M. Richard Yung. Le Président François Hollande a inscrit dans son programme la couverture à très haut débit du territoire à l’horizon de dix ans.
Aujourd’hui, l’impératif est plus que jamais de développer l’attractivité de nos territoires et de nos collectivités. À ce titre, l’un des premiers critères d’installation sur un territoire est bien sûr l’accès à un réseau numérique de qualité.
L’objet de cet amendement, qui rejoint très largement celui que vient de présenter Hervé Maurey, est de sécuriser l’action des collectivités en matière d’aménagement à très haut débit.
Comme l’a indiqué notre collègue, le programme national très haut débit vise à assurer un aménagement numérique sur le territoire. Dans cette optique, un fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, a été mis en place en 2009, mais, cela a été souligné, celui-ci n’a reçu, pour le moment, aucun financement dédié : il est resté une coquille vide.
Certes, le Fonds national pour la société numérique, le FSN, géré par la Caisse des dépôts et consignations et alimenté au titre du programme d’investissements d’avenir, existe, mais il s’agit d’une aide à court terme, dont le niveau est très largement inférieur.
À l’instar de notre collègue Hervé Maurey, nous souhaitons, par cet amendement, abonder le FANT au travers d’une forme de fiscalité. Le groupe socialiste a souhaité définir un financement qui soit à la fois ambitieux et juste.
C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’une contribution de service public numérique due par les opérateurs qui fournissent au public et en France un service de communications électroniques fixe et mobile.
Cette contribution a l’avantage d’être complète, puisqu’elle porte sur un champ large de services de télécommunications ; d’être assez indolore pour les particuliers, à hauteur de 1 euro par abonnement – on peut trouver un compromis entre notre proposition et celle de 0,75 euro de notre collègue Hervé Maurey – ; d’être juste, les forfaits dits « sociaux » étant exemptés et d’être ambitieuse en ce qu’elle couvre l’ensemble des besoins.
Elle permettrait d’avoir une recette de l’ordre de 850 millions d’euros, soit un montant supérieur à celle qui est prévue par notre collègue Hervé Maurey, laquelle est de l’ordre de 660 à 700 millions d’euros. Je le répète, nous pouvons nous entendre – ce n’est pas impossible ! – sur le montant de la contribution.
Telle est notre proposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements ont pour objet commun de créer une taxe sur les abonnements internet et téléphonie mobile affectée au Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT.
Ce fonds a été créé, sans être doté de moyens, ce qui pose effectivement un réel problème. Nos collègues ont raison de souligner cette carence dans le circuit d’alimentation du FANT, qui ne peut pas œuvrer comme cela serait souhaitable.
La question soulevée par nos collègues rejoint les préoccupations du Gouvernement, puisque celui-ci vient de confier à un directeur de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, une mission sur le très haut débit, qui rendra ses conclusions très prochainement.
Par ailleurs, Mme Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique a lancé un agenda numérique pour le mois de mars prochain, qui comportera un volet relatif aux réseaux.
C’est pourquoi, sous le bénéfice des précisions qui seront sans doute apportées par M. le ministre dans un instant, il est peut-être prématuré de légiférer dès maintenant. Au cours de l’année 2013, nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, avec des éléments de coût et de financements qui pourront faire l’objet d’une concertation avec les opérateurs et toutes les parties prenantes. On le sait, tous les intervenants dans ce secteur sont sensibles aux changements réguliers qui interviennent dans les domaines juridique, fiscal et financier.
Il est vrai que, depuis quelques jours, nous parlons beaucoup de l’année 2013 dans nos argumentaires, mais nous avons une feuille de route toute tracée : on nous a annoncé cet agenda numérique.
Les amendements respectifs de nos collègues vont certes dans le bon sens, car ils répondent à un réel besoin du FANT. Toutefois, il serait opportun d’attendre – M. le ministre va sans doute confirmer mes propos – les conclusions des rapports pour discuter des modalités de calcul de cette contribution.
Aussi, je demande à nos deux collègues de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement a confié à Fleur Pellerin une mission sur le déploiement du numérique, qui traitera précisément du Fonds d’aménagement numérique des territoires et rendra ses conclusions en février prochain.
Permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement prenne le temps de bien examiner cette question. Chacun le sait, il est délicat de vouloir financer ce fonds en laissant libre cours à son imagination : certes, la taxation prévue peut être sympathique, mais elle peut, parfois, se retourner contre ceux-là mêmes qui l’ont prévue.
En effet, se posent des enjeux de droit communautaire. La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques est aujourd'hui attaquée. Les risques qu’elle ne passe pas favorablement cette épreuve juridique sont tout à fait considérables. N’en rajoutons donc pas.
