M. Dominique Watrin. Il y a au moins une certitude : ce n’est pas ce projet de loi, destiné à simplifier les procédures de licenciements et à apporter plus de flexibilité au marché du travail, qui contribuera à réduire le nombre de salariés privés d’emploi. Bien au contraire !
Mes chers collègues, notre pays ne souffre pas d’une surabondance de législations ou de droits. Il souffre, comme toute l’Europe, d’une politique d’austérité, qui conduit à ce que la situation des ménages ne cesse de se dégrader. Le taux de chômage atteint 11,7 % dans la zone euro, et même le taux record et dramatique de 26 % en Espagne ! Cet effondrement de l’emploi et, par voie de conséquence, de la consommation des ménages a abouti à un effondrement des marchés intérieurs. Cela place les entreprises dans d’importantes difficultés, qui se cumulent d'ailleurs avec l’irresponsabilité du secteur bancaire.
Au lieu de jouer un rôle de soutien en direction des entreprises en difficulté – on en aurait fort besoin dans cette conjoncture –, ce dernier distribue le crédit avec une prudence qu’il n’a pas lorsqu’il s’agit de spéculer sur les marchés financiers.
C’est donc presque mécaniquement que la récession s’est installée en Europe. Selon l’économiste Sandra Moatti, la récession s’est même aggravée au dernier trimestre de l’année 2012, avec une production en recul de 0,5 %. D'ailleurs, et je tiens à le souligner, l’Allemagne, que certains décrivent comme le nouveau modèle de référence, ne s’en sort pas mieux : son produit intérieur brut a chuté de 0,6 % sur la même période.
Pourtant, malgré ce contexte, qui aurait dû inciter les gouvernements d’Europe à soutenir une politique ambitieuse, faisant de la consommation l’un de ses piliers, on assiste plutôt au maintien des politiques de rigueur, qui conduisent justement à la crispation des marchés internes. Il faut dire que l’Europe et la France ont maintenu leurs objectifs de réduction des dépenses publiques : le Gouvernement continue d’avoir les yeux braqués sur les fameux 3 % de déficit public.
En fait, tout cela nous interdit une vraie politique de relance, une vraie politique de l’emploi, pourtant plus indispensables que jamais. C’est d’ailleurs le choix fait par d’autres. Ainsi, les États-Unis ont clairement préféré relâcher de manière temporaire leurs efforts sur l’objectif de réduction de la dette publique, afin de soutenir la consommation et réduire la dette privée.
La réduction du chômage et la capacité des entreprises à permettre la réintégration des salariés privés d’emplois dans le monde du travail ne dépendront pas de la présente réforme. C’est sur notre capacité à permettre la relance durable de notre économie qu’il faudrait agir.
L’article 6 du texte permet aux chômeurs qui retrouvent un emploi puis reviennent au chômage de cumuler, en tout ou partie, les droits à indemnisation non consommés lors de la première période de chômage avec les nouveaux droits acquis. En cela, il constitue certainement une mesure positive pour les personnes concernées. Pour autant, nous ne pouvons pas nous en satisfaire.
Il nous manque encore des mesures nécessaires à la relance économique et industrielle, seule réponse efficace contre le chômage efficace sur la durée, ainsi que des outils juridiques, en particulier l’interdiction des licenciements boursiers. Je rappelle que le groupe CRC avait déposé une proposition de loi en ce sens, à laquelle il n’avait manqué que quatre voix dans cette Haute Assemblée pour être adoptée.
M. Alain Fouché. Interdire est une chose ; faire appliquer en est une autre !
M. Dominique Watrin. C’est un travail sur lequel il ne faut pas lâcher. Nous y reviendrons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l’article.
Mme Michelle Demessine. Il est évidemment positif de permettre au salarié privé d’emploi de reprendre une activité professionnelle après une période de chômage sans craindre d’une réduction de son indemnité en cas de nouvelle perte d’emploi.
Pour autant, et c’est là que le bât blesse, le dispositif doit être financé. Or il ne l’est. Le MEDEF a annoncé lors de toute la phase de négociation de l’accord national interprofessionnel ne pas vouloir qu’un euro de plus soit consacré à cette mesure et, plus globalement, à l’indemnisation du chômage.
D'ailleurs, l’exigence patronale a pris corps dans l’ANI, qui prévoit explicitement que « les partenaires sociaux veilleront à ne pas aggraver ainsi le déséquilibre financier du régime d’assurance chômage ». Autrement dit, le nouveau droit des uns, ce sera au détriment des droits des autres !
