compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le rapport sur la mise en application de cette loi, ainsi que le deuxième rapport sur la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire et sont disponibles au bureau.
3
Système énergétique sobre, tarification de l’eau et éoliennes
Suite de la discussion d’une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes (proposition n° 270, résultat des travaux de la commission n° 337, rapport n° 336 et avis n° 333).
Nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi.
Titre II (SUITE)
MESURES D’ACCOMPAGNEMENT
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’article 12 bis.
Article 12 bis
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 314-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du 2°, les mots : « , les installations situées à terre utilisant l’énergie mécanique du vent dans une zone non interconnectée au réseau métropolitain continental » sont supprimés ;
b) Le 3° est ainsi modifié :
– à la première phrase du premier alinéa, les mots : « dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien terrestre définie selon les modalités fixées à l’article L. 314-9 » sont remplacés par les mots : « à terre » ;
– le second alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 314-9 est abrogé ;
3° L’article L. 314-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au second alinéa, après le mot : « régional », sont insérés les mots : « éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement ».
II (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1, si ce schéma existe. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Jarlier, Détraigne, Bockel et Namy, Mme Morin-Desailly et MM. Roche et Guerriau.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cet amendement tend à rétablir les zones de développement de l’éolien, les ZDE, dont l’article 12 bis de la proposition de loi prévoit la suppression.
Pour ce qui concerne les ZDE, les préfets arrêtent les zones au sein desquelles des éoliennes peuvent être implantées sur proposition des communes. Cette procédure est très intéressante en ce qu’elle permet une véritable concertation au sujet des projets d’implantation.
Par comparaison, les schémas régionaux éoliens sont beaucoup plus larges et moins précis ; surtout, ils ne sont pas opposables. Ils ne permettent donc pas d’organiser l’intégration de champs éoliens dans un projet de territoire ou dans une stratégie plus locale.
Les ZDE présentent l’avantage de donner aux communes un réel droit de décider de l’opportunité d’un projet d’implantation. En effet, l’obligation de rachat ne s’applique pas en l’absence de ZDE, de sorte qu’on n’installe pas d’éoliennes sur ces territoires. Il est donc important que les communes conservent cette possibilité de maîtriser l’implantation d’éoliennes sur leur territoire.
De plus, grâce aux ZDE, les communes peuvent définir les conditions d’implantation des champs éoliens de façon beaucoup plus précise qu’avec les schémas régionaux de l’éolien, ce qui permet une meilleure prise en compte des paysages, du patrimoine et du projet de territoire. En outre, les communes sont ainsi en mesure de pouvoir négocier avec les promoteurs, dont je vous rappelle qu’ils ne sont souvent pas les utilisateurs.
J’ajoute que, si les communes avaient intérêt à accueillir des éoliennes sur leur territoire lorsque la taxe professionnelle était en vigueur, ce n’est plus vraiment le cas depuis que l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, a été créée, d’autant que ces équipements provoquent un certain nombre de nuisances.
Pour illustrer cette baisse de recettes pour les communes, permettez-moi de vous présenter un cas précis : un champ de cinq éoliennes, dont les recettes s’élevaient à 280 000 euros, rapporte aujourd’hui moins de 150 000 euros.
Il est donc nécessaire de discuter avec les promoteurs pour définir les contreparties pouvant être accordées aux communes qui accueillent des éoliennes. Ces équipements étant extrêmement rentables – les périodes d’amortissement sont de l’ordre de cinq à huit ans –, une marge de négociation existe pour permettre aux communes de bénéficier des recettes.
Les partisans de la suppression des ZDE font valoir que les communes maîtrisent les documents d’urbanisme et que les procédures d’autorisation permettront de veiller à la bonne intégration des champs éoliens sur les territoires. Seulement, certains territoires n’ont pas de documents d’urbanisme, notamment les zones de montagne où les installations d’éoliennes seront nombreuses. À cet égard, je vous engage, madame le ministre, à venir constater les effets parfois déjà dévastateurs de certains champs éoliens, par exemple dans le Massif central. En pareil cas, les élus perdront complètement la main sur les implantations d’éoliennes, et les communes seront malheureusement de nouveau soumises à la pression des promoteurs.
À mes yeux, il convient de distinguer deux cas : lorsque des documents d’urbanisme existent, on peut en effet imaginer que les ZDE ne sont pas nécessaires dans la mesure où les communes maîtrisent le droit des sols ; en revanche, lorsqu’il n’y en a pas, notamment dans les territoires de montagne, les ZDE sont un outil efficace pour assurer la bonne intégration des champs éoliens sur les territoires.