Nous avons un peu moins d’une trentaine de contentieux fiscaux avec la Commission européenne, dont celui-là. Il semble difficile que nous obtenions gain de cause à chaque fois.
J’ajoute que l’agacement de la Commission européenne à l’encontre de notre pays atteint, me semble-t-il, des sommets, d’autant que nous avons pu parfois donner l’impression de ne pas nous soumettre aux décisions de justice, je pense en particulier aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, située à Luxembourg.
Il est peut-être sage d’attendre les conclusions de cette mission pour savoir ce que, juridiquement, nous pouvons réellement faire. Si l’on taxe les téléviseurs et les consoles de jeux, on risque de se heurter à la même condamnation communautaire que celle que nous avons subie naguère avec la taxe sur les magnétoscopes.
Tout en souscrivant aux intentions des auteurs de ces amendements de financer le FANT, je mets vigoureusement en garde le Sénat contre tout vote qui, s’il était confirmé par l'Assemblée nationale, aboutirait à la création d’une taxe qui engendrerait un contentieux fiscal supplémentaire avec la Commission européenne, contentieux que nous aurions peu de chance de voir prospérer à notre avantage si la Cour reprenait à l’identique ou de façon comparable les motivations qu’elle a rendues pour l’exemple cité. À la vérité, ces dispositions ne feraient que retarder davantage encore la mise en œuvre des solutions qui sont nécessaires au financement de ce fonds.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements et appelle le Sénat à faire preuve d’une prudence de bon aloi au moins jusqu’aux conclusions, en février prochain, de la mission confiée à Fleur Pellerin.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote sur l'amendement n° I-167.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le ministre, nous entendons bien vos arguments à propos du risque de contentieux, nous ne pouvons pas y être insensibles.
Néanmoins, la question du financement du FANT reste entière. On le sait bien, dans les zones rurales, seul le financement des collectivités va permettre de trouver des fonds. Or cela sera insuffisant.
Quelles que soient les conclusions de la mission confiée à Fleur Pellerin, il faudra trouver les ressources indispensables, qui seront budgétaires ou proviendront des opérateurs privés. On sait bien que, dans la période actuelle, il sera très difficile de faire appel au budget de la nation. Demander aux consommateurs une contribution de quelques centimes d’euros sur les abonnements et les achats de téléviseurs représenterait finalement un effort extrêmement faible, car le prix des abonnements a beaucoup diminué dernièrement en raison d’une concurrence accrue entre les opérateurs.
Il est indispensable d’abonder ce fonds pour l’aménagement numérique des territoires. La proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey, qui a été repoussée la semaine dernière par l'Assemblée nationale constituait une ouverture. Aujourd'hui, le groupe socialiste a défendu un amendement en ce sens. Ces deux amendements permettraient de faire avancer la question du financement, qui demeurera même à l’issue de la mission confiée à Fleur Pellerin.
Il s’agit vraiment là d’une question essentielle. Par conséquent, je suis tenté de voter en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’ai bien entendu les explications qui ont été données à la fois par M. le rapporteur général et par M. le ministre.
Toutefois, la situation actuelle est telle que ce sont les opérateurs privés qui décident de l’aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey. Tout à fait !
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas acceptable…
M. Hervé Maurey. Effectivement.
Mme Laurence Rossignol. … et ce n’est pas compatible avec la conception que nous avons de l’aménagement et de l’égalité des territoires. Cette situation ne saurait perdurer.
L’amendement n° I-410 rectifié n’a pas tant pour objet de prévoir le financement du FANT que d’avoir l’engagement que ce fonds, qui n’a jamais été financé, le sera à un moment donné.
Nous en avons pris acte, la mission confiée à Fleur Pellerin, avec laquelle nous travaillons, rendra ses conclusions au mois de février prochain. Depuis quatre jours, nous avons retiré beaucoup d’amendements en échange de l’engagement du Gouvernement de régler les questions posées dans les six mois qui viennent. J’ajoute celle-ci sur le petit carnet que je tiens à jour depuis le début de cette discussion…
M. André Gattolin. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. Nous prenons acte de l’engagement du ministre et retirons l’amendement n° I-410 rectifié. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. André Gattolin applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° I-410 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement n° I-167.
M. Thierry Foucaud. Je partage les propos de Mme Rossignol : ce sont les opérateurs privés qui décident de l’aménagement numérique du territoire.
