Mme la présidente. L'amendement n° 252, présenté par MM. Desessard et Placé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cours de prêt, l’emprunteur peut tous les ans, et sans avoir à verser d’indemnité ou de frais au prêteur, résilier son contrat d’assurance ou dénoncer son adhésion à un contrat d’assurance de groupe.
« Si le contrat de prêt comporte une exigence d’assurance de la part du prêteur, conformément au 4° de l’article L. 312–8, l’emprunteur doit avoir souscrit ou adhéré à une nouvelle assurance d’un niveau de garanties équivalent à l’assurance en vigueur.
« Toute clause de l’offre de prêt stipulant la déchéance du prêt en cas de cessation des effets de l’ancienne assurance alors que la nouvelle assurance répond aux conditions d’équivalence de niveau de garanties est stipulée non écrite.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de la résiliation par l’emprunteur du contrat d’assurance. » ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cela a été dit, le code des assurances prévoit que l’assuré a le droit de résilier un contrat d’assurance à l’expiration d’un délai d’un an. Cette faculté est peu utilisée. Cet amendement vise donc à mieux informer l’usager de cette possibilité.
Au demeurant, j’estime que mes collègues ont très bien défendu l’objet de cet amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 132 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain, Teulade et Chastan, Mme Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« En cours de prêt, l'emprunteur peut tous les ans, et sans avoir à verser d'indemnité ou de frais au prêteur, résilier son contrat d'assurance s'il a souscrit une nouvelle assurance d'un niveau de garanties équivalent à l'assurance en vigueur.
« Toute clause de l’offre de prêt stipulant la déchéance du prêt en cas de cessation des effets de l'ancienne assurance alors que la nouvelle assurance répond aux conditions d'équivalence de niveau de garanties est stipulée non écrite.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions de la résiliation par l'emprunteur du contrat d'assurance.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon amendement a un objet quelque peu différent.
Je pose en effet une question plus structurelle, relative à la capacité permanente de changer d’assurance pendant toute la durée du prêt.
Il s’agit d’un sujet compliqué. Les amendements défendus par mes collègues, qui visent à introduire une résiliation annuelle, ne me paraissent pas très clairs. S’agit-il de préciser que l’on a le droit de se rétracter pendant un an, mais qu’ensuite il est trop tard ?
Il s’agit également d’un sujet important ; nous avons suffisamment évoqué son ampleur financière et ses conséquences. Régler séparément différents points peut donner l’impression d’une certaine cohérence, mais ce faisant on s’interdit, à terme, d’atteindre les objectifs fixés. Je pense à cet égard aux nombreuses lois qui se sont succédé en la matière.
Je me permets de vous le dire, monsieur le ministre, il faut que ce point soit précisé, et j’espère qu’il sera traité dans le futur projet de loi sur la consommation. Toutefois, si le Gouvernement n’en prenait pas l’initiative, je ne doute pas que le Sénat saurait alors se faire entendre.
Pour l’heure, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 132 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Richard Yung, rapporteur. Les amendements identiques nos 30 rectifié de M. Dallier, 67 de M. Bocquet et 159 rectifié de Mme Dini visent à permettre à l’emprunteur de résilier son assurance en cours de prêt sans que la banque puisse s’y opposer, dès lors qu’un nouveau contrat, présentant des garanties équivalentes, a été souscrit.
La commission a considéré que ces amendements modifiaient de façon quasi rétroactive le cadre juridique de millions de contrats d’assurance…
M. Richard Yung, rapporteur. … et que leur adoption aurait des conséquences extrêmement lourdes.
Les assurances-emprunteurs proposées par les banques ont la particularité d’être des contrats de groupe qui couvrent une population large, variée, dont l’assureur peut penser qu’elle restera ainsi composée.
Si vous créez un droit automatique de résiliation, cette population va changer. Les emprunteurs qui présentent le profil de risque le plus faible vont migrer et chercher des assurances à meilleur coût. Le risque n’est pas le même selon que vous êtes un jeune de dix-huit ans en pleine santé ou un ancien sénateur de soixante-dix ans…
Cela pourrait avoir comme conséquence de ne laisser dans le contrat de groupe que les emprunteurs les plus risqués. Le contrat serait alors financièrement déséquilibré.
Si nous permettons une aggravation des risques couverts, il faudra également autoriser une augmentation du tarif pour couvrir ce différentiel de risques, au détriment bien sûr des assurés restés dans le contrat parce que présentant un profil de risque trop élevé.
C’est donc le contraire de l’idée même de la mutualisation des situations et des risques.
