M. Philippe Bas. Absolument !
M. Jacques Mézard. Un tel déferlement ne va pas dans le sens d’une République apaisée, celle que nous souhaitons, celle qui permet à chaque citoyen de se sentir bien représenté.
Je crois que le travail effectué par l’immense majorité des élus, qu’il s’agisse des élus locaux ou des parlementaires, au lieu d’être dénigré à longueur de journée et de semaine, devrait au contraire, monsieur le ministre, être valorisé. C’est d’ailleurs au Gouvernement qu’il revient en premier lieu de mettre en avant le travail considérable accompli par l’immense majorité de nos collègues élus, de la plus petite commune jusqu’au Parlement de notre République. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, dans nos démocraties modernes ou prétendues telles, le pouvoir politique étant le seul à limiter celui de l’argent – devenu aussi pouvoir d’information –, il est inévitable de voir ses modes de fonctionnement et ses acteurs périodiquement contestés.
Tout y passe : du vrai, du faux et surtout un mélange de vrai et de faux. Ce dernier cas est sans doute le pire, car alors la dénonciation de scandales réels débouche rarement sur autre chose qu’une gesticulation, et le problème de fond demeure entier. Cependant, si l’objectif n’est pas de réformer le pouvoir politique mais avant tout de l’affaiblir, ce n’est pas si mal joué. Un pouvoir démocratiquement incontestable pourrait avoir de mauvaises pensées à l’encontre des oligarchies…
Cela dit, la démocratie est aussi l’exercice du contrôle et du débat. Cette contestation est donc parfaitement légitime, quand elle repose sur des faits avérés et s’inscrit dans des problématiques claires.
Ainsi est-il apparu nécessaire, en ces temps troublés, à l’auteur de la présente proposition de loi de bien distinguer, comme il vous l’a expliqué, deux débats trop facilement confondus : d’une part, le débat sur la légitimité du cumul d’une fonction parlementaire et d’une fonction d’élu local – question particulièrement importante pour le Sénat qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » –, et, d’autre part, le débat sur la légitimité du cumul des indemnités accompagnant et permettant l’exercice de ces fonctions dans des conditions satisfaisantes.
Séparer les deux débats, ai-je dit, mais aussi proposer une disposition interdisant désormais de les confondre, à savoir l’interdiction du « cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat » local.
Cette proposition est parfaitement fondée si l’on veut bien se rappeler le sens de l’attribution d’une indemnité de représentation aux parlementaires, disposition dont la légitimité a mis beaucoup de temps à s’installer dans les consciences.
Le but était double : d’une part, démocratiser au maximum la fonction de représentation, donc la rapprocher du représenté, et, d’autre part, assurer l’indépendance intellectuelle et morale du parlementaire, ce que rappellent les premiers mots de l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul ». Il s’agit d’une disposition trop souvent ignorée, alors qu’elle résume l’essence de la démocratie et de son système : contrairement à ce que l’on croit et ce que l’on dit, la démocratie, ce n’est pas le règne de la majorité, mais un système dans lequel les décisions procèdent du débat entre consciences libres.
Historiquement, il s’est donc agi d’ouvrir la fonction parlementaire à d’autres qu’aux rentiers et aux mandataires d’intérêts particuliers, d’assurer un niveau d’indemnisation suffisant pour garantir une activité à temps complet au service de l’intérêt général et protéger les élus, autant que faire se peut, des tentations.
Il est intéressant de constater que la mise en place de l’indemnité parlementaire, par le biais d’un décret de la Constituante en date du 1er septembre 1789, intervient dès lors qu’est instituée une assemblée parlementaire permanente.
Il est non moins intéressant de remarquer que, dès l’origine, les députés étaient gênés à l’idée d’apparaître comme des prébendiers. À tel point que le décret ne fut pas transcrit dans le bulletin des lois de la Constituante et qu’il faudra attendre 1795 pour que le niveau modeste de l’indemnité soit revalorisé par la Convention. Comme on le voit, ce rapport ambigu de la démocratie à l’argent, ce rapport empreint de gêne des parlementaires à l’égard de leur indemnisation, ne date pas d’aujourd’hui !
