M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les habitants de notre beau pays ont eu de nombreux noms : Celtes, Gaulois, Gallo-romains, Mérovingiens, sujets puis administrés...
Pourtant, les Français aujourd’hui se rêvent citoyens-citoyennes entendus d’une administration perçue comme lointaine. Je ne dirai bien évidemment pas que l’administration soit sans problème, la Cour des comptes vient de nous le rappeler. La simplification des formalités administratives est incontestablement une nécessité. Les méandres de l’accès à certaines informations, de la préparation de dossiers, de leur dépôt, des recours sont des freins objectifs aux droits des citoyennes et des citoyens.
Par ailleurs, la large diffusion de l’accès à internet est une chance à saisir. Mais internet ne peut pas tout, car la vie sociétale, c’est d’abord des liens entre individus et non avec une machine.
La décision de simplifier les relations entre l’administration et les citoyens ne peut donc qu’être encouragée et l’idée de les codifier est bienvenue. Reste que ce texte, s’il a pour but écrit de renforcer le dialogue entre l’administration et les citoyens, ne renforce pas le dialogue entre le Gouvernement et les parlementaires, et c’est là son plus grand défaut.
Premièrement, ce projet de loi présente les parlementaires comme des êtres frustes, incapables de comprendre la complexité de l’administration, voire des thèmes techniques, qui seront abordés dans les ordonnances.
Mme Hélène Lipietz. Bref, « restons entre fonctionnaires pour arranger nos rapports avec les citoyens », sans laisser à leurs représentants le droit – c’est le cas de le dire ! – d’y mettre leur grain de sel...
Le Gouvernement pense-t-il que les parlementaires, les associations, les citoyens qui les épaulent ne sont pas capables d’effectuer des analyses techniques et que seuls les fonctionnaires des ministères le sont ? Je crois bien que non mais sans doute ai-je vraiment très mauvais esprit…
M. Jacques Mézard. Oh oui !
Mme Hélène Lipietz. Le second motif est que les ordonnances protégeraient d’un encombrement excessif le travail parlementaire.
Effectivement, en matière d’encombrement excessif ou non, le Gouvernement est un expert. Nous avons déjà eu tout notre soûl de projets de lois, et peu de temps pour réfléchir et préparer nos amendements.
M. Jacques Mézard. Ça, c’est vrai !
Mme Hélène Lipietz. Nous avons su faire face, mais combien de nos réunions ont été inutiles puisque les textes n’avaient pas été discutés en amont ?
L’amendement surprise du Gouvernement qui nous est arrivé ce matin en est l’exemple flagrant. Cet amendement modifie une loi dans le projet de loi même qui autorise le Gouvernement à la codifier. Long de deux pages, il fait droit au dicton « qui ne dit mot consent ». Mais cet amendement complexe, modifiant la loi et non la codifiant, mérite plus qu’une seule lecture en séance, le jour même de sa discussion dans l’hémicycle.
C’est pourquoi, rien que pour la forme, évoquée ici, les écologistes ne pourront le voter ; pour ce qui est du fond, je reprendrai la parole plus tard.
Ainsi, vouloir nous faire croire que c’est pour notre bien que le Gouvernement passe par-dessus nos votes ne laisse rien présager de bon concernant la ratification de ces ordonnances. Car si nous n’avons pas le temps aujourd’hui de discuter de ces mesures, aurons-nous plus de temps pour analyser lesdites mesures lorsqu’elles reviendront devant nous pour approbation ? Il faut en particulier souligner que cette codification n’est pas à droit constant mais à droit innovant.
Faudra-t-il alors avoir une confiance aveugle dans les techniciens qui ont rédigé ces mesures ? N’avons-nous rien appris des ratés techniques, a minima coûteux, prônés par des techniciens sans légitimité démocratique qui sauraient mieux que nous ce qui est bon pour tous ?
M. Jacques Mézard. Très bien !
Mme Hélène Lipietz. Ainsi, le nucléaire – je pense en particulier au surgénérateur, grâce auquel on nous promettait la lune énergétique et qui se révèle un puits financier sans fond – présente des risques sanitaires et économiques infinis.