L’article 18 résout le problème pour l’avenir, par le jeu de la concurrence, au moment de l’offre de prêt mais, s’agissant du stock des contrats en cours, comme je l’ai dit, la question est beaucoup plus complexe et prête bien plus à conséquence qu’il n’y paraît. Mme Lienemann propose d’y revenir dans le cadre du futur projet de loi sur la consommation ; c’est une bonne idée.
Sous le bénéfice de ces observations, je demande le retrait des amendements nos 30 rectifié, 67 et 159 rectifié.
Monsieur Desessard, malheureusement, je ne peux pas proposer cette fois le ralliement à votre excellent amendement n° 252,…
M. Jean Desessard. Je m’y étais pourtant habitué ! (Sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. … car les circonstances sont différentes. Pour les raisons que je viens d’invoquer, je souhaite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, la question est moins simple qu’il n’y paraît.
Ainsi que je l’ai dit dans la discussion générale, j’ai tenu personnellement, et cela n’allait pas de soi, à introduire dans ce projet de loi une série de mesures en faveur des clients des banques, notamment ceux qui sont issus des catégories populaires.
J’aurais pu me contenter de faire un projet de loi de séparation des activités bancaires – après tout, c’était la feuille de route qui m’était donnée –, de traiter des structures, des comportements et de laisser ces sujets de côté. J’ai de même personnellement tenu à faire figurer, dans ce projet de loi, la question de l’assurance-emprunteur.
Il me semble en effet que certaines rigidités, certains excès, en contribuant à l’absence de toute concurrence, finissent par pénaliser certains ménages. En introduisant la concurrence, et c’est le sens de l’article 18, on crée des effets vertueux permettant des gains de pouvoir d’achat qui sont tout à fait significatifs pour des personnes aux revenus modestes ou moyens, ces catégories populaires, ces couches moyennes qui, en France, subissent déjà trop d’atteinte à leur pouvoir d’achat. J’insiste sur ce point car il est très important à mes yeux.
Ces amendements soulèvent une autre question, celle de la systématisation de la substitution d’assurance au cours de la vie du prêt. C’est une vraie question à laquelle, comme vient de le dire Richard Yung, il n’est pas facile de répondre. Je voudrais, moi aussi, vous inviter à la prudence et vous proposer in fine une ouverture.
Permettez-moi de rappeler les termes du débat.
Aujourd’hui, il est déjà possible de changer son assurance en cours de vie d’un prêt, mais cela peut nécessiter l’accord préalable du banquier. Plusieurs des amendements proposés à l’article 18 prévoient de rendre systématique cette possibilité, ce qui, à première vue, est séduisant. Au niveau individuel, la faculté plus grande de faire jouer la concurrence peut être une bonne chose ; mais, au niveau global, certains effets pervers peuvent apparaître.
En effet, tous les emprunteurs ne sont pas en mesure de faire jouer la concurrence, les plus âgés, les personnes les plus fragiles – notamment celles qui ont développé des pathologies – n’ont pas vraiment la possibilité de changer d’assureur.
Il y a donc un arbitrage à faire entre introduire plus de concurrence, ce qui implique plus de segmentation, avec des gagnants et des perdants, et garder le système qui assure une certaine mutualisation entre les catégories d’emprunteurs au bénéfice des plus fragiles. Je n’ai pas tout à fait la réponse.
J’ajoute que cette réforme – c’est un autre risque – pourrait conduire à une évolution structurelle du marché de l’assurance-emprunteur, alors que les contrats offrent aujourd’hui une stabilité des garanties et des tarifs pendant toute la durée du prêt, et il n’est pas certain que lesdits avantages pourraient tenir si les assurés étaient plus mobiles.
Voilà pourquoi je préconise aujourd’hui, plutôt que de légiférer à chaud, de prendre le temps de la réflexion. C’est le sens de l’ouverture que je vous propose.
Cela étant, et afin de répondre à cette grave question, qui avait déjà suscité des débats à l’Assemblée nationale, j’ai confié au président du Comité consultatif du secteur financier – un spécialiste de l’assurance-emprunteur, puisqu’il a été l’un des négociateurs de la convention AERAS, « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » - la mission de mener les consultations les plus larges possibles et de me remettre ses conclusions dans le courant du mois de mai. Ces travaux éclaireront nos débats futurs en nous permettant de mieux saisir tous les enjeux, y compris en ce qui concerne les marges dégagées sur ces produits.
Je préconise donc d’attendre les résultats de ces travaux et, éventuellement, de saisir un autre véhicule législatif – Mme Lienemann a évoqué le plus proche –, pour se lancer dans une réforme aussi radicale.
