Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
M. Jean Boyer, Mme Odette Herviaux.
3. Haute Autorité de l'expertise scientifique. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi modifiée
Amendement n° 43 de la commission. – M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable ; Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; MM. Jean-Pierre Plancade, Hervé Maurey, Jean Bizet, Mme Laurence Rossignol, M. Jean Louis Masson, Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé du titre.
Amendement n° 44 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Hervé Maurey. – Adoption.
Amendement n° 45 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 46 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Hervé Maurey. – Adoption.
Amendement n° 47 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 48 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 49 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 50 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 51 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 52 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 53 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 54 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 55 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 56 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 57 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Hervé Maurey. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 58 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Hervé Maurey. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 59 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 60 de la commission. – M. le rapporteur, Mmes Delphine Batho, ministre ; Chantal Jouanno, M. Hervé Maurey. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 61 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 41 rectifié bis de M. Jean-Pierre Plancade. – M. Jean-Pierre Plancade.
Amendement n° 62 de la commission. – M. le rapporteur.
Mme Delphine Batho, ministre ; M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable.
Suspension et reprise de la séance
M. le président de la commission, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l’amendement no 41 rectifié bis, l’amendement no 62 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 1 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ;. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 2 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 3 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 4 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Jean Bizet, Mmes Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi ; Chantal Jouanno. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 5 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 6 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 7 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 8 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mmes la rapporteur pour avis, Delphine Batho, ministre. – Retrait.
Amendement n° 9 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mmes la rapporteur pour avis, Delphine Batho, ministre. – Retrait.
Amendement n° 63 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 16
Amendement n° 10 de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. – Mme la rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 64 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 65 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 66 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 67 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 68 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 42 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé de la proposition de loi.
M. Jean-Vincent Placé.
Suspension et reprise de la séance
Mme Évelyne Didier, M. Jean Bizet, Mmes Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi ; Laurence Rossignol, M. Christian Bourquin, Mme Chantal Jouanno, M. Hervé Maurey.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi modifiée.
Mme Delphine Batho, ministre ; M. le rapporteur.
Suspension et reprise de la séance
4. Écoles de production. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi ; Mme Françoise Laborde, rapporteur de la commission de la culture ; M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
M. Jean-Pierre Plancade, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Corinne Bouchoux, MM. Jacques Legendre, Jacques Chiron, Mme Catherine Deroche.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de Mme Françoise Cartron. – MM. Jacques-Bernard Magner, Jean-Claude Carle, Mme la rapporteur, MM. Thierry Repentin, ministre délégué ; Maurice Antiste, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture ; M. Jacques Legendre. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.
Il a par ailleurs reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le premier rapport du Comité de suivi de la réforme de l’usure, en application de l’article 1er de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Le premier a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le second à la commission des affaires économiques et à la commission des finances.
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
3
Haute Autorité de l'expertise scientifique
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi modifiée
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe écologiste, la suite de la discussion de la proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, présentée par Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 747 [2011-2012], rapport n° 24 et avis n° 32).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
TITRE Ier
LA HAUTE AUTORITÉ DE L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE ET DE L’ALERTE EN MATIÈRE DE SANTÉ ET D’ENVIRONNEMENT
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
La commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord me féliciter de la qualité du travail accompli sur ce texte tant en commission qu’en séance publique, ainsi que de nos échanges fructueux avec le Gouvernement en vue de renforcer l’efficacité et la cohérence d’un dispositif qui intéresse un grand nombre de ministères.
Le Sénat joue ici pleinement son rôle : il exerce sa capacité d’initiative au travers de l’examen d’une proposition de loi présentée par Marie-Christine Blandin et le groupe écologiste, en prenant en compte les suggestions, les remarques, voire les objections, de l’ensemble des groupes, pour essayer de déboucher sinon sur un consensus, du moins sur une vision partagée.
L’amendement n° 43 témoigne de l’évolution du texte depuis sa première présentation en commission. Nombre de nos collègues s’étaient alors clairement prononcés contre la création d’une nouvelle structure lourde et coûteuse, sous la forme d’une haute autorité administrative, eu égard aux contraintes s’exerçant aujourd’hui sur la dépense publique.
Nous avons donc essayé de retravailler la proposition de loi dans cet esprit. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de modifier l’appellation de la nouvelle instance, qui serait non plus une autorité administrative indépendante, mais une commission nationale consultative. Cela me semble conforme aux souhaits qui ont pu être exprimés, notamment, au sein de la commission du développement durable.
L’objectif n’est évidemment pas de créer une nouvelle agence d’expertise. Cette commission nationale ne réalisera pas elle-même d’expertises, elle aura vocation à renforcer le dialogue, dans notre société, sur la question extrêmement importante et actuelle – on l’a vu au cours des derniers mois – de la prise en compte des signaux d’alerte et de la protection de ceux qui ont le courage de les émettre. En effet, on sait bien qu’il n’est pas facile, notamment au sein des entreprises, d’être lanceur d’alerte.
Cette commission nationale sera donc fondamentalement un lieu de dialogue. Elle sera chargée d’émettre des avis généraux sur les chartes de déontologie dont les agences se dotent. Nous aurons ultérieurement l’occasion de débattre de sa composition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Je voudrais saluer à mon tour le travail effectué sur cette proposition de loi. La discussion générale avait mis en évidence une convergence entre de nombreux intervenants sur la nécessité de développer la déontologie de l’expertise et de tenir compte des signaux d’alerte.
Cette proposition de loi rejoint en outre les préoccupations qui ont été exprimées lors de la Conférence environnementale quant à la prise en compte des risques sanitaires et environnementaux et de leur incidence sur la santé. Il s’agit là d’un enjeu majeur aux yeux des Français.
Nous nous étions engagés, lors de la discussion générale, à travailler rapidement et de manière approfondie sur la base du dispositif du présent texte, en tenant compte des observations relatives au caractère peut-être lourd ou redondant d’une nouvelle haute autorité.
À cet égard, la proposition de M. le rapporteur d’instaurer une commission sans personnalité morale me semble pertinente. Une telle instance serait à même de remplir sa mission de façon transversale et de constituer un lieu de débat pluraliste. Il importe que la composition de cette commission garantisse son indépendance. Elle aura vocation non pas à se substituer aux instituts et aux agences de recherche, mais à s’assurer que ceux-ci prennent bien en compte les enjeux déontologiques, afin de permettre une meilleure réactivité et une meilleure visibilité en la matière.
Sans anticiper sur les amendements suivants, je souligne que nous serons très attentifs à ce que cette commission ne devienne pas une simple instance supplémentaire, venant s’ajouter à celles qui existent déjà : sa création devra certainement entraîner des réorganisations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Nous nous réjouissons qu’il ne s’agisse pas de créer une haute autorité supplémentaire, s’ajoutant aux quelque 680 instances déjà existantes. Nous nous félicitons également de ce que le dispositif soit déployé à moyens constants.
Dans ces conditions, nous voterons sereinement cet amendement.
M. Jean Desessard. Bravo, monsieur Plancade !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je voudrais rappeler que l’examen en séance publique de la présente proposition de loi a commencé le 15 octobre dernier, après que la commission du développement durable l’eut rejetée le 9 octobre.
Les amendements de la commission visent à transformer dans une mesure considérable le texte qui nous avait été soumis au mois d’octobre.
Le premier d’entre eux ne fait en quelque sorte qu’ouvrir la voie du changement, en prévoyant que la nouvelle instance sera non plus une haute autorité, mais une commission. Il nous sera ultérieurement proposé de réduire ses compétences : sa mission serait non plus de certifier des dispositifs, d’élaborer des règles déontologiques, d’établir des procédures d’évaluation, mais de rédiger un rapport annuel, d’émettre des recommandations, de donner un avis sur les codes de déontologie. Il en ira de même pour sa composition, définie à l’article 3 : au lieu de personnalités qualifiées, notamment de représentants des différentes agences, siégeraient au sein de la nouvelle commission de très honorables fonctionnaires et magistrats, ce qui n’est pas la même chose. Enfin, il nous sera proposé de supprimer l’autonomie financière de l’instance ; nous ne savons d’ailleurs pas très bien comment, dès lors, elle fonctionnera.
On nous explique que ces évolutions visent à nous donner satisfaction… Mais ce que nous avions indiqué en commission au mois d’octobre, c’est que nous ne voulions pas d’une nouvelle structure venant s’ajouter aux trois agences existantes. Or c’est bien de cela qu’il s’agit avec ce texte : il n’est pas question de fusion entre agences existantes ou d’attribution de compétences supplémentaires à celles-ci.
Par conséquent, je ne vois pas très bien en quoi nos remarques auraient été prises en compte. Je me réjouis que les Verts dialoguent avec le Gouvernement, c’est une très bonne nouvelle (Sourires.), mais le rapporteur n’a guère échangé, en revanche, avec les membres de la commission n’appartenant pas à la majorité…
Je ne voterai donc pas cet amendement, pas plus que les suivants, qui vont dans le même sens.
Sur le fond, je regrette que l’on nous propose de créer, au lieu d’une haute autorité qui aurait sans doute eu trop de pouvoir au gré de certains, une nouvelle commission Théodule qui risque d’être une instance croupion.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je partage l’analyse de M. Maurey.
Changer la dénomination de la nouvelle instance n’est qu’un artifice. Par les temps qui courent, ajouter une structure supplémentaire, quel que soit le nom qu’on lui donne, aux 1 244 agences existantes, lesquelles auront coûté la bagatelle de 50 milliards d’euros au budget de l’État en 2012, représente une véritable provocation, en particulier à l’adresse des instances européennes, qui nous observent avec beaucoup d’attention.
M. le rapporteur, que je crois tout à fait honnête dans sa démarche, est habité d’un angélisme plutôt sympathique, mais néanmoins coupable.
En 1995-1996, après le scandale du sang contaminé, nos anciens collègues Claude Huriet et Charles Descours ont accompli un travail considérable et contribué à créer les agences que nous connaissons. Aujourd'hui, on nous propose de mettre en place une structure supplémentaire, qui sera chargée d’émettre un avis sur l’action des agences existantes et constituera un lieu de dialogue. Demain, on peut imaginer que de beaux esprits voudront en créer une autre encore, dont la vocation sera de donner un avis sur l’action de la commission que la présente proposition de loi vise à instaurer…
Je le dis très clairement : cet angélisme est coupable, parce qu’il conduira à fragiliser plus encore les entreprises françaises. Laissons-les travailler ! Ne les handicapons pas davantage, alors que la conjoncture est particulièrement difficile.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe UMP voteront contre cet amendement, et contre l’ensemble du texte.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je tiens à saluer le travail accompli sur cette proposition de loi par la commission et le Gouvernement.
Comme l’a rappelé notre collègue Hervé Maurey, ce texte avait été rejeté en commission au mois d’octobre, avant d’être finalement adopté par elle ce matin : cela signifie bien qu’il s’est passé quelque chose entre-temps.
M. Hervé Maurey. La commission a émis un avis positif sur les amendements, ce n’est pas la même chose !
M. Jean Bizet. Ce n’est pas pareil !
Mme Laurence Rossignol. Tous les amendements ont été adoptés en commission. Un travail a donc été accompli, un bon travail parlementaire.
Les diverses interventions que j’ai pu entendre depuis ce matin me laissent quelque peu perplexe : quelle est la cohérence entre les critiques formulées voilà trois semaines et celles qui sont émises aujourd’hui ? Elles me semblent assez contradictoires…
Je déplore que, ce matin, les groupes de l’opposition n’aient présenté que des amendements de suppression, alors qu’il me semblait avoir compris que nous partagions les mêmes préoccupations. En définitive, cette attitude me paraît traduire une absence de volonté de travailler sur le fond. En fait, au-delà du dispositif du présent texte, c’est à son objet même que vous êtes opposés : la mise en place d’une expertise pluraliste.
Selon vous, monsieur Bizet, le rapporteur ferait preuve d’un angélisme coupable ; pour ma part, sous votre ton innocent, je soupçonne un peu de diabolisme… (Sourires.)
M. Jean Bizet. C’est mal me connaître !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je ne suis pas persuadé que, à l’heure où, partout en France, on essaie de faire des économies, il soit très opportun de créer un organisme supplémentaire.
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Jean Louis Masson. La Cour des comptes a fortement insisté sur le coût des organismes déconcentrés de l’État. Que l’on ne vienne pas nous dire que la nouvelle commission ne coûtera rien ! Si elle ne coûte rien, c’est qu’elle ne sert à rien ; si l’on veut qu’elle serve à quelque chose, il faut lui donner des moyens, ce qui coûte de l’argent !
Pour ma part, je pense qu’il y a certainement d’autres priorités pour notre pays, à l’heure actuelle, que de créer un comité Théodule supplémentaire !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. Si, après avoir adopté les amendements, la commission avait émis un vote sur l’ensemble du texte, on aurait alors parlé de cafouillage, monsieur Maurey…
En ce qui concerne le coût, monsieur Masson, Mme la ministre a été très claire : la création de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement sera suivie d’une révision de l’architecture de toutes ces autorités, dont M. Bizet dénonce avec pertinence l’empilement, mais cette proposition de loi n’a pas pour objet d’y procéder.
La nouvelle commission s’appuiera, pour son fonctionnement, sur des structures existantes, c’est pourquoi elle ne coûtera pas cher. Cela pèsera très peu au regard des milliards d’euros d’indemnisations versés aux victimes de l’amiante, du Mediator, des prothèses PIP, etc., qui grèvent chaque année le budget de l’État. Notre proposition de loi vise très modestement à éviter que de telles tragédies ne se reproduisent ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. En conséquence, l’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.
Article 1er
La Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, autorité publique à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée d’énoncer les principes directeurs de l’expertise scientifique et technique en matière de santé publique et d’environnement, d’en vérifier l’application et de garantir la mise en œuvre des procédures d’alerte.
À cette fin, elle :
1° élabore des règles déontologiques propres à l’expertise scientifique et technique dans le domaine de la santé publique et de l’environnement ;
2° établit des procédures d’évaluation des pratiques d’expertise et de reconnaissance de la compétence scientifique et technique des professionnels ;
3° certifie, à la demande des employeurs, les dispositifs d’alerte visés à l’article 9 ;
4° instruit les alertes qui lui sont soumises en exerçant une mission de conseil ;
5° veille au respect des dispositions relatives à la protection des personnes ayant participé au lancement d’une alerte ;
6° tient un registre des alertes dans lequel sont consignés toutes les phases des procédures en cours ;
7° établit le rapport annuel prévu à l’article 7.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Une commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement a pour mission de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique et aux procédures d'enregistrement des alertes en matière de santé et d’environnement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement tend à préciser le rôle de la future commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement. Elle sera chargée d’émettre des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l’expertise scientifique et technique dans le domaine de la santé publique et de l’environnement et de procéder à leur diffusion.
J’espère que nous allons maintenant sortir des faux débats sur la création d’un comité Théodule supplémentaire, coûteux et inutile, pour entrer dans le vif du sujet, à savoir l’architecture globale du dispositif. Mme la ministre a été très claire tout à l’heure : la création de cette commission sera un levier pour la rationalisation de cette architecture et permettra donc de réaliser des économies à l’avenir.
Il s’agit d’organiser le dialogue entre la société, l’État et les agences. En tant que rapporteur, je puis vous dire que les agences souhaitent que leurs décisions soient validées par une instance indépendante.
Aujourd'hui, des alertes ne sont pas prises en compte, ce qui peut entraîner des désastres humains et économiques. Un autre problème tient à la contestation permanente des avis scientifiques, notamment de ceux des agences. Ces dernières sont donc favorables à la création d’une instance ayant vocation à valider leurs principes déontologiques et à vérifier la bonne prise en charge des alertes. Cela constituera une modernisation de l’ensemble du système.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Afin de tenter de convaincre le Sénat que la solution proposée par M. le rapporteur est vraiment la plus pertinente, je voudrais faire un parallèle avec le secteur de la sûreté nucléaire.
La loi qui a créé en 2006 l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, dans la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, a également créé le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui joue un rôle très utile. En effet, cette instance est le lieu du dialogue avec les experts, les organisations syndicales, les opérateurs, les organisations non gouvernementales, bref avec la société civile, sur les questions de sûreté nucléaire. Ses travaux ont d’ailleurs conduit à formuler un certain nombre de recommandations, par exemple sur le problème des déchets. Ces recommandations sont ensuite prises en compte par les pouvoirs publics et par l’Autorité de sûreté nucléaire elle-même.
Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire est une structure légère, qui n’est pas redondante avec d’autres. C’est une instance de ce type qu’il s’agit de créer au travers de cette proposition de loi. Elle ne sera pas une simple commission de plus et son fonctionnement ne mobilisera pas des moyens techniques et financiers extravagants.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je tiens à indiquer, en réponse aux propos de Mme Rossignol, que si nous n’avons pas déposé d’amendements, c’est pour la raison très simple que nous demandons que, conformément à la loi de 2009, un rapport nous soit présenté sur l’intérêt de créer une telle structure et d’améliorer les dispositifs d’alerte.
On va certainement me répondre que la précédente majorité n’a elle-même pas satisfait à cette obligation législative, mais nul ne saurait se prévaloir des forfaitures d’autrui ! (Sourires.)
Si un rapport de nature à nous éclairer sur les meilleurs voies et moyens d’améliorer le dispositif actuel nous avait été présenté, la situation aurait été tout autre. Sur le fond, nous sommes bien entendu tous d’accord pour améliorer les dispositifs d’alerte afin d’éviter des drames, sanitaires ou autres. Ce que nous contestons depuis le début, c’est que l’on crée un nouveau « machin ». Nous n’avons absolument pas été écoutés : changer la dénomination de l’instance ne change rien.
Je le répète, sur le fond, nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’améliorer le système d’alerte, mais avant d’élaborer une loi de plus, en l’occurrence pour faire plaisir à nos collègues du groupe écologiste, on aurait pu rédiger le rapport prévu par la loi de 2009.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. J’indique que ce rapport existe, mais que le précédent gouvernement a décidé de ne pas le publier.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Émet des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l'expertise scientifique et technique dans le domaine de la santé publique et de l'environnement, et procède à leur diffusion ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement fait suite au précédent, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
...° Est consultée sur les codes de déontologie mis en place dans les établissements et organismes publics relevant des domaines de la santé et de l'environnement dont la liste sera définie dans les conditions fixées à l’article 1er bis. Lorsqu'un comité de déontologie est mis en place dans l'établissement ou l’organisme, elle est rendue destinataire de son rapport annuel ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le lien entre la commission nationale et les comités de déontologie institués dans les agences.
La commission nationale sera consultée sur les codes de déontologie mis en place par les agences. Cela représente une garantie pour ces dernières : je n’insisterai jamais assez sur ce point ! J’espère que notre débat de cet après-midi nous permettra progressivement de mieux appréhender l’ensemble de l’architecture du dispositif.
Il s’agit d’instaurer un dialogue apaisé sur ces questions dans notre société, et certainement pas, monsieur Maurey, de faire plaisir à un groupe politique ! L’alerte, la détection du risque, la protection des lanceurs d’alerte sont des sujets beaucoup trop importants pour que l’on ramène le débat à de telles considérations !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. J’ai cru comprendre que le rapport auquel j’ai fait référence tout à l’heure avait été rendu, mais qu’il n’avait pas été publié par le précédent gouvernement. Est-ce bien cela, madame la ministre ?
M. Hervé Maurey. Alors pourquoi ne le rendez-vous pas public maintenant ? Il aurait pu faire partie des éléments mis à notre disposition pour l’examen de la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Ce rapport avait été prévu par le Grenelle de l’environnement, mais le précédent gouvernement avait décidé de ne pas le rendre public. Pour ma part, qu’il soit transmis aux parlementaires ne me pose aucune difficulté.
M. Hervé Maurey. Il aurait été intéressant de pouvoir en disposer pour préparer ce débat !
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
...° Transmet les alertes qui lui sont adressées aux ministres compétents, qui informent la commission de la suite qu’ils réservent aux alertes transmises, et des éventuelles saisines des agences réalisées en lien avec ces alertes ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement devrait contribuer à éclairer le débat.
La future commission nationale n’a pas vocation à instruire elle-même des alertes. Il pourra arriver qu’elle en soit directement destinataire, mais, en tout état de cause, c’est à l’État et aux administrations compétentes qu’incombe la responsabilité de la gestion du risque et de l’alerte dans notre pays.
Cet amendement vise à opérer une distanciation nécessaire, de manière à éviter toute confusion entre ce qui relèvera de la commission nationale et la responsabilité de l’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il n’est pas question que la commission nationale se substitue aux différentes instances chargées du traitement des alertes qui leur sont adressées. Cet amendement peut permettre de prévenir une confusion.
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de cohérence, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Identifie les bonnes pratiques, en France et à l’étranger, et émet des recommandations concernant les dispositifs de dialogue entre les organismes scientifiques et la société civile sur les procédures d’expertise scientifique et les règles de déontologie qui s’y rapportent ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. L’amendement n° 50 tend lui aussi à préciser le rôle de la future commission nationale. Encore une fois, elle a vocation à être le lieu d’un dialogue nourri des pratiques non seulement françaises, mais aussi étrangères, des expériences extrêmement intéressantes étant menées dans d’autres pays. La mission de la commission nationale sera de formuler des propositions et d’aider au fonctionnement optimal du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Il me paraît très important de recenser toutes les bonnes pratiques dans ce domaine. Voilà quelques jours, je me suis rendue dans l’Oise pour y visiter, avec la sénatrice Laurence Rossignol, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, qui a créé un comité de dialogue avec la société civile dont les travaux sont vraiment très utiles à l’orientation des travaux de recherche.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements et organismes ayant une activité d’expertise et de recherche dans le domaine de la santé ou de l’environnement tiennent un registre des alertes qui leur sont transmises et des suites qui y ont été données.
Un décret en Conseil d’État précise la liste de ces établissements ou organismes.
Ces registres sont accessibles aux corps de contrôle des ministères de la santé, de l’agriculture et de l’environnement ainsi qu’à la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement, dans le cadre de ses compétences.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement tend à introduire dans le dispositif de la proposition de loi un élément nouveau, qui constituera, me semble-t-il, une avancée considérable dans la gestion collective de l’alerte. Il s’agit de prévoir qu’un certain nombre d’établissements ou d’organismes dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État tiendront un registre des alertes qui leur sont transmises.
Je me réjouis de la qualité du travail que nous avons pu mener avec le Gouvernement sur ce point. Il est extrêmement important d’assurer la traçabilité des alertes, d’être en mesure de recouper des alertes parvenant à des instances différentes. Il s’agit là d’une véritable modernisation de nos systèmes de gestion de l’alerte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. L’avis du Gouvernement est très favorable, monsieur le président.
La création du registre des alertes prévue à l’article 1er est tout à fait pertinente et représente une avancée majeure. Une difficulté se posait néanmoins, dès lors qu’il existe une pluralité d’agences et d’expertises et que l’alerte doit être traitée par l’organisme auquel elle a été adressée. Par conséquent, la proposition du rapporteur tendant à ce que chaque établissement ou organisme de recherche concerné tienne lui-même un registre des alertes qui lui sont transmises, la commission nationale exerçant une mission de supervision transversale et de recoupement des alertes, est tout à fait bienvenue.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 2
La Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement peut être saisie par :
- un membre du Gouvernement, un député ou un sénateur ;
- l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- les associations de défense des consommateurs agréées en vertu de l’article L. 411-1 du code de la consommation ;
- les associations de protection de l’environnement agréées en vertu de l’article L. 141-1 du code de l’environnement ;
- les associations ayant des activités dans le domaine de la santé agréées en vertu de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique ;
- les cellules d’alerte sanitaire et environnementale mentionnées à l’article 9 ;
- les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 15.
Sur sa propre initiative, elle peut se saisir de toute question relative à l’expertise scientifique et à l’alerte en matière de santé et d’environnement.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
La Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement peut
par les mots :
La commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement peut se saisir d’office ou
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les organisations syndicales visées à l’article L. 2122-1 du code du travail et les organisations interprofessionnelles d’employeurs au niveau national ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement vise à remédier à un manque : les organisations syndicales et les organisations interprofessionnelles d’employeurs au niveau national doivent pouvoir saisir la commission nationale de la déontologie et des alertes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
un établissement public ou un établissement d’enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité de saisir la commission nationale aux établissements publics ou aux établissements d’enseignement supérieur.
Je souligne que, afin d’éviter à la commission nationale une surcharge de travail, le texte ne prévoit pas qu’elle puisse être saisie directement par les particuliers. Il leur faudra passer par les syndicats, les organisations interprofessionnelles ou les associations agréées. Il s’agit d’être réalistes : la commission ne doit pouvoir être saisie que par des structures qualifiées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 56, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
La Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement est composée de membres choisis en raison de leur qualification ou de leur expérience dans le domaine de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement :
1° deux membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, désignés par ce dernier ;
2° un membre du conseil d’État ayant au moins le grade de conseiller désigné par l’Assemblée générale du Conseil d’État ;
3° deux membres de la Cour de cassation ayant au moins le grade de conseiller désigné par l’Assemblée générale de la Cour de cassation :
4° sept personnalités qualifiées ayant mené des missions d’expertise collectives désignés par les grands organismes de recherche ;
5° sept représentants d’agences, établissements et instituts, impliqués dans l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux désignés en raison de leur expérience des questions de déontologie dans les missions d’expertise ;
6° cinq personnalités qualifiées pour leurs travaux de recherche sur l’expertise scientifique désignées par le directeur général de l’Agence nationale de la recherche ;
7° trois personnalités qualifiées en matière de droit du travail, de droit de l’environnement et de droit de la santé publique désignées par l’Assemblée générale du Conseil d’État ;
8° cinq représentants d’associations concernées par la déontologie de l’expertise scientifique, désignés par le Conseil économique, social et environnemental ;
9° un représentant de chacune des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, en application des articles L. 2121-1 du code du travail.
