M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, conformément à la décision de la conférence des présidents, je vais suspendre la discussion de ce texte, qui pourrait être inscrite à l’ordre du jour d’un prochain espace réservé au groupe UMP.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Quelles conditions de travail !
7
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
La liste des candidats a été affichée.
Je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Gaëtan Gorce, Jean-Yves Leconte, Mme Éliane Assassi, MM. François-Noël Buffet, Jean-Jacques Hyest et François Zocchetto.
Suppléants : M. Nicolas Alfonsi, Mme Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès, M. Jean-Pierre Michel et Mme Catherine Troendle.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant création du contrat de génération, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.
Acte est donné de cette communication.
9
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis, tout comme vous, de ce nouveau débat sur l’avenir de l’Europe et, plus particulièrement, de l’Union économique et monétaire. Il nous réunit à la veille du Conseil européen des 13 et 14 décembre, qui sera l’occasion, nous l’espérons, de progresser sur la voie de l’intégration européenne et de l’efficacité des politiques qu’elle met en œuvre.
Je souhaite profiter de cette occasion pour évoquer devant vous quelques-uns des sujets que nous avons décidé de mettre en perspective depuis six mois et qui constituent autant de priorités de la politique européenne du Gouvernement. Ces moments d’échange ont en effet pour principal intérêt de matérialiser la cohérence des projets, de définir les objectifs, de les inscrire dans la durée en fixant un calendrier, de rappeler les étapes franchies et celles qui restent à franchir.
J’insisterai sur quelques idées simples, afin de laisser le temps à l’échange et à la confrontation des points de vue.
Nous avons trois objectifs visant à réorienter la politique de l’Union européenne.
Le premier objectif, qui a présidé au Conseil européen de juin dernier, et qui correspondait par ailleurs à un engagement pris pendant la campagne présidentielle par le Président de la République, est de rééquilibrer la politique de discipline budgétaire, utile pour faire converger les différentes politiques budgétaires de l’Union, par des mesures en faveur de la croissance.
Le deuxième objectif, sans lequel on ne pourra pas relancer la croissance, vise à organiser le système financier et bancaire de telle sorte qu’il finance bien l’économie réelle, et non des activités spéculatives hasardeuses.
Enfin, une fois la discipline budgétaire en place, et dès lors que les politiques budgétaires et économiques convergent, il doit être possible de faire davantage en faveur de la solidarité. C’est notre troisième objectif.
Croissance, remise en ordre de la finance, solidarité : voilà les trois sujets que je souhaite évoquer ce soir, le plus concrètement possible, en vous indiquant à chaque fois ce que nous avons fait et ce qu’il nous reste à faire.
S’agissant du premier point, la croissance, je rappelle que le plan de 120 milliards d’euros arrêté lors du Conseil européen de juin dernier est en cours d’application.
Je veux profiter du présent débat pour vous indiquer comment ce pacte de croissance est mis en œuvre et où en sont les discussions nouées entre le Gouvernement et la Commission sur ce sujet.
Je rappelle, tout d’abord, que ces 120 milliards d’euros se répartissent en trois enveloppes : 55 milliards d’euros de fonds structurels, qui correspondent à des fonds budgétés non engagés ; 10 milliards d’euros pour la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, la BEI, pour lui permettre d’accorder des prêts à hauteur de 60 milliards d’euros en vue de financer des projets structurants bénéfiques pour l’Europe, qu’il s’agisse d’investissements dans les domaines de l’équipement numérique des territoires, des transports intelligents et modernes, ou de la transition énergétique – autant d’exemples emblématiques des projets que nous souhaitons soutenir, en articulation avec le programme Connecting Europe, sur lequel je reviendrai dans quelques instants – ; enfin, 4,5 milliards d’euros d’obligations de projets, ou project bonds, initiative rendue possible grâce à la mobilisation de 350 millions d’euros de garanties par la Commission européenne.
