M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un double contexte : celui de la volonté gouvernementale d’agir contre le chômage, d’une part, celui du respect de l’accord conclu à l’unanimité par les partenaires sociaux, d’autre part.
Ce cadre démocratique fait la force du présent projet de loi, dans la mesure où les dispositions que celui-ci contient ont été adoptées à l’unanimité des organisations représentant les salariés et les employeurs. Il ne transcrit pas, pour autant, un consensus mou : au contraire, il comporte des dispositions innovantes, que nous accueillons favorablement. Comme il l’a fait en première lecture, le groupe CRC votera ce projet de loi.
Si j’insiste sur ce point, c’est parce que, prochainement, nous aurons à débattre de la transposition d’un accord signé par le MEDEF et quelques organisations syndicales minoritaires seulement. Nous voyons mal, pour notre part, comment il pourrait être possible d’envisager de transposer des mesures qui constituent autant de reculs du droit du travail et sont rejetées par deux des principales organisations syndicales de salariés ; nous aurons l’occasion d’en discuter prochainement.
Ce qui nous conduit aujourd’hui à nous prononcer en faveur de l’adoption de ce projet de loi, même si nous avons encore quelques réserves, c’est que nous savons combien le marché du travail français tend à exclure les jeunes et les seniors. En disant cela, je vise, que les choses soient claires, les employeurs qui rechignent à embaucher des jeunes, sauf à les exploiter au moyen de contrats précaires, et n’hésitent pas en outre à licencier les salariés qu’ils estiment trop âgés, au motif qu’ils coûteraient trop cher.
Pour une fois – cela rompt avec la pratique du gouvernement précédent –, un projet de loi a pour objet de lutter contre la précarité sans prévoir d’assouplir les règles protectrices du travail et de réduire les droits des salariés, en accroissant ainsi la précarité que l’on entend combattre ; on ne peut qu’y souscrire.
Oui, nous nous réjouissons que ce projet de loi aborde de face la question de l’accès à l’emploi des jeunes, du maintien dans l’emploi des seniors, et impose le contrat à durée indéterminée à temps plein comme la norme. Les jeunes bénéficiaires des contrats de partenariat pourront enfin commencer à construire une vie autonome.
Bien entendu, il faudrait selon nous aller plus loin, en encadrant, par exemple, le recrutement des stagiaires, qui forment des bataillons de salariés contraints, sous-rémunérés, parfois même non rémunérés. Mais c’est un premier pas, de même que le fait que les salariés les plus âgés ne soient plus pointés du doigt, stigmatisés.
En liant le devenir des jeunes au maintien dans l’emploi des seniors, vous faites la démonstration, monsieur le ministre, que les salariés de plus de 50 ans peuvent être une chance pour l’entreprise. Vous faites de la transmission des savoirs et des compétences un élément de la réussite professionnelle des jeunes. Là encore, ce projet de loi ne réglera pas tout. Il faudrait en effet encadrer plus largement qu’aujourd’hui les conditions de conclusion des ruptures conventionnelles, pour éviter que celles-ci ne soient utilisées trop souvent comme un instrument de licenciement déguisé. Le bilan que vous avez annoncé devrait nous aider à légiférer en ce sens.
Bien entendu, il faudra aussi prendre au plus vite des mesures pour faire cesser l’hémorragie d’emplois – et singulièrement d’emplois industriels – que connaît notre pays. Le Gouvernement a annoncé un projet de loi relatif à la reprise des sites industriels bénéficiaires : nous l’attendons, même si, à nos yeux, l’essentiel reste d’adopter un texte interdisant les licenciements pour motif économique par les entreprises qui versent des dividendes. Il faudrait aussi songer à renforcer considérablement les capacités d’intervention des salariés au sein de leur entreprise.