Les membres de la Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement sont nommés par décret en Conseil d’État.
La durée du mandat des membres de la Haute Autorité est de quatre ans, renouvelable une fois. Le mandat n’est pas révocable.
En cas de vacance survenant plus de six mois avant l’expiration du mandat d’un membre, il est procédé à son remplacement par un nouveau membre dont le mandat expire à la date à laquelle aurait pris fin le mandat de celui qu’il remplace.
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement comprend des parlementaires, des représentants du Conseil d’État et de la Cour de cassation, des membres du Conseil économique, social et environnemental et des personnalités qualifiées au titre de leurs travaux relatifs à l’évaluation des risques, l’éthique ou la déontologie, ou en matière de droit du travail, de droit de l’environnement ou de droit de la santé publique, ou appartenant à des organismes de recherche et ayant mené des missions d’expertise collective.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de réécriture de l’article 3.
Certains nous disent que la commission nationale sera un nouveau comité Théodule, mais nous essayons en réalité d’en faire une instance vraiment représentative, en prévoyant que des membres du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental, notamment, y siégeront aux côtés de représentants des syndicats et des associations de protection de l’environnement agréées, ainsi que d’experts. Sa composition représentative lui permettra de ne pas voir sa légitimité contestée et d’être en mesure de conforter l’ensemble de notre dispositif national de gestion de l’alerte et de l’expertise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
La nouvelle rédaction proposée pour l’article 3 a aussi l’avantage d’apporter un élément de souplesse, du fait de l’emploi de l’adverbe « notamment ». Cela me paraît très important dans la mesure où, quand la composition d’une instance est figée par la loi, il est impossible de la compléter par décret. Il est arrivé dernièrement que nous ayons à délégiférer pour remédier à cette situation.
Les dispositions ainsi rédigées encadrent parfaitement la composition de la commission nationale, qui rassemblera des représentants d’autorités institutionnelles, morales et scientifiques. Elle sera ainsi en mesure d’éclairer l’ensemble de la société sur les questions de déontologie et d’expertise.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Mme la ministre se félicite de l’introduction de l’adverbe « notamment ». Or, outre que les juristes ne l’apprécient guère, je ne le vois nulle part dans le texte de l’amendement… Peut-être Mme la ministre dispose-t-elle d’un document erroné, à l’instar de sa collègue qui siégeait hier au banc du Gouvernement…
Mme Évelyne Didier. C’est mesquin !
M. Jean Bizet. Pas du tout !
M. Hervé Maurey. Je ne vois pas ce qu’il y a de mesquin à constater que Mme la ministre fait référence à une version de l’amendement autre que celle dont nous disposons.
Mme Évelyne Didier. Ce qui est mesquin, c’est de rappeler ce qui s’est passé hier !
Mme Delphine Batho, ministre. La rédaction de l’amendement dont je dispose diffère effectivement de la vôtre… Je prie le Sénat de bien vouloir excuser le Gouvernement de cette erreur matérielle.
Toutefois, je pense qu’il serait opportun, par souci de sécurité, d’introduire l’adverbe « notamment » dans la rédaction au cours de la navette.
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
Le personnel de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement est composé d’agents de droit public. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles la Haute Autorité peut faire appel à toute personne extérieure dont elle juge la présence nécessaire pour mener à bien sa mission.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Un décret en Conseil d'État précise la composition et les modalités de fonctionnement de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement ainsi que les conditions d’application du présent titre.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement tend à renvoyer la détermination de la composition et des modalités de fonctionnement de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement à un décret en Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Dans la mesure où Mme la ministre dispose déjà des amendements qui seront examinés par nos collègues députés, nous gagnerions sans doute du temps si elle nous les soumettait dès aujourd'hui, d’autant que le Gouvernement a pris l’habitude de donner systématiquement le dernier mot à l’Assemblée nationale… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Odette Herviaux. La faute à qui ?
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
Les membres de la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, les personnes qui lui apportent leur concours, ou qui collaborent occasionnellement à ses travaux, ainsi que les membres de son personnel, sont soumis à des règles de confidentialité, d’impartialité et d’indépendance, dans l’exercice de leurs missions. Ils sont tenus de souscrire, dès leur entrée en fonction, une déclaration publique d’intérêts. Ce document est rendu public et fait l’objet d’une actualisation périodique.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les membres de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement et les personnes qui lui apportent leur concours, ou qui collaborent occasionnellement à ses travaux, sont soumis à des règles de confidentialité, d'impartialité et d'indépendance dans l'exercice de leurs missions.
Ils sont tenus de souscrire, lors de leur entrée en fonction, une déclaration publique d'intérêts. Celle-ci mentionne les liens d'intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de la santé ou de l'environnement ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs. Elle est rendue publique et fait l’objet d’une actualisation annuelle.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les membres de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement seront soumis à des règles de confidentialité, d’impartialité et d’indépendance dans l’exercice de leurs missions et qu’ils devront souscrire une déclaration publique d’intérêts lors de leur entrée en fonctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Article 6
La Haute Autorité dispose de l’autonomie financière. Son budget est rattaché au budget des services du Premier ministre.
Les ressources de la Haute Autorité sont constituées par :
1° Une dotation globale ;
2° Des subventions de l’État et éventuellement d’autres personnes publiques ;
3° Des produits divers.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement est important.
On l’aura compris, sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la création d’une instance ayant vocation à harmoniser les règles de déontologie et à définir une charte de l’expertise qui était au demeurant prévue par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Il aurait été souhaitable qu’elle soit également chargée d’harmoniser les protocoles d’expertise – la récente polémique sur les organismes génétiquement modifiés a montré que cela était nécessaire – et de garantir la prise en compte effective des alertes, tout en encadrant les choses pour éviter les abus.
Cela étant, la question du financement de cette structure est cruciale à nos yeux. Dans le projet de loi de finances pour 2013, il apparaît que les crédits du programme Prévention des risques de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et que les fonds alloués aux agences dans le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission « Santé » connaissent une diminution de 7 % et de 5 % respectivement. Or nous n’avons aucune assurance quant aux modalités de financement de la nouvelle instance que vous voulez créer. Y aura-t-il transfert de crédits consacrés aujourd’hui à la prévention des risques ou aux agences spécialisées ? Sinon, quelles structures existantes vous engagez-vous à supprimer pour garantir que la création de la commission nationale s’effectuera bien à moyens constants, sans nuire à d’autres politiques, comme, j’y insiste, celle de la prévention des risques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. J’ai obtenu, au titre du projet de loi de finances pour 2013, des arbitrages qui permettent de préserver les moyens de la prévention des risques. Un transfert de crédits vers le fonds Barnier de prévention des risques naturels majeurs donne l’impression optique d’une diminution du budget consacré à cette politique, mais il y a en réalité une stabilisation des moyens alloués à ce qui représente une composante majeure de l’action de l’État en matière de sécurité des biens et des personnes.
En ce qui concerne les moyens affectés à la nouvelle commission nationale, nous n’avons pas l’intention de déshabiller Paul pour habiller Pierre : nous travaillerons à moyens constants, sans opérer de prélèvement sur le budget des agences, qui, je le sais, ont des inquiétudes quant à leur financement.
Pour reprendre la comparaison que je faisais tout à l’heure avec le secteur de la sûreté nucléaire, les moyens de secrétariat du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire sont pris en charge par la direction générale de la prévention des risques. Sous réserve d’un inventaire plus précis, je pense que nous nous orienterons vers une solution comparable pour la commission nationale, dans un contexte budgétaire certes contraint.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Contrairement à ce qu’a pu dire M. Dantec, cet amendement est beaucoup plus qu’un simple amendement de cohérence. En effet, il vise en réalité à retirer tout financement à la nouvelle instance ! C'est donc à juste titre que Chantal Jouanno a soulevé la question de ses moyens de fonctionnement, car celui-ci aura nécessairement un coût. Or, si j’ai bien compris, la création de la commission nationale ne s’accompagnera pas de la suppression d’une autre structure. Par conséquent, la mise en place de la nouvelle instance engendrera forcément des dépenses supplémentaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Soyons francs : la nouvelle commission aura besoin d’un secrétariat (M. Hervé Maurey acquiesce.),…
M. Jean Bizet. Elle aura donc un coût !
Mme Delphine Batho, ministre. … qui pourra être pris en charge par l’État, à l’exemple de celui du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.
Par ailleurs, je vous confirme qu’une remise en ordre de la centaine d’instances de concertation et de gouvernance placées sous l’autorité de mon ministère est prévue. Elle se traduira par la réorganisation ou la suppression d’un certain nombre d’entre elles. Il s’agit donc bien de travailler à moyens constants.
Mme Odette Herviaux. Très bien !
M. le président. En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7
La Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement établit chaque année un rapport adressé au Parlement et au Gouvernement qui évalue notamment les suites qui ont été données à ses avis, mentionne les atteintes éventuelles à la liberté d’expression des personnes ayant contribué à lancer une alerte et comporte, en tant que de besoin, des recommandations sur les réformes qu’il conviendrait d’engager pour améliorer le fonctionnement de l’expertise scientifique et technique et la gestion des alertes.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement établit chaque année un rapport adressé au Parlement et au Gouvernement qui évalue les suites qui ont été données à ses avis et aux alertes dont elle a été saisie et comporte, en tant que de besoin, des recommandations sur les réformes qu'il conviendrait d'engager pour améliorer le fonctionnement de l'expertise scientifique et technique et la gestion des alertes. Ce rapport est rendu public et accessible en ligne.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement établira chaque année un rapport d’évaluation des suites données à ses avis et aux alertes dont elle aura été saisie. Il sera adressé au Parlement et au Gouvernement et, par souci de transparence, rendu public.
Ce rapport comportera des recommandations sur les réformes qu’il conviendrait d’engager. La commission doit en effet jouer un rôle de facilitateur. Sa composition la mettra tout à fait en mesure, me semble-t-il, d’émettre des recommandations pertinentes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.
TITRE II
EXERCICE DU DROIT D’ALERTE EN MATIÈRE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE
Article 8
Toute personne physique ou morale qui rend publique ou diffuse de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît dangereuse pour la santé publique ou pour l’environnement, bénéficie des dispositions prévues par la présente loi.
Pour bénéficier de cette protection, elle doit respecter l’obligation de confidentialité, s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse et faire connaître son identité à la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Plancade, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elle peut saisir le Défenseur des droits dans les conditions prévues par l'article 5 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
II. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Pour bénéficier de cette protection, elle doit respecter une obligation de confidentialité et s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse.
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Cet amendement a pour objet de permettre aux lanceurs d’alerte de saisir le Défenseur des droits.
En effet, selon l’article 5 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, ce dernier peut être saisi par « toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public ».
Il s’agit de renforcer la protection des lanceurs d’alerte, plusieurs affaires récentes, comme celle du Mediator, ayant montré qu’ils pouvaient souvent être victimes de discriminations importantes.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Pour bénéficier de cette protection, elle doit respecter une obligation de confidentialité et s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 41 rectifié bis.
M. Ronan Dantec, rapporteur. L’amendement n° 62 deviendrait sans objet si l’amendement n° 41 rectifié bis, sur lequel la commission a émis un avis favorable, était adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 41 rectifié bis, qui est satisfait. Je partage l’objectif visé, qui est de permettre la saisine du Défenseur des droits par les lanceurs d’alerte, mais celle-ci est déjà possible.
Dans le même esprit, M. le rapporteur a déposé un amendement, à l’article 17, tendant à étendre le bénéfice des dispositifs de protection des lanceurs d’alerte aux personnes victimes de discriminations parce qu’elles auraient relaté des faits.
La rédaction de l’amendement de M. Plancade soulève une difficulté juridique. Le Défenseur des droits ayant été créé par une loi organique, toute évolution de ses missions relève de ce niveau. Modifier par une loi ordinaire les compétences du Défenseur des droits poserait donc un problème de constitutionnalité. Cela étant, je le redis, cet amendement est déjà satisfait.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 62.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, je demande une suspension de séance, afin que la commission puisse examiner le problème soulevé par Mme la ministre.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. La commission confirme son avis favorable sur l’amendement n° 41 rectifié bis, qui est maintenu
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. À la suite des échanges que nous avons eus pendant la suspension de séance, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, même s’il lui paraît satisfait.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 62 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Les établissements visés à l’article L. 2311-1 du code du travail qui emploient onze salariés ou plus prévoient dans leur règlement intérieur ou un document équivalent, une cellule d’alerte sanitaire et environnementale dont le mode de désignation et l’effectif, compte tenu du nombre des salariés, sont fixés par décret en Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 4131-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il alerte immédiatement l’employeur s’il estime de bonne foi que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par l’établissement font peser un risque sur la santé publique ou l’environnement. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Les onze amendements que je présenterai ont été adoptés par la commission des affaires sociales au cours de sa réunion du 10 octobre dernier.
La commission des affaires sociales a centré sa réflexion et ses propositions sur la création de cellules d’alerte sanitaire et environnementale dans les entreprises.
Conformément au protocole du 16 décembre 2009, les partenaires économiques et sociaux ont été consultés. Un certain nombre d’entre eux ont exprimé leur point de vue par écrit ; ces réponses figurent en annexe du rapport de la commission des affaires sociales. Cette consultation a permis d’approfondir la réflexion.
D’une façon générale, plutôt que la création dans l’entreprise d’une cellule d’alerte sanitaire et environnementale, les partenaires économiques et sociaux ont préconisé, ce qui a semblé être une proposition de bon sens aux membres de la commission des affaires sociales, un élargissement des compétences des structures existantes : les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, les délégués du personnel, lorsqu’ils existent, pour celles comptant de onze à cinquante salariés, tandis qu’un de nos amendements prévoit une autre solution pour les plus petites entreprises.
Pour l’instant, ces structures ne sont compétentes qu’en matière de santé au travail. L’idée est d’élargir leur champ d’intervention aux questions de santé publique et d’environnement. C’est cette logique qui sous-tend nos amendements.
L’amendement n° 1, quant à lui, vise à modifier le dispositif de l’article L. 4131-1 du code du travail pour tenir compte des remarques des partenaires sociaux. Il tend à élargir le droit d’alerte dont dispose tout salarié, conformément aux dispositions actuelles du code du travail, s’il a un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, aux situations de risque sanitaire ou environnemental liées à l’activité de l’établissement qui l’emploie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Je salue le travail de concertation avec les partenaires sociaux réalisé par Mme Archimbaud.
Lors de la discussion générale, j’avais indiqué que le Gouvernement s’interrogeait sur les mesures qu’il était possible de faire figurer dans la proposition de loi alors que des négociations sociales portant sur les prérogatives des institutions représentatives du personnel sont en cours.
J’ai pris bonne note de la volonté du Sénat d’adopter d’ores et déjà des dispositions. Vous comprendrez néanmoins que le Gouvernement se réserve la possibilité d’y revenir en cas de conclusion d’accords entre les partenaires sociaux sur cette question. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’ensemble des amendements de la commission des affaires sociales.
En ce qui concerne l’amendement n° 1, je relève un risque de confusion entre le droit d’alerte sur une atteinte grave et imminente à la santé actuellement prévu par le code du travail et le droit d’alerte au sens de la présente proposition de loi, en cas de risque pour la santé publique ou l’environnement : nous aurions préféré qu’ils ne soient pas inscrits dans le même article du code du travail. Quoi qu’il en soit, je m’en remets sur ce point à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.
Article 10
Après le 2° de l’article L. 1321-1 du code du travail, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les conditions de fonctionnement de la cellule d’alerte sanitaire et environnementale ; »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article L. 4131-2 du code du travail, après le mot : « imminent », sont insérés les mots : « ou un risque pour la santé publique ou l’environnement ».
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Dans la même logique que le précédent, cet amendement vise à étendre le droit d’alerte actuellement reconnu aux représentants du personnel qui siègent au CHSCT lorsqu’il existe une cause de danger grave et imminent aux cas de risque sanitaire ou environnemental.
C’est un moyen d’assurer l’anonymat du lanceur d’alerte, car tout salarié pourra informer un représentant du CHSCT de ses craintes liées à d’éventuelles conséquences de l’activité de l’entreprise. Son identité n’aura pas à être révélée lors de la discussion de l’alerte par le CHSCT.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le CHSCT est effectivement le bon instrument pour l’exercice du droit d’alerte. Néanmoins, comme je l’ai souligné à propos de l’amendement précédent, il peut paraître problématique de mettre sur le même plan le risque imminent d’atteinte à la santé et une information sur un risque n’ayant pas le même degré d’urgence ou de gravité. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
Article 11
L’article L. 1321-2 du code du travail, est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les dispositions relatives au fonctionnement de la cellule d’alerte sanitaire et environnementale qui doit être informée de tout risque pesant sur la santé publique ou sur l’environnement. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4612-1 du code du travail est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° D’examiner les alertes sanitaires ou environnementales dont il est saisi par un salarié de l’établissement ou par un de ses membres. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à expliciter les nouvelles missions qu’il convient de confier au CHSCT en matière de protection de la santé publique et de l’environnement. Il vise à compléter l’article du code du travail qui définit les missions de ce dernier, afin de préciser qu’il est compétent pour examiner les alertes sanitaires ou environnementales émanant des salariés de l’établissement. Le CHSCT jouera ainsi un rôle de filtre et fera remonter rapidement les alertes les plus préoccupantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.
Article 12
L’article L. 4141-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il organise et dispense également une information sur les risques potentiels que font peser sur la santé publique ou l’environnement les produits et procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier. Cette information est dispensée en association avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel. » – (Adopté.)
Article 13
Le salarié qui estime de bonne foi que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser des risques sur la santé publique ou l’environnement alerte immédiatement l’employeur et informe sans délai la cellule d’alerte sanitaire et environnementale de l’établissement
Si l’établissement relève du régime des installations classées, l’employeur doit informer les autorités concernées.
Après avoir procédé à une enquête en association avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel, la cellule d’alerte sanitaire et environnementale saisit, s’il y a lieu, la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement qui l’inscrit au registre des alertes prévues par le 6° de l’article premier.
Si le salarié visé au premier alinéa juge qu’il existe un danger grave et imminent pour la santé publique ou pour l’environnement, il peut, après en avoir informé l’employeur, saisir directement la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement qui évalue dans un délai approprié si l’urgence de l’alerte nécessite sa transmission à l’autorité publique concernée.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4612-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également consulté avant tout changement des produits ou des procédés de fabrication utilisés dans l’établissement susceptible de faire peser un risque sur la santé publique ou l’environnement. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise, en lien avec les précédents, à rendre obligatoire la consultation du CHSCT lorsque l’employeur décide d’apporter à l’organisation du travail ou aux méthodes de production des modifications importantes qui pourraient engendrer des risques sanitaires ou environnementaux.
Il tend ainsi à compléter la mission de veille et d’alerte en matière de santé publique et d’environnement du CHSCT, dont la consultation est obligatoire aujourd’hui seulement sur les questions touchant à la santé au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, on ne mesure pas les conséquences de telles dispositions pour les entreprises. Comment pourront-elles continuer à créer des richesses si des mesures de ce type viennent entraver davantage encore leur fonctionnement ?
Encore une fois, je suis stupéfait de cet angélisme, à mon avis coupable en une période où l’on ne fait que parler de la compétitivité de l’industrie française.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais rassurer M. Bizet : il ne s’agit nullement d’entraver le fonctionnement des entreprises.
Je prendrai un exemple très simple montrant en quoi cet amendement est utile. Il a trait à la protection de l’environnement.
Noroxo, une entreprise du Pas-de-Calais, a voulu enrichir sa station d’épuration un peu défaillante avec des boues vivantes venues d’une autre station, très éloignée. Un salarié a alors alerté l’entreprise sur le risque de légionellose, des problèmes de cet ordre étant déjà survenus par le passé, mais il n’a été tenu aucun compte de son avis.
Des amibes ont été transportées avec les boues, et ont trouvé un lieu propice à leur développement dans les tours de refroidissement de l’usine, qui ont ainsi été contaminées. La direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement a conseillé de les nettoyer, mais l’utilisation pour ce faire de simple eau chaude a entraîné une explosion de la population microbienne ; les légionelles se sont ensuite répandues, et il y a eu plusieurs dizaines de morts…
Si le salarié à l’origine de l’alerte avait été entendu, ces morts auraient été évitées et, de plus, l’usine Noroxo n’aurait pas fermé, en conséquence de ce drame ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Madame la ministre, à l’occasion d’une table ronde sur les risques industriels organisée en 2009, avait été évoquée la nécessité que les salariés puissent jouer un rôle beaucoup actif dans la prévention des risques. Ce sujet avait été renvoyé à une négociation qui devait être menée par le ministère du travail. Je sais qu’il doit être examiné dans le cadre des négociations en cours au sein de la Conférence sociale ; peut-être cet amendement anticipe-t-il les conclusions de ces négociations ? Où en est-on sur ce dossier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les prérogatives des institutions représentatives du personnel, et donc les compétences des CHSCT, notamment en matière de prévention des risques industriels ou de protection de la santé des salariés, font bien sûr partie des thèmes des discussions en cours au sein de la Conférence sociale.
Nous ne savons pas encore si un accord pourra être obtenu, mais, comme je l’avais dit lors de la discussion générale, le Gouvernement entend tenir compte des négociations en cours entre les partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur l’ensemble des amendements traitant de ces questions, en particulier l'amendement n° 4, qui vise à étendre considérablement les prérogatives des CHSCT. J’ai d’ailleurs indiqué tout à l’heure, par précaution, que, en fonction des résultats des travaux de la Conférence sociale, le Gouvernement pourrait être amené à reprendre les dispositions de la présente proposition de loi.
En s’en remettant à la sagesse du Sénat, le Gouvernement adopte en quelque sorte une position d’attente, tout en comprenant votre volonté d’avancer sur ce sujet. Celle-ci constitue aussi un signal adressé aux partenaires sociaux, mais le Gouvernement ne peut anticiper sur les conclusions de leurs discussions.
M. le président. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.
Article 14
L’employeur dispose d’un délai de deux mois pour décider de donner suite ou non à l’alerte. S’il estime que l’alerte n’est pas justifiée, son refus doit être motivé et préciser les informations dont il juge qu’elles sont couvertes par l’obligation de confidentialité. Il en informe par écrit la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, le salarié qui a lancé l’alerte, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l’inspecteur des installations classées.
S’il estime l’alerte justifiée, il élabore, dans les deux mois, un plan de mesures qu’il soumet au salarié qui a lancé l’alerte, au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l’inspecteur des installations classées en mentionnant les informations qui sont, selon lui, couvertes par l’obligation de confidentialité. Il en informe la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement.
En cas de divergence sur la réalité du risque, la façon de le faire cesser ou sur le sort réservé à l’alerte, le salarié qui a lancé l’alerte, l’employeur, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l’inspecteur des installations classées peuvent saisir la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement qui ouvre alors une procédure d’examen.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4612-5 du code du travail est complété par les mots : « , ainsi que des enquêtes sur les alertes sanitaires ou environnementales qui lui sont signalées en application de l’article L. 4612-1 ».
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Afin de garantir que le CHSCT disposera de toutes les compétences nécessaires à l’exercice de ses nouvelles missions d’examen des alertes sanitaires ou environnementales, nous proposons d’étendre les pouvoirs d’enquête qui lui sont actuellement reconnus uniquement en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 14 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 4614-10 du code du travail, après le mot : « graves », sont insérés les mots : « , en cas d’événement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement lié à l’activité de l’établissement ».
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à compléter les dispositions relatives au CHSCT en prévoyant, comme en cas d’accident grave, sa réunion obligatoire dès lors que l’activité de l’établissement concerné a porté ou aurait pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement. Il s’agit toujours de la même démarche d’élargissement des compétences du CHSCT.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 14.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 4614-12 du code du travail, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsqu’il est alerté d’un risque sanitaire ou environnemental dans l’établissement. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Il s’agit cette fois d’étendre le droit du CHSCT d’avoir recours à un expert, son champ étant limité jusqu’à présent aux cas de risques graves constatés dans l’établissement et de projet important modifiant les conditions de travail.
Il est nécessaire que cette instance, qui ne dispose pas forcément, en interne, d’une capacité d’expertise de questions scientifiques complexes, puisse bénéficier d’une analyse indépendante en la matière. Comme le prévoit déjà l’article L. 4614-13 du code du travail, les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.
