M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement jalon, si je puis m'exprimer ainsi.
Depuis plusieurs années en effet, la commission des finances travaille sur le thème de la fiscalité de l'économie numérique. Elle s'est en particulier efforcée, organisant à cette fin plusieurs tables rondes, de percer les montages d'optimisation fiscale qui permettent à de grandes sociétés multinationales, très dominantes sur les marchés de l'économie numérique, d'exercer une activité croissante sur notre territoire et de payer à l'État à peu près aucun impôt, sinon des montants dérisoires et totalement disproportionnés.
Je n’en doute pas : ce sujet ne peut laisser indifférent un ministre du budget. La commission des finances du Sénat y accorde pour sa part beaucoup d'importance ; j’en veux pour preuve les travaux qu’elle a conduits.
Au début de l'été dernier, j'ai proposé à la commission des finances quelques orientations et, le 19 juillet dernier, j’ai déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable. Celle-ci devrait être examinée à la fin du mois de janvier prochain, dans le cadre de l'ordre du jour réservé à mon groupe.
Dans cet amendement, j’ai repris les principales dispositions issues de ce que nous avons appelé la « feuille de route », c'est-à-dire l'essentiel des mesures qui se trouvent dans ma proposition de loi.
Ce mécanisme comporte deux volets.
Le premier est procédural. Il prévoit une obligation de déclaration d’activité par les acteurs de services en ligne basés à l’étranger à partir de certains seuils d’activités et selon deux variantes. L’entreprise assujettie opte soit pour la désignation d’un représentant fiscal sur le modèle procédural de l’agrément accordé aux sites de jeux en ligne, soit pour le régime spécial de déclaration des services fournis par voie électronique, procédure simplifiée et dématérialisée permettant de respecter les principes du droit européen de non discrimination et de proportionnalité.
Les entreprises et acteurs de services en ligne auxquels je fais ici allusion sont notamment les régies de publicité sur Internet, fréquemment établies à l'extérieur de nos frontières, dans des pays où le taux de l'impôt sur les sociétés est sensiblement plus bas qu'en France.
Le second volet est fiscal. Il est destiné à assurer la neutralité fiscale en matière de taxation sur la publicité en ligne et sur les services de commerce électronique au-dessus de certains seuils d’activité. En d’autres termes, il s’agit de prévoir un traitement similaire à celui qui est prévu pour la publicité dans la presse ou sur des vecteurs audiovisuels.
En ce qui concerne les services électroniques, il s'agit de rechercher une symétrie avec le commerce physique qui est frappé par la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.
Si l'on envisage de créer une telle taxe se posera la question de son affectation. Ma proposition de loi prévoit une affectation au bloc communal et au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, car je crois que nous aurons besoin de doter un tel mécanisme. D'autres collègues préféreraient une affectation au profit d'un Fonds d’aménagement numérique des territoires. Il nous faudra débattre de ces sujets dans un second temps.
Monsieur le ministre, je n'ignore pas que des rapports ont été demandés par le Gouvernement ; nous les attendons. Je n'ignore pas non plus que l'administration fiscale n'est pas restée inactive, puisque la presse, notamment la presse satirique du mercredi, s'est attardée sur le montant vraisemblable des redressements notifiés à quelques grandes sociétés exerçant des positions très importantes sur ces marchés. Pour autant, sans doute pourrez-vous nous apporter des précisions en la matière, même si je comprends qu'il vous soit difficile d'aborder publiquement des dossiers individuels.
Compte tenu de la situation de nos finances publiques, perdre chaque année 500 millions d'euros d'impôt sur les sociétés et 1 milliard d'euros de taxe sur la valeur ajoutée, si l'on considère l'écart de taux entre la France et le Luxembourg, tant que nous ne sommes pas parvenus au terme de la période de transition où la TVA sera exigible au taux de l’État de consommation, est tout à fait inacceptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement donne à Philippe Marini l'occasion de nous sensibiliser au très important travail de fond qui a déjà engagé sur la fiscalité numérique.
