Mme Éliane Assassi. L’ancienne présidente de notre groupe avait proposé la proportionnelle !

M. Manuel Valls, ministre. À partir du moment où, grâce au scrutin binominal, on avance sur tous les terrains à la fois, la parité, la représentation et l’ancrage territorial, tout en conservant le scrutin majoritaire, il faut choisir cette voie, qui permet de mettre en œuvre la parité tout en faisant vivre le département.

S’il n’y a pas de majorité pour adopter l’article 2, si cet article est rejeté, nous continuerons à discuter et à travailler, certes, mais vous aurez posé un véritable acte politique et le Gouvernement devra en tirer toutes les conclusions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UDI-UC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 82 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour l’adoption 144
Contre 164

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il convient, pour le bon déroulement de nos débats, de tirer la conséquence du vote qui vient d’intervenir.

Madame la présidente, il est bien entendu que, si des amendements peuvent devenir sans objet, tel ne saurait être le cas d’un article, par définition. Il m’apparaît toutefois que la discussion de certains articles, compte tenu du vote émis sur l’article 2, perd de son sens : il s’agit des articles 5, 8, 9, 10, 11, 12 et 13. Si nos collègues en étaient d’accord, nous pourrions gagner du temps en ne prolongeant pas inutilement les débats sur ces articles. Mais chacun reste libre bien entendu d’intervenir ou non.

En revanche, les articles 3, 4, 6, 7 et 14 à 26 conservent toute leur pertinence.

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission des lois, je souscris totalement à vos observations.

La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement est d’un avis identique, madame la présidente : il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre le président Sueur et moi depuis, disons, trente ans ! (Sourires.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 3

Article additionnel après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 108, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le canton est la circonscription électorale dans laquelle est élu le binôme.

Le canton est divisé en deux territoires d’égale importance en population. L’écart de population ne doit pas s’écarter de plus de 20 % de la population du canton, divisée par deux.

Chaque membre de chaque binôme doit être prépositionné sur un des deux territoires lors de la déclaration de candidature commune.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Madame la présidente, mon amendement tendait à tirer la conséquence des dispositions introduites par l’article 2 en divisant les cantons en deux sections. Dans la mesure où l’article 2 n’a pas été adopté, cet amendement n’a plus d’objet et je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 108 est retiré.

Mise au point au sujet d’un vote

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Madame la présidente, lors du scrutin n° 81 portant sur les amendements nos 4 rectifié bis et 130, nos collègues Henri Tandonnet, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto ont été déclarés comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’ils souhaitaient voter pour ces amendements.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Article additionnel après l’article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article 3

Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité supérieure si ce nombre n’est pas entier.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, sur l’article.

M. Daniel Dubois. Avec l’article 2, l’article 3 est le « cœur du réacteur » du dispositif destiné à s’appliquer aux futures élections cantonales, caractérisé par un duo de candidats et la division par deux du nombre de cantons.

Prenons un exemple très simple : la Somme est le troisième département français pour le nombre de communes ; elle en compte 782, dont 744 de moins de 1 000 habitants.

Nous allons donc passer de 46 cantons à 23, avec 25 000 habitants en moyenne par canton. En zone rurale, cela se traduira par la réunion d’au moins trois cantons, c’est-à-dire que 70 à 80 communes seront représentées par un duo. Je ne vois pas où est la proximité ! En tout cas, moi, je ne m’y retrouve pas, et cette première remarque concerne l’ensemble des territoires ruraux.

J’en viens à ma deuxième remarque. En fonction de l’organisation de certains départements, ce nouveau système aura pour conséquence que la majorité des conseillers généraux seront élus dans des centres urbains. Ce sera le cas dans le département de la Somme : l’Amiénois et l’Abbevillois compteront au moins 12 conseillers généraux, ce qui signifie que, dans la Somme, 780 communes n’auront plus la majorité, que détiendront 2 communes.

Alors, oui, nous le confirmons, les territoires ruraux sont menacés par ces propositions.

Troisième remarque, monsieur le ministre : découper les cantons conduira à redessiner la carte des circonscriptions législatives. Or je n’ignore que nous connaissons en la matière deux procédures différentes : pour les députés, les circonscriptions électives sont fixées par la loi ; pour les conseillers généraux, les cantons sont déterminés par décret en Conseil d’État.

