M. Alain Fouché. Qui a fermé la sidérurgie ? C’est vous, c’est Mitterrand ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Watrin, rapporteur. Mes chers collègues, afin de calmer un peu les choses, je reviendrai sur les propos tenus par les uns et par les autres, sans bien sûr reprendre l’ensemble des arguments.
Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat, particulièrement les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste et du groupe écologiste, qui ont apporté leur soutien sans réserve à cette proposition de loi présentée par le groupe CRC.
Parmi les quelques questions abordées, une a retenu particulièrement mon attention tant elle est légitime.
Le groupe RDSE s’est inquiété d’un possible effet pervers de la loi : le risque de contournement du dispositif, une entreprise décidant d’afficher des résultats négatifs une année afin de pouvoir licencier l’année suivante. Connaissant l’avidité des actionnaires, une telle éventualité est, selon moi, peu probable. En effet, l’objectif des actionnaires est de gagner de l’argent : pourquoi se priveraient-ils de dividendes une année pour contourner la loi ?
À vous entendre, monsieur le ministre, tout va bien !
Un sénateur du groupe CRC. Tout va même de mieux en mieux ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Watrin, rapporteur. Selon vous, le Gouvernement fait tout pour l’emploi : circulez, il n’y a rien à voir !
Toutes nos propositions, notamment le texte présenté aujourd’hui par le groupe CRC, sont dénigrées, caricaturées, sans doute pour éviter de parler de votre bilan !
M. Alain Fouché. Et la crise ?
M. Dominique Watrin, rapporteur. Justement, j’y reviens à la crise !
Votre bilan, sur lequel nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord, est le suivant : suppression de 700 000 emplois en cinq ans et augmentation de 2 points du chômage. Ces chiffres sont édifiants, et je comprends que vous préfériez éviter le sujet ! Quoi qu’il en soit, les Françaises et les Français ne se trompent pas !
Votre argument implicite est que Gouvernement a échoué en raison de la crise. La crise a bon dos ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Mon collègue Thierry Foucaud l’a rappelé, elle ne concerne pas tout le monde, 40 milliards d’euros de dividendes ayant été distribués aux actionnaires du CAC 40 en 2011.
Monsieur le ministre, regardons au-delà de ces cinq dernières années pour voir d’où vient la crise et pour savoir de quoi il est question lorsqu’on parle de crise. Vous le savez parfaitement, mais vous vous gardez bien de le dire, ce que nous vivons aujourd’hui est non pas une crise passagère, mais la crise d’un système.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Les courbes comparatives des rémunérations du capital et du travail depuis vingt-cinq ans sont claires : d’un côté, stagnation des salaires ; de l’autre, envolée des dividendes et des rémunérations des actionnaires !
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
M. Jacques Chiron. Et envolée des bonus !
M. Dominique Watrin, rapporteur. C’est ça la crise du système, et elle sera durable, effectivement, tant qu’on ne s’y attaquera pas. Or, avec vous, il faut laisser aller, il faut laisser faire.
La crise de notre économie vient d’abord de la faiblesse du pouvoir d’achat. En trente ans, la richesse produite par les salariés est allée, pour 10 % de sa masse – ce qui représente des centaines de milliards d’euros –, de la poche des salariés vers celle des actionnaires. Il ne s’agit pas d’un procès, il s’agit d’un constat, tout cela pouvant être vérifié par les Françaises et les Français.
Le deuxième grand argument que vous avancez contre cette proposition de loi, c’est qu’il ne faut surtout pas réglementer l’économie, que le texte serait idéologique. Je note, néanmoins que vous ne cessez de réglementer les contraintes qui pèsent sur les salariés. Je pense au détricotage du droit du travail, qui a été cité tout à l’heure, aux accords de compétitivité dans l’entreprise, etc. On ne peut pas, d’un côté, réglementer et imposer des contraintes toujours plus fortes aux salariés et aux demandeurs d’emploi et, de l’autre, laisser faire les actionnaires des grands groupes, qui imposent leur loi à l’économie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste)
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Dans mon propos liminaire, j’ai cité l’exemple du groupe Danone, qui a été également évoqué par d’autres orateurs.
Dans les deux usines Danone de Ris-Orangis et de Calais, des centaines de salariés ont été sacrifiés sur l’autel de la rentabilité financière !
Mme Annie David. Non, par l’entreprise et par les patrons !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Or ces deux usines étaient parfaitement rentables. Celle de Calais atteignait 8 % de rentabilité. Seulement, l’actionnaire a voulu plus…
M. Jean Desessard. Toujours plus !
M. Dominique Watrin, rapporteur. … et a souhaité aligner le taux de profits du secteur « biscuit » sur celui du secteur laitier. Il a exigé 12 % ou 13 % de rentabilité. Pour le satisfaire, les deux usines ont été fermées et 400 à 500 personnes ont été licenciées ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. Jean Desessard. Et voilà !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Telle est la logique que vous défendez, monsieur le ministre ! En tout cas, vous ne voulez pas vous y opposer. Selon moi, c’est une dictature de l’économie sur l’emploi.
