M. Michel Le Scouarnec. Contrairement à ce qui est annoncé, l’article 7 ne permettra pas de réduire le recours des employeurs aux CDD et à l’ensemble des emplois précaires.
Le dispositif prévu par cet article n’est en effet absolument pas dissuasif. Pis, il favorisera le recours des employeurs au travail temporaire. Les CDD devraient être taxés davantage, afin d’en freiner l’utilisation abusive. Qui plus est, l’exclusion des CDD pour remplacement de salariés absents, des CDD dits « d’usage », des CDD de plus de trois mois et des CDD des jeunes de moins de vingt-six ans rend cet article presque inutile. Avec toutes ces exclusions, seuls 20 % des CDD restent concernés !
Par ailleurs, le patronat a obtenu l’exonération des cotisations d’allocation-chômage pendant trois à quatre mois pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui seraient embauchés en CDI. Il s’agit d’un effet d’aubaine. En effet, si la majoration de la cotisation patronale d’assurance chômage sur les CDD est estimée à 110 millions d’euros, la détaxation des indemnités de chômage rapporterait 155 millions d’euros. La différence est donc de 45 millions d’euros. À vous de deviner pour qui !
Nous pouvons encore agir dans le sens de l’intérêt général. Nous vous proposons de majorer la part de l’employeur de cotisations sociales destinées au financement de l’assurance chômage de 10 % sur tous les contrats temporaires ou précaires. Il s’agit des CCD, des contrats à temps partiel ainsi que des contrats d’intérim. La rédaction alternative que nous vous proposons est porteuse de plus de justice et d’efficacité.
Mme la présidente. L'amendement n° 207, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou minorer
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à supprimer les mots « ou minorer », présents à l’alinéa 2 de cet article, qui autorisent une réduction de la part patronale de cotisations sociales en fonction de la nature du contrat de travail, de sa durée ou du motif de recours à ce contrat.
En somme, il nous est proposé de continuer à subventionner l’emploi sans contrepartie patronale en matière de qualité, de durée et de conditions de travail. Il suffit d’écouter les précédentes interventions de mes collègues pour s’apercevoir que, en fait, loin de ce que prétend le patronat, les patrons ont aujourd’hui toute liberté de recourir à des contrats précaires. Ces derniers sont conclus si régulièrement qu’ils deviennent des contrats atypiques.
De la même manière, il suffit de regarder le nombre de salariés s’inscrivant tous les jours à Pôle emploi pour s’apercevoir, là encore à l’opposé de ce que le prétend le MEDEF, qu’il est particulièrement aisé de mettre fin à un contrat de travail.
Toutefois, pour le patronat, la flexibilité d’aujourd’hui ne suffit pas et ne suffira jamais. C’est à se demander si certains ne voudraient pas revenir au contrat quotidien, au paiement à la tâche.
Aujourd’hui, en sus de tout ce qu’autorise déjà le contrat de travail, il faudrait encore réduire le taux de cotisations supporté par les employeurs, qui profitent chaque année de 170 milliards d’aides sociales et fiscales !
Toutefois, cela ne suffit pas et ne suffira pas au MEDEF, pour qui les salariés, même lorsqu’ils sont recrutés sous la forme la plus précaire, se réduisent à des charges, des coûts, des dépenses, oubliant au passage que leur activité professionnelle produit plus de richesses que ne le font les spéculateurs vivant sur le compte des entreprises.
Pour autant, cela n’empêche pas le MEDEF de continuer à vouloir faire pression sur le salariat, le plus étonnant étant sans doute, monsieur le ministre, que votre Gouvernement apporte son soutien à cette analyse. Comment comprendre autrement l’étude d’impact jointe à ce projet de loi, qui évoque d’entrée de jeu « un marché du travail qui détruit des emplois » ?
Pour notre part, nous avons plutôt tendance à considérer que c’est moins le marché du travail que le contexte économique actuel, marqué au mieux par une croissance zéro, au pire par la récession, qui détruit l’emploi.