Nous avons demandé à l’ensemble des secrétaires généraux pour les affaires régionales, par circulaire du Premier ministre, de bien vouloir nous faire connaître, région par région, les montants des enveloppes susceptibles d’être mobilisées en faveur de nouveaux projets d’investissement, en particulier ceux qui relèvent de la stratégie Europe 2020.
M. Christian Bourquin. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Disant cela, je m’adresse à ceux qui, dans cette assemblée, sont présidents de région ou maires de grandes villes. Je salue notamment M. Christian Bourquin, à qui je rendrai visite lundi prochain pour discuter de ces enjeux. Notre objectif est en effet de décliner ce plan de croissance dans les territoires.
Une enveloppe d’un montant de 2,5 milliards d’euros environ est susceptible d’être déployée dans le courant de l’année 2013, au titre des fonds structurels préfigurés pour alimenter le plan de croissance.
Pour ce qui concerne les prêts de la Banque européenne d’investissement, vous avez voté en loi de finances la contribution de la France à sa recapitalisation, soit une enveloppe de 1,6 milliard d’euros. Faisant suite à la réunion du conseil d’administration de la BEI en juillet dernier, son conseil des gouverneurs se réunira en décembre prochain, afin d’arrêter les dispositions qui permettront d’engager 60 milliards d’euros de prêts supplémentaires, opération rendue possible grâce à la recapitalisation précédemment évoquée.
Enfin, la Commission européenne a pris des dispositions juridiques et règlementaires pour que les project bonds puissent entrer en vigueur en 2013 ; ceux-ci s’articuleront avec les prêts de la BEI pour financer des projets innovants.
Nous souhaitons que le taux d’émargement de la France auprès de la BEI pour ce qui concerne les obligations de projets soit à la hauteur de l’ambition portée par le plan de croissance. Pour cette raison, nous attendons à peu près 7 à 8 milliards d’euros de ces dispositifs, ce qui porterait le montant de la première enveloppe mobilisable pour la France à 10 milliards d’euros.
M. Roland Courteau. Tout de même !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comme je l’ai dit au président Simon Sutour, je viendrai devant la commission des affaires européennes du Sénat dès le début de l’année 2013 rendre compte très concrètement, région par région, des projets qui auront pu bénéficier de ce moyen budgétaire. Ainsi le Parlement bénéficiera-t-il d’une information lisible sur ce plan de croissance.
M. Roland Courteau et M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En vous transmettant cette information, que nous devons au Parlement, je m’épargne certains propos, que j’ai pu entendre dans une autre assemblée, mettant en cause la réalité de ce plan. La meilleure façon de répondre à de telles interrogations est d’indiquer comment il est doté, à quoi il sert et quels sont les projets qu’il finance.
Nous entendons également prolonger l’ambition de croissance portée dans ce plan par les perspectives financières de l’Union européenne pour la période 2014-2020.
Le Conseil européen sur le budget de l’Union, qui s’est tenu il y a une dizaine de jours, n’a certes pas permis d’aboutir à un compromis, mais nous avons cependant progressé.
Au début de ce Conseil, nous étions en effet confrontés à de sérieuses difficultés, certains États réclamant à la fois des coupes dans le budget de l’Union européenne et des chèques pour eux-mêmes. Pour notre part, nous avons refusé que la négociation se réduise à une discussion sur des coupes et des rabais.
Exiger 200 milliards d’euros de coupes dans les propositions de la Commission, comme l’envisageait le précédent gouvernement, alors que nous nous étions battus en juin pour obtenir un plan de croissance de 120 milliards d’euros, n’aurait pas été très cohérent !
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous ne voulons pas proposer des coupes supplémentaires par rapport à celles qui sont demandées par le président du Conseil européen.
Tout d’abord, nous considérons que l’enveloppe de 983 milliards d’euros doit permettre d’alimenter un budget satisfaisant et de mener de bonnes politiques de croissance.
