M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’accouplement de l’idéologie socialiste et des certitudes françaises (Mme Michèle André s’exclame.) engendre toujours des produits qui surprennent nos partenaires, en particulier européens. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ça commence fort !
M. François Rebsamen. Effectivement, ça commence bien !
M. Aymeri de Montesquiou. En 1981, des décisions catastrophiques ouvrent en grand les vannes des dépenses et entraînent trois dévaluations en deux ans ! En 1998, la loi désastreuse sur les 35 heures ébaubit le monde entier et, surtout, l’Union européenne.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vous qui avez généralisé les 35 heures !
M. Aymeri de Montesquiou. En 2012,…
M. Alain Néri. Parlez-nous plutôt de 2007 !
M. Roland du Luart. Écoutez M. Aymeri de Montesquiou ! Ses propos sont pleins de bon sens !
M. Aymeri de Montesquiou. … le projet de loi de finances se caractérise par un matraquage fiscal sans précédent et meurtrier, auquel n’échappent ni les entreprises ni aucun ménage. À une époque où le terme benchmarking n’est plus une exclusivité à l’usage d’initiés, nous ignorons le monde et les politiques fiscales et financières des autres pays. Nous faisons exactement le contraire de ceux qui se trouvaient dans une situation comparable à la nôtre. La Suède, la Belgique, le Canada, la Nouvelle-Zélande – entre autres pays – ont tous baissé les impôts et fortement diminué les dépenses.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas comme vous !
M. Aymeri de Montesquiou. Certes, comparaison n’est pas raison et chaque cas est différent. De là à faire exactement le contraire de ce que le bon sens recommande…
M. François Rebsamen. C’est exactement ce que vous avez fait en 2007 !
M. Aymeri de Montesquiou. Vous vous trompez gravement, tant dans l’analyse que dans les mesures prises, lesquelles ne peuvent nous conduire qu’à la catastrophe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. La catastrophe, c’est vous !
M. Aymeri de Montesquiou. Alors que la crise devrait nous amener à entreprendre des réformes structurelles en coupant dans les dépenses de l’État, le Gouvernement, au contraire, fait peser l’essentiel de l’effort budgétaire sur les ménages et les entreprises, en augmentant les impôts aux confins du soutenable…
M. Alain Néri. Parlez-nous plutôt du bouclier fiscal !
M. Aymeri de Montesquiou. Il ne s’attaque en rien à la cause réelle du déficit, les dépenses publiques qui dépassent considérablement les ressources du pays.
Au sein de l’Union européenne, des conditions sociales proches, sinon identiques, mettent en évidence que l’État gère de façon désastreuse nos finances publiques…
M. Alain Néri. Entre 2007 et 2012, ce n’est pas faux !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous comptons quatre-vingt-dix fonctionnaires pour mille habitants, contre cinquante fonctionnaires pour mille habitants en Allemagne. Même en pondérant les chiffres pour tenir compte de la différence des systèmes administratifs, on réalise que le poids de la fonction publique en France est anormal. C’est pourquoi la diminution du nombre de fonctionnaires est un impératif, le redressement de nos finances étant à ce prix.
La révision générale des politiques publiques, la RGPP, avait certes un caractère systématique et sans nuance…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle comportait beaucoup de nuances et était très insuffisante !
M. Aymeri de Montesquiou. … par la suppression uniforme du nombre de fonctionnaires…
M. Alain Néri. Vous avez mis le temps pour vous en apercevoir !
M. Aymeri de Montesquiou. … que justifiait son objectif simplificateur, concourant à l’efficacité par la simplicité. De plus, habileté politique ou équité, les fonctionnaires devant travailler plus bénéficiaient de 50 % de l’économie réalisée.
Pour vous démarquer de vos prédécesseurs, vous appelez ce processus « modernisation de l’action publique », ou MAP. Lancé ce matin, le séminaire du Gouvernement ouvre une réflexion sur les pistes à suivre. Il est un peu dérisoire de faire appel à la sémantique, car la solution que vous proposerez sera proche de la précédente. À question précise, réponse précise : quels sont les ministères où vous pourrez récupérer 10 milliards d’euros ? Inspirez-vous de votre coreligionnaire Paul Quilès qui, paraphrasant Robespierre, voulait que soient désignées les têtes à couper : que le Premier ministre décide quelles sont les dépenses à trancher ! (Mme Michèle André s’exclame.)