À vos yeux, c’est notre droit du travail, les protections qu’il garantit aux salariés, ainsi que notre système de protection sociale qui sont responsables du chômage. Pour vous comme pour le MEDEF, apparemment, il faudrait réduire le coût du travail jugé trop élevé. Là encore, l’étude d’impact est particulièrement éclairante : vous y affirmez, monsieur le ministre, que « le retour de la croissance ne résoudra pas à lui seul les problèmes structurels du marché du travail en France ; la sécurisation des parcours professionnels constitue un levier puissant pour s’y attaquer ».
À ce stade, nous sommes en droit de vous poser une question à laquelle, je l’espère, vous nous répondrez : de quels problèmes structurels parlez-vous ?
Mme la présidente. L'amendement n° 206, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
de l’âge du salarié,
insérer les mots :
, de la politique salariale de l’entreprise et de partage de la valeur ajoutée
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée de courte durée, le législateur que nous sommes prévoit à juste titre, en tant que garant de l’intérêt général, de confier aux partenaires sociaux le soin de majorer, ou de minorer, les taux de contributions en fonction d’un certain nombre de critères.
Or les politiques salariales des entreprises ne figurent pas au nombre de ces critères, énoncés à l’article 7 du présent texte. Cependant, la réalité vécue par de nombreux salariés nous montre qu’il existe des entreprises, malheureusement plus nombreuses qu’on ne le croit, pratiquant délibérément une politique de bas salaires.
Les raisons en sont hélas connues. Elles sont simples et entraînent des drames humains dont nous sommes toutes et tous témoins.
Le cas des entreprises détenues par des fonds de pension ou d’investissement est le plus caricatural, mais c’est aussi le lot d’entreprises tout à fait respectables cotées en Bourse. Dans tous les cas de figure, la logique est la même : il s’agit tout simplement d’assurer, quoiqu’il en coûte, la rémunération optimum des actionnaires. Les conséquences en sont connues : cela se fait toujours au détriment de la masse salariale, voire de l’emploi.
Il n’y a aucun mystère quant à certains fonctionnements critiquables de l’économie réelle : quand la majeure partie de la valeur ajoutée créée dans une entreprise a pour seule vocation d’alimenter la financiarisation de l’économie, cela pèse toujours sur les salaires et sur les embauches.
C’est la raison pour laquelle nous voulons, avec cet amendement, empêcher que des entreprises pratiquant une politique salariale de ce type ou ayant une conception inéquitable du partage de la valeur ajoutée ne puissent bénéficier d’une minoration, ou d’une réduction, de leurs cotisations sociales. Nous pourrions même parler ici de double avantage : ces entreprises, d’un côté, réalisent des profits accrus en rognant sur les salaires, et, de l’autre, bénéficient de réductions, voire d’exonérations de cotisations sociales.
Il n’est pas acceptable que la collectivité subventionne indirectement des entreprises qui privilégient une rentabilité financière aveugle ayant des effets dévastateurs sur les salaires, ainsi que, bien souvent, sur les investissements productifs.
Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer brièvement, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 237 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau, Povinelli et Labazée, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le contrat de travail est à durée déterminée, temporaire ou intérimaire, il ne peut s’agir que d’une majoration du taux.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à élargir le champ de la taxation des contrats à durée déterminée, qui ne couvre, en l’espèce, que des contrats très courts.
Par ailleurs, si l’on compare le taux de taxation d’un contrat court avec le coût d’un intérim, on se rend compte facilement qu’il suffirait de faire basculer un contrat court en contrat d’intérim pour ne plus avoir à subir de majoration, ce qui, au passage, ne rapporterait donc plus rien à l’UNEDIC.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à taxer l’ensemble des contrats à durée déterminée, ainsi que l’ensemble des contrats d’intérim. En effet, si les modalités de cette taxation relèvent de la compétence des partenaires sociaux, le législateur peut donner un cadre imposant, de fait, cette taxation généralisée.