Pour ce qui concerne l’amendement n° I-167 de M. Maurey, le paragraphe I me pose problème : « Il est institué, jusqu’au 31 décembre 2022, une contribution de solidarité numérique due par les usagers des services de communications électroniques. »
Une fois de plus, ce sont les usagers qui vont payer ! M. de Montgolfier a souligné que le prix des abonnements avait diminué. Tant mieux ! N’ajoutons donc pas de hausse supplémentaire. Les opérateurs de téléphonie font assez de profits. Ce sont eux qu’il faut faire payer, monsieur Maurey !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je partage totalement l’état d’esprit de Laurence Rossignol.
Certes, une mission a été confiée à Mme Pellerin, mais ces amendements sont un test important.
J’ai beaucoup critiqué la réforme de l’audiovisuel de 2009, qui a remplacé la publicité comme mode de financement par des taxes, que l’on avait jugées aléatoires. J’avais alors dit : Attention, si la France est condamnée, on aura fait croire qu’il s’agissait d’un financement de remplacement et on se retrouvera avec un trou béant et un remboursement très difficile à assurer. Eh bien, on y est !
Au cours du premier semestre de 2013, on risque fortement d’être condamné pour cette taxe. Si les opérateurs vont en justice, nous risquons d’avoir à rembourser 1,3 milliard d’euros. En plus, il manquera chaque année 300 à 350 millions d’euros pour financer l’audiovisuel public.
Il est primordial que l’État reprenne la main sur l’aménagement du territoire et abonde le FANT, mais veillons à ne pas prévoir une taxe qui risquerait d’être annulée par la Commission européenne. Ne créons pas d’illusion !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je suis très étonné que M. le rapporteur général et M. le ministre jugent nos initiatives prématurées.
Mes chers collègues, quand on est l’élu d’un territoire rural, ce qui est mon cas mais aussi celui du ministre lui-même et d’un grand nombre d’entre nous, on n’a vraiment pas le sentiment qu’il soit prématuré de se soucier de la couverture numérique de nos territoires !
Nous percevons tous la nécessité absolue d’abonder le fonds d’aménagement numérique des territoires, afin de dégager les moyens nécessaires au déploiement du très haut débit dans tout le pays.
Quant au Gouvernement, que fait-il ? Comme souvent – j’allais presque dire « comme toujours » –, il renvoie le problème à plus tard en créant une commission… Résultat ? Les territoires vont attendre, encore et toujours !
Et une fois encore, comme sous tous les gouvernements et sous toutes les majorités, on nous ressert le vieil argument du problème européen.
À la vérité, mes chers collègues, la contribution de solidarité numérique que nous vous proposons d’instituer est conçue sur le modèle de l’écotaxe, laquelle existe depuis très longtemps et n’a jamais, à ma connaissance, posé le moindre problème.
Le Président de la République a souhaité être plus ambitieux que son prédécesseur. Nicolas Sarkozy avait fixé l’objectif du très haut débit pour tous en 2025 ? François Hollande, désireux de se montrer encore plus volontaire, a décidé que ce résultat serait atteint en dix ans, c’est-à-dire en 2022 !
Il est bon de se fixer des objectifs ambitieux et de montrer une volonté de se soucier de nos territoires ruraux, mais, si l’on ne se donne pas les moyens nécessaires, à quoi cela sert-il ?
Or je suis tout à fait déçu de l’inaction du Gouvernement sur cette question – pour ne parler que d’elle – depuis sa nomination.
Lorsque j’ai rencontré Fleur Pellerin au moment de son entrée en fonction, je l’ai avertie que, même si je ne faisais pas partie de la majorité, j’étais prêt à soutenir toute initiative qui irait dans la bonne direction parce que l’aménagement numérique des territoires est à mes yeux une question d’intérêt général qui doit dépasser tous les clivages.
Seulement voilà : depuis plus de six mois, j’observe qu’il n’y a eu concrètement aucun changement !
J’ai été vraiment très attristé de découvrir le sort qu’a réservé l’Assemblée nationale, la semaine dernière, à la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, que le Sénat avait adoptée à la quasi-unanimité.
Mes chers collègues, relisez le compte rendu des débats ! Vous constaterez que la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, a demandé, article par l’article, l’abrogation de toutes les dispositions que nous avions votées, y compris de celles qui résultaient d’amendements déposés par nos collègues socialistes, en particulier Michel Teston et Pierre Camani.
Dire que, de surcroît, Mme Pellerin a utilisé les mêmes arguments que ses prédécesseurs ! Voilà qui m’attriste davantage encore.