Les organismes génétiquement modifiés, qui devaient nourrir la planète, apportent la pauvreté à des agriculteurs qui se retrouvent pieds et poings liés. Aux États-Unis, l’emploi des OGM a d'ailleurs permis de vérifier en moins de neuf ans l’adaptabilité du vivant, pied de nez à la brevetabilité de celui-ci !
L’informatisation de la sécurité sociale par la carte Vitale, coûteuse et qui n’est toujours pas au point, n’a pas permis d’atteindre les objectifs d’éradication de la fraude, de réduction des déficits et représente une violation manifeste du secret professionnel médical.
Le vote électronique, qui pose des problèmes de sécurité et de véracité du vote, n’a pas permis de réduire les coûts ni de diminuer l’abstention, objectifs pourtant mis en avant lors des premiers déploiements.
Permettez-moi, madame la ministre, de douter que votre administration, notre administration, sache mieux que nous, élus, qui n’avons pas su prendre la mesure des attentes citoyennes quant à la transparence de notre patrimoine, organiser sa propre transparence. Mais, encore une fois, je suis vraiment mauvaise langue. (M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois, applaudit. – Mme la ministre s’esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jacques Mézard. Ce ne sera pas difficile…
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre administration s’est solidement établie sur une organisation hiérarchique et un pouvoir unilatéral.
D’ailleurs, à cet égard, monsieur le rapporteur, les termes sont intéressants, qu’il s’agisse d’« usager », ou d’« assujetti » – dans lequel on retrouve le mot « sujet ». On est « assujetti », c’est extraordinaire ! (Mme la ministre sourit.) « Public », c’est mieux, de ce point de vue.
Il faut bien reconnaître que l’autonomie croissante des collectivités locales et l’évolution culturelle qui anime nos concitoyens nous poussent aujourd'hui à refaçonner le fonctionnement de nos institutions.
Le droit, hélas ! se complexifie au fil du temps, et nous devons toujours veiller à ce qu’il soit accessible à nos concitoyens, qui sont, de surcroît, animés d’un souhait croissant de participation et de contrôle. On discute tout maintenant, des décisions du maire, etc.
Les textes qui visent à améliorer les relations entre l’administration et nos concitoyens doivent donc veiller à allier transparence et efficacité.
Comme l’a rappelé le rapporteur, le travail que nous effectuons n’est pas nouveau. Il a débuté avec la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République – initiative soutenue par Jacques Thyraud –, qui n’était pas passée facilement, s’est poursuivi avec la loi du 17 juillet 1978 relative à l’accès aux documents administratifs, puis avec la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et a connu un regain avec la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration.
Le projet du Gouvernement s’inscrit donc dans la droite ligne des dispositions de la loi de 2000 qui engagent l’adaptation graduelle de l’administration face aux enjeux sociétaux et technologiques.
Sous la précédente législature, avec plus ou moins de bonheur, ou plutôt un bonheur décroissant, quatre lois de simplification sont intervenues – que personne n’a citées, peut-être parce qu’elles ont posé quelques problèmes au Sénat – en 2007, 2009, 2011 et de 2012. D’ailleurs, pour ce qui est de la loi de 2012, il s’agissait plus de complexification-simplification que de simplification. À cette occasion, je vous le rappelle, mes chers collègues, il était question de faire passer le code de l'expropriation pour cause d’utilité publique. Nous avions signalé que la question n'était pas mûre et qu’il fallait faire très attention.
Le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les administrés doit rendre le système plus efficace. On peut toujours dire qu'on est opposé aux ordonnances, mais, à un moment donné, on est bien obligé d’y recourir ! Néanmoins, la révision constitutionnelle nous oblige maintenant à ratifier explicitement toutes les ordonnances. Les textes résultant des travaux du Gouvernement nous seront donc soumis le moment venu.
