M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Jean Bizet, Jean-Paul Emorine, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. René Garrec , Charles Revet, Jean-François Humbert, Jackie Pierre, Pierre Bordier, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Daniel Laurent, Jean-Noël Cardoux, Mme Sophie Primas, MM. Ambroise Dupont, Abdourahamane Soilihi, Mlle Sophie Joissains, Mme Esther Sittler, MM. Bruno Retailleau, Bernard Fournier, François Trucy, Alain Milon, Michel Bécot, Yann Gaillard, Rémi Pointereau, Christophe Béchu, Philippe Marini, Mme Colette Giudicelli, MM. Dominique de Legge, Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Henri de Raincourt, Patrice Gélard, Éric Doligé, François Pillet et François-Noël Buffet.)
M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
Vérification du quorum
M. le président. Mes chers collègues, la vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
Je vais procéder à la vérification du quorum, et j’invite donc Mme Michelle Demessine et M. Jean-François Humbert, secrétaires de séance, à venir m’assister.
(La vérification du quorum a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
Aux termes de l’article 51, alinéa 3, de notre règlement, le vote ne peut avoir lieu moins d’une heure après la constatation de l’absence de quorum.
Je vais donc suspendre la séance. Elle reprendra à vingt-trois heures trente. Nous conviendrons de l’heure de levée en fonction de notre rythme de travail.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe socialiste, l'autre du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 148 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur certaines travées de l'UMP.)
(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Demande de réserve
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Après les longs et très riches débats que nous avons eus sur l’article 1er, qui est bien sûr l’article principal de ce projet de loi, il me semble qu’il serait utile de rationaliser quelque peu nos discussions.
En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande donc, madame la présidente, la réserve de l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels, de manière que nous examinions en priorité le texte issu des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement ne s’oppose nullement à cette demande, madame la présidente. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ouf ! On a eu peur !
Mme la présidente. La réserve est de droit.
Article 1er bis A
(Non modifié)
Après l’article 34 du code civil, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1. – Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. Je dois dire que cet article me surprend. Je n’en comprends pas bien le sens.
La seconde phrase de la rédaction proposée pour le nouvel article 34-1 du code civil m’amène à m’interroger : quel sera le contenu du contrôle et de la surveillance exercés par le procureur de la République sur les officiers de l’état civil ? Faut-il voir dans cet article la traduction concrète des engagements pris par le Président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France ? Il avait alors envisagé l’instauration d’une clause de conscience, afin d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer le mariage d’un couple de personnes de même sexe.
J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’était rétracté dès le lendemain matin, après avoir reçu au palais de l’Élysée, toutes affaires cessantes, des représentants de groupes de pression réclamant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Que fera le procureur de la République lorsqu’un maire refusera de célébrer un tel mariage ? Le texte en dit trop ou trop peu : nous ignorons quelles conséquences seront tirées de ces dispositions, comment s’exerceront le contrôle et la surveillance envisagés.
À défaut d’explications complémentaires de la part du Gouvernement, il serait très imprudent de notre part, me semble-t-il, d’adopter un dispositif aussi flou.
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis A, qui renvoie aux lacunes du texte et aux questions non résolues exposées à la page 26 de l’étude d’impact.
Il nous est hypocritement indiqué, dans cette étude, que « la réforme envisagée n’aura pas de conséquences sur les actes d’état civil » : nous sommes aussitôt renvoyés à l’instruction générale relative à l’état civil, dont le travail de refonte est actuellement en cours…
Par ailleurs, il nous est dit qu’un nouveau modèle de livret de famille sera adopté par arrêté afin d’adapter ce document à la situation des couples de personnes de même sexe.
Pourquoi tout cela ? Il y aura donc un mariage unique, mais, parce que les réalités s’imposent, deux livrets de famille distincts ? N’est-ce pas discriminant ?
L’Assemblée nationale a adopté un article sans connaître les conséquences réglementaires de la mise en œuvre de son dispositif : quelles seront-elles ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
En effet, l’article 1er bis A a le mérite d’établir clairement la règle selon laquelle les officiers de l’état civil exercent leur fonction sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. Nous accepterons d’ailleurs tout à l’heure un amendement de M. Gélard visant à alléger la formulation de cette disposition.