Je rappelle que le parti socialiste, dans son projet présidentiel présenté aux Français, défendait le principe d’un bonus-malus sur l’ensemble des contrats précaires (M. le ministre acquiesce.). Il s’agit d’une bonne stratégie qui, je l’espère, inspirera le Gouvernement à l’avenir.
Mme la présidente. L'amendement n° 209, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois la minoration prévue à l’alinéa précédent ne peut être appliquée à des contrats bénéficiant déjà d’une réduction ou d’une exonération partielle de cotisations sociales.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les partenaires sociaux étant chargés par la loi de définir les règles de cotisations et d’indemnisation relatives à l’assurance chômage, il revient au législateur de leur fournir des critères précis d’appréciation. C’est en fonction de ces derniers qu’ils pourront minorer ou majorer les taux de cotisations.
L’esprit général tendant à dissuader les employeurs de recourir abusivement à des contrats à durée déterminée de courte durée, il est compréhensible qu’il s’agisse, dans la plupart des cas, de majorer les cotisations de CDD courts. Dans d’autres cas, il peut au contraire être question de minorer les taux de contributions.
Nous souhaitons donc empêcher les effets d’aubaine et éviter que des employeurs ne puissent bénéficier d’une minoration de leurs cotisations alors qu’ils disposent déjà d’une réduction ou d’une exonération partielle de cotisations sociales au titre d’un contrat particulier signé avec leur salarié.
Tout au contraire, il faudrait appliquer dans ce cas une majoration du taux de cotisation sociale, dont le principe devrait alors être inscrit dans la loi.
Nous proposons de surcroît que cette majoration porte sur l’indemnité de précarité d’emploi applicable – de façon limitée, puisque beaucoup en sont exonérés – aux contrats de travail temporaire et à tous les contrats à durée indéterminée. Enfin, le taux de cotisation serait fixé à 15 %.
Ces dispositions n’ont rien d’excessif. Elles visent simplement à éviter des abus et à donner de meilleures garanties aux salariés en situation précaire, qui sont en majorité – faut-il le rappeler ici ? – des femmes, et dont la situation est encore aggravée du fait de la courte durée de ces contrats.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 210, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, cette modulation ne peut avoir pour effet d’accroitre le déséquilibre des comptes destinés au financement de l’assurance chômage.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Dominique Watrin. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 212, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
... – L’article L. 1221-19 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « de deux » sont remplacés par les mots : « d'un » ;
2° Au 2°, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
3° Au 3°, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois ».
... – Après le mot : « employeur », la fin de l’article L. 1221-20 du même code est ainsi rédigée : « d’apprécier les aptitudes professionnelles du salarié pour l’emploi occupé au regard de son expérience, de ses certifications et diplômes et elle permet au salarié d’apprécier si l’emploi lui convient. »
... – L’article L. 1221-21 du même code est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « Quatre » est remplacé par le mot : « Deux » ;
2° Au 2°, le mot : « Six » est remplacé par le mot : « Quatre » ;
3° Au 3°, le mot : « Huit » est remplacé par le mot : « Six ».
... – Après le mot : « exception », la fin de l’article L. 1221-22 du même code est ainsi rédigée : « de durées plus courtes fixées par le contrat de travail. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à revenir sur les dispositions législatives introduites par la loi du 25 juin 2008, transposant l’ANI du 11 janvier 2008, qui ont eu pour effet de doubler les périodes d’essai antérieurement pratiquées.
Les durées définies dans cet amendement ont un caractère impératif, sauf les durées plus courtes prévues par le contrat de travail. Cet amendement vise également à modifier la définition de la période d’essai introduite dans la même loi, dont la formulation était d’origine patronale, ce qui n’est pas anodin.
De plus, nous proposons de remplacer l’expression « évaluer les compétences du salarié dans son travail » par « apprécier les aptitudes professionnelles du salarié pour l’emploi occupé » et de remplacer l’expression « notamment au regard de son expérience » par « au regard de son expérience, de ses certifications et diplômes ».