Madame le ministre, vous le savez, tout converge pour nous inciter à réduire drastiquement, dans l’urgence, les dépenses publiques : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes et de la Commission européenne, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI. Encore une fois, vous ne tenez pas compte de cette unanimité qui devrait ébranler vos certitudes, celles-ci ne reposant que sur l’idéologie et le refus du bon sens.
En corollaire à la baisse de la dépense publique, la fiscalité des ménages et des entreprises ne peut devenir insupportable dans les proportions prévues par ce projet de loi, au risque d’assécher notre économie. Les mesures confiscatoires contenues dans ce texte provoquent un exil fiscal,…
M. Alain Néri. Parlons-en !
M. Aymeri de Montesquiou. … dont la partie visible est le départ de quelques personnalités médiatiques au patrimoine important,…
M. Alain Néri. Ah oui ! C’est une honte ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
M. Albéric de Montgolfier. Depardieu n’est pas seul !
M. Aymeri de Montesquiou. … mais dont le mouvement est beaucoup plus profond et terriblement inquiétant.
Votre projet de loi de finances n’est pas incitatif, il n’encourage pas le désir d’entreprendre. Il ne donne pas envie aux jeunes diplômés de risquer le pari de créer une entreprise en France et ceux-ci partiront chercher le succès à l’étranger.
M. Alain Néri. Des bons patriotes !
M. Jean-Yves Leconte. C’est ce qui s’est passé pendant les cinq dernières années !
M. Aymeri de Montesquiou. Il ne donne pas non plus envie aux entreprises de prospérer en France, puisque la fiscalité devient confiscatoire et toute prospérité sanctionnée. Il fait fuir, hélas ! beaucoup d’entreprises et ceux qui pourraient avoir un avenir de chef d’entreprise dans notre pays… (M. Jean-Yves Leconte s’exclame.)
M. Alain Néri. Quand on aime la France, on y reste !
M. Aymeri de Montesquiou. Il hypothèque gravement notre avenir économique en compromettant la compétitivité et l’investissement.
La « TVA compétitivité », ou « TVA sociale », que vous aviez supprimée, vous la rétablissez dans une version édulcorée, dont le seul avantage réside dans des taux sans décimales, mais la faiblesse de ces taux manque l’objectif recherché par la baisse des charges salariales et patronales, à savoir augmenter la compétitivité et renchérir les importations.
Vous serez, dans un avenir très proche, confrontés au problème des retraites (M. François Rebsamen s’exclame.) avec un déficit de près de 20 milliards d’euros qui se profile à l’horizon des années 2020. Vous ne pourrez pas vous en tirer par une feinte de passe médiatique (M. François Rebsamen marque son impatience et pointe du doigt un afficheur de chronomètre.) et serez amenés à ne choisir ni la baisse des pensions ni la hausse des cotisations, vous serez donc conduits au même choix que la majorité précédente, à savoir repousser l’âge de la retraite, réforme que vous avez tant conspuée.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 rend la situation encore plus confuse.
Mme la présidente. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Aymeri de Montesquiou. Le crédit d’impôt pour les entreprises, qui aurait pu être incitatif, manque totalement d’efficacité et apparaît comme une sorte de jeu de bonneteau où, en définitive, les banques financent les engagements de l’État.
M. François Rebsamen. Le temps de parole est déjà dépassé d’une minute !
M. Aymeri de Montesquiou. Sa complexité renouvelle l’étonnement des observateurs pour qui les finances françaises sont une synthèse d’idéologie, d’absence d’incitation et d’une bonne dose de méthode Coué. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
La loi de finances est la loi mère qui détermine les priorités d’action et la mise en œuvre d’une politique, qui plus est de la politique d’un nouveau quinquennat. Elle doit être porteuse de justice, d’encouragements et d’espoirs…
M. François Rebsamen. C’est le cas !
M. Aymeri de Montesquiou. Ces qualités sont absentes de votre texte, c’est pourquoi le groupe UDI-UC ne votera pas en faveur de votre budget. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On s’en doutait !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons bientôt arriver au terme d’un processus parlementaire quelque peu chaotique et accidenté, car l’addition de positions pourtant très divergentes a conduit, le 28 novembre dernier, au rejet par le Sénat du projet de loi de finances pour 2013.