En réalité, le droit nouveau ne devrait prendre corps définitivement qu’à l’occasion de la prochaine convention UNEDIC, dont la négociation devrait débuter dans le courant de l’année. À l’image de plusieurs observateurs syndicaux, y compris parmi les organisations signataires, nous craignons que le MEDEF ne propose, en contrepartie, pour ne pas grever le déficit de l’UNEDIC, de remettre en place la dégressivité de l’allocation ou d’en baisser le niveau de 10 % à 15 % pour tous les demandeurs d’emploi, c’est-à-dire de déshabiller Paul pour habiller Jacques ! Je note d’ailleurs que certains députés n’ont pas hésité à profiter de l’occasion qui leur était offerte par l’article pour proposer immédiatement, par voie d’amendement, d’instaurer une importante dégressivité des droits.
Par ailleurs, selon un article récent de La Tribune, l’UNEDIC, qui aurait évalué le coût de cette mesure et l’estime peu élevé, envisage déjà de « jouer sur certaines variables comme le salaire de référence pris en compte ou en instaurant, par exemple, un plafond au cumul des périodes indemnisables. »
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la négociation prévue cette année ne conduira pas à des mesures injustes pour les salariés privés d’emploi déjà indemnisés et n’aura pas pour effet d’imposer aux nouveaux entrants des droits à indemnisation bien inférieurs à ceux qui sont actuellement garantis aux salariés déjà indemnisés ? Je sais que cela dépend partiellement de la négociation entre partenaires sociaux. Pour autant, l’État ne peut pas se désintéresser du sort des salariés privés d’emplois. Si le patronat impose des mesures du type de celle que nous craignons et dont j’ai parlé, il est de la responsabilité du Gouvernement de prendre des mesures fortes pour garantir les droits des salariés.
Il faudra notamment que vous renforciez le coût des contrats précaires bien plus que l’accord national interprofessionnel ne le prévoit, en supprimant les exonérations de cotisations consenties au titre des emplois concernés. Mes chers collègues, au moment où vous devrez vous prononcer sur l’article et le projet de loi, souvenez-vous que les fins de missions d’intérim et de CDD représentent plus de 30 % des entrées au chômage et 63 % des allocataires. Par définition, et en raison même des contrats qui leurs sont opposés, les salariés ne peuvent pas cumuler de droits très longs à l’assurance chômage et perdent très vite le droit à toute forme d’indemnisation.
Alors que le déficit de l’UNEDIC atteint cette année 4 milliards d’euros et que l’endettement cumulé s’élève quant à lui à 17 milliards d’euros, il est grand temps de mettre un terme aux mesures de sous-financement de notre système de protection sociale. C’est d’autant plus important que seuls 48 % des salariés privés d’emploi bénéficient d’une indemnisation chômage.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, qui se souvient des conditions dans lesquelles se sont tenues les dernières négociations sur la convention UNEDIC et sur les retraites complémentaires, s’abstiendra sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 6 a suscité un débat important lors de son examen par l’Assemblée nationale.
Il s’agit de créer ce que l’on appelle couramment les « droits rechargeables » à l’assurance chômage. Cela permettra aux salariés privés d’emploi qui en retrouvent un puis retombent dans le chômage de cumuler les droits d’indemnisation non consommés lors de la première période de chômage. Cette mesure qui nous semble globalement positive. Monsieur le ministre, vous n’avez pas hésité à la présenter comme le « sixième article, sixième progrès » de ce projet de loi.
Ces progrès jusque-là timides sont sans commune mesure avec les articles suivants, qui actent des reculs pour l’ensemble des salariés.
J’en reviens à l’article 6. La présentation que vous avez faite nous soucie quelque peu et nous conduit à vous interroger, monsieur le ministre. En effet, vous avez affirmé que la sécurisation de l’emploi incitera demain à reprendre un travail. Est-ce à dire que vous considérez que les salariés privés de leur emploi auraient aujourd'hui besoin d’une incitation particulière à reprendre une activité professionnelle ? Si tel est le cas, permettez-moi de vous dire que telle n’est pas notre conviction !
Ce que nous constatons tous les jours, dans nos permanences, dans nos communes, dans nos mairies, aux côtés des associations qui luttent et accompagnent les salariés sans travail, c’est que, dans leur immense majorité, ces derniers sont d’abord et avant tout des femmes et des hommes qui sont bien entendu involontairement privés de leur emploi ! Le seul fait de perdre son travail, de voir son niveau de vie baisser et la crainte de tomber dans la spirale de la précarité suffit à inciter les salariés à reprendre une activité professionnelle.
