M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons voté le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui nous engage dans une convergence des politiques économiques et fiscales des pays de l’Union européenne.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour tenir ces engagements, il faut baisser la fiscalité, et non pas l’augmenter ; il faut réduire les dépenses publiques et non pas seulement les stabiliser.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Aymeri de Montesquiou. En faisant l’exact contraire – pourtant, vous vous réclamez encore aujourd'hui de cette action européenne ! –, nous nous révélons incohérents et schizophrènes.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais non !
M. Aymeri de Montesquiou. Le niveau beaucoup trop élevé de notre dépense publique nous condamne à emprunter dès le mois d’octobre pour payer nos fonctionnaires, et donc à alimenter la dette, au lieu d’investir.
On considère que, avec une dette publique de plus de 90 %, un pays ne crée plus de croissance.
Une baisse drastique de la dépense publique est la clé de l’assainissement de nos finances publiques. La RGPP, la révision générale des politiques publiques, pouvait peut-être être améliorée, mais c’était une très bonne mesure à court terme et, surtout, à moyen et long terme. Je n’imagine pas que vous refusiez une baisse de la dépense publique au prétexte de satisfaire une clientèle électorale, …
Mme Nathalie Goulet. Allons, allons !
M. Aymeri de Montesquiou. … surtout dans les circonstances actuelles, avec une économie française fortement menacée.
Or que proposez-vous pour rétablir nos finances ?
Vous proposez d’augmenter les prélèvements obligatoires, qui s’élèveront à 44,9 % du PIB cette année et à 46,3 % l’an prochain, contre 39,7 % en moyenne dans l’Union européenne, sans réduire notre dépense publique, qui représente 56 % du PIB, contre 48 % en Allemagne et 50 % en moyenne dans l’Union européenne. Mais vit-on moins bien en Allemagne, en Belgique, en Italie, en un mot, dans les pays pionniers de l’Union européenne, qu’en France ? Leurs services publics seraient-ils de moins bonne qualité ? Non, ils sont comparables aux nôtres.
D’autres pays se sont trouvés dans des situations similaires à celle que nous connaissons ; je pense en particulier au Canada, à la Belgique et à la Suède, qui ont supporté une dette excessive et l’ont fait très fortement baisser grâce à une refonte totale de la fonction publique.
Souvenez-vous, dans les années quatre-vingt-dix, du gouvernement social démocrate suédois, tenant d’une idéologie proche de la vôtre, qui avait fortement augmenté les impôts : les conséquences de cette hyper-fiscalité furent une fuite des cerveaux, un appauvrissement de la société, une chute du PIB, l’apparition du chômage, alors que celui-ci plafonnait jusqu’alors à 2 %. Voilà qui devrait, pour le moins, infléchir votre politique.
Les responsables allemands qualifient la France d’« homme malade de l’Europe » ; le chancelier Schröder déclare que la France pourrait devenir le problème de l’euro ; la presse modérée dénonce « l’illusion française » d’un président et de son gouvernement accrochés à leurs promesses, refusant de voir la réalité en face et soutenant que le bond économique se fera sans effort et sans économie.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Après dix ans de gouvernement de droite !
M. Aymeri de Montesquiou. Le journal Bild, lui, sombre dans la caricature et prédit à la France le sort de la Grèce.
M. Jean-Michel Baylet. Que ne faut-il entendre !
M. Aymeri de Montesquiou. Les marges des entreprises françaises sont parmi les plus faibles de l’Union européenne : 28,3 %, contre 38 % en moyenne dans l’Union européenne et 21 % dans l’industrie, contre 36 % dans l’industrie allemande. Or vous voulez les restreindre davantage encore, en infligeant aux entreprises une fiscalité encore plus contraignante.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le bilan est calamiteux !
M. Aymeri de Montesquiou. Pourtant, le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, soulignez le rôle essentiel, car incontournable, des entreprises pour résoudre le problème très préoccupant de l’emploi. Vous clamez votre amour pour les entrepreneurs. Toutefois, vous le savez aussi bien que moi : en amour, il y a les paroles, mais surtout les actes. (M. le ministre sourit.)
Que faites-vous en ce sens ?