Si les choix de chacun des groupes politiques de notre assemblée sont respectables – et nous les respectons –, nous avons néanmoins été privés d’une discussion essentielle pour apprécier la cohérence de la politique budgétaire du Gouvernement. Pourtant, le débat démocratique avait tout à gagner d’une confrontation des points de vue sur les dépenses. Tel est du moins mon avis, que je crois largement partagé sur ces travées.
Conséquence de cette situation, nous abordons cette nouvelle lecture avec un texte qui porte peu l’empreinte du Sénat. C’est dommage, tant la qualité de nos travaux et la pertinence de nos amendements sont bien souvent reconnues. D’ailleurs, à l’occasion de la nouvelle lecture, notre rapporteur général l’a rappelé, les députés, dans leur immense sagesse, on réintroduit certaines des propositions sénatoriales, reconnaissant ainsi implicitement les vertus du bicamérisme et l’amélioration du texte réalisée par la Haute Assemblée.
Pour ce qui nous concerne, certaines suggestions du RDSE présentées au Sénat figurent dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui. Cette reprise a été rendue possible grâce à la mobilisation de nos collègues radicaux du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ou RRDP, à l’Assemblée nationale, qui ont permis l’adoption de cinq de nos amendements déjà approuvés par le Sénat avant qu’il ne rejette l’ensemble du texte.
Je pense notamment au relèvement de 6 à 7 chevaux fiscaux du plafond fixé pour limiter la déduction au titre des frais professionnels relatifs aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Cette mesure visait à soulager les salariés du monde rural, fortement pénalisés par le dispositif initial.
Nous avions également eu, en première lecture, quelques égards pour les collectivités locales dont certaines sont très fragilisées par la crise. Dans le souci de ne pas aggraver leurs difficultés, nous avions proposé de supprimer l’article 13 bis relatif à la modulation tarifaire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, pour les installations de stockage de déchets ménagers ayant fait l’objet d’une certification de management environnemental.
Enfin, l’article 6 relatif au régime fiscal des plus-values mobilières, très discuté et finalement rejeté par le Sénat, a connu une seconde naissance avec quelques-uns des aménagements que le RDSE avait proposés ici même.
Mes chers collègues, à ce stade, les choses ne sont pas encore totalement figées et cette nouvelle lecture pourrait permettre d’améliorer encore certaines dispositions, afin d’engager encore un peu plus nos finances dans une trajectoire à la fois saine et juste. Au fond, il s’agit bien, avant tout, de redonner de la crédibilité à notre politique budgétaire et de restaurer une vraie justice fiscale. Après des années de faux-semblants, il est temps de répondre à une triple exigence.
La première porte évidemment sur la maîtrise des finances publiques, avec l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB. Pour la première fois, le projet de loi de finances traduit concrètement cette volonté. L’effort structurel en dépenses atteindra 0,3 % du PIB en 2013. L’opposition juge cet effort trop faible, mais qu’ont fait les précédents gouvernements ?...
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !
M. Yvon Collin. Jusque-là, beaucoup d’annonces, mais peu d’effets, avec une dette publique toujours croissante. Ils se prétendaient fourmis quand ils n’étaient que cigales ! Selon le rapport de la Cour des comptes publié en 2011, l’effort structurel sur les seules dépenses primaires a été nul.
Ce projet de loi de finances est guidé par une seconde exigence, mes chers collègues, celle de limiter l’impact de l’assainissement budgétaire sur la croissance. Nous en avons discuté longuement lors de l’examen des recettes en première lecture. L’imposition des entreprises est rééquilibrée pour favoriser l’investissement, par les articles 14 à 18 du projet de loi de finances. Les radicaux approuvent le principe qui consiste à favoriser les PME afin de ne pas porter atteinte à leur compétitivité. Toutes ces mesures sont bien entendu à mettre en parallèle avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, instauré par le projet de loi de finances rectificative pour 2012, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer samedi dernier. J’en avais souligné la pertinence, tout en regrettant, comme M. le rapporteur général, un ciblage insuffisant sur le secteur industriel.
