprimés en équivalent temps plein, les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant de l’impôt payé ainsi que le montant et l’origine des subventions publiques reçues. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de publication par les entreprises concernées des informations mentionnées au I, lorsqu’elles ne relèvent pas de l’obligation prévue à l’article 4 bis de la loi n° … du … de séparation et de régulation des activités bancaires.
L'amendement n° 50, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 54 octies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 54 ... – Les entreprises titulaires de marchés publics sont tenues de déclarer à l’administration fiscale leurs sous-traitants, dans un délai d’un mois suivant leur acceptation ou de trois jours suivant le début de l’exécution de la prestation correspondante. Cette déclaration mentionne la nature des prestations sous-traitées, le nom, la raison ou la dénomination sociale et l’adresse du sous-traitant, ainsi que les conditions de paiement prévues par le contrat de sous-traitance et, le cas échéant, les modalités de variation des prix.
« Lorsque l’entreprise titulaire ou l’entreprise sous-traitante ne sont tenues au dépôt d’aucune déclaration de résultat en France, ces éléments sont également communiqués à l’administration des douanes. »
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre ces deux amendements.
Mme Éliane Assassi. Avec ces amendements, nous sommes dans le domaine de l’anticipation législative.
Je ne citerai pas ici tous les éléments contenus dans le rapport de la commission d’enquête de 2012. Il a fait largement place au débat sur les prix de transfert, les échanges intragroupes et le shadow banking qui participe des processus de fixation des résultats et des bénéfices - ou des pertes - des entreprises. Néanmoins, je souhaite attirer l’attention sur quelques points.
Nos amendements s’insèrent pleinement dans la perspective ouverte par l’adoption de l’article 7 dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont nous avons examiné les conclusions ce matin.
Nous savons pertinemment qu’il n’y a pas urgence. Dans la perspective de l’adoption de la loi bancaire, les dispositions visées ici ne trouveront d’application qu’après un large accord européen sur le sujet.
Plusieurs éléments justifient notre position.
D’abord, nous affirmons notre croyance en la prévention de la fraude fiscale plutôt qu’en sa répression – il en va dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. Cela signifie pour nous que, lorsque la prévention est large, la répression peut être sévère sans être injuste.
La transparence sur les schémas d’optimisation fiscale, l’information des institutions représentatives du personnel sur la manière dont l’entreprise fait face à ses obligations fiscales, la clarté sur l’allocation et l’utilisation des aides publiques de toute nature sont autant de moyens de contribuer puissamment à la prévention de la fraude.
À la vérité, cette transparence – si difficile soit-elle à admettre pour certains, qui estiment que les affaires d’argent sont trop sérieuses pour ne pas être l’apanage des financiers – est le meilleur garde-fou contre les assertions les plus douteuses et les affirmations les plus fausses, les rumeurs, les racontars, les prétendues informations privilégiées, tout ce qui, nourri du conditionnel, du secret, n’est pas exposé tranquillement, sans fard ni volonté démonstrative excessive, quant à la situation réelle de l’entreprise.
Il nous semble que plus nous irons vers la transparence, moins nous aurons à combattre les appréciations hâtives et les affirmations mensongères.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, pour le moins, à être attentifs à ces amendements, pour le plus, à les adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Ces deux amendements sont très intéressants.
L’amendement n° 49 étend à toutes les entreprises le reporting pays par pays prévu pour les établissements financiers par le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Il est donc déjà satisfait pour ce qui concerne les banques.
Pour ce qui concerne les grandes entreprises, le Conseil européen a donné son accord, le 23 mai dernier, quant à la mise en place d’un mécanisme de ce type au niveau européen. Il serait donc peut-être préférable d’attendre l’aboutissement des négociations en cours.
S’agissant de l’amendement n° 50, il traduit une préoccupation légitime : lutter contre la sous-traitance abusive et la corruption dans le cadre des marchés publics.
Cependant, nous pensons qu’un mécanisme de déclaration des sous-traitants aurait sans doute plus sa place dans le cadre de la procédure d’attribution des marchés publics. Il vaudrait donc mieux l’insérer dans le code des marchés publics,…
M. Jean-Jacques Hyest. Cela existe déjà !
M. François Marc, rapporteur pour avis. … plutôt que dans le code général des impôts.
Il paraît ainsi souhaitable de retirer les deux amendements à ce stade, les dispositifs pouvant être encore affinés. Bien entendu, nous rediscuterons du sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous souscrivons évidemment à l’objectif des auteurs de l’amendement n° 49 ; nous nous battons d’ailleurs au sein de l’Union européenne pour l’atteindre.
Mais, et cela a été souligné lors de l’examen du projet de loi de régulation et de séparation des activités bancaires, mettre en place un tel dispositif seulement dans notre pays causerait un grand préjudice à nos entreprises au sein du marché intérieur sans pour autant faire progresser la lutte contre la fraude fiscale au niveau européen ; ceux de nos voisins qui seraient prêts à s’engager avec nous sur cette voie n’y auraient plus aucun intérêt si nous étions les seuls à l’emprunter…
Pour être vraiment persuasifs, nous devons maintenir la pression au sein de l’Union européenne, afin de parvenir à avancer de concert à vingt-sept, dans le sens d’un bon fonctionnement du marché intérieur et de la lutte contre la fraude fiscale au niveau communautaire. Mais, encore une fois, être les seuls à nous exposer aurait pour effet de dissuader les autres de nous suivre, quand bien même ils y auraient été disposés.
Je ne suis donc pas favorable à l’adoption d’un tel amendement à ce stade. En revanche, je souhaite évidemment que nous continuions à mener le combat en Europe. D’ailleurs, nous sommes convaincus qu’il a de fortes chances d’aboutir : ce qui s’est passé lors du Conseil européen du mois de mai – M. le rapporteur pour avis y a fait référence – en est la démonstration.
L’amendement n° 50, qui concerne la relation entre les sous-traitants et leurs donneurs d’ordres, me pose un problème d’une autre nature. La législation actuelle traite déjà partiellement du sujet, dont la dimension prioritairement fiscale ne m’apparaît au demeurant pas évidente. En fait, cet amendement, pour pertinent qu’il soit, n’a, je le crois, pas sa place dans un texte essentiellement consacré à la lutte contre la fraude fiscale. J’en suggère donc le retrait.