Cette mesure renforcera les moyens à la disposition du CHSCT pour l’examen des alertes dont il est saisi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 14.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 162-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 162-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-2-1. - L’autorité visée au 2° de l’article L. 165-2 peut être saisie par toute personne ayant connaissance d’un risque de dommages visés aux 1° et 2° de l’article L. 162-1. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement a été inspiré par le constat que les CHSCT n’existent que dans les entreprises de plus de cinquante salariés et vise le cas des plus petites entreprises.
Il s’agit de garantir la possibilité, pour toute personne qui décèle un risque environnemental lié à une entreprise, de saisir l’autorité compétente, c’est-à-dire le préfet du département, afin qu’il fasse application de ses pouvoirs de police administrative en matière de prévention et de réparation des dommages faits à l’environnement. Il s’agit de s’assurer que toutes les alertes environnementales puissent être correctement prises en compte et analysées, quelle qu’en soit la provenance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je souhaite le retrait de cet amendement, qui est en fait satisfait : le préfet de département peut d’ores et déjà être saisi par tout citoyen en matière d’alerte sur un risque pour la santé ou l’environnement. Ces dispositions seraient donc redondantes par rapport à celles qui figurent déjà dans le code de l’environnement.
M. le président. Madame la rapporteur pour avis, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président, compte tenu des explications de Mme la ministre, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1435-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1435-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1435-1-1. - Le directeur général de l’agence régionale de santé peut être saisi par toute personne disposant d’éléments laissant présumer l’existence d’un risque pour la santé de la population. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à permettre à toute personne de saisir l’autorité compétente d’un risque sanitaire qu’elle aurait identifié. L’amendement précédent portait, dans le même esprit, sur le risque environnemental.
La veille et la vigilance sanitaires relèvent de l’agence régionale de santé. C’est la raison pour laquelle il faut prévoir que son directeur général soit la personne qui recevra et examinera toutes les alertes sanitaires afin de déterminer leur sérieux et leur gravité. Il est le mieux à même de décider des suites à leur donner et des moyens de l’État à mobiliser dans ce cadre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je me demande s’il n’y a pas, là aussi, une redondance dans la mesure où, aujourd’hui, tout citoyen peut écrire au directeur de l’ARS.
Par ailleurs, s’agissant des corps intermédiaires, l’article L. 1313-3 du code de la santé publique prévoit que les associations de défense des consommateurs, les associations de protection de l’environnement, les associations ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades, ainsi que les associations d’aide aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, peuvent saisir l’ARS.
Je demande donc le retrait de cet amendement, dont je comprends bien la motivation mais qui est d’ores et déjà satisfait.
M. le président. Madame la rapporteur pour avis, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
Article 15
Lorsque la Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement est saisie en application des articles 13 et 14, elle s’assure d’abord que la procédure d’alerte concernée a été observée. Dans le cas contraire, elle demande aux parties intéressées d’y pourvoir. Elle dispose ensuite d’un délai de deux mois pour décider de donner suite ou non à l’alerte.
Lorsque la saisine est le fait d’une personne non salariée dans l’entreprise destinataire de l’alerte ou travaillant dans une entreprise de dix salariés ou moins, la Haute Autorité inscrit l’alerte au registre des alertes visé au 6° de l’article premier et dispose d’un délai de deux mois pour décider de lui donner suite ou non.
Toutes les personnes intervenant dans la procédure sont soumises à une obligation de confidentialité.
La Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement peut entendre comme témoin toute personne susceptible de l’éclairer. Le témoin peut demander à ce que son identité ne soit pas divulguée.
Dans les deux mois de sa saisine ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa, dans les deux mois suivant sa décision de donner suite à une saisine, elle rend un avis qui est transmis au ministre chargé de la santé publique, à la personne ayant lancé l’alerte et, le cas échéant, à l’employeur.
Dans un délai maximum de quatre mois, après la communication de l’avis, le ministre chargé de la santé publique et, le cas échéant, l’employeur informent la Haute Autorité des suites qu’ils ont données à son avis en motivant leurs décisions.
La Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte en matière de santé et d’environnement évalue, notamment, les suites qui ont été données à ses avis dans le rapport annuel prévu à l’article 7.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence, qui nous donne l’occasion de redire une nouvelle fois que la commission nationale n’aura pas pour mission d’instruire elle-même les alertes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 15 est supprimé.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article additionnel avant l'article 16
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-102-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les institutions représentatives du personnel peuvent présenter leur avis sur les démarches de responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises en complément des indicateurs présentés. » ;
2° Au début du sixième alinéa, les mots : « L'alinéa précédent s'applique » sont remplacés par les mots : « Les deux alinéas précédents s'appliquent ».
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de restaurer une mesure introduite par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, puis supprimée moins de six mois plus tard par le biais d’un cavalier législatif inséré dans la loi de régulation bancaire.
L’association des institutions représentatives du personnel aux obligations en matière de responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises avait été adoptée à l’unanimité en commission mixte paritaire lors de l’élaboration de la loi Grenelle 2. Elle constituait une avancée certaine en termes de prise en compte de l’avis des salariés sur le comportement social et environnemental de l’entreprise. Elle a été supprimée alors qu’elle n’avait pas encore été mise en œuvre : il semble donc utile de rétablir cette disposition au moment où l’on élargit la compétence des CHSCT aux alertes en matière environnementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Il est tout à fait souhaitable que les institutions représentatives du personnel puissent exprimer des avis en matière de risques d’atteinte à l’environnement, de santé publique et, plus largement, sur les choix et les pratiques de l’entreprise en matière de responsabilité sociale, environnementale et sociétale.
Dans le cadre des feuilles de route de la Conférence sociale et de la Conférence environnementale, le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux d’aborder ce sujet au cours du cycle des négociations interprofessionnelles. Réintroduire maintenant le dispositif dans la législation serait donc prématuré.
Par ailleurs, j’indique que nous mettons en place auprès du Premier ministre une plate-forme sur la responsabilité sociétale des entreprises.
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 16.
Article 16
Au premier alinéa de l’article 225-1 du code pénal, après les mots : « activités syndicales, » sont insérés les mots : « de leur participation au lancement d’une alerte sanitaire ou environnementale, ».
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article L. 1132-1 du code du travail, après le mot : « mutualistes, » sont insérés les mots : « de sa participation au lancement d’une alerte sanitaire ou environnementale, ».
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre la protection des lanceurs d’alerte, en complétant l’article L. 1132-1 du code du travail, qui énonce le principe général de non-discrimination en droit du travail.
Il est proposé d’ajouter à la liste des personnes ne pouvant être écartées d’un recrutement, sanctionnées ou licenciées celles qui ont été à l’origine d’une alerte. De cette façon, une large protection sera offerte dans le cadre de toutes les relations de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.
Article 17
Le livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
« Art. L. 1350. – Aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir alerté de bonne foi son employeur, sur un fait, une donnée ou une action dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et dont la méconnaissance lui paraît dangereuse pour la santé publique ou pour l’environnement. »
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1350-1. - Aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.
« En cas de litige relatif à l'application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l’environnement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit là d’un article tout à fait essentiel de la proposition de loi. Un dispositif similaire figure dans la loi Bertrand, qui a fait suite à l’affaire du Mediator.
Au travers de cet amendement, nous proposons d'étendre la protection des lanceurs d'alerte au-delà du domaine du médicament. Vous le savez, ce que nous allons décider sur ce sujet sera particulièrement observé. Cette question, je le dis avec force, ne se prête pas à des attitudes politiciennes. Nous connaissons tous de nombreux exemples de situations où des personnes ayant eu le courage de signaler un risque ou un danger se sont, de ce fait, mises en péril, notamment sur le plan professionnel. La presse s’en est souvent fait l’écho.
Il s’agit, en l’espèce, de reprendre un dispositif qui avait été introduit par la majorité précédente dans la loi Bertrand, pour en étendre le champ d’application, dans une perspective de continuité de l'action de l'État et de modernisation permanente de la réponse de ce dernier en matière d’alerte et de prévention du risque.
La situation est à peu près la même que pour l'amendement relatif à la responsabilité sociétale des entreprises que nous venons d'adopter : il reprenait une disposition de la loi Grenelle 2 qui avait été défendue par M. Borloo. Celui-ci avait d’ailleurs répondu favorablement, à l’époque, à la proposition formulée par Marie-Christine Blandin de créer la nouvelle instance faisant l’objet du présent texte.
Par-delà nos sensibilités politiques respectives, nous devons être capables de travailler ensemble sur ces questions cruciales. À cet égard, le fait que nous proposions aujourd'hui de renforcer la protection du lanceur d’alerte en reprenant un dispositif introduit dans la législation par l’ancienne majorité me semble avoir valeur de symbole.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dans l'esprit que vient de définir M. le rapporteur.
La protection des lanceurs d'alerte contre toute forme de discrimination dans l'entreprise est déjà prévue, pour ce qui concerne la corruption et la santé, par la loi Bertrand. L'alerte sanitaire et environnementale répond à la même logique, celle de l'intérêt général et de la protection des personnes dont le témoignage sert la manifestation de la vérité.
Il s'agit, par l'amendement n° 64, de mettre en cohérence le dispositif de protection du lanceur d'alerte sanitaire et environnementale avec les dispositions existantes du code du travail et du code de la santé publique.
Cet amendement de réécriture de l’article reprend les formulations qui font référence en la matière. La sanction civile qui est prévue à cet article permet d’apporter toutes garanties quant à la protection du lanceur d'alerte. Toute décision de l'employeur à caractère discriminatoire entraînerait la nullité de l'acte. Par exemple, le licenciement d'un salarié ayant témoigné serait déclaré nul et celui-ci serait réintégré.
Cet article prévoit aussi le renversement de la charge de la preuve, notion qui avait été introduite par la loi relative à la lutte contre les discriminations.
Il s’agit d’une avancée importante, qui prolonge ce qui avait été déjà fait en matière de santé ou de lutte contre les discriminations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cet amendement va dans le bon sens. Pour autant, si un salarié lanceur d'alerte ayant été licencié pourra obtenir sa réintégration dans l’entreprise, ses conditions de travail risquent d'être sérieusement altérées, et le mot est faible ! À cet égard, le dispositif de protection des lanceurs d'alerte en matière sanitaire et de sécurité des produits a-t-il une portée effective ? J’aimerais savoir si une évaluation a été menée sur ce point.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
L’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’une alerte sanitaire ou environnementale et si le fait diffamatoire fait objet d’une controverse scientifique sérieuse, le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense des éléments de nature à établir son caractère fortement plausible. »
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. La protection des lanceurs d'alerte contre toute forme de discrimination est déjà organisée par la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 18 est supprimé.
Article 19
Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits dénoncés est punie des peines prévues par l’article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse. – (Adopté.)
Article 20
Tout employeur destinataire d’une alerte qui n’a pas respecté les règles prévues par les articles 12 et 14 de la présente loi perd le bénéfice de l’exonération pour risque de développement prévu au 4° de l’article 1386-11 du code civil.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
les articles 12 et 14
par les mots :
le titre II
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
Toute personne physique ou morale qui divulgue sciemment des informations erronées ou garde par devers elle des informations importantes au regard de la protection de la santé publique ou de l’environnement est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende et perd le bénéfice de l’exonération pour risque de développement prévu au 4° de l’article 1386-11 du code civil.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Les dispositions de cet article sont quelque peu redondantes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 21 est supprimé.
Article 22
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles la présente loi est applicable :
1° Aux administrations de l’État ;
2° Aux établissements publics de l’État autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. La loi étant d'application générale, le dispositif de cet article est sans objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 23
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Dantec, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Nous parvenons au terme de l’examen de ce texte. Si nous avons totalement respecté l'esprit et l'ambition qui ont guidé son élaboration, nous l'avons transformé afin de le rendre plus cohérent et plus ramassé.
La nouvelle instance est maintenant une commission nationale consultative, et non plus une autorité administrative indépendante. Cela répond à une objection émise en commission.
En outre, la suppression de l'article 6 manifeste de façon extrêmement nette que la création de la commission nationale n’induira aucune dépense publique supplémentaire : elle se fera à moyens constants. Mme la ministre a d’ailleurs indiqué très clairement que la création de cette instance s’insérerait dans une remise à plat des nombreux organes de concertation déjà existants qui se traduira probablement par la disparition de certains d’entre eux. Cela répond à une seconde objection formulée en commission.
Aujourd'hui, nous instaurons les conditions d’un dialogue clair entre l’État, responsable de la gestion du risque, les agences, responsables de la qualité de l’expertise, et la société civile, représentée notamment par des membres du Conseil économique, social et environnemental.
Il s’agit de créer non pas une nouvelle agence qui mènera elle-même des expertises, mais une instance qui validera le travail des agences existantes en émettant des avis, en particulier sur les procédures de déontologie. Elle devra veiller à ce qu’aucune alerte ne soit laissée sans réponse. En effet, l’histoire récente nous a montré à quel point il pouvait coûter cher de négliger des alertes.
La proposition de loi s’inscrit dans une démarche de modernisation du fonctionnement de l’État. Elle contribuera à créer les conditions d’un dialogue apaisé au sein de la société, ce qui passe aussi par une meilleure association du monde du travail ; je salue, à cet égard, le travail réalisé en ce sens par la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, notre collègue Aline Archimbaud.
La rédaction initiale de notre proposition de loi avait été jugée un peu complexe. Son dispositif est désormais beaucoup plus resserré. Sa clef de voûte est le statut fort qu’il prévoit pour les lanceurs d’alerte : l’expérience de ces dernières années a montré à quel point l’absence d’un tel statut protecteur constitue une fragilité pour notre société. En protégeant les lanceurs d’alerte, nous nous protégeons tous.
La mise en œuvre du dispositif de cette proposition de loi n’engendrera pas de coûts supplémentaires pour l’État. Nous avons également été extrêmement attentifs à ne pas mettre en place une « usine à gaz ». Je relève que ce texte s’inscrit dans une certaine continuité avec des décisions prises par l’ancienne majorité, à la suite du Grenelle de l’environnement ou, dans le secteur du médicament, de l’affaire du Mediator, au travers de la loi Bertrand. L’objectif demeure la défense de l’intérêt général et la continuité de l’action publique.
La modification ici proposée de l’intitulé du texte a une valeur symbolique : elle exprime la capacité des parlementaires à élaborer des lois ensemble, au-delà des clivages politiques, pour aboutir à un consensus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Le changement d’intitulé proposé au travers de cet amendement traduit l’évolution du texte au fil des travaux du Sénat, sur un certain nombre de points majeurs.
En particulier, cette proposition de loi permettra des progrès notables en matière d’indépendance et de déontologie de l’expertise, d’attention aux signaux et de protection des lanceurs d’alerte. Son dispositif tient compte des craintes qui avaient pu s’exprimer quant aux conséquences, notamment financières, de la création d’une nouvelle instance. Il s’agira d’un lieu de dialogue, d’un organisme pourvu d’une certaine autorité morale, non redondant avec des structures existantes.
À cet égard, je précise que le Premier ministre a demandé à tous les ministres de recenser les structures redondantes. Un travail est en cours sur ce point avec le secrétariat général du Gouvernement. Ainsi, je suis en train d’établir la liste des instances relevant du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie qui n’ont plus d’utilité et sont donc appelées à être supprimées.
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons, après plusieurs semaines d’interruption, l’examen de la proposition de loi, déposée par le groupe écologiste, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte.
Pour notre part, nous considérons que les objectifs visés par la proposition de loi sont intéressants, d’autant que la discussion en séance publique et l’adoption des nombreux amendements, en particulier ceux de la commission des affaires sociales, ont permis d’enrichir utilement le texte, lui donnant la cohérence qui manquait à la version initiale.
Aujourd’hui, si nous adoptons cette proposition de loi, les lanceurs d’alerte disposeront enfin d’un statut juridiquement reconnu et protecteur. Bien entendu, nous devrons observer l’évolution de la situation dans le temps : peut-être devrons-nous apporter des correctifs, en fonction de la manière dont ce dispositif vivra. Quoi qu’il en soit, le texte constitue une bonne base de départ et, rappelons-le, il permet enfin la mise en œuvre effective de l’article 52 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « loi Grenelle 1 ».
La proposition de loi permet également d’étendre les compétences des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au sein des entreprises de plus de dix salariés, aux aspects environnementaux et sanitaires. Nous espérons maintenant que les membres élus des CHSCT pourront réellement bénéficier de formations et du temps nécessaire leur permettant d’appréhender efficacement leurs nouvelles prérogatives, puisqu’il n’est pas évident d’aborder ces questions sans préparation.
Par ailleurs, la création de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement permet de garantir, tout au long du traitement de l’alerte, le bon déroulement de la procédure, la « traçabilité » – pour reprendre l’expression de M. Dantec –, et la bonne coordination des acteurs. Une telle démarche est un gage d’efficacité et de transparence. Encore faudra-t-il que les subsides nécessaires à son bon fonctionnement soient accordés. Mme la ministre a évoqué quelques pistes, mais il est évident qu’un minimum de moyens est indispensable.
Sur le fond, comme nous l’avons tous déploré ici, l’expertise scientifique est largement soumise aux lobbies, aux conjonctions d’intérêts, en dépit et à rebours même de l’intérêt général. Nous considérons donc que l’adoption de la proposition de loi constituerait un premier pas encourageant, permettant de replacer l’intérêt général au centre de l’expertise scientifique en matière environnementale ou sanitaire. C’est pour cette raison que nous lui apporterons nos voix.
Mais il nous faut aller plus loin. Nous devons ainsi nous reposer collectivement la question du financement de la recherche et de sa soumission trop fréquente aux intérêts privés. Nous souhaitons que soit réhabilitée l’idée même de recherche publique.
Comme nous l’avions également demandé, nous souhaitons que soient redéfinis les contours du secret industriel, qui entrave souvent aujourd’hui la transparence des expertises et les pouvoirs de contrôle des instances concernées, comme des citoyens.
Nous vous l’avons dit, dans une volonté constructive, nous voterons la proposition de loi.
M. Christian Bourquin. Bravo, madame !
Mme Évelyne Didier. Notre position est claire depuis le début, mon cher collègue : sans passions ni discussions de tous genres, nous somme favorables à la proposition de loi. C’est la preuve que nous adoptons des démarches constructives ; je le dis pour vos collègues de l’Assemblée nationale !
Avant de conclure, et pour élargir un peu nos réflexions, je me permets de vous alerter, mes chers collègues, sur la situation réelle, aujourd’hui, des représentants des personnels au sein de l’entreprise, de tout citoyen qui fait le choix de l’engagement. En effet, des années de pouvoir de droite ont conduit à la criminalisation même de l’activité syndicale, comme en ont témoigné les poursuites contre les « cinq de Roanne ». Nous sommes particulièrement heureux à ce titre de la décision rendue en appel qui les a dispensés de peine.
Marquer l’idée de changement et rétablir la confiance entre les acteurs publics et les citoyens demandent des actes forts de la part du Gouvernement. Pour permettre à chacun de s’engager pour l’intérêt général et de devenir, le cas échéant, lanceur d’alerte, il est nécessaire qu’un climat apaisé existe et qu’une réelle liberté d’expression prévale. Cela signifie que l’on considère l’exercice de ce droit comme normal et faisant partie du rôle de tout citoyen.
Dans ce cadre, le Président de la République avait pris l’engagement, durant la campagne pour l’élection présidentielle, de faire adopter une loi d’amnistie pour les syndicalistes réprimés dans leur activité.
Mme Laurence Rossignol. C’est vrai !
Mme Évelyne Didier. Ce projet de loi utile doit être présenté rapidement au Parlement. Nous l’attendons !
C’est donc sur cette demande très officielle et symbolique que je souhaite conclure cette intervention, tout en réitérant le plein accord de mon groupe avec le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Bourquin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais avant toute chose vous dire que je suis surpris qu’une suspension de séance ait pu être réclamée juste avant le vote sur l’ensemble de la proposition de loi. L’objectif, qui n’a trompé personne, était de permettre à un groupe politique de récupérer quelques voix avant la décision finale…
M. Christian Bourquin. Pas du tout ! Il voulait obtenir des informations sur la victoire de François Fillon !
M. Jean Bizet. Sur le fond, je voudrais souligner que la proposition de loi est inspirée, à l’évidence, par de bons sentiments. Comme je le dis depuis le début de nos échanges, il faut reconnaître ce mérite au rapporteur. Mais le texte n’apporte que des réponses fragmentaires à des questions de grande ampleur et tend à faire de l’entreprise le cœur du problème.
Nous estimons que les entreprises n’ont besoin ni de nouvelles charges ni de tracasseries administratives supplémentaires. On parle de « choc de compétitivité », et vous répondez par davantage de complexité. On parle d’allégements de charges, et vous répondez par la création d’une haute autorité ! Je ne sais pas si M. Gallois est informé de cette proposition de loi, mais il ne sera sans doute pas ravi si elle parvient à être adoptée définitivement. J’imagine également que les instances communautaires ne verront pas sans un certain effroi le comportement du gouvernement français.
Nous n’avons pas besoin de complexifier davantage la vie des entreprises françaises. C’est pourquoi il eût été beaucoup plus pertinent de s’interroger sur le fond du problème. En effet, nous avons eu beau créer au fil du temps un certain nombre d’agences – ces créations répondaient, je le répète, à une nécessité impérative –, cela n’a pas empêché nos concitoyens d’être de plus en plus inquiets.
Cette situation s’explique par le fait que nous avons abandonné les fondamentaux : dans un premier temps, il faut permettre aux scientifiques, et à eux seuls, d’émettre un avis – plus celui-ci sera collégial, plus il aura d’importance et de pertinence ; dans un deuxième temps, la société civile, sous quelque forme que ce soit – associations, organisations non gouvernementales, collectifs, élus – peut émettre des recommandations sur la mise en œuvre de telle technique ou de tel produit.
Nous sommes tous collectivement responsables de cette dérive : avoir laissé s’instaurer un mélange des genres dans ce pays. On l’a vu récemment sur un sujet de société difficile : les politiques se mêlent de l’avis des scientifiques, ce qui concourt au malaise de nos concitoyens. Puisque le rapporteur est animé de bonnes intentions, je le répète, j’aurais souhaité que nous en revenions aux fondamentaux, ce qui aurait eu le mérite de clarifier la situation.
Au moment où l’on parle beaucoup d’économies, il a été rappelé que notre pays compte 1 244 agences liées à l’État, qui emploient 442 830 agents. Or celles-ci nous ont coûté 50 milliards d’euros en 2012, soit 20 % du budget général de l’État. Nous avons bien entendu Mme la ministre nous dire que le Gouvernement s’efforcerait de ne pas créer de nouveaux emplois ni de dépenses nouvelles. Nous verrons bien… En attendant, je suis intimement convaincu qu’une dérive se produira. En tout état de cause, nous ne nous inscrivons pas dans le sens de l’histoire !
Je voudrais également appeler l’attention de nos collègues sur les risques qui peuvent découler de la médiatisation de fausses alertes, susceptible d’affecter durablement la réputation d’une entreprise.
En tant qu’élu de Normandie, je suis bien placé pour savoir que ces fausses alertes ont contribué, il y a quelques années, au discrédit de certaines entreprises, voire à leur disparition pure et simple, tout simplement parce que des alertes précoces, médiatiquement incontrôlées, ont été lancées dans la nature et se sont avérées infondées, les germes incriminés n’étant pas au rendez-vous.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Justement ! Cela ne devrait plus se produire !
M. Jean Bizet. Je vous renvoie également à la fameuse crise du « concombre espagnol », causée en fait par la bactérie escherichia coli émanant d’une graine germée qui n’était pas d’origine espagnole. Cette affaire, qui a malheureusement entraîné un certain nombre de décès, a provoqué une destruction importante, pendant plusieurs mois, de la production légumière espagnole, fragilisant l’ensemble de la filière.
Je le répète, mais n’y voyez aucune agression à l’égard de M. le rapporteur, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». C’est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant qu’auteur de la proposition de loi, je pourrais vous dire que je ne reconnais plus mon texte. Vous pourriez en déduire que je suis déçue, mais tel n’est pas le cas : je suis très fière du texte qui est soumis à notre vote, de même que je suis fière du travail qui a permis d’y arriver.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. Notre texte est véritablement d’origine parlementaire. Il n’a pas été écrit dans un cabinet ministériel et inscrit à l’ordre du jour à la demande d’un parlementaire complaisant. Il ne s’agit pas non plus d’un brûlot destiné à permettre à son auteur quelques effets oratoires avant de retourner dans son coin après un vote négatif. Il s’agit d’une vraie proposition de loi qui nous tient à cœur ; elle répond à une nécessité et constitue une mesure d’utilité sanitaire et environnementale.
M. Bizet nous a cité l’exemple de la mauvaise réputation acquise par le concombre espagnol du fait d’une alerte infondée. Justement, grâce à l’adoption de ce dispositif, la future commission nationale, ex-haute autorité, examinera de près ce type de dossier et sera à même de dire qu’il n’y a pas lieu de donner l’alerte. Si ce dispositif avait existé, nous n’aurions donc pas connu cette enflure médiatique, ni cette inquiétude infondée, ni la chute du cours du concombre. En revanche, les médecins pneumologues ou cardiologues qui alertaient sur l’hypertension pulmonaire ou les valvules défectueuses résultant de l’utilisation du Mediator, eux, auraient pu être entendus ! Nous aurions ainsi évité des morts et des malades.