Il s’agit d’un amendement de lutte contre la précarité, puisqu’il réduit la durée des périodes d’essai. Comme vous le savez, cette période est un épisode de grande précarité pour le salarié, puisque, pendant plusieurs semaines, celui-ci peut perdre son emploi sur simple décision de l’employeur, sans motifs.
Certains employeurs utilisent cette modalité de façon abusive : ils proposent un contrat à leur salarié et attendent le dernier jour de la période d’essai pour s’en séparer. Ce faisant, ils profitent d’une sorte de « super-flexibilité ».
Durant cette période, le salarié ne peut ni contracter un prêt, ni louer un logement dans le parc privé, puisque son contrat est encore considéré comme précaire. Il est bien sûr particulièrement vulnérable aux pressions patronales. Il s’agit d’un moment de grande fragilité, où le déséquilibre des rapports de force dans l’entreprise est particulièrement patent. Il est donc plus qu’important de limiter au maximum la durée de ces périodes, au rebours de la logique récente.
En effet, la dilatation de la période d’essai compte au nombre des transformations du travail observées ces dernières années et ayant entraîné une réelle instabilité, voire une véritable précarité pour de nombreux travailleurs.
C’est pour protéger des salariés déjà fragiles, et que la crise n’épargne pas, que nous devons inventer des protections nouvelles. Telle est l’ambition de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 213, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 1242-1 du même code, il est inséré un article L. 1242-1- … ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-1-…. – Exception faite des emplois figurant sur une liste établie par décret, le contrat de travail inférieur à une durée d’un mois est interdit. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet d’interdire la conclusion de contrats de travail d’une durée inférieure à un mois, lesquels constituent la forme ultime de précarisation.
Certains employeurs n’hésitent pas à multiplier de tels contrats, tantôt avec les mêmes salariés, tantôt avec d’autres, sans jamais se soucier des conséquences que ce mode particulier de gestion du personnel peut entraîner sur les salariés concernés.
Enfermés dans des contrats particulièrement courts, ces salariés, souvent les moins formés et recrutés sur les emplois les moins rémunérés, ne peuvent se projeter dans l’avenir. Ils n’ont accès ni aux crédits ni à la sérénité que procure des contrats de plus longue durée.
Pour leur part, les employeurs sont les grands gagnants de cette méthode de gestion, qui leur permet d’adapter au mieux les effectifs aux besoins de l’entreprise, assimilant de fait les salariés à un flux et un stock de force de travail, à la manière, par exemple, de flux et de stocks de marchandises.
Avec la crise, le nombre de contrats à durée déterminée a tout simplement explosé, tout comme le chômage. Les destructions d’emplois se multiplient et les recrutements sont de plus en plus précaires. Selon une étude publiée au début du mois de mars dernier par vos services, monsieur le ministre, la part des embauches en CDD a atteint 81, 7 % au troisième trimestre de 2012 dans les entreprises de plus de dix salariés, soit le plus haut niveau depuis 1999. C’est dire si la précarité tend à se généraliser !
Pourtant, toutes les entreprises n’éprouvent pas de difficultés justifiant le recours à ce type de contrats particulièrement courts et précarisants.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’adopter notre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 208, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au deuxième alinéa des articles L. 1243-8 et L. 1251-32 du même code, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 15 % ».
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L’article 7 introduit une faible, voire une très faible, modulation des contrats en fonction de leur précarité. Il met en place une modulation à la hausse, qui permet une légère augmentation du taux de cotisations sociales, mais aussi une exemption d’assiette de cotisations sociales pour le recrutement d’un jeune de moins de 26 ans, alors même que les comptes sociaux sont dans le rouge et que ce type de mesures ne produit, au mieux, que des effets d’aubaine, et, au pire, ne favorise pas l’emploi.
