Mme Valérie Létard. En cas d’arrêté de carence, il ne semble pas opportun de déléguer le droit de préemption du représentant de l’État à l’EPCI qui compte parmi ses membres la commune concernée. La procédure actuelle est satisfaisante. Il n’y a pas lieu de la modifier.
Pour être plus précise, il s’agirait de demander à l’EPCI de se substituer à l’État actuellement compétent tout en refusant à l’EPCI de bénéficier systématiquement de la majoration, des pénalités et autres moyens dont il pourrait disposer par ailleurs pour travailler.
Il me semble incohérent de charger la commune, sans y voir le moindre problème, du travail le plus complexe et le plus risqué en termes de recours, mais de lui interdire, à elle ainsi qu’à l’intercommunalité, la gestion de la majoration. Si l’on accorde le droit de préemption, il faut aussi donner les moyens d’aller jusqu’au bout de la démarche !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Aujourd’hui, le préfet peut déléguer le droit de préemption à un établissement public foncier d’État, à une SEM, à un organisme d’HLM. L’article 11 étend cette possibilité aux EPCI délégataires des aides à la pierre. Je trouve cela parfaitement satisfaisant.
En conséquence, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Madame Létard, la délégation est non une obligation, mais une option. Le préfet peut toujours exercer son droit de préemption dans les conditions actuelles.
C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est également défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Nous sommes sur une vraie question de principe. Une commune ne veut ou ne peut pas faire. L’État, qui constate la carence de la collectivité locale titulaire de la compétence, est tout à fait légitime à se substituer à elle. Cela ne me dérange absolument pas !
En revanche, que l’État, dépourvu de moyens en services sur le plan local, redistribue ou subdélègue cette possibilité à un établissement public, à un EPCI, à un établissement public foncier, cela me chagrine !
Que l’État aille redistribuer ce qu’il reprend aux collectivités locales pour de bonnes raisons, je trouve que cela pose effectivement un problème. Aller redonner à l’EPCI dont la commune est membre l’obligation de faire à sa place, cela paraît quand même assez étonnant !
Au sujet des établissements publics fonciers, je vous ai entendu dire, madame la ministre – et vous aviez raison – qu’il est parfois pratique d’avoir deux établissements publics fonciers sur le même territoire. Parlons encore plus clair : l’un de droite et l’autre de gauche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme en Île-de-France !
M. Philippe Dallier. Il faut avoir l’honnêteté de se le dire ! Cela existe !
Cela traduit un vrai problème de gouvernance en matière de politique du logement ! En fait, tout le monde peut être compétent en matière de logement. On n’arrête pas de créer des structures nouvelles et de leur donner des pouvoirs sans jamais vouloir trancher dans le vif ! Donc, tout le monde peut s’occuper de tout en matière de logement et, au bout du compte, on s’aperçoit que ce n’est pas efficace !
Au lieu d’essayer de s’attaquer aux problèmes, particulièrement en Île-de-France, on biaise pour les régler ponctuellement. Mieux vaudrait, une bonne fois pour toutes, se poser la question de la compétence en matière de logement et se reposer la question du bout de la chaîne. En effet, en fin de compte, on le sait bien, c’est le maire qui signe le permis de construire. Et, aujourd’hui, tout est là : si le maire ne veut pas faire, comment faire à sa place ?
J’en reviens à l’amendement de Mme Létard. Je le soutiens et j’espère que nous pourrons avoir ce débat sur la gouvernance de la politique du logement. Je forme le vœu qu’en Île-de-France – pour en revenir au Grand Paris – on n’aille pas confier à un SRIF ou à un autre truc technocratique ce qui doit relever du politique.
La politique du logement est difficile à conduire. Il faut pouvoir l’exposer à nos concitoyens, expliquer les décisions qui sont prises même quand elles déplaisent. Cela relève du politique.
Je souhaite que la réflexion s’oriente non vers la mise en place de nouvelles trouvailles technocratiques mais dans le sens des collectivités locales, pour des responsabilités pleinement politiques !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On en reparlera !
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Dubois, Guerriau et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 600-1-1. – I. - Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si, cumulativement :
« - le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;
« - son objet statutaire est en lien direct avec des préoccupations ou des considérations d'urbanisme ;
« - le recours comporte la justification de la décision des instances compétentes de l'association d'agir en justice contre la décision concernée, ainsi que du pouvoir donné à son représentant pour signer et déposer la requête.