Constatons aussi que, avec le rétablissement du suffrage censitaire, la Restauration, en posant en 1817 le principe de la gratuité des fonctions élective, revient sur l’indemnisation des représentants. Ce principe de gratuité des fonctions électives ne demeure aujourd’hui que pour les fonctions municipales. C’était ma rubrique : « À quand un statut de l’élu local ? ». (Sourires.)
Il faudra attendre la fin de la « France des notables » et l’avènement de la Deuxième République pour que l’indemnité de fonction, rétablie, ne soit plus remise en cause, mais, au contraire, régulièrement améliorée.
À cette amélioration s’ajoutera souvent le cumul avec d’autres indemnités de fonction liées à l’exercice de mandats locaux, eux-mêmes revalorisés. Ces derniers se multiplient d’ailleurs avec le foisonnement d’organismes dépendant plus ou moins directement des collectivités locales – établissements publics, sociétés d'économie mixte, ou SEM, et, plus récemment, sociétés publiques locales, ou SPL – et, surtout, le développement de l’intercommunalité.
Ces indemnités peuvent être considérables. Ainsi l’indemnité mensuelle du président d’une communauté d’agglomération de 100 000 habitants est-elle de l’ordre de 5 500 euros, l’indemnité parlementaire se situant, elle, aux alentours de 7 100 euros. Vous trouverez la liste des fonctions susceptibles d’être indemnisées dans le rapport. Leur importance est telle qu’il est apparu nécessaire de limiter le cumul des indemnités liées aux mandats parlementaires et locaux.
Deux leviers seront utilisés : l’écrêtement des indemnités, d’abord, puis la limitation du cumul des mandats, qui, tout en produisant un effet comparable, procède d’une autre logique.
L’ordonnance de 1958 limite les possibilités de cumul des indemnités parlementaires avec celles de maire et d’adjoint, de conseiller municipal de Paris et de conseiller général de la Seine à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire. La moitié écrêtée peut être « déléguée par l’intéressé à celui ou à ceux qui le suppléent dans les fonctions de magistrat municipal ».
La loi du 25 février 1992 étend le plafonnement à l’ensemble des élus nationaux, municipaux, généraux et régionaux, ainsi qu’aux membres du Gouvernement titulaires de mandats électoraux.
Il existe d’ailleurs une distorsion évidente en faveur de ces derniers, dont l’indemnité de base est entre 1,5 et 2 fois supérieure à celle des parlementaires. Notre collègue Patrice Gélard, rapporteur de la loi du 14 avril 2011 relative à la transparence financière de la vie politique, qui soumet les membres du Gouvernement au droit commun des parlementaires et des élus locaux, ne manquera pas de le faire remarquer.
Comme l’a indiqué Jacques Mézard, une nouvelle étape est franchie avec la loi du 17 avril 2013, qui, supprimant la faculté laissée à l’élu dont l’indemnité a été écrêtée de désigner la personne bénéficiaire de l’indemnité, évite toute forme de pouvoir, même involontaire, d’un élu sur un autre, et les dérives toujours possibles. La part écrêtée retombe dans la caisse de la collectivité, qui reste libre de l’attribuer selon les modalités ordinaires.
Aujourd’hui, donc, députés et sénateurs ne peuvent percevoir qu’un montant indemnitaire total maximal de 8 272 euros, dont 2 757 euros, au plus, au titre de l’ensemble de leurs mandats locaux.
À l’indemnité parlementaire proprement dite, qui est fiscalisée, s’ajoutent diverses allocations, forfaitaires ou non, compensatrices des frais liés à l’exercice du mandat, qui ne le sont pas. Le rapport en donne le détail, je ne vais donc pas m’y appesantir.
Concurremment aux dispositions visant à encadrer le montant des indemnités perçues par un élu au niveau garantissant son indépendance – indépendance qui fonde l’existence même de l’indemnité –, un autre mécanisme a été utilisé pour parvenir au même but : la limitation du cumul des mandats. Cette dernière a été organisée, d’abord, par la loi organique du 30 décembre 1985, qui limite le cumul du mandat de député avec un seul autre mandat, selon une liste limitative, puis par les lois du 5 avril 2000 et du 17 avril 2013.
Aujourd’hui, le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 1 000 habitants. Les fonctions de président d’intercommunalité n’entrent pas en ligne de compte, pas plus que celles qui sont liées aux diverses émanations et satellites des collectivités.