Inscrire dans le code civil la mention expresse de ce contrôle par le procureur de la République est bienvenu. Le procureur de la République exerce déjà la tutelle sur les registres de l’état civil, dont il est chaque année destinataire du double.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Comme vous le savez parfaitement, monsieur Gélard, l’état civil est déjà placé sous la responsabilité du service public judiciaire. Au quotidien, les officiers de l’état civil sont amenés à solliciter le parquet lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté dans la rédaction d’un acte.
En outre, la loi de 2005 sur la filiation a établi l’unicité du livret de famille. À cet égard, la chancellerie travaille à une adaptation du livret de famille.
Il n’y a donc aucune raison de supprimer cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié bis.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 149 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
L'amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
et la surveillance
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter les deux amendements.
M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de repli par rapport au précédent.
L’amendement n° 84 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 1er bis A, la phrase suivante : « Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
L’amendement n° 17 rectifié bis vise à supprimer, dans cette même phrase, les mots : « et la surveillance ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est bien sûr défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis, mais favorable à l’amendement n° 17 rectifié bis, car la formule « le contrôle et la surveillance » paraît redondante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 17 rectifié bis, même si les mots « contrôle » et « surveillance » n’ont pas exactement la même signification.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 84 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. Notre intervention a pour objet de rappeler aux 36 000 maires de France et à leurs adjoints à qui ils devront l’obligation de procéder demain aux mariages de couples de personnes de même sexe.
Le Président de la République avait suscité un doute quand il s’était exprimé devant le congrès de l’Association des maires de France, où beaucoup d’entre nous étaient présents. Nous avions alors eu le sentiment que, cédant à une sorte de remord tardif, il admettait que l’on puisse ne pas souhaiter célébrer un mariage faisant fi de l’altérité.
Le Président de la République est très vite revenu sur cette concession et a décidé d’imposer absolument aux maires et à leurs adjoints, qui ont été élus bien avant que ce projet de loi n’ait été déposé, de célébrer les mariages de couples de personnes de même sexe, sous le contrôle du ministère public – mais, grâce à la sagesse du Sénat, peut-être pas sous sa surveillance.
Seront-ils suffisamment convaincus de la légitimité d’un tel mariage, de sa validité, pour faire partager cette conviction à l’assistance ? Je ne le sais pas. Quoi qu’il en soit, même s’ils doutent, ils seront obligés de le célébrer.
Par ces deux amendements, nous avons tenu à rappeler la volte-face de M. le Président de la République. En recourant à des scrutins publics, nous entendons dissiper toute ambiguïté et souligner la responsabilité de ceux d’entre nous qui estiment qu’il convient de faire fi de toute réserve de conscience pour les maires. Les journalistes peuvent faire jouer une clause de conscience, les officiers de l’état civil de nos 36 000 communes n’auront pas cette possibilité : il importe qu’ils sachent à qui ils le devront ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est bien étrange que M. Longuet prétende tirer argument du fait que les maires actuellement en fonctions ont été élus avant l’adoption du présent texte. En effet, en toute circonstance, les maires doivent appliquer la loi de la République.
Mme Cécile Cukierman. Vous n’avez pas été élu pour déclarer les personnels grévistes à l’avance, monsieur Longuet !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mme Cécile Cukierman. Vous voyez qu’on vous écoute !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis A, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 151 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 161 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je voudrais souligner la forte mobilisation de l’ensemble des sénateurs et sénatrices de la gauche ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Une fois n’est pas coutume !
M. François Rebsamen. J’ai entendu tout à l’heure quelques remarques acerbes sur notre recours à des scrutins publics successifs. Puis-je vous renvoyer la balle et vous demander à mon tour de ne pas abuser de cette procédure, chers collègues de l’opposition ?
La nuit sera longue. Nous pourrions avancer ensemble beaucoup plus vite, notamment quand se dégagent des points de convergence ; nous l’avons vu à propos de l’amendement n° 17 rectifié bis.