En montagne, l’environnement est un atout de développement. On peut préférer le développement touristique aux éoliennes, mais il faut faire des choix : on ne peut implanter des éoliennes et favoriser, dans le même temps, le développement local.
C’est pourquoi les élus doivent rester maîtres de l’avenir de leur territoire. Aussi, je plaide pour la préservation des ZDE.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous souhaiter à toutes et à tous, dans cette assemblée largement paritaire, une bonne Saint-Valentin ! (Sourires.)
Venons-en maintenant aux éoliennes !
Par l’amendement n° 59, nous proposons, nous aussi, de supprimer l’article 12 bis de la proposition de loi.
Nous constatons que les dispositions de cet article ne figuraient pas dans la proposition de loi de François Brottes, qui était destinée, je vous le rappelle, à instaurer une facturation progressive de l’électricité et du gaz. À une heure très avancée de la nuit – une heure à laquelle nous ne siégeons pas ! (Sourires.) –, les députés y ont introduit tout un arsenal remettant en cause les dispositions légales relatives à l’implantation des éoliennes.
Les conditions dans lesquelles ces amendements ont été adoptés ne sont pas acceptables ; du reste, les députés de l’opposition ont quitté l’hémicycle pour protester contre de telles méthodes.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ce n’est pas exact !
M. Jean-Claude Lenoir. Madame le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas traiter de la question sensible des éoliennes dans de telles conditions, surtout alors que le Gouvernement lance un grand débat sur la transition énergétique.
On nous dit qu’il y a urgence, mais cela reste à voir. À la vérité, la question des éoliennes est très sensible non seulement pour notre approvisionnement en énergie électrique et pour l’économie en général, mais aussi pour les industriels et les territoires concernés. Nous voulons tout simplement que ces dispositions, qui figurent un peu par intrusion dans cette proposition de loi, en soient retirées pour être débattues dans le cadre plus large du débat sur la transition énergétique.
Nous ne comprenons pas très bien la démarche du Gouvernement, qui consiste à avancer « par petits bouts », pour reprendre une expression utilisée par Mme Taubira : un jour il traite de l’éolien, le lendemain du photovoltaïque et le surlendemain d’un autre sujet. Où est la vision d’ensemble des objectifs que poursuit le Gouvernement ?
Pour des raisons de principe, nous demandons la suppression de l’article 12 bis. J’aurai l’occasion de m’exprimer ultérieurement sur l’importante question des ZDE – je veux respecter le temps imparti pour défendre un amendement –, mais je tenais à marquer, dans cette première intervention, notre refus que ce dispositif demeurât dans la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les ZDE sont un outil très complexe à manipuler et très fragile sur le plan juridique. Vous le savez tous, cette procédure a donné lieu à de nombreux recours. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques propose au Sénat de retenir plutôt la solution des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
Monsieur Jarlier, cette procédure prévoit la réalisation d’une enquête publique associant dans un rayon de 6 kilomètres – ce n’est pas 500 mètres ! – l’ensemble des communes concernées. Compte tenu de l’importance de cet enjeu et du retard que nous avons pris dans le développement de l’éolien, il était urgent de nous doter d’un nouvel outil juridique, qui nous permette d’engager une concertation plus large.
Vous avez également soulevé, mon cher collègue, le problème des règles d’urbanisme. Je vous rappelle que c’est le préfet, garant de l’application des règles d’urbanisme, qui délivrera les permis de construire.
J’ai lu les amendements de repli qui ont été déposés. On sait très bien ce qui se passait dans les réunions de concertation : on découpait le gâteau que constituait l’ancienne taxe professionnelle ! Quelquefois, ces réunions permettaient aussi d’installer une éolienne à la limite de la commune voisine… On n’en voulait pas directement chez soi et on préférait qu’elle soit installée chez le voisin !
M. Jean-Claude Lenoir. Il s’en passe des choses dans le Maine-et-Loire !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Lenoir, je vous prie de ne pas m’interrompre.
Dans les faits, les collectivités territoriales ont véritablement perdu le contrôle sur la mise en œuvre des projets d’installation d’éoliennes sur leur territoire.
M. Didier Guillaume. C’est la réalité !
M. Daniel Raoul, rapporteur. La procédure de l’ICPE est la meilleure sur le plan de la sûreté et de la protection.
M. Didier Guillaume. C’est le bon sens !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Elle permettra de rattraper le retard que nous avons commencé de prendre en matière de développement de l’éolien, tout en sécurisant l’élaboration des projets.