Ensuite, nous voulons un rééquilibrage entre toutes les politiques favorisant la croissance portées par l’Union européenne et définies dans la stratégie Europe 2020, c’est-à-dire celles figurant à la rubrique 1a intitulée « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », sans oublier la politique agricole commune et la politique de cohésion. Toutes ces politiques ont en effet pour objectif le développement de notre territoire.
Enfin, nous souhaitons que le budget de l’Union européenne soit doté de ressources propres.
Remettre en cause les chèques et les rabais n’est pas suffisant ; il est également nécessaire que le budget de l’Union européenne ne dépende pas, à terme, de la seule contribution RNB, mais suive une dynamique de financement reposant sur des ressources propres. C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons que le Parlement européen ait adopté aujourd’hui même les dispositions relatives à la taxe sur les transactions financières. Les gouvernements des onze États qui accepteront une coopération renforcée dans le domaine de cette taxe demanderont par courrier à la Commission de préparer un texte législatif en vue de la rendre effective au début de l’année 2013.
Nous souhaitons aussi, dans une perspective de croissance, favoriser le développement du marché intérieur, ce qui ne signifie pas davantage de dérégulation ou de libéralisme. L’harmonisation sociale et fiscale doit être la règle.
Ainsi, en matière sociale, le marché intérieur doit permettre de développer la portabilité des droits sociaux et de mettre en place un dispositif garantissant lesdits droits, la reconnaissance des qualifications professionnelles et un salaire minimum européen. Cette dernière mesure évitera l’apparition de distorsions de concurrence liées à des différences salariales entre les États de l’Union européenne.
Le marché intérieur sera ainsi le lieu d’un haut niveau de protection et de garanties sociales. S’il doit y avoir harmonisation, elle doit se faire par le haut.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en viens au second point, la remise en ordre de la finance.
Si nous voulons relancer la croissance, nous devons faire en sorte que les errements spéculatifs d’hier ne puissent pas se reproduire demain. Par conséquent, il est nécessaire de construire résolument une Europe dans laquelle la finance sera mise au service de l’économie réelle, de la croissance durable, et non d’activités spéculatives hasardeuses, qui sont à l’origine des difficultés auxquelles les États se trouvent confrontés.
M. Roland Courteau. Il fallait le dire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La dette souveraine, c’est-à-dire la dépense publique, n’est pas à l’origine de tous nos maux. C’est la spéculation qui a conduit aux errements que nous connaissons et qui a obligé les États, par la dépense publique, à amortir les chocs conjoncturels et à recapitaliser les banques.
Si la dépense publique a augmenté, notamment en 2007 et 2008, c’est parce que les États ont dû amortir les chocs induits par des abus spéculatifs, résultant eux-mêmes d’un défaut de régulation, et non parce que cette dépense est problématique en tant que telle ! La conséquence n’est pas la cause, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains économistes libéraux.
Pour autant, il nous faut remettre de l’ordre non seulement dans la finance, mais aussi dans nos comptes ; nous n’y parviendrons pas si la croissance n’est pas au rendez-vous. Telle est la cohérence de notre politique.
La remise en ordre de la finance, cela signifie la réalisation en Europe d’une véritable Union bancaire, fondée sur trois éléments : un dispositif de supervision bancaire qui doit conduire toutes les banques européennes à être chapeautées par un superviseur unique, à savoir la Banque centrale européenne ; un mécanisme de résolution des crises bancaires ; et de garantie des dépôts des épargnants.
Je veux rappeler dans quelle séquence nous nous inscrivons et mettre ainsi en perspective le Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine.
Il a été décidé, au mois de juin dernier, de mettre en œuvre la supervision des banques. Un compromis a été trouvé s’agissant de la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, laquelle devra attendre l’entrée en vigueur de cette supervision.
Nous avons également décidé, à l’occasion du même Conseil européen, que la supervision des banques et leur recapitalisation par le Mécanisme européen de stabilité justifiaient la possibilité, pour le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, d’intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines de manière à lutter efficacement contre la spéculation.