La modernisation des techniques employées, par l’extension des voies électroniques, profite aux usagers du service public, qui utiliseront, à juste titre, les procédés proposés – je pense notamment aux avis préalables qui sont destinés à permettre l’élaboration d’une communication intelligible entre l’administration et les administrés. L’accessibilité et la multiplication des courriels adressés aux administrations faciliteront les tâches de ces dernières.
L’article 1er du projet de loi tend à permettre le recours aux technologies pour que des instances administratives collégiales puissent délibérer à distance. Nous devons utiliser cet élément de progrès, comme nous l'avions fait, madame le ministre, pour la justice, une mesure qui avait été critiquée. Mais comment réunir un tribunal entier pour rendre la justice à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
M. Jean-Jacques Hyest. Si on procède par la téléconférence, on est plus efficace.
Force est d’admettre que la solution présentée est en adéquation avec les exigences d’efficacité imposées aux administrations françaises.
Le renfort technologique ne peut que contribuer à une amélioration du fonctionnement, supposé archaïque, de l’administration. Certaines procédures fonctionnent pourtant bien.
M. Jean-Jacques Hyest. Après quelques problèmes initiaux, l’obtention de la carte grise est devenue maintenant très simple, ce qui permet d’éviter une très longue attente au guichet de la préfecture ou de la sous-préfecture. Pour les passeports,…
M. Jean-Jacques Hyest. … la situation est encore compliquée, mais des progrès ont tout de même été réalisés.
Il est inutile de rappeler que les doléances formulées par nos concitoyens à l’égard du dysfonctionnement de l’administration abondent. S’agissant de l’utilisation des procédés électroniques, il faut toutefois prêter attention à deux éléments extrêmement importants : la sécurisation des données et leur protection, des questions qui font l’objet d’un débat au niveau mondial. La commission des lois est particulièrement vigilante à ce que le contrôle de la CNIL soit effectué avec rigueur.
Les bienfaits financiers de l’utilisation massive des moyens électroniques et l’abandon progressif des courriers « papier » devraient plaire à Mme Lipietz (Sourires.), mais apparemment rien dans ce texte ne la satisfait !
Ce projet de loi ne saurait, me semble-t-il, susciter de clivages idéologiques, et il m’est d’ailleurs agréable de constater que le type de mesures qu’il contient peut faire l’objet d’un consensus où l’enjeu d’efficacité prime.
Le texte comprend trois axes.
Il vise, d’abord, à simplifier les relations entre le public et les administrations par la création d’un code spécifique et l’instauration d’un droit à saisir l’administration par voie électronique. Cela soulève tout de même le problème de la fracture numérique qui existe toujours dans notre pays,…
M. Jean-Jacques Hyest. … y compris en Île-de-France, hors métropole parisienne bien sûr.
Comme maire, j’ai pu mesurer ce phénomène. Dans ma commune, tous les câbles téléphoniques avaient été volés. À cette occasion, je me suis rendu compte que, sur les quelque 150 abonnés de ma commune, vingt-cinq, essentiellement des personnes âgées ou défavorisées, n'avaient pas internet, soit une proportion non négligeable.
Le principe d'égalité devant la loi est régulièrement rappelé par le Conseil constitutionnel dans ses décisions – il n’est pas nécessaire que je les cite.
L’instauration d’un code visant à simplifier les relations entre l’administration et ses administrés doit permettre d’offrir un surplus de visibilité aux concitoyens désireux de maîtriser le fonctionnement des institutions.
Ensuite, et vous avez insisté sur ce point, monsieur le rapporteur, le projet de loi tend à rénover le processus décisionnel. En effet, est introduite la possibilité d’accéder aux avis préalables et l’usager peut modifier en conséquence sa demande en cours d’instruction. En matière d'urbanisme, madame le ministre, une telle disposition serait extrêmement utile,…
M. Jean-Jacques Hyest. … notamment à l’égard des services départementaux d'architecture et des architectes des bâtiments de France, ou ABF. Cette administration ne change pas (M. Alain Richard s’exclame.), contrairement aux doctrines qui évoluent selon les architectes…
M. Philippe Bas. C’est exactement ça !
M. Alain Richard. Pour ma part, je suis indulgent, car ils rendent tout de même service !
M. Jean-Jacques Hyest. Je le suis aussi, à condition que l’on puisse dialoguer. Or certains n'acceptent pas de discuter !