Je me réjouis également que, sur l’initiative de Mme la rapporteur, ait été introduite une disposition prévoyant que les plans d’action décidés et mis en œuvre de manière unilatérale par les employeurs intègrent impérativement un volet relatif à la pénibilité au travail. Mettre la question de la qualité des conditions de travail, de la qualité du travail au cœur du projet d’emploi de l’entreprise est une bonne décision. Ce sujet est d’autant plus important que, lors de la réforme des retraites imposée en 2010 par M. Sarkozy, le gouvernement et la majorité d’alors ont toujours refusé de prendre en compte la reconnaissance de la pénibilité au travail, choisissant de retenir exclusivement l’aspect médical.
Anticiper, dans les entreprises, les adaptations nécessaires pour lutter contre la pénibilité relève de l’intérêt collectif. C’est la raison pour laquelle les partenaires sociaux ont décidé, à juste titre, d’en faire un thème obligatoire des plans d’action. Le Sénat y a veillé lui aussi, et c’est une très bonne chose.
Je me réjouis en outre que le texte issu de la commission mixte paritaire ait conservé, s’agissant de la formation des jeunes, la rédaction résultant de l’adoption de l’un de nos amendements. Comme tous les autres salariés, les jeunes ne seront pas tenus de réaliser en dehors du temps de travail des actions de formation professionnelle, habituellement effectuées pendant le temps de travail. Cette rédaction nous rassure.
Nous nous félicitons que la commission mixte paritaire ait maintenu notre amendement prévoyant que le montant de l’aide sera calculé au prorata de la durée hebdomadaire du travail des salariés. Nous divergeons, sur ce point, avec le groupe écologiste,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Dominique Watrin. … mais il n’y a là rien que de très normal : si nous étions d’accord sur tout, nos débats seraient un peu monotones ! (Sourires.) Je ne vois pas en quoi cette disposition serait source de complexité. Pour le groupe CRC, le fait qu’une loi dispose que la norme est le CDI à temps plein représente une avancée. Les salariés comprennent parfaitement de quoi il s’agit ! Encore récemment, j’ai rencontré, dans mon département, des salariés d’une association à but non lucratif d’aide à domicile : sur 895 salariés, seulement 90 sont employés sous contrat à durée indéterminée à temps plein, tous les autres travaillant à temps partiel… Je ne sais pas si l’on pourra s’accommoder longtemps encore d’un tel degré de précarité de l’emploi dans notre pays.
Enfin, les aides prévues par ce projet de loi, il faut le souligner, ne prendront pas la forme d’une exonération de cotisations sociales. Nous l’avons déjà dit à l’occasion de l’examen d’autres textes, et c’est là un point très important : nous considérons qu’il n’appartient pas à la sécurité sociale de financer, de surcroît à crédit, des politiques industrielles et d’emploi qui relèvent de la seule compétence du Gouvernement.
Bien entendu, ce projet de loi aurait pu être encore plus ambitieux et audacieux. Disant cela, je pense en particulier au débat que nous avons eu sur la conditionnalité des aides aux licenciements selon les postes ou les catégories de postes : la commission mixte paritaire a retenu la disposition adoptée par la commission des affaires sociales, que nous jugions pour notre part trop restrictive. Dans le même temps, toutefois, elle a réintroduit la référence aux ruptures conventionnelles, ce qui était souhaitable quand on sait comment celles-ci peuvent être détournées pour masquer des licenciements.
Nous serons naturellement vigilants sur les conditions de mise en œuvre de ces contrats de génération, et le rapport annuel sera à cet égard un outil précieux.
Pour autant, ce dispositif ne sera qu’une arme de plus pour lutter contre le chômage. Nous considérons pour notre part qu’il faut renforcer la capacité d’action des pouvoirs publics en prenant des mesures structurelles à même de garantir l’emploi sans dégrader les salaires ni réduire les droits des salariés.
Nous devons faire en sorte, je le redis aujourd’hui, que la finance, qui domine trop souvent l’économie réelle, cède un peu de son pouvoir afin que l’emploi soit mieux pris en compte, que nos industries, notre économie puissent se redévelopper, au lieu de régresser.