Ce travail a d’ores et déjà « payé », si j’en crois la couverture médiatique nationale et internationale du sujet. J’ajoute que le gouvernement actuel, contrairement au précédent, a entendu cet appel, puisque, comme vous le savez, monsieur Marini, il a lancé, immédiatement dans la foulée de l’examen par notre commission de la feuille de route pour une fiscalité neutre et équitable, une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique confiée à Pierre Collin, conseiller d’État, et Nicolas Colin, inspecteur des finances.
Monsieur le ministre, il me paraît souhaitable que nous disposions des conclusions de ce rapport avant d’adopter des mesures en droit positif qui risquent sinon, comme cela s’est produit il y a deux ans, d’être supprimées juste avant leur entrée en vigueur.
Sans doute allez-vous nous confirmer les bonnes dispositions du Gouvernement en la matière. L'amendement de Philippe Marini a vocation à vous interroger et à vous permettre de mieux préciser les intentions du Gouvernement sur ce sujet éminemment sensible, auquel la commission des finances a montré tout son intérêt, notamment en organisant plusieurs tables rondes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Marini, sur ce sujet très complexe et important, je salue votre intérêt, votre imagination et votre constance.
La mesure que vous proposez consiste à instaurer une taxe sur la publicité en ligne et une taxe sur les services de commerce électronique due par tous les opérateurs établis en France et à l’étranger.
Voilà qui prouve que l'on peut condamner à longueur d’opposition les taxes en vigueur, l’imagination à taxer du pouvoir en place et contribuer, le cas échéant, à enrichir le code général des impôts ! (Sourires.)
L'idée que vous poursuivez me semble bonne. Pour autant, bien qu’il soit sensible à l’intérêt de taxer les opérations réalisées sur Internet, le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition.
En effet, votre proposition de taxer la publicité en ligne ne peut être appliquée en l’état. Nous devons notamment définir préalablement le concept d’audience en France qui serait dans le champ de la taxe et voir selon quelles modalités techniques et juridiques on peut obliger les régies établies dans un autre État membre ou dans un pays tiers à déclarer en France le chiffre d’affaires correspondant à la part des prestations se rapportant aux audiences en France.
Par ailleurs, votre proposition de taxer le commerce électronique soulève une grande difficulté liée au recouvrement et au contrôle de la taxe, dans la mesure où il existe plus de 11 000 sites marchands actifs en France, dont un certain nombre, et parmi eux les plus importants, sont établis à l’étranger.
Par conséquent, ces difficultés risqueront de pénaliser les sites marchands français dont le chiffre d’affaires en France est plus facilement identifiable et contrôlable que celui des sites étrangers, ce qui serait totalement contraire à l’objectif de la mesure.
Le Gouvernement a confié une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique à deux personnalités reconnues – MM. Collin et Colin ; c’est ainsi – afin de dégager des pistes visant à appréhender l’adaptation de la fiscalité au développement de l’économie numérique, de manière globale.
Monsieur Marini, par cet amendement, vous avez avec raison voulu ouvrir le débat. Le Gouvernement y est sensible. Nous avons bien conscience que la situation doit changer. Des informations parues dans la presse ont pu mettre en évidence le volume des activités que certains acteurs de cette économie numérique réalisaient en France, tout en voulant donner l'impression que l’essentiel de cette activité se faisait à l'étranger et, ainsi, échapper à l’impôt sur les sociétés. Il a fallu toute la vigilance et l'âpreté à bien accomplir leur travail de quelques agents de mon administration pour que des preuves très fortes soient apportées, qui autorisent un redressement fiscal important pour l’une de ces grandes entreprises.
Nous savons que la situation actuelle ne convient pas. Des changements devront avoir lieu. Faut-il le faire à l'occasion de cet amendement ? Je ne le crois pas : à tout le moins faut-il attendre que le rapport qui a été commandé soit remis et que ses conclusions aient fait l’objet d’une expertise pour émettre des propositions.