« II. - Une personne physique n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si elle justifie cumulativement lors du dépôt du recours :
« - de l’occupation antérieure à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire d’un bien immobilier ;
« - de la co-visibilité directe de ce bien avec le terrain d'assiette du projet ayant fait l'objet de la décision concernée.
« III. - Les éléments constitutifs de l’intérêt à agir sont appréciés au jour de la délivrance de la décision contestée »
« Les dispositions prévues aux I et II sont applicables aux recours administratifs et aux recours contentieux ».
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet du présent amendement est d’inscrire dans la loi des critères concernant les recours abusifs. Ce sont ceux qui ont été retenus par la jurisprudence pour définir l’intérêt à agir d’un tiers contre une autorisation d’urbanisme et, ainsi, essayer de limiter les recours abusifs, qui posent un véritable problème.
En effet, ces recours constituent aujourd’hui un sérieux handicap pour toute politique du logement volontariste. Et il importe que ce projet de loi prenne en compte cette dimension aussi.
Plusieurs pistes d’amélioration du traitement des recours ont émergé lors des travaux relatifs à l’urbanisme de projet ; il vous est proposé de les reprendre ici. Je pense notamment à une explicitation de la qualité donnant intérêt pour agir contre une autorisation d’urbanisme.
Reprenant cette proposition, le présent amendement tend à inscrire dans la loi les critères retenus par la jurisprudence pour définir l’intérêt à agir d’un tiers contre une autorisation d’urbanisme.
Sont ainsi reprises les exigences jurisprudentielles, comme le fait qu’une association requérante ait dans ses statuts des préoccupations d’urbanisme.
De la même façon, concernant les recours introduits par un particulier, ce dernier doit justifier qu’il occupe un bien avant que n’intervienne la demande d’autorisation.
Enfin, troisième exigence jurisprudentielle, le requérant doit justifier de la co-visibilité du projet contesté avec le bien qu’il occupe.
En portant ces exigences au niveau législatif, il s’agit de renforcer juridiquement la pratique prétorienne.
La sécurité juridique des autorisations d’urbanisme est, en outre, renforcée par l’introduction d’un critère temporel pour l’intérêt à agir. Il devra être constitué lors de la délivrance de la décision contestée et non lors de l’introduction du recours, comme c’est le cas en l’état actuel du droit.
Comme le juge constitutionnel l’a rappelé, l’encadrement de l’intérêt à agir n’est pas inconstitutionnel. Il s’agit juste, par un faisceau d’indices, de déceler plus facilement une requête abusive d’une requête fondée sur des moyens sérieux.
L’idéal serait même de prévoir une procédure accélérée, au lieu des deux ans de procédure prévus pour ce type de recours, délai dont souffrent les architectes et promoteurs, les élus locaux, et les demandeurs de logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Cet amendement traite d’un problème bien réel, celui des recours abusifs. Notre collègue Daniel Dubois, fort impliqué sur ce dossier, avait, lors d’un précédent débat, interrogé sur ce sujet votre prédécesseur, madame la ministre, qui avait alors pris l’engagement, en mars 2012, de publier un décret.
Pour le reste, le présent amendement étant un cavalier - et pas un tout petit, monsieur Collombat -, la commission émet un avis défavorable. Par ailleurs, Mme la ministre nous dira sans doute ce qu’il en est de ce décret promis par M. Apparu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Ceux qui suivent ce débat savent que j’ai déjà répondu hier : si le décret n’a pas été publié, c’est que sa base juridique ne serait pas suffisamment solide pour permettre un réel encadrement des recours abusifs. Nous devons donc mener un travail législatif approfondi, ce que ne permet pas cet amendement.
Par ailleurs, cet amendement est un cavalier législatif. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Dubois, Guerriau et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Après l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 600-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 600-1-2. - Le juge peut, à la demande du défendeur, infliger à l'auteur d'une requête contre une autorisation d’urbanisme qu'il estime abusive, une amende dont le montant ne peut être inférieur à 15 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. L’objet du présent amendement est de fixer à 15 000 euros l’amende minimale infligée par le juge à l’auteur d’une requête formulée contre une autorisation d’urbanisme s’il la juge abusive.