Au nom de la liberté d’entreprendre, au nom de la concurrence libre et non faussée, vous vous accommodez trop facilement d’une économie où les prédateurs de la finance tuent notre tissu économique et l’emploi au nom de leurs seuls intérêts.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’exemple de Gandrange. Je ne peux pas ne pas vous répondre. Ce qui m’intéresse avec Gandrange, ce n’est pas tant de rappeler à Nicolas Sarkozy, Président de la République, les promesses qu’il n’a pas tenues, encore que, vous me l’accorderez, cela pose tout de même un grave problème de crédibilité pour celui qui voulait défendre la France qui se lève tôt ! Non, ce qui m’intéresse surtout, c’est que le groupe Arcelor-Mittal est l’un des plus riches du monde. Il a réalisé 1,7 milliard d’euros de bénéfices nets en 2011. En 2008, il ferme Gandrange malgré 880 millions d’euros de dividendes versés et, l’année suivante, il distribue neuf fois le montant de ses bénéfices aux actionnaires. Il est vrai que les bénéfices étaient moindres, mais les actionnaires ont tout de même touché neuf fois la part des bénéfices réalisés. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.)
Ce qui me révolte, c’est que le groupe Arcelor-Mittal, qui supprime massivement des emplois en Europe et en France ces dernières années – 6 000 emplois menacés en 2012 pour l’ensemble de l’Europe –, bat, cela est aisément vérifiable, tous les records pour la redistribution de ses bénéfices aux actionnaires, avec 205 % de redistribution en moyenne sur les dernières années.
Ce n’est donc pas un phénomène ponctuel, résultante d’une année avec moins de bénéfices : chaque fois, les actionnaires s’en tirent ;…
MM. Jacques Chiron et Ronan Kerdraon. Et les bonus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec la crise !
M. Michel Le Scouarnec. Sacrée crise !
M. Dominique Watrin, rapporteur. … chaque fois, les salariés, l’emploi et les territoires sont sacrifiés !
La proposition de loi que nous soumettons à votre examen est une réponse à ces abus. Ce que nous vous proposons, c’est un mécanisme simple et efficace pour mettre fin à ces pratiques. Je le dis clairement : qui prendra la responsabilité de ne pas voter ce texte aura aussi à s’en expliquer sur son territoire auprès des salariés concernés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Ça ne les gêne pas !
M. René-Paul Savary. On leur expliquera !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Vous avez évoqué le programme du Front de gauche, L’humain d’abord. C’est un programme humaniste, que nous devons ensemble mettre en œuvre. L’humain d’abord, je veux en parler moi aussi, car je suis l’élu d’un secteur du Pas-de-Calais aujourd’hui sinistré, celui d’Hénin-Beaumont. En quelques années, sur ce seul secteur, 2 000 emplois ont été supprimés à la suite de décisions uniquement financières prises par de grands groupes multinationaux.
Metaleurop, 890 emplois directs rayés de la carte parce qu’une holding sous les ordres de l’actionnaire Glencore situé en Suisse lâche définitivement sa filiale. Le président Sarkozy, qui a visité le site dévasté, avait décidé que les holdings ne devaient plus avoir la possibilité de lâcher leurs filiales. À cet effet, il avait promis de légiférer. Rien n’est venu !
Mme Maryvonne Blondin. Là est le problème !
M. Dominique Watrin, rapporteur. Samsonite, 205 salariés victimes d’une cession frauduleuse du fonds de pension américain qui a repris l’entreprise.
Sublistatic, vampirisé par trois opérations LBO, Leverage Buy Out, qui l’ont complètement saigné et acculé à la fermeture.
Certes, ces salariés se battent depuis près de dix ans et vont, enfin, voir leurs droits reconnus et obtenir des indemnités. Mais la triste réalité est que les emplois ont disparu définitivement et que les entreprises ont fermé. Aujourd’hui, ce territoire est sinistré et compte près de 30 % de demandeurs d’emploi, monsieur le ministre du travail. Quel gâchis économique et humain !
Pour conclure, cette proposition de loi est la première pierre – nous ne prétendons pas régler en une seule fois tous les problèmes de l’emploi – d’un édifice que la gauche, j’en suis sûr, aura à cœur de compléter une fois arrivée au pouvoir. C’est un engagement pour l’avenir. C’est surtout un espoir pour que, à l’avenir, les intérêts des salariés, de l’emploi et des territoires passent enfin avant ceux décidément trop égoïstes des actionnaires et des privilégiés de l’argent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L’article L. 1233–3 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique prononcé par une entreprise qui a distribué des dividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé.
« Le salarié auquel un licenciement pour motif économique a été notifié peut saisir l’inspection du travail afin qu’elle vérifie si le licenciement peut être prononcé en application de l’alinéa précédent. »
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Effectivement, nous constatons tous la destruction d’emplois sur nos territoires. Aussi, nous pouvons examiner l’application d’une telle mesure.
Dans la Marne, le tissu rémois doit faire face à des fermetures d’entreprise et à des licenciements. M. le ministre connaît bien les difficultés puisqu’il nous a aidés à les régler en partie, notamment pour l’entreprise Hebdoprint ou pour l’entreprise Bosal