Je ne citerai pas à nouveau tous les scandales sanitaires, car notre temps est précieux, mais je tiens à dire que nous avons connu des lanceurs d’alerte licenciés, des chercheurs privés de moyens, des gens calomniés, traînés devant les tribunaux, voire qui se sont suicidés : tous donnaient l’alerte sur des causes fondées et justes, depuis les ouvrières touchées par l’amiante, à Condé-sur-Noireau, jusqu’à André Cicollela, chercheur dénonçant les quatre pires éthers de glycol, qui sont aujourd’hui retirés du marché parce que considérés comme tératogènes par les autorités européennes ainsi que par les industriels les plus sceptiques en la matière.
Je reprendrai aussi l’exemple cité par ma collègue et compagne de militance sur les sujets de sécurité sanitaire : en 2009, lors de la discussion de la loi Grenelle 1, j’avais déposé un amendement, repris par le rapporteur Bruno Sido, avec l’accord du président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, voté à l’unanimité par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale.
M. Roland Courteau. Je m’en souviens !
Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. Cet amendement tendait à promouvoir la création d’une instance spécifique, garante de l’indépendance de l’expertise et de la protection des lanceurs d’alerte. En démocratie, les délais sont longs ! Nous touchons peut-être enfin au but.
Je me réjouis également des engagements pris par Mme la ministre sur le respect du dialogue social en cours. Le Gouvernement se réserve donc le droit d’adapter le texte de cette proposition de loi au cours de la navette au vu des conclusions de ce dialogue social. Mme la ministre s’est également engagée à clarifier les compétences d’organismes trop nombreux, dont les missions se superposent, créant ainsi des surcoûts ; j’espère que ce gouvernement sera effectivement capable de nettoyer le paysage.
Si ce texte est adopté, je me permets de vous faire une proposition consensuelle : dédions-le tous ensemble à Irène Frachon ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste avait indiqué qu’il était d’accord avec les objectifs visés par ce texte, mais qu’il émettait quelques réserves sur les moyens de les atteindre. Je tiens donc à féliciter le rapporteur et l’auteur de la proposition de loi, qui ont tous deux travaillé avec le plus grand nombre, même s’ils auraient sans doute pu y associer tous ceux qui étaient susceptibles de partager la finalité recherchée.
D’aucuns ont affirmé qu'il fallait que ce texte aboutisse pour des raisons politiques. En aucun cas ! C’est bien plutôt pour des raisons citoyennes et scientifiques.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. Et humaines !
Mme Laurence Rossignol. Souvenez-vous des ouvrières de cette entreprise de prothèses mammaires qui expliquaient à la télévision, le visage rongé par la culpabilité : « Nous savions ce que nous faisions, mais nous ne savions pas à qui le dire et nous avions peur de perdre notre emploi. » C'est à cela que le texte répond, en intégrant une dimension à la fois sociale et scientifique.
Monsieur Bizet, il nous faudrait consacrer toute une séance à l’épistémologie, car, à l’évidence, nous n'avons pas tout à fait le même point de vue sur la science.
M. Jean Bizet. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !
Mme Évelyne Didier. Ah ça...
Mme Laurence Rossignol. J’espère que nous en partageons tout de même quelques-unes, ne serait-ce que le goût de la connaissance.
Vous craignez que les scientifiques ne soient bridés, entravés dans leur capacité à chercher, que le progrès scientifique et technologique ne soit limité par une approche pluraliste de la science et de l'expertise scientifique. Vous évoquez d’ailleurs souvent votre réticence au principe de précaution. Pourtant, ceux qui démontrent que la science peut également produire des effets secondaires négatifs sont aussi des chercheurs et des scientifiques ; eux aussi doivent être protégés. Cette proposition de loi vise précisément à garantir la pluralité et la confrontation des expertises.
Je crois que nous avons bien travaillé. À en juger par les interrogations qui émanent des forces économiques concernées par le devenir du texte, la proposition de loi est très attendue. Elle inquiète un peu aussi.
Monsieur Bizet, vous regrettez que les responsables politiques se mêlent de la science. Puisque nous avons tous fait référence à des exemples qui nous ont frappés, je souhaite mentionner ces scientifiques américains dont on a découvert qu'ils étaient au service de l’industrie du tabac. De tels scientifiques existent aussi ! Nous devons donc soutenir ceux qui veulent chercher, s'exprimer, nous informer en toute liberté et se confronter à leurs pairs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a lieu de se réjouir du travail qui a été accompli ici. Cela montre tout l’intérêt du débat au Sénat. Je tiens d’ailleurs à féliciter le rapporteur et le président de la commission du développement durable, qui ont permis de poser les bases de notre discussion.
Il s'agit d'installer de la démocratie dans l'entreprise, comme chacun l’a dit avec ses mots. Je vais d’ailleurs reprendre les vôtres, monsieur Bizet, pour justifier encore plus notre positionnement.
Vous vous êtes ému du fait qu’une suspension de séance ait été demandée pour que nos groupes puissent se concerter. Nous, nous nous sommes surtout émus du retournement de situation qui vient de se produire à l’UMP... Vous nous donnez des leçons de démocratie, mais appliquez-les donc d’abord chez vous !
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Christian Bourquin. La démocratie au sein des entreprises, voilà l’important ! Sur cette question, on ne peut pas uniquement s'en remettre à des corps de métiers, aussi honorables soient-ils. C’est pourquoi nous souhaitons que soit créé un espace connu de l'ensemble des travailleurs et vers lequel ils puissent se tourner si un problème se pose.
Je fais partie moi aussi de ceux qui dénoncent le nombre trop important d’agences. Plus de 630 hautes autorités existent dans notre pays. J'invite donc le Gouvernement à faire le ménage.
M. Jean-Pierre Plancade. Ah oui !
M. Christian Bourquin. Finissons-en, en France, avec les lourdeurs administratives !
M. Jean Bizet. On n'en prend pas le chemin !
M. Christian Bourquin. Ne jouez pas les ayatollahs, en pensant qu’il faut tout supprimer. On ne dirige pas la France comme cela.
Vous avez cité M. Gallois, mais vous feriez mieux de nous citer, nous, sénateurs, parce que c'est nous qui construisons les textes législatifs.
Mme Odette Herviaux. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Christian Bourquin. M. Gallois est un homme respectable qui a parfaitement rempli la mission qui lui a été confiée, mais c'est le Parlement français qui délibère.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Christian Bourquin. Sur la démocratie dans l’entreprise, sachez aussi que les humanistes nous rejoignent. Car cette question réclame autre chose qu’une vision sectaire. Il ne faut pas la regarder avec des œillères !
L'entreprise moderne n'oppose pas compétitivité et vie de ses salariés.
Mme Évelyne Didier. Exactement !
M. Christian Bourquin. Je vous invite donc à faire preuve de plus de souplesse dans votre approche.
N’étant pas conseiller de l’UMP, je laisse ces considérations de côté. C’est presque vous faire trop d’honneur que de reprendre vos propos, mais ils étaient tellement terrifiants que je ne pouvais pas ne pas réagir.
Oui, notre vote est celui d'humanistes qui construisent la démocratie dans l’entreprise ! C'est ainsi qu'il faut comprendre notre démarche. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut pas dire que le contexte politique actuel m’encourage à porter un regard positif sur ce type d’initiative. Ce n'est pas que cette proposition de loi me pose un problème sur le fond, mais à force de vouloir gommer le passé ou de tenir trop promptement des discours prétendant que le Grenelle de l'environnement n'a pas donné de résultats ou n’était que pure communication, le Gouvernement et sa majorité ne me donnent pas très envie de les suivre.
Pour autant, je ne vois pas comment je pourrais voter contre un texte qui s’inspire de la loi Grenelle 2, que j'ai portée et défendue devant le Parlement. De la même façon, comment pourrais-je renier mes propos sur la nécessité d’une plus grande harmonisation en matière d'expertise et de déontologie ? Car, malheureusement, les derniers scandales, qui font tant de mal à l'économie, à la recherche et aux entreprises, se nourrissent souvent de leurs divergences.
Il est également nécessaire d'encadrer les alertes. Trop souvent, elles occupent l’espace médiatique et non le terrain scientifique.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Tout à fait !
Mme Chantal Jouanno. Ce texte vise précisément à retirer toute forme de protection aux lanceurs d'alerte qui se serviraient des médias aux seules fins de communication.
Contrairement au groupe auquel j’appartiens, je voterai pour ce texte. Mais il ne s’agit pas d’un blanc-seing ! Je souhaite simplement que le travail parlementaire se poursuive et apporte les réponses que nous n'avons pas obtenues aux questions que nous avons posées.
Je pense également à ce rapport du Gouvernement que je ne connais pas – il a sans doute été rendu après mon départ ; je n'ai pas été ministre suffisamment longtemps – et qui, je l’espère, sera communiqué à l'ensemble des parlementaires avant le vote définitif du texte.
J'espère également que, d'ici là, nous aurons le résultat de vos travaux sur une meilleure organisation de l'ensemble des commissions et que vous pourrez nous garantir que la création de cette nouvelle instance se fera à moyens constants, voire qu’elle permettra de rationaliser les moyens et de réaliser des économies. Vous avez tout à fait raison de vous pencher sur ce sujet, auquel notre groupe attache une grande importance.
Enfin, nous espérons bien que la concertation qui a lieu dans le cadre de la Conférence sociale sera achevée, car, dans le domaine social, nous préférons nettement que la voie de la concertation l'emporte sur celle du législateur.
Mes chers collègues, vous vous rendrez vite compte que, dans le sigle UDI, le plus important, c'est certainement le « I ». (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. La majorité des membres de l’UDI-UC ont beaucoup hésité quant à l’attitude à adopter. En effet, nous partageons un certain nombre des constats, des objectifs et des ambitions des auteurs de la proposition de loi : nous souhaitons, nous aussi, une amélioration des alertes, de la déontologie et de l’évaluation. Cependant, pas plus en commission qu’en séance publique, nous n’avons été vraiment convaincus que le dispositif proposé était le bon.
Si nous n’avons pas été convaincus, c’est sans doute parce que nous avons assisté à un bricolage législatif. Entre la discussion générale, qui a eu lieu le 15 octobre dernier, et la fin de l’examen des articles, il y a quelques minutes, le texte a été complètement réécrit, sans aucune concertation si ce n’est au sein de la majorité ; il me semble que c’est du jamais vu. Nous avons également découvert en séance publique qu’un rapport, que j’appelais de mes vœux depuis de nombreuses semaines en commission, m’étonnant que le précédent gouvernement ne nous l’ait pas procuré, avait été rendu sans que nous en ayons été prévenus, sans qu’il nous ait été présenté. Voilà quelques exemples de ce bricolage législatif auquel je viens de faire référence.
J’ajoute que nous n’avons pas réellement obtenu l’assurance que le dispositif ne représenterait pas un coût supplémentaire pour l’État, ni que des comités Théodule seraient vraiment supprimés afin de réaliser des économies.
Pour toutes ces raisons, la plupart des membres de l’UDI-UC voteront contre la proposition de loi.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Hervé Maurey. Cependant, pas plus que Chantal Jouanno, nous ne nous sentons liés pour l’avenir par notre vote d’aujourd'hui. Mme la ministre nous ayant annoncé qu’elle connaissait déjà les amendements qui seront examinés à l’Assemblée nationale, peut-être le texte sera-t-il amélioré par nos collègues députés. Peut-être disposerons-nous, lors de son retour au Sénat, d’éléments nous permettant d’être davantage convaincus de son efficience.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'UDI-UC et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 173 |
Contre | 167 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je tiens à saluer l’adoption de ce texte, dont l’initiative revient à des parlementaires et non au Gouvernement, et je remercie tous ceux qui l’ont enrichi.
Je remercie plus particulièrement Marie-Christine Blandin, qui a beaucoup contribué à faire avancer l’idée qu’il faut garantir l’indépendance de l’expertise. Il ne s'agit pas d’une défiance envers la science, mais du moyen de renforcer la confiance des citoyens à son égard.
C’est souvent grâce à une initiative parlementaire, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, que notre pays a pu avancer sur un certain nombre de sujets de société majeurs, comme ceux qui ont été évoqués au cours de nos débats. J’espère donc que la proposition de loi sera rapidement examinée par l’Assemblée nationale ; peut-être le sera-t-elle en janvier prochain.
Quoi qu’il en soit, je confirme les engagements du Gouvernement concernant la réduction du nombre de structures, le fait que cette réforme se fera à moyens constants, ou encore le respect du dialogue social et des partenaires sociaux.
En conclusion, je félicite l’ensemble des parlementaires qui ont pris part aux discussions, et plus encore ceux qui ont voté la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Je crois que nous pouvons nous féliciter collectivement du travail que nous avons accompli. Ce travail va pouvoir continuer, grâce à l’adoption de la proposition de loi. Chacun a fait preuve de beaucoup de responsabilité.
J’ai bien entendu le message qui m’a été adressé : pour un texte de ce type, qui ne doit pas donner lieu à des postures politiciennes puisqu’il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique et de protection de l’environnement, peut-être aurait-il fallu associer en amont des représentants des différentes sensibilités, au-delà de la seule majorité. En tant que rapporteur, je prends donc l’engagement d’organiser un travail collectif encore plus large en amont de la deuxième lecture, même si le travail accompli avec les groupes et le Gouvernement est déjà important.
Je tiens enfin à remercier le président de la commission du développement durable, qui a dépensé beaucoup d’énergie pour que cette proposition de loi soit adoptée. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Esther Benbassa. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
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Écoles de production
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi relative aux écoles de production, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues (proposition n° 120 [2011-2012], rapport n° 128, résultat des travaux de la commission n° 129).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que sont les écoles de production ? Certains les connaissent, d’autres en ont entendu parler, d’autres encore découvrent ces établissements. C’est le cas de nombre d’entre nous, quelle que soit notre appartenance politique.
Au nombre de quinze aujourd’hui, ces écoles, qui proposent une formation à la fois théorique et pratique, parviennent à mener des jeunes en rupture scolaire vers une vie professionnelle et adulte. Entamée il y a plus d’un siècle, cette démarche a permis à de nombreux jeunes de retrouver confiance en eux et d’accéder à un emploi. Vous le savez, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et ce n’est pas sans une certaine émotion que je vous présente aujourd’hui le premier texte législatif visant à soutenir ces écoles.
Tous ceux qui ont visité une école de production ont été enthousiasmés. La présente proposition de loi a été cosignée par une cinquantaine de mes collègues du groupe UMP, dont la quasi-totalité des sénateurs de la région Rhône-Alpes, qui a été pionnière en la matière. C’est en effet dans cette région que les premières aides aux écoles de formation, aujourd’hui pérennisées, ont été mises en place.
Ainsi, M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes, a signé, le 9 mars 2009, une convention tripartite de partenariat et de financement des écoles de production. De même, M. Philippe Meirieu, vice-président écologiste chargé de la formation tout au long de la vie à la région Rhône-Alpes, leur a apporté son soutien.
Notre collègue Gérard Collomb n’a pas tari d’éloges lors d’une visite dans une de ces écoles et il m’autorise à dire qu’il soutient cette voie de formation.
Anne Lauvergeon, présidente du fonds « Agir pour l’insertion dans l’industrie », tout aussi enthousiaste, plaide pour que, dans les trois ans à venir, le nombre d’élèves des écoles de production passe de 500 à 1 500.
Pourquoi un tel enthousiasme ? Comme le souligne dans son rapport Françoise Laborde, dont je veux saluer le travail, les écoles de production ont affiché des performances exceptionnelles dans l’insertion des jeunes de 14 à 18 ans.
Leur spécificité est de réunir, en un même lieu, des cours théoriques et un enseignement pratique. Il s’agit, à côté de la formation scolaire à temps plein des lycées professionnels et de l’apprentissage, d’une troisième voie originale, s’efforçant de concilier les avantages des deux premières.
Dans ces structures, le jeune réalise des commandes, aux conditions du marché, pour des clients industriels ou particuliers. La production est toute orientée vers la formation du jeune. Celui-ci apprend à produire « pour de bon », et ce sans avoir à alterner entre l’école et l’entreprise, puisque les écoles de production tiennent des deux à la fois.
Ces écoles présentent donc un certain nombre d’avantages ; j’en citerai cinq principalement.
Premièrement, elles permettent à des jeunes en grande difficulté scolaire, qui sont aussi, la plupart du temps, en grande difficulté sociale, de suivre une formation diplômante, alors qu’ils sont exclus du système scolaire, y compris des lycées professionnels, voire des centres de formation par l’apprentissage, car ils ne trouvent pas d’entreprise voulant signer avec eux un contrat d’ apprentissage.
Les élèves y préparent des CAP, des certificats d’aptitude professionnelle, mention complémentaire, ou des baccalauréats professionnels dans plus de douze métiers des domaines du bois et de l’ameublement, du bâtiment, de la maintenance automobile, de la mécanique-métallerie, de la restauration, de la haute couture, pour n’en citer que quelques-uns.
Deuxièmement, les écoles de production permettent aux jeunes de retrouver confiance en eux-mêmes. En effet, les élèves y sont responsables des travaux à produire et à livrer. La réalisation de l’objet de la commande est le moyen de faire prendre concrètement conscience de ses capacités à un jeune qui doute. Chaque fois que c’est possible, la démarche pédagogique inclut l’installation chez le client ou la remise de la commande réalisée, l’expérience de la satisfaction du client étant un vecteur essentiel de la reconstruction de la confiance en soi.
Dans ces conditions, le jeune intègre un savoir-faire, mais aussi un « savoir-être ». Il acquiert une certaine discipline, sa vie à l’école de production étant réglée par les rythmes horaires de celle-ci, ses exigences de qualité et de délai, ainsi que ses liens sociaux. L’apprentissage du métier et du travail se fait en équipe et un « maître professionnel », issu du secteur concerné, transmet son savoir-faire au jeune en réalisant en sa compagnie les commandes du client.
L’intérêt des écoles de production est aussi d’assurer un suivi plus important et plus personnalisé de l’élève, le travail s’y faisant en très petits groupes, à la différence de ce qui se fait en lycée professionnel ou en centre de formation des apprentis.
Pour des élèves particulièrement demandeurs de concret, ce dispositif innovant atteint son but : il capte leur intérêt en prodiguant un enseignement particulièrement professionnalisant.
Deux tiers du temps hebdomadaire sont consacrés à la formation pratique en atelier, le tiers restant se déroulant en enseignement théorique général et technologique.
Les jeunes, dont on valorise l’intelligence de la main, celle du geste, comprennent très vite qu’il leur faut aussi savoir lire, écrire, compter, maîtriser l’informatique, l’anglais, etc. Ils apprennent alors les fondamentaux dont ils avaient été, chaque jour, un peu plus écartés dans la voie classique.
Troisièmement, et ce n’est pas le moindre des avantages de ce dispositif, la réussite est au bout du chemin. Dans les écoles de production, on parle plus du produit et du client que des notes obtenues, ce qui permet, d’ailleurs, d’améliorer ces dernières. Les chiffres se passent de commentaires : dans son rapport, Françoise Laborde relève un taux de réussite aux examens de 85 % à 92 % en région Rhône-Alpes.
Le taux d’insertion professionnelle est excellent, puisqu’il avoisine les 100 %, les écoles ayant des liens étroits avec les entreprises et les branches professionnelles, notamment l’Union des industries et métiers de la métallurgie, l’UIMM, et la Fédération française du bâtiment, la FFB. Malgré leur parcours antérieur, souvent décousu et chaotique, les élèves sont très appréciés des employeurs, car ils sont déjà expérimentés et opérationnels.
À peu près la moitié des élèves voient leur formation déboucher sur un emploi, l’autre moitié poursuivant des études en baccalauréat professionnel ou en BTS. En reprenant confiance en eux et en étant soumis à une discipline, ils ont retrouvé le goût des études.
Quatrièmement, les écoles de production entraînent des coûts réduits, aussi bien pour les familles, parfois en difficulté financière, que pour la collectivité. Les frais de scolarité sont le plus souvent inexistants car les élèves, par leur travail, contribuent à couvrir une partie du coût de leur formation ; ils peuvent atteindre, au maximum, 800 euros par an.
M. Jacques-Bernard Magner. Et le coût des transports ?
M. Jean-Claude Carle. L’opération est également rentable pour la collectivité, pour l’État et pour la région qui investit dans ces structures au travers du plan régional de développement des formations professionnelles. Je tiens à signaler que le coût est bien inférieur à celui du lycée de la seconde chance, autre voie proposée aux publics en rupture scolaire et souvent, je l’ai dit, en rupture sociale.
Cinquièmement, et enfin, le dispositif intègre l’ensemble de la communauté éducative : le jeune, sa famille, la collectivité et l’entreprise.
Chaque acteur est responsabilisé et les compétences sont vraiment partagées, alors que notre système éducatif est encore, à mon sens, trop régi par des compétences séparées.
Pourquoi est-il nécessaire, voire indispensable, de légiférer aujourd’hui ?
J’ai expliqué que les écoles de production présentent de nombreux avantages. Leur seul inconvénient est d’exister quasiment sans cadre juridique clair.
Pour permettre à cette voie spécifique de se développer, de ne pas rester, sinon dans la « clandestinité », du moins dans l’ombre, il faut leur donner un cadre juridique plus solide.
En effet, même si sept d’entre elles sont reconnues par l’État depuis 2006, le ministre Gilles de Robien leur ayant alors conféré le statut d’établissements privés d’enseignement technique, elles exercent leurs activités hors contrats d’association de la loi Debré.
M. Jacques-Bernard Magner. Il a eu raison !
M. Jean-Claude Carle. Par conséquent, les établissements n’étant pas sous statut scolaire, leurs élèves ne bénéficient pas des droits et avantages afférents : bourses, ramassage scolaire, restauration.
Le Conseil supérieur de l’éducation a refusé, par deux fois, de les intégrer et de reconnaître leurs spécificités. Bien évidemment, les écoles de production ne peuvent remplir les exigences d’heures de cours théoriques fixées par l’éducation nationale, puisque l’accent est prioritairement mis sur la dimension pratique ; bien évidemment, la plupart des formateurs sont issus du milieu professionnel et n’ont pas passé les concours d’enseignants. Et alors ?
Si les élèves n’ont pas le niveau souhaité, comment expliquer leur réussite aux examens, qui est même supérieure à la moyenne, et leur taux d’insertion professionnelle, qui avoisine les 100 % ? C’est pourquoi ces écoles ont besoin d’une telle souplesse pour s’adapter à ces publics spécifiques.
Madame la rapporteur, vous avez noté avec bon sens qu’il n’est certainement pas souhaitable de laisser perdurer une situation dans laquelle des établissements privés poursuivant une œuvre utile aux jeunes en très grande difficulté demeurent marginalisés, voire tacitement ignorés par le système de l’éducation nationale. Le ministère de tutelle s’accommode bien, en effet, d’un réseau d’écoles de production prenant en charge des élèves pour lesquels l’offre scolaire traditionnelle n’est plus adaptée. Cependant, il lui refuse toute légitimité et toute aide, écartant en particulier l’octroi d’aides sociales à des jeunes pourtant âgés, pour certains, de 14 à 16 ans.
Les écoles de production sont victimes d’une autre inégalité financière, puisqu’elles ne bénéficient qu’en partie de la taxe d’apprentissage, c’est-à-dire qu’elles profitent du barème, comme les lycées professionnels, mais pas du quota, comme les CFA.
Pour combler tous ces manques, la proposition de loi contient six articles visant à favoriser la pérennisation et le développement des écoles de production.
Dans l’article 1er est précisé le caractère expérimental du dispositif prévu par le texte. L’expérimentation durerait cinq ans et serait suivie d’une évaluation de nature à rassurer les plus inquiets.
Par l’article 2, nous avons souhaité permettre la reconnaissance par la loi des écoles de production, qui ne seront plus des établissements privés d’enseignement technique, mais auront un statut juridique propre permettant le respect de leur spécificité.
Dans l’article 3 est prévu un contrôle de l’inspection du travail pour assurer la sécurité des jeunes.
L’article 4 tend à autoriser les entreprises à verser aux écoles de production une partie du quota et le barème de leur taxe d’apprentissage, comme je l’ai expliqué.
L’article 5 vise à accorder aux élèves de ces écoles le bénéfice de la carte d’étudiant des métiers, au titre de la loi du 28 juillet 2011. Celle-ci leur permettra, à l’image des apprentis, de bénéficier de réductions tarifaires en matière d’hébergement, de restauration et de transports.
Par l’article 6, nous avons voulu conférer aux jeunes et à leur famille les mêmes droits qu’aux élèves scolarisés dans la voie classique en matière d’aides à la scolarité et de bourses nationales des collèges et lycées.
L’ensemble de ces aides me semble parfaitement justifié par les besoins des écoles et le profil des élèves, souvent issus, je le répète, de milieux défavorisés, voire très défavorisés.
Oui, madame la rapporteur, j’en conviens, le statut que tend à créer la proposition de loi est hybride, car les écoles de production, mêlant une éducation de type scolaire et une formation professionnelle, sont par nature hybrides ! Cela ne doit pas nous empêcher de les aider, à l’instar des autres structures existantes. Il ne faut pas que, dans notre pays, il y ait deux poids deux mesures.