Le groupe CRC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Desessard. Je n’ai rien à ajouter, à un détail près ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous pouvions nous y attendre, la commission mixte paritaire, réunie ce matin, n’a pas fondamentalement transformé le texte issu de nos travaux. Notre vote ne se trouvera donc pas non plus bouleversé.
Nous tenons à saluer deux avancées sanctionnées par la commission mixte paritaire. Elles sont encore trop timides, mais, portant sur des aspects clés du dispositif, elles n’en méritent pas moins d’être relevées.
La première avancée concerne la formation.
En première lecture, sur cette question à nos yeux déterminante, un amendement du groupe UDI-UC aux termes duquel les engagements de l’accord collectif en matière de formation devront être spécifiquement orientés en direction des jeunes les moins qualifiés a été adopté. Bien qu’ayant modifié son insertion dans le projet de loi, la commission mixte paritaire a heureusement maintenu cette mesure.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, en matière de formation, nous aurions souhaité aller beaucoup plus loin. Selon nous, de même que les emplois d’avenir auraient dû être réservés aux seuls jeunes non diplômés et obligatoirement assortis d’une formation de base, les contrats de génération auraient dû être réservés aux seuls jeunes faiblement qualifiés et obligatoirement assortis d’une formation qualifiante et diplômante d’approfondissement.
Monsieur le ministre, ce n’est pas le choix que vous avez fait. Avec la seule garantie offerte par le maintien de notre amendement, on est encore loin de ce que nous souhaitions, mais il s’agit tout de même d’une avancée en ce sens.
La seconde avancée que nous voulons saluer concerne la transmission des savoirs.
En vertu du texte issu de la commission mixte paritaire, les futurs accords collectifs relatifs au contrat de génération comprendront un volet « transmission des savoirs et des compétences ».
Il s’agit là d’une précision très importante, dans la droite ligne de certains de nos amendements, qui répond à la préoccupation primordiale de bien déterminer la fonction des salariés seniors dans le dispositif.
C’est la question de la définition et de la nature même du contrat qui se trouve posée. En effet, l’une des principales craintes que l’on peut exprimer à son endroit est qu’il n’ait de générationnel que le nom. Tel semblait être le cas avant la commission mixte paritaire, puisque le lien unissant le jeune embauché et son « binôme » senior n’était en rien explicité par le texte dans sa version initiale, ce à quoi a remédié l’amendement susmentionné.
Il s’agit donc bien à nos yeux d’une avancée, mais elle est encore timide. Nous aurions souhaité aller plus loin en explicitant dans la loi même le rôle du senior accueillant et, si cet acteur est distinct du premier, celui du senior justement chargé de la transmission des savoirs et des compétences. Il reviendra donc à l’accord collectif de le faire. Ce n’est pas, selon nous, la meilleure garantie, mais c’est mieux que rien. Au moins la commission mixte paritaire aura-t-elle pris en compte ce qui nous semblait être une faiblesse majeure du dispositif initial.
Le texte comporte donc deux avancées, insuffisantes à nos yeux mais notables, car porteuses d’espoir. En effet, associées aux deux caractéristiques centrales du dispositif, elles conduiront peut-être les contrats de génération à créer de l’emploi.
Ces deux caractéristiques sont les suivantes.
En premier lieu, comme son nom l’indique, le contrat de génération a vocation à dépasser le clivage générationnel qui sclérose théoriquement le marché du travail. La définition du rôle du senior partie au binôme y aidera.
En second lieu, et c’est à nos yeux fondamental, le contrat de génération s’adresse au secteur marchand, c’est-à-dire au secteur productif, au secteur qui forme réellement au monde du travail et est susceptible de produire des emplois pérennes. En cela, sa philosophie est aux antipodes de celle des emplois d’avenir parapublics.
Orientation vers le secteur marchand et, grâce au maintien de notre amendement, garantie d’une formation minimale pour les moins qualifiés : voilà de quoi effectivement créer de l’emploi.