Malgré cette dernière réserve, d’une façon plus générale, je me félicite, madame la ministre, de la détermination du Gouvernement à placer les entreprises au cœur de la croissance. Certains parlent de virage social-démocrate à l’allemande : peu importe, tant que le réalisme sert de curseur à la politique économique d’aujourd’hui qui ne peut ignorer l’ouverture des frontières.
Pour autant, nous ne renonçons pas à une dose de keynésianisme en conservant du pouvoir d’achat aux ménages, en particulier les plus modestes d’entre eux, par une concentration des hausses d’impôts sur les plus aisés. Cette troisième et dernière exigence conduira la grande majorité du RDSE à approuver le projet de loi de finances pour 2013. Ce texte est en effet porteur de justice sociale, car l’effort est réparti entre les citoyens « en raison de leurs facultés ».
En votant ce budget, mes chers collègues, nous marquerons une rupture, nous concrétiserons le changement et nous redonnerons ainsi du sens au pacte républicain qui nous oblige, en termes de solidarité et d’équité fiscales. Toutefois, s’il s’avère nécessaire, pour permettre au budget d’être adopté dans des délais raisonnables par le Parlement et de poursuivre ainsi le redressement de notre économie, de voter la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le groupe socialiste, nous y sommes prêts ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est au pied levé que je remplace notre collègue et président de groupe Jean-Vincent Placé, qui a perdu la voix… (Exclamations.) très momentanément !
Nous venons de finir le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui contient notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et la refonte de la TVA. Après un très bref intervalle, nous examinons maintenant le projet de loi de finances pour 2013 en nouvelle lecture, avec des perspectives renouvelées.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 et dans le but d’atteindre l’objectif d’un déficit public ramené à 3 % du PIB, un effort de 30 milliards d’euros a été demandé aux Français. Il assurait un partage relativement équitable entre les entreprises, principalement les plus grandes, et les ménages les plus aisés, sans augmentation générale des impôts. Cet équilibre fragile semble néanmoins être remis en cause par le projet de loi de finances rectificative pour 2012, puisque ce dernier prévoit 10 milliards d’euros d’économies et 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires afin de financer le CICE.
Jean-Vincent Placé a eu l’occasion d’exprimer, lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2013, les inquiétudes du groupe écologiste du Sénat quant à la réduction drastique des dépenses de l’État. Vous comprendrez que ces 10 milliards d’euros d’économies nouvelles ne nous rassurent guère. D’ailleurs, je ne souscris absolument pas à l’analyse de notre collègue UMP relative au rôle et au travail de la fonction publique, si nécessaires pour mener à bien les politiques publiques.
M. Jean-Claude Frécon. Très bien !
M. Joël Labbé. Le budget n’est pourtant pas un outil extensible. Nous sommes assez sceptiques quant aux marges de manœuvre dont disposent certains ministères, comme ceux de l’écologie, de la culture ou de la santé, en raison des coupes budgétaires envisagées dans le projet de loi de finances pour 2013. Celles-ci risquent d’être encore davantage limitées par des recherches d’économies supplémentaires.
De quelle manière allons-nous financer la solidarité et la transition écologique de l’économie sans les moyens nécessaires ?
La création de la Banque publique d’investissement est une excellente nouvelle, mais, semble-t-il, elle ne suffira pas. Le fameux plan de modernisation de l’action publique parviendra-t-il à dégager 10 milliards d’euros ?
Faire mieux avec moins, c’est envisageable, mais cette doctrine nous a déjà démontré ses limites avec feu la RGPP et ses conséquences désastreuses. Nous avons pu le constater dans des secteurs prioritaires, comme la sécurité ou l’éducation, sous l’ancien gouvernement. La gauche a largement décrié cette méthode. Aussi, nous avons pleinement confiance dans notre nouveau gouvernement pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
Pour dépenser mieux et plus efficacement, la solution que représentent notamment les dépenses publiques écoresponsables ne doit pas être oubliée. Le groupe écologiste, par l’intermédiaire de Jean-Vincent Placé, a déjà eu l’occasion de le signaler au Gouvernement, mais je tiens à le souligner une fois de plus.