Dois-je rappeler que le taux de chômage des jeunes est de 20 % en France, alors qu’il est de 7 % seulement en Allemagne ? Pourtant, nous consacrons davantage de moyens à ce problème, ce qui prouve qu’il s’agit d’une question non pas tant de moyens que d’utilisation de ces derniers. Avec très peu de ressources, les écoles de production sont une formidable réussite.
On parle toujours en France de ce qui ne marche pas. La formation d’élèves en difficulté scolaire au moyen des écoles de production, ça marche, à Paris, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Rhône-Alpes, à Marseille, à Toulouse ! Il reste, à mon sens, à étendre ce système qui fonctionne. D’autres pays le font : ces écoles de production représentent une voie à part entière au Danemark, qui en compte cent dix, avec 15 000 élèves.
Dès lors, qu’attendons-nous ? La nouvelle majorité a rejeté le texte en commission, suivant l’avis de Mme Laborde, qui estime préférable de se donner le temps de la réflexion.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est la sagesse !
M. Jean-Claude Carle. Elle recommande au Gouvernement de mettre en place une mission consacrée à l’enseignement technique et professionnel privé et aux dispositifs de formation alternée, dont font partie les écoles de production, en espérant que cette démarche débouche sur des dispositions dans la future loi de programmation pour l’école.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez bien que, comme le disait Clemenceau, pour enterrer un problème, il suffit de créer une commission.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est un procès d’intention !
M. Jean-Claude Carle. Si nous nous en remettons à une évaluation du dispositif – celle-ci, soit dit en passant, a déjà été réalisée par les inspections d’académie concernées en 2006 –, il nous faudra attendre encore longtemps pour que le dossier avance.
Or, je le rappelle, le grand défi éducatif en France est la sortie du système, sans qualification, de 150 000 jeunes par an. Je pense qu’il y a urgence pour les écoles de production, pour nos jeunes, et je vous invite, mes chers collègues, à vous rassembler autour de ce projet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi entend instituer, à titre expérimental, un nouveau cadre juridique au profit des écoles de production.
Ces écoles se caractérisent par une méthode pédagogique spécifique, privilégiant la formation par la pratique : la formation en atelier représente les deux tiers du temps pédagogique, le dernier tiers étant consacré à la formation théorique en classe. Destinées principalement à des jeunes de 14 à 18 ans ayant décroché du système éducatif traditionnel, elles se proposent de former leurs élèves en les plaçant en situation réelle de production, en réponse à des commandes de clients, sans les contraindre à alterner, comme les apprentis, entre l’école et l’entreprise. Elles revendiquent donc ce statut d’« école-entreprise ».
Les écoles de production n’étant pas sous contrat avec l’État, elles ne sont pas soumises au contrôle pédagogique du ministère de l’éducation nationale. Elles sont cependant agréées comme centres d’examen de certains diplômes de niveau V et IV, tels que le certificat d’aptitude professionnelle, le brevet d’études professionnelles ou le baccalauréat professionnel.
Les métiers enseignés couvrent une large palette de secteurs économiques : des métiers de la métallerie et de la menuiserie à la mécanique industrielle et automobile, en passant par des métiers d’art ou de services, tels que l’ébénisterie, la haute couture, la restauration et l’hôtellerie.
La Fédération nationale des écoles de production, la FNEP, dénombre aujourd’hui quinze écoles de production, dont huit en région Rhône-Alpes. Selon elle, en juin 2010, 85 % des élèves des écoles de production ont obtenu leur diplôme. Pour ce qui est de l’insertion professionnelle, l’efficacité de cette voie de formation semble démontrée, puisque de nombreux jeunes accèdent, sans grande difficulté, à un emploi, quand d’autres choisissent de poursuivre leurs études. Ces écoles sont donc un élément intéressant de notre réseau national d’enseignement technique.
Le statut hybride, taillé sur mesure au profit des écoles de production par cette proposition de loi, me semble relever toutefois d’une construction assez fragile et inopportune. On peut douter de la proportionnalité des mesures envisagées, de nature à favoriser une quinzaine d’établissements regroupant tout au plus 700 élèves, essentiellement en région Rhône-Alpes, tout autant que de leur faisabilité juridique.
La proposition de loi entend transférer l’agrément et le contrôle des écoles de production du ministère de l’éducation nationale à celui de la formation professionnelle. La raison en est toute simple : ces structures privées refusent de soumettre leur organisation pédagogique aux règles des contrats d’association issus de la loi Debré, car le respect de ces dernières supposerait de mettre en conformité les enseignements théoriques dispensés avec les règles et programmes de l’enseignement public et de respecter un volume horaire minimal d’enseignement théorique.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est la base !
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
Mme Françoise Laborde, rapporteur. En rattachant ces établissements au ministère de la formation professionnelle, on cherche à les assimiler, de façon du reste très artificielle, à des organismes de formation par l’apprentissage, afin qu’ils en tirent des bénéfices financiers, au travers des recettes de la taxe d’apprentissage au titre du quota, et statutaires, dans la mesure où les élèves, considérés comme des apprentis, recevraient la carte portant la mention « Étudiant des métiers ».
Or les services d’inspection du ministère de la formation professionnelle ne disposent pas des compétences nécessaires pour évaluer les méthodes pédagogiques des écoles de production. Faut-il rappeler que même les formations par apprentissage s’appuient sur des diplômes dont le contenu et l’organisation pédagogiques ont été préalablement validés par le ministère de l’éducation nationale ? Il est inenvisageable de transférer à l’inspection du travail le contrôle d’écoles scolarisant des élèves mineurs, soumis aux exigences de l’instruction obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans.
Contrairement aux intentions exprimées dans l’exposé des motifs, les dispositions de l’article 4 de la proposition de loi ne garantiraient pas aux écoles de production le bénéfice de la part « quota » de la taxe d’apprentissage ; elles rappellent seulement que les écoles dont les formations technologiques et professionnelles figurent sur la liste publiée annuellement par le préfet de région peuvent bénéficier des versements exonératoires de la taxe d’apprentissage au titre du barème.
Étendre le bénéfice d’une partie du quota de la taxe d’apprentissage aux écoles de production serait incompatible avec la législation en vigueur, car le quota de cette taxe finance exclusivement les établissements formant des apprentis, ce que les écoles de production ne sont pas puisque leurs élèves ne sont pas rémunérés. Le rattachement au ministère de la formation professionnelle n’y changerait rien.
Un autre exemple d’artifice juridique proposé par ce texte nous est fourni avec l’article 5, qui tend à octroyer aux élèves des écoles de production la carte « Étudiant des métiers », laquelle leur offrirait des avantages et des réductions tarifaires identiques à ceux dont jouissent les apprentis et les étudiants. Or ils ne sauraient être assimilés à des apprentis : certains d’entre eux n’ont que 14 ans, alors que l’apprentissage est réservé aux plus de 15 ans, et ils ne perçoivent aucune rémunération en l’absence de contrat d’apprentissage.
La dernière incohérence figure à l’article 6, lequel traduit le souhait de rendre ces élèves éligibles aux bourses nationales et aux aides à la scolarité délivrées par l’éducation nationale, alors même que la proposition de loi tend à rattacher ces écoles au ministère de la formation professionnelle afin de les exonérer de toute contrainte en termes de contrôle pédagogique par l’éducation nationale.
Mme Maryvonne Blondin. Statut hybride !
Mme Françoise Laborde, rapporteur. Soyons sérieux, on ne peut pas jouer sur tous les tableaux.
M. Jacques-Bernard Magner. Absolument !
Mme Françoise Laborde, rapporteur. En outre, l’introduction de tous ces avantages en faveur des quinze écoles de production existantes constituerait une véritable rupture d’égalité à l’égard de tous les autres établissements d’enseignement technique privés, dont certains ont fait le choix de se conformer aux exigences pédagogiques minimales de l’éducation nationale dans le cadre d’un contrat d’association.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
Mme Françoise Laborde, rapporteur. Il faut cependant mettre fin à la situation ambiguë entretenue par le ministère de l’éducation nationale, qui semble ignorer la situation, voire s’accommoder d’un réseau d’écoles de production prenant en charge des élèves auxquels l’offre scolaire traditionnelle n’est plus adaptée, sans toutefois leur reconnaître une réelle légitimité, ces écoles faisant seulement l’objet d’une reconnaissance formelle de l’État par arrêté, qui n’emporte aucun droit.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme Françoise Laborde, rapporteur. Il est donc indispensable de poursuivre la réflexion, afin de définir des règles minimales d’organisation de la scolarité, en concertation avec les écoles. Deux points méritent, selon moi, une attention toute particulière.
Il s’agit, d'une part, de garantir un temps de formation générale incompressible, au-delà des seuls enseignements théoriques appliqués dans le cadre de la production.
Gardons à l’esprit qu’un certain nombre des jeunes concernés ont entre 14 et 16 ans Ils sont censés acquérir non seulement les connaissances fondamentales – lire, écrire, compter –, mais aussi des connaissances spécifiques applicables dans le cadre de leur production et de l’exercice de leur futur métier dans une entreprise. Il est impératif de prévenir, au sein des écoles de production, toute dérive productiviste, qui tendrait à diminuer le nombre de cours théoriques en période de fortes commandes.
Il s’agit, d'autre part, de garantir l’inscription dans un établissement sous contrat ou dans une école de production, tous les élèves en formation alternée devant pouvoir bénéficier d’aides à la scolarité.
Sans doute faut-il prévoir un traitement différencié des élèves en fonction de leur âge. De 14 à 16 ans, les jeunes doivent être maintenus sous statut scolaire, ce qui n’est pas négociable. Il conviendrait idéalement de les inscrire dans des établissements ou organismes proposant des voies de formation en alternance adaptées à leur situation, reconnues et sous contrat avec le ministère de l’éducation nationale. Maintenus sous statut scolaire, ils bénéficieraient d’aides à la scolarité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que plusieurs dispositifs agréés par l’éducation nationale existent déjà pour les jeunes de plus de 14 ans : le dispositif de « formation d’apprenti junior » ; le dispositif d’initiation aux métiers de l’alternance, ou DIMA, pour les jeunes âgés d’au moins 15 ans ; les maisons familiales rurales, qui peuvent aussi accueillir des jeunes de plus de 14 ans pour des formations par alternance.
De 16 à 18 ans, les élèves qui le désirent pourraient être inscrits dans des écoles de production, qui devraient être réservées, selon moi, à la scolarité post-obligatoire.
D'ailleurs, je ne suis pas la seule à exprimer cette idée, comme M. Philippe Meirieu l’a confirmé lors de son audition. Je crois, monsieur Carle, que nous avons entendu chacun ce que nous voulions entendre : selon la tranche d’âge considérée, nous avons donc raison l’un ou l’autre ; avant 16 ans, c’est mon analyse qui prévaut.
Les élèves se verraient alors reconnaître par les ministères de l’éducation nationale et de la formation professionnelle le statut de stagiaires de la formation continue non rémunérés dans le cadre de parcours de formation récurrente et bénéficieraient, le cas échéant, d’une allocation versée par le conseil régional.
Comme vous le voyez, je m’exprime souvent au conditionnel. En effet, les pistes que je viens de tracer devraient être étudiées dans le cadre d’une mission conduite conjointement par les ministères de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, destinée à évaluer l’ensemble des dispositifs de formation alternée existants. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez votre avis s’agissant de la mise en place d’une telle étude. Monsieur Carle, je constate avec plaisir que vous vous inscrivez aussi dans cet objectif.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture ayant estimé préférable de se donner le temps de la réflexion, notamment dans la perspective de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école, elle a conclu au rejet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est donc amenée à examiner ce soir la proposition de loi dont votre collègue Jean-Claude Carle est le premier signataire.
Ce texte porte sur le dossier des écoles de production, qui, Mme la rapporteur l’a montré, est tout à fait particulier. J’avoue d’ailleurs que, jusqu’à récemment encore, comme sans doute beaucoup d’entre vous, je n’en avais pas une connaissance précise.
M. Jean-Claude Carle. J’ai fait œuvre de pédagogie, monsieur le ministre !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Votre initiative, monsieur Carle, a en effet le mérite de nous faire mieux connaître ces établissements.
M. Jacques-Bernard Magner. On ne se méfie jamais assez ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il s’agit d’un dispositif de formation que l’on peut qualifier de très original, à ce point d’ailleurs qu’il est, pour le moment, inclassable dans notre système de formation.
Mme Françoise Cartron. Absolument !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est ce qui nous vaut aussi l’étude d’une telle proposition de loi.
L’originalité réside, tout d’abord, dans le concept même d’« école-entreprise », avec pour devise « faire pour apprendre » – et non « apprendre pour faire » –, que je ne rejette pas complètement dès lors qu’un objectif n’est pas réalisé aux dépens de l’autre.
Sur ce point, la ventilation entre pratique et théorique s’opère selon une règle deux tiers-un tiers. De la sorte, les élèves se placent quasiment dans une situation de travail réel ou, à tout le moins, de production pour le compte d’un client.
M. Jacques-Bernard Magner. Voilà !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. La production issue des ateliers a donc non seulement une fonction pédagogique, ce que je veux bien entendre, mais aussi un rôle de motivation du jeune, qui a la satisfaction de voir la pièce qu’il a réalisée être vendue et satisfaire un client.
Mme Françoise Cartron. Il n’est pas payé !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Si la pièce est bonne, elle est vendue ; si elle ne convient pas, elle est refusée. C’est donc un principe de confrontation au réel qui guide la pédagogie.
Nous parlons, ici, de jeunes dits « décrocheurs ». Pour ma part, je préfère d'ailleurs le terme « décrochés », qui convient mieux à leur situation.
Mme Françoise Laborde, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Très bonne formule !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Pour ces jeunes âgés de 14 à 18 ans, le système scolaire traditionnel ne convient plus ; aussi, ils sortent de nos écoles sans bagage solide, sans diplôme et sans qualification. Le niveau du brevet des collèges n’est, bien souvent, même pas validé.
Aussi, il nous faut étudier et regarder de plus près ce que ce modèle d’école est capable d’apporter à ces jeunes.
Sur ce point, les résultats dont se prévaut la Fédération nationale des écoles de production, la FNEP, et que je ne conteste pas, sont intéressants, puisque près de 90 % des élèves scolarisés dans de tels établissements obtiennent leur diplôme. Mieux, presque 100 % d’entre eux s’insèrent durablement à terme dans la vie professionnelle.
En outre, ces écoles obtiennent, comme l’a souligné Mme Laborde dans son rapport très bien argumenté, des succès notables dans le cadre de concours nationaux, tels que celui des meilleurs ouvriers de France ou le concours général des métiers, ce qui est gage de la qualité des formations qui y sont dispensées.
Le Gouvernement cherche à réduire le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans formation. Cet objectif s’est traduit non seulement par la signature d’une déclaration commune entre l’État et les régions, le 12 septembre dernier à l’Élysée, avec l’engagement fort de diviser par deux en cinq ans le nombre de jeunes sans qualification, mais aussi par l’adoption récente du texte sur le développement des emplois d’avenir dans notre pays, lequel prévoit une formation obligatoire au bénéfice des jeunes de 16 à 25 ans sans formation initiale.
À ce titre, la démarche qui nous est ici proposée mérite que nous l’examinions de plus près, même si les écoles de production ne concernent qu’un petit millier de jeunes en France.
Cela étant, toute extension de ce dispositif est un enjeu important, qui passera, chacun l’aura compris, par la fiabilisation du cadre juridique de ces écoles de production. Or, sur ce point, les questions sont nombreuses – Mme la rapporteur les a soulevées.
Contrairement à ce que demande l’auteur de ce texte, ces établissements ne peuvent, en l’état, prétendre à une reconnaissance du ministère de l’éducation nationale dans le cadre de contrats d’association ou même dans celui de la formation professionnelle et de l’apprentissage, et ce pour plusieurs raisons.
J’entends bien la soif de reconnaissance légitime de ces établissements. Encore convient-il de poser les garde-fous nécessaires, sur lesquels le Gouvernement ne saurait transiger.
Plusieurs questions importantes sont, en effet, soulevées par le fonctionnement et par la pédagogie des écoles de production. Je crois qu’il faut les entendre sans dire que nous n’aurons pas de réponse.
Les élèves de ces écoles sont accueillis dès l’âge de 14 ans. Ils sont, certes, en formation, mais ils n’en produisent pas moins dans des conditions réelles de marché pour des entreprises et des particuliers. Vous le savez, l’âge de 14 ans ne fait pas consensus.
M. Jean-Claude Carle. C’est mieux que la rue !
M. Jacques-Bernard Magner. Ce sont des enfants !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous avons donc besoin d’une expertise qui dépasse largement les connaissances dont nous disposons, les uns et les autres, dans cet hémicycle.
La durée des enseignements est de trente-cinq heures hebdomadaires. Ce sujet est au cœur de l’actualité. Il occupe d'ailleurs une place importante dans les discussions du congrès des maires de France, qui se tient en ce moment. Cela nous renvoie forcément à un débat sur une durée de cours hebdomadaires de trente-cinq heures, y compris, d’ailleurs, pour des jeunes dès l’âge de 14 ans.
Le fait que la production réalisée par les élèves et leurs maîtres professionnels soit vendue au seul bénéfice des écoles sans que les jeunes soient pour autant rémunérés pose également question.
Quant aux frais d’inscription demandés aux familles, ils sont, dans certains cas – certes pas dans toutes les écoles et pas pour toutes les familles – assez élevés. Ils peuvent atteindre 1 000 euros et viennent s’ajouter à l’achat de matériel.
Il est une autre question que nous ne devons pas éluder : le statut de bénévoles de la plupart des formateurs, notamment de ceux qui sont en charge de matières d’enseignement général.
Cependant, ces questions ne peuvent être posées sur le plan des seuls principes, sans prendre en compte les résultats obtenus par les écoles, que j’ai rappelés tout à l’heure. Ainsi, toutes ces légitimes interrogations rendent difficile une discussion sur une proposition de loi qui clarifie peu ces points, mais vise plutôt, pour des raisons que je comprends, à tailler sur mesure un dispositif. Celui-ci pourrait, comme les travaux de la commission l’ont révélé, cumuler les avantages de l’enseignement et ceux de l’apprentissage.
L’adoption de la proposition de loi se heurte, en outre, à des obstacles objectifs. Je les illustrerai par quelques exemples.
Quand l’article 2 prévoit de placer les écoles de production sous la responsabilité de mon ministère, je suis flatté, mais je ressens aussi un certain embarras. En effet, les seuls services et missions de mon ministère ne lui confèrent pas objectivement les compétences aujourd’hui nécessaires pour valider des méthodes pédagogiques. Cela signifie qu’au moins un autre ministère devrait être complètement associé à ce dossier et se voir attribuer la responsabilité de ces établissements.
De même, la rédaction de l’article 3 ne me paraît pas acceptable en l’état. On ne peut pas envisager le transfert du contrôle des écoles de production à l’inspection du travail alors même qu’une partie du public accueilli par ces établissements est âgée de 14 à 16 ans.
En effet, les jeunes concernés sont encore sous responsabilité scolaire, la scolarité étant obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Ils ne sont pas salariés, puisqu’ils sont inscrits dans ces établissements à un âge où l’enseignement est obligatoire. Ils relèvent donc nécessairement du ministère de l’éducation nationale, avec lequel – je tiens à le dire pour avoir rencontré Vincent Peillon sur ce sujet – je porte ce dossier en parfaite harmonie d’analyse.
À vrai dire, je pense que le dispositif des écoles de production tel qu’il est présenté par la proposition de loi de notre collègue mérite d’être examiné de plus près. Malgré les questions lourdes qui sont posées, je souhaite que le débat ne soit pas refermé d’une façon brutale et définitive.
D’ailleurs, par le passé, le ministère de l’éducation nationale a entrouvert la porte, reconnaissant, par un arrêté de 2006, six de ces écoles de production. De plus, deux rectorats, ceux de Grenoble et de Lyon, les associent lors de journées portes ouvertes organisées par le ministère de l’éducation nationale, notamment dans la région Rhône-Alpes.
Cependant, il faut tout de même être en mesure d’auditer davantage le dispositif, en le replaçant dans un cadre plus large. Cette expertise doit être approfondie. L’obtention de chiffres indépendants me semble nécessaire, puisque les seules données dont nous disposons nous sont fournies par la FNEP, la Fédération nationale des écoles de production.
De même, le label qui est proposé par la FNEP elle-même n’est pas satisfaisant ; je l’ai d’ailleurs dit au président de cette structure. Il faut y travailler, pour que ce label ait une vraie valeur, pour savoir, par exemple, qui en assure le respect, par quels contrôles et à quelle fréquence ; aujourd’hui, tous ces points ne sont pas clarifiés.
Il faut aussi réfléchir à la façon d’apporter les garanties nécessaires en matière d’enseignement théorique, d’enseignement professionnel et de déroulement pédagogique. Il est nécessaire d’apporter un niveau de garanties plus solides, et ce même si les taux de réussite aux examens sont indéniablement encourageants.
Enfin, il faut avoir une vue plus claire du fonctionnement et du financement des écoles.
En somme, tout cela nous montre que le texte n’est, en l’état, pas assez abouti. Je pense, à l’instar de votre rapporteur, que ce dispositif, au demeurant intéressant, doit être étudié au regard des autres systèmes alternatifs à l’enseignement scolaire, pour que l’on puisse, plus clairement, et dans un cadre juridique stabilisé, le positionner au sein des dispositifs classiquement appelés « de la deuxième chance », tels que les écoles de la deuxième chance ou les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE. Il faut identifier la fonction, les publics et les financements de chacune de ces structures, mais aussi les passerelles qu’il convient de créer.
Nous gagnerions à reprendre l’ensemble de ces dispositifs, dont certains ont des points d’entrée communs avec les écoles de production. Il nous faut donner à cet ensemble une cohérence et une complémentarité, ce qui leur conférera aussi une plus grande visibilité.
Nous connaissons tous sur nos territoires des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et sans qualification. Nous les retrouvons dans les missions locales et les dispositifs d’insertion. J’en rencontre beaucoup en ce moment, parce que les emplois d’avenir sont un vrai succès. Ces derniers sont une chance pour ces jeunes, auxquels ils apportent une formation professionnelle. J’aurais d'ailleurs aimé que tout le monde vote ce dispositif qui, aujourd’hui, fait florès. Charge à nous, collectivement, de trouver les voies et moyens pour élaborer une solution de substitution à ce système, qui ne convient pas forcément à des jeunes insérés dans un système scolaire classique.
Cette réflexion pourrait être féconde. Je n’ai évidemment pas à indiquer au Sénat quelle est la marche à suivre. Pour ma part, je me demande si, d’aventure, il ne pourrait pas y avoir, non pas une commission pour enterrer cette idée, mais – pourquoi pas ? – une mission d’information commune à plusieurs commissions du Sénat. Grâce à cette structure, nous pourrions nous retrouver dans l’avenir sur des bases mieux partagées qu’elles ne le sont à ce jour.
En ce qui me concerne, j’y serai très attentif, car je connais – et pour cause ! – la qualité des travaux de la Haute Assemblée. Par le passé, un certain nombre de solutions copartagées entre plusieurs commissions ont permis de faire aboutir des dossiers qui semblaient complètement bouchés, en mettant en œuvre des solutions innovantes.
J’y serai d’autant plus attentif que ces travaux pourraient esquisser des pistes nous permettant de servir la priorité que le Président de la République et le Premier ministre ont définie, celle qui doit s’appliquer en faveur de la jeunesse. Telle est la voie que je vous suggère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le décrochage scolaire dans notre pays est une réalité particulièrement préoccupante : 150 000 jeunes sont concernés tous les ans, en raison d’un système scolaire parfois inadapté à leurs nécessités ou, plutôt, à leurs besoins psychologiques du moment.
À ce titre, notre collègue Jean-Claude Carle, auteur de la présente proposition de loi, met en lumière des écoles peu connues, je l’avoue, et nous rappelle ainsi qu’il n’existe pas une seule et unique méthode d’enseignement.
Cher collègue, je vous remercie de votre démarche. Au sein de la commission de la culture, vous intervenez souvent, et toujours avec beaucoup de conviction. Je ne cesse d’apprécier la sincérité de vos prises de position, même quand, comme aujourd’hui, nos conclusions ne sont pas les mêmes.
Nous avons appris, avec étonnement, que les écoles de production existent depuis 1882. Au nombre de quinze, elles délivrent une formation qui se veut avant tout professionnalisante : les deux tiers du volume horaire sont consacrés à la formation pratique, en situation réelle de production. Les élèves âgés de 14 à 18 ans, encadrés par un maître professionnel, réalisent des commandes pour des clients dans divers domaines, tels que l’automobile, le bâtiment, l’hôtellerie...
Par conséquent, si ces « écoles-entreprise » jouent un rôle essentiel dans l’insertion socioprofessionnelle de ces élèves, elles permettent aussi à la moitié d’entre eux de poursuivre des études pour lesquelles ils ont pu développer antérieurement une aversion au vu de leur caractère théorique.
Elles peuvent notamment délivrer des diplômes comme le certificat d’aptitude professionnelle, le CAP, le brevet d’études professionnelles, le BEP, ou le baccalauréat professionnel.