Nous ne nous satisfaisons pas des thèses de certains économistes, pour qui le chômage serait en partie volontaire, puisqu’il traduirait le refus de certains salariés de reprendre une activité professionnelle, préférant la non-activité au travail. Je note d’ailleurs que M. Germain n’a pas eu la même appréciation que vous, monsieur le ministre. Vous aviez affirmé que « le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui pousse à utiliser tous ses droits : cela coûte » ; lui a trouvé opportun de préciser, et il avait raison, qu’« il ne faudrait pas interpréter ce dispositif à tort, en laissant entendre que les chômeurs seraient dans une sorte de stratégie d’optimisation et qu’il faudrait leur donner des incitations financières pour reprendre un emploi. Un chômeur qui se voit offrir une opportunité d’emploi ne la refuse pas. C’est bien mal connaître la situation des chômeurs que de penser le contraire ». Nous partageons cette analyse, plus conforme à ce que nous voyons et ressentons quotidiennement.
Mais sans doute faudrait-il que l’on aille jusqu’au bout du raisonnement. Comment peut-on accepter d’un employeur qui recrute un salarié privé d’emploi qu’il l’embauche à une rémunération à un niveau moindre que son salaire précédent, alors que, durant ses périodes d’activités professionnelles, ce salarié a acquis des compétences et des connaissances, dont la nouvelle entreprise va bénéficier et qui doivent par conséquent être valorisées financièrement ?
Cela pose également la question de l’accès à la formation professionnelle des salariés privés d’emploi. Celle-ci doit être au cœur du projet professionnel de chaque chômeur et doit absolument se concentrer sur des formations qualifiantes ou permettant d’acquérir un niveau de qualification supérieur, afin, là encore, de lui permettre d’accéder à un emploi avec une rémunération à la hauteur de ses compétences.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet article est important, parce qu’il instaure les droits rechargeables concernant l’assurance chômage.
Cela étant, j’aimerais savoir ce que le Gouvernement pense de la référence à la nécessité d’attendre un futur accord UNEDIC pour financer le dispositif.
En effet, au regard de l’importance du chômage et de la situation de l’UNEDIC, qui rencontre des difficultés de financement importantes, ces droits rechargeables ne risquent-ils pas de demeurer très théoriques ? Alors que d’énièmes discussions vont s’engager au niveau de l’UNEDIC, je rappelle que la volonté de consacrer ces droits figurait déjà dans plusieurs accords, peut-être moins largement signés mais souvent cités. Le Gouvernement a-t-il le sentiment que des garanties sont prises à cet égard ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 203, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
antérieures d’indemnisation,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
sont suspendus le temps de l’exécution d’un nouveau contrat. Ils sont immédiatement mobilisables en cas de perte de cet emploi, y compris si l’exécution de ce dernier était insuffisante pour ouvrir une nouvelle période d’indemnisation. Les accords mentionnés à l’article L. 5422-20 prévoient d’adapter la contribution des employeurs au régime d’assurance chômage en conséquence. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’heure actuelle, le salarié ne peut pas prétendre à l’indemnisation par l’assurance chômage qu’à la condition de pouvoir justifier d’une période d’activité de quatre mois minimum au cours des vingt-huit derniers mois.
Cette méthode de calcul exclut de manière systématique les salariés les plus précaires, c’est-à-dire celles et ceux qui multiplient les contrats de courte, voire de très courte durée. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le nombre de contrats à durée déterminée d’un mois ou moins a connu une hausse de 102 %.
On se retrouve donc avec un système, qui, pour éviter de procurer une juste indemnisation aux salariés privés d’emplois et, ainsi, d’entraîner une augmentation de la dépense publique, se révèle partiellement inefficace.
On a coutume de dire que le marché du travail se comporte comme une centrifuge qui expulserait les salariés les plus jeunes et les plus vieux. Le mécanisme d’assurance chômage procède de même, en privant d’indemnisation un nombre toujours plus grand de salariés privés d’emplois, soit parce qu’ils n’auraient pas retrouvé d’emploi suffisamment tôt, soit parce qu’ils n’auraient pas assez cotisé.
Ce raisonnement nous paraît injuste, car il fait supporter aux salariés les conséquences de la précarité qu’ils subissent et qui est d’abord et avant tout le choix des employeurs. Je ne connais personnellement aucun salarié qui se satisfasse d’être contraint de rechercher tous les quinze jours un nouvel employeur.