Parmi les mesures positives, nous retenons la revalorisation du montant de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, la fixation du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, la contribution exceptionnelle de solidarité sur la fraction des revenus d’activité professionnelle supérieure à 1 million d’euros, la création d’une tranche d’imposition supplémentaire au taux de 45 % pour la fraction de revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial, la fixation du régime d’imposition des plus-values immobilières, ou encore la prorogation du dispositif du malus automobile et l’abaissement de l’ensemble de ses tranches.
Nous nous félicitons également de l’adoption d’une mesure proposée par le Gouvernement visant à augmenter la dotation pour les communes les plus pauvres, à la suite notamment de la manifestation personnelle du maire écologiste de Sevran, Stéphane Gatignon.
Nous regrettons toutefois que nos amendements sur l’huile de palme, l’aspartame, la taxe sur les transactions financières affectée au Fonds de solidarité pour le développement – que nous n’étions pas les seuls à porter – ou encore la contribution des sociétés d’autoroutes au financement des trains Corail et des trains de nuit n’aient pas été adoptés dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Au final, nous nous félicitons des mesures sociales inscrites dans le projet de loi de finances pour 2013, mais nous déplorons le trop peu de considération pour les orientations écologistes. Nous ne comptons toutefois pas refaire le débat ici, nous avons eu tout le loisir de développer nos arguments lors de la première lecture.
Passés ces premiers mois dans des conditions particulièrement délicates et difficiles, pour l’année prochaine, nous souhaitons vivement pouvoir être pleinement associés aux réflexions pour dessiner ensemble les nécessaires nouvelles orientations socio-économico-écologiques.
Dans cette perspective, le groupe écologique, fidèle à ses conclusions à l’issue de l’examen en première lecture, votera favorablement et loyalement le projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, revenons un peu au fond des choses, c’est-à-dire au cadre macroéconomique dans lequel se situe cette loi de finances pour 2013.
Lorsque nous avons débattu en première lecture, beaucoup d’entre nous se sont posé des questions sur l’hypothèse de croissance, que je considérais comme très optimiste, irréaliste. Aujourd’hui, à un mois de distance, compte tenu des nouveaux éléments d’information et de prévision dont nous disposons, cet irréalisme me semble encore plus avéré, au point qu’il entache, à mon sens, la loi de finances d’insincérité.
Rappelons que cette hypothèse de croissance est de 0,8 % pour 2013 et que, lors du dépôt du projet de loi de finances, le consensus des conjoncturistes se situait à 0,3 %.
Certes, le Gouvernement était volontariste, optimiste, mais, hélas ! pas plus que ce n’est habituellement le cas. On peut le regretter, mais les gouvernements, de diverses tendances, se sont en général facilité la tâche, ont évité de trop arbitrer dans les dépenses au moment d’élaborer un budget en se fondant sur une hypothèse de croissance optimiste, en moyenne supérieure de 0,3 point à la prévision du consensus.
Aujourd’hui, nous sommes bien au-delà de ce décalage, car, selon les dernières parutions des instituts de prévision et de conjoncture, le consensus est de l’ordre de 0,1 %. Vingt-deux organismes de prévision sont observés et les chiffres qui sont donnés, si l’on en exclut deux manifestement hors des ordres de grandeur de tous les autres, sont compris entre - 0,5 % et + 0,4 %.
Naturellement, personne d’entre nous n’a de boule de cristal. Cependant, les exigences de l’arithmétique existent et le taux de croissance de l’année n+1 résulte pour une bonne part, vous le savez, madame le ministre, de données déjà connues. En d’autres termes, si l’on s’appuie sur les estimations actuelles de l’INSEE pour les trois premiers trimestres de 2012 et si l’on suppose que la croissance sera nulle au quatrième trimestre, pour avoir une croissance de 0,8 % l’année prochaine en moyenne annuelle, ce que prévoit toujours le Gouvernement, il faudrait une croissance de 0,3 % de trimestre à trimestre tout au long de l’année 2013, ce qui équivaut à 1,2 % en rythme annualisé, proche de la croissance potentielle qui est aujourd’hui estimée à environ 1,6 %.