Mme la ministre me rétorquera qu’il s’agit, là encore, d’un cavalier. Le refus d’aborder dans le cadre de ce projet de loi des problématiques qui en sont très proches me semble néanmoins tout à fait dommageable, dans la mesure où les recours abusifs entraînent régulièrement des retards dans la réalisation de projets de construction.
Il s’agit en l’occurrence de décourager ces recours, véritable fléau qui gangrène le secteur de la construction. Parfois même, nous sommes confrontés à des pratiques quasi mafieuses consistant à monnayer le retrait d’un recours. Nous avons tous vécu ces situations dans le cadre d’opérations d’urbanisme, d’aménagement ou de construction de logements ; nous ne pouvons donc refuser d’affronter cette réalité.
Quels moyens se donner pour lutter contre ces pratiques malveillantes ? Telle est la question.
La peine que le juge administratif peut actuellement prononcer en cas de recours abusif ne peut excéder 3 000 euros. Ce montant est insignifiant par rapport à l’enjeu que représentent les indemnités réclamées. Le risque de l’amende doit être de nature à décourager ce type de recours abusifs.
Il semble nécessaire d’augmenter significativement le montant de l’amende que le juge peut prononcer et de fixer un seuil plancher plutôt qu’un seuil plafond de l’amende pour ce type précis de recours. Je précise qu’une telle mesure avait été proposée dans le cadre du groupe de travail relatif à l’urbanisme de projet.
Vous dites, madame la ministre, que cette disposition sera prise plus tard. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir présenté ce projet de loi plus tard, afin qu’il puisse être plus complet ? Mais cet argument, je crois que vous avez déjà eu l’occasion de l’entendre...
Je rappelle qu’en novembre 2011 notre excellent collègue Michel Mercier, lorsqu’il était ministre de la justice, avait reconnu que l’augmentation du montant de l’amende pour recours abusif pourrait être de nature à décourager les requérants de mauvaise foi. J’espère que ce constat sera partagé par-delà l’alternance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. La commission émet le même avis défavorable que sur l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Notre collègue l’a très bien indiqué, les pratiques de ces associations qui tentent en permanence de retarder les projets de construction sont très handicapantes, et leur caractère abusif doit être sanctionné.
Nous savons tous ici, quelle que soit notre appartenance politique, que les recours abusifs ont pour seul intérêt de retarder éternellement les dossiers, ce qui coûte très cher aux contribuables, gêne les locataires et ennuie tout le monde.
Ces recours infondés doivent être sanctionnés par des amendes sérieuses et dissuasives. Je ne comprends pas pourquoi, sur ce point précis, la commission et le Gouvernement refusent cet amendement positif et sage, qui permettra de faire avancer les dossiers. Je trouve cela dommage.
Pour ma part, je soutiens totalement cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Mes collègues et moi-même sommes tout à fait favorables à cet amendement. Je m’étais expliqué au nom de mon groupe, lors de la discussion générale, sur la nécessité d’intervenir de manière urgente pour traiter la question des recours abusifs.
Nous savons tous, et cela vient d’être rappelé, que des recours sont déposés dans le seul but d’extorquer une compensation financière aux responsables de projets de construction, qu’ils appartiennent au secteur privé ou, dans certains cas, au secteur parapublic. C’est une réalité, et l’on ne peut pas laisser perdurer cette situation.
Nous savons aussi que certaines associations sont créées dans le seul but de défendre des intérêts strictement particuliers, car elles savent pertinemment que, compte tenu de l’encombrement des tribunaux administratifs – autre vrai débat qu’il faudra bien avoir le courage d’aborder, et le plus rapidement possible ! –, les dossiers peuvent être bloqués pendant des années et des années. (M. Alain Fouché opine.)
Mme Catherine Procaccia. Sans compter les pénalités...
M. Jacques Mézard. Il est donc nécessaire d’intervenir, et je ne vois pas ce que cet amendement pourrait mettre en péril. Nous le voterons donc avec conviction.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. J’ai déjà longuement répondu sur ce sujet. Voter cet amendement, monsieur Mézard, c’est risquer de se prendre les pieds dans le tapis !
Certains sénateurs ont rappelé avec raison que des avocats s’étaient spécialisés dans de tels recours. Certains vont même jusqu’à démarcher les voisins des chantiers devant lesquels sont placardés des panneaux de permis de construire, en leur indiquant qu’une procédure serait gratuite puisqu’eux-mêmes se paieraient sur le montant des pénalités, ou plus exactement sur les sommes obtenues au terme des négociations menées avec les titulaires de permis de construire qui ne veulent pas que leur opération soit bloquée pendant des années.