On agresse les cadres et les patrons, en les désignant comme des profiteurs…
M. Jean-Michel Baylet. C’est le discours de Toulon !
M. Aymeri de Montesquiou. … et en infligeant à certains une fiscalité démente, avec la tranche à 75 % ! Cette politique a eu pour conséquence un exode vers les pays voisins : 2 500 élèves français seraient inscrits en liste d’attente dans les lycées de Londres ; ils seraient 600 au lycée Charlemagne de Bruxelles.
Les entrepreneurs perdent confiance. Même avec des marges très faibles, ils préfèrent souvent prendre leurs dividendes plutôt que de développer leur entreprise, car ils sont aujourd’hui démotivés. Vous ne créez donc pas le choc de confiance souhaité par Louis Gallois.
Prenons l’exemple concret d’une PME enregistrant un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Celle-ci dégage, après impôts, des bénéfices à hauteur de 100 000 euros, une somme qui se partage ainsi : 63 000 euros pour l’État et 37 000 euros pour l’entrepreneur, ce qui correspond à un revenu net de 3 000 euros par mois.
Considérant que, pour créer sa société, l’entrepreneur a mis en garantie ses biens, hypothéqué sa vie familiale, pris des risques, pour un résultat financier somme toute modeste, il est évident que la hausse de la fiscalité aura pour conséquence un effondrement du nombre de candidats à l’entreprise. Dans la guerre économique mondiale, nos officiers vont déserter.
Les forces et les faiblesses de chaque pays sont amplifiées par la mondialisation. Or la politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, accentue nos faiblesses. La compétitivité est la clé du redressement de notre économie. Les charges sociales en sont un élément majeur, les propositions du président Gallois, grand serviteur de l’État, homme de gauche et chef d’entreprise remarquable, sont à mettre résolument en œuvre pour rendre à notre pays sa faculté d’innovation et son dynamisme économique. Je partage en particulier son souhait de voir notre économie s’appuyer beaucoup plus sur l’offre que sur la consommation.
L’industrie européenne telle qu’elle existait du temps de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA, est à bout de souffle, sauf dans des niches où le très haut niveau de formation, de recherche ou de technologie est déterminant. L’industrie de demain reposera sur ces mêmes critères, qui sont nos propres véritables atouts, auxquels il faut apporter un élément essentiel : l’envie.
Tous ceux qui ont concrétisé une idée dans une entreprise étaient poussés par une formidable envie de réussir, n’imaginant pas être sanctionnés, comme vous avez l’intention de le faire, par une fiscalité confiscatoire.
Imaginez un Steve Jobs, un Bill Gates, un Mark Zuckerberg ou un Richard Branson français. Il doit en exister quelques-uns dans le creuset de nos grandes écoles ou de nos universités !
Les ingrédients indispensables pour traduire une idée originale, parfois même géniale, en une entreprise sont la conviction que l’idée correspond à un besoin, la volonté, l’envie et un capital. Ensuite, il ou elle cherche un investisseur. Mais pensez-vous un instant que la personne physique ou le fonds d’investissement, considérant la fiscalité que l’actuel Gouvernement met en place, voudra que la société s’implante en France ? Évidemment, non ! Il exigera que l’entreprise soit domiciliée dans un pays ayant des ressources humaines et des infrastructures équivalentes, mais dont la fiscalité lui permettra d’obtenir un meilleur retour sur investissement.
Pour préparer l’avenir immédiat, le moyen et le long terme, toutes les solutions dépendent de la bonne santé et du nombre des PME et des ETI, les entreprises de taille intermédiaire. Pour ce faire, il faut que l’État diminue ses dépenses afin de mettre en œuvre une fiscalité incitative.
Or on ne trouve presque rien dans votre projet de loi qui aille en ce sens : vous maintenez heureusement le crédit d’impôt recherche, et j’espère que vous maintiendrez également les lois Dutreil sur la transmission d’entreprise. Je refuse d’ironiser sur votre retour à une hausse de certains taux de la TVA. Au contraire, je salue le courage que vous avez montré en renonçant à certaines positions électoralistes. Je regrette cependant que vous n’ayez pas maintenu le taux de TVA anti-délocalisation originel, qui visait à alléger fortement les charges sociales et constituait un frein aux importations.
Votre choix en matière de crédit d’impôt me semble trop compliqué pour être immédiatement efficace. Or il y a urgence.