Pour toutes ces raisons, bon nombre des membres du groupe UDI-UC voteront ce texte.
Cependant, la CMP n’a, hélas ! pas apporté que des choses positives. Nous regrettons qu’elle ait réintroduit la rupture conventionnelle homologuée intervenue dans les six mois précédant l’embauche du jeune dans la même catégorie professionnelle sur la liste des éléments privant l’entreprise du bénéfice de l’aide.
En première lecture, nous nous sommes abondamment exprimés sur cette question. La solution retenue ne nous semble pas des plus pertinentes.
D’une part, la rupture conventionnelle peut, par définition, être le fait du salarié, celui-ci souhaitant par exemple changer d’emploi. Dans ce cas, on ne voit vraiment pas pourquoi l’entreprise s’en trouverait pénalisée.
D’autre part, cette disposition rompt avec la philosophie même de la rupture conventionnelle, supposée être décidée d’un commun accord. Il s’agit d’un dispositif de pacification des rapports sociaux en entreprise : y recourir ne devrait, encore une fois, pas conduire cette dernière à être sanctionnée.
Par-delà la question de la rupture conventionnelle, la commission mixte paritaire a élaboré un texte devant lequel il est encore permis de rester circonspect, qu’il s’agisse de la formation ou du lien intergénérationnel.
Sur ces deux points, en dépit des timides avancées que nous avons saluées, nous pouvons craindre que l’effet d’aubaine ne joue à plein.
De plus, les contrôles a priori systématiques de l’administration qui jalonnent la procédure d’établissement du contrat de génération, ainsi que l’alternance de la carotte et du bâton – l’aide financière ou la sanction –, en fonction de la taille de l’entreprise, manifestent une nostalgie de l’économie administrée avec laquelle nous ne pouvons être en phase.
Plus globalement, c’est le plan général que vous proposez pour « inverser la courbe du chômage en 2013 » dont nous doutons sérieusement. Outre les contrats de génération, ce plan repose sur deux piliers : l’emploi public, avec les emplois d’avenir, et la lutte contre le chômage, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Cela conduira l’autre moitié des membres de mon groupe à s’abstenir sur ce texte : à s’abstenir, et non pas à voter contre, parce que, dans la situation actuelle, nous ne souhaitons pas nous opposer à une mesure susceptible d’aider un certain nombre de personnes à accéder à l’emploi ou à s’y maintenir.
Monsieur le ministre, en conclusion, permettez-moi un mot sur le rôle du Parlement. Ce rôle est très sérieusement remis en cause par ces lois qui sont la transcription d’accords nationaux interprofessionnels. La question se reposera très prochainement avec le texte relatif à la sécurisation des parcours professionnels.
L’enjeu est le suivant : comment concilier démocratie sociale et démocratie parlementaire ? Comment respecter les partenaires sociaux sans faire des assemblées de simples chambres d’enregistrement ?
Aujourd’hui – et ce sera apparemment encore plus vrai demain –, vous répondez à ces questions en limitant substantiellement la marge d’amendement parlementaire. C’est votre choix, il peut se défendre. Mais, tout de même, dans ce contexte, est-il bien respectueux du Parlement d’en profiter pour, de surcroît, faire passer des cavaliers aussi énormes que ceux qui ont été insérés dans le présent texte ?
Il en est ainsi de l’article 5 bis sur la transformation de postes de contrôleur du travail en postes d’inspecteur du travail, ces fonctions n’étant absolument pas concernées par le contrat de génération. Le cas de l’article 8, qui proroge les exonérations de charges pour prime annuelle aux salariés outre-mer, est encore plus flagrant. Monsieur le ministre, nous tenions à souligner ces incohérences. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’emploi en France est particulièrement alarmante. Le mois de décembre dernier a ainsi été le vingtième mois consécutif de hausse du chômage. Pour stopper cette hémorragie incessante, le Gouvernement a décidé de faire de la bataille pour l’emploi une priorité absolue.