Pour autant, je ne doute pas que, sinon en cette fin d'année, en tout cas l'année prochaine, les autorités françaises proposeront au Parlement ou celui-ci proposera au pouvoir exécutif – nous verrons les modalités – des dispositions – pourquoi pas un projet ou une proposition de loi ? – qui permettraient de modifier une situation qui, à bien des égards, est totalement insatisfaisante.
Monsieur Marini, je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, qui me permet d’indiquer clairement la position du Gouvernement sur ce sujet.
Cet hommage étant rendu, il serait sage que vous acceptiez de retirer cet amendement ; à défaut, je devrai demander à la Haute Assemblée de voter contre. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion non seulement de débattre, mais aussi de conclure ensemble pour instaurer des dispositions beaucoup plus satisfaisantes que celles qui prévalent aujourd'hui et qui font la part belle à certaines de ces entreprises bénéficiant de facto du marché français sans jamais s’acquitter en France des contributions qu’elles devraient verser au titre des richesses et de la valeur ajoutée créées dans notre pays.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° I-176 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, nous progressons bien et votre réponse va tout à fait dans le bon sens. Vos services et vous-même le savez, il n'est pas facile de cibler un dispositif législatif en droit français sur cette question, car l'espace est étroit.
Il faut respecter totalement le droit communautaire. Il faut promouvoir l'avancée du droit communautaire.
Il faut également prendre part au débat dans le cadre plus large de l’OCDE. Le débat au sein du parlement national a donc valeur de sensibilisation, il peut contribuer à faire bouger les opinions publiques et peut déboucher sur des dispositions législatives. Mais elles-mêmes ne représentent assurément qu’une petite partie de l’enjeu.
Monsieur le ministre, les propositions que j’ai formulées avec des moyens très artisanaux ne sauraient égaler celles que, dans un jour proche j’espère, vos services pourront nous livrer. Toutefois, je crois que, sur ce sujet au moins, nous raisonnons de la même manière.
Je vais bien entendu retirer cet amendement, mais je ne voudrais pas le faire prématurément pour permettre à nos collègues qui le souhaiteraient de s’exprimer. Je vais donc surseoir à ce retrait quelques instants.
Mais je voudrais souligner, monsieur le ministre, qu’il y a un point crucial au plan de l’Union européenne, qu’à mon avis seul le gouvernement français peut faire avancer, de concert avec le gouvernement allemand. Il s’agit de la réouverture de la négociation sur la période de transition quant au taux de TVA applicable pour les services numériques (M. André Gattolin opine.), qui va de 2015 à 2019. C’est beaucoup trop tard, et cela représente, au rythme actuel, 1 milliard d’euros par an de recettes éludées grâce aux arbitrages de localisation. Il me semble qu’il serait de l’intérêt national de relancer le débat sur ce sujet et nous pourrions tout à fait être en conjonction d’intérêts avec l’Allemagne.
Je me permets donc d’ajouter ceci au débat et je me tais, avant de prendre l’initiative de retirer l’amendement lorsque quelques-uns de nos collègues auront pu s’exprimer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le marché mondial du numérique est de toute évidence en pleine expansion. Avec une profondeur supérieure à 700 milliards de dollars, animé d’une croissance de plus de 5 % par an, le numérique est devenu un secteur économique incontournable, qui concerne tous les domaines. Il est également le sujet d’importantes questions en matière de fiscalité. Il fait d’ailleurs l’objet de l’une des sept initiatives stratégiques pour l’Union européenne à l’horizon 2020.
Ce marché est incontournable parce qu’il n’est pas une frange annexe dont le développement ne concernerait pas les autres. Nous assistons à une transformation en profondeur des vecteurs de l’échange et de toute notre économie, qui pose la nécessaire mais complexe question de la fiscalité adéquate à cette économie du XXIe siècle.
À cet égard, je voulais saluer la démarche de notre collègue Philippe Marini. Il mène depuis 2009 une réflexion intense sur le sujet, qui a donné lieu à différentes tables rondes. Le groupe « Médias et nouvelles technologies », que j’ai l’honneur de présider, a été associé à la réflexion de la commission des finances, et je vous en remercie. Une proposition de loi a ainsi vu le jour sur votre initiative, monsieur Marini, et a provoqué un débat très intense ici et là, dans les colloques, notamment à Paris.