Après vous avoir soutenu pour la ratification du TSCG et pour la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il ne nous est pas possible de soutenir aujourd'hui un texte qui donne la préférence à l’impôt et à la dépense plutôt qu’aux entreprises et aux économies budgétaires. J’espérais que vous vous affranchiriez de toute idéologie dans l’intérêt du pays, mais faire de l’hyper-fiscalité la solution à nos déficits est une faute qui va à l’encontre de l’intérêt de tous les Français. Aussi le groupe UDI-UC votera-t-il contre votre projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le marathon budgétaire n’aura jamais aussi bien porté son nom que cette année.
À la suite de l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, et avant de se saisir des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013, notre assemblée examine le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
On aurait tort de penser que cette vague de textes constitue une longue litanie ; il s’agit, au contraire, d’un véritable changement de pratiques dans l’élaboration du budget de l’État.
Ce projet de loi de programmation préfigure et inaugure également les nouveaux outils en matière de mesure des finances publiques ; il s’inscrit dans une démarche pluriannuelle, engagée depuis la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et renforcée par les textes récemment votés par le Parlement.
Le projet dont nous débattons aujourd’hui fixe le cap budgétaire pour les cinq années à venir et même au-delà. L’élaboration d’un tel texte de programmation s’inscrit également dans une perspective plus large de réorientation du budget de la nation et constitue incontestablement une rupture avec la politique menée par la majorité précédente.
Dressons d’abord l’état des lieux.
S’agissant de nos finances publiques, il est assez sombre, comme le souligne la Cour des comptes dans son récent rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
À vrai dire, il est même plutôt catastrophique, tant est inquiétant notre déficit structurel, largement supérieur à celui de nos partenaires européens : il s’est établi à 5,7 % du PIB en 2010 et à 4,1 % du PIB en 2011, contre respectivement 4,1 % et 3,2 % du PIB dans l’ensemble de la zone euro.
Certes, la dérive de nos comptes publics est ancienne, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs de part et d’autre ; mis à part quelques rares millésimes, elle a été le fait de nombreux gouvernements au cours des quarante dernières années. La dette qui en résulte va dépasser les 90 % du PIB.
Plus qu’une contrainte européenne, la lutte contre la dette est un impératif politique absolu.
Lors de la campagne présidentielle, François Hollande, aujourd’hui Président de la République, a promis de ramener le déficit de l’État à 3 % du PIB dès 2013 et de parvenir à un budget en équilibre dès 2017. Voilà qui est courageux et qui marque une rupture absolue avec la méthode du gouvernement précédent et de l’ancienne majorité !
En effet, il faut du courage pour prendre de tels engagements et de la détermination pour les mettre en pratique. Je sais, monsieur le ministre, que vous ne manquez ni de l’un ni de l’autre.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 est la concrétisation législative de cet engagement courageux.
Il faut tenir le cap, là où la majorité précédente a laissé totalement filer les déficits. Pour ce faire, nous devons mettre fin aux cadeaux fiscaux consentis ces dernières années et revenir à un effort justement réparti.
L’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales prévue à l’article 17 du projet de loi de programmation constitue un exemple indéniable d’amélioration.
Nous devons également tirer les enseignements de la mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 : comme notre collègue François Marc l’indique dans son excellent rapport, fait au nom de la commission des finances, elle a été globalement décevante, du fait notamment des prévisions de croissance surévaluées.
À cet égard, comme mon collègue Jacques Mézard qui montera à cette tribune dans quelques instants, je m’interroge sur l’optimisme qui a prévalu dans la définition des hypothèses macroéconomiques retenues dans le présent projet de loi de programmation, en particulier s’agissant de la croissance.
Puisque notre débat porte aussi sur les prélèvements obligatoires et sur leur évolution, je veux rappeler que, en matière de recettes, la présente législature doit être à mes yeux celle d’une grande réforme de l’imposition des revenus des ménages.
Les radicaux, attachés de longue date à cette idée, répèteront inlassablement leur conviction : l’impôt sur le revenu doit être fusionné avec la CSG dans un grand impôt unique qui soit – c’est là le plus important – progressif et juste
En d’autres temps, j’avais été amené à proposer cette fusion et à la défendre. J’espère que, sur ce sujet comme sur d’autres, les radicaux seront un jour entendus.
Dans la même perspective, il serait opportun de réfléchir à l’instauration d’un impôt sur les sociétés également progressif : l’assiette de cet impôt serait élargie et son taux modulé en fonction des bénéfices.
Concernant les dépenses de l’État, le projet de loi de programmation met en lumière les priorités de la majorité.