Je vous pose la question, madame le ministre : est-ce concevable, alors que le Gouvernement, d’ailleurs à juste titre, prévoit de réduire dans ce budget le déficit structurel de deux points, ce qui, selon les raisonnements habituellement suivis, devrait réduire la croissance d’environ un point ? Je crois qu’il faut parfois écouter, malgré nos différences tout à fait considérables, ce qui est dit à l’extrême gauche. Il est bien vrai que l’effort de convergence vers un déficit de 3 % implique un effort véritablement rigoureux pesant sur le peu de croissance que l’on peut encore prévoir.
Donc, au total, madame le ministre, le cadre dans lequel s’inscrit le projet de loi de finances pour 2013 paraît vraiment très loin de la réalité plausible.
À cela s’ajoute un second élément. Nous le savons tous, mes chers collègues, l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi achève de vider de son sens aussi bien le projet de loi de finances pour 2013 que, par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017. La loi de programmation n’intègre en rien le crédit d’impôt et son financement, car accepter, même à terme, une charge publique nouvelle de 20 milliards d’euros suppose que l’on établisse son financement de manière crédible.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je comprends que nos collègues écologistes s’inquiètent que l’horizon d’une fiscalité selon leurs vœux et leurs concepts soit très flou dans le lointain. Par ailleurs, je conçois que mes amis, de leur côté, soient préoccupés par des réductions de dépenses qui ne sont en rien documentées et s’inquiètent que l’on nous fasse valoir une démarche sous une nouvelle appellation qui mettra nécessairement un certain temps à porter ses fruits.
Mes chers collègues, dans ce contexte, comment serait-il concevable de partager la logique de la loi de finances que vous nous soumettez ? Comment serait-il concevable que l’opposition ne manifeste pas ses préoccupations, ses craintes et n’expose pas ses analyses, comme d’ailleurs elle l’a fait tout au long de la première partie de la loi de finances en première lecture ?
C’est là qu’intervient l’aléa de procédure de ce soir, et je conclurai par ce dilemme devant lequel nous nous trouvons. La discussion s’opère en quelque sorte techniquement à front renversé, car nous anticipons une motion visant à opposer la question préalable, à propos de laquelle la commission des finances va émettre un avis, défendue par ceux-là mêmes qui sont les plus attachés au texte du Gouvernement.
Mme Michèle André. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est pour le sauver, pour qu’il soit appliqué !
M. François Rebsamen. C’est pour la France !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Singulier paradoxe !
Quant à nous, qui sommes bien entendu prêts à travailler toute la semaine s’il le faut pour aller au bout de l’examen de ce texte (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) mais qui sommes profondément en désaccord avec ses orientations,…
M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne croyez même pas ce que vous racontez !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … en particulier avec sa partie fiscale, nous nous apprêtons sans doute à voter contre cette motion visant à opposer la question préalable.
M. Claude Haut. Vous ne croyez pas ce que vous dites !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À la vérité, si l’on a des regrets en particulier en matière de législation concernant les collectivités territoriales,…
M. Jean-Pierre Caffet. Il fallait y penser avant !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … si l’on déplore de ne pas aller jusqu’au bout de la discussion, il est encore temps, mes chers collègues, d’éliminer ce regret et d’examiner les amendements qui ont été préparés par les uns et les autres. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Frécon. Il fallait le faire avant !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je ne saurais préjuger de l’avis que va émettre, dans quelques instants, la commission des finances. Je me tourne vers vous, madame le ministre, en revenant au fond des choses, pour vous demander quand et comment le Gouvernement envisage de rectifier, au cours de l’année 2013, cette loi de finances hors des clous, irréaliste que vous nous proposez. Notre crédibilité en Europe et, vous l’avez dit vous-même, les conditions de notre financement en dépendent. À partir d’un certain moment, il apparaîtra clairement que cette loi de finances est totalement décalée par rapport à la réalité…