J’invite les parlementaires qui ont déposé ces amendements – encore une fois, ils soulèvent une vraie question – à suivre l’exemple de Mme Marie-Noëlle Lienemann et à les retirer. Il me paraît souhaitable d’attendre les conclusions de cette mission avant de réexaminer cette question sur laquelle je voudrais y voir plus clair, de façon plus globale, avant que nous nous engagions collectivement plus avant dans une réforme dont j’ai dit les risques d’effets pervers.
Voilà mon invitation – suffisamment argumentée, je l’espère – au retrait de ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons l’exemple d’une discussion parlementaire intéressante sur une bonne idée, telle qu’elle est portée au travers de ces amendements, battue en brèche face à la réalité de la situation qu’ont décrite le rapporteur et le ministre. On se rend ainsi bien compte qu’une bonne idée peut parfois susciter des difficultés sérieuses et avoir des effets pervers, exactement à l’opposé de l’objectif visé.
En revanche, personne ne peut douter de la volonté politique qui s’est exprimée ce matin sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, de Philippe Dallier à Marie-Noëlle Lienemann en passant par Muguette Dini, de voir rétabli un meilleur équilibre entre les emprunteurs et les établissements bancaires, en les obligeant à renoncer à faire passer leurs propres produits au lieu et place de produits plus concurrentiels.
L’expression de cette volonté politique peut faire comprendre aux établissements financiers que, dans un délai assez court, le quasi-monopole qu’ils détiennent sur les contrats d’assurance de prêt va trouver un terme.
Le souhait du ministre et du rapporteur de voir retirés ces amendements dans l’attente des résultats de la mission en cours me semble opportun. La question pourra être réexaminée dans le cadre du projet de loi sur la consommation et nous serons alors mieux éclairés sur ce sujet, qui est important. Dans l’intervalle, les établissements bancaires auront bien perçu notre volonté de voir leur quasi-monopole réduit en faveur d’une concurrence qui sera profitable à l’ensemble des emprunteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Je remercie M. le ministre d’avoir pris en compte – presque par anticipation, même si, à l’Assemblée nationale, des débats ont déjà eu lieu sur ce sujet – la préoccupation de l’ensemble des parlementaires, que ce soit dans cet hémicycle ou au Palais-Bourbon, en diligentant une mission de réflexion sur l’assurance-emprunteur.
Cette mission devra aussi prendre probablement en compte les aspects juridiques de l’ensemble de ces questions. Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu’un contrat d’assurance sur un crédit, particulièrement un crédit immobilier, puisqu’il s’agit principalement de cela, n’est pas de même nature qu’un contrat d’assurance pour l’habitation ou pour le véhicule automobile.
Ces contrats diffèrent pour deux raisons, comme j’ai pu le constater en examinant un certain nombre de décisions de justice qui portaient sur ces questions d’assurance-emprunteur.
La première de ces raisons tient à la durée du contrat. Un contrat d’assurance sur un prêt immobilier est à durée déterminée, contrairement à une assurance habitation, qui est à durée indéterminée.
La seconde raison, c’est l’existence, dans le contrat d’assurance sur un prêt immobilier, d’un élément sous-jacent, le prêt immobilier, qui est de nature contractuelle. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Ces questions juridiques, auxquelles il faut réfléchir, ont donné lieu, assez récemment encore, à des décisions de justice qui ont montré la complexité de ce dossier. Dans tous les cas, la justice a considéré que ces contrats d’assurance sur les prêts immobiliers étaient de nature très différente des autres contrats, ce dont il nous faudra tenir compte.
Nous espérons que cela figurera dans le rapport, de manière que nous soyons juridiquement éclairés lorsque, le moment venu, nous aurons à prendre une décision, le plus rapidement possible, je l’espère.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je ne suis pas très convaincu par tout ce que j’ai entendu.
Le problème de la rétroactivité a été évoqué. On pourrait très bien considérer que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux contrats qui seront souscrits et non pas seulement à ceux qui sont en cours.
M. Richard Yung, rapporteur. Non !
M. Philippe Dallier. Par ailleurs, sur le risque de mettre globalement en péril l’équilibre de ces contrats, je souligne que, sur 6 milliards d’euros, les banques dégagent 3 milliards d’euros de profits, chiffres rappelés tout à l’heure. Il y a donc de la marge !
Aussi, je souhaite que l’on donne la possibilité à l’emprunteur, chaque année, de revenir sur son contrat d’assurance.
