M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je l’ai dit en propos introductif, si les déficits publics que nous connaissons sont graves, c’est aussi parce qu’ils obligent l’État, la protection sociale et les collectivités locales à emprunter sur le marché des liquidités, lesquelles, à due concurrence, ne peuvent s’investir dans le secteur productif. Ainsi, les économies réalisées par la puissance publique permettront, dans le cadre du plan que nous proposons, de rendre deux fois service à la compétitivité : d’abord, en la finançant ; ensuite, en évitant durablement à l’État et à la protection sociale d’avoir à emprunter sur le marché des montants qui trouveront beaucoup mieux à s’employer sous forme d’investissements dans l’industrie.
Si cette politique a peut-être l’apparence de la politique menée par l’ancienne majorité – je pense à la modulation de la TVA –, elle est en réalité totalement différente, dans la mesure où elle n’est ni conçue ni exécutée dans le même esprit.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quelle dialectique !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, elle ne demande pas le même effort à celles et ceux qui s’apprêtaient à être sollicités en ce moment critique que constituent les années 2012 et 2013, au cours desquelles nous nous apprêtons – et nous aurions tous été dans cette obligation – à demander un effort considérable à nos concitoyens.
Ce plan va-t-il modifier la trajectoire de nos finances publiques ? Non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah bon !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les soldes restent les mêmes puisque ce plan est parfaitement équilibré. À cet égard, les chiffres présentés dans les documents dont vous disposez n’ont pas à être modifiés, même si un amendement du Gouvernement envisagera cette hypothèse pour l’avenir.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les composantes sont toujours les mêmes ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il n’a paru ni nécessaire ni même déloyal ou malhonnête d’indiquer que cette trajectoire pourrait être modifiée.
Nous aurons l’occasion, j’en suis sûr, monsieur le président de la commission des finances, de débattre plus précisément de cet amendement. Je vous vois vous délecter à l’avance de la discussion que nous nous apprêtons à avoir. Croyez bien que le Gouvernement ne se dérobera pas devant les arguments que, probablement, vous défendrez. (M. le président de la commission des finances sourit.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les points que je souhaitais développer devant vous à l’occasion de la présentation, par le Gouvernement, de ce projet de loi de programmation des finances publiques.
Dans cette intervention d’ensemble, je n’ai pas souhaité m’étendre sur la question des prélèvements obligatoires ; l’examen des articles me donnera l’occasion d’apporter toutes les précisions utiles à ce sujet.
Ayant appris à apprécier la qualité des débats qui se déroulent dans cette enceinte, j’attends avec impatience celui qui nous occupera tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de manière très logique, la conférence des présidents a décidé de fusionner la discussion générale du projet de loi de programmation des finances publiques et le débat sur les prélèvements obligatoires, que nous organisons pour la onzième fois au Sénat, en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
Cette onzième fois sera aussi la dernière puisque le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que nous avons voté la semaine dernière, supprime cet article et fusionne le rapport sur les prélèvements obligatoires et le rapport économique, social et financier.
En tout état de cause, notre débat se tient dans un contexte riche en rebondissements, puisque la veille de notre séance publique, le Gouvernement a annoncé une réforme de grande ampleur de notre système de prélèvements obligatoires, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Cette annonce confirme ce que le Gouvernement a montré, aussi bien dans la loi de finances rectificative du mois de juillet que dans le projet de loi de finances pour 2013 : il ne s’abrite pas derrière la nécessité de redresser les comptes pour renoncer à modifier notre système de prélèvements obligatoires de façon à le rendre plus juste et plus à même d’améliorer le fonctionnement de notre économie.
Depuis le mois de mai, le Gouvernement plaide auprès de nos partenaires européens pour une gouvernance économique qui repose à la fois sur la discipline budgétaire et sur la recherche de la croissance et de la compétitivité.
Le pacte national pour la croissance présenté hier, si on le combine avec les engagements déclinés dans le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons aujourd’hui, transpose au niveau national l’approche que nous défendons au niveau européen.
L’ajustement budgétaire est un processus exigeant. Nos concitoyens en connaissent la nécessité. Ils l’accepteront encore plus s’ils savent qu’il s’inscrit dans une perspective de croissance.