C’est avec une certaine fierté que je salue la présence ce soir dans notre hémicycle de nombreux collègues qui étaient retenus cet après-midi par des travaux de commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Article 1er bis B
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le début de l’article 74 est ainsi rédigé :
« Art. 74. – Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où l’un d’eux, ou l’un de leurs parents, aura ... » ;
2° À l’article 165, le mot : « où » est remplacé par les mots : « dans laquelle », et après le mot : « époux », sont insérés les mots : « ou l’un des parents des époux ».
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. En toute autre circonstance, les dispositions de cet article, qui ont été introduites par l’Assemblée nationale avant d’être modifiées par notre commission des lois, m’auraient paru apporter des souplesses supplémentaires, répondant aux attentes d’un certain nombre de futurs époux et de familles : il s’agit de permettre que le mariage puisse être célébré soit dans la commune de résidence de l’un ou l’autre des futurs époux, soit dans celle de leurs parents.
Néanmoins, le fait qu’une telle mesure soit insérée dans un texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe me préoccupe. Je conçois que mes propos puissent surprendre certains d’entre vous ; je vais m’en expliquer.
La notion de parent est aujourd’hui déjà très large, et ce texte l’élargira encore. Je suppose qu’il s’agit ici de la parenté au sens restreint du terme, et non pas de la parentèle, sinon il suffirait de disposer que le mariage peut être célébré dans n’importe quelle commune de France…
Avec deux futurs époux et quatre parents, cela fait déjà, potentiellement, six domiciles distincts. De plus, à la lecture du texte, il apparaît qu’il suffira de justifier d’un mois de résidence continue dans une commune pour que le mariage puisse y être célébré. Imaginons par exemple que l’un des parents se rende en villégiature plus d’un mois par an à Courchevel ou à Carnac, par exemple. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Comme par hasard !
M. Philippe Bas. Je pourrais évidemment citer d’autres communes, ce n’est qu’un exemple !
En réalité, nous ouvrons la voie à la possibilité de célébrer un mariage dans pratiquement n’importe quelle commune française.
Je vois bien que l’intention est simplement d’introduire un peu de souplesse dans un système qui en manque, mais, si l’on prend en compte les résidences secondaires, cela fait tout de même beaucoup de communes pouvant potentiellement accueillir la célébration du mariage.
Or le chapitre III, relatif aux actes de mariage, du code civil, qui est notre bible à tous, impose la publication des bans dans la commune où le mariage doit être célébré. Pourquoi cette pratique, qui existe depuis des temps immémoriaux ?
M. Jean-Marc Todeschini. N’exagérons rien !
M. Philippe Bas. Parce qu’il y a des interdits, parce qu’il peut y avoir des oppositions au mariage. Or si le mariage peut être célébré dans une commune de France où les futurs époux et leurs familles ne sont pas connus, qui pourra s’opposer au mariage en cas, par exemple, de soupçon de consanguinité ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et le développement de l’assistance médicale à la procréation rendent la situation encore plus complexe.
En réalité, sous des dehors anodins, le dispositif de l’article que nous examinons entraînera des conséquences absolument incontrôlables. En particulier, des mariages qui devraient normalement être interdits pourront ne faire l’objet d’aucune opposition parce qu’ils seront célébrés en catimini ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Belle démonstration !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. J’ai eu la tentation de renoncer à prendre la parole après la très belle démonstration de mon collègue Philippe Bas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Vous n’êtes pas obligé de vous moquer de lui !
M. Gérard Longuet. J’ai parfois eu du mal à la suivre, mais il faut reconnaître que le texte est complexe !
Cédant à l’appel de M. Rebsamen, je vais épargner à la Haute Assemblée deux rappels au règlement que je projetais de formuler et m’en tenir à cette intervention sur l’article.
Je dirai avec gravité à M. le président de la commission des lois qu’il faut comprendre que célébrer un mariage ne reposant pas sur l’altérité peut poser un véritable problème de conscience à certains maires.
Je vous renvoie, monsieur Sueur, aux débats sur la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. À l’époque, un nombre important de maires ont fait le choix de démissionner de leur mandat pour ne pas avoir à appliquer la loi telle qu’elle avait été votée.