Par conséquent, la commission est défavorable aux deux amendements identiques nos 25 rectifié et 59.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures dont nous discutons ont été largement débattues au cours de la conférence environnementale. En outre, monsieur Lenoir, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, la procédure parlementaire a été parfaitement respectée pour ce qui concerne le droit d’amendement du Parlement.
M. Jean-Claude Lenoir. À deux heures du matin !
Mme Delphine Batho, ministre. Je préfère que l’on débatte sur le fond et que l’on conteste les mesures dans leur contenu plutôt que de soulever des problèmes de procédure qui ne se posent pas, d’autant que ce n’est pas du fait du Gouvernement si le Sénat n’a pas pu examiner ces dispositions en première lecture.
Quelle est la situation ?
L’éolien terrestre est aujourd’hui l’énergie renouvelable la plus compétitive après l’hydraulique. Du point de vue de la compétitivité, l’éolien terrestre se place après l’hydraulique et le nucléaire historique, mais bien avant le photovoltaïque. Au regard de ses coûts de production, l’éolien terrestre fait partie des énergies renouvelables les plus compétitives.
Par ailleurs, je suis très attachée au respect de la loi, et je vous rappelle que la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement planifie le développement de l’éolien terrestre d’ici à 2020.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Exact !
Mme Delphine Batho, ministre. Or, au vu de la trajectoire fixée par le Grenelle de l’environnement pour toutes les énergies renouvelables, je constate que nous décrochons depuis 2010 (M. Didier Guillaume acquiesce.), du fait non seulement de l’instabilité des tarifs de rachat du photovoltaïque, mais aussi de l’effondrement des projets d’implantation d’éoliennes.
En effet, par rapport à l’objectif d’une puissance installée de 1 450 mégawatts par an, on en était l’année dernière à moins de la moitié ! Après un ralentissement en 2010 et en 2011, on a donc bel et bien assisté en 2012 à un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes.
Cela est dû à un blocage juridique et administratif : il faut, en moyenne, entre cinq et huit ans pour faire aboutir un projet d’implantation d’éoliennes.
M. Didier Guillaume. Exactement !
Mme Delphine Batho, ministre. Par rapport à d’autres procédures, notamment celle de l’installation classée pour la protection de l’environnement, le dispositif des ZDE est de nature à créer un empilement administratif et à entraîner un certain nombre de contentieux.
Or derrière ces contentieux et ce ralentissement de la puissance éolienne installée, il y a des emplois. Et moi, je n’ai pas le temps d’attendre que des emplois soient détruits ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
MM. Marc Daunis et Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme Delphine Batho, ministre. Voilà pourquoi il nous faut prendre ces mesures maintenant et non dans un an, lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la transition énergétique, à l’occasion duquel pourra être adopté tout un ensemble de mesures en faveur des énergies renouvelables.
C’est parce que nous voulons donner un coup d’arrêt aux destructions d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables que, lors de la conférence environnementale, le Gouvernement a décidé de prendre des mesures d’urgence pour le photovoltaïque et l’éolien terrestre.
J’ai même fixé un objectif encore plus ambitieux : créer 100 000 emplois en trois ans dans les éco-activités, dans les éco-industries, dans la filière de l’efficacité énergétique, dans le domaine des énergies renouvelables, dans l’économie circulaire. Ce défi-là, je veux le relever, car, j’en suis convaincue, la politique de transition énergétique est en même temps une politique de sortie de crise.
Si nous proposons cette disposition technique de suppression des zones de développement de l’éolien, c’est d’abord pour maintenir des emplois et un certain nombre d’activités industrielles. Je pense à l’usine Enercon, dans l’Oise, qui fabrique des mâts d’éoliennes en béton, ainsi qu’à l’usine Francéole, en Bourgogne, qui est née de la reprise de deux entreprises en difficulté et qui fabrique des mâts éoliens en acier. Je veux que ces entreprises aient du travail !
Vous posez la question de savoir si les citoyens, les élus locaux, seront privés de leurs droits à s’exprimer et à discuter d’un projet d’implantation d’éoliennes. La réponse est non !
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est tout le contraire !
Mme Delphine Batho, ministre. L’outil de planification qu’est le schéma régional de l’éolien permet de prendre en compte la question des paysages notamment et de déterminer, à l’échelle d’une région, si un territoire est ou non propice à l’implantation d’éoliennes et reconnu démocratiquement comme tel.