Ces établissements sont parvenus à mettre en place une méthode pédagogique de qualité. En témoigne leur fort taux de réussite, qui se situe, en moyenne, autour de 80 %. Toutefois, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, ces statistiques nous sont fournies par la Fédération nationale des écoles de production elle-même.
Le texte dont nous sommes saisis tend à favoriser leur développement et vise alors un objectif légitime que nul ne conteste : soutenir des jeunes adolescents en difficulté scolaire, sociale, culturelle et parfois même familiale. Toutefois, dans sa mise en œuvre, il soulève un certain nombre de questions juridiques et administratives dont les réponses méritent d’être approfondies. Vous savez, mes chers collègues, le souci du RDSE, notamment de son président, Jacques Mézard, de faire du bon travail législatif !
Est-il pertinent, comme cela est proposé, de rattacher ces écoles au ministère de la formation professionnelle, alors que celui-ci ne dispose pas de la compétence nécessaire pour les contrôler ? Vous avez répondu à cette question, monsieur le ministre.
L’État doit pouvoir garantir qu’un ensemble de connaissances minimales sont enseignées, telles que la lecture, l’écriture ou les mathématiques, même lorsque ces jeunes fréquentent des établissements privés hors contrat.
Or après le travail minutieux, et même pédagogique, accompli par notre collègue et rapporteur Françoise Laborde, nous sommes au regret de constater que la rédaction de ce texte reste inachevée.
En effet, la carte « Étudiant des métiers » serait accordée aux élèves de ces écoles. Par ailleurs, les entreprises partenaires pourraient bénéficier des versements exonératoires de la taxe d’apprentissage. Or, cela n’est possible qu’au titre du « hors quota », puisque la part quota est évidemment destinée à financer le développement de l’apprentissage. Les écoles de production bénéficieraient enfin des bourses nationales et des aides scolaires pour leurs élèves, sans être soumises au contrôle du ministère de l’éducation nationale.
Comme l’a souligné notre excellente rapporteur, la création d’un statut hybride et spécifique à ces écoles n’est pas souhaitable au regard du principe d’égalité. Pourquoi devrait-on favoriser particulièrement ces écoles par rapport aux 875 autres établissements privés d’enseignement technique ? De notre point de vue, rien ne le justifie.
Je rejoins donc les conclusions de Mme la rapporteur, et je remercie la présidente de la commission de la culture et de l’éducation lorsqu’elle nous propose de réaliser des déplacements afin de mieux appréhender le fonctionnement des écoles de production.
Loin de nous l’idée de faire preuve d’un quelconque dogmatisme ! Il faut le dire, nous ne sommes pas réticents a priori aux enseignements alternatifs. Nous ne rejetons pas la mise en place d’autres expériences pédagogiques ; elles nous paraissent même nécessaires.
Néanmoins, si le développement du travail manuel peut être positif pour certains élèves, je reste, quant à moi, dubitatif et, surtout, très vigilant lorsque des enfants de moins de 16 ans travaillent. Les deux tiers de leur horaire d’enseignement sont consacrés à la pratique dans les conditions du marché du travail et, donc, à la vente d’un produit ou d’un service de l’école à l’entreprise.
Il est pour le moins étonnant que la très grande majorité des jeunes concernés ne reçoive pas de rémunération, contrairement aux élèves apprentis. Or certaines de ces écoles perçoivent des frais d’inscription qui peuvent parfois atteindre mille euros !
Aussi, s’il existe un système parallèle aux autres établissements d’enseignement technique, la recherche d’améliorations de notre système scolaire dans son ensemble doit être une priorité.
Ainsi, avant de généraliser à l'échelle nationale un système mis en place très majoritairement au sein de la région Rhône-Alpes et concernant uniquement 700 élèves, il convient de mesurer les conséquences d’une telle réforme. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe du RDSE votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à instaurer un cadre juridique spécifique au seul bénéfice des écoles de production.
Ces établissements privés d’enseignement technique et de formation professionnelle, qui sont au nombre de quinze, dont huit situés en région Rhône-Alpes, sont centrés sur la pratique des métiers de l’artisanat, du commerce et de l’industrie.
Ces écoles présentent certaines spécificités. Elles ciblent des jeunes de 14 à 18 ans en situation de rupture scolaire. Une méthode pédagogique spécifique met l’accent sur la formation par la pratique en atelier durant les deux tiers du temps scolaire, le dernier tiers étant consacré à la formation théorique en classe. Il s’agit donc d’ « écoles-entreprises » qui, en répondant à des commandes de clients, placent les élèves en situation réelle de production au sein même de l’école.
Ces écoles n’étant pas sous contrat avec l’État, elles sont non pas soumises au contrôle pédagogique des autorités académiques, mais totalement autonomes.
Leur financement est particulier, fondé pour moitié environ sur la vente des produits commandés aux élèves par les clients et, dans les sept écoles de production reconnues par l’État, pour 20 % à 25 %, sur le bénéfice de la taxe d’apprentissage.
Les formations dispensées, qui figurent sur une liste établie par le préfet de région, peuvent bénéficier du versement de la taxe d’apprentissage au titre du « hors quota ». Elles reçoivent également des subventions de fonctionnement en provenance des collectivités territoriales, essentiellement les régions.
La Fédération nationale des écoles de production, la FNEP, indique que, en juin 2010, la proportion d’élèves de ces écoles ayant obtenu leur diplôme a atteint 85 % et que la moitié de ces diplômés accède facilement à l’emploi, quand l’autre moitié poursuit des études.
Un certain nombre de facteurs nous conduisent cependant à pondérer cet aspect positif.
Vous le savez, n’étant pas favorables à l’élargissement des dispositifs d’apprentissage précoce avant l’âge de 16 ans, nous nous sommes opposés à leur adoption. Nous ne pouvons pas davantage accepter l’exercice par des jeunes âgés de 14 à 18 ans, au sein même de l’école et durant deux tiers du temps scolaire, d’activités professionnelles relevant d’une spécialisation extrêmement précoce.
Nous considérons que l’échec scolaire doit au contraire être traité le plus en amont possible, au sein de l’éducation nationale, et sommes favorables à l’extension de la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans.
L’école doit avant tout former des citoyens. Si elle peut préparer à un métier, elle est le lieu non pas de l’exercice d’une activité professionnelle, mais d’un apprentissage théorique, en particulier s’agissant de jeunes de 14 ans.
Enfin, toute mesure d’extension et de développement de l’enseignement technique et professionnel devrait être en priorité focalisée sur une offre publique, gratuite, laïque et de qualité égale sur tout le territoire, et non pas inscrite dans une extension de l’enseignement privé confessionnel payant.
Ces écoles, il faut le reconnaître, offrent des solutions concrètes à des élèves en grande difficulté, que le service public de l’éducation nationale ne parvient malheureusement pas à prendre en charge.
Un tel constat doit nous conduire à nous interroger sur les raisons de l’échec du traitement de la difficulté scolaire par les établissements d’enseignement technique et professionnel public, et sur la capacité de ces derniers à favoriser la réussite scolaire et l’insertion professionnelle des élèves. Il ne doit pas mener à l’externalisation de la formation des élèves en difficulté vers des écoles ou des organismes privés, mais à la réintégration de ceux-ci au sein de l’éducation nationale.
Alors même que la réglementation en vigueur n’a pas empêché l’essor du réseau des écoles de production, qui organise en toute autonomie leur fonctionnement et leur scolarité selon des critères propres à chaque établissement, la reconnaissance d’un statut ad hoc, prévue dans la proposition de loi pour ces quinze écoles, nous semble malvenue.
Introduire dans notre droit un statut hybride taillé sur mesure au seul profit des écoles de production constituerait potentiellement une rupture de l’égalité de traitement dont bénéficient l’ensemble des établissements d’enseignement technique privé.
Ce statut procède en réalité, semble-t-il, de la volonté de combiner les avantages réservés aux apprentis dans le cadre des CFA ou des sections d’apprentissage et ceux qui sont ouverts aux élèves de l’enseignement public ou de l’enseignement privé sous contrat.
Dans cette logique, la présente proposition de loi vise à placer les écoles de production sous le contrôle du ministère de la formation professionnelle. Or celui-là même qui aurait la charge de l’agrément et du contrôle de ces écoles ne dispose pas des compétences nécessaires pour assurer la validation des méthodes pédagogiques mises en œuvre par ces établissements.
Le contrôle de l’État sur les établissements d’enseignement privé hors contrat doit, au contraire, rester sous l’égide de l’éducation nationale, afin que soient notamment vérifiés la validité des titres exigés des directeurs et des maîtres, ainsi que le respect de l’obligation scolaire et de l’instruction obligatoire.
Il s’agit sans doute, avec cette proposition de loi, de reconnaître aux écoles de production une vocation en matière d’apprentissage, afin de permettre l’extension de l’exonération de la taxe d’apprentissage des entreprises partenaires au titre du quota, ainsi que l’attribution de la carte d’étudiant des métiers, normalement réservée aux apprentis.
Le présent texte vise aussi à faire bénéficier les élèves des écoles de production des aides à la scolarité et des bourses de l’éducation nationale, alors même que le contrôle de ces établissements serait transféré au ministère du travail.
Il me faut préciser que l’État peut actuellement attribuer des bourses aux élèves des établissements d’enseignement technique privé reconnus par lui, après avis favorable du Conseil supérieur de l’éducation, le CSE. Or, en mai 2006, cela a été rappelé, le CSE a refusé d’accorder cette reconnaissance à plusieurs écoles de production. Nous ne saurions passer outre cette décision au détour d’une proposition de loi.
Nous voterons donc contre ce texte qui vise à contourner les obligations légales au bénéfice des écoles de production. Il appartient à celles-ci de se conformer à la loi pour obtenir la reconnaissance et les aides souhaitées, et non pas à la loi de s’adapter à elles pour qu’elles disposent de tous les avantages possibles, en matière de taxes d’apprentissage ou d’aides. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est tout le charme de la vie parlementaire que de pouvoir s’interroger le matin sur une loi que d’aucuns considéraient comme optionnelle, de voter l’après-midi un texte relatif aux lanceurs d’alerte et de se pencher le soir sur le sujet très pointu des écoles de production, dans lesquelles étudient 700 élèves et que l’on trouve essentiellement dans une seule région ! (Sourires.)
Je tiens à remercier M. Carle de m’avoir permis de découvrir ces écoles et de réfléchir sur cette question, à laquelle ont été confrontés tous les pédagogues.
Sans vouloir parler à la place de Philippe Meirieu, je tiens à préciser que sa position se situe sans doute entre les deux points de vue défendus précédemment. Certes, il connaît bien la région concernée et, du fait de ses attributions, il est conduit à signer des conventions. Il est également conscient du problème posé, de façon pertinente, au travers de cette proposition de loi. Toutefois, il est plutôt favorable – c’est du moins ce que je crois avoir compris – au choix de l’enseignement professionnel après l’âge de 16 ans. Nous lui en demanderons confirmation lorsque nous le rencontrerons !
Même s’il est bien connu que la pédagogie est l’art de la répétition, je ne reviendrai pas sur l’organisation de ces écoles. Il nous faut bien reconnaître que celles-ci constituent, pour les métiers de l’artisanat, du commerce ou de l’industrie, une « troisième voie » pédagogique tout à fait intéressante et positive consistant à « faire pour apprendre ».
Il est tout à fait possible et envisageable que ce type d’école puisse répondre à un vrai besoin et résoudre, par exemple, un problème que M. le ministre connaît bien : le manque de soudeurs dont souffre cruellement notre pays.
Je le répète, ces écoles apportent de vraies réponses aux 700 jeunes qu’elles forment chaque année. Toutefois, il nous semble inopportun de leur offrir un régime juridique particulier, compte tenu de leurs modalités spécifiques d’organisation et du fait que, n’étant pas sous contrat avec l’État, elles ne peuvent faire l’objet d’un contrôle pédagogique. Nous préférons, pour notre part, envisager une autre perspective. Un voyage d’étude serait ainsi tout à fait utile pour saisir les aspects positifs de leur fonctionnement.
Mon groupe considère, par ailleurs, que des solutions de substitution existent d’ores et déjà pour les jeunes de 14 à 16 ans ; je ne citerai pas tous les dispositifs mis en place ces dernières années. Nous ne pensons donc pas qu’il faille chercher la réponse au problème posé dans un type particulier de structure scolaire.
Nous considérons néanmoins que les modalités d’apprentissage et une partie des approches pédagogiques en vigueur dans les écoles de production méritent d’être étudiées, y compris en portant sur elles un regard contradictoire, voire critique. Nous souhaitons ainsi que soient examinées, à l’occasion du prochain texte de refondation sur l’école qui nous a été annoncé, diverses méthodes pédagogiques. Nous pourrions ainsi user du droit à l’expérimentation prévu à l’article 34 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005.
Il est très important selon nous que l’éducation nationale ne renonce pas à prendre en charge les jeunes qui sont « décrochés », comme vient de le dire M. le ministre. Notre système public d’éducation doit leur permettre à l’avenir d’apprendre les métiers concernés, y compris dans le cadre d’un partenariat avec les entreprises.
Comprenez-nous bien : nous ne sommes pas dans une posture radicale ou dogmatique à l’égard des entreprises, dont l’école a beaucoup à apprendre. Il ne nous semble cependant ni souhaitable ni opportun, compte tenu de l’âge du public visé dans ce texte et de l’absence de tout contrôle de l’État sur ces établissements, de voter une loi spécifique pour ces 700 élèves et cette quinzaine d’écoles.
Cette proposition de loi soulève toutefois une vraie question ; nous suggérons donc, encore une fois, que soit organisé un déplacement afin d’observer le fonctionnement de ces écoles de production.
Monsieur le ministre, je voudrais enfin attirer votre attention sur la question du décrochage scolaire, que nous avons évoquée en commission et qui concerne 150 000 élèves. Nous sommes conscients que l’éducation nationale n’est pas en mesure actuellement, sur le plan tant pédagogique que pratique, de répondre à toutes les attentes. C’est un fait.
Sans doute serait-il intéressant de constituer un recueil des bonnes pratiques pédagogiques qui existent dans les diverses structures, notamment dans les écoles de production, où nous pourrions aussi trouver matière à apprendre. Nous ne pensons pas, en revanche, que faire travailler les jeunes dès l’âge de 14 ans soit une bonne méthode pédagogique.
Plutôt que de tenter de résoudre le problème des élèves décrocheurs une fois qu’ils sont exclus du système scolaire, nous préférerions le traiter en amont, dans les collèges et les lycées. Pour cela, il faut prévoir les effectifs et les modalités pédagogiques nécessaires à la prise en charge de ces élèves différents.
Pour conclure, je tiens à souligner un point positif de ce texte qui, bien qu’il ne concerne que 700 élèves et une quinzaine d’écoles implantées dans une seule région, pose de façon très intéressante la question de l’échec du système éducatif dont, précisément, vivent les écoles de production. Nous devrons absolument y répondre dans la prochaine loi sur l’école.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons voter ce texte en l’état, mais nous tenons à remercier M. Carle de nous avoir appris que ces écoles existaient. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier M. Carle d’avoir braqué le projecteur sur ces organismes de formation, qui existent depuis fort longtemps, puisque les premiers sont apparus à la fin du XIXe siècle, mais qui ne sont pourtant guère connus.
Voilà quelque temps déjà, j’ai été, monsieur le ministre, l’un de vos prédécesseurs au ministère de la formation professionnelle. Vous avez avoué précédemment que vous ne connaissiez pas les écoles de production. Je fais publiquement le même aveu ! Pour autant, elles sont fort intéressantes et propres à nous inspirer de bonnes idées.
J’ai trouvé dans un journal de Toulouse, la région d’origine de notre collègue Plancade, la description d’une de ces écoles de production, installée au sein de l’institut catholique des arts et métiers, l’ICAM. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Voici ce que l’on en dit dans cette publication : « Depuis dix ans, l’école située dans les locaux de l’ICAM Toulouse forme pendant deux ans des jeunes âgés de 15 à 18 ans au métier de tourneur fraiseur. “DynaMéca dispense un encadrement individualisé avec un formateur pour quatre jeunes, indique Gaël Mary, directeur de DynaMéca. L’essentiel de nos intervenants sont bénévoles et des élèves ingénieurs de l’ICAM viennent donner du soutien scolaire.” L’objectif de cette école de production est de soutenir des jeunes en difficulté scolaire.
« Priorité est donnée à la pratique : l’activité de production réalisée au sein d’un atelier sert de support pédagogique à la formation. Et l’atelier de l’école fonctionne comme une petite entreprise. Les élèves apprennent le métier en fabriquant des pièces pour des clients. “À l’école, on me disait « tu ne réussiras jamais », ici dès que tu rates un truc on te dit « vas-y, réessaye, c’est en se trompant qu’on apprend le métier », témoigne un ancien élève de DynaMéca. Et d’ajouter : “Les formateurs sont différents des professeurs, ils sont comme des collègues de travail. Ils sont à la fois nos professeurs de technologie et nos formateurs à l’atelier.”
« DynaMéca est financée principalement par la vente de sa production, ainsi que par la taxe d’apprentissage, la région et l’Europe. Ce qui permet de ne demander qu’une participation symbolique de 80 euros aux parents pour les frais d’inscription. Les résultats sont plus que satisfaisants : chaque année, ce sont vingt-cinq élèves de DynaMéca, au départ en difficulté scolaire, qui sortent diplômés avec un CAP “Conduite de systèmes industriels”. 100 % des jeunes ayant été jusqu’au bout de la formation ont eu le diplôme et travaillent aujourd'hui en entreprise. »
M. Jacques-Bernard Magner. Voilà ! Cela concerne ceux qui ont été jusqu’au bout…
M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, l’essentiel me semble tout de même là : obtenir une qualification professionnelle attestée et, avec cette qualification, entrer en entreprise alors que l’on était auparavant un jeune « décrocheur » ou « décroché », en tout cas un jeune dont l’avenir était compromis.
S’il me faut invoquer un « grand témoin », venu visiter au début de l’année une autre école de production, située à l’ICAM de Lille cette fois, je citerai Mme Anne Lauvergeon, ce qui ne devrait pas heurter, me semble-t-il, ceux de mes collègues qui siègent sur certaines des travées de cet hémicycle.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce n’est pas la même conception !
M. Jacques Legendre. Celle-ci est donc venue à Lille, au titre des activités de sa fondation « Agir dans l’insertion pour l’industrie », et elle a salué, elle aussi, les méthodes de ce type d’école.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce n’est pas un critère !
M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, je ne suis pas sûr que l’appellation « école de production » soit la meilleure. S’agit-il de forcer à « produire » des jeunes de 14 ou 15 ans ? On peut en effet s’interroger, et « production » est un mot sur lequel il faudrait sans doute revenir. Cependant, au-delà du mot, c’est la réalité qui compte : la qualification de jeunes qui trouvent ensuite du travail.
Alors qu’il y a tant de jeunes en difficulté et au chômage, il me semble qu’il n’y a rien de blâmable à ce que nous considérions que notre mission, notre obligation, est de faire en sorte qu’il y ait de multiples façons d’obtenir une qualification et de trouver un emploi.
Mme Françoise Laborde, rapporteur. Nous n’avons rien contre !
M. Jacques Legendre. Comme beaucoup d’autres ici, je suis un enseignant, un enseignant laïc et attaché au succès de l’enseignement public,…
M. Jacques Legendre. … mais je suis encore plus attaché à ce que tous les jeunes obtiennent, outre des connaissances générales suffisantes, une qualification professionnelle, car, sans cette dernière, ils auront du mal à entrer dans la vie professionnelle.
Monsieur le ministre, vous savez comme moi que la qualification professionnelle est non pas seulement la qualification théorique, mais aussi la qualification pratique obtenue dans des conditions de travail.
M. Jacques Legendre. C’est pourquoi je me suis battu, voilà déjà trente ans, pour faire adopter la première loi sur la formation professionnelle en alternance. Je me rappelle des préventions qui, à l’époque – c’était avant 1981 –, étaient exprimées : on affirmait que ce ne serait pas une vraie formation, que les jeunes se contenteraient de balayer au fond de la cour pour le plus grand bien de patrons qui les exploiteraient, entre autres.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous étiez delorien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Legendre. Quelques années plus tard, en 1983, j’ai vu avec satisfaction que cette loi, abrogée en 1981, était reprise par Michel Delebarre. J’ai alors pensé que le principe de réalité s’était imposé face aux dogmatismes et aux a priori.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je voudrais maintenant vous remercier, vous aussi, parce que vous avez, je l’ai senti dans vos propos, une approche assez pragmatique : vous savez bien que ce genre de formation, s’il conduit à la qualification et à l’emploi, peut être utile dans un dispositif.
L’objectif n’est évidemment pas de remplacer toutes les filières de formation par des écoles de production, mais je ne vous ai pas senti indifférent aux bénéfices que des jeunes peuvent tirer de ces dernières.
M. Jacques Legendre. Aussi, mes chers collègues, je souhaiterais que nous nous attachions à laisser cette proposition de loi vivre sa vie, en ne la considérant peut-être pas comme un aboutissement en elle-même, mais en y voyant un moyen de contribuer à la découverte des écoles de production et des services qu’elles peuvent rendre, de même que tous les dispositifs de formation en alternance. Ces formations, si elles posent des problèmes, procurent des bénéfices, de la même façon, bien évidemment, que l’enseignement technologique dans les établissements publics ou privés.
Aujourd'hui, le dispositif permet le « rattrapage » de 700 jeunes qui étaient en difficulté ; il serait raisonnable et même judicieux de notre part de faire en sorte qu’ils soient plus nombreux à bénéficier de ce type de formation.
Il est nécessaire en effet que nous mobilisions toutes les filières, toutes les possibilités, pour qu’il n’y ait plus 120 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification attestée et en situation d’échec. Ne reculons pas : dans ce domaine, il est urgent d’agir et de dépasser certains de nos blocages. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Jacques Chiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme Laborde, car elle a très clairement présenté le fonctionnement des écoles de production.
Comme un certain nombre d’entre nous, je ne connaissais pas, voilà encore quelques semaines, l’existence de ces écoles, même si deux d’entre elles sont installées dans le département de l’Isère, dont l’une à Grenoble. Je suis donc allé rencontrer les responsables de cette dernière pour voir comment ce type d’établissement fonctionnait.
Ces deux écoles ont aujourd'hui noué des relations partenariales avec les collectivités locales, notamment avec le conseil régional de Rhône-Alpes, qui participe à hauteur de 20 % aux dépenses annuelles de fonctionnement de chaque établissement situé sur son territoire, sur la base d’un contrat triennal signé pour les années 2012 à 2014.
On peut en effet penser que les écoles de production concourent à offrir une seconde chance à des jeunes déscolarisés ou en rupture.
S’adressant majoritairement à des jeunes de 14 à 18 ans, elles préparent aux diplômes d’État, CAP et bac professionnel, avec pour objectif premier de former les jeunes à un métier, en alliant sur un même site, appelé « école de production », formation pratique, formation théorique et production. Les élèves passent ainsi deux tiers de leur temps en atelier et un tiers en cours d’enseignement général, soit une proportion inverse à celle qui est appliquée dans les lycées techniques.
L’élève bénéficie donc d’un apprentissage intégré, dans ce que l’un de nos collègues a pu appeler une « école-entreprise », avec, d’une part, des formateurs techniques, qui viennent souvent du milieu industriel et ont exercé un métier en entreprise pendant de nombreuses années – dans l’école que j’ai visitée, il s’agissait en général de chefs d’atelier –, et, d’autre part, des professeurs pour l’enseignement théorique, issus de lycées publics ou privés, qui viennent en quelque sorte faire des heures supplémentaires – dans cette même école, il n’y a que trente jeunes.
L’approche pédagogique ne se limite pas à un apprentissage pratique et théorique. Elle vise aussi à former les jeunes au travail « collectif », pour reprendre l’expression employée par les responsables de ces établissements, en vue de la commercialisation de produits et services, selon les prix et les standards du marché.
Il s’agit toutefois, au moins dans l’école que j’ai visitée, de petites commandes spécifiques et de produits souvent commandés dans le cadre de la sous-traitance à des entreprises de taille intermédiaire, PME ou PMI.
La rentabilité – réelle – de la production permet de rémunérer les « encadrants », notamment techniques, qui disposent d’un contrat de travail de droit privé : ils travaillent 35 heures par semaine et ont cinq semaines de congés payés, ce qui signifie que, pendant les vacances scolaires, ils continuent, eux, à produire.
L’école de production de Grenoble – une école de productique mécanique, donc assez spécialisée –, compte ainsi quatre encadrants techniques rémunérés.
Les huit écoles de production situées dans la région Rhône-Alpes ont un taux de réussite annoncé de 85 %, les élèves passant les épreuves des mêmes diplômes que ceux des lycées techniques.
Sur ce point, il serait toutefois nécessaire d’avoir connaissance du parcours des élèves dès leur entrée dans l’école, afin d’apprécier le taux de « décrochage » en cours de cycle.