Il a également été arrêté, le 6 septembre dernier, que la Banque centrale européenne, sur une initiative positive de son président, Mario Draghi, interviendrait sur le marché secondaire des dettes souveraines aussi longtemps que la spéculation se développerait, de manière que le MES, le FESF et l’intervention de la Banque centrale constituent un véritable pare-feu face à la spéculation et aux dégâts qu’elle produit.
Au mois d’octobre, nous avons arrêté le périmètre et les modalités de la supervision, à savoir le principe de la supervision de toutes les banques par le superviseur unique qu’est la Banque centrale européenne. Aujourd’hui, il nous faut acter définitivement, en le consolidant, le dispositif. C’est l’enjeu du Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine. Comment déterminer exactement les modalités d’intervention du superviseur unique, la Banque centrale européenne, et les relations qu’il entretiendra avec les banques centrales des États ? Ce n’est pas parce que nous avons décidé de la supervision de toutes les banques que la Banque centrale européenne devra seule superviser la totalité des 6 000 banques européennes. Il faut donc trouver une articulation entre la BCE et les banques centrales nationales, définir qui supervise les banques systémiques et qui supervise les autres. Il convient de garantir la possibilité d’évocation devant le superviseur unique pour toutes les banques, même si celles-ci ne sont pas toutes supervisées par la BCE, de manière à garantir l’efficacité du dispositif.
Voilà ce que nous voulons faire. J’ajoute que ce mécanisme de supervision doit permettre de profiler, dans la feuille de route sur l’Union économique et monétaire qui nous sera présentée par le président Van Rompuy, un système harmonisé de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants.
C’est quand nous aurons mis en place à la fois la supervision bancaire, la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts des épargnants que nous disposerons de l’Union bancaire, autrement dit d’un dispositif complet et cohérent de stabilisation et de contrôle de la finance, à même de garantir que cette dernière peut être mise au service de l’économie réelle. Tel est l’objet du Conseil européen des 13 et 14 décembre.
Je voudrais dire quelques mots, pour conclure, sur la solidarité.
La convergence des politiques budgétaires doit aller dans le sens d’une plus grande discipline budgétaire. Si nous ne parvenons pas à remettre en ordre nos comptes, nous serons confrontés à la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui un certain nombre d’États du sud de l’Europe, soumis à de hauts niveaux de taux d’intérêt, les fameux spreads, lesquels viennent ruiner les efforts que ces États ont déployés pour rétablir l’équilibre de leurs comptes.
Nous ne voulons pas être dans une situation de dépendance par rapport aux marchés : la perte de la souveraineté dépend parfois de l’incapacité des États à dominer les marchés. Les politiques budgétaires hasardeuses menées par le passé pourraient en effet nous conduire à être davantage encore entre les mains des marchés, comme c’est le cas aujourd’hui d’autres pays de l’Union européenne.
Par conséquent, nous reconnaissons la nécessité de la discipline budgétaire. Pour autant, dès lors que la convergence des politiques budgétaires et économiques est organisée, la solidarité doit être possible. L’Europe ne peut être un espace institutionnel et politique dans lequel ne s’expriment que des logiques punitives et disciplinaires ; il en faut, mais elles ne doivent pas être exclusives de toute autre politique.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si l’Europe devient une maison de redressement, les Européens risquent de ne pas continuer à adhérer aux projets des pères fondateurs. Il faut par conséquent redresser, mais aussi croître, se développer et créer les conditions de la solidarité.
Trois instruments sont évoqués dans le blueprint de la Commission européenne, mais aussi dans les réflexions du Conseil européen.
Le premier instrument est la contractualisation, qui est destinée à accompagner les politiques structurelles. Nous reconnaissons qu’elle est nécessaire. Mais des accords sur les grands investissements de compétitivité de demain, qui créeront la croissance d’après-demain et permettront d’échapper à la récession d’aujourd’hui, doivent également être rendus possibles. Nous en avons besoin. Je pense aux grands projets d’investissement dans l’innovation et les transferts de technologies relevant du programme Connecting Europe ou de la stratégie Europe 2020. Nous avons par ailleurs besoin d’une politique pour l’emploi. La contractualisation ne peut donc être, à nos yeux, qu’une contractualisation de compétitivité et de croissance.