Je n’ignore pas non plus que vous avez supprimé toute référence aux circonscriptions législatives dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.

Néanmoins, ce qui semble simple est en fait plus compliqué qu’il n’y paraît sur le plan du droit. En effet, pour ce qui concerne, encore une fois, le département de la Somme, les cinq circonscriptions législatives sont composées de cantons. La liste est précisée dans l’ordonnance du 29 juillet 2009, ordonnance ayant force de loi. Imaginons qu’un nouveau canton soit créé à partir d’anciens cantons de deux circonscriptions différentes : quelles seront les conséquences ? On ne saura plus quel est le député dans ce canton. Y en aura-t-il un ou deux ?

Au-delà de cet aspect pratique, c’est toute la carte des circonscriptions qui va évoluer. Dans quelle circonscription se trouvera ce nouveau canton ? Dans la première ou dans la deuxième ? La population de cette circonscription - on sait qu’il s’agit de l’indicateur principal - va s’en trouver augmentée pour l’une et diminuée pour l’autre. Est-ce bien légal ?

Est-il possible que des décrets du Gouvernement modifient la carte des circonscriptions validée par la loi et figurant dans le code électoral ? Si je me réfère à la hiérarchie des normes, je pense que non.

Monsieur le ministre, ma question sera directe.

Les nouveaux cantons devront-ils respecter la carte des circonscriptions législatives actuelles, ou disposez-vous d’un artifice juridique qui va vous permettre, en toute légalité constitutionnelle, de vous affranchir de l’ordonnance de juillet 2009 ? À moins que vous n’ayez en tête de redessiner la carte des circonscriptions législatives, auquel cas je pense qu’il n’y a pas urgence à redécouper les cantons ruraux...

Quoi qu’il en soit, dans l’attente d’une réponse précise sur ce sujet, et en fonction de ce que j’ai dit précédemment, le groupe UDI-UC présentera un amendement tendant à supprimer l’article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, sur l’article.

M. Éric Doligé. Tout à l’heure, cherchant à nous convaincre de voter, notre collègue Jean-Pierre Sueur a dit que le Conseil Constitutionnel ne pourrait pas accepter une fourchette de 1 à 47, voire même de 1 à 10. Il est évident que, si le tunnel est de 1,3, soit plus ou moins 30 %, le rapport entre le plus grand et le plus petit ne pourra pas être de 1 à 2. On n’est donc pas du tout dans le même schéma.

Selon moi, l’article 3 n’a plus d’objet. On peut certes toujours le voter, mais il n’a de sens que dans le cadre du scrutin binominal, qui justifiait l’objectif d’une diminution par deux du nombre de cantons. Le scrutin n’étant plus binominal à la suite du vote précédent, il n’y a pas de raison de voter cet article. Il nous reviendra, peut-être, en deuxième lecture.

Je voulais, pour ma part, évoquer une solution qui mériterait réflexion, mais dont on ne parle jamais. Ce texte aurait d’ailleurs pu être l’occasion de le faire.

Il y a en France 22 régions ; je considère que 10 suffiraient. Il y a 101 départements ; avec 50 ou 60 départements, il serait possible de régler les problèmes.

M. Éric Doligé. Je vous rappelle que certains départements comptent 100 000 habitants et d’autres, 2 600 000 habitants. Quitte à faire un rapprochement moyen, par rapport aux cantons, de 1 à 2 ou de 1 à 3 – nous verrons bien quel sera le tunnel ! –, on pourrait aussi réfléchir aux disparités entre les départements. Le Nord, qui compte 2 600 000 habitants, réussit à se gérer ; c’et bien la preuve que l’on doit pouvoir trouver des solutions, ce qui réglerait le problème du nombre des conseillers généraux.

Si nous voulons que nos territoires continuent à exister, la solution d’avenir consiste, j’en suis convaincu, à réduire le nombre de régions et de départements. Si des collègues de la majorité ou de l’opposition souhaitaient préparer un texte sur le sujet, nous pourrions mener un travail intéressant et prouver que nous défendons non pas des intérêts particuliers, mais bien l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l’article.