La procédure ICPE, parfaitement connue et rodée, regroupe toutes les étapes du dossier : la consultation des élus locaux, la mise en place d’une enquête publique ainsi que d’une étude d’impact environnemental, qui est importante eu égard aux questions régulièrement soulevées à propos de l’implantation d’éoliennes. Certes, la question des radars relève de la responsabilité des services de l’État, mais la procédure prend en compte celle de la proximité des habitations.
Toutes ces questions parfaitement légitimes doivent effectivement pouvoir être discutées, mais la procédure ICPE, qui restera en vigueur, le permettra. Il n’y a donc aucune raison de s’opposer à la disparition du dispositif, inutile, des ZDE. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Il faut retirer votre amendement, mon cher collègue !
M. Pierre Jarlier. Non, je ne vais pas le retirer,...
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. Pierre Jarlier. ... car il ne faut pas confondre les deux démarches : les schémas régionaux de l’éolien et les zones de développement de l’éolien.
D’abord, le schéma régional de l’éolien est quand même très imprécis. Certes, il définit des zones d’implantation, mais il faut procéder de manière beaucoup plus fine pour ce qui concerne les micro-territoires. Or tel est l’objet même de l’élaboration des ZDE.
Ensuite, il ne faut pas confondre consultation et association. La procédure ICPE est une consultation et non une association, contrairement au dispositif des ZDE, où ce sont les élus qui font au préfet des propositions concertées d’implantation d’éoliennes, j’y insiste, afin de les optimiser sur le territoire.
Quant aux contentieux, madame la ministre, on va les déplacer ! En effet, avec les ZDE, l’acceptation par la population est plus grande grâce à la concertation en amont. En revanche, pour ce qui concerne les schémas régionaux de l’éolien, on connaît certes le niveau d’acceptation de la population, mais, comme on est plus loin du territoire, on déplacera les contentieux au niveau de la procédure ICPE ! Je tiens vraiment à insister sur ce point.
Je ne suis pas défavorable à l’éolien, loin de là, mais on ne peut pas l’implanter sans le réguler en fonction de la qualité des territoires et des objectifs de développement de certains d’entre eux, et, bien évidemment, sans le consentement des communes.
Voilà pourquoi je ne retirerai pas l’amendement.
M. Didier Guillaume. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je soutiens, bien sûr, ces deux amendements de suppression de l’article 12 bis.
Je vous remercie, madame la ministre, d’être revenue sur ce problème de fond.
M. Didier Guillaume. Elle a été très claire !
M. Ladislas Poniatowski. Permettez-moi de formuler deux observations.
Premièrement, si, dans l’absolu, le vent est gratuit, comme le soleil, le gaz ou le charbon, qu’il faut bien sûr ramasser, il n’est plus question de gratuité pour la transformation de ces ressources en électricité ! De toutes les énergies françaises, on le sait très bien, une seule, mondiale, coûte plus que le vent : le photovoltaïque.
C’est très bien de dénoncer des principes, mais l’éolien a un coût : il coûte cher et il coûtera d’ailleurs encore un certain temps. D’ailleurs, mes chers collègues, vous qui avez été un certain nombre à faire partie de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques, vous avez tous abondé dans ce sens et reconnu cette réalité.
Deuxièmement, il est vrai que l’objectif du Grenelle de l’environnement était d’implanter, pour 2020, à un rythme correct, 20 000 éoliennes en France. Toutefois, ce ne sera pas suffisant eu égard au nouvel objectif fixé par le Président de la République, à savoir stopper le nucléaire : en réduisant à 50 % la part du nucléaire, il faudrait passer de 20 000 à 60 000 éoliennes. Or là, il est vrai que le rythme n’y est pas et qu’il faut « ouvrir les vannes », si je puis dire !
Pour ce faire, vous voulez supprimer les zones de développement de l’éolien au profit des schémas régionaux de l’éolien, mais il y a une grande différence entre les deux. À cet égard, permettez-moi de faire un petit rapprochement avec le gaz de schiste.
Dans les ZDE, les communes sont vraiment associées au choix d’implantation des parcs éoliens – peut-être s’agira-t-il demain d’éoliennes individuelles ! –, puisque ce sont elles qui ont, au départ, l’initiative de faire des propositions au préfet. En revanche, tel n’est pas le cas pour les schémas régionaux de l’éolien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais si !
M. Ladislas Poniatowski. Relisez bien l’article L. 221-1 du code de l’environnement relatif aux schémas régionaux de l’éolien. Oui, les communes sont informées. Oui, elles peuvent faire connaître leur opposition et leurs critiques le cas échéant. Point barre !