Je ne suis pas un sénateur de soixante-dix ans, mais je me souviens que, lorsque j’ai souscrit mon premier prêt pour un achat immobilier, à l’époque, la banque avait imposé son contrat d’assurance. J’avais été choqué de constater que, sur un prêt de quinze ans, la prime d’assurance restait la même, alors que le capital restant dû décroissait.
On voit donc bien où cette question prend sa source. On essaie de faire avancer les choses, de faire jouer la concurrence afin que les emprunteurs ne soient pas lésés.
Vous nous dites, monsieur le ministre que cette question est à l’étude. Fort bien ! Mais, si je prends, dans le domaine du logement, l’exemple de la garantie des risques locatifs, la GRL, (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’esclaffe.) – sujet que j’ai beaucoup suivi au Sénat –, cela fait cinq ans – même Marie-Noëlle Lienemann en rit – que l’on nous dit que les assureurs s’efforcent de trouver un produit d’assurance qui soit le plus efficace possible, et nous ne voyons jamais rien venir !
Par conséquent, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement, mais je forme véritablement le vœu que l’on nous propose des solutions dans des délais raisonnables.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
Monsieur Bocquet, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Je souhaite maintenir mon amendement, et je m’en explique.
Les données du problème sont connues. Le fait qu'il y ait des amendements émanant de différentes sensibilités politiques montre bien qu’il s’agit d’un véritable sujet. Nous débattons en ce moment de la séparation des activités bancaires ; peut-être faudrait-il un jour que nous nous penchions également sur l'activité des compagnies d'assurance dans notre pays. Elles font partie des plus gros investisseurs institutionnels, notamment dans le domaine boursier.
Je ne mets pas en doute a priori les conclusions à venir de la mission que M. le ministre vient d’évoquer. Cependant, l'amendement que nous proposons vise à offrir à l'emprunteur une nouvelle possibilité, un nouveau droit, ce qui ne me semble pas être de nature à mettre quiconque en péril.
Mme la présidente. Madame Dini, l'amendement n° 159 rectifié est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Je fais confiance à M. le ministre, qui nous propose d'approfondir la question et de revenir sur ce sujet dans quelques mois, certainement à l’occasion de l'examen du futur projet de loi sur le crédit à la consommation.
Tout le monde le sait ici, notre souci est de protéger le consommateur qui achète un logement en l’aidant à dépenser le moins possible. Il y a, d'un côté, les banques et les compagnies d'assurance – je veux bien l’entendre – et, de l’autre, les consommateurs. Il faut trouver un bon équilibre entre les uns et les autres. Pour ce qui me concerne, je suis d'abord très attachée à l’intérêt des consommateurs.
Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 159 rectifié est retiré.
Monsieur Desessard, l'amendement n° 252 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. À la suite de l'intervention de M. le ministre, que je pourrais qualifier…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. D’excellente ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. … d’excellente (Nouveaux sourires.), je vais retirer mon amendement.
J'ai été très sensible à l'argument selon lequel, si l’on introduit davantage de concurrence trop rapidement, ce sont les plus prompts à utiliser le système qui en profiteront, au détriment, par exemple, des seniors et des personnes souffrant de maladies.
Il est judicieux de diligenter une étude approfondie sur ce point afin d’apporter une réponse globale et équilibrée
Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 252 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre IV du titre Ier du Livre III du code monétaire et financier est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section ... : Intrusions malveillantes dans les serveurs contenant des données à caractère personnel bancaires ou de carte bancaire
« Art. L. ... – I. - Pour l’application du présent article, on entend par violation de données à caractère personnel bancaires ou de carte bancaire toute violation de la sécurité entraînant accidentellement ou de manière illicite la destruction, la perte, l’altération, la divulgation ou l’accès non autorisé à ces données.
« II. – En cas de violation de données à caractère personnel bancaires ou de carte bancaire, le professionnel avertit, au plus tard sous 24 heures, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Lorsque cette violation peut porter atteinte aux données à caractère personnel bancaires ou de carte bancaire d’une personne physique, le professionnel avertit également l’intéressé, au plus tard sous 24 heures.
« III. – Chaque professionnel tient à jour un inventaire des violations de données à caractère personnel bancaires ou de carte bancaire, notamment de leurs modalités, de leur effet et des mesures prises pour y remédier et le conserve à la disposition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement tend à instaurer une obligation pour tous les professionnels d’informer leurs clients de toute attaque réussie de pirates informatiques visant leurs données bancaires ou de carte bancaire.