Cela dit, notre séance d’aujourd’hui a avant tout pour objet d’examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, la troisième loi de programmation depuis la création de cet outil juridique par la révision constitutionnelle de 2008.
Là encore, la situation n’est pas banale, puisque j’interviens cet après-midi en tant que rapporteur d’un texte que la commission, contrairement à ma préconisation, a décidé de rejeter. Je n’ai pas été suivi en commission, mais, en cet instant, rien ne dit que le Sénat ne va pas se ressaisir en séance plénière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
L’un de nos anciens collègues aimait à dire que le législateur se devait d’examiner un texte, et non un contexte. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Fidèle à cet enseignement, je voudrais rappeler les dispositions du texte que la commission a majoritairement rejeté afin que ceux qui prendront part au scrutin sur l’ensemble, tout à l’heure, aient bien à l’esprit quelle sera la portée de leur vote.
Quelles sont donc ces dispositions ?
En premier lieu, M. le ministre vient de nous le rappeler, une mise en perspective des engagements européens de la France en fixant l’équilibre structurel des finances publiques comme objectif de moyen terme et en définissant le mode de fonctionnement du mécanisme de correction des écarts par rapport à la trajectoire de solde structurel.
Les annonces faites hier par le Gouvernement ne modifient pas cet objectif.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est clair !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En deuxième lieu, une trajectoire de retour vers l’équilibre effectif des comptes publics, avec un objectif de déficit effectif de 3 % du PIB en 2013 et de 0,3 % en 2017, c’est-à-dire l’équilibre ou presque, lequel n’est pas non plus affecté par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, mais aussi avec le vote par le Parlement, d’ici à 2017, de mesures en dépenses et en recettes représentant 3,4 points de PIB, c’est-à-dire 70 milliards d’euros environ.
Dans le texte que nous examinons, cet effort porte pour 30 milliards d’euros sur les prélèvements obligatoires et pour 40 milliards d’euros sur les dépenses. L’effort structurel sur les dépenses serait donc supérieur d’une dizaine de milliards d’euros à l’effort sur les recettes. Il serait lissé sur la période tandis que l’effort sur les recettes serait concentré sur 2012 et 2013.
Si le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi devait modifier cette répartition, il appartiendrait au Gouvernement de nous indiquer de quelle manière.
Enfin, le ratio de dette rapporté au PIB diminuerait, au cours de cette période, de 7 points à la suite des mesures prises et sous réserve de la confirmation du scénario macroéconomique.
En troisième lieu, ce projet de loi de programmation comporte des objectifs pour toutes les catégories d’administrations publiques : le plafonnement année par année des dépenses des régimes obligatoires de base sur un objectif de croissance de l’ONDAM fixé année par année à 2,6 % en moyenne sur la période – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales en parlera mieux que moi ; la réduction de 750 millions d’euros des concours aux collectivités en 2014 et en 2015 et le principe de l’association des collectivités territoriales aux modalités de leur participation au respect de l’objectif de moyen terme ; la fixation des plafonds des crédits des missions du budget général fixés pour trois ans, dans le respect de la règle de stabilisation en valeur des dépenses de l’État hors charge de la dette et des pensions.
En quatrième lieu, ce projet de loi de programmation comporte de nouveaux outils pour le pilotage des finances publiques, avec en particulier un meilleur contrôle sur les dépenses et les recettes des opérateurs, une stabilisation des plafonds d’emploi et une rationalisation des dépenses fiscales.
Tels sont donc les quatre volets essentiels de ce projet de loi de programmation et aucune majorité ne s’est dégagée en commission des finances pour approuver ces objectifs et ces orientations.
M. Richard Yung. Hélas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est tout à fait explicable que les priorités budgétaires du Gouvernement ne soient pas celles qu’aurait retenues une autre majorité. Il est tout à fait explicable que la stratégie fiscale du Gouvernement ne reçoive pas un soutien unanime des différents acteurs politiques.
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est le pluralisme des opinions !
La hiérarchie des priorités budgétaires a, on l’a vu ces dernières années, été établie sur des bases différentes. On a pu le constater en comparant les projets respectifs des deux candidats à la présidence de la République.