Or ces salariés, en plus de devoir faire face à des salaires tronqués, ne peuvent prétendre au bénéfice de l’assurance chômage. Pour eux, ces contrats particulièrement courts se révèlent une double peine.
L’amendement que nous proposons et qui vise à compléter l’alinéa 2 de cet article a précisément pour objet de répondre partiellement à cette injustice.
Ne pouvant intervenir sur les mécanismes actuels d’assurance chômage, pour des raisons de recevabilité financière, nous sommes contraints de nous limiter aux modalités d’application des droits rechargeables que cet article se propose de créer.
Nous proposons donc qu’un salarié qui aurait acquis des droits à indemnisation au titre d’une première période de chômage mais qui ne les aurait pas tous utilisés, puisse mobiliser les droits restants, même si le contrat précédent était insuffisant pour ouvrir une nouvelle période d’indemnisation.
Cet amendement vise notamment le cas où le dernier contrat aurait été d’une durée inférieure à la durée légale ouvrant droit à indemnisation, soit quatre mois.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 588 est présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, en tout ou partie,
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 202.
Mme Éliane Assassi. Avant de commencer mon intervention, je ferai remarquer que si, par rapport à hier, les bancs de l’opposition se remplissent peu à peu, les bancs des rangs socialistes ont, eux, tendance à se clairsemer… Serait-ce l’effet du vote bloqué ? Vous n’êtes pas nombreux à résister, mes chers collègues.
Cet article 6 crée un droit rechargeable à l'assurance chômage, c'est-à-dire la possibilité pour un allocataire de l'assurance chômage qui retrouverait un emploi avant l'épuisement de ses droits de bénéficier, si toutefois il devait de nouveau perdre son emploi, de tout ou partie des droits qu'il n'a pas épuisés et conserver ainsi une indemnisation au chômage correcte qui devrait, théoriquement, être au moins égale à celle qui était perçue auparavant.
Toutefois, aux termes de l’alinéa 2 de cet article, que le présent amendement tend à supprimer, « les droits à l'allocation d'assurance non épuisés, issus de périodes antérieures d'indemnisation, sont pris en compte, en tout ou partie », ce qui signifie que le salarié ne pourrait pas prétendre à la mobilisation de tous les reliquats de droits dont il dispose. Cela ne nous paraît pas souhaitable, et c’est pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa 2.
Par ailleurs, ce dispositif apparaît de prime abord comme une mesure positive pour les salariés du secteur privé, mais à condition, naturellement, qu'elle soit financée sur des bases justes, ce qui, selon l'accord national interprofessionnel, est loin d'être assuré.
Pour autant, cette disposition ne constitue pas réellement une innovation : le Gouvernement transpose dans le droit, peut être en la modifiant, une disposition conventionnelle déjà existante que l'UNEDIC appelle « reprise des droits » ou « demande de réadmission » destinée aux salariés privés d'emploi ayant relevé de l'ARE, l'allocation d'aide au retour à l'emploi, et qui, si mes informations sont exactes, figure aux articles 3 et 11 de la convention UNEDIC actuellement en vigueur.
Pour mémoire, ce dispositif prévoit que, si le versement des droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi a été interrompu, il est possible de demander ultérieurement une reprise des droits, afin de percevoir le reliquat de l'allocation d'aide au retour à l'emploi restant due.
À vrai dire, je me suis fait expliquer tout cela récemment, et plutôt que de faire un grand discours théorique, permettez-moi de prendre un seul exemple : si les droits d’un salarié ont été ouverts une première fois pour une durée de 700 jours avec une allocation de 26 euros par jour et si, après 400 jours d'indemnisation, il retrouve un emploi pendant 182 jours, il pourra prétendre à une nouvelle indemnisation de 182 jours.
Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous m’expliquer cela encore mieux ! Puisque nous sommes victimes du vote bloqué, il n’y aura pas de débat. Toutefois, d’une certaine façon, cela tombe bien, car vous pourrez ainsi, je l’espère, prendre le temps…
M. Marc Daunis. Comme toujours !
Mme Éliane Assassi. … de nous indiquer les modalités concrètes d’application de cet article 6, afin que nous puissions mesurer s’il est plus protecteur que le dispositif existant. Vous le voyez, nous ne sommes pas butés : nous essayons seulement de comprendre !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour présenter l'amendement n° 588.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement vise à lever une ambiguïté quant à l'effectivité des droits rechargeables à l'assurance chômage.