Dans la mesure où l’article 7 ne dissuadera pas les employeurs d’opter de manière privilégiée pour les contrats précaires, nous proposons d’augmenter l’indemnité de fin de contrat, en la portant de 10 %, comme cela est actuellement prévu, à 15 %.
Cette disposition viendrait s’ajouter à la modulation prévue ici, ce qui en renforce le caractère dissuasif, tout en permettant aux salariés concernés de bénéficier d’une prime légèrement revalorisée. Ce n’est que justice, dans la mesure où, au final, ce sont les salariés qui subissent ces contrats précaires et sont contraints d’alterner entre des périodes de travail et des périodes d’inactivité. Cette inactivité n’est, d’ailleurs, pas nécessairement indemnisée, puisque la multiplication des contrats courts rend quasiment impossible l’accès à l’allocation-chômage.
Nous sommes déjà intervenus sur cette question. Nous avons souligné l’ampleur de la précarisation du monde du travail. Un grand groupe français de l’intérim tente de justifier cette situation sur son site internet, en indiquant que le recours massif aux CDD est une « réalité […] bien antérieure à la crise », ce qui est vrai.
Autrement dit, les contrats précaires, qui se multiplient, sont devenus un mode de gouvernance et de gestion du personnel comme un autre. En conséquence, alors que les CDD de moins d’un mois représentaient moins de la moitié des embauches en 2000, ils en constituent quasiment les deux tiers en 2010. Ils ont donc progressé de plus de 88 %, et le nombre de CDD de moins d’une semaine a plus que doublé, puisqu’il a connu une hausse de plus de 120,2 %.
L’économiste Philippe Askenazy décrit ainsi cette période : « Aujourd’hui, on a une classe de travailleurs qui sont en situation d’hyper-précarité, qui enchaînent une semaine de travail au maximum, suivie d’une semaine de chômage, trois jours de travail, quatre jours de chômage », dans « une hyper-précarité permanente ».
On voit bien que, en réalité, la crise économique sert de justification supplémentaire à la précarisation du salariat. Nous sommes persuadés, pour notre part, que la crise n’est pas totalement responsable de cela. Nous sommes surtout convaincus que la multiplication des contrats précaires contribue à accroître la crise.
On ne peut pas tout à la fois vouloir accroître la flexibilité et espérer disposer de ménages et de foyers en mesure de participer à la relance de l’économie et de la consommation. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer les liens qui existent entre la courbe attestant de la baisse du pouvoir d’achat et celle de la consommation par unité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
M. Philippe Dallier. C’est fini, madame Demessine ! (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme Catherine Procaccia. On gagne quelques secondes ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 211, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les articles L. 1243-10 et L. 1251-33 du même code sont abrogés.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le montant de la prime de précarité, versée au salarié à chaque fin de contrat précaire, équivaut au minimum à 10 % de la rémunération totale brute due. Ce n’est pas une somme négligeable pour une personne qui ne retrouve pas de poste à l’issue de son contrat.
Pourtant, cette indemnité n’est pas versée dans de très nombreux cas. Il en est ainsi en cas de rupture anticipée du contrat par le salarié, de rupture du contrat due à une faute grave du salarié, à un refus du salarié de conclusion d’un CDI, ou au terme d’un CDD.
Cette prime n’est pas non plus versée dans le cas d’un contrat saisonnier, ni dans le cadre des emplois aidés par l’État. La prime de précarité d’emploi n’est donc pas due dans les cas suivants : contrat initiative emploi, contrat emploi jeune, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, emploi d’avenir, contrat d’accompagnement dans l’emploi, contrat insertion revenu minimum d’activité.
Elle n’est pas non plus versée lorsque le contrat est conclu au titre de dispositions législatives et réglementaires qui seraient destinées à favoriser l’embauche de certaines catégories de personnes sans emploi ou lorsque l’employeur s’engage, pour une durée et dans des conditions qui seront fixées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.