Ainsi donc, quelle que soit la majorité, quels que soient les gouvernements, nos responsables politiques n’ont pas le courage de passer outre au lobby des opérateurs ; ils préfèrent favoriser les intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général. Ce sont les mêmes arguments que l’on oppose aujourd’hui à la proposition que nous formulons pour alimenter le fonds d’aménagement numérique des territoires. J’en prends acte et j’attends, au demeurant sans trop d’illusions, la feuille de route sur le numérique, annoncée pour février 2013 et que l’on nous présente comme le Graal.
En tout cas, je peux déjà prédire – ceux qui seront encore là dans dix ans pourront le vérifier - que l’objectif fixé par le Président de la République du très haut débit pour tous en 2022 ne sera certainement pas atteint, puisque le Gouvernement n’a pas le courage de changer de braquet !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. M. Maurey considère que les progrès ne sont pas suffisamment rapides dans le domaine de l’aménagement numérique du territoire.
Je lui réponds que nous partageons ses idées et que l’ambition de doter le plus vite possible nos territoires de réseaux de fibre optique nous est commune ; comme lui, nous pensons qu’il y a lieu de rechercher des financements pour atteindre cet objectif.
Monsieur Maurey, nous savons que, depuis trois ans déjà, vous militez pour que ce chantier avance. Vous avez plaidé cette cause auprès de l’ancien gouvernement, sans parvenir à vous faire entendre.
Le gouvernement actuel, vers lequel vous vous tournez à présent, vous répond qu’il s’est fixé un objectif plus ambitieux, puisque le Président de la République s’est engagé à l’horizon 2022. Il s’emploie à mettre sur pied un plan d’action et lance des missions dans ce but. Fleur Pellerin est mobilisée sur le sujet et on nous annonce que de premiers éléments de conclusion seront rendus publics dans quelques semaines, au début de l’année 2013.
Dans ces conditions, il me semble que l’on peut au moins reconnaître au Gouvernement le mérite du volontarisme.
Par ailleurs, monsieur Maurey, je suis surpris que vous proposiez de créer au plus vite une nouvelle taxe, alors que, depuis le début de l’examen du projet de loi de finances, vos collègues ne cessent d’accuser le Gouvernement de matraquage fiscal ! Il me semble que ces deux discours sont quelque peu antinomiques.
Je pense que la création d’une nouvelle ressource sera sans doute nécessaire. S’agira-t-il d’une taxe sur les opérateurs, inévitablement répercutée sur les usagers ? Peut-être. S’agira-t-il d’un autre mécanisme ? Je le crois plutôt.
Quoi qu’il en soit, il faut laisser à la réflexion lancée par le Gouvernement le temps de déboucher sur quelques conclusions utiles. À l’issue de la concertation, menée également avec les élus locaux, je ne doute pas que nous trouverons ensemble un terrain d’entente.
Dans l’immédiat, monsieur Maurey, vos amendements me semblent prématurés. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir les retirer, comme mes collègues du groupe socialiste l’ont fait pour le leur.
Je vous le répète, nous partageons tous les mêmes ambitions et nous allons être amenés à travailler ensemble pour trouver une bonne solution.
M. le président. L'amendement n° I-168, présenté par MM. Maurey, Détraigne et Dubois, Mme Férat et MM. Tandonnet et Amoudry, est ainsi libellé :
Après l’article 18 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VII octies du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. ... – I. – Il est institué, jusqu’au 31 décembre 2022, une taxe sur les ventes de téléviseurs et de consoles de jeu.
« II. – Cette taxe est due par toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et est assise sur les prix hors taxe desdits téléviseurs et consoles de jeu.
« III. - L’exigibilité de la taxe est constituée par la vente desdits équipements au client final.
« IV. - Le montant de la taxe s’élève à 2 % du prix de vente hors taxe desdits équipements.
« V. - Les redevables procèdent à la liquidation de la taxe due au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration mentionnée au I de l’article 287 du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« VI. - La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
L’amendement n° I-168 a été précédemment défendu, et la commission ainsi que le Gouvernement se sont exprimés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président, le Gouvernement sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
M. le président. Le Sénat va bien volontiers accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° I-235 rectifié, présenté par M. Collin, est ainsi libellé :
Après l'article 18 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 302 bis ZH est ainsi rédigé :
« Art. 302 bis ZH. – Il est institué, pour les paris sportifs organisés et exploités dans les conditions fixées par l’article 42 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984) un prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs.
« Il est institué, pour les paris sportifs en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées à l’article 12 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, un prélèvement sur le produit brut des jeux. Le produit brut des jeux s’entend de la totalité des mises, diminuées des montants versés par l’opérateur au joueur sous forme de gains, hors bonus et abondements.