Ce simple énoncé, mes chers collègues, montre que cet ensemble de dispositions n’a pas la cohérence du dispositif de limitation du revenu qu’un élu peut retirer de l’exercice de ses mandats.
Quel rapport, en effet, entre la charge que représente la gestion de la région Île-de-France, celle d’une commune de 500 000 habitants, celle d’une communauté urbaine qui en compte le double et celle d’une commune de 950 habitants, même si cette dernière ne dispose pas des moyens humains et financiers des grandes collectivités ?
On voit bien l’intérêt de distinguer clairement la question du montant de l’indemnité permettant d’assurer l’indépendance du parlementaire, condition fondatrice de son mandat, de la question du type et du nombre de fonctions qu’il est susceptible d’assumer, voire que la collectivité gagnerait à le voir honorer, ce qui est l’objet de la proposition de loi organique déposée par Jacques Mézard.
Éliminer le soupçon selon lequel l’élu cherche à s’enrichir sur le dos de la collectivité en cumulant les mandats permettra de bien poser, le moment venu, les seules questions qui importent en matière de cumul : niveau de la charge, compatibilité des fonctions, effets sur l’équilibre des pouvoirs en général, et au sein du Parlement en particulier. Ne l’oublions pas, en effet, il s’agit non pas seulement d’une question pratique ou éthique, mais d’indépendance des parlementaires – notion au fondement même, je l’ai déjà dit, de la démocratie – et d’équilibre des pouvoirs réels. Cette question est bien plus complexe que celle qui nous est posée aujourd’hui.
Le montant de l’indemnité versée au parlementaire, la somme des indemnités et compensations représentatives de frais liés à sa fonction, les moyens matériels et humains mis à sa disposition – vous trouverez, mes chers collègues, le détail de tout cela dans le rapport –, lui permettent d’exercer son mandat dans des conditions satisfaisantes, qui garantissent son indépendance.
Cette proposition de loi organique, croyez-moi, mes chers collègues, n’est pas un exercice de mortification s’ajoutant à tous ceux qui ont été inventés pour conjurer les maux affligeant le pays, ce qu’ils sont, d’ailleurs, bien incapables de faire. Il s’agit plutôt d’une opération de clarification, permettant de bien poser le seul problème qui devrait nous importer : comment rendre au Parlement son pouvoir et à ce pays le dynamisme que seule une authentique démocratie permet ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UMP.)
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’indemnité de fonction des parlementaires est une question sérieuse, qui touche aux principes mêmes de notre démocratie, dont elle garantit le bon fonctionnement.
L’indemnité renvoie à l’héritage de la Révolution, qui proclama l’égalité des citoyens devant le suffrage, c’est-à-dire, également, et en toute logique, l’égalité devant l’accès au mandat. Toute personne doit être en mesure de représenter le peuple, d’assumer une part de la souveraineté nationale.
De ce point de vue, l’indemnité est un gage de représentativité, de pluralisme, mais aussi de diversité sociologique. Le versement de cette indemnité a permis que l’exercice d’un mandat ne soit pas réservé aux plus fortunés ou, pour dire les choses simplement, à ceux qui avaient les moyens de ne pas travailler et de se consacrer alors à l’activité politique.
Ne pas rémunérer, c’est introduire un biais dans l’accès aux fonctions parlementaires. Ne pas rémunérer, ou ne pas le faire à un niveau convenable, c’est introduire une faiblesse au cœur des institutions, car il y aurait là un risque pour l’indépendance intellectuelle des parlementaires. Ceux-ci doivent être mis à l’abri des influences diverses, des tentations qui peuvent naître des contingences matérielles.
Ce qui vaut pour les parlementaires vaut aussi, bien sûr, pour les élus locaux. C’est toute l’importance du statut de l’élu, auquel le Sénat est, je le sais, très attaché. Votre assemblée a fait montre de son intérêt sur ce sujet depuis qu’il est apparu, il y a quelques années. Le rapport Debarge est passé par là, et il reste dans les esprits !
En bref, l’indemnité, c’est un signe de maturité démocratique, d’indépendance et de libre-arbitre des élus.
Dans ce domaine, des exigences nouvelles sont, aujourd’hui, posées par les Français. L’exposé des motifs du texte que vous avez déposé le relève d’ailleurs très justement, monsieur Mézard. Il est de notre devoir de les entendre et de leur donner une traduction concrète. Nous ne pouvons pas en rester au stade des proclamations ; les Français attendent des actes concrets et rapides. Nous ne pouvons pas laisser s’installer un climat de défiance ou, pire, de désillusion et de rejet, à l’égard de nos institutions démocratiques.