La première priorité est l’emploi, dont nous savons qu’il est l’un des grands enjeux de la législature. L’emploi, encore et toujours l’emploi !
Nous nous réjouissons que le Parlement ait déjà adopté la loi portant création des emplois d’avenir ; nous examinerons dans les prochaines semaines le projet de loi relatif aux contrats de génération.
Le Premier ministre a présenté les autres priorités : l’éducation nationale, la jeunesse, la justice et la sécurité.
Il s’agit de redéployer les effectifs de l’État, lesquels resteront stables pendant le quinquennat. En d’autres termes, les secteurs prioritaires verront leurs effectifs renforcés, ces augmentations étant compensées par des réformes structurelles dans les autres secteurs.
En tout cas, mes chers collègues, nous sommes loin de la règle, absurde parce qu’aveugle, du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
La politique du Gouvernement permettra tout de même de maîtriser les dépenses de fonctionnement.
Enfin, l’article 8 du projet de loi de programmation prévoit que les collectivités territoriales contribueront également à l’effort de redressement des finances publiques.
En 2013, cet effort se traduira par la stabilisation des concours qui leur sont versés par l’État, hors fonds de compensation pour la TVA. Ces concours baisseront en 2014 et en 2015 selon des modalités et une répartition définies en concertation avec les collectivités territoriales. Naturellement, cet effort devra être équitable grâce à un renforcement de la péréquation.
Comme de nombreux élus locaux, je considère avec attention la disposition prévoyant que les modalités d’association des collectivités territoriales dans le cadre d’un « pacte de confiance et de solidarité » seront négociées en 2014.
Monsieur le ministre, vous qui avez été longtemps un élu local – vous l’êtes d’ailleurs toujours, même si vous n’êtes plus en charge d’un exécutif –, vous savez qu’il ne faut pas trop montrer du doigt les collectivités territoriales, car leur gestion a été meilleure que celle de l’État !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Jean-Michel Baylet. Il ne s’agit pas, cet après-midi, de rejouer les débats qui ont précédé l’adoption du projet de loi autorisant la ratification du TSCG ni même ceux qui ont porté sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 est technique, mais notre vote sera politique.
Les sénateurs radicaux de gauche et, avec eux, la majorité des membres du groupe RDSE soutiennent le Gouvernement dans sa volonté, rappelée hier encore par le Premier ministre, de redresser avec courage et détermination les finances et l’économie de la France. C’est pourquoi nous voterons le projet de loi de programmation.
Mes chers collègues, nous convenons tous que la trajectoire ainsi tracée dessine un effort ; mais ce qui rend cet effort supportable, c’est qu’il est partagé et juste. C’est aussi cela, le changement ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette première loi de programmation des finances publiques du quinquennat est particulièrement significative, puisqu’elle impulse une stratégie de long terme et fixe les grands objectifs à atteindre.
L’écologie politique s’envisageant aussi sur le long terme, je mesure avec quelle attention le projet de loi de programmation doit être examiné.
C’est d’autant plus vrai que nous sommes aujourd’hui à un carrefour : le chemin dans lequel nous allons nous engager déterminera certes les objectifs d’équilibre budgétaire, mais aussi et surtout l’évolution de notre modèle de société, de notre qualité de vie et de notre environnement.
L’objectif du désendettement, je le partage ; la marche forcée, beaucoup moins.
Le projet de loi de programmation fixe l’obligation de parvenir à un déficit effectif de 3 % en 2013 et à un équilibre structurel en 2016.
Oui, la France doit honorer ses engagements européens, dont la ratification a été autorisée – je le dis même si j’ai pu combattre certains d’entre eux –, mais vous ne m’empêcherez pas de penser que cette trajectoire est précipitée et que ses conséquences sont trop lourdes pour être supportées sans séquelles.
S’il semble pertinent de chercher à réduire la dette compte tenu de la charge que constitue le service de ses intérêts, on peut se demander quel est l’intérêt de se lier à ce point les mains pour tout le quinquennat.
Les écologistes, comme la plupart des économistes, ne se font pas d’illusions sur la croissance. Même le FMI – il peut parfois avoir raison – table sur une croissance limitée à 0,1 % en 2012 et à 0,4 % en 2013.
Or la présente programmation repose sur des prévisions de croissance de 0,3 % en 2012, de 0,8 % en 2013 et de 2 % à partir de 2014. Ces chiffres sont très optimistes !