Monsieur le ministre, depuis votre prise de fonction, vous mettez en place toute une série de mesures destinées à favoriser l’emploi des exclus du monde du travail. Je pense tout d’abord aux emplois d’avenir, dispositif que nous avons adopté il y a quelques mois. Ils permettront d’ouvrir de véritables perspectives d’avenir à tous les jeunes non qualifiés, frappés de plein fouet par la crise, qui se trouvent dans une situation très difficile.
Avec les contrats de génération, aujourd’hui, nous allons faire d’une mesure phare du candidat François Hollande une réalité. Pour la première fois, nous traitons en même temps deux problématiques : le chômage des jeunes et le faible taux d’activité des seniors.
Enfin, très prochainement, nous devrions examiner le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, issu de l’accord national interprofessionnel conclu le mois dernier entre certains partenaires sociaux.
L’ensemble de ces textes montre combien le Gouvernement est mobilisé pour inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année. Mais cette bataille doit être l’affaire de tous. Elle doit rassembler l’ensemble des forces vives de notre pays et s’appuyer largement sur le dialogue social.
Nous nous réjouissons d’ailleurs, monsieur le ministre, que tous ces dispositifs aient fait en amont l’objet d’intenses concertations avec les organisations salariales et patronales. Cette nouvelle méthode de travail, véritable pilier de la démocratie sociale, mérite d’être de nouveau saluée.
En ce qui concerne le sujet qui nous occupe aujourd’hui, rappelons que le dispositif des contrats de génération a été validé par l’ensemble des partenaires sociaux. Nous aurions pu espérer qu’il recueille, de la même façon, l’adhésion de l’ensemble des parlementaires. Ce n’est malheureusement pas le cas. Pourtant, comment refuser de donner l’impulsion nécessaire à de nouvelles solutions pour l’emploi ?
Nous savons bien que ce dispositif ne résoudra pas à lui seul la question du chômage. Mais, en pleine crise économique, il apparaît comme un outil particulièrement adapté et, surtout, indispensable. Il nous faut tout mettre en œuvre pour combattre le chômage, véritable fléau qui ronge notre société.
Depuis le début de la crise économique, le nombre de demandeurs d’emploi poursuit inexorablement sa progression. Le chômage des 15-24 ans, notamment, a atteint un niveau sans précédent. L’accès à l’emploi leur est devenu très difficile. En cinq ans, le taux de chômage des jeunes actifs a progressé de sept points, soit deux fois plus que le taux global. Au troisième trimestre de 2012, l’INSEE dénombrait 670 000 demandeurs d’emploi de moins de 25 ans. Nous ne pouvons et ne devons pas accepter une telle situation !
Même si le diplôme constitue encore une sorte de rempart contre le chômage, les jeunes diplômés ne sont plus à l’abri. À la joie d’avoir obtenu un diplôme succède bien souvent un sentiment de frustration ! Les jeunes, variable d’ajustement quand l’activité ralentit, enchaînent les périodes de chômage et les embauches à titre précaire : intérim ou CDD de plus en plus courts. Pour reprendre les termes de l’avis du Conseil économique, social et environnemental de septembre 2012, « il est nécessaire de libérer les jeunes du boulet de la précarité ».
Avec les jeunes, les seniors sont parmi les plus touchés par le chômage. Près de 685 000 personnes de plus de 50 ans étaient inscrites à Pôle emploi en octobre dernier. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant que les seniors, lorsqu’ils perdent leur emploi, éprouvent de grandes difficultés à en retrouver un autre.