Le deuxième instrument est le budget de la zone euro. La capacité budgétaire de la zone euro ne peut se réduire comme peau de chagrin, pour accompagner des réformes structurelles qui s’inscriraient une fois de plus dans des logiques disciplinaires. Un budget de la zone euro devra permettre de mener des politiques contracycliques d’amortissement des chocs conjoncturels et d’accompagnement d’une ambition de croissance.
Par ailleurs, ce budget ne saurait percuter toute la solidarité que nous engageons à travers les perspectives financières de l’Union à vingt-sept. Nous ne pouvons donc pas accepter d’ouvrir ce dossier avant d’avoir trouvé un accord sur ces perspectives pour 2014-2020. Sinon, nous conforterons la légitimité de ceux qui veulent réaliser des coupes dans le budget de la zone euro. Je ne désigne aucun pays en particulier, mais certains reconnaîtront celui auquel je pense à l’instant.
M. Roland Courteau. Nous l’avons reconnu !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils ne roulent pas toujours à gauche, en dépit des règles qui régissent leur code de la route ! (Sourires.)
Dernière préoccupation, le budget ou la capacité budgétaire de la zone euro ne peuvent être considérés comme le seul instrument de solidarité de l’Union européenne. Il faut également prévoir une mutualisation de la dette. Celle-ci – sans risque, dès lors qu’elle est assortie de la discipline budgétaire – doit-elle se faire par des émissions obligataires communes à terme, conjointes, ou bien par une capacité d’emprunt de la zone euro ? La question, techniquement ouverte, est posée. La France entend que ces débats aient lieu, même si elle ne présage pas des conditions dans lesquelles se feront les compromis.
J’en viens, enfin, à la question de la démocratisation de l’Union européenne. S’il y a davantage d’union politique, il doit y avoir une plus grande lisibilité démocratique et une meilleure mise en œuvre, par les Parlements, de leurs prérogatives souveraines. Nous devrions par exemple être capables de présenter au Sénat les recommandations par pays élaborées par la Commission européenne dans le cadre du semestre européen avant le vote de la loi de finances et non après, comme nous le faisons aujourd’hui. L’amélioration du fonctionnement démocratique de l’Union doit permettre la convergence des calendriers budgétaires. Cela signifie également que nous devons réunir plus souvent l’Eurogroupe, que les grandes décisions de politique économique doivent davantage relever de codécisions entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen, ou encore que les Parlements nationaux doivent exercer leurs prérogatives de contrôle sur les questions qui relèvent du dialogue entre la Commission et les États.
Voilà ce que je voulais vous dire sur les enjeux du Conseil européen. Je forme le vœu que nous ayons d’autres débats de ce type, qui soient l’occasion d’échanges approfondis sur un sujet qui nous rassemble et nous passionne : l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission².
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat préalable au Conseil européen des 13 et 14 décembre prochains. C’est l’occasion pour nous d’évoquer avec le ministre chargé des affaires européennes les questions qui y seront abordées, mais aussi, à travers le débat interactif et spontané qui se tient après l’intervention des représentants des groupes, l’ensemble des sujets liés à la problématique de l’Union européenne. Ce débat est un point fixe très utile et je suis heureux que nous l’ayons maintenu.
Comme il est normal dans la période que nous traversons, ce sont les sujets économiques, budgétaires et financiers qui sont en tête de l’agenda du Conseil européen. Les objectifs sont ambitieux, puisqu’il s’agit d’avancer sur tous les aspects de l’Union économique et monétaire, qu’ils concernent l’Union bancaire ou le renforcement de la gouvernance de la zone euro.