M. Pierre Jarlier. Décidément, il est bien difficile de trouver un consensus sur le mode d’élection des conseillers désormais départementaux, et je crains qu’il en soit de même quant à leur mode de répartition sur le territoire, si certains des articles qui suivent ne sont pas modifiés.

Pour nombre d’entre nous qui soutenons le principe de la parité, ce n’est pas tant l’article 2 qui pose problème que les suivants, car ils ne prennent pas suffisamment en compte la réalité de la diversité de nos territoires.

Cette diversité nécessite certes un ajustement du nombre de cantons en fonction de la population, comme le préconisent la Constitution et le présent article 3. Mais elle nécessite aussi que le législateur soit attentif aux caractéristiques géographiques spécifiques de certains départements, au-delà des exceptions visées par l’article 23 du projet de loi.

En effet, ces départements, souvent déjà fragilisés par un risque de fracture territoriale, ne peuvent être considérés comme des exceptions, et encore moins subir les effets probables d’une interprétation trop restrictive de la loi, comme le prévoit l’article 23.

Diviser systématiquement le nombre de cantons par deux dans les territoires de montagne comme dans les territoires ruraux va à l’encontre du but des promoteurs de ce projet de loi, car cette disposition remet en cause le lien entre le territoire, ses élus et ses électeurs.

En effet, et cela a été rappelé ici à plusieurs reprises, moins la population est importante, plus le canton est étendu et plus l’élu s’éloigne du terrain. Autrement dit, là où la densité de population est faible, la proximité du conseiller départemental, si nécessaire et si appréciée, ne sera plus qu’un souvenir.

Pour illustrer ce propos, je prendrai – au hasard ! (Sourires.) – l’exemple de l’Ariège, qui compte actuellement 22 cantons et 158 000 habitants. Le canton le plus peuplé représente 15 000 habitants, le moins peuplé, 528. Certes, il y a bien nécessité de rééquilibrer les cantons, mais la réduction à 11 cantons pourrait conduire à ce que la distance entre les extrémités d’un canton atteigne jusqu’à 70 kilomètres ! (M. Bruno Sido s’impatiente.)

Je pourrais citer d’autres départements, comme la Creuse, le Cantal, la Lozère ou encore la Corse du Sud, dans lesquels il faudra au futur conseiller départemental plus d’une heure, voire une heure trente, pour aller d’un bout à l’autre de son canton. Où serait la proximité, dans ce cas ?

C’est donc la cohésion sociale et territoriale de ces territoires qui est en jeu. Or, nous le savons bien, le lien entre l’élu, la population et le territoire est vital pour cette cohésion.

Avec plusieurs de mes collègues siégeant de part et d’autre de l’hémicycle, nous avons déposé des amendements tendant à prendre en compte cette diversité de nos territoires, leur fragilité et leur géographie, mais plusieurs ont été retirés des débats après l’application de l’article 40. Je le regrette.

Nous ne serons donc pas en mesure de proposer d’inscrire dans la loi un nombre minimum de conseillers départementaux, que nous avions fixé à 15. C’est pourtant une disposition particulièrement importante pour assurer une représentation équilibrée de nos territoires.

Seul l’amendement du Gouvernement a eu plus de chance, mais il prévoit un seuil à 15 élus dans chaque département, associé à celui de 500 000 habitants. Il ne concernera donc pas les départements ruraux, dans lesquels il va justement manquer des élus pour assurer une bonne représentation territoriale. C’est bien dommage, car il apparaît, après vérification, que seul le Vaucluse sera concerné par votre amendement, monsieur le ministre.

Il est donc nécessaire de prévoir un mécanisme d’ajustement, qui pourrait aussi trouver sa place à l’article 23 du texte.

Pourquoi ne pas évoquer dès maintenant cet article ? Son examen, à ce moment du débat, pourrait apporter des réponses aux légitimes inquiétudes de nombreux élus : adaptation du nombre de conseillers départementaux à la spécificité de certains départements, notamment en montagne, ou élargissement du fameux « tunnel » de 20 % à 30 %, voire 40 %, en plus ou en moins, pour la population des futurs cantons. Tous ces sujets, parmi d’autres, seraient de nature à favoriser un réel consensus sur cet article.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous avez fait part de nombreuses intentions. Pouvez-vous à présent nous dire comment vous comptez, concrètement, faire entendre la voix des élus ruraux et de montagne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas possible !...