En l'état, le texte indique que le reliquat des droits que le chômeur n'a pas encore consommés sera pris en compte dans le calcul des droits pour la nouvelle période d'indemnisation.
Le problème, c'est qu'ils seront pris en compte, selon le texte, « en tout ou partie ». Or cette précision minimise l'effectivité de ce nouveau droit, puisqu'elle permet de réduire la somme perçue par le chômeur. Elle instaure, en fait, un droit rechargeable au rabais. Par ailleurs, on ne sait même pas sur la base de quels critères on décidera de prendre en compte, ou bien la totalité du reliquat des droits, ou bien seulement une partie de ces droits.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous proposons de supprimer cette précision, qui ne fait que complexifier la loi et réduit de facto la portée de ce droit rechargeable à l'assurance chômage, dont on connaît déjà la difficulté de mise en place. D’ailleurs, l’ensemble des signataires, y compris patronaux, reconnaissent que tout cela sera renvoyé à une négociation, à l’automne prochain, portant sur le financement global de l’UNEDIC.
À l'évidence, cette négociation sera budgétairement compliquée. Aussi, il serait tout à fait positif d’avancer dès maintenant sur cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, par construction, les trois amendements que vous proposez sont appelés à trouver des réponses dans les négociations que les partenaires sociaux vont précisément engager autour des droits rechargeables. Surtout, je veux y insister, le législateur n’est pas compétent sur ce point, dans la mesure où le régime d’assurance chômage définit avec les partenaires sociaux, qui en ont précisément la responsabilité, les conditions et les modalités d’indemnisation des chômeurs.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Chacun ici pense que cette disposition constitue un vrai progrès par rapport à la situation actuelle.
C’est ainsi que l’on s’aperçoit, article après article, que des progrès indubitables pour les salariés sont institués par ce projet de loi issu de l’ANI. J’y insiste, parce que les amendements examinés laisseraient souvent à penser que nous serions dans le virtuel et que, en fin de compte, le texte n’apporterait rien de positif.
Par ailleurs, la véritable préoccupation, tout à fait compréhensible, exprimée par M. Placé ou par d’autres, ce n’est pas que l’on renvoie aux partenaires sociaux. Cela, nul ne le conteste, car, le régime d’assurance chômage étant paritaire, ce qui est devenu rare, il est entièrement géré par les partenaires sociaux, qui tiennent beaucoup à cet aspect et, selon moi, à juste titre.
M. Marc Daunis. En effet !
M. Michel Sapin, ministre. La question est plutôt celle du financement. Elle part d’un a priori, souvent véhiculé par une partie des partenaires sociaux du côté patronal, sur le coût de la mesure. Néanmoins, pourquoi celle-ci aurait-elle forcément un coût ?
On évoque parfois, ce qui est scandaleux d'ailleurs, de prétendus comportements d’optimisation de la part des chômeurs. Mais telle n’est pas la question.
Prenez l’exemple d’une personne qui a droit à deux ans d’assurance chômage, ce qui est le maximum. Au bout d’un an, un nouvel emploi lui est proposé, sous la forme d’un CDD de six mois, qui peut cependant déboucher sur un CDI. S’il signe ce CDD et s’il n’est pas gardé par l’entreprise au terme du contrat, ce salarié n’aura eu que six mois de rémunération au lieu d’une année en restant au chômage. C’est pourquoi il ne prendra pas le risque de signer le CDD de six mois – non pas dans une logique d’optimisation, mais simplement pour se protéger ! Et cela coûte cher à l’assurance chômage.
En revanche, si cette personne signe pour un CDD de six mois et que, à l’issue de ce contrat, son emploi est pérennisé, comme on le souhaite, il y aura eu une économie pour l’assurance chômage.
Je combats donc cette idée, assez pessimiste, selon laquelle le système des droits rechargeables susciterait un coût pour l’assurance chômage.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Au contraire, il constitue une chance pour chaque chômeur en tant que salarié potentiel et pour l’ensemble de notre société. Chacun doit donc être rassuré.
Bien entendu, seule la négociation peut ensuite régler les détails du mécanisme, car tout le monde est d’accord pour respecter ici l’autonomie des partenaires sociaux. Toutefois, encore une fois, ne soyons pas pessimistes. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Ce n’est pas à vous que je dis cela, mesdames, messieurs les sénateurs. Je sais d’où vient le pessimisme, et qui sont les plus sceptiques sur ce sujet.