M. Philippe Marini. Très juste !
M. Jean-Vincent Placé. Nos prévisions nous portent à croire que nous n’arriverons pas à atteindre les objectifs fixés en matière de réduction du déficit.
Des mesures de correction sont prévues pour rattraper la trajectoire définie en deux ans au plus au cas où un écart avec la programmation serait constaté.
Dans cette hypothèse, les règles imposées par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, votée la semaine dernière, sont suffisamment contraignantes ; pourquoi vouloir durcir encore le mécanisme de correction automatique des écarts en cas de difficulté à atteindre les objectifs affichés ?
Bien sûr, il reste possible de s’écarter temporairement de la trajectoire définie en cas de « circonstances exceptionnelles ».
Cette disposition est positive, mais j’ai peur qu’on ne s’en saisisse que trop tard : nous faudra-t-il attendre d’être englués dans une crise sans précédent, que nous aurons nous-mêmes accentuée, pour réaliser que l’austérité n’est pas souhaitable ?
Mais gardons-nous d’imaginer le pire ; examinons plutôt ce que prévoit le projet de loi de programmation en matière de dépenses.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il était difficile de faire davantage d’économies. Je suis d’accord : nous atteignons déjà un seuil très inquiétant.
En effet, entre 2012 et 2015, les crédits de paiement alloués à la culture ont baissé de 7,5 % et ceux dévolus au logement et à l’égalité des territoires de 5,7 % ; les crédits alloués au travail et à l’emploi ont même baissé de 4,8 % !
Pour 2013, on annonce une baisse de 6 % des crédits de fonctionnement du ministère de l’enseignement supérieur, alors que nos universités, déjà si dégradées, doivent faire face de plus en plus à une concurrence difficile.
Comme vous pouvez l’imaginez, je regrette aussi que l’écologie ne fasse pas partie des priorités du Gouvernement, au même titre que l’éducation, la jeunesse, l’emploi, la justice et la sécurité.
L’écologie est oubliée, parfois même sacrifiée : entre 2013 et 2015, il est prévu que les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » baissent de 11,5 % !
MM. Rémy Pointereau et Albéric de Montgolfier. Inacceptable ! Scandaleux !
Mme Nathalie Goulet. En même temps, vous n’avez que dix sièges…
M. Jean-Vincent Placé. Lorsque l’on sait que le ministère en question est responsable de l’énergie, du climat, de l’eau, de la biodiversité, du développement durable, de l’aménagement, et j’en passe, on a de sérieuses raisons de croire que, même si le ministère de l’écologie n’est pas le seul concerné par les mesures d’économies, la transition écologique, ce n’est pas pour maintenant, ni manifestement pour demain…
La même mission budgétaire comprend aussi les crédits alloués aux transports. Dans ces conditions, que fait-on pour le développement du fret ferroviaire, laissé à l’abandon au profit du transport routier de marchandises ? Pour le transport collectif de voyageurs dans les grandes villes et dans nos campagnes – notamment dans le Cher, monsieur Pointereau ? Et pour le Grand Paris, qui préoccupe tous les Franciliens ?
Lors de la conférence environnementale, le Président de la République a pourtant fixé un cap très clair en faveur de la transition écologique.
Les associations et les élus s’en étaient félicités, car la transition écologique représente une chance, notamment en période de crise : elle n’est pas un problème, mais une solution !
En effet, la transition écologique permet de réduire les dépenses énergétiques, de dynamiser l’industrie, de créer des emplois, de trouver de nouvelles recettes à la fois utiles et justes, de financer les investissements d’avenir et de soutenir les PME innovantes. Comment le Gouvernement pourra-t-il s’engager sérieusement dans cette voie, s’il ne prévoit pas les moyens humains et matériels nécessaires ?
Nous aurions bien voulu déposer des amendements au projet de loi de programmation pour équilibrer les crédits entre les missions, mais, comme vous le savez, l’article 40 de la Constitution nous en empêche.
À ce propos, la représentation nationale devrait être frappée par la faiblesse des marges de manœuvre dont les parlementaires, de toutes les sensibilités, disposent en matière de finances publiques ; cette situation est de moins en moins démocratique.
Pourtant, l’écologie aurait toute sa place dans le projet de loi de programmation des finances publiques, car il est primordial d’envisager la transition dans une stratégie de long terme et au travers de réformes structurelles.
