M. Philippe Marini. Ce n’est pas complètement faux !
M. Jacques Mézard. Enfin, permettez-moi de terminer par une question qui m’est chère : la péréquation entre les collectivités territoriales.
Il est normal que les collectivités contribuent à l’effort de redressement des finances publiques. Je dois d’ailleurs dire que, généralement, elles s’y plient déjà, monsieur le ministre. Mais il est tout aussi nécessaire que, comme pour la fiscalité des ménages ou des entreprises, la justice et l’équité s’appliquent aux efforts qu’elles doivent réaliser. Il s’agit d’un principe constitutionnel, tout comme celui de libre administration des collectivités territoriales. Ces principes essentiels doivent rester en permanence à l’esprit du législateur, je tenais à vous le rappeler.
Sous les réserves que je viens d’exprimer sur certains des choix effectués ainsi que sur le réalisme des hypothèses qui sous-tendent ce projet de loi de programmation des finances publiques, la très grande majorité des membres du groupe RDSE soutient la stratégie de redressement des comptes et de justice fiscale du Gouvernement et votera par conséquent en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on pourrait penser que la loi de programmation des finances publiques fixe des objectifs, une stratégie et des perspectives.
Nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer des réserves sur la sincérité du document et la probabilité que les réalisations soient en adéquation avec vos projections.
Il y a plusieurs raisons à cela. De l’avis de nombreux économistes, la croissance de l’année 2012 sera inférieure aux prévisions. Quant aux hypothèses pour 2013 et 2014, elles sont très optimistes, pour ne pas dire improbables. Il s’ensuit que l’ensemble des scénarios ont peu de chances de se réaliser. Si les bases de départ sont erronées, c’est tout le dispositif qui s’en trouve affecté.
Monsieur le ministre, vous persistez à renvoyer la baisse de la dépense publique à 2014 et au-delà, alors que c’est dès à présent qu’il faut l’amorcer. Vous justifiez une hausse des impôts sans réduction de la dépense publique au motif que celle-ci serait plus récessive que l’augmentation des impôts. Cela semble plus relever du dogme que de la réalité. J’en veux pour preuve la baisse annoncée de la consommation pour le quatrième trimestre 2012, à hauteur de 0,1 %, conséquence de la majoration des prélèvements obligatoires.
Si j’en juge par les déclarations du président de l’Assemblée nationale, qui met en doute la possibilité de respecter la loi de programmation et même l’intérêt d’atteindre un déficit de 3 % du PIB, j’ai un peu le sentiment que l’on est dans l’habillage, pour ne pas dire dans le verbiage.
Mais je m’interroge également sur l’actualité même de ce débat.
Après nous avoir expliqué qu’il n’y avait pas de problème de compétitivité-coût, voici que l’on nous annonce un plan de 20 milliards d’euros au titre de la compétitivité, décliné selon un mécanisme de crédit d’impôt pour les entreprises dont les modalités d’application restent à préciser et qui ne semble pas être un modèle de simplicité. Pour autant, le projet de budget pour 2013 maintient une augmentation très sensible des prélèvements.
Après nous avoir expliqué qu’il ne fallait surtout pas toucher à la TVA, impôt « injuste », voici que l’on nous annonce son augmentation, qui serait désormais juste, pour les taux principal et intermédiaire.
Ces deux mesures tournent le dos au présent projet de loi, au discours qui prévalait jusqu’à hier et au projet de budget que nous commençons à examiner.
Tout cela donne le tournis et justifie sans doute que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, tant nous ne savons pas ce que la semaine prochaine nous réservera comme nouvelle surprise.
Dans le même temps, je m’interroge sur l’opportunité d’y avoir eu recours, puisque l’amendement que vous déposez cet après-midi, monsieur le ministre, n’a pas d’autre objet que de réviser la loi, ce qui tend à montrer qu’elle est déjà dépassée, ou qu’il n’y avait pas matière à recourir à la procédure accélérée.
En réalité, ainsi que nous l’a dit tout à l’heure le rapporteur général en commission des finances, vous voulez renvoyer à la commission mixte paritaire le soin d’ajuster le tir, réduisant ainsi à néant le débat public.
M. Philippe Marini. Étrange, n’est-ce pas ?
M. Dominique de Legge. Vous ouvrez la possibilité que le texte soit entièrement réécrit, puisque l’amendement que vous venez de déposer mentionne l’article 2 du projet de loi, lequel, je le rappelle, comprend la mesure principale dudit projet, à savoir le retour à l’équilibre des finances publiques et l’objectif des 3 % en 2013.