Ce problème est donc très bien identifié. La réponse juridique que nous sommes tenus d’y apporter doit être extrêmement solide, afin que nous puissions lutter contre ces personnes si habiles à utiliser toutes les failles de notre législation. Indépendamment du fait que cet amendement est clairement un cavalier, ce qui est avéré, le cœur du problème est que la rédaction de cet amendement est juridiquement fragile.
Je suis convaincue que nous devons nous attaquer à cette question de manière très résolue. C’est pourquoi le décret qui devait encadrer les recours abusifs n’a pas été publié, en dépit des annonces de mon prédécesseur : ce texte ne suffirait pas à résoudre le problème. Il nous faut armer juridiquement le dispositif législatif afin qu’il puisse résister notamment aux contestations. Je vous invite donc, et ce n’est pas une posture dilatoire, à retirer cet amendement.
Je me tiens à la disposition de celles et ceux qui souhaitent s’employer à mettre en place un dispositif juridique solide permettant de résoudre le problème. Il ne s’agit pas de faire semblant de s’attaquer à cette question en recréant une fragilité juridique.
Il était donc juste de ne pas publier le décret, malgré les annonces de mon prédécesseur, comme il est juste de travailler de manière très fine afin d’armer le dispositif législatif contre les pressions dont il ne manquera pas de faire l’objet.
Certains peuvent avoir le sentiment que cet amendement résout le problème des recours abusifs. Je peux vous affirmer que ce ne sera très probablement pas le cas, et c’est dommage. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, il est absolument nécessaire de répondre, et même de manière assez sévère, aux agissements de ceux qui utilisent une faille de la loi pour s’enrichir et racketter, disons les choses telles qu’elles sont, certains constructeurs, y compris dans le secteur du logement social. En effet, ces derniers finissent par accepter de transiger avec les auteurs de ces recours afin de mettre fin aux procédures engagées à leur encontre.
C’est justement parce que ma détermination est très grande que je vous demande de retirer cet amendement. Le dispositif juridique que nous mettrons en place doit être tel qu’il puisse résister aux spécialistes de la résistance et à ceux qui font profession d’utiliser les failles de la loi.
M. le président. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. René Garrec. C’est un sujet très intéressant, que les juges connaissent tous, et j’ai moi-même eu l’occasion de traiter de ces questions dans une vie antérieure. Cela pose un vrai problème de fond.
Le dispositif existe, madame le ministre, tant en droit public qu’en droit privé. Le problème est de fixer un seuil minimal, car on touche là au pouvoir d’appréciation du juge. Comme tous mes collègues, je considère qu’il s’agit d’un problème fondamental, car nous sommes confrontés en permanence à des procédures abusives.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous livrer plus avant votre intime conviction et nous en dire plus encore de votre détermination à agir, avec votre collègue garde des sceaux, pour que vienne devant le Parlement un projet complet traitant de ce problème récurrent ?
J’approuve totalement l’amendement de mon collègue. J’hésitais cependant à le voter, car un dispositif existe déjà et que tout cela relève du pouvoir d’appréciation du juge. Que l’on reprenne toutes ces propositions pour en faire un dispositif intelligent me paraît tout à fait judicieux.
M. le président. La parole est à M. Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, nous devons clarifier le débat. Vous me répondez en fait sur l’amendement n° 69 rectifié. Or, l’amendement n° 70 rectifié ne vise pas à qualifier le recours abusif, il tend simplement à relever le niveau de la sanction de sorte qu’elle ne puisse être inférieure à 15 000 euros.
Mme Catherine Procaccia. Une peine plancher, en somme !
M. Vincent Capo-Canellas. Je comprends votre argumentaire et j’en prends acte. Je vous remercie, par ailleurs, de votre volonté d’associer le Parlement, et notamment le Sénat, au travail visant à définir le recours abusif. Mais le présent amendement porte non pas sur cette définition, mais sur la sanction.
Je maintiens donc cet amendement, car je ne vois aucune raison de le retirer dans ces conditions. Encore une fois, votre réponse concernait l’amendement précédent. Ayant pris acte du sort fait à ce dernier, j’estime que l’adoption de l’amendement n° 70 rectifié est d’autant plus nécessaire.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Je n’ai pas l’ambition de vous faire changer le sens de votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, et j’ai bien compris quel était l’équilibre des voix sur cette question. Permettez-moi cependant de dire ma conviction.