Pour autant, aujourd’hui, je m’interroge à titre personnel sur le caractère parfaitement opératoire des nouvelles dispositions qui nous sont proposées ici. Nous savons que l’économie numérique remet profondément en cause le principe de territorialité de l’impôt. De nombreux pays, à l’instar des États-Unis, ont opté pour des modèles fiscaux privilégiant la négociation avec les groupes mondiaux, Google, Amazon, Facebook, Apple ― ceux que l’on appelle les GAFA ―, plutôt que pour le modèle classique, continental, d’une fiscalité plus inquisitoriale.
Le président Marini nous a expliqué à de nombreuses reprises, et avec raison, que son projet s’inscrivait dans une feuille de route générale qui impliquait une réflexion aussi bien à l’échelon européen qu’à l’échelon mondial, notamment dans le cadre de l’OCDE.
D’importants progrès ont été faits jusqu’à présent, mais nous en sommes encore au stade de la réflexion. Notre commission des affaires européennes conduit également aujourd’hui un travail sur la gouvernance européenne du numérique, qui inclut nécessairement la question fiscale.
Pour l’heure, le sujet est abordé sur le plan technique au sein des différents ministères des finances en Europe mais il ne fait pas encore l’objet d’un consensus politique. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte encore la semaine dernière en me rendant à Bruxelles. Ainsi, au niveau mondial, échelon de dialogue incontournable – vous l’avez rappelé, monsieur Marini –, notamment au sujet de l’imposition sur le bénéfice des entreprises du numérique, si un petit groupe de travail existe au sein de l’OCDE depuis 1999, il ne se remet que petit à petit à la tâche.
Dans un tel contexte, nous devons vivement remercier le président Marini de faire vivre le débat en France, car, en définitive, cela a également permis de le faire vivre à un échelon beaucoup plus large, européen et international. La France peut s’honorer, à travers le Sénat, d’avoir mis cette question à l’ordre du jour.
Il serait cependant sage de différer un peu la prise de décision. Dans le cadre de la discussion de la proposition de loi, que vous annoncez pour la fin du mois de janvier, nous disposerons de plus d’éléments, en particulier des comptes rendus des différentes missions, celle du Sénat et celle que le Gouvernement a commandée.
Je crois que nous manquons encore d’un peu de recul, notamment par rapport à nos partenaires européens, pour nous lancer dans une telle initiative, qui, à la différence de la taxe sur les transactions financières, semble plus difficilement opérante. Je pense en particulier au volet de cet amendement relatif au recouvrement des deux taxes que vous avez proposées.
Par ailleurs, vous avez rappelé les chiffres afférents à l’évasion fiscale des grands du numérique. Que représentent les 20 millions d’euros qu’est supposée permettre de recouvrer la taxe au regard de tout ce que ces géants américains devraient au fisc français ? Ce n’est pas la même échelle de sommes, et cela montre que nous avons encore à progresser sur ce sujet, qui reste extrêmement difficile.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Puisqu’il s’agit de faire surgir un débat, et même si l’amendement sera retiré, je voudrais dire qu’il faut bien entendu réfléchir à ces questions, notamment au sujet de la culture, de la presse et des médias. Je pense qu’il faut aborder la question de manière plus précise que ne le permettrait une espèce de loi globale sur la fiscalité et le numérique.
Observons par exemple la démarche initiée par la presse quotidienne nationale et régionale. Les entreprises de ce secteur souhaitent obtenir d’un accord avec Google la restitution d’une part des bénéfices nés de la publicité générée par le référencement de leurs titres.
Nous devons encourager cela, pas seulement par la mise en place d’une fiscalité spécifique suivie d’une redistribution générale par le budget de l’État. Ceux qui pâtissent le plus de cette situation, c’est-à-dire ceux qui contribuent le plus à la prospérité de Google, ce sont en général les créateurs de contenus, la presse ou les sites culturels, ceux que l’on recherche avec les outils de Google. Il faut que ces « industries » culturelles et de presse aient leur part des bénéfices.