On peut d’ailleurs considérer que, si la tâche du Gouvernement est aujourd’hui si lourde, c’est bien parce que la ligne libérale qui a été privilégiée toutes ces années n’a pas eu les effets qui étaient escomptés.
Mes chers collègues, ces débats sur les priorités budgétaires et fiscales, nous les aborderons dans les semaines à venir lors de l’examen du projet de loi de finances, du collectif de fin d’année et de tous les textes visant à traduire en mesures concrètes les orientations inscrites dans la loi de programmation.
Je ne souhaite donc pas en l’instant m’éloigner du sujet du moment qui porte sur l’engagement global de notre pays à redresser ses finances publiques et sur la mise en perspective d’une programmation à cet effet, laquelle vise à arrêter le rythme et les modalités du retour à l’équilibre.
Pour être en mesure de porter une appréciation sur cette programmation – et c’est là la finalité première du vote que nous allons émettre aujourd’hui –, il y a lieu, me semble-t-il, de se fier à un critère essentiel, celui de la crédibilité. Dans le contexte de crise de la zone euro, nous ne pourrions pas nous permettre de présenter une programmation qui ne serait pas solide et réaliste.
À titre personnel – je le précise puisque la commission des finances a été majoritairement d’un autre avis –, je considère que les objectifs figurant dans ce projet de loi de programmation traduisent une approche ambitieuse et courageuse de la politique des finances publiques et que le calibrage de la programmation sera à même de renforcer notre crédibilité européenne.
Lorsque j’entends certaines critiques qui sont formulées à l’encontre de cette programmation, je m’inquiète de la cohérence des arguments qui lui sont opposés.
J’entends des propos contradictoires sur les collectivités territoriales. Faudrait-il les mettre plus à contribution ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Proportionnellement !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En commission des finances, certains collègues siégeant plutôt de ce côté-ci de l’hémicycle (L’orateur désigne la partie droite de l’hémicycle.) se sont faits les défenseurs de cette solution.
M. Albéric de Montgolfier. Des noms ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous pourrez consulter le compte rendu de la commission pour retrouver les noms !
J’entends surtout qu’il faudrait en faire plus sur les dépenses et moins sur les recettes. Pour être plus précis, disons que l’opposition conteste la stratégie consistant, d’une part, à lisser l’effort en dépenses sur la période et, d’autre part, à concentrer l’effort en recettes sur l’année 2013.
Je retourne la question : comment assurer autrement le respect de l’objectif de 3 % en 2013 ? Aurait-il fallu faire porter l’intégralité de l’effort supplémentaire de 2013 sur les seules dépenses ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On aurait pu faire 50-50 !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aurait-il vraiment fallu réduire d’une trentaine de milliards d’euros en une seule année les dépenses des administrations publiques, ce que la majorité précédente n’a jamais fait quand elle était au pouvoir et ce qu’elle n’a même jamais annoncé dans aucune de ses programmations pluriannuelles et dans aucun de ses programmes électoraux ?
Je serais heureux d’entendre les arguments de l’opposition sur ce sujet.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous les entendrez !
M. Francis Delattre. Écoutez au moins M. Migaud !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’année après année la Commission européenne et le Conseil ont critiqué nos programmations passées en raison de leur « volontarisme non étayé » en matière de réduction des dépenses.
Les annonces ont été nombreuses, mais qu’en a-t-il été véritablement ? On a vu le résultat et il revient au gouvernement actuel d’assumer la facture.
Dois-je rappeler ici que, durant les dix années qui viennent de s’écouler, les programmations budgétaires pluriannuelles ont été calibrées sur une annonce de progression en volume des dépenses de l’ordre de 1 % en moyenne. Or, pendant ces dix années, les dépenses publiques ont, dans notre pays, progressé à un rythme moyen de 2 %,...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De 2,1 % !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … chiffre à opposer à celui de 1 % qui était annoncé régulièrement par les gouvernements en place.
On comprend dès lors qu’il soit dorénavant nécessaire que la programmation soit d’une fiabilité exemplaire pour pouvoir porter remède au scepticisme manifesté ces derniers temps à l’égard de la France.