Mme Annie David. Cet article, qui prévoit la réduction de moitié du nombre des cantons à partir d’un seul critère, celui de la démographie, avait pour objectif de pallier la création du binôme et permettait, en divisant par deux le nombre de cantons, de garder le même nombre d’élus. L’article 2 ayant disparu, nous allons, en adoptant cet article 3, si j’ai bien compris, diminuer par deux le nombre de cantons, mais aussi le nombre d’élus de nos départements.

M. Bruno Sido. Cet article n’a pas d’objet !

Mme Annie David. Cher collègue, il sera sans objet si l’article 2 n’est pas adopté in fine !

M. Bruno Sido. Nous perdons notre temps !

Mme Annie David. Ainsi, en Isère, département qui compte actuellement 58 cantons, nous passerons à 29 cantons, et donc à 29 élus, puisqu’il n’y a plus de binôme. La population moyenne des cantons du département sera alors égale à 41 277 habitants ! Si vous y ajoutez l’article 23, rappelé par M. Jarlier, et les 20 % en moins ou en plus, le seuil minimal passe à 33 022 habitants et le seuil maximal à 49 533 habitants.

Aujourd’hui, le plus peuplé de nos cantons compte 49 271 habitants, contre 1 170 habitants pour le moins peuplé. On voit ici que le calcul seulement mathématique de la prise en compte des populations se fera au détriment des territoires.

En effet, si la fusion des cantons paraît simple sur le papier, sur le terrain, c’est toute autre chose : l’Isère s’étend sur 7 431 kilomètres carrés, dont la moitié se situe en zone de montagne. Il compte quatre grands et beaux massifs : le Vercors, la Chartreuse, Belledonne et l’Oisans qui, à eux seuls, regroupent une quinzaine de cantons, sans compter ceux dont une partie du territoire se trouve aussi en montagne. Ces massifs se distinguent tant par leurs caractéristiques géographiques, leur biodiversité, que par leurs activités économiques et agricoles et par la densité de leur population.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Annie David. Sur ces massifs, nous avons trois parcs naturels, un national et deux régionaux, un quatrième étant en gestation. Sur les 533 communes iséroises, 399 sont rurales – je tiens à le préciser, monsieur Sido ! –, soit en plaine, soit en montagne, et quatre Isérois sur dix seulement vivent dans l’agglomération grenobloise.

Avec une telle configuration, caractérisée par de grands espaces et une hétérogénéité économique et sociale des territoires, cette réduction des cantons pose le problème de l’ancrage territorial. En outre, il n’est pas impossible que les deux conseillers départementaux élus dans un canton beaucoup plus vaste, si toutefois le scrutin binominal était réintroduit, soient issus de milieux urbains, avec le risque que les problèmes spécifiques des territoires ruraux et de montagne ne soient plus pris en compte.

Si je partage l’avis de mon collègue André Vallini, qui disait hier lors de la discussion générale que les territoires urbains n’étaient pas suffisamment représentés, il ne faudrait pas, comme il le soulignait d’ailleurs à juste titre, en arriver à la situation inverse.

C’est d’autant plus vrai qu’il existe, vous le savez bien, mes chers collègues, des problèmes propres à la montagne. Le récent drame de La Clusaz a malheureusement mis en lumière l’un d’eux, celui des conditions de vie des travailleurs saisonniers : logements insalubres, studios surpeuplés, dégradation de la santé ... Par ailleurs, on ne constate aucune avancée notable concernant leurs conditions de travail – aucune prime de précarité, pas de clause de reconduction, utilisation abusive du contrat saisonnier –, en dépit de la publication de nombreux rapports unanimes sur cette question.

À cet égard, il est fort regrettable que la taxation des contrats à durée déterminée, actée dans le cadre des négociations sur la sécurisation de l’emploi, n’ait pas inclus les contrats saisonniers. C’est une nouvelle discrimination qui s’ajoute à une liste déjà bien longue !