Cet amendement tend à supprimer certaines de ces exonérations, car nous pensons qu’il n’est pas normal que tous les contrats précaires ne donnent pas droit au versement d’une prime de précarité.
Sachant que la probabilité de s’inscrire au chômage à la fin de ce type de contrat est beaucoup plus forte qu’après un CDI, cette indemnité n’est pas de trop pour aider les personnes concernées à rebondir. Elle peut leur être utile dans leur recherche d’un nouvel emploi.
Nous avons souvent dénoncé la précarisation des emplois, qui prend la forme de contrats à durée limitée, de temps partiel imposé ou de stages, qui se généralisent et touchent principalement les jeunes.
Depuis des décennies, les gouvernements et les employeurs, au nom de la lutte contre le chômage, ont développé et encouragé la création de ces emplois précaires. La crise ayant fait exploser le chômage, les plus vulnérables sont les premiers licenciés.
La précarité est un système organisé visant à réduire les acquis sociaux, à faire baisser les salaires, et elle aggrave l’insécurité sociale et la pauvreté au lieu de les faire reculer.
Il faut d’urgence réduire la précarité, favoriser son éradication, et imposer le droit à l’emploi à tous. Il faut commencer dès maintenant !
Mme la présidente. L’amendement n° 214, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 1243-10 du même code est abrogé.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. On travaille à la chaîne, aujourd’hui. Je ne connaissais pas encore cela !
M. Jean Desessard. C’est l’écoute à la chaîne aussi ! (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. Le code du travail prévoit que, à l’issue d’un contrat à durée déterminée, le salarié a droit au versement d’une prime, appelée « prime de précarité », à condition, toutefois, que le terme du CDD ne donne pas lieu par la suite à un recrutement en CDI.
Cette prime constitue, en quelque sorte, une compensation garantie par l’entreprise aux salariés qui, en raison de la nature déterminée du contrat, peuvent être exposés par la suite à une période de précarité. En ce sens, elle joue clairement le rôle d’une indemnité compensatrice de la précarité subie. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le code du travail recourt, pour la décrire, à la notion d’indemnité, quand chacun d’entre nous parle, à tort, de prime.
Le dictionnaire juridique de référence appuie cette démonstration, puisqu’il définit les indemnités comme des « sommes intégrées à la paie ou versées par des organismes extérieurs à l’entreprise en compensation de circonstances ou de situations imposées au salarié ».
Pourtant, cette indemnité de fin de contrat n’est pas due dans tous les cas. Elle n’est pas versée si le salarié démissionne avant le terme de son contrat, si l’employeur rompt le contrat de manière anticipée à la suite d’une faute lourde du salarié, si le CCD est rompu pendant la période d’essai, si le CDD portait sur un emploi saisonnier, s’il s’agit d’un contrat destiné à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, ou encore si le contrat est conclu avec un jeune pendant ses vacances scolaires ou universitaires.
Ces dérogations ne nous paraissent plus acceptables, dans la mesure où, quelles que soient la nature du contrat et la cause de son extinction, le salarié, même s’il en a pris l’initiative, est bel et bien placé, in fine, dans une situation de précarité.
La situation la plus étonnante et la plus scandaleuse est, sans doute, celle qui est réservée aux jeunes recrutés pendant les vacances scolaires. La loi fait comme si les employeurs leur faisaient une fleur en les embauchant temporairement, raison pour laquelle ils pourraient se dispenser de verser de cette prime. Pourtant, les étudiants travaillent, et même durement, pendant leurs congés, ne serait-ce que pour pouvoir être recrutés l’année d’après. Lorsque l’on connaît l’importance de ce travail pour les étudiants, mais aussi pour les entreprises dans l’hôtellerie et la restauration, en particulier, des régions touristiques, on sait que, en règle générale, ils ne rechignent pas à la tache.
En outre, il n’est pas acceptable que la loi prive certains salariés de cette prime en raison de la nature du contrat qu’ils ont signé, comme les contrats d’insertion.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.