Il me semble que l’approche qui nous est proposée répond à cette attente : c’est une approche ambitieuse, certes, mais elle paraît tenable et, dès lors, crédible, surtout si elle est complétée par des réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité de notre pays.
Dois-je rappeler qu’au mois de février 2012 la Commission européenne a constaté, dans le cadre de la nouvelle procédure sur les déséquilibres macroéconomiques, que la France connaissait des déséquilibres sérieux, en particulier du point de vue de sa compétitivité et de ses performances à l’export au cours des cinq dernières années ?
Il faut donc se féliciter que le Gouvernement propose, dans le même temps, une programmation budgétaire qui permettra de mettre fin à la procédure pour déficit excessif engagée contre la France et un pacte pour la croissance et la compétitivité.
J’ajoute que, pour la première fois, une programmation pluriannuelle sera mise en œuvre sous le contrôle d’un Haut Conseil des finances publiques qui aura mission de vérifier si les engagements pris sont tenus. Pour ce premier exercice, le Gouvernement n’a pas choisi la facilité et n’a pas reculé devant ses responsabilités.
Au total, je considère que la mise en œuvre de l’ensemble des articles de cette loi de programmation serait de nature à nous aider à traverser la crise de la zone euro.
En inversant la pente de notre courbe d’endettement, nous retrouverons des marges pour préserver notre modèle social, auquel nous sommes tous très attachés.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments susceptibles d’expliquer mon adhésion à ce projet de loi de programmation des finances publiques, même si la majorité des membres de la commission des finances ont émis un vote défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que le Parlement examine un projet de loi de programmation des finances publiques. Chaque fois, notre commission se saisit pour avis. Quoi de plus légitime lorsque l’on sait que les administrations de sécurité sociale représentent 46,5 % des dépenses publiques et 54,4 % des prélèvements obligatoires !
En matière de finances sociales, d’où partons-nous ? Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint en 2011 0,6 point de PIB, soit 12,5 milliards d’euros. Ce déficit est à mettre en perspective, d’une part, avec le déficit total des administrations publiques en 2011, qui est de 5,2 % du PIB, soit 103,6 milliards d’euros, d’autre part, avec le montant total des dépenses d’administration de sécurité sociale, dont il représente un pourcentage de l’ordre de 2 %. Rappelons pour mémoire que le déficit des administrations publiques centrales représente environ 20 % de leurs dépenses et celui des administrations publiques locales près de 0,4 %.
Le projet de loi vise un redressement du solde des administrations de sécurité sociale très significatif sur la période de la programmation. L’équilibre des comptes sociaux serait retrouvé dès 2014, avec un excédent de 0,8 point de PIB en 2017.
Un tel excédent n’est pas exceptionnel : l’exercice 2008 a ainsi révélé un excédent de 0,7 point de PIB. En revanche, c’est le déficit des administrations de sécurité sociale qui constitue une anomalie grave, au moins pour sa partie structurelle, en faisant payer les prestations sociales d’aujourd’hui par les générations futures.
Il faut le rappeler, le creusement du déficit des administrations de sécurité sociale sur la période de la crise économique est très majoritairement dû à l’accroissement du déficit structurel. Ainsi, en 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit des administrations de sécurité sociale. Pour 2010, cette part atteignait même 75 % et, en 2011, le solde structurel représentait encore les deux tiers du déficit des administrations de sécurité sociale.
Où allons-nous ?
Par rapport au programme de stabilité et de croissance présenté en avril 2012 par le précédent gouvernement, les objectifs du texte sont plus ambitieux en termes de réduction du déficit social pour les prochaines années, alors que le scénario macroéconomique est, lui, plus raisonnable pour l’exercice 2013 – le programme de stabilité prévoyait une croissance de 1,75 % en 2013 – et identique – 2 % de croissance – pour les exercices suivants.
Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0,4 point de PIB en 2013, puis encore de 0,1 point de PIB en 2014, la programmation du Gouvernement actuel vise un effort supplémentaire de 0,2 point de PIB en 2013 et de 0,1 point de PIB en 2014, par la remise en cause de « niches sociales » et la mobilisation de ressources justement réparties.