En réalité, en déposant cet amendement, vous vous offrez la possibilité de renoncer à vos propres objectifs.
Je souhaite maintenant aborder un point particulier : l’article 8 du présent projet de loi. Cet article est essentiel puisqu’il affecte les relations financières entre les collectivités territoriales et l’État, au moment même où le Gouvernement nous parle d’un « contrat de confiance » entre l’État et ces dernières.
Selon cet article, « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ».
Voici une innovation, je devrais même dire une double innovation.
C’en est une sur le principe, tout d’abord, non pas pour ceux qui défendaient ce point de vue voilà un an, mais pour ceux qui le combattaient alors, quand le gouvernement de l’époque envisageait de minorer l’enveloppe allouée aux collectivités de 200 millions d’euros.
Ceux-là mêmes – c’est la seconde nouveauté – proposent aujourd’hui une ponction de 3 milliards d’euros ! Rappelez-vous, ils n’avaient pas de mots assez forts pour critiquer cette approche – ils parlaient même de « hold-up » –, car ils estimaient que les collectivités n’avaient pas à payer pour l’impécuniosité de l’État, n’étant en rien responsables de son déficit. Il est assez piquant que ce soient les mêmes qui, aujourd’hui, justifient la mesure en faisant valoir que le poste qui pèse le plus lourd dans les dépenses de l’État est celui des collectivités territoriales, que, par conséquent, il ne peut y avoir de limitation de la dépense publique sans repenser les concours financiers qui leur sont dévolus, et que les collectivités territoriales elles-mêmes devraient s’engager dans un processus de limitation de leurs dépenses.
Ce qui paraissait impensable l’an dernier pour 200 millions d’euros devient non seulement possible mais encore impératif, par la seule grâce de l’alternance, pour un montant de 3 milliards d’euros ! Je tiens à la disposition de ceux qui auraient la mémoire courte les déclarations faites l’an dernier par d’éminentes personnalités sur ce sujet.
Mes chers collègues, c’est une évidence : il ne peut y avoir de réduction du déficit public sans limitation de la dépense publique et, par voie de conséquence, des concours de l’État à nos collectivités. Monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas tant de changer d’avis et de regarder la réalité en face que d’avoir sciemment refusé, par démagogie ou par cynisme, et ce pendant des années, de tenir un langage de vérité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
L’an dernier, comme nous, vous saviez très bien que les recettes de nos collectivités ne pouvaient, hélas, pas être déconnectées de la réalité économique. Pourquoi l’avoir nié ? Pourquoi avoir également condamné la transformation, qui s’imposait, de la taxe professionnelle en contribution économique sur la valeur ajoutée ? À ce sujet, je n’ai pas noté que vous sembliez vouloir remettre en cause cette réforme.
L’article 8 dispose donc que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ».
Ce dernier membre de phrase a son importance. La loi de finances est votée par le Parlement. Le Sénat, de par la Constitution, représente les collectivités territoriales. Nous contestons donc que des arbitrages soient rendus par on ne sait quel « haut comité », dont la légitimité démocratique et institutionnelle sera par définition moindre que celle du Parlement en général et de la Haute Assemblée en particulier.
Nous serons vigilants sur ce point, d’autant plus que vous êtes d’ores et déjà en passe de prendre des décisions qui sont en contradiction totale avec cet engagement de concertation.
Je ne prendrai que deux exemples. L’on nous parle beaucoup de la réforme des rythmes scolaires. Sur le fond, je fais, a priori, confiance aux spécialistes.
Cependant, je crains qu’une telle réforme, décidée par décret, n’ait pour conséquence de faire peser des charges nouvelles sur nos finances locales : plus de transports scolaires, plus de cantines, plus de personnels, je pense en particulier aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM. Les collectivités locales n’ont pas été associées à la réflexion, et je n’ai entendu à aucun moment le ministre chargé de ce dossier aborder la question des éventuelles conséquences financières de la démarche.
M. Éric Doligé. Exact !
M. Dominique de Legge. Les évolutions que nous constatons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 nous inquiètent. Prenons le cas de la mission « Sécurité civile » : les dotations d’aide à l’investissement pour les départements sont purement et simplement supprimées. Où sont la concertation et la transparence dont vous parlez tant ? Où est le contrat de confiance que vous nous promettez ? Une telle décision n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni même d’aucune information !
En outre, vous persistez dans votre refus d’engager la réduction des charges liées aux normes. Pourtant, cette diminution, réclamée par Éric Doligé et par nombre de nos collègues, serait un vrai ballon d’oxygène pour nos collectivités.
Devant tant de revirements, devant tant d’imprécisions, devant tant de contradictions entre le discours et les actes, il ne nous est pas possible de voter ce projet de loi, au demeurant déjà dépassé par les faits et par vos propres déclarations. La commission des finances l’a d’ailleurs rejeté.
Toutefois, compte tenu d’autant de revirements, on ne devrait même plus dire que c’est la commission qui a rejeté le texte ; en fait, c’est le Gouvernement lui-même, qui, par ses déclarations et par l’amendement dont nous discuterons tout à l’heure, prend l’initiative de le rendre obsolète ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini. Bravo ! Très clair !
M. le président. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 correspond – faut-il le rappeler ? – à une double ambition : rompre, d’une part, avec la spirale infernale de l’endettement public, passé de quelque 900 milliards d’euros en 2002 à près de 1 700 milliards d’euros en 2012 ; ramener, d’autre part, le budget de l’État à l’équilibre en 2016, en réduisant le déficit public effectif à 3 % dès 2013.
Cette double ambition, placée au service du redressement productif, de la croissance et de l’emploi, suppose de réaliser un effort budgétaire sans précédent.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit, rappelons-le, 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires prélevées sur les ménages les plus aisés, 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires prélevées sur les entreprises disposant des plus grandes marges de manœuvre et 10 milliards d’euros d’économies réalisées sur les dépenses de l’État, tout en préservant – cela a déjà été souligné – les secteurs sanctuarisés, en l’occurrence l’emploi, l’éducation et la recherche, la justice et la sécurité.
C’est dans ce cadre qu’il est demandé aux collectivités territoriales de participer elles aussi à l’effort de redressement des finances publiques. Et c’est bien compréhensible au regard de la gravité de la situation financière et budgétaire de notre pays, dont l’actuelle majorité a hérité.
Bien sûr, cela implique que l’effort demandé aux collectivités locales soit un effort partagé, solidaire et responsable, c’est-à-dire juste et équilibré.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrivent précisément dans cette perspective. Ils confirment pour 2013 la reconduction en valeur des concours financiers versés en 2012, pour un total de 50,53 milliards d’euros. Et, précisons-le, le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, sera bien évidemment exclu de cette enveloppe gelée en valeur.
Cette première mesure constitue une réelle marque de soutien aux collectivités locales dans l’élaboration de leurs budgets, qui pourra s’effectuer en 2013 selon les mêmes bases de concours qu’en 2012.
La deuxième mesure consiste à diminuer les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales de 750 millions d’euros par an en 2014 et en 2015, soit une baisse totale de 2,25 milliards d’euros sur les années 2013, 2014 et 2015.
Une telle disposition est en rupture totale avec l’objectif annoncé par Bruno Le Maire lors de la présentation du programme présidentiel du candidat Nicolas Sarkozy, le 15 décembre 2011. Il était tout simplement proposé de réduire les concours financiers aux collectivités locales de 2 milliards d’euros par an sur la durée du quinquennat, soit une baisse de 12 milliards d’euros, en cumulé, pour la seule période 2013-2015.
Entre les 2,25 milliards d’euros de réduction annoncés par l’actuel gouvernement et les 12 milliards d’euros de baisse « prévus » par l’ancien gouvernement, on peut mesurer toute la différence…
M. Jean Arthuis. De langage ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Michel Berson. … de traitement des collectivités territoriales.
Sans l’élection d’une nouvelle majorité, le désengagement financier de l’État aurait été massif, aveugle, désastreux, dans une période où il faut relancer l’activité économique et l’investissement public, dont, je le rappelle, les collectivités territoriales assurent plus de 70 %.
Dès lors, les critiques que l’actuelle opposition formule à l’endroit du présent projet de loi de programmation sont pour le moins étonnantes.
Par exemple, n’a-t-on pas entendu un sénateur UMP déclarer en commission des finances le 31 octobre dernier que la « diminution des concours de l’État » aux collectivités territoriales ébranlerait « encore davantage » – cela sous-entend que c’était déjà le cas auparavant – « leurs budgets » ?
M. Éric Doligé. C’est de la dénonciation !
M. Michel Berson. Ce sénateur concluait en indiquant que, pour ces raisons, il ne pourrait pas « voter une telle loi de programmation ».
De telles critiques témoignent soit d’un réel manque de cohérence, soit d’une mauvaise foi flagrante. Cette attitude, diamétralement opposée à ce que l’on avait l’habitude d’entendre voilà quelques mois encore, montre que l’actuelle opposition, hier chargée de la gestion de l’État, n’a toujours pas de cap pour nos finances publiques. (M. Francis Delattre s’esclaffe.) Pourtant, les collectivités territoriales ont plus que jamais besoin de stabilité, de clarté et de cohérence, surtout après le bouleversement provoqué par la suppression de la taxe professionnelle. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
La troisième mesure sur laquelle il convient d’insister concerne la péréquation verticale et horizontale, qui, je le sais, soulève des débats.
La péréquation sera approfondie dès 2013, ce qui permettra de renforcer la solidarité entre les territoires et de rendre la participation des collectivités au redressement des comptes de la nation plus équitable.
Mes chers collègues, les temps changent. Un climat de confiance est en train de naître entre l’État et les collectivités locales. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Ainsi, l’article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit d’associer les collectivités locales aux modalités de répartition des concours financiers de l’État.
Un pacte de confiance et de solidarité permettra d’engager une concertation, puis d’alimenter la réflexion sur les modalités de répartition des concours de l’État entre les différentes catégories de collectivités locales.
Voilà qui marque le retour d’une relation équilibrée entre l’État, le Parlement et les collectivités locales. Cela s’inscrit dans une logique partenariale, réaffirmée depuis plusieurs mois par la tenue des états généraux de la démocratie territoriale au Sénat, par l’annonce par le Président de la République de la création d’un « Haut conseil des territoires », ainsi que, récemment, le 27 septembre (M. Francis Delattre sourit.), par la validation par le Comité des finances locales de la proposition de mise en place d’un groupe de travail entre les ministères concernés et les collectivités locales pour aboutir à un véritable pacte financier entre l’État et les territoires.
Nous constatons que la démarche du Gouvernement est à l’opposé de ce qui se pratiquait hier. Faut-il évoquer la suppression de la taxe professionnelle, qui a été engagée de manière brutale ? (M. Albéric de Montgolfier s’exclame.) Faut-il rappeler les différentes conférences des déficits publics, qui n’ont pas cessé d’accuser les collectivités locales de remettre en cause leur principe d’autonomie financière et de dénoncer une gestion prétendument dispendieuse des collectivités locales ?
M. Francis Delattre. Quelle logorrhée !
M. Michel Berson. Aujourd'hui, c’est…
M. Philippe Marini. Aujourd'hui, c’est le paradis !
M. Michel Berson. … le redressement des finances publiques dans la justice qui est engagé.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Berson. Aujourd'hui, nous voulons tout mettre en œuvre pour retrouver notre souveraineté face aux marchés.
M. Philippe Marini. Amen !
M. Michel Berson. L’effort demandé aujourd'hui aux collectivités territoriales est un effort juste et équitable. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Et durable ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Michel Berson. Face aux responsabilités qui sont les nôtres, nous allons effectivement pouvoir, me semble-t-il, garantir la sauvegarde de notre contrat social, celui qui rassemble les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier les intervenants qui ont bien voulu participer à ce débat.
Tous les propos tenus ne rencontrent pas ma totale approbation. (M. François Trucy s’esclaffe.) Toutefois, beaucoup des critiques ont été entendues, et il faudra y répondre.
Certains orateurs, très nombreux, m’ont fait le plaisir de soutenir à la fois, me semble-t-il, la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques et, plus généralement, la politique du Gouvernement.
Je n’ai pas retrouvé ce soutien dans les propos de M. le président de la commission des finances. Le contraire eût été surprenant. Je souhaiterais néanmoins répondre à quelques-unes de ses critiques, en espérant peut-être, ce faisant, qu’il les reprenne plus tard de manière moins virulente. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)
D’abord, sur la forme, je comprends ses remarques quand il indique que la donne peut sembler avoir changée depuis peu. Mais de là à en déduire que l’affaire serait sans précédent et qu’il faudrait – d’autres ont repris cet argument à leur compte – revoir sans délai le projet de loi de programmation des finances publiques, il y a peut-être un pas à ne pas franchir.
D’autant que, à la fin de l’année 2008, le projet de loi de finances pour 2009 n’était pas encore voté que le Parlement était déjà saisi d’un projet de loi de finances rectificative…
M. Alain Néri. Exact !
M. Éric Doligé. Et alors ? C’est normal !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La loi de finances initiale fut votée par le Parlement alors que le projet de loi de finances rectificative, qui allait modifier assez sensiblement les choses – vous étiez rapporteur général à l’époque, monsieur Marini –, avait déjà été déposé devant le Parlement. Et la majorité de l’époque, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a fait comme si le projet de loi de finances initiale pour 2009 était bien celui qui serait non seulement voté – cela va de soi –, mais aussi exécuté. Tout le monde savait pourtant qu’il n’en serait rien.
Je ferai également une observation sur les efforts des uns et des autres pour ramener le déficit public à 4,5 % en 2012, en espérant, là encore, que cela permette d’atténuer certaines critiques.
C’est effectivement la majorité précédente qui a fixé l’objectif des 4,5 %. Ce faisant, la parole de la France s’est trouvée engagée. Et nous avons à cœur de la respecter.
Je le rappelle, selon le rapport de la Cour des comptes de l’été dernier, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en ne tenant compte que des mesures votées par la majorité précédente, la parole de la France n’aurait pas été tenue.
Les débats parlementaires l’ont d’ailleurs bien montré. Tout le monde était d'accord pour constater qu’il s’en fallait de beaucoup, pratiquement de 0,5 point de PIB. Le projet de loi de finances rectificative s’imposait donc. Et le débat a porté moins sur la nécessité d’une action supplémentaire que sur ses modalités.
Vous aviez regretté qu’il n’y ait pas davantage d’économies sur les dépenses. Mais vous-même et tous ceux qui, dans cette enceinte, sont rompus aux débats sur les finances publiques savez très bien qu’il est tout simplement impossible de réaliser près de 10 milliards d’euros d’économies en quelques semaines, surtout en cours d’année ! Quand les dépenses sont engagées, quand les coups sont partis, il faut courir très vite, plus que nous tous réunis, pour les rattraper !
Soyons donc raisonnables. Certains ont d’ailleurs lancé des appels à la raison, voire à la modestie. Je voudrais à mon tour lancer un appel à la modestie : convenons-en, pour respecter la parole donnée par la France, il n’y avait cet été pas de solution autre que celle que le Gouvernement a proposée.
Des critiques plus ponctuelles ont été faites.
D’abord pour indiquer, m’a-t-il semblé, que toutes les mesures déjà prises n’allaient toucher que les classes moyennes ou, peut-être, l’ensemble des Français. Cela n’est pas tout à fait exact. Je prendrai deux exemples.
En ce qui concerne le régime social des indépendants, déplafonner les cotisations, c’est-à-dire demander à ceux qui gagnent plus de 180 000 euros par an de bien vouloir cotiser sur le surplus et au-delà de cette somme, ne me semble pas relever de l’injustice la plus criante. Elle m’apparaît plutôt comme une nécessité, celle de l’effort partagé dans la justice. D’autant que cette réforme du régime social des indépendants fait tout de même plus de 4,5 millions de gagnants, je veux parler de ceux qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 36 000 euros et qui verront leurs cotisations diminuer. Sans doute faut-il appréhender avec un peu plus d’objectivité l’effort demandé aux uns et la concession légitime faite aux autres. Rien de tout cela ne me paraît mériter des critiques trop sévères.
La même remarque vaut pour les donations. À mes yeux, nous sommes finalement parvenus à un point d’équilibre acceptable. En 2007, avant le paquet fiscal, on pouvait donner sans acquitter de droits de donation 50 000 euros par parent et par enfant tous les six ans. Nous en sommes maintenant à 100 000 euros par parent et par enfant tous les quinze ans. Je ne crois pas que cette disposition qui, objectivement, est un peu plus dure que celle à laquelle la majorité précédente était arrivée à la suite du paquet fiscal – 150 000 euros par parent et par enfant et tous les six ans ! – soit critiquable. Il me semble, au contraire, que le cheminement qui fut celui du Parlement, au gré d’une alternance politique, était souhaitable.
Des critiques ont également été formulées sur le taux de croissance retenu par le Gouvernement. Il s’agit d’un débat classique. Membre de l’opposition, j’ai suffisamment nourri ce débat pour ne pas en vouloir à ceux qui, à leur tour, décident de l’enrichir. Je ferai simplement remarquer que les parlementaires de l’opposition à l’Assemblée nationale, en tout cas ceux qui sont membres de la commission des finances, ont décidé par principe de ne pas contester ce taux de croissance, estimant qu’il n’était pas absurde. On sait ce qu’il en est du consensus des économistes, qui n’est qu’une moyenne des prévisions faites par les différents économistes consultés. Cette moyenne prend en compte des prévisions présentant des écarts considérables, puisque certains envisagent une récession de 0,7 %, alors que d’autres tablent sur une croissance de 1,3 %. La moyenne s’établit à 0,3 %. Prendre pour référence le taux de 0,8 %, en dépit des prévisions de la Commission, qui ne tient évidemment pas compte du paquet « compétitivité », est de bonne pratique parlementaire lorsque le débat doit avoir lieu. Pour autant, le taux de 0,8 % me paraît vraisemblable.
Quant au taux de 2 % envisagé à terme, il me paraît également raisonnable. C’est plutôt moins que ce que notre pays a pu constater dès lors qu’il parvenait à sortir de la crise, de la récession ou de la stagnation. Ce chiffre est étayé par les chiffres de croissance potentielle qui sont les nôtres : de mémoire, 1,6 % à partir de 2015. C’est d’ailleurs également le chiffre retenu par la Commission et par la Direction du Trésor. Aujourd’hui, il peut être assumé par le Gouvernement, au nom duquel je m’exprime.
On a aussi critiqué la répartition de l’effort. Là encore, c’est de bonne guerre, vous avez indiqué que l’affirmation selon laquelle seul un Francais sur dix, un ménage sur dix, devrais-je dire, serait concerné méritait d’être nuancée. Elle l’a été, puisque ce que l’on peut affirmer n’est pas exactement cela mais s’en rapproche : 90 % de l’effort, au regard des mesures qui sont comprises dans la loi de finances initiale et dans la loi de financement de la sécurité sociale, est assumé par 10 % des foyers fiscaux.
Quant aux mesures relatives aux entreprises, je rappelle qu’elles ont été saluées par votre homologue de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, qui a estimé qu’elles étaient nécessaires. En tout cas, à l’Assemblée nationale, la majorité précédente avait œuvré pour restaurer l’assiette de l’impôt sur les sociétés qui s’évaporait au travers de dispositifs parfaitement légaux, qu’il s’agisse notamment du report en avant des déficits et de l’imputation de déficits contractés peut-être ailleurs qu’en France. Tous ces dispositifs ont abouti à un formidable paradoxe : les entreprises du CAC 40 n’ont contribué en 2010 – c’est la dernière année parfaitement connue – que pour un peu moins de 3,5 milliards d’euros aux recettes de l’impôt sur les sociétés sur les 45 milliards d’euros récoltés cette année-là, les deux tiers de ces 3,5 milliards étant assumés par des entreprises publiques. Cela signifie donc que les grandes entreprises parvenaient, et parviennent encore puisque la loi n’est pas encore promulguée, à faire s’évaporer de façon suffisamment massive les profits réalisés pour n’avoir plus à payer d’impôt sur les sociétés. La restauration de ces assiettes permettra de financer des mesures favorables à d’autres entreprises qui, peut-être moins armées pour utiliser le plus légalement du monde toutes les finesses d’une fiscalité que le Parlement a su élaborer, ont clairement besoin d’être aidées.
Enfin, j’ai bien entendu votre remarque sur l’amendement déposé par le Gouvernement. Selon moi, il ne contrevient pas à la nécessité de voir l’Assemblée nationale saisie en premier des dispositions de lois de finances. Le projet de loi de financement pluriannuel n’est pas une loi de finances, et je ne crois donc pas que cet amendement fasse courir le moindre risque d’inconstitutionnalité au texte que le Sénat s’apprête à examiner.
Qu’il me soit permis de formuler encore trois remarques.
Premièrement, il y a une différence assez sensible entre ce que nous proposons et ce que vous aviez voté et défendu, je veux parler de ce que vous appeliez « la TVA sociale ». Nous, nous ciblons les allégements de charges jusqu’à 2,5 SMIC, ce qui nous paraît une bonne façon d’intégrer de manière préférentielle l’industrie puisque la grande majorité des salaires de l’industrie se situe entre 1,6 et 2,5 SMIC. C’est donc la bonne mesure à prendre si l’on souhaite aider ce secteur.
Deuxièmement, vous avez regretté que les taxes affectées ne comprennent pas en leur sein celles qui sont relatives au Centre national du cinéma, le CNC. C’est un débat que les spécialistes connaissent bien. Nous savons les innombrables ressorts que les défenseurs de cette belle activité industrielle sont capables de faire jouer pour obtenir année après année et, je dois le reconnaître, majorité après majorité que le CNC prospère, avec un fonds de roulement de plus de 800 millions d’euros, des taxes affectées d’à peu près la même somme et une politique immobilière étrange…