Selon le douzième rapport, de janvier 2013, du Conseil d’orientation des retraites, dans la catégorie des 55-65 ans, seule une personne sur dix inscrites à Pôle emploi en 2010 avait retrouvé un travail en 2011, contre plus d’un tiers chez les 30-49 ans. Nous le savons bien, retrouver un travail à quelques années de la retraite relève du parcours du combattant. Même si les mentalités évoluent, les entreprises préfèrent les jeunes, moins chers et plus malléables. Les seniors peuvent facilement se retrouver en fin de droits et basculer dans la précarité, ce qui les contraint souvent à accepter, eux aussi, des « petits boulots », des CDD ou des missions d’intérim. Ce phénomène est d’autant plus marqué que l’âge de départ à la retraite a été repoussé ; nous avons déjà dénoncé cette évolution à maintes reprises sur ces travées.
Avec les contrats de génération, le Gouvernement met en œuvre une idée à la fois originale et pleine de bon sens : favoriser l’embauche des jeunes en CDI tout en maintenant l’emploi chez les seniors. C’est un pari audacieux, fondé sur la solidarité intergénérationnelle : il nous faut le tenter.
Monsieur le ministre, le dispositif que vous nous proposez constitue un signal fort dans la bataille que nous livrons contre le chômage. Il encourage les entreprises à maintenir les seniors dans l’emploi et à recruter des jeunes en contrat à durée indéterminée, c’est-à-dire à leur offrir une véritable stabilité et des perspectives d’avenir. Loin d’opposer les jeunes et les seniors, votre projet de loi favorise la solidarité entre les générations.
Les travaux menés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ont enrichi le dispositif et permis de parvenir à un texte abouti. Je tiens à saluer le travail de la commission, et tout particulièrement l’implication de Mme la rapporteur, Christiane Demontès, ainsi que celle d’Annie David.
Les députés ont notamment imposé le principe de l’embauche à temps plein, autorisé le contrat de génération « transmission » et limité les effets d’aubaine. Le Sénat a, quant à lui, rendu la formation qualifiante obligatoire pour le recrutement de jeunes non diplômés, ce dont nous pouvons nous féliciter. Il a aussi exclu la rupture conventionnelle homologuée de la liste des situations entraînant la suppression de l’aide.
Sur ce dernier point, les sénateurs du RDSE regrettent que la commission mixte paritaire ait choisi, ce matin, de réintroduire ce critère, qui risque, par son côté très restrictif, de constituer un message négatif à l’adresse des entreprises. Nous le redoutions.
La semaine dernière, l’ensemble des membres du RDSE vous avaient apporté leur soutien, monsieur le ministre. Malheureusement, ce soir, parce que la commission mixte paritaire a réintroduit le critère de la rupture conventionnelle, notre collègue Gilbert Barbier s’abstiendra. Les autres membres du groupe, s’ils auraient eux aussi préféré que la CMP ne revienne pas sur ce point avant l’établissement du bilan que vous évoquiez tout à l’heure, maintiendront néanmoins leur position et vous apporteront leur soutien, un soutien de conviction et d’espérance pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui, une nouvelle étape législative a été franchie, s’agissant de la mise en œuvre d’une des promesses du candidat François Hollande – on a pu encore constater, ce matin, que ceux d’entre nous qui siègent du côté droit de cet hémicycle les connaissent presque par cœur ! (Sourires.) –, avec l’adoption par la commission mixte paritaire d’un texte pour le projet de loi portant création du contrat de génération. Ce dispositif quitte le champ du Parlement pour entrer dans celui de l’action.
Je veux, à cette tribune, saluer le travail réalisé par les deux rapporteurs de la commission mixte paritaire : Christiane Demontès, pour le Sénat, et Christophe Sirugue, pour l’Assemblée nationale. Tous deux ont su faire preuve d’un réel sens du compromis juste et équilibré, permettant l’adoption d’un texte commun, comme en témoigne d’ailleurs la réintroduction de l’intervention d’une rupture conventionnelle parmi les critères privant l’entreprise du bénéfice de l’aide. À l’instar du Gouvernement, ils ont privilégié l’instauration d’un dialogue riche et constructif.