La démarche politique est claire : c’est celle d’un croisement des courbes de recettes et de dépenses. Ce croisement est matérialisé en recettes, dès l’exercice 2012, par une remise à niveau des prélèvements sociaux susceptible de couvrir de manière durable la dynamique de la protection sociale. En dépenses, il se traduit par un « rebasage », à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant la réalisation des bénéfices et des gains de productivité issus de la modération de l’ONDAM sur la période 2014-2017. L’effort en dépenses est réparti de manière progressive sur la période de programmation.
La programmation ne prévoit pas de poursuivre la hausse des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale au-delà de 2013. Les projections du Gouvernement ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport à celles qui sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Si l’on examine plus en détail la trajectoire financière, on remarque que l’on passerait d’un déficit social de 10,4 milliards d’euros en 2012 à un excédent à l’horizon 2017 de 18,8 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale.
Il y a, en réalité, trois catégories d’administrations de sécurité sociale, qui connaissent des situations différentes.
Premièrement, le Fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sont en excédent structurel, pour un montant qui représenterait 10,4 milliards d’euros en 2012 et s’établirait en 2017, en fin de période de programmation, à 13,5 milliards d’euros. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017. Cet excédent, c’est d’abord celui de la CADES, et c’est aussi la raison d’être de cette caisse : il lui faut un excédent entre les recettes qu’elle perçoit et la charge d’intérêts qu’elle supporte pour rembourser la dette sociale qui lui a été transférée.
Deuxièmement, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui nous occuperont lors de l’examen prochain du projet de loi de financement de la sécurité sociale, présentent des objectifs de réduction des déficits ambitieux après les situations défavorables enregistrées en 2010 et 2011, sans que soit prévu un retour à l’équilibre, à l’échéance de 2017, pour d’autres branches que la branche accidents du travail et maladies professionnelles. On enregistrerait encore un déficit en fin de période, ce qui est, en soi, peut-être le gage d’une prévision sincère et réaliste. Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15,2 milliards d’euros en 2012 à 9,1 milliards d’euros en 2017. Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98,3 % par des recettes en 2017, alors que ce pourcentage n’était que de 95,7 % en 2011. Le Fonds de solidarité vieillesse connaîtrait, lui, une amélioration significative de sa situation financière, avec un déficit en fin de période de 0,6 milliard d’euros contre 4,1 milliards d’euros en 2012.
S’agissant de la branche maladie, la maîtrise de l’ONDAM conduirait à une amélioration significative du solde d’ici à 2017, même si l’équilibre n’était pas encore tout à fait atteint.
Pour ce qui concerne les branches famille et vieillesse, la situation demeurerait moins satisfaisante d’ici à 2017.
La branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2,6 milliards d’euros en 2013, de 2,4 milliards d’euros en 2014, avec ensuite un reflux attendu jusqu’à un déficit de 1,3 milliard d’euros en 2017.
Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse resterait à un niveau élevé jusqu’en 2017, avec un déficit global de 8,5 milliards d’euros en fin de période.
Je n’oublie pas que des concertations sont en cours sur l’assurance vieillesse et sur la branche famille avec les partenaires sociaux. La conclusion de cette concertation ne peut donc être intégrée, à ce stade, dans le projet de loi de programmation.
Concernant le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, les déficits présentent par ailleurs un caractère particulier : ils sont financés « par avance » en application de l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet article prévoit la reprise à compter de 2012 des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, dans la limite de 10 milliards d’euros par an et de 62 milliards d’euros au total. En l’état actuel des projections du Gouvernement, le besoin de financement de la période devrait rester en deçà du plafond.
Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale, au titre desquelles figurent les régimes complémentaires et l’UNEDIC, et qui n’entrent pas dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, apporteraient une contribution décisive à l’amélioration des soldes sociaux sur la période de programmation. Ils se trouveraient en fort excédent en 2017.
L’analyse rétrospective du solde des administrations de sécurité sociale souligne que les composantes UNEDIC et régimes complémentaires se sont déjà trouvées en excédent, parfois important, dans le passé.