Dans cette fiscalité qui reste à inventer, de façon nouvelle et moderne, on doit prendre en compte cet élément central. La question est à l’ordre du jour et elle est urgente, pas au sens où elle imposerait de prendre une décision dans les minutes qui suivent, mais urgente tout de même parce que ce secteur avance à une telle vitesse qu’à chaque fois que nous prenons du retard, il est plus compliqué d’intervenir.
Nous ne devons pas croire que parce que c’est global, nouveau, complexe, nous pouvons prendre le temps. En effet, dans ce domaine en particulier, plus on prend le temps, plus c’est complexe.
M. Philippe Marini. Très juste !
M. David Assouline. Je joins donc ma voix à ceux qui attirent l’attention sur ce sujet. La mission du gouvernement est une étape importante, mais gardons-nous d’une loi que l’on présenterait comme la solution à beaucoup de situations très précises et différenciées. Le plus important à mes yeux, ce n’est pas que l’État récupère de l’argent, mais bien que ceux qui créent des contenus et qui sont pillés par ces « molosses » reçoivent la juste valeur de leurs investissements et de leurs créations quotidiennes.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas incompatible !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je vais me joindre au consensus et reconnaître l’importance du travail mené par le président Marini dans un domaine qui effectivement nous semble essentiel.
Concernant ses propositions d’amendements, le groupe écologiste est évidemment très attaché à la neutralité fiscale. Il est vrai cependant, il l’a reconnu lui-même et le rapporteur général comme le ministre l’ont souligné, que l’opérationnalité fiscale est toujours complexe face à des entreprises qui opèrent à l’étranger. Une partie de la solution doit être trouvée au niveau européen mais elle souffre des retards et des reports perpétuels en matière de décision européenne tant sur l’organisation globale du numérique que sur la convergence en matière de taux de TVA.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. André Gattolin. En effet, ce n’est pas un hasard si ces entreprises vont se réfugier au Luxembourg ou en Irlande. Le Luxembourg pose un problème compliqué, notamment alors que le nouveau membre qui vient d’être nommé au directoire de la BCE est luxembourgeois. Le jeu des quotas autorise effectivement un très petit pays, avec un secteur bancaire de grande importance mais qui présente, comme toute son économie, des caractéristiques discutables, à peser d’un poids colossal. L’Irlande a été largement renflouée ces dernières années sans que nous n’ayons posé aucune condition en matière d’intégration.
M. Philippe Marini. Exactement !
M. André Gattolin. Alors en effet, le débat se situe au niveau européen. Il faut inciter le Gouvernement à continuer le travail entrepris autour du rapport Collin et Colin, mais également à agir à ce niveau.
Il faut faire vite ! Comme la question des ressources budgétaires propres de l’Union européenne est toujours posée, je crois que si une partie du produit de la taxation concernant l’économie numérique ou des taux de TVA revenait directement en ressources propres au budget de l’Union européenne plutôt qu’à l’État français, une solution européenne pourrait advenir beaucoup plus rapidement ... Mais je me fais peut-être des illusions. (Mmes Hélène Lipietz et Marie-Noëlle Lienemann ainsi que M. Marini applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole pour explication de vote ?…
M. Philippe Marini. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-176 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-167, présenté par MM. Maurey, Détraigne et Dubois, Mme Férat et MM. Tandonnet, Merceron, Amoudry et Deneux, est ainsi libellé :
Après l’article 18 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre VII octies du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 302 bis KI ainsi rédigé :
« Art. 302 bis KI. – I. – Il est institué, jusqu’au 31 décembre 2022, une contribution de solidarité numérique due par les usagers des services de communications électroniques. Cette contribution est recouvrée par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l’article L. 32 du code des postes et des télécommunications électroniques, qui fournit un service en France et qui fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l’article L. 33-1 du même code.
« II. – Cette contribution est assise sur le montant, hors taxe, de la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent, à l’exclusion des services de téléphonie fixe par le réseau commuté et des services de téléphonie mobile prépayés.
« III. – L’exigibilité de la contribution est constituée par l’encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnés au II.