Vous avez raison, monsieur Garrec, je crois vraiment qu’il nous faut travailler de façon approfondie à l’élaboration d’un dispositif législatif.
La vraie question qui se pose, et qui se posera de nouveau à propos des marchands de sommeil – sujet auquel je suis extrêmement sensible et qui suscitera sans doute des amendements à l’Assemblée nationale ! –, est celle de l’équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement, en l’occurrence la nécessité de ne pas bloquer les nouvelles constructions. Or l’intérêt à agir est très difficile à définir, puisque l’on ne peut le faire uniquement en se référant à la notion de proximité. Il est vrai qu’il faut mener une réflexion juridique, et vous avez utilement souligné le lien à établir avec la garde des sceaux sur ce sujet très délicat.
Le renforcement des sanctions pourrait effectivement constituer un premier signal. Avouez cependant qu’il serait dommage de le prévoir dans le cadre d’un dispositif aujourd’hui par trop friable. L’œuvre législative que nous aurions peut-être le sentiment d’avoir accomplie serait en réalité bien insuffisante.
Respectueuse des travaux parlementaires en général et de ceux du Sénat en particulier – car tel est bien, vous l’aurez maintenant compris, mon état d’esprit ! –, je souhaite que nous élaborions des lois cohérentes, fruits d’un véritable travail de polissage. J’aimerais vraiment que la loi conserve, après son passage devant la Haute Assemblée, cette cohérence que nous avons souhaité lui imprimer.
Voilà pourquoi je persiste à défendre ces arguments devant vous, malgré l’issue probable du vote du Sénat sur cet amendement. Je suis en effet convaincue que nous devons élaborer un dispositif permettant la sanction, et vous avez eu raison de le souligner, tout en garantissant la solidité du socle juridique sur laquelle elle repose.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous ne sommes pas contre le principe, mais nous craignons que l’adoption d’un tel amendement, qui peut être considéré comme un cavalier, nous fasse courir le risque d’une censure du Conseil constitutionnel.
Une telle censure pour une question de forme risquerait d’entretenir une certaine confusion sur la pertinence de la mesure et de brouiller le message que nous souhaitons envoyer.
Étant donné les engagements de Mme la ministre et notre volonté commune d’aller très vite, nous ne voterons donc pas cette disposition pour laquelle nous avons par ailleurs beaucoup de sympathie.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions finales et transitoires
Article 12
Le septième alinéa du 2° du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts est supprimé.
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, vous nous proposez ici de supprimer la possibilité pour un EPCI qui perçoit le prélèvement d’une commune de reverser à la même commune une partie de ce prélèvement fléché pour financer la réalisation de logements sociaux : c’est donc une double sanction pour cette commune !
Nous avons bien vu, aujourd’hui encore, que toutes les communes ne faisaient pas de blocage pour la construction de logements sociaux. Ne faisons donc pas une généralité de quelques cas particuliers !
Beaucoup de communes ont des difficultés opérationnelles et foncières pour construire du logement social. Il ne faut pas les pénaliser en leur supprimant des moyens que l’EPCI pourrait leur apporter pour les aider à construire des logements sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. La commission est très défavorable à cet amendement.
Il est scandaleux que, dans le cadre des PLH, certains EPCI récupèrent les pénalités puis les reversent sous une autre forme aux communes défaillantes. Je crois tout le monde d’accord pour mettre fin à cette pratique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. C’est l’occasion pour moi de saluer Louis Besson, d’une part, pour son remarquable travail sur ces questions, d’autre part, pour l’attention qu’il porte à la révision menée actuellement, douze ans après son adoption, de la loi SRU.
C’est Louis Besson lui-même qui m’a dit avoir dû, et à regret, accepter l’insertion de cette disposition dans la loi de 2000 et qu’il s’agissait d’un point déterminant puisque le reversement du prélèvement aux communes constituait l’un des éléments structurels d’affaiblissement du dispositif.
Mon avis est donc clairement défavorable. Je pense même qu’avoir déposé cet amendement était une erreur, car il s’agit d’une échappatoire identifiée comme telle pour contrer l’efficacité de la loi SRU.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12