La crise de confiance est profonde. Elle existe depuis longtemps, mais elle s’aggrave avec la crise économique. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Les mesures de transparence de la vie publique, voulues et annoncées par le Président de la République, sont nécessaires. Elles contribueront, avec d’autres, au rétablissement de la confiance.
Le Gouvernement comprend les motivations de cette proposition de loi organique, qu’elles soient explicites ou implicites. (Sourires sur certaines travées du RDSE.)
Mme Françoise Laborde. C’est pourtant clair !
M. Jean-Michel Baylet. Tout a été dit !
M. Manuel Valls, ministre. Par son intelligence, M. Mézard a la capacité de tout dire sans en avoir l’air ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il en a dit beaucoup, tout de même !
M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai, monsieur Sueur.
Je partage votre attachement à la défense de la figure de l’élu. Nous avons eu l’occasion de le dire lors du débat précédent, les élus sont trop souvent critiqués ou caricaturés. Dans ce climat, je crois utile de répéter, inlassablement, ce que j’ai déjà dit à de multiples occasions à cette tribune : dans leur immense majorité, les élus sont des femmes et des hommes dévoués, qui défendent leurs convictions, font avancer la réflexion, conduisent une action, avec pour seul objectif l’intérêt général.
Récemment encore, la rue, de manière bruyante et parfois violente, est venue – fait assez singulier dans notre histoire – contester la légitimité des parlementaires. En tant que ministre de la République, en tant qu’ancien député, je ne l’accepte pas, comme vous, j’imagine, mesdames, messieurs les sénateurs.
Des outrances contre la représentation nationale se sont fait entendre. Il faut les condamner avec beaucoup de vigueur. Pour autant, nous ne devons pas occulter un sentiment diffus, profond, qui fait son chemin dans les esprits de nos concitoyens : les élus ne seraient pas en mesure de comprendre les attentes de la population et d’y répondre.
Ce n’est pas nouveau dans l’histoire de la République, mais des mouvements plus ou moins radicaux font aujourd'hui de l’antiparlementarisme et des attaques contre le personnel politique un élément de mobilisation, un fonds de commerce. Nous le savons depuis longtemps, notre pays n’est pas à l’abri des mouvements d’opinion qui, sur fond de crise économique, sociale et culturelle, dans une période de doute et de désespérance, font que les élus, à l’instar de ce que l’on appelle improprement les « élites », sont montrés du doigt. Ce mouvement n’est pas propre à la France : il apparaît également ailleurs en Europe et aux États-Unis.
Face à cela, nous avons, collectivement, un devoir d’exemplarité. C’est l’objectif légitime que se fixe le texte qui nous est soumis.
La solution qu’il propose – prohiber le cumul, par les parlementaires, des indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat – est le premier gage de cette exemplarité.
M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !
M. Manuel Valls, ministre. Toutefois, il ne s’agit que d’une étape, monsieur Baylet, qui ne peut être pleinement satisfaisante.
Vous le savez, le Gouvernement a retenu une autre voie, complémentaire de celle que vous prônez, qui représentera une réforme plus profonde et répondra à l’exigence de la grande majorité de nos concitoyens. J’en suis sûr, monsieur Mézard, vos mots ont dépassé votre pensée quand vous avez résumé cette ambition au travail d’un ancien Premier ministre, Lionel Jospin, dont l’engagement et la probité ne peuvent être remis en cause par personne.
Le Gouvernement, donc, a retenu la voie de la stricte limitation du cumul des mandats. J’aurai d’ailleurs l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de venir devant votre assemblée dans quelques mois pour débattre de ce sujet.
M. Jacques Mézard. Ce sera un vrai plaisir !
Mme Françoise Laborde. Nous y serons.
M. Manuel Valls, ministre. J’imagine que le texte qui sera discuté recevra le soutien et l’accueil que le Sénat sait réserver aux grandes lois de la République ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. C’est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. René Garrec. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. Le non-cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local est un engagement fort du Président de la République. Celui-ci a eu l’occasion d’en expliquer les motivations profondes, à plusieurs reprises, au cours de la campagne présidentielle. Il les a explicitées, à nouveau, devant vous, lors des États généraux de la démocratie territoriale.