M. Jean-Jacques Mirassou. Allons !
M. Ladislas Poniatowski. Alors que l’on s’apprête à apporter de grandes modifications au code minier afin, concernant le gaz de schiste, de consulter obligatoirement l’opinion publique et également d’associer les communes, vous voulez faire l’inverse en optant pour les schémas régionaux de l’éolien, qui, qu’on le veuille ou non, permettent, certes, d’informer, mais de beaucoup moins associer les communes dans le choix d’implantation des éoliennes.
C’est donc une erreur de jeter au panier les ZDE. Vous n’entrouvrez pas la porte, vous l’ouvrez en grand ! Cela permettra peut-être d’accélérer les implantations, mais il y aura, j’en suis sûr, un retour de bâton. L’opinion publique va se manifester, les associations vont se multiplier et des communes se trouveront lésées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Permettez-moi de revenir sur la discussion qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur ce dispositif.
Franchement, le Gouvernement pouvait, si telle était son intention, faire voter une loi en faveur de l’éolien. Mais il s’agit, je le rappelle, d’amendements qui ont été déposés en séance publique à deux heures du matin...
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas d’heure pour les braves ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. ... et soumis à la discussion sans avoir été préalablement examinés par la commission. De telles conditions ne sont pas acceptables ! Nous n’en avions pas discuté ici en première lecture pour une raison que vous connaissez, à savoir le rejet du texte dès le début de la discussion générale.
Madame le ministre, vous présentez l’éolien comme étant la source magique...
M. Jean-Jacques Mirassou. Une des sources magiques !
M. Jean-Claude Lenoir. ... qui nous permettra d’être alimentés en électricité de façon abondante. Comme le rappelait M. le rapporteur assez tard hier soir, le site internet de RTE nous permet de connaître en temps réel la façon dont l’électricité est produite.
Si je consulte ce site au moment où je vous parle (M. Jean-Claude Lenoir prend son téléphone portable), je constate que, à neuf heures trente, l’électricité provient à 70 % du nucléaire, à 15 % de l’hydraulique,...
M. André Gattolin. Vous avez été exemplaires alors !
M. Jean-Claude Lenoir. ... à 3 % du gaz, à 5 % du charbon et à 3 % de l’éolien. Je ne peux pas vous montrer les courbes, puisque nous n’avons pas d’écran ici, mais je note une pointe du gaz et du charbon sur la courbe actuelle de la demande.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. La production d’électricité d’origine éolienne est d’ailleurs linéaire – 3 % de façon constante –,…
Mme Hélène Lipietz. Et en Allemagne ?
M. Jean-Claude Lenoir. … et elle est tout à fait marginale par rapport à la source d’approvisionnement qu’est le nucléaire.
Si cette source d’énergie est rentable, comme vous le dites, c’est, je le rappelle, grâce au dispositif qui permet de subventionner la production d’électricité d’origine éolienne !
Aujourd’hui, l’électricité produite par les éoliennes est payée 82 euros le mégawatt pendant dix ans et, pendant les cinq ans qui suivent, selon les sites, entre 28 euros et 82 euros, soit à peu près le double du prix de l’électricité provenant de la plupart des sources que j’ai citées tout à l’heure.
Tout cela est répercuté sur la facture d’électricité au travers du mécanisme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Et je ne parle pas du photovoltaïque, qui ne fait pas partie des questions abordées ce matin, les amendements déposés ne portant que sur l’éolien. Quoi qu’il en soit, tout cela pèse très lourd ! Vous l’avez d’ailleurs dit hier soir, madame le ministre.
M. Jean-Claude Lenoir. Si la dette d’EDF a explosé à cause de la CSPE, c’est en raison du développement des énergies renouvelables.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Oh !
M. Jean-Claude Lenoir. Je vous renvoie à ce qui a été dit hier soir, et c’est d’ailleurs tout à fait conforme à la vérité !
Quel est le contexte, madame le ministre ? Vous voulez développer fortement l’éolien. J’aimerais que vous nous traciez des perspectives d’ordre économique, afin que nous sachions comment vous allez financer le développement de l’éolien, surtout si vous doublez ou triplez la capacité de production, et à quel tarif. Selon quel mécanisme allez-vous répercuter le surcoût, considérant le fait que le Gouvernement a annoncé qu’il allait résorber, d’ici à 2017, la dette d’EDF de 5 milliards d’euros au titre de la CSPE ?