À l’issue de leur cycle, une partie des élèves décideraient finalement de se « raccrocher » au système traditionnel, en poursuivant leur formation professionnelle en bac pro, voire en BTS, avant d’entrer dans la vie active. L’autre partie aurait accès à des offres d’emploi, grâce, pour un certain nombre d’entre elles en tout cas, aux relations qui ont pu être créées pendant la scolarité entre les écoles de production et les entreprises locales.
Ces écoles ont en effet adapté leur secteur de production au bassin d’activité industrielle dans lequel elles sont implantées afin de répondre aux besoins spécifiques de ces entreprises.
Mme Maryvonne Blondin. Voilà qui est très bien !
M. Jacques Chiron. Les écoles de production constituent ainsi une petite composante de l’enseignement technique.
Toutefois, malgré des résultats qui semblent positifs, plusieurs éléments importants, qui pointent à la fois des insuffisances dans le texte proposé et des carences dans le fonctionnement de ces établissements, suscitent des interrogations.
M. Jacques-Bernard Magner. Eh oui !
M. Jacques Chiron. Je citerai, premièrement, l’absence de cadre commun entre les différentes écoles de production : disparités entre les méthodes pédagogiques, entre les modèles statutaires, entre les modes d’accompagnement des familles et des élèves, entre les participations financières demandées aux familles, entre les méthodes de recrutement des élèves et des formateurs...
Ces disparités rendent difficiles la mise en place d’un cahier des charges commun que prévoit la proposition de loi.
Il s’agit, deuxièmement, du statut des élèves et de leurs conditions de scolarité et de travail.
L’âge d’entrée des élèves – 14 ans – est très précoce. Les élèves de 14 à 16 ans doivent bénéficier de cours théoriques d’enseignement général, dans le respect de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans.
Troisièmement, les écoles de production ont un schéma de fonctionnement hybride. Un débat avait d’ailleurs eu lieu en 2005 sur ce point à l’Assemblée nationale, à la suite d’une question posée par un député UMP. Peu d’éléments nouveaux nous permettent de penser que les écoles de production sont sorties de « l’ambiguïté » opposée par le Gouvernement d’alors.
M. Jacques-Bernard Magner. Tout à fait !
M. Jacques Chiron. En effet, la proposition de loi prévoit à la fois une tutelle des écoles de production par le ministère de la formation professionnelle avec, cela a été souligné, les avantages afférents – exonération de la taxe d’apprentissage et accès à la carte d’étudiant des métiers – et le bénéfice pour les élèves des aides à la scolarité provenant de l’éducation nationale ! C’est d’ailleurs reconnaître implicitement que les élèves des écoles de production ne peuvent être assimilés à des apprentis et donc rémunérés.
En somme, les promoteurs de la présente proposition de loi ne sont pas prêts à ce que ces écoles se soumettent aux règles des contrats d’association de la loi Debré et souhaitent donc contourner celles-ci, tout en leur accordant à ces établissements les avantages d’une reconnaissance de l’éducation nationale.
Mme Maryvonne Blondin. C’est cela le problème !
M. Jacques Chiron. La tutelle du ministère de la formation professionnelle sur les écoles de production prévue dans ce texte soulève par ailleurs des interrogations sur la validation des méthodes pédagogiques et des programmes, monsieur le ministre.
En effet, l’inspection du travail ne peut se substituer à l’éducation nationale pour contrôler des écoles accueillant des élèves mineurs soumis aux exigences de l’instruction obligatoire jusqu’à 16 ans.
On peut par ailleurs s’interroger sur la pertinence de ces méthodes et de ce type de formation pour forger l’esprit critique, la curiosité et l’ouverture au monde de ces jeunes.
Enfin, il semble difficile de mettre en place une réglementation spécifique taillée sur mesure pour ces écoles, en raison de leur hétérogénéité et de leur marginalité.
L’ensemble de ces éléments fait que nous ne pouvons accepter une telle proposition de loi.
Pour autant, ce type de formation peut répondre à certains besoins des jeunes en rupture. Devant ces résultats encourageants, il faut sans doute réfléchir à instaurer une relation de travail plus étroite entre cette forme d’école et les ministères concernés.
Dans le contexte social actuel, où 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, et alors que 45 % d’entre eux sont toujours au chômage quatre ans après la fin de leur cursus, tous les leviers doivent être utilisés pour permettre l’accès à l’emploi et à l’autonomie des jeunes.
Aux côtés des emplois d’avenir et du contrat de génération, les formations professionnalisantes constituent sans nul doute une voie porteuse d’avenir qu’il faut revaloriser. Ce type de formation, s’il évoluait dans des conditions acceptables pour les ministères de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, pourrait peut-être y trouver une place.
Aussi, afin d’étendre notre réflexion, la création d’une mission d’évaluation et d’inspection des dispositifs de formation en alternance, telle qu’elle a été proposée dans le rapport de notre collègue Françoise Laborde, et qui viserait à formuler des recommandations, nous semble tout à fait pertinente et d’actualité.
C’est dans ce cadre que pourront être étudiées les spécificités de ces écoles, comme celles des lycées techniques privés ou des écoles de la seconde chance. C’est aussi dans ce cadre que nous pourrons utilement nourrir les réflexions des ministères de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, avant leur éventuelle inscription dans un projet de loi portant sur la refondation de l’école en 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière oratrice de la discussion générale, je répéterai sans doute des propos déjà exprimés. Je voudrais cependant insister sur les atouts de ces écoles qui, comme l’a souligné Jean-Claude Carle, souffrent d’une précarité juridique à laquelle cette proposition de loi vise à remédier.
Depuis l’ouverture de la première école de production en 1882 – l’atelier Boisard, à Vaulx-en-Velin –, ces établissements d’enseignement technique privés ont gardé leur originalité.
L’une des particularités de ces écoles réside dans le fait que la formation pratique et la formation théorique ont lieu sur le même site, avec les mêmes formateurs pour les matières professionnelles. Par ailleurs, la formation du jeune s’inscrit pour deux tiers de son temps dans la production de commandes aux conditions du marché, pour de vrais clients, industriels ou particuliers. De ce fait, le jeune et son formateur sont soumis aux mêmes exigences de coût, de qualité et de délai imposées par le client.
L’alliance de la responsabilité et de l’accompagnement dans une œuvre commune avec un maître professionnel va très tôt entraîner le jeune dans une logique de réussite et de valorisation de ses capacités.
En effet, l’élève ne travaille pas uniquement pour des notes, mais pour satisfaire des clients de secteurs différents et de prestige, tels l’aménagement de bâtiments classés ou certaines industries de haute technologie. Le travail doit être parfaitement réalisé pour satisfaire ces clients en temps et en heure, ce qui est très motivant et responsabilisant.
Cette démarche pédagogique efficace redonne confiance aux jeunes. Elle leur rend le goût de se former alors qu’ils se trouvaient bien souvent en situation de rupture scolaire et qu’ils n’avaient plus le désir de poursuivre leurs études dans une filière traditionnelle.
Ces écoles viennent également en aide à certains jeunes qui, démotivés et en situation d’échec, n’arrivent pas à trouver d’entreprise pour signer un contrat d’apprentissage. Enfin, elles accueillent des élèves qui, faute d’une maturité suffisante, rencontrent des difficultés pour s’insérer directement dans le monde du travail en suivant une démarche d’apprentissage classique. Un travail éducatif est alors indispensable, lequel n’est pas du ressort d’une entreprise ordinaire.
L’enseignement général et professionnel théorique est, autant que possible, relié directement aux situations de production. Il est réparti tout au long de la semaine, ce qui permet d’éviter des phénomènes de rejet par les élèves. Les écoles de production atteignent ainsi leur objectif premier, qui est d’être un lieu d’intégration progressive à la vie professionnelle et adulte. Cette insertion dans le monde du travail est aussi importante que l’obtention du diplôme.
L’autre atout de ces « écoles-entreprises » est de conduire à l’emploi : 90 % des élèves obtiennent leur diplôme et 45 % d’entre eux choisissent de poursuivre leur formation professionnelle. Les jeunes formés par ces écoles sont appréciés des entreprises, car ils possèdent une réelle expérience professionnelle. Trois ans de formation en baccalauréat professionnel équivalent à trois années d’expérience en atelier, en conditions réelles de production. D’où l’intérêt des recruteurs pour ces jeunes.
Les employeurs ne s’y trompent pas : pour eux, le jeune ainsi formé est « du métier ». Il s’agit d’un atout décisif, et il n’est pas rare que des élèves finissent l’école avec plusieurs propositions d’emploi. Le taux de placement en fin de cursus avoisine souvent les 100 %. Par ailleurs, un nombre significatif d’élèves se mettent à leur compte, notamment en tant qu’artisans.
Une formation professionnelle qualifiante, une préparation à l’exercice d’un métier et une intégration à la vie professionnelle, tels sont les principaux atouts des écoles de production.
Cependant, ces établissements sont peu connus. Je remercie donc Jean-Claude Carle d’avoir jeté la lumière sur ces écoles en déposant une proposition de loi, cosignée par nombre de sénateurs du groupe UMP, qui vise à introduire une nouvelle réglementation soutenant leur développement. Je ne reviendrai pas sur les différents points de la proposition quant au statut, à la taxe d’apprentissage ou aux nouvelles aides que pourraient percevoir les élèves.
Les performances réalisées par ce type d’établissement montrent combien cette filière mérite d’être encouragée. Tel est l’objet du texte qui nous est proposé aujourd’hui. La situation actuelle de nos jeunes exige de mettre à leur disposition des outils variés, adaptés aux différentes situations et innovants. Cette proposition a attiré l’attention sur l’un de ces outils, que l’on ne peut certes qualifier d’innovant tant il est ancien, mais qui est trop peu connu.
Vouloir tout faire régir par un même statut et refuser certaines spécificités pédagogiques ne permet pas de répondre aux exigences actuelles. Il est de notre responsabilité d’offrir à nos jeunes le plus grand panel de possibilités. Tel est l’objet de cette proposition de loi, que notre groupe votera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Cartron, MM. Assouline, Magner et Domeizel, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative aux écoles de production (n° 120, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la motion.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les mots « école » et « production » ont, dans mon esprit, beaucoup de mal à cohabiter, tant elles appartiennent à des champs sémantiques différents.
Dans ce débat sur la proposition de loi relative aux écoles de production, déposée par le vice-président du Sénat Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, nous, sénateurs du groupe socialiste, avons souhaité présenter une motion tendant à opposer la question préalable, car nous sommes en profond désaccord avec le texte proposé.
Chers collègues de l’opposition, vous présentez les écoles de production comme des établissements accueillant des jeunes en grande difficulté sociale afin de leur dispenser une formation diplômante, à la fois théorique et pratique. Selon vous, ces écoles forment chaque année plus de 500 jeunes en situation de rupture scolaire, voire sociale. Vous n’hésitez pas à vanter leur modèle original qui intègre, dans un même lieu, des cours théoriques, à l’image de ceux d’un centre d’enseignement classique, et une formation pratique, dans le cadre d’un atelier de production.
Vous affirmez que ce sont de véritables « écoles-entreprises », qui préparent les jeunes au certificat d’aptitude professionnelle, le CAP, et au baccalauréat professionnel en les mettant collectivement en situation professionnelle réelle, par le biais de réalisations de commandes aux conditions du marché pour des clients, industriels ou particuliers. Vous donnez quelques précisions sur leur fonctionnement : le jeune et son maître professionnel sont soumis aux exigences de l’économie réelle, en termes de coûts, de qualité et de délais.
Selon vous, cette alliance de la responsabilité et de l’accompagnement dans une œuvre commune avec le maître professionnel serait porteuse de beaucoup de sens : elle entraînerait très tôt le jeune dans une logique de réussite et de valorisation de ses capacités, exprimées non seulement dans un savoir-faire personnel, mais également par son intégration dans une équipe d’atelier. En effet, le jeune travaille non pas seulement pour des notes, mais aussi pour des clients, dont la satisfaction lui donnerait la conscience de sa propre dignité. Les commandes émanent d’ailleurs parfois de clients prestigieux, tels que la police scientifique, les bâtiments classés ou les industries de haute technologie.
Toujours selon vos dires, les écoles de production représenteraient un levier sûr et éprouvé pour conduire ces jeunes vers l’emploi durable, en termes de qualification aussi bien que d’insertion. Et le résultat serait extraordinaire : aux yeux des employeurs, affirmez-vous, le jeune ainsi formé apparaît comme étant déjà « du métier ». Vous ajoutez même que les écoles de production sont un lieu d’intégration progressive à la vie professionnelle et adulte, très apprécié des entreprises, les liens très forts noués avec les branches professionnelles étant là pour en témoigner.
Vous n’avez vraiment pas peur des mots ! Aux termes de l’exposé des motifs de la proposition de loi, « les écoles de production sont un chemin d’excellence pour tous et l’ensemble de leurs partenaires souhaitent leur développement, tant pour la qualité de la formation […] que pour la deuxième chance qu’elles offrent aux jeunes les plus en difficulté de notre pays ». Mais – car il y a un mais – les écoles de production souffrent aujourd’hui, toujours selon vous, de l’absence d’un cadre juridique suffisant, ce qui constitue un frein important à leur développement.
Et vous regrettez, bien que la première école de production ait été fondée il y a près de cent trente ans, que l’on n’en compte aujourd’hui que quinze en France. Elles resteraient peu connues hors de leur périmètre de recrutement, faute d’une reconnaissance juridique adéquate.
Vous souhaitez donc pallier ce manque afin de leur permettre de se développer et d’accueillir davantage de jeunes qui pourraient bénéficier ainsi de l’aide à la scolarité et des bourses nationales. Vous entendez également faire profiter les employeurs qui les soutiennent d’une exonération de la taxe d’apprentissage.
À cet instant de la discussion, si vous le voulez bien, je souhaiterais laisser de côté le tableau idyllique auquel vous essayez de nous faire croire pour revenir à la réalité.
Les écoles de production sont des établissements techniques privés hors contrat, qui assurent des formations allant du CAP au baccalauréat professionnel dans quelques secteurs limités tels que l’automobile, la chaudronnerie, la scierie, la menuiserie et l’ébénisterie.
Ces écoles fonctionnent comme des PME et répondent à la demande d’un marché en vendant leurs produits à des clients. Et c’est là que réside la grande différence avec un lycée professionnel public ou privé, dans lequel la pratique professionnelle ne sert qu’un objectif pédagogique et où la formation académique nourrit la formation professionnelle, favorisant ainsi l’enrichissement intellectuel et culturel des élèves le plus longtemps possible.
Surtout, et c’est là où le bât blesse, les écoles de production sont très liées aux branches professionnelles, et en particulier à l’UIMM. Certaines préparent ainsi à des certificats de qualification professionnelle et/ou à des certificats de compétence créés et délivrés par une branche professionnelle. Ces écoles préparent donc à la fois à des diplômes reconnus par l’État – CAP et bac professionnel – et à des titres professionnels reconnus uniquement par les employeurs et les branches professionnelles.
Les écoles de production revendiquent de s’adresser aux jeunes en rupture scolaire. Pourtant, il ne faut surtout pas les confondre avec des écoles de la deuxième chance. Celles-ci concernent des jeunes de 18 à 25 ans qui sont, eux, rémunérés au titre de la formation professionnelle pour leur activité.
En effet, les écoles de production scolarisent des jeunes de 14 ans, donc encore sous statut scolaire, qui ne sont pas rémunérés pour leur travail. Il y a là une façon choquante d’exploiter leur travail alors qu’ils ne sont encore que des enfants,…
M. Jean-Claude Carle. Pas du tout !
M. Jacques-Bernard Magner. … de les orienter dès l’âge de 14 ans dans un schéma professionnel défini et irréversible, de les spécialiser dans une activité rémunératrice pour leur seule école, bref, de sceller leur destin dès ce moment sans l’espoir d’une autre ouverture professionnelle que celle de la filière étroite dans laquelle on les aura placés dès leur plus jeune adolescence.
Les sénatrices et sénateurs qui participent avec moi au groupe de travail sur le pré-recrutement des enseignants s’accordent à dire qu’il faut éviter l’effet « tuyau » de la formation, c’est-à-dire qu’il faut mettre en place des passerelles entre les contenus et le déroulement de la formation, afin que les jeunes collés au concours puissent se réorienter et valoriser professionnellement la formation académique et professionnelle qu’ils ont reçue.
Ces jeunes de 14 à 18 ans placés prématurément dans les filières très spécialisées des écoles de production n’auraient donc pas le droit à l’erreur d’orientation ? C’est un écueil majeur, qui montre l’inadaptation de ce type de formation.
Par ailleurs, la source de financement de ces écoles réside essentiellement dans la vente de leur production et dans le versement de la taxe d’apprentissage par les entreprises. À ce titre, on peut se poser la question de l’agrément des écoles de production qui, même si elles ne sont pas reconnues par l’État, sont habilitées à percevoir cette taxe. Il conviendrait d’ailleurs de contrôler cette situation, monsieur le ministre.
L’auteur de la proposition de loi nous présente ces écoles de production comme étant fondées sur l’apprentissage et revendiquant « la pédagogie d’une école et la responsabilité du travail en atelier », mais sur un même lieu et dans un même temps, à la différence de la majorité des centres de formation des apprentis.
Néanmoins, je puis vous assurer que de très nombreux CFA gérés par des branches professionnelles assurent aussi in situ la formation théorique et professionnelle. Nous en connaissons tous. Dans ces conditions, la spécificité des écoles de production paraît infime du point de vue de la formation, d’autant que certaines écoles de production intègrent également des stages en entreprises dans leur formation et proposent le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, ou DIMA.
Nous sommes donc dans un réel mélange des genres. La devise de ces écoles semble être : « Faire comme un CFA sans être un CFA », c’est-à-dire sans en supporter les contraintes.
Une différence fondamentale réside dans le statut et la rémunération des élèves des écoles de production. En effet, contrairement à un jeune en contrat d’apprentissage dans un CFA, sous contrat de travail donc, l’élève d’une école de production n’est pas rémunéré alors qu’il réalise de vraies commandes pour de vrais clients – entreprises ou particuliers – aux conditions du marché, qui seront vendues au seul bénéfice de l’école de production. La vente des produits fabriqués par un jeune en formation est au fondement même d’une école de production, même si le jeune y est, dit-on, sous statut scolaire.
Aussi, soyons clairs et reconnaissons que les écoles de production peuvent s’apparenter pour une large part à des « ateliers-entreprises » de sous-traitance, et la formation à une mise en situation professionnelle réelle, mais sans rémunération ! Si le jeune « ne travaille pas seulement pour des notes, mais pour des clients dont la satisfaction lui donne la conscience de sa propre dignité », il serait normal, logique et légitime que son travail soit rétribué.
Ainsi peut-on lire, sur le site internet de l’une de ces écoles de production : « Du point de vue commercial, l’école de production fonctionne comme toute entreprise de sous-traitance. Elle respecte ses engagements de délai et suit les exigences de qualité demandées par ses clients. L’école de production est ouverte toute l’année y compris pendant les vacances (sauf un mois l’été et dix jours à Noël). » Ah, les vacances, quel problème pour les patrons !
Selon la Fédération nationale des écoles de production, ce « fruit de la production réinvesti dans les écoles » permettrait la « gratuité ou quasi-gratuité, alors qu’il s’agit d’établissements privés hors contrat ».
Cependant, la réalité est un peu différente. Ainsi, la primo-inscription à l’école Boisard, l’une des plus connues, s’élève tout de même à 1 000 euros hors outillage et cantine. Dans l’École des ateliers de mode ou ECAMOD, à Paris, une inscription coûte 1 295 euros en CAP et peut même grimper à 4 180 euros pour un certificat de qualification professionnelle !
Avec de tels chiffres, on peut véritablement s’interroger sur la réalité de la vocation d’accueil « des jeunes en grande difficulté sociale » mise en avant par l’auteur de la proposition de loi.
À la vérité, sous ce label « écoles de production » sont en fait rassemblées des structures de formation hors contrat hybrides, « touche-à-tout », qui empruntent des schémas de fonctionnement aux différents types de formation professionnelle sans en subir les contraintes, sans contrôle de la puissance publique, et dont la qualité de l’enseignement est difficile à évaluer.
Les écoles de production pratiquent la sous-traitance avec des formateurs souvent bénévoles et des élèves-ouvriers non rémunérés, et la proposition de loi qui nous est présentée ce soir, si elle était votée, leur accorderait un cadre juridico-financier sur mesure leur permettant de bénéficier à la fois des avantages du secteur de la formation professionnelle et de l’éducation nationale, sans véritable contrepartie en termes d’encadrement et de contrôle.
Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, notre opposition à ce texte, à son esprit, à ses finalités est totale. J’invite donc le Sénat, au nom des sénateurs socialistes, à adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable sur la proposition de loi relative aux écoles de production. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, contre la motion.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à renouveler mes félicitations à notre collègue Françoise Laborde pour la qualité de son travail et à la remercier de son écoute attentive. Quelle que soit l’issue de ce débat, son rapport aura permis de mettre en lumière de nombreux atouts des écoles de production et la nécessité de leur venir en aide. Les entretiens que nous avons eus, madame le rapporteur, nous ont, je pense, enrichis mutuellement. J’espère que ce débat y contribuera aussi.
Sans reprendre point par point tous les arguments évoqués lors de la discussion de cette question préalable, je souhaite répondre plus précisément à certains d’entre eux.
Chers collègues de la majorité, vous soulignez que les écoles de production sont des écoles privées. Je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que je suis un pur produit de l’enseignement public, où mes enfants ont suivi toute leur scolarité. Il n’en demeure pas moins que je suis attaché à la liberté constitutionnelle qu’est le libre choix de l’école.
Vous reprochez tout d'abord aux écoles de production leur hétérogénéité, qui « ne permettrait pas d’établir un référentiel commun en termes de contenu et de qualité de l’enseignement dispensé ».
Je rappelle que, si elles sont diverses, les écoles de production partagent néanmoins les mêmes fondamentaux, fixés, comme M. le ministre l’a rappelé, par une charte de la Fédération nationale des écoles de production, la FNEP, qui soumet chaque école à une labellisation. Pour cela, les écoles doivent remplir huit conditions, dont « une approche pédagogique clairement éducative, formalisée dans un projet écrit et structuré ».
Cette pédagogie ne doit pas être si mauvaise, chers collègues, puisqu’elle permet un taux de réussite aux examens assez exceptionnel. Les résultats parlent d’eux-mêmes : plus de 85 % des élèves obtiennent leur CAP ou leur baccalauréat professionnel !
Vous semblez ensuite reprocher aux établissements leur activité commerciale. Vous en arrivez même à vous indigner que les élèves ne soient pas rémunérés ! Mes chers collègues, je ne sais pas si nous parlons du même sujet, car, à vous écouter, on se croirait revenu au temps de Zola.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est exactement cela ! Vous êtes un homme du XIXe siècle !
M. Jean-Claude Carle. Je parle d’établissements qui prennent en charge des jeunes pour les sortir d’une situation d’échec, dont le fonctionnement repose en grande partie sur l’action de bénévoles et dont le financement, qui reste malheureusement fragile, repose précisément sur le soutien actif du milieu industriel.
Mme Laborde précise dans son rapport que le produit de la vente de fournitures et de services émanant des élèves et des maîtres professionnels assure au moins la moitié du budget des écoles.
Les écoles sont également financées par le produit de la taxe d’apprentissage acquittée par les entreprises partenaires, par des aides et des dons de particuliers, par les subventions de fonctionnement versées par les collectivités territoriales, notamment les régions, qui n’agiraient pas ainsi s’il y avait le moindre problème. La fondation de la deuxième chance reconnue d’utilité publique, « Agir pour l’insertion dans l’industrie », présidée par Mme Anne Lauvergeon, subventionne également ces écoles.
Oui, l’élève-apprenti entre dans une logique d’entreprise, en réalisant de vraies commandes, pour de véritables clients. Cela va lui permettre de développer un sens des responsabilités, d’acquérir un « savoir être » et un savoir-faire qui seront déterminants pour sa vie professionnelle future.
Au lieu de jeter la suspicion sur les écoles de production et de vous indigner de l’absence de rémunération des élèves, avez-vous noté que le jeune et sa famille ne supportent pas le coût de cette formation ? Les coûts de scolarité sont soit inexistants, soit très faibles, et certaines écoles de production prévoient même le versement d’un petit pécule au jeune à la fin de son parcours. (M. Jacques-Bernard Magner proteste.)
De plus, elles n’agissent pas en dehors de tout contrôle, comme vous le prétendez. Des vérifications régulières sont effectuées. Les deux inspecteurs qui ont opéré des contrôles en 2011 – un inspecteur de spécialité et un inspecteur de l’enseignement général – ont rendu des avis positifs, voire très positifs. Le texte que je vous propose prévoit d'ailleurs, à l’article 3, le contrôle du respect du cahier des charges par l’inspection du travail.
Enfin, chers collègues, ne sous-entendez pas, comme vous l’avez fait en commission, que les jeunes se font exploiter : c’est faux !
M. Jacques-Bernard Magner. Mais si !
M. Jean-Claude Carle. Je vous fais d’ailleurs la même réponse qu’en commission, en vous invitant à venir visiter une école de production, comme l’ont déjà fait un certain nombre d’entre nous, notamment M. Gérard Collomb, ou comme Mme Lauvergeon. Vous verrez alors que l’on ne peut décemment pas les soupçonner d’exploiter des jeunes ; au contraire, tout est fait pour les sortir de leur condition, dans une ambiance quasi familiale.