En rupture avec la règle traditionnelle de non-communicabilité des documents préparatoires à une décision administrative en cours d’instruction, posée à l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978, le présent texte habiliterait ainsi le Gouvernement à prendre les dispositions législatives pour prévoir qu’en principe sont communicables au demandeur les avis rendus sur sa demande avant que ne soit prise la décision. Cette mesure constitue, me semble-t-il, un progrès.
En somme, la rénovation du processus décisionnel tend à renforcer la participation du public à l’élaboration des actes administratifs, à élargir la faculté de recourir à de nouvelles technologies pour délibérer ou rendre des avis à distance et à unifier les règles relatives au régime des actes administratifs.
Enfin, madame la ministre, je suis d'accord avec mon éminent collègue sur la nécessité de rénover certains codes. Toutefois, vous le savez bien, pour le code électoral, cela ne peut se faire à droit constant. Nous avons débattu longuement de cette question en commission des lois à plusieurs reprises. En revanche, s’agissant du code général des impôts, c'est un monstre incompréhensible,…
M. Jean-Jacques Hyest. … sauf par quelques spécialistes,…
M. Jean-Claude Requier. Bien rémunérés !
M. Jean-Jacques Hyest. … et quelques spécialistes de Bercy, dont chacun se sent propriétaire de son article ou de son chapitre, qu’il maîtrise parfaitement. On a d’ailleurs l'impression que si on le leur retirait, ils perdraient leur raison d'être.
Vous proposez, Madame le ministre, la refonte du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Vous voulez inclure dans le code les dispositions de nature législative qui n’ont pas encore été codifiées, améliorer le plan du code et donner compétence en appel à la juridiction de droit commun. Nous sommes bien entendu d'accord avec ces trois objectifs.
Lors de sa conférence de presse du 16 mai 2013, le Président de la République a évoqué un « choc » : le silence de l’administration à l’expiration d’un certain délai vaudrait non plus rejet, mais autorisation. Cela reviendrait à inverser le principe énoncé à l’article 21 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 : à l’exception des cas où un régime de décision implicite de rejet serait institué dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, le silence gardé pendant plus de deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaudrait décision d'acceptation.
Madame le ministre, on verra si vous y parviendrez !
M. Alain Richard. Vous irez directement au Panthéon !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons tenté de faire la même chose à plusieurs reprises, notamment en matière d'urbanisme. Nous avons rapidement abandonné, en partie à cause des ABF, sans faire de fixation. (Sourires.)
Néanmoins, tant que la décision n’est pas prise, tout le monde a peur et préfère attendre. Ce serait donc un progrès.
M. Philippe Bas. Faire naître des décisions illégales, c’est très dangereux !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà ! Vous le constatez, on assiste immédiatement à une réaction attendue de la part de ceux qui ont une longue expérience de l'administration.
L’avenir nous dira si la déclaration très empressée du Président de la République trouve à se réaliser, complètement ou, à tout le moins, de manière satisfaisante.
Après le travail soigné du rapporteur, notre excellent collègue Hugues Portelli, et de la commission des lois, le groupe UMP votera ce texte qui s’inscrit dans un processus législatif continu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Claude Dilain applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifiée :
1° Le troisième alinéa de l’article 20 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si l’autorité informe l’auteur de la demande qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigées par les textes, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces éléments. » ;
2° L’article 21 est ainsi rédigé :
« Art. 21. – I. – Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.
« Le précédent alinéa n’est pas applicable et le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;
« 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;
« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection des libertés, la sauvegarde de l’ordre public ou des autres principes à valeur constitutionnelle ;
« 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
« II. – Des décrets en Conseil d’État et en conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l’application du premier alinéa du présent article eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d’État peuvent également fixer un délai différent de celui que prévoient les deux premiers alinéas, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie.
« III. – La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise. » ;
3° L’article 22 est ainsi rédigé :
« Art. 22. – Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue.
« La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée par l’autorité administrative.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article 22-1, les mots : « aux articles 21 et 22 » sont remplacés par les mots : « à l’article 21 ».
II. – Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna aux administrations de l’État et à leurs établissements publics.
III. – Le I entre en vigueur :
- dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de l’État ou des établissements publics administratifs de l’État ;
- dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.
IV. – Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, à modifier par ordonnances les dispositions législatives prévoyant qu’en l’absence de réponse de l’administration dans un délai qu’elles déterminent, la demande est implicitement rejetée, pour disposer que l’absence de réponse vaut acceptation ou instituer un délai différent. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de présenter mon amendement, je tiens à remercier le rapporteur pour la qualité de son travail et à répondre rapidement aux orateurs.
Monsieur Richard, le Gouvernement demandera au SGG d'organiser un rendez-vous avec la commission des lois au cours du travail sur les ordonnances afin de ne pas présenter au Parlement des ordonnances achevées. J’en prends l’engagement.
En ce qui concerne le champ du code relatif aux relations entre l'administration et les usagers, le Gouvernement demande une habilitation à codifier sur le champ de la loi relative à la CADA. Parmi les « grandes lois » à codifier, toutes n'ont pas le même champ, d’où l’obligation, pour nous, de retenir le champ le plus large.
Nombre d’entre vous se sont naturellement inquiétés du développement du numérique. M. Favier et les trois derniers intervenants y ont fait allusion. Le numérique devient une possibilité, pas une obligation. Il permet d’offrir un moyen de communication supplémentaire, mais, vous avez raison, il faut veiller à ce qu’il ne devienne pas une obligation, sinon on créerait une rupture du droit. Cela ne sera bien évidemment pas le cas.
J'ai entendu les inquiétudes sur l’accord tacite. J'assume cette proposition que j’ai faite au Président de la République, qui l’a acceptée avec enthousiasme et l’a décrite avec autant d'enthousiasme.
C'est pourquoi je vous demande d'accepter l'amendement n° 3, qui insèrent un article additionnel avant l'article 1er du projet de loi, pour modifier la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000, dont j'apprécie qu'on reconnaisse, ici ou là, le bien-fondé.
Cet amendement tend à prévoir le principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut acceptation. Dans les domaines dans lesquels ce principe ne peut être appliqué, le silence vaudra rejet. Il institue également la possibilité d'écarter ce principe par décret en Conseil d'État et en conseil des ministres et celle de faire varier le délai de deux mois par décret en Conseil d'État. Il prévoit la publication sur un site internet des procédures pour lesquelles le silence vaut acceptation et du délai d'intervention de la décision tacite. Il fixe le début du délai à la date de réception du dossier complet par l'administration compétente. Enfin, il définit des mesures de publicité à l'égard des tiers et la possibilité pour le demandeur d'obtenir une attestation de l'administration.
D’aucuns nous ont souhaité bien du courage – voire de la chance ! – pour parvenir à mettre en œuvre ce principe. Nous avons déterminé, comme vous en avez tous exprimé le souhait au travers de vos interventions, un certain nombre de limites. Dans les dossiers relatifs par exemple à la santé, à la protection de l'environnement ou à l’application de nouvelles directives européennes, chacun en convient, le délai doit être plus long.
J'ai attaché beaucoup d'importance à ce que soit fixé de la façon la plus exacte possible le moment à partir duquel débute le délai. Connaissant et pratiquant le droit, je veux éviter que certains ne déposent un dossier – accidentellement, pas volontairement – incomplet et que le délai démarre à cette date. Je tiens à le dire de façon très explicite ici : le délai ne commencera à courir que lorsque le dossier sera complet. Nous devrons être très attentifs, mais je sais que vous le serez, au moment de la rédaction au fait qu’une administration pourrait faire des remarques sur le dossier, lesquelles feraient repartir le délai.