« IV. – Le montant de la contribution s’élève à 75 centimes d’euros par mois et par abonnement.
« V. – Les opérateurs de communications électroniques procèdent à la liquidation de la contribution due au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration mentionnée au I de l’article 287 du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« VI. – La contribution est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
II. – La majoration des sommes demandées par les opérateurs de communications électroniques aux usagers résultant de l’institution de la contribution prévue par l’article 302 bis KI du code général des impôts ne peut être assimilée à une augmentation du prix des abonnements susceptible d’entraîner leur résiliation.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Si vous me le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos° I-167 et I-168, qui font partie d’un même dispositif.
Ces amendements ont pour but de créer des recettes nécessaires à alimenter le Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT.
Ce fonds a été créé par la loi du 17 décembre 2009, sur l’initiative de notre collègue Pintat, mais n’a jamais été alimenté. En effet, il n’a jamais été prévu de recettes, alors que ce fonds a pour objet de verser des subventions aux collectivités locales dans leurs actions pour déployer le très haut débit sur le territoire.
Le Premier ministre François Fillon m’avait chargé en 2010 d’un rapport, pour faire des propositions quant à la manière d’alimenter ce fonds. Deux ans après, nous en sommes toujours au même point, le FANT est un fonds sans fonds.
Il est proposé, au travers de l’amendement n° I-168, de créer une contribution de solidarité numérique, un peu sur le modèle de l’écotaxe, d’un montant de 75 centimes d’euros par mois et par abonnement, qui permettrait de créer une ressource d’à peu près 540 millions d’euros pour alimenter ce fonds.
De manière complémentaire, par l’amendement n° I-68 , il est proposé de créer une taxe de 2 % sur le prix de vente des consoles de jeux et des téléviseurs, qui engendrerait une recette de 220 millions d’euros.
Ces deux recettes permettraient de dégager 660 millions d’euros par an pour alimenter ce fonds de manière pérenne en vue d’assurer le déploiement du très haut débit en France, une priorité rappelée par le Président de la République. François Hollande a, en effet, souhaité que l’ensemble des Français bénéficient du très haut débit à l’horizon de 2022. Cet objectif ambitieux ne pourra naturellement pas être atteint si l’on ne prévoit pas les moyens nécessaires pour aider les collectivités locales à développer leur action en la matière.
Tel est l’objet des amendements nos I-167 et I-168.
M. le président. L'amendement n° I-410 rectifié, présenté par M. Rome, Mme Rossignol, MM. Camani, Krattinger, Teston et Néri, Mmes Espagnac et M. André, MM. Berson, Botrel, Caffet, Germain, Frécon, Haut, Hervé, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 18 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 302 bis KH du code général des impôts, il est inséré un article 302 bis KHA ainsi rédigé :
« Art. 302 bis KHA. - I. - Conformément au 1° du II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, il est institué, jusqu'au 31 décembre 2022, une contribution pour le service public du numérique à très haut débit due par les opérateurs fournissant au public un service de communications électroniques fixe ou mobile, en France, et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l'article L. 33-1 du même code.
« II. - Sont exemptés de l’acquittement de cette contribution les services à tarif social, au titre du service universel ou des labels gouvernementaux, « offre sociale de l’Internet » et « tarif social mobile », destinés au minimum aux allocataires du revenu de solidarité active socle.
« III. - Cette contribution est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers finals aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques fixe et mobile qu'ils fournissent.
« IV. - L'exigibilité de la contribution est constituée par l'encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnées au III.
« V. - Le taux de la contribution correspond à 2,5 % du montant de chaque abonnement mensuel ou, à défaut d’abonnement, de la somme acquittée par les usagers aux opérateurs.
« VI. - Les redevables procèdent à la liquidation de la contribution due au titre de l'année civile précédente lors du dépôt de la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 du présent code du mois de mars ou du premier trimestre de l'année civile.
« VII. - La contribution est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VIII. - Le produit de la contribution est affecté au Fonds d'aménagement numérique des territoires, mentionné à l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique. »
La parole est à M. Richard Yung.