En effet, de telles attaques sont de plus en plus fréquentes. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a publié en janvier 2013 un rapport accablant sur la hausse des fraudes à la carte bancaire sur internet. À la fin de 2012, un autre organisme, l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, indiquait que le commerce à distance représentait 61 % de la fraude pour seulement 8,4 % des transactions. Or, dans 70 % des cas, ce sont les consommateurs qui ont détecté la fraude, les banques n’ayant prévenu les clients que dans 22 % des cas.
Il est crucial de prendre des mesures contre un phénomène qui met en danger les consommateurs, mais qui fragilise aussi leur confiance dans le commerce en ligne.
Une part des détournements de données de cartes bancaires à des fins de fraude est due aux attaques de serveurs informatiques stockant les données bancaires ou de carte bancaire. Les gestionnaires des serveurs attaqués n’ont cependant aujourd’hui aucune obligation d’informer les clients touchés, ce qui empêche ces derniers de prendre les mesures de précaution nécessaires – je pense notamment à la surveillance de leurs comptes ou à l’opposition et au remplacement de la carte.
Il convient donc d’instaurer une telle obligation afin que les clients, alertés, puissent prendre leurs dispositions. Pour être plus efficaces, ces alertes doivent être personnalisées, d’autant qu’avec les moyens de communication dont nous disposons, on peut aujourd'hui aisément envisager l’envoi de SMS ou de mails. Il ne faudrait pas se satisfaire d’une simple information sur le site du professionnel, qui n’est consulté que de manière très aléatoire par les consommateurs.
Cette mesure s’inscrit dans la droite ligne des propositions de la Commission européenne en matière de protection des données.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. L'amendement vise à obliger les banques à informer leur clientèle de toute attaque réussie de pirates informatiques. M. Bocquet soulève, me semble-t-il, un problème réel. Nous nous demandons tous ce qui peut se passer quand le serveur central de cartes d'une banque ou d'un groupe de banques a été attaqué, si l’on est titulaire d’une carte de ce réseau.
Je comprends bien le problème. Cette question mérite une analyse détaillée. L'information des clients en cas de piratage peut être particulièrement importante et utile, mais le dispositif proposé me semble tout de même difficilement applicable. À tout le mois, il faudrait apporter un certain nombre de précisions techniques, en particulier la tenue d'inventaires des violations de données confidentielles.
La commission a toutefois été intéressée par cette proposition. Nous aimerions recueillir l'avis du Gouvernement sur la faisabilité technique d’un tel dispositif.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Cet amendement vise à améliorer l'information de la CNIL et des consommateurs en cas d'intrusion ou de piratage informatiques portant atteinte à des données personnelles bancaires.
Il rejoint certainement l'objectif du Gouvernement de renforcer la protection de ces données et de lutter contre la fraude dans le domaine des moyens de paiement.
Toutefois, et je réponds là aux interrogations du rapporteur, la loi impose déjà des obligations visant à protéger les consommateurs.
Je pense, d’abord, au code monétaire et financier, qui institue l'obligation pour les prestataires de services de paiement de mettre rapidement à la disposition de leurs clients les moyens leur permettant d'informer leur banque de la nécessité de bloquer l'usage d'instruments de paiement.
Par ailleurs, aux termes de la directive Vie privée et communications électroniques, de juillet 2002, modifiée en 2009, le fournisseur d'un service de communications électroniques accessible au public informe ses abonnés lorsqu'il existe un risque particulier de violation de la sécurité du réseau.
En outre, je mentionnerai une proposition de règlement européen en matière de protection des données personnelles, actuellement en cours de discussion au Parlement européen, qui vise précisément à étendre ce principe de la notification à tous les secteurs d'activité.
Par ailleurs, l’information systématique de la CNIL de tout incident pourrait être particulièrement lourde à gérer, alors même que les fraudes, notamment à la carte bancaire, sont déjà étroitement suivies par l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement et par la Banque de France.
Bref, je considère que cet amendement est largement satisfait, qu’il anticipe sur des évolutions européennes auxquelles nous sommes favorables et qu’il peut poser des problèmes de gestion.
En conséquence, si je partage l’objectif visé, je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 58 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Si cet amendement anticipe sur des évolutions à venir, c’est donc qu’il est tout à fait dans l’air du temps et qu’il est urgent de l’adopter ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un système d’authentification du client, utilisé lors de toute opération de paiement par téléphone ou par internet entre un particulier et un professionnel, est mis en place au plus tard le 1er janvier 2014. Ce système est commun à tous les professionnels, d’application obligatoire et basé sur un code non réutilisable. Un comité composé à parité de représentants des organismes bancaires, des professionnels de la vente à distance et des consommateurs est chargé de déterminer les modalités techniques de mise en place de ce dispositif.
La parole est à M. Éric Bocquet.