Le cumul des mandats est une spécificité française…
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Non !
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Nous aussi. Nous avons écrit des rapports, nous avons même parcouru l’Europe !
M. Manuel Valls, ministre. Je le sais bien, monsieur le rapporteur, mais vous ne m’avez pas laissé terminer mon propos.
M. Jean-Michel Baylet. Nous aurons l’occasion d’en reparler !
M. Manuel Valls, ministre. Le cumul a pu se justifier dans le passé, avant les grandes lois de décentralisation, puis avec celles-ci. Moi-même, j’ai cumulé ! (Exclamations amusées.)
M. Bruno Sido. Ah ! Ce n’est pas bien !
M. Manuel Valls, ministre. Toutefois, aujourd’hui, les citoyens attendent que les élus soient pleinement investis dans leurs responsabilités.
M. Rémy Pointereau. Vous ne l’étiez donc pas ?
M. Manuel Valls, ministre. Je l’étais comme vous tous ! Les journées étaient longues, mais passionnantes. Et encore étais-je élu de la région d’Île-de-France !
M. Philippe Bas. C’est un avantage !
M. Bruno Sido. Élu de la petite couronne !
M. Bruno Sido. Pardonnez-moi !
M. Manuel Valls, ministre. Les citoyens souhaitent donc des élus pleinement investis dans leurs responsabilités, au niveau local comme au niveau national, en tout cas au Parlement. C’est aussi une question de revalorisation de la fonction.
Le Premier ministre, dans cette enceinte, lors de son discours de politique générale, a rappelé la volonté du Gouvernement de légiférer pour donner aux parlementaires les conditions et les moyens leur permettant d’exercer pleinement leur mission. Cette exigence est déjà en vigueur au sein du Gouvernement puisque, contrairement à ce qu’on a vu par le passé, aucun ministre n’exerce de fonctions exécutives locales.
Nous avons donné une traduction forte et tangible à cet engagement avec les deux projets de loi qui ont été présentés en conseil des ministres le 3 avril dernier. Ces textes, lorsqu’ils seront votés – ce sera évidemment le choix du Parlement –, constitueront un élément déterminant, je le crois, de rénovation de la vie publique dans notre pays.
Voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement : telles sont notamment les missions éminentes des parlementaires, exigeant d’eux un investissement très soutenu. Comme l’a souligné la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, les fonctions de législation et d’évaluation des politiques publiques, notamment du fait de la réforme constitutionnelle de 2008, sont devenues plus lourdes. Qui peut le nier ? Le travail parlementaire est donc difficilement compatible avec des fonctions exécutives locales. Le risque est, pour l’élu en situation de cumul, de ne pas pouvoir exercer pleinement les deux mandats. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) C’est précisément là que le sentiment de défiance peut trouver sa source.
Le mandat d’élu local et celui de parlementaire ont chacun leurs exigences, leurs contraintes, et toute réforme sur le non-cumul devra nécessairement s’accompagner d’un statut de l’élu. Elle impliquera d’ailleurs aussi que des moyens soient donnés aux parlementaires.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. Il appartiendra évidemment aux deux assemblées d’en tirer les conséquences.
Le statut de l’élu devra encourager à embrasser ce parcours, cet engagement extraordinairement respectable qui consiste à représenter ses concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement entend l’effort d’exemplarité qui est entrepris avec cette proposition de loi. Il y est favorable parce qu’il s’agit d’un pas important. Mais ce texte ne saurait être satisfaisant par lui-même. Il faudra lui donner un aboutissement, faire d’autres pas. Vous avez commencé ; il faudra continuer !
Les deux textes relatifs au non-cumul des mandats seront discutés prochainement. Ils seront, me semble-t-il, l’aboutissement de la logique d’exemplarité que nous entamons aujourd’hui : parce qu’il y aura le non-cumul des mandats, il y aura, de fait, le non-cumul des indemnités.
Je vous remercie donc, monsieur le président Mézard, de votre utile contribution à la concrétisation des engagements du Président de la République et du Gouvernement en la matière. Je n’en attendais pas moins de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Excellent !
M. le président. En accord avec M. Mézard, auteur de la proposition de loi organique et président du groupe du RDSE, et avec M. le président de la commission des lois, la suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.