Cette dégradation continue et persistante des conditions de vie et de travail des saisonniers est d’autant plus insoutenable que l’activité touristique est lucrative. Il serait donc légitime que celles et ceux qui produisent cette richesse soient traités dignement.

Dans un souci de justice sociale, il est primordial d’affirmer clairement le principe d’égalité des travailleurs pluriactifs ou saisonniers en matière de droit du travail et de droit social afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès des entreprises et des administrations.

Anicet Le Pors écrivait déjà, dans son rapport de 1999 : « Les travailleurs saisonniers du tourisme devraient se voir garantir par la société une égalité de traitement avec les autres travailleurs ». Quatorze ans plus tard, l’ensemble des propositions qu’il formulait pour aller dans ce sens, qui sont toujours d’actualité, sont malheureusement restées lettre morte ! Il est donc plus que temps aujourd’hui de passer de la parole aux actes.

Or, si nous élisons dans nos massifs des conseillères et des conseillers départementaux éloignés de leur territoire, comment pourront-elles et pourront-ils prendre la mesure des conditions de vie et de travail des saisonniers aujourd’hui ? Comment, plus largement, pourront-elles et pourront-ils apporter des réponses aux besoins des habitantes et des habitants de nos massifs, qu’ils soient acteurs économiques, associatifs ou culturels ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

M. Jean Louis Masson. Je voudrais tout d’abord revenir sur le sort de l’article 2. À mon avis, compte tenu des débats qui se sont déroulés, si le scrutin binominal ne recueille certes pas la majorité absolue dans cette enceinte, rien n’indique cependant qu’il ne suscite pas une majorité relative. Il a en effet été rejeté du fait de la conjonction des voix des partisans du statu quo, c’est-à-dire du scrutin uninominal avec un conseiller général par canton, et des voix des partisans de la proportionnelle.

Cela mérite tout de même d’être souligné, car, si l’on cherche un accord, dans le système actuel, on trouvera toujours une majorité au sein du Sénat pour rejeter tout nouveau projet de scrutin cantonal, quel qu’il soit, puisque les partisans du statu quo ne veulent surtout pas du scrutin proportionnel – je les comprends, je suis de leur avis ; accessoirement, ils ne veulent pas non plus d’un scrutin binominal – et que les partisans du scrutin proportionnel ne veulent pas plus que l’on maintienne le système actuel.

Je pense donc qu’il faut relativiser le vote émis sur l’article 2, qui traduit plutôt une conjonction des oppositions qu’un vote véritablement constructif en faveur d’une solution alternative.

Il serait regrettable que, par la faute de cette conjonction, l’Assemblée nationale décide tout d’un coup d’instaurer la proportionnelle intégrale. Dans cette hypothèse, tous ceux qui ont voté contre ici seront bien les responsables de la situation ainsi créée et d’un mode de désignation des conseillers généraux auquel nous sommes nombreux à être opposés.

Mais le débat qui nous occupe est quelque peu surréaliste. Est-ce bien sérieux de voter sur l’article 3, destiné à diviser les cantons par deux en vue précisément de tirer les conséquences de l’adoption de l’article 2 ? C’est digne du Grand-Guignol !

M. Bruno Sido. Et vous avez besoin de cinq minutes pour le dire ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je l’ai dit d’une phrase !

M. Jean Louis Masson. Cet article 3 n’a plus aucun sens : dans la mesure où nous n’avons pas adopté le principe de deux conseillers par canton, nous ne pouvons pas voter la diminution par deux du nombre de cantons. Ce débat est grotesque ! Je ne comprends vraiment pas que l’on puisse continuer comme si de rien n’était : nous sommes en pleine aberration, quelqu’un doit le dire. Quelle est la crédibilité d’un vote sur l’article 3 ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Aucune !

M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je ne comprends pas le sens de cet article 3, après le rejet de l’article 2, et je m’étonne des débats qu’il suscite en cet instant.