« Ces prélèvements sont dus par la personne morale chargée de l’exploitation des paris sportifs dans les conditions fixées par l’article 42 de la loi de finances pour 1985 précitée et par les personnes devant être soumises, en tant qu’opérateur de paris sportifs en ligne, à l’agrément mentionné à l’article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée. » ;
2° Le premier alinéa de l'article 302 bis ZJ est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les prélèvements mentionnés à l'article 302 bis ZG, au premier alinéa de l’article 302 bis ZH et à l'article 302 bis ZI sont assis sur le montant des sommes engagées par les joueurs et parieurs. Les gains réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises sont également assujettis à ces prélèvements.
« Le prélèvement mentionné au deuxième alinéa de l’article 302 bis ZH est assis sur le produit brut des jeux. » ;
3° L’article 302 bis ZK est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. - Le taux des prélèvements mentionnés à l'article 302 bis ZG, au premier alinéa de l'article 302 bis ZH et à l'article 302 bis ZI est fixé : » ;
b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Le taux du prélèvement mentionné au deuxième alinéa de l’article 302 bis ZH est fixé à 28,6 %. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement vise à proposer une nouvelle assiette pour le prélèvement sur les sommes engagées par les parieurs en ligne.
La législation relative aux paris sportifs progresse et s’adapte aux évolutions de ce secteur. La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a jeté les bases d’un cadre légal pour les joueurs et les opérateurs, avec notamment une autorité de régulation.
Ensuite, la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, dont je suis l’un des auteurs, a renforcé ce cadre avec, notamment, la création d’un délit pénal de manipulation de compétition sportive qui vise à la fois le corrupteur et le corrompu.
Nous avions également mis en place un dispositif destiné à prévenir les conflits d’intérêts en matière de paris sportifs.
Dans ce contexte, je suis parti d’un constat très simple pour rédiger cet amendement : l’assiette de taxation des opérateurs de jeux et paris en ligne est actuellement fondée sur les mises. Or le chiffre d’affaires des sociétés est constitué par le produit brut des jeux. Il nous semble plus opportun de nous aligner sur un certain nombre de nos voisins qui réglementent également les jeux et paris en ligne, mais utilisent le produit brut des jeux pour l’assiette de la taxation.
C’est une question de bon sens, car le régime actuel crée une distorsion, en particulier pour les opérateurs de paris à cote fixe, quand le niveau des mises augmente plus rapidement que le produit brut des jeux.
Les opérateurs pourraient aussi être tentés de cibler leur stratégie commerciale sur les cotes atypiques et sur les joueurs qui misent de grosses sommes d’argent, remettant en cause in fine toutes les politiques publiques de lutte contre la fraude et contre les addictions aux jeux.
Tel est le sens de cet amendement dont je sais qu’il est susceptible de susciter un débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous abordons un dossier que la commission des finances a étudié de près, notamment avec notre excellent collègue François Trucy, à l’occasion de la préparation de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Nous sommes tous d’autant plus conscients des enjeux qu’à l’époque nous avions déjà évalué à environ 4,5 milliards d’euros les recettes annuelles fiscales et parafiscales. Il s’agit donc, fiscalement parlant, d’un sujet d’importance, et l’adoption de toute modification des dispositions actuelles ne manquerait pas d’avoir des incidences non négligeables, et pas simplement à la marge.
Nous avons aussi constaté combien étaient importantes, en arrière-plan, les conséquences sur la santé publique compte tenu du développement des addictions. Ce n’est d’ailleurs pas la légalisation des jeux en ligne qui réduira de tels risques.
Nous devons par conséquent être particulièrement vigilants et surtout très prudents face aux revendications des sociétés qui veulent rendre toujours plus facile l’accès à ces jeux, notamment pour la jeunesse.
Cet amendement reprend une demande ancienne des sociétés concernées, qui y voient le moyen de diminuer les prélèvements, car les taux sur les produits bruts des jeux devraient être très élevés pour maintenir un produit constant.
Nous nous interrogeons sur la portée d’une disposition qui consisterait à changer l’assiette de ces prélèvements applicables aux paris des jeux en ligne, d’autant que nous n’avons pas été très réceptifs aux arguments avancés. Nous ne sommes donc a priori pas très favorables à cette disposition.
Cela dit, monsieur le ministre, au sein de la commission des finances, nous sommes convenus d’attendre que vous nous apportiez un éclairage complémentaire s’agissant des conséquences sur la fiscalité d’un tel amendement. Peut-être allez-vous nous rassurer ?