M. David Assouline. Ce n’est pas la même chose !
M. Gérard Longuet. C’était d’ailleurs tout à leur honneur.
Devra-t-on demain demander à un maire de renoncer à son mandat lorsqu’il ne voudra pas, pour des raisons tenant à ses convictions ou à des principes moraux, célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe ? Le Président de la République avait lui-même reconnu qu’il fallait envisager d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer de tels mariages, avant de faire volte-face. Vous avez décidé de contraindre les maires ; certains d’entre eux sauront s’en souvenir !
Monsieur Rebsamen, il est vrai que le scrutin public sert souvent au président du groupe majoritaire à assurer sa majorité quand une partie de ses troupes est mobilisée sur des théâtres d’opérations extérieurs à l’hémicycle. Je reconnais avoir moi-même parfois recouru à ce moyen, dans mon passé lointain de président de groupe, mais je me suis efforcé de ne pas en abuser.
Ce soir, ce n’est pas du tout dans cet esprit que nous faisons usage de cette procédure. Nous voulons qu’il reste une trace écrite de nos votes respectifs, afin que nos mandants, c’est-à-dire les élus locaux, sachent exactement à qui ils doivent les nouvelles règles du jeu. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.) En tout état de cause, nous ne pouvons pas esquiver nos responsabilités grâce à de simples votes à main levée, intervenus de surcroît en pleine nuit.
Tel est le sens de ces demandes de scrutin public. Elles ont pour objet non pas de retarder les débats – même si, sur un sujet aussi important, on n’est pas à quelques jours près –, mais de marquer, pour l’histoire de la République, quelle fut la volonté des sénateurs au regard des exigences nouvelles qu’il nous est proposé d’imposer aux maires et à leurs adjoints.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que la publication des bans a pour objet de signifier, dans une commune, qu’un couple a l’intention de se marier et de permettre à tous ceux qui pourraient s’y opposer pour des raisons solides de le faire. Avec pudeur, Philippe Bas s’est borné à évoquer les cas de consanguinité. J’ajouterai qu’à une époque où la contraception était moins maîtrisée qu’elle ne l’est aujourd'hui, cela permettait le cas échéant de rappeler à une personne souhaitant se marier les devoirs qu’elle avait déjà envers celle ou celui avec qui elle avait tissé des liens suffisamment forts pour qu’il en ait résulté la venue au monde d’enfants… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Ce risque, inhérent à l’altérité, disparaît dans le cas d’un mariage homosexuel. Cela explique sans doute que nos collègues socialistes souhaitent introduire de la souplesse en matière de choix du lieu de célébration du mariage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
des époux
par les mots :
du futur mari et de la future femme
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je suis un peu gêné par cet amendement (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.),…
M. François Rebsamen. Alors retirez-le !
M. Patrice Gélard. … ainsi que par le texte qui nous est proposé.
Offrir la possibilité de prononcer un mariage ailleurs qu’à la mairie du domicile de l’un des deux futurs époux me paraît tout à fait nécessaire. J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi à cette fin, puis un amendement. Notre collègue centriste M. Maurey avait fait de même.
Si mes souvenirs sont exacts, ces amendements, qui avaient été adoptés lors de l’examen du projet de loi de finances, ont malheureusement été censurés par le Conseil constitutionnel, qui les a considérés comme des cavaliers.
Introduire une telle souplesse serait néanmoins utile, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le code civil a été rédigé à une époque où la future épousée vivait systématiquement chez ses parents. Par conséquent, il était logique de prévoir que son mariage pouvait être célébré dans la commune de résidence de ses parents ou, le cas échéant, dans celle de son futur époux.
Les choses ont bien changé depuis : en général, les futurs époux travaillent l’un et l’autre, ils vivent souvent déjà ensemble, parfois loin de leurs familles. Cependant, chacun sait que le mariage est resté chez nous une tradition populaire, une occasion de réunir la famille et les amis dans un lieu que l’on apprécie.
C'est la raison pour laquelle je suis d’accord, au fond, avec la proposition qui nous est faite au travers de l’article 1er bis B. Toutefois, nous avons déposé les amendements nos 85 rectifié bis et 86 rectifié bis afin de rappeler que nous considérons l’altérité comme un élément fondamental du mariage.