Pour la période de programmation 2013-2017, comme d’ailleurs pour les programmations précédentes, nous ne disposons pas de projection sur ces régimes. En raison de ce que j’appelle cette « boîte noire » dans la programmation, j’ai défendu un amendement au projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques tendant à ce que nous ayons, à l’avenir, une meilleure connaissance de l’évolution financière de l’UNEDIC et des régimes complémentaires.
La programmation repose sur l’hypothèse d’une modération des dépenses des administrations de sécurité sociale. Leur croissance serait limitée à 1,1 % en volume sur la période 2012-2017. Rappelons que, sur moyenne période, l’évolution en volume des dépenses des administrations de sécurité sociale s’est établie à 2,25 %.
L’effort du Gouvernement en dépenses dans le champ des administrations de sécurité sociale est donc particulièrement substantiel. Il repose largement sur une modération de l’ONDAM par rapport à une tendance spontanée évaluée à 4,1 %.
Le projet de loi de programmation détermine un objectif pour l’ONDAM, d’ici à 2017, correspondant à une progression de 2,7 % en 2013, de 2,6 % en 2014, puis de 2,5 % sur la période 2015-2017.
Les objectifs du Gouvernement constitueraient des minima historiques pour l’évolution de l’ONDAM, avec un maximum, atteint en 2002, de 7 %. Pour une année donnée, l’écart entre la tendance spontanée et l’objectif moyen sur la période de 2013-2017 représente une économie de 2,7 milliards d’euros. Au total, les économies seraient de l’ordre de 0,6 point de PIB en fin de période.
Certes, les objectifs de l’ONDAM retenus par le Gouvernement apparaissent moins sévères pour les exercices 2013 et 2014 que ceux qui ont été présentés dans le programme de stabilité 2012-2016 adressé en avril 2012 par le précédent gouvernement à la Commission européenne.
Mais, tout d’abord, il s’agit d’un choix politique assumé, qui vise, d’une part, à ne plus accroître le reste à charge des patients et, d’autre part, à accompagner des « projets prioritaires de mise en sécurité et de restructuration-rationalisation ».
Ensuite et surtout, la rigueur du précédent gouvernement, en ce qui concerne l’ONDAM, était toute relative. Le montant pour 2012 a été en fait fixé par rapport à la prévision de 2011 et non par rapport à la réalisation, inférieure de 800 millions d’euros à la prévision. L’ONDAM pour 2013 est, lui, fixé en référence à la réalisation estimée pour 2012, inférieure de 350 millions d’euros à la prévision. En retenant la méthode de calcul de l’ONDAM de 2013 pour l’appliquer à l’ONDAM de 2012, on arrive en réalité à un taux, non pas de 2,5 %, mais de 2,8 %.
Dernier élément financier : la dette.
Malgré les efforts du Gouvernement, la dette sociale restera pour nous un sujet d’attention. Nous n’avons pas de précisions concernant une éventuelle reprise des déficits sociaux par la CADES au-delà des mesures déjà prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Or, pour la période 2012-2017, les projections évaluent le déficit cumulé des branches maladie et famille à 34,6 milliards d’euros.
Quels que soient les scénarios, il faudra organiser la reprise et prévoir des mesures nouvelles en recettes, non intégrées au présent projet de loi de programmation. Ces mesures nouvelles auront un effet sur la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, un effet réel quoique minime au regard des sommes concernées. Le résultat de mes simulations varie, selon les dates de reprise et l’échéance retenue pour l’extinction de la CADES – 2024 ou 2025 – entre 0,12 et 0,3 point de CRDS.
Enfin, j’évoquerai brièvement les mesures de bonne gestion des recettes et des dépenses contenues dans le projet de loi.
Deux dispositifs ont particulièrement retenu mon attention : d’une part, l’évaluation socio-économique des investissements civils des hôpitaux ; d’autre part, la reconduction des procédures de gel des dépenses d’assurance maladie.
Sur ce dernier point, il me semble possible de concevoir des modalités de mise en réserve plus intelligentes que celles qui sont actuellement mises en œuvre. Tel est l’objet de l’un des deux amendements que je présenterai.
Sous le bénéfice de toutes ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ce projet de loi, réaliste sur le plan des hypothèses, rigoureux quant à la gestion des finances publiques, juste dans la répartition de l’effort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)