Je ne veux pas dire que se produira ce que chacun peut craindre, c'est-à-dire chaque semaine une remarque d’une partie – l’ABF a été souvent cité, je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi – faisant repartir le délai, la procédure finissant par durer un ou deux ans. Allons au maximum du droit, de la protection des citoyens. Un silence de deux mois après dépôt d’un dossier complet vaudra acceptation.
Cet engagement oblige les administrations. Je n'ai pas bien compris l'argument avancé par Mme Lipietz. Nous avons préparé un projet de loi qui porte sur le statut des fonctionnaires et leur impartialité, mais aussi sur les dispositions relatives à la transparence. Pour ma part, je leur fais confiance, y compris pour entendre ce qu'on leur demande au travers de cet amendement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a eu plaisir à vous présenter cet amendement et espère être suivi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. Je l’ai déjà dit : le fait de modifier par un amendement de presque deux pages la loi du 12 avril 2000, pour ensuite autoriser le Gouvernement à codifier son propre texte par voie d’ordonnance, me dérange.
Sur le fond, il est des cas où le fait que le silence vaille acceptation ne sert quasiment à rien si l'on ne clarifie pas le délai de retrait de la décision tacite. Ce casse-tête est connu, et je vous souhaite bien du plaisir pour le résoudre – nous l’avons toutefois résolu en matière d'urbanisme.
Sur le délai glissant que vous avez prévu si l'administration demande des documents, je vais forcément être mauvaise langue, en raison de mon trop long passé d’avocate d'administrés qui se faisaient renvoyer de délais en délais, l'administration n'ayant jamais assez de documents, même lorsque son silence vaut rejet au bout de quatre mois. Ainsi, en matière de contentieux des étrangers, lorsque je m'apprêtais à contester une décision de rejet devant le tribunal au terme du délai de quatre mois, voilà que l'administration me demandait subitement une pièce supplémentaire, et nous étions repartis pour un nouveau délai…
La rédaction de l’article 21 est sans doute celle qui me pose le plus de problèmes. Elle comporte tellement de dérogations au renversement du principe que l'on ne voit pas très bien finalement quel est le résultat pratique. Malgré les dérogations prévues au II, qui devront être prises par décret, je crains que la liste prévue au III ne permette à des sociétés d'obtenir des autorisations implicites, dangereuses ou nuisibles, alors même que le dossier aura parfois été bâclé.
En dépit des garde-fous, nous avons d'ores et déjà plus de permis de construire illégaux tacites qu'explicites.
Pour ma part, je limiterais l’application du principe « le silence vaut acceptation » aux demandes des personnes physiques – et encore !
Le III de cet article me semble aberrant. Si le principe est que les accords sont tacites, on ne doit pas faire une liste des cas dans lesquels le silence de l’administration vaut acceptation, au risque d'en oublier, mais bien une liste des cas inverses, dans lesquels le silence vaut refus.
L'article 22 énonce un principe, mais encore faudrait-il étendre le nombre de décisions qui doivent faire l’objet de mesures de publicité pour les tiers, qui n'existent guère en dehors de l'urbanisme et de la fonction publique. Par ailleurs, même si ces décisions, expresses ou tacites, sont publiées sur un site internet, se pose toujours le problème de la fracture numérique, comme certains orateurs l'ont fait remarquer.
Se pose aussi, de façon générale, le problème du retrait des actes tacites.
Au final, cet amendement mériterait une étude plus approfondie. Son principe est sans doute bon, mais il me semble choquant de le faire ainsi voter à la va-vite.
J'ai bien compris, madame la ministre, que nous devrions avoir le plaisir de discuter avec le Gouvernement en cours d’élaboration, mais nous aurions pu attendre les conclusions du rapport d'évaluation en cours sur la CADA.
Compte tenu des réticences qu’il éprouve à son égard, le groupe écologiste s'abstiendra sur cet amendement.