Pour la première fois en France, et même en Europe, une politique publique de l’emploi essaie de dépasser le clivage quelque peu artificiel entre les jeunes et les seniors. Elle tend à privilégier une vision transversale des âges dans le monde du travail, pour favoriser la transmission des savoirs et des compétences.
Le contrat de génération est un formidable outil qui vient s’ajouter à l’arsenal déjà existant pour gagner la bataille de l’emploi. Il apporte une réponse claire, fondée sur l’indispensable réconciliation des âges et la solidarité entre les générations.
Il faut en finir avec l’opposition entre jeunes et moins jeunes, car un constat s’impose aujourd’hui : le marché du travail est organisé autour d’une seule génération – et encore ! –, celle des actifs âgés de 30 à 45 ans.
Ainsi, 25 % des jeunes sont touchés par le chômage. Certes, les seniors de plus de 55 ans connaissent un taux de chômage relativement faible, puisqu’il s’établit à 6,5 %, mais le problème, pour eux, est de retrouver un emploi ! En effet, les entreprises françaises restent très frileuses quand il s’agit d’embaucher un senior. Comme le disait Normand Rousseau, « quand un fossé trop grand sépare deux générations, il y a toujours une génération qui se retrouve au fond du fossé » !
Le contrat de génération constitue l’un des leviers, l’une des réponses – mais une réponse claire, forte – en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République : inverser la courbe du chômage.
Trois adjectifs, selon moi, peuvent caractériser le contrat de génération : pragmatique, efficace, solidaire.
Par pragmatisme et souci d’efficacité, le dispositif prévoit des modulations en fonction de la taille des entreprises : moins de 50 salariés, entre 50 et 300 salariés, plus de 300 salariés.
Il exprimera son efficacité dans la lutte contre le chômage, mais également contre la précarité des jeunes, en incitant à l’embauche en contrat à durée indéterminée : il faut le marteler sans relâche. Nous devons parvenir à infléchir les pratiques des entreprises et à faire du contrat à durée indéterminée la norme.
Un autre effet du dispositif est à souligner : la compétitivité des entreprises sera renforcée par une meilleure gestion de la pyramide des âges du personnel.
Le contrat de génération allie le soutien à la compétitivité et le développement des compétences à la nécessaire inclusion des jeunes et des seniors dans l’emploi ; c’est une mesure de création d’emplois, de solidarité intergénérationnelle. Il appelle à un changement de regard : au lieu d’opposer les générations, il les rassemble. La transmission des compétences est un enjeu considérable pour notre société.
Bien entendu, la politique de lutte contre le chômage et pour l’emploi, dont les emplois d’avenir constituaient une première mesure, ne saurait se résumer au seul contrat de génération.
Je veux, ce soir, de nouveau saluer la méthode sur laquelle le Gouvernement fonde depuis dix mois toute son action, à savoir le dialogue.
Ainsi, le dialogue avec les assemblées a prévalu tout au long des débats, en particulier ici au Sénat. Je tiens, monsieur le ministre, à vous en remercier ; nous accueillons avec satisfaction votre annonce sur la rupture conventionnelle.
Le dialogue a également été noué avec les partenaires sociaux. Ce n’était peut-être pas le plus facile, car il a trop longtemps été laissé en jachère pendant ces dix dernières années.
Oui, le dialogue social est parfois difficile, houleux même, mais il n’est pas impossible et, surtout, il est porteur d’avenir, en particulier dans un contexte social et économique comme celui auquel nous sommes confrontés.
Oui, la situation de l’emploi est particulièrement préoccupante. Le chômage a atteint un niveau historique : il touche 10 % de la population active. Toutes les générations perdent confiance en l’avenir. Il fallait donc redonner du sens au travail, et c’est l’un des objectifs du contrat de génération, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre.
Il faut faire de ce dispositif une source de motivation pour tous, en montrant qu’il est profitable à chacun ; en d’autres temps, on aurait parlé de dispositif « gagnant-gagnant ». Il permet au senior de voir son action au sein de l’entreprise prolongée et au jeune d’apprendre en situation, au contact des plus expérimentés. Bref, c’est une sorte de compagnonnage.