M. Jacques-Bernard Magner. Paternalisme !
M. Jean-Claude Carle. Oui, j’assume de vouloir faire du sur-mesure pour ces établissements, en demandant au Gouvernement de leur accorder les avantages prévus dans le cadre d’un enseignement privé sous contrat ou d’une formation en apprentissage. Il ne me semble pas que cette demande soit excessive : le déblocage de bourses de lycée ou de collège et l’exonération du quota de la taxe d’apprentissage représentent une somme tout à fait marginale au regard des 61 milliards d’euros consacrés à l’éducation nationale par l’État.
Quant à la rupture d’égalité que créerait mon texte, je vous recommande encore une fois d’aller voir sur le terrain où en est le sentiment d’égalité de ces jeunes qui sont laissés sur le bord du chemin ! En pleine rupture sociale, ils ont besoin que l’on défende leurs droits, et plus particulièrement leur droit d’égalité d’accès à un emploi. Allez donc expliquer à ces jeunes, chers collègues, que le développement des écoles de production créerait une rupture d’égalité…
Enfin, je ne nie pas les difficultés juridiques posées par la création d’un statut hybride pour les écoles de production.
À cet égard, il y a selon moi deux manières de faire avancer les choses. Vous avez choisi de vous laisser le temps de la réflexion en vous en remettant aux conclusions d’une mission d’évaluation pour lever toutes les incertitudes avant de légiférer.
C’est votre choix, et il est tout à fait légitime. Il convient cependant d’assumer les conséquences d’un tel report, avec le risque que la question soit reportée sine die, voire enterrée purement et simplement, ce qui serait infiniment regrettable et décevant pour les écoles de production et les nombreux intervenants qui leur apportent leur soutien.
Dans la situation économique que nous connaissons, je pense que tous les efforts doivent être réunis dès maintenant pour « sauver » les jeunes qui peuvent l’être. Je l’ai expliqué en présentant ce texte, les écoles de production apportent une solution à ceux qui ne peuvent pas être orientés ailleurs et qui sont malheureusement promis, pour un certain nombre d’entre eux, à la rue.
Si nous ne saisissons pas cette occasion de les aider, celle-ci ne se représentera pas de sitôt, je le crains. Nous laisserons au bord du chemin des jeunes qui auraient pu être pris en charge et qui viendront grossir le nombre des assistés de la société, pour un coût social et financier bien plus élevé ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christiane Demontès. Ne parlez pas d’assistés !
M. Jean-Claude Carle. Je propose une autre solution, celle de l’expérimentation, qui est aujourd’hui inscrite dans la Constitution.
Il s’agit de procéder pas à pas, de passer de 500 jeunes en écoles de production aujourd’hui à 1 000 ou à 1 500 dans quelques années, comme le recommande d'ailleurs Mme Anne Lauvergeon. Nous réglerions ainsi le problème immédiat du flux de demandes. Nous pourrions par la suite préciser le cadre législatif et l’améliorer.
Je pense qu’il vaut mieux faire du bricolage, comme cela m’a été reproché en commission, que de produire du chômage. Ce dernier, je le rappelle, touche 22 % des jeunes.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est de la démagogie !
M. Jean-Claude Carle. Chaque année, quelque 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme.
Mes chers collègues, je ne me fais pas d’illusion sur l’issue du vote de ce soir, mais je ne désespère pas. La prise de conscience en faveur des écoles de production dans les régions existe et va dans le bon sens, ce qui me rassure. J’ai toujours pensé que le bon sens était au plus près du terrain et des réalités.
Mes chers collègues, je vous laisse la responsabilité de l’attentisme, en citant les sages paroles de Jean Rostand, qui éclairent parfaitement notre débat d’aujourd’hui : « Attendre d’en savoir assez pour agir en toute lumière, c’est se condamner à l’inaction ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Laborde, rapporteur. La commission est favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable. Je ne reviendrai pas sur nos arguments, que nous avons suffisamment développés en commission, dans le rapport écrit et au cours de la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le Gouvernement est, comme la commission, favorable à cette motion.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous conscients des enjeux économiques et sociaux cruciaux que représente la formation en alternance et l’apprentissage pour notre pays, notamment dans la lutte contre le chômage des jeunes, dont je peux témoigner en tant qu’élu martiniquais.
Le Gouvernement en a d’ailleurs pris toute la mesure puisque le Premier ministre, dans son allocution portant sur le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, s’est donné comme objectif de porter à 500 000 le nombre d’apprentis à l’horizon 2017.
Cependant, la proposition de loi présentée par M. Carle et ses collègues est inacceptable en l’état dans la mesure où son dispositif même recèle des contradictions.
Tout d’abord, l’article 4 prévoit que les entreprises assurant le financement des écoles de production seraient exonérées de la taxe d’apprentissage. Or cette extension du bénéfice d’une partie du quota de la taxe d’apprentissage aux écoles de production est incompatible avec la législation en vigueur, aux termes de laquelle ledit quota sert exclusivement à financer les établissements formant des apprentis, ce que les écoles de production ne sont pas, vu que leurs élèves ne sont pas rémunérés.
Ensuite, l’article 6 prévoit que les élèves des écoles de production pourraient bénéficier de l’aide à la scolarité et des bourses nationales délivrées par l’éducation nationale. Dans le même temps, la proposition de loi prévoit de rattacher ces écoles au ministère chargé de la formation professionnelle afin qu’elles soient exonérées de toute contrainte en termes de contrôle pédagogique par l’éducation nationale. Or, en l’absence de contrat d’apprentissage et de rémunération, les élèves des écoles de production ne peuvent être considérés comme des apprentis, et le rattachement artificiel au ministère de la formation professionnelle n’y changera rien.
Pour toutes ces raisons, je voterai la motion tendant à opposer la question préalable, car il serait choquant de créer un statut ad hoc pour des structures qui évoluent de plus en plus vers l’entreprise, avec des travailleurs non rémunérés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons pour la motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos collègues socialistes, et ce pour deux raisons principales.
Premièrement, cette proposition de loi établit un régime juridique ad hoc pour les seules écoles de production. Le but est, me semble-t-il, de tirer un avantage législatif et financier des différents statuts scolaires du privé, sous contrat aussi bien que hors contrat, et du public, sans pour autant, quoi qu’en dise M. Carle, satisfaire aux exigences légales, aux contreparties et aux contrôles.
Ce texte prévoit notamment de faire bénéficier ces écoles des exonérations de taxe d’apprentissage au titre du quota, lesquelles sont normalement réservées aux centres de formation d’apprentis, alors qu’elles devraient pour cela modifier leur mode de fonctionnement pour s’apparenter à des CFA.
Je rappelle que 52 % de la taxe d’apprentissage, le « quota », revient obligatoirement à l’apprentissage, via des versements calibrés aux CFA, à un fonds national et au Trésor public. Les 48 % restants, le « barème », sont en réalité des versements libératoires des entreprises aux structures de formation technologique et professionnelle de leur choix, dont les écoles de production reconnues par l’État peuvent bénéficier.
Or, aujourd’hui, les lycées professionnels publics pâtissent d’un affaiblissement alarmant des contributions des entreprises. La construction de la taxe et l’affectation des fonds par les organismes collecteurs désavantagent déjà très nettement les élèves de l’enseignement professionnel public. Ainsi, dans l’ensemble du second degré, le public reçoit à peine plus que le privé, alors que ce dernier scolarise cinq fois moins d’élèves !
L’adoption de cette proposition de loi porterait donc un nouveau coup à l’enseignement professionnel public, et même à son homologue privé.
Deuxièmement, s’il est nécessaire qu’un effort soit fourni en faveur de l’enseignement professionnel et technique pour anticiper et faire reculer l’échec et le décrochage scolaires, le législateur doit avant tout se concentrer sur le développement et la valorisation de l’offre publique existante, qui a été, il faut le dire, fort mise à mal par la précédente majorité.
En tant que rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement professionnel, je suis particulièrement attachée à la revalorisation de cet enseignement. À mon sens, la prévention et le traitement des difficultés scolaires doivent se faire au sein de l’éducation nationale. Ils ne doivent pas être externalisés, ni sous la forme d’écoles de production dispensant des formations en dehors de tout cadre national, ni sous quelque autre forme privée que ce soit.
Il est au contraire de la responsabilité du législateur de faire en sorte que l’enseignement professionnel et technique public soit revalorisé, émancipé de l’orientation par l’échec, afin qu’il puisse répondre aux besoins de tous les publics, y compris à ceux des élèves en situation de décrochage scolaire.
Je trouve presque cocasse de vous entendre, chers collègues de l’opposition, évoquer avec tant de conviction les questions de décrochage scolaire, quand un bilan de la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans mise en œuvre en 2008 vient d’être effectué et que les premiers éléments montrent que cette réforme a augmenté les sorties sans qualification, qu’elle a mis en difficulté les élèves les plus fragiles et que le baccalauréat professionnel constitue un handicap pour poursuivre des études en BTS.
Ce constat ne doit toutefois pas nous conduire à envisager des correctifs hors de l’éducation nationale. Je milite au contraire pour que ces correctifs soient mis en œuvre dans le cadre de celle-ci.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés au texte qui nous est proposé et nous pensons qu’il n’est pas opportun de poursuivre la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je suivrai la recommandation de Mme la rapporteur et voterai la motion tendant à opposer la question préalable, mais je souhaite dire que l’existence des écoles de production interpelle notre souhait commun de laisser ouvertes des possibilités de pédagogie et d’initiative innovantes – je remercie d’ailleurs M. Carle de nous avoir fait découvrir les écoles de production –, tout comme elle questionne notre irréductible exigence d’un socle commun – et je remercie Mme la rapporteur d’en avoir fait état –, d’âge pour certaines tâches, d’enseignement général pour tous, d’égal accès à la connaissance, de suivi des tutelles et d’évaluation indépendante.
Monsieur le ministre, nous avons découvert, grâce à cette proposition de loi, des écoles qui semblent avoir grandi dans le paysage sans que les tutelles de l’éducation nationale et de la formation professionnelle y aient regardé de plus près. Nous nous en étonnons.
Les élèves décrocheurs sont une de nos grandes préoccupations. Les diverses tentatives qui sont faites pour les accueillir et les réconcilier avec l’école, ainsi qu’avec les acquisitions cognitives ou pratiques, méritent d’être examinées.
Vous nous dites, monsieur le ministre, n’avoir pas la compétence de l’enseignement général. Eh bien, la commission de la culture n’a pas celle de la formation professionnelle et elle ne peut seule embrasser tout le sujet. De toute façon, elle ne saurait se limiter à examiner les seules écoles de production.
En revanche, chaque groupe dispose pour 2013 d’un droit de tirage et peut demander la constitution d’une mission commune d’information. Si un groupe décidait de créer une telle mission sur ce sujet, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication s’y investirait. Quoi qu'il en soit, croyez-le bien, la refondation de l’école sera pour notre commission l’occasion d’une étude approfondie de tout ce qui existe et mérite d’évoluer, particulièrement en ce qui concerne la tranche d’âge de quatorze à dix-huit ans. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, revenons-en à l’essentiel ! Quand est élaboré un dispositif qui permet de « rattraper » des jeunes, de les former et de les faire entrer dans la vie professionnelle, s’il n’est bien sûr pas interdit de se poser des questions à son sujet, il ne faut pas le condamner a priori.
Au début de notre débat, j’ai entendu des propos témoignant d’une ouverture, et je m’en suis réjoui. En revanche, la charge dont ce dispositif vient d’être l’objet, quand il s’est agi de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable, me paraît regrettable : certaines interventions laissent vraiment l’impression d’une condamnation d’un système qui, pourtant, donne des résultats.
M. Claude Domeizel. Mais non !
M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, la meilleure façon de corriger la présente proposition de loi, dont les termes sont peut-être imparfaits, mais qui peuvent en tout cas être discutés, est de présenter des amendements, non de refuser le débat.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce texte n’est pas amendable !
M. Jacques Legendre. On peut notamment débattre sur le fait de savoir si ces écoles doivent être du ressort de l’éducation nationale ou de la formation professionnelle. À une certaine époque, j’ai eu l’occasion d’assister à des luttes entre le ministère de l’éducation nationale et celui du travail, qui cherchaient tous deux à s’assurer la maîtrise de tel ou tel aspect de la formation.
Alors, discutons, amendons cette proposition de loi ! Ce serait tout à fait positif. Refuser d’aller plus loin, sans même être assuré de pouvoir apporter une réponse à la question que ce texte pose, me semble fort dommage.
Voilà pourquoi je souhaite que la motion tendant à opposer la question préalable ne soit pas votée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 170 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
5
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Jeudi 22 novembre 2012
À 11 heures :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2013 (A.N., n° 235)
(Les règles de la discussion budgétaire figurent en annexe.
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes.)
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi de finances pour 2013
À 21 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (texte de la commission n° 116, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
5°) Éventuellement, suite du projet de loi de finances pour 2013
Vendredi 23 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30 :
1°) Proposition de loi relative aux juridictions de proximité, présentée par M. Jean Pierre Sueur (Procédure accélérée) (texte de la commission n° 125, 2012 2013)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le jeudi 22 novembre, dix-sept heures.)
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (texte de la commission n° 142, 2012-2013)
(La conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée.
Selon cette procédure simplifiée, ce projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard jeudi 22 novembre, à dix-sept heures, que le texte soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
À 14 heures 30 et le soir :
3°) Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Examen des articles de la première partie
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au jeudi 22 novembre, onze heures.)
Éventuellement, samedi 24 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Éventuellement, dimanche 25 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Lundi 26 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Mardi 27 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Mercredi 28 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Examen de l’article 44 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (deux heures)
(Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 27 novembre, dix-sept heures.)
- Suite et fin de l’examen des articles de la première partie
- Explications de vote et vote sur l’ensemble de la première partie
(Il est attribué un temps de parole de cinq minutes à chaque groupe et de trois minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 27 novembre, dix-sept heures.)
Scrutin public ordinaire de droit
Jeudi 29 novembre 2012
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (A.N., n° 415)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 28 novembre, dix-sept heures ;
- au mercredi 28 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements mercredi 28 novembre au soir.)
À 15 heures :
2°) Questions cribles thématiques sur les énergies renouvelables
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Action extérieure de l’État (trois heures)
- Aide publique au développement (+ article 62) (deux heures)
. compte spécial : prêts à des États étrangers
Vendredi 30 novembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Santé (une heure trente)
. compte spécial : avances aux organismes de sécurité sociale
- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 70, 70 bis et 70 ter) (une heure quarante-cinq)
- Écologie, développement et aménagement durables (+ articles 64 et 64 bis) (trois heures trente)
. budget annexe : contrôle et exploitation aériens
. compte spécial : aides à l’acquisition de véhicules propres
. compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
- Culture (+ articles 63 et 63 bis) (deux heures)
Éventuellement, samedi 1er décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 3 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Égalité des territoires, logement et ville (+ articles 64 ter et 64 quater) (une heure quarante-cinq)
- Sport, jeunesse et vie associative (une heure trente)
- Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (+ articles 62 bis, 62 ter, 62 quater et 62 quinquies) (une heure quarante-cinq)
- Médias, livre et industries culturelles (deux heures)
. compte spécial : avances à l’audiovisuel public
- Travail et emploi (+ articles 71 et 72) (une heure quarante-cinq)
. compte spécial : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
Mardi 4 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 67 à 69) (une heure trente)
. compte spécial : avances aux collectivités territoriales
- Outre-mer (+ article 66 ter) (trois heures)
Mercredi 5 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Recherche et enseignement supérieur (deux heures trente)
- Justice (+ article 66 bis) (deux heures)
- Administration générale et territoriale de l’État (quarante-cinq minutes)
- Sécurité (une heure quarante-cinq)
. compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
- Sécurité civile (quarante-cinq minutes)
- Immigration, asile et intégration (une heure trente)
Jeudi 6 décembre 2012
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions (une heure)
. compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État
- Engagements financiers de l’État (+ article 65) (une heure)
. compte spécial : accords monétaires internationaux
. compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
. compte spécial : participation de la France au désendettement de la Grèce
. compte spécial : participations financières de l’État
- Régimes sociaux et de retraite (trente minutes)
. compte spécial : pensions
- Remboursements et dégrèvements (quinze minutes)
- Enseignement scolaire (deux heures quarante-cinq)
- Économie (deux heures)
. compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Vendredi 7 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Défense (trois heures)
. compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État
- Politique des territoires (deux heures)
. compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
- Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 60, 61 et 61 bis) (trois heures quinze)
. compte spécial : développement agricole et rural
- Conseil et contrôle de l’État (quarante-cinq minutes)
- Pouvoirs publics (trente minutes)
- Direction de l’action du Gouvernement (une heure)
. budget annexe : Publications officielles et information administrative
Samedi 8 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Éventuellement, discussion des missions et des articles rattachés reportés
- Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits et article 66
(Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés est fixé au vendredi 7 décembre, à onze heures.)
Éventuellement, dimanche 9 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits et article 66
Lundi 10 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits et article 66
Mardi 11 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2013 :
- Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits et article 66
- Explications de vote et vote sur l’ensemble du projet de loi de finances
(Il est attribué un temps de parole de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 10 décembre, dix-sept heures.)
Scrutin public à la tribune de droit
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mercredi 12 décembre 2012
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Suite de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par M. Éric Doligé (texte de la commission n° 38, 2012-2013)
2°) Proposition de loi visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels, présentée par Mme Isabelle Debré et plusieurs de ses collègues (n° 555, 2011-2012)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 5 décembre ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 3 décembre, douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 11 décembre, dix-sept heures ;
- au lundi 10 décembre, onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 12 décembre, au matin.)
À 18 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 (demande de la commission des affaires européennes)
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de vingt minutes, un temps d’intervention de huit minutes à la commission des affaires européennes, à la commission des affaires économiques, à la commission des finances, ainsi qu’à chaque groupe [cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe] ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 11 décembre, dix-sept heures.
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole [deux minutes au maximum] dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)
Jeudi 13 décembre 2012
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de loi visant à verser les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 100, 2012-2013)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 5 décembre après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 3 décembre, douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 12 décembre, dix-sept heures ;
- au mardi 11 décembre, onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 12 décembre au matin.)
2°) Proposition de loi visant à accorder la nationalité française aux pupilles de la Nation, présentée par M. Jean Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés (texte de la commission n° 111, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 12 décembre, dix-sept heures ;
- au jeudi 6 décembre, douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.)
À 15 heures :
3°) Questions cribles thématiques sur l’hébergement d’urgence
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
De 16 heures à 20 heures :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
4°) Suite de la proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, présentée par M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE (texte de la commission n° 11, 2012-2013)
5°) Proposition de loi visant à autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie pour les successions supérieures à 150 000 euros, présentée par M. Jacques Mézard et les membres du groupe RDSE (n° 92, 2012-2013)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 5 décembre après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 3 décembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 12 décembre, dix-sept heures ;
- au mardi 11 décembre, onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 12 décembre au matin.)
6°) Proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jacques Mézard et les membres du groupe RDSE (n° 132, 2012-2013)
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 12 décembre, dix-sept heures.)
À 22 heures :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
7°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2012 (A.N., n° 403)
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 12 décembre au matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 12 décembre, dix-sept heures ;
- au jeudi 13 décembre, douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le vendredi 14 décembre, à huit heures trente.)
Vendredi 14 décembre 2012,
éventuellement, samedi 15 décembre 2012
et dimanche 16 décembre 2012,
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2012
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 17 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (Procédure accélérée) (A.N., n° 402)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport mercredi 28 novembre à quatorze heures trente ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mercredi 28 novembre, onze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 14 décembre, dix-sept heures ;
- au jeudi 13 décembre, douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le lundi 17 décembre, à quatorze heures trente.)
Mardi 18 décembre 2012
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 72 de M. André Reichardt à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Abandon du grand contournement ouest de Strasbourg)
- n° 118 de M. Jean Boyer à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Avenir des communes et compensation des handicaps)
- n° 124 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Avenir de la filière équine)
- n° 156 de Mme Michelle Demessine à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Conséquences de la prescription quinquennale pour les victimes de l’amiante ayant subi un préjudice d’anxiété)
- n° 175 de M. Jean-Yves Leconte à Mme la ministre chargée des Français de l’étranger
(Conditions de financement de l’extension du lycée Alexandre Dumas à Moscou et conditions d’accueil des élèves)
- n° 187 de M. Claude Bérit-Débat à M. le ministre du redressement productif
(Perspectives pour l’imprimerie des timbres de La Poste en Dordogne)
- n° 191 de M. Michel Billout à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Avenir de la recherche intégrée dans le secteur de l’énergie)
- n° 192 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage
(Politique de l’Association pour la formation professionnelle des adultes pour les Français de l’étranger)
- n° 197 de M. René Beaumont à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Avenir des voies navigables à grand gabarit en France)
- n° 198 de Mme Esther Sittler à M. le ministre chargé de l’agroalimentaire
(Situation inquiétante des industriels de l’alimentaire face à la flambée des matières premières)
- n° 201 de Mme Laurence Cohen à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Suppression des ordonnances bizones)
- n° 202 de M. Roland Ries à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Conséquences des distorsions de concurrence au niveau européen pour les producteurs français de fruits et légumes)
- n° 206 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’économie et des finances
(Intentions du Gouvernement sur le pôle statistique de l’INSEE à Metz)
- n° 207 de M. Marc Daunis à M. le ministre du redressement productif
(Situation des sites IBM France dans les Alpes-Maritimes)
- n° 210 de M. Jacques Mézard à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la- recherche
(Avenir des antennes universitaires délocalisées)
- n° 211 de M. Robert Tropeano à M. le ministre de l’économie et des finances
(Recettes locales des douanes)
- n° 216 de M. Jean-Vincent Placé à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Situation alarmante des déserts médicaux dans le département de l’Essonne)
- n° 223 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de l’éducation nationale
(Impact sur les collectivités territoriales de la réorganisation du temps scolaire)
- n° 224 de M. Thani Mohamed Soilihi à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Développement du logement social à Mayotte)
- n° 253 de M. Michel Houel à M. le ministre de l’intérieur
(Dotation compensatoire aux communes liée à l’établissement des passeports biométriques)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement
3°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement (Procédure accélérée) (A.N., n° 298)
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 12 décembre, matin ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 10 décembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 17 décembre, dix-sept heures ;
- au lundi 17 décembre, onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mardi 18 décembre au matin.)
Mercredi 19 décembre 2012
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 18 décembre, dix-sept heures.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé à l’ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.)
2°) Suite du projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement
Le soir :
3°) Conclusions des commissions mixtes paritaires ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 18 décembre, dix-sept heures.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé à l’ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.)
4°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi
Jeudi 20 décembre 2012
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l’île de Tromelin et à ses espaces maritimes environnants (texte de la commission n° 144, 2012-2013)
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole n° 3 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif aux groupements eurorégionaux de coopération (GEC) (n° 132, 2011-2012)
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part (n° 454, 2011-2012)
4°) Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (n° 374, 2011-2012)
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (n° 720, 2011-2012)
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (n° 134, 2012 2013)
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam, pour la création et le développement de l’université des sciences et des technologies de Hanoï (n° 716, 2011-2012)
8°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 713, 2011-2012)
(Pour ces huit conventions internationales, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée.
Selon cette procédure simplifiée, les conventions sont directement mises aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mardi 18 décembre, dix-sept heures, que les textes soient débattus en séance selon la procédure habituelle.)
9°) Conclusions des commissions mixtes paritaires ou nouvelle lecture :
du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme
du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier
du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans chacune des discussions générales, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 19 décembre, dix-sept heures.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé à l’ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.)
À 15 heures :
10°) Questions d’actualité au Gouvernement
À 16 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
11°) Suite de l’ordre du jour du matin
Le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
12°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement
(La conférence des présidents a fixé à une heure, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 19 décembre, dix-sept heures.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé à l’ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.)
13°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI Groupe (Procédure accélérée) (A.N., n° 349)
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 12 décembre au matin ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 10 décembre, douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 19 décembre, dix-sept heures ;
- au mercredi 19 décembre, douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le jeudi 20 décembre, en fin d’après-midi.)
14°) Navettes diverses
La prochaine réunion de la conférence des présidents aura lieu le mercredi 19 décembre 2012, à dix-neuf heures
SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :
du lundi 24 décembre 2012 au dimanche 13 janvier 2013
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 22 novembre 2012 :
À onze heures :
1. Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2013 (A.N., n° 235) ; rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances (n° 148, 2012-2013) ;
- Discussion générale.
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze :
3. Suite du projet de loi de finances pour 2013 ;
- Discussion générale.
À vingt et une heures trente :
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ;
Rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour le Sénat (n° 115, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 116, 2012-2013).
5. Éventuellement, suite du projet de loi de finances pour 2013 ;
- Discussion générale.
Il ne me reste plus, en cet instant, mes chers collègues, qu’à renouveler à notre directeur des Missions institutionnelles nos souhaits de très bonne retraite. (Applaudissements.)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART