M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La croissance aussi !
M. Albéric de Montgolfier. L’hypothèse de croissance vient justement d’être révisée par la Commission européenne, comme je l’ai indiqué précédemment.
La seconde critique porte sur les hypothèses de dépenses, qui sont largement imprécises. La reconduction des règles dites « zéro volume » et « zéro valeur » ne suffit pas. Il faut également financer les créations de postes supplémentaires, en particulier dans l’éducation. Or le projet de loi ne comporte aucune précision sur le moyen de parvenir à la réduction de ces dépenses.
En définitive, avec les mesures annoncées hier par le Gouvernement, nous sommes confrontés à un dilemme : soit nous considérons qu’elles sont mineures et le texte peut être modifié par voie d’amendement, soit nous considérons qu’elles sont majeures, comme le Gouvernement nous le présente, et le texte doit être récrit. Dans ce cas, nous ne pouvons en confier la responsabilité à la seule commission mixte paritaire.
Il aurait été plus respectueux des droits du Parlement, monsieur le ministre, soit de lever la procédure accélérée et de revenir avec un texte révisé, soit d’apporter ces modifications dans un prochain collectif budgétaire – l’expérience montre que nous sommes assez fréquemment saisis de collectifs budgétaires.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Entre Noël et le jour de l’an ?
M. Albéric de Montgolfier. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il n’y a pas lieu de récrire le projet de loi, car l’objectif de 3 % reste inchangé. Nous en prenons acte.
Quoi qu’il advienne, reconnaissons que le chemin varie : pour se rendre à Compostelle, on peut partir du Puy-en-Velay – ou d’ailleurs – et passer par Villeneuve-sur-Lot, par exemple, mais reconnaissons que la feuille de route est très différente !
Monsieur le ministre, le groupe de l’UMP vous invite à récrire la feuille de route ; c’est pourquoi il votera contre ce projet de loi de programmation des finances publiques ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, joint aux annonces faites hier par le Gouvernement, nous permet d’évoquer la stratégie financière et la politique macroéconomique de notre pays pour les cinq prochaines années.
La durée est en effet un élément important du redressement, tout comme la constance, et il serait erroné de croire qu’une politique économique de quelques mois puisse être efficace. Il en va de même, d’ailleurs, d’une politique budgétaire de progrès et de redressement.
Je me situe, comme mon collègue Jean-Pierre Caffet, dans la ligne de ceux qui approuvent la stratégie du Gouvernement. L’appui des Français s’est manifesté au moment des élections présidentielle et législatives, un an après le changement de majorité, en quelque sorte prémonitoire, qui a eu lieu dans cette enceinte. Pour changer les choses, il faut l’appui des Français. Des sondages sont évoqués ici ou là, mais ce n’est pas ce qui compte. Dans n’importe quelle collectivité territoriale, chacun d’entre nous le sait, vous êtes critiqué quand vous engagez des travaux et, une fois ceux-ci terminés, vous êtes encensé ! Par conséquent, ce qui importe, c’est la confiance et le travail dans la durée.
Partout, les gens nous demandent, quelles que soient leur catégorie sociale et leur fonction, si nous pouvons arrêter la « glissade » de la France observée depuis une dizaine d’années. Je ne donnerai pas dans la polémique et la politicaillerie, attitude qui se répand trop souvent, et pas seulement depuis dix ans, car ce thème, les gens le savent, conduit au renoncement à la politique et alimente les raisonnements de l’extrême droite. (Mme Michèle André acquiesce.)
Pouvons-nous, disais-je, arrêter cette « glissade » ? Le sujet, bien sûr, c’est la croissance potentielle, mais aussi la vraie croissance. Pouvons-nous tolérer l’augmentation continue du chômage sur notre continent ou celle des inégalités de revenus ? Devons-nous considérer en sifflotant les quelque 1 700 milliards d’euros de dettes et continuer dans cette voie ? Est-il normal que la France produise moins en 2012 qu’en 2007 ? Tout le monde devrait pouvoir répondre : « Non, cela ne peut pas durer ! » C’est d'ailleurs ce que pense la grande majorité des Français.
Le Gouvernement a également observé ce qui s’était passé ailleurs et avant. Il a refusé l’austérité généralisée, parce qu’il ne faut pas casser notre modèle social et miser uniquement sur les rémunérations pour redevenir compétitif. Rappelons-nous ce à quoi ont abouti, en 1983, les prélèvements sur le pouvoir d’achat des ménages et la réduction brutale des dépenses de l’État, dans un équilibre instable et en une période de faible compétitivité. Ne réitérons pas les échecs passés ! On me demande de le taire ; je pense au contraire qu’il faut le dire.
Dans cette reconquête, en tout cas je le souhaite, les mesures qui sont annoncées, la ligne que tiendra le Gouvernement pendant cinq ans doivent viser non pas à démolir notre modèle social, mais à le renouveler.
Soixante-sept ans après la Libération, on peut considérer que notre modèle social doit être conservé, mais, pour cela, il faut le moderniser, le renouveler et oser aborder un certain nombre de sujets tabous.
M. Jean Arthuis. Alors, osez !
M. Jean Germain. Ce qui importe, dans ce projet de loi comme dans les annonces qui ont été faites – en tout cas, je le ressens ainsi –, c’est que le Gouvernement ose le faire. Enfin, un réel dialogue, indispensable dans la réussite de ce type de politique, est engagé.
Il n’est pas nécessaire d’être économiste de formation pour comprendre la stratégie du Gouvernement. Elle comporte une politique de la demande et du pouvoir d’achat guidée par l’exigence de la justice sociale. Les mesures annoncées tiennent compte de la consommation des classes populaires et moyennes. Il est nécessaire d’organiser le pouvoir d’achat et la consommation au sein de notre pays au service des débouchés économiques des entreprises, des PME, des artisans, des commerçants. Il ne suffit pas d’invoquer sempiternellement le pouvoir d’achat, qui, si on l’augmente sans changer un certain nombre de structures économiques, creuse immanquablement le déficit du commerce extérieur.
Le Gouvernement tient compte, aussi, des leçons du passé. Rappelons-nous ce qui s’est produit en 1983 : la relance, comme d’autres phénomènes, ne fonctionne pas lorsqu’elle est cantonnée à un seul pays. Pas de relance isolée ! Ce projet de loi de programmation s’intègre donc évidemment dans une perspective européenne. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.
Je salue d’ailleurs le courage du Gouvernement qui a annoncé qu’il accepterait, à la fois pour augmenter les recettes et jouer sur la compétitivité, de modifier la TVA.
M. Jean Arthuis. Ah !
M. Jean Germain. Mais oui, il acceptera de modifier les taux de la TVA !
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Jean Germain. Quelqu’un ici se souvient-il que Lionel Jospin avait diminué le taux de la TVA de 1 % ? Quel en a été le résultat ?
MM. Jean Arthuis et Albéric de Montgolfier. Zéro !
M. Jean Germain. Il ne me semble pas que les Français l’aient alors applaudi !
M. Albéric de Montgolfier. Elle va passer de 5,5 % à 5 % !
M. Jean Germain. Cette mesure a privé l’État de plusieurs milliards d’euros de recettes.
Il faut accepter, me semble-t-il, de faire un certain nombre de choses. Il faut savoir dans quels secteurs il est possible d’augmenter la TVA, laquelle n’est pas forcément un impôt injuste.
M. Philippe Marini. Quelle belle évolution !
M. Jean Germain. Je le dis d’autant plus facilement que j’ai toujours été sur cette ligne, monsieur Marini, car je suis un homme libre.
Stratégie de la demande, stratégie de l’offre : la stratégie de l’offre, c’est le « paquet compétitivité ». Sur le fondement d’un diagnostic partagé, il s’agit, par différentes mesures, de redonner confiance, goût au progrès, goût d’innover, d’entreprendre, de créer, d’inventer. C’est donc un sujet important.
Évidemment, la mise en œuvre d’un tel programme requiert un financement. Cela ne peut se faire sans réduction de la dette et sans régulation financière.
Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit M. Caffet. J’indiquerai simplement que, concernant les collectivités locales, monsieur le ministre, il faudra bien faire de la régulation. Certes, les collectivités locales doivent contribuer à l’effort, mais pas n’importe comment. Un bon ajustement est nécessaire entre la péréquation et les diminutions des dotations de l’enveloppe normée.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Jean Germain. Il ne faut pas faire les choses trop durement, car, attention à l’investissement ! Je ne dis pas cela pour défendre les collectivités locales par corporatisme, mais qui réalise les investissements en France ? Le plan du Gouvernement prévoit un fort ralentissement des investissements des collectivités locales en 2013-2014. Or cela pourrait en obérer le résultat.
J’évoquerai maintenant brièvement la régulation financière. Vous avez annoncé une reprise en main des comportements nocifs pour l’économie française. Un projet de loi sur le secteur bancaire a notamment été présenté, lequel prévoit de nouvelles modalités de financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire via la banque publique d’investissement.
J’attire également votre attention, monsieur le ministre, sur un sujet que nous ne lâcherons pas au Sénat, à savoir le logement, plus particulièrement la question de l’accession sociale à la propriété. Il s’agit du dossier du Crédit immobilier de France, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
En conclusion, le redressement de notre pays s’apparente à une véritable course de fond, non à un sprint. Nous sommes sur la ligne de départ. Nous espérons que nous atteindrons ensemble la ligne d’arrivée et que les Français en seront satisfaits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel nous nous livrons a un caractère insolite. C’est une innovation : nous avons un débat d’orientation budgétaire tout en examinant le projet de loi de programmation des finances publiques.
Je me garderai bien de tout propos péremptoire, monsieur le ministre, car, en matière de sortie de crise, nous devons les uns et les autres faire preuve de beaucoup d’humilité. (M. le ministre sourit.)
M. Gallois nous rend probablement un immense service avec son rapport. Il nous permettra peut-être de sortir du déni de réalité et de nous approprier un certain nombre de données objectives, ainsi que le diagnostic qu’il a posé.
Comment peut-on laisser un pays se désindustrialiser à ce point ? Comment s’en tenir à des discours qui flattent systématiquement le consommateur, alors que, pour faire plaisir au consommateur, on étrangle le producteur ? Dans une économie globalisée, la sanction est immédiate : le chômage ne cesse de progresser. Le décrochage est là, et nous sommes sortis de l’anesthésie.
Dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, et concernant le choc de compétitivité, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, au risque d’être un peu répétitif, que nous avons tous compris qu’il fallait élever les gammes, sortir par le haut. Toutefois, cela ne suffira pas. Le coût du travail pose également problème.
Ce matin, lors de son audition, qui fut très suivie, M. Gallois nous a dit qu’il n’était nullement légitime de financer la politique familiale et l’intégralité de notre système de santé par des cotisations assises sur les salaires. Il faut fiscaliser ces recettes et alléger en conséquence le coût du travail.
M. Gallois s’en tient à une jauge de 30 milliards d’euros. Pour ma part, j’estime que le choc de compétitivité sera difficilement atteint en deçà de 50 milliards d’euros.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jean Arthuis. M. Gallois préconisant une application immédiate, j’avoue que je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement, monsieur le ministre. Vous n’allez pas au bout de la démarche. Cela étant, je rends hommage aux progrès que nous sommes en train d’accomplir. Chers collègues, les tabous tombent enfin !
Pour ma part, j’ai beaucoup regretté que la législature précédente n’ait pas, dès 2007, pris la décision d’alléger les charges sociales et d’augmenter corrélativement la TVA.
M. Philippe Marini. Regret partagé !
M. Jean Arthuis. Convenons qu’une telle décision doit être prise non pas en fin mais en début de mandature.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jean Arthuis. Bon, c’est le passé… Il faut maintenant sortir de la crise. Franchement, je ne comprends pas que l’on n’aille pas, plus directement, plus rapidement, vers un allègement des charges sociales et un rehaussement de la TVA.
Augmenter la CSG, c’est affecter immédiatement le pouvoir d’achat de tous les Français. C’est aussi, monsieur le ministre, se priver de l’une des rares ressources dont vous aurez certainement besoin pour équilibrer la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, voire le budget de l’État.
M. Francis Delattre. Et des départements !
M. Jean Arthuis. Levons donc complètement les tabous qui nous ont empêchés, à droite, à gauche et parfois au centre, de progresser et d’être conséquents. Peut-être vivons-nous un moment historique et allons-nous enfin prendre en main, avec lucidité et courage, les problèmes que nous avons à régler ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci M. Hollande !
M. Philippe Marini. Ne nous faisons pas trop d’illusions…
M. Jean Arthuis. J’en viens maintenant au pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, annoncé hier par M. le Premier ministre, au sujet duquel j’aimerais que l’on dissipe quelques ambigüités.
J’ai bien compris que l’allégement des charges sociales serait limité à 20 milliards d’euros. Toutefois, alors que M. Gallois propose d’alléger immédiatement les charges sociales de 20 milliards d’euros, le Gouvernement propose un allégement en trois ans : de 10 milliards d’euros en 2013, de 15 milliards d’euros en 2014 et de 20 milliards d’euros en 2015. Ces allégements seront constatés dans le budget avec un décalage d’un an. Pouvez-vous nous confirmer ce point, monsieur le ministre ?
Les entreprises vont donc considérer qu’elles ont acquis pour 2013 un droit à crédit d’impôt. À la fin de l’exercice 2013, lorsqu’elles clôtureront leurs comptes, elles constateront une créance de 10 milliards d’euros sur le Trésor public. Est-ce à dire que l’État aura, à la fin de l’année 2013, une dette de 10 milliards d’euros envers les entreprises ?
La loi organique relative aux lois de finances prescrit la sincérité des comptes publics. Je n’imagine pas qu’un droit acquis par les entreprises en 2013 ne donne pas lieu à la constatation d’une dette et donc à l’amplification du déficit de l’année 2013 de 10 milliards d’euros. J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le ministre.
Le crédit d’impôt est une mécanique compliquée. Il implique une cible, des seuils. C’est un champ merveilleux pour tous les optimisateurs. C’est la providence pour les cabinets de conseil en fiscalité et en réduction des cotisations sociales !
M. Philippe Marini. On va faire un chèque à Sanofi !
M. Jean Arthuis. Permettez-moi également de vous mettre en garde contre tous les contentieux qui pourraient résulter de la mise en œuvre de ce crédit d’impôt. L’État va devoir envoyer un chèque aux entreprises ne payant pas d’impôts sur les bénéfices, …
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Jean Arthuis. … à l’instar de ce qui s’est passé avec le bouclier fiscal.
M. Philippe Marini. Il faudra aussi en envoyer un à Mme Bettencourt !
M. Jean Arthuis. Eh oui, si elle ne fait pas de bénéfices ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Ce n’est pas une bonne habitude…
M. Jean Arthuis. Plaisanterie mise à part, le dispositif que vous proposez est commode, car il vous permet de dire aux partenaires sociaux que vous ne toucherez pas aux cotisations sociales et que la légitimité de la gestion paritaire ne sera pas remise en cause. Tout cela est bien ambigu, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas avoir opté pour un allégement direct des cotisations sociales, d’allocations familiales et d’une fraction de l’assurance maladie ? On maintient un artifice, et je le regrette.
Ce qui m’étonne, c’est que vous ayez annoncé avec plus d’un an d’avance une hausse de la TVA. C’est sans précédent ! Jusqu’à présent, toute annonce par un gouvernement d’une modification du taux de la TVA était d’application immédiate, ce qui choquait parfois légitimement le Parlement.
J’ai compris que le taux de 19,6 % passerait à 20 %, que celui de 7 % passerait à 10 % et que celui de 5,5 % passerait à 5 %.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez bien compris !
M. Jean Arthuis. Je félicite le Gouvernement d’avoir choisi de faire disparaître les chiffres après la virgule. C’est incontestablement un progrès, monsieur le ministre, …
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est déjà ça !
M. Jean Arthuis. … et je le mets au crédit du Gouvernement.
Cela étant dit, lorsqu’on annonce, un an à l’avance, une augmentation de la TVA, on suscite des modifications de comportement.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Jean Arthuis. Imaginez quelle sera l’attitude des entrepreneurs qui mettent sur le marché des produits taxés à 7 %.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est la relance !
M. Jean Arthuis. Pendant toute l’année 2013, spécialement durant le mois de décembre, ils ne manqueront pas d’inciter les consommateurs à passer leurs commandes au plus vite, au motif que, demain, ce sera 3 % plus cher. Nous faussons les comportements.
Interrogez-vous, monsieur François Marc, sur ce qui se passera au début de l’année 2014 dans le secteur du bâtiment puisque tous les travaux de réparation et d’entretien auront été effectués au cours de l’année 2013.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La croissance sera là !
M. Jean Arthuis. Je blâme cette façon de faire, qui n’est pas convenable.
Enfin, abaisser le taux de 5,5 % à 5 % permet de disposer d’un élément de langage très utile pour les discours …
M. Philippe Marini. Mais cela ne fait pas beaucoup d’euros !
M. Jean Arthuis. … mais, très franchement, c’est se priver de quelques ressources dans des conditions que, personnellement, je trouve contestables.
On a rencontré tant de difficultés avec les restaurateurs : l’écart entre le taux de 19,6 % et celui de 5,5 % est en effet beaucoup trop important.
Je mets à votre actif l’instauration d’un taux intermédiaire de 10 %, mais il faudra peut-être aller au-delà.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean Arthuis. Je vous remercie de répondre à ces quelques questions, monsieur le ministre. Ce qui serait élégant de votre part, ce serait de revenir vers nous dans quelques jours pour nous présenter le présent projet de loi de programmation ajusté.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Encore faudrait-il que vous le votiez !
M. Jean Arthuis. En effet, l’amendement que la commission des finances a examiné il y a quelques instants laisse à penser que le texte n’est pas encore véritablement « stabilisé ». Je n’aurai donc pas de difficulté à ne pas voter ce projet de loi.
J’avoue que je place beaucoup d’espoir dans la discussion qui s’ouvre, car j’ai l’impression que les tabous commencent à tomber. Cela permettra sans doute d’orienter la gouvernance vers plus de réalisme et de crédibilité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous soyez convaincu, mais, à défaut d’être à l’écoute, vous savez surtout être convaincant.
D’aucuns ont déjà souligné le caractère original de ce débat. Le rapport Gallois et les mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi change la donne. Cela a été rappelé. C’est un moment important, manifestement le signal d’un nouveau cap, que nous saluons, car il nous laisse espérer une amélioration des finances publiques. C’est en tout cas une révision tout à fait claire des orientations.
Monsieur le rapporteur général, dans vos rapports successifs, vous avez constaté « l’échec global des programmations » jusqu’à présent, en soulignant leur « décalage permanent » avec les objectifs fixés, plus particulièrement avec « l’objectif de retour à l’équilibre ».
Vous l’avez rappelé, des hypothèses de croissance exagérément et systématiquement optimistes sont la première cause de cet échec. L’optimisme n’est peut-être pas un défaut mais, en matière de finances publiques, il est impératif d’être réaliste !
Le projet de loi organique que nous avons adopté la semaine dernière devait permettre de rendre les lois de programmation des finances publiques plus crédibles et plus utiles, si j’en crois son exposé des motifs et son étude d’impact.
Permettez-moi, dès lors, de m’interroger sur la crédibilité d’une prévision de croissance annuelle de 2 % à partir de 2014, alors que notre potentiel de croissance est évalué à 1,5 % et que la situation économique – même si j’espère, comme tous les membres de cette assemblée, qu’elle se redressera rapidement – n’est guère florissante. Je constate, soit dit en passant, que personne ne conteste l’objectif de redressement que nous nous assignons.
J’entends bien les arguments du rapporteur général, qui souligne que les prévisions retenues dans le présent projet de loi de programmation ne présentent « pas d’écart inhabituel par rapport au consensus des conjoncturistes » et qu’il faut « relativiser » l’enjeu des hypothèses de croissance « dès lors que l’on retient une règle de solde structurel ».
Certes, la « règle de solde structurel », prévue par le TSCG et mise en application dans le présent projet de loi, introduit une certaine souplesse, mais le respect de la trajectoire et la crédibilité des engagements de notre pays dépendent toujours très largement de prévisions macroéconomiques sous-jacentes.
J’espère donc que le projet de loi de programmation que nous examinons ne se résumera pas, comme les précédents, à une série de promesses difficilement tenables, voire irréalisables.
Je l’espère d’autant plus, monsieur le ministre, qu’avec la majorité des membres de mon groupe je souscris à l’objectif principal de ce texte, qui est de redresser les comptes publics dans la justice. La raison en est simple : nous ne pouvons pas prendre le risque d’un accroissement insoutenable de notre endettement, qui pèserait à la fois sur les choix politiques actuels et sur les générations futures.
La trajectoire retenue par le Gouvernement ne doit pas porter atteinte à la croissance ni à la compétitivité de nos entreprises. Sur ce point, les annonces faites hier par le Premier ministre nous semblent donc positives.
L’augmentation des prélèvements obligatoires doit respecter l’exigence fondamentale d’équité. Monsieur le ministre, vous savez combien les radicaux de gauche sont attachés à la progressivité de l’impôt et à la justice fiscale. Ces valeurs, je le sais, guident également votre action.
Cependant, il y a d’autres questions à prendre en considération. Je rappellerai les mots d’un ancien Président de la République et président du Conseil sous la IIIe République, qui doivent nous servir de règle : « avant de répartir les richesses, il faut d’abord les créer ».
M. Philippe Marini. Certes !
M. Jacques Mézard. Cette phrase est toujours d’actualité.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jacques Mézard. Si une augmentation des impôts équitablement répartie est sans doute nécessaire pour redresser le pays, il ne faut pas perdre de vue l’efficacité économique de la stratégie en matière de prélèvements obligatoires.
Autrement dit, il nous semble que la fiscalité ne doit pas entraver la compétitivité de nos entreprises, comme le souligne très justement M. Gallois dans son rapport. Nous devons créer un environnement favorable au développement de nos petites et moyennes entreprises grâce à une simplification administrative et fiscale.
Nous savons combien l’absence d’un tissu véritablement dynamique de PME est un disque manquant dans la colonne vertébrale de notre économie. Nous devons donc prendre des mesures d’urgence pour remédier à cette situation. Sur ce point, monsieur le ministre, il est légitime de se demander si l’échéance de 2014 annoncée hier par le Premier ministre n’est pas un peu éloignée.
Pour redresser les comptes publics, le Gouvernement a choisi de réaliser un effort légèrement plus important en dépenses qu’en recettes sur la durée globale de la programmation, mais il a concentré les mesures concernant ces dernières sur l’année 2013, durant laquelle les prélèvements obligatoires devraient, sous réserve des modifications à venir, sensiblement augmenter.
Or la Cour des comptes, dans son audit rendu en juillet dernier, précisait que « le levier de maîtrise des dépenses devait jouer un rôle essentiel » par rapport à celui de l’augmentation des recettes et ce dès 2013. Soyons clairs : la maîtrise des dépenses publiques doit constituer un axe majeur du redressement.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Jacques Mézard. La programmation du Gouvernement préserve trois domaines prioritaires : la jeunesse, l’emploi, la justice et la sécurité, conformément aux engagements du Président de la République. Par conséquent, le fait que les autres missions du budget fassent l’objet d’économies d’autant plus importantes n’est pas contestable a priori.
La répartition de ces économies, telle qu’elle est présentée à l’article 10 du présent projet de loi de programmation, suscite néanmoins un certain nombre d’interrogations. Les réductions drastiques des crédits dans les domaines de l’agriculture, de l’écologie ou de la culture semblent parfois un peu trop extrêmes et difficiles à justifier.
Une autre source d’économies – à laquelle la Cour des comptes recommandait d’ailleurs de s’attaquer en priorité, monsieur le ministre – réside dans les fameuses niches fiscales et sociales. Il en est question dans le texte qui nous est soumis, tout comme dans le projet de loi de finances pour 2013. Il est urgent, comme le soulignait la Cour dans son rapport de juillet, de « remettre en cause ceux de ces dispositifs dont l’efficience est la plus contestable ».
De ce point de vue, je suis surpris, monsieur le ministre, que vous ayez choisi de préserver en 2013 certaines niches dont l’inefficience a pourtant été maintes fois démontrée. Je pense notamment au « dispositif Girardin », qui concerne l’outre-mer, que vous avez exclu du coup de rabot général que vous prévoyez. Vous continuez d’oublier les îles de l’intérieur, probablement moins riches d’un point de vue électoral.