J’anticipe quelque peu sur le débat que nous aurons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Mais, à l’heure où l’on doit réaliser des économies et trouver rapidement des recettes, dans le respect de la justice, qu’attend-on pour s’attaquer aux niches fiscales dommageables à l’environnement et à la fiscalité écologique ?
Le président socialiste de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet – célèbre dorénavant… –, estime que « si on n’attaque pas sérieusement ce chantier d’ici à la fin de 2013, il sera trop tard : la fiscalité écologique ne verra jamais le jour pendant ce quinquennat »…
M. Albéric de Montgolfier. C’est réaliste !
M. Jean-Vincent Placé. J’ai bien entendu le Premier ministre parler de fiscalité écologique ; mais il annonce cette réforme pour 2016, ce qui est bien lointain.
La crise économique que nous traversons ne doit pas nous faire oublier que nous sommes aussi confrontés à une grave crise climatique et environnementale, qui lui est profondément liée.
Le ministre de l’économie et des finances a dit qu’opposer l’économique et le social n’avait pas de sens, et même que c’était une faute ; il en va exactement de même avec l’environnement ! La politique que j’appelle de mes vœux est une démarche à la fois économique, sociale et environnementale.
Vous l’avez compris, notre vigilance sur ces sujets égale notre inquiétude.
Pour ce qui concerne le renforcement de la justice, je salue le souci du Gouvernement de préserver les couches populaires et les couches moyennes, ainsi que les PME et les PMI ; c’est extrêmement important dans la période de crise que nous connaissons. (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)
En effet, c’est sur le développement de nos entreprises de taille intermédiaire, susceptibles de créer des millions d’emplois, notamment dans l’économie verte, et suffisamment puissantes pour développer des produits innovants, qu’il faut compter.
À cet égard, les régions françaises, chefs de file du développement économique, ont un rôle considérable à jouer. D'ailleurs, je m’inquiète des incidences qu’aura la loi de programmation sur nos collectivités territoriales et sur les impôts locaux. Les couches populaires, le tissu économique local et l’action de terrain ne risquent-ils pas d’être considérablement affectés par la baisse des dotations de l’État ?
Toutefois, si certaines dépenses sont gelées ou diminuées, d’autres augmentent, et de façon très significative.
On observe une augmentation des crédits alloués, pour les années à venir, à des secteurs importants mais trop longtemps délaissés par les gouvernements précédents. Ainsi, les crédits de la jeunesse augmenteront de 14,3 % en trois ans, ceux de la justice de 4,9 % sur la même période, ceux de l’enseignement scolaire de 2,6 %, ceux de la solidarité de 9,6 %. Les crédits dévolus à la sécurité, mission que je suis de près en tant que rapporteur spécial, connaîtront une hausse de 3,3 %.
D'ailleurs, à ce titre, j’ai pu entendre plusieurs hauts fonctionnaires et des représentants des syndicats se réjouir de l’abandon de la RGPP (Murmures sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.), laquelle a aussi causé des dégâts dans le périmètre de la mission « Sécurité ». (M. Michel Mercier proteste.)
Monsieur Mercier, telle est la réalité ! Je peux vous assurer que les fonctionnaires du ministère de la justice, dont vous avez eu précédemment la charge, portaient sur elle un regard sévère ! Et, tandis que vous ne cessiez, avec beaucoup de talent, de vous battre pour la justice, la RGPP faisait des dégâts !
Dans tous les ministères qui bénéficieront d’une augmentation de crédits, les agents supplémentaires permettront que soit assuré un service public de qualité, mis à mal ces cinq dernières années.
Les dépenses fiscales et les niches sociales seront également mieux évaluées et les projets d’investissement public, notamment les projets d’infrastructures, feront l’objet d’évaluations poussées. Cette évolution est positive.
Les écologistes se réjouissent de la mise en place d’une nouvelle procédure d’évaluation socio-économique pour les investissements de l’État, des établissements publics et des établissements de santé, ainsi que de la contre-expertise obligatoire, au-delà d’un certain montant.
Il s’agit d’une très bonne initiative, comblant une véritable lacune. Jusque-là, il n’y avait pas d’évaluation systématique et indépendante des projets d’investissement, fussent-ils d’ampleur. Afin de compléter cette avancée, nous proposerons d’ailleurs un amendement tendant à étendre le champ de l’évaluation aux impacts environnementaux, amendement qui, je l’espère, intéressera le rapporteur général et le Gouvernement.