J’ouvre une parenthèse institutionnelle pour souligner que la manière dont travaille le Conseil européen montre bien les progrès permis par le traité de Lisbonne. Il y a une bien plus grande continuité dans les travaux du Conseil européen, en même temps qu’une concentration sur les sujets essentiels. Nous ne voyons plus les catalogues hétéroclites qui concluaient autrefois les réunions.
M. Christian Bourquin. C’est exact !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Ce renforcement du Conseil européen n’est cependant qu’un moyen. Tout dépend des orientations qui sont retenues, et la tournure que semble prendre l’achèvement de l’Union économique et monétaire peut susciter, sur certains points, des interrogations somme toute légitimes.
Le Conseil européen va évoquer l’Union bancaire, et c’est une bonne chose, car à mesure que la crise de 2008-2009 s’éloigne dans le temps, on sent que la détermination commence à fléchir. Nous devons rester vigilants. Au vu des défaillances du passé, il ne faut pas s’écarter du principe d’une supervision unifiée, concernant l’ensemble des banques.
La responsabilité ultime doit être entre les mains de la BCE, et d’elle seule, j’insiste sur ce point. Bien entendu, elle devra s’appuyer sur les superviseurs nationaux, mais ils devront agir sous son contrôle, et ce quelle que soit la taille des banques. Vouloir limiter la supervision de la BCE aux banques « systémiques », c’est s’exposer à d’interminables controverses, car il n’existe pas de critère indiscutable pour définir ces dernières. Surtout, l’expérience montre que de « petites » banques peuvent susciter de grands dommages.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. J’ajoute qu’une supervision unifiée devra avoir pour corollaire, dès que possible, un système commun de résolution des faillites : c’est une question de cohérence.
Je n’ignore pas que la réalisation de l’Union bancaire rencontre de fortes résistances. Mais, alors que nous subissons encore les séquelles de la crise de 2008-2009, on ne peut se contenter de solutions au rabais. Il faut faire en sorte que ce type de crise ne puisse pas se reproduire : c’est une simple question de crédibilité pour l’Europe.
Concernant maintenant la gouvernance de la zone euro, j’avoue que certains des thèmes en discussion me laissent perplexe.
Aspect positif, le Conseil européen met désormais en tête de ses priorités « la croissance et l’emploi au niveau national ». C’est là une grande victoire pour notre pays, et en particulier pour notre nouveau Président de la République, qui développe ces thèmes depuis son élection. Cependant, pour atteindre ce but, il semble que le principal, sinon le seul moyen envisagé soit de faire pression sur les États pour qu’ils réalisent des réformes structurelles. La Commission européenne se propose ainsi de définir un « cadre », afin de coordonner celles-ci. Quant au président du Conseil européen, il entend mettre en place des « arrangements contractuels » avec chaque État membre sur les réformes à entreprendre et sur leur mise en œuvre. Cette idée doit être mise en rapport avec celle, également lancée par M. Van Rompuy, d’une « capacité budgétaire » propre à la zone euro, qui pourrait être en partie utilisée soit comme encouragement, soit comme sanction au regard de la mise en œuvre des réformes structurelles. À cet égard, il est pour le moins permis de s’interroger.
Le pacte de stabilité et de croissance a déjà été sensiblement durci par le premier paquet sur la gouvernance économique, le six-pack. À cela est venu s’ajouter le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, qui a introduit des exigences supplémentaires. Ce n’est pas tout, puisqu’un deuxième paquet renforçant encore la surveillance budgétaire, le two-pack – je prie ceux qui ne sont pas familiers de ce vocabulaire de bien vouloir m’excuser ! – est actuellement en cours d’examen. De plus, le futur cadre financier pluriannuel, lui aussi en discussion, prévoit de suspendre le versement des fonds de cohésion aux États qui ne respecteraient pas leurs engagements dans le cadre de la gouvernance économique. Monsieur le ministre, je partage votre point de vue : l’Europe doit être tout, sauf une maison de redressement.