Mes chers collègues, le compte est bon et les engagements sont tenus : 500 000 contrats de génération, ce sont 500 000 emplois durables en entreprise pour des jeunes et un nombre bien plus grand encore de seniors confortés dans leur carrière.
Le contrat de génération permettra également un diagnostic et un réexamen des pratiques au sein des entreprises. Chaque entreprise de plus de 50 salariés aura à réaliser un état des lieux de la situation des jeunes et des seniors, ainsi que des savoirs et compétences essentiels. Les métiers dans lesquels existe un déséquilibre hommes-femmes seront identifiés, afin d’y remédier.
Je ne reviendrai pas sur l’intégralité des mesures contenues dans ce texte.
Lors de la discussion générale, la semaine dernière, j’avais souligné l’une des innovations majeures du dispositif : son utilisation pour contribuer à la transmission des petites entreprises et, par conséquent, son effet bénéfique sur le maintien du tissu économique de proximité cher à nos concitoyens.
De nombreux artisans qui, jusque-là, ne trouvaient pas de successeur vont enfin pouvoir passer le relais, et ainsi éviter que le travail de toute une vie ne se perde.
Le dispositif est un outil favorisant la compétitivité des PME : ainsi, les entreprises de moins de 300 salariés, dont les capacités en matière de ressources humaines sont moindres, bénéficieront d’une incitation financière pour s’engager dans le dispositif. En limitant le bénéfice de l’aide aux entreprises de moins de 300 salariés, on évitera les effets d’aubaine.
Quelles sont les clés du succès du contrat de génération ? J’en vois cinq.
Premièrement, les entreprises, en particulier leurs dirigeants, doivent prendre conscience des enjeux liés à la transmission des connaissances. Le savoir-faire des salariés représente un capital irremplaçable pour l’entreprise. Les patrons doivent en être convaincus et inclure cette dimension dans leur stratégie d’entreprise.
Deuxièmement, les managers ont un rôle déterminant à jouer dans l’application des contrats de génération. Ils doivent encourager les salariés de différentes générations à coopérer ensemble.
Troisièmement, la transmission doit s’effectuer de manière créative. Elle ne peut pas se borner à la lecture de documents écrits : le jeune et le senior doivent travailler ensemble, se parler, participer aux mêmes réunions, etc. Bref, il faut créer une vraie relation, où la confiance, une fois installée, devient motrice de nouvelles mentalités !
Quatrièmement, l’entreprise doit donner le goût aux seniors de transmettre leurs savoirs. Cela passe par la valorisation de leur expérience et de leurs compétences, par le respect et la reconnaissance de leur travail. Il faudra aussi les rassurer : ce n’est pas parce qu’ils vont former un jeune qu’ils vont être mis à la porte. Par ailleurs, il faut encourager un partage dans les deux sens : le senior transmet au jeune son expérience et le jeune peut le former dans les nouvelles technologies, par exemple.
Cinquièmement, l’État devra être le garant de la bonne utilisation du dispositif.
La mise en place du contrat de génération atteste une nouvelle fois de la mobilisation sans précédent de notre majorité en faveur de l’emploi depuis dix mois : renforcement des équipes de Pôle emploi, pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, investissements en faveur de l’innovation, de la croissance, de la recherche, de l’éducation, de la formation… Tout cela grâce, encore une fois, au dialogue social.
Mes chers collègues, en instaurant le contrat de génération, nous nous donnons des armes pour lutter efficacement contre le chômage, redonner à la jeunesse les moyens de décider de son avenir, redresser le pays dans la justice, conforter le rôle social des seniors.
Comme le disait François Mitterrand, « dans les épreuves décisives on ne franchit correctement l’obstacle que de face » : c’est ce que nous vous proposons de faire en votant ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)