M. Bruno Sido. Tirez-en la conséquence !

M. Jean Louis Masson. Ma dernière remarque portera sur un problème plus général, relatif au découpage.

Que l’on maintienne des cantons avec un conseiller général ou avec deux conseillers généraux, il me semblerait extrêmement dangereux de partir du principe que les limites des cantons doivent respecter celles des circonscriptions législatives. On se souvient des magouilles épouvantables du précédent gouvernement quand il s’est agi pour lui de découper les circonscriptions législatives. Si les nouveaux cantons devaient respecter ces circonscriptions-là, cela ne ferait que pérenniser et entériner les magouilles…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est tout à fait pertinent !

M. Jean Louis Masson. … qui avaient été dénoncées tant par la Commission consultative du redécoupage électoral que par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel ayant, quant à lui, relevé deux anomalies particulièrement graves, la Moselle et le Tarn-et-Garonne, sans cependant pouvoir y porter remède.

Il est bien évident que, si l’on respecte les découpages de cantons réalisés par le précédent gouvernement, ceux-ci perdureront, alors qu’ils sont complètement aberrants, profondément injustes et, surtout, profondément malhonnêtes.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, sur l'article.

M. Bruno Sido. Cela ne fait jamais que douze ans que je siège au Sénat, et c’est la première fois que j’assiste à un débat aussi surréaliste ! À cet égard, j’en veux beaucoup – et c’est rare – au président de la commission des lois, dont les analyses sont très souvent pertinentes, mais qui a omis d’indiquer que l’article 3 était également devenu sans objet. Quand on est de bonne foi, cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant…

Cela étant, le règlement du Sénat ne peut pas tout prévoir, et j’ai l’impression qu’il n’existe pas de procédure pour passer en revue en quelques minutes, madame la présidente, les articles d’un texte devenus sans objet.

Je ne suis pas un grand manitou ou un chef à plumes lissées (Sourires.), mais, en attendant, ne pourrions-nous pas nous mettre d’accord, entre gens raisonnables, pour voter rapidement les articles devenus sans objet afin de passer à ce qui est réellement important ? Je veux bien que l’on parle pour parler : Mme David s’est exprimée pendant cinq minutes, M. Masson a également pris cinq minutes pour dire que l’article était sans objet, mais, en attendant, le débat n’avance pas et je vous signale qu’il est plus de vingt-trois heures !

Je suggère donc, madame la présidente, que vous preniez les choses en main et que vous proposiez une procédure qui nous permette d’examiner rapidement les articles devenus sans objet.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je voudrais faire une mise au point.

L’article 3 existe et je suis contrainte de le mettre aux voix. La connexion avec l’article 2 est directe, évidente et incontestable pour les articles 5 et 8 à 13. Tout le reste est affaire d’expression personnelle et relève de la liberté de chacun. Pour ma part, je suis obligée de respecter la procédure.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ayant été interpellé par notre collègue et ami Bruno Sido, je voulais simplement lui dire que je me suis appuyé sur l’analyse juridique pertinente des excellents administrateurs et conseillers du Sénat, qui ont fait leur travail. Ils m’ont indiqué, au plan juridique, les articles qui n’avaient à l’évidence plus d’objet à la suite du vote de la Haute Assemblée sur l’article 2. L’article 3, juridiquement, ne tombe pas, mais, politiquement, chacun peut décider de voter sa suppression. C’est très facile et cela ne demande pas de grands discours, il suffit d’un vote.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Sans m’immiscer dans l’organisation des travaux du Sénat, je voudrais vous livrer, pour ce qui concerne le titre Ier, l’état d’esprit du Gouvernement.

En toute honnêteté, monsieur Dubois, je ne vais pas assumer tous les inconvénients à la fois ! Vous m’interpellez et m’invitez à vous répondre de la manière la plus précise sur les questions liées au découpage, soit, mais je ne le ferai pas, non par mauvaise humeur mais par logique.

Vous avez contribué à empêcher que le débat sur ce sujet aille à son terme, et c’est tout à fait votre droit ; d’autres, et je crois qu’ils constituaient la très grande majorité, souhaitaient qu’il se poursuive. Donc, permettez-moi de vous dire que je réserverai mes réponses à l’Assemblée nationale ; nous y reviendrons ensemble plus tard. En attendant, je suis disponible, mais pour le titre II.

Monsieur le sénateur, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire du ministre en plus ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)