Mme Michelle Demessine. C’est le MEDEF !
M. Michel Sapin, ministre. Absolument. Nous pouvons donc nous permettre d’être un peu plus optimistes qu’une partie des partenaires sociaux.
Voilà ce que je voulais vous dire, pour vous remercier d’un soutien global, je crois, au principe du droit rechargeable et pour essayer, plus fondamentalement, de vous rassurer quant au financement de la mesure.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Le vote sur ces trois amendements est réservé.
Le vote sur l’article 6 est réservé.
Articles additionnels après l’article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 195, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l'article L. 5411-6 du code du travail, les mots : «, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d’accepter les offres raisonnables d’emploi telles que définies aux articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3 », sont remplacés par les mots : « et d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Depuis 2008 et l'adoption du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi, ces derniers sont censés être orientés et accompagnés dans leur recherche d'emploi, sur la base d'un projet personnalisé d'accès à l'emploi.
Ce projet détermine notamment les offres raisonnables d'emploi qui devraient, théoriquement, dans le meilleur des mondes, correspondre aux salariés privés d'emploi. Avec cette mesure, comme le soulignait Pierre Concialdi dans la revue Mouvements : « De l'offre valable d'emploi, on est aujourd'hui passé à l'offre raisonnable d'emploi. Mais l'objectif est resté le même : durcir le contrôle et les sanctions concernant les chômeurs ».
Derrière ce discours, se cache en fait une volonté : pointer l'autre du doigt afin de rendre impossible toute solidarité et empêcher, par voie de conséquence, toute contestation collective du système. Car pendant que l'on cherche à vérifier si le chômeur ne se complaît pas dans sa situation, on ne cherche pas à combattre le licenciement, particulièrement lorsque ce dernier est boursier. Pourtant, on a des outils pour le faire.
En février 2012, Nicolas Sarkozy annonçait même vouloir aller plus loin, en proposant de soumettre au référendum le projet rendant obligatoire une formation qualifiante pour un demandeur d'emploi qui n'a pas trouvé de travail au bout de quelques mois. Je le cite : « À l'issue de cette formation [...], le chômeur sera tenu d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé ».
Mme Catherine Procaccia. Il n’est plus là, Nicolas Sarkozy !
Mme Laurence Cohen. Même s'il ne l'affirmait pas ouvertement, l'idée était bien de mettre fin à ce qu'il appelait l'assistanat et à ce que d'autres ont présenté comme le « cancer de la société française ».
Ce faisant, Nicolas Sarkozy avait oublié la loi de 2008, qui permet déjà des radiations assez importantes.
Le problème est que, s'il y a bien des agents pour vérifier le refus d'une ou plusieurs offres par les salariés, il n'y a personne pour vérifier que ces offres sont réellement raisonnables. Or on a même vu récemment des salariés privés d'emploi se faire proposer des offres qui étaient manifestement contraires à la loi.
Dans ce contexte, mes chers collègues, il convient de supprimer dans le code du travail l'actuelle référence aux offres raisonnables d’emploi et d'en revenir à la situation antérieure, que toutes les associations de chômeurs et de précaires considèrent comme étant plus protectrice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La notion d’offre d’emploi raisonnable est controversée, et cette question mérite d’être traitée. Toutefois, elle se situe en dehors de l’accord qui nous occupe.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5411-6 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le demandeur d’emploi précise également dans son projet personnalisé la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi qu’il recherche. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Avec cet amendement, nous continuons à chercher à préciser, à encadrer le projet personnalisé d’accès à l’emploi que signent les salariés privés d’emploi, lequel les engage vis-à-vis du service public de l’emploi.
À ce jour, l’article L. 5411-6-1 du code du travail prévoit que ce projet personnalisé tient compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et des compétences qu’il a acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale, ainsi que de l’état du marché du travail local, de la nature et des caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, de la zone géographique privilégiée et du niveau de salaire attendu.
Ces éléments sont importants, puisqu’ils constituent un filet de sécurité pour le salarié privé d’emploi, qui peut légitimement attendre du service public de l’emploi que celui-ci tienne compte de ses compétences professionnelles.
Pourtant, chacun d’entre nous connaît dans son département un ou plusieurs salariés ayant été radiés pour avoir refusé des offres sans aucun rapport avec leurs parcours.
Notre amendement vise à limiter ces risques. Il tend à préciser que le projet personnalisé doit comporter la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement me semble en partie satisfait par l’article du code du travail que vous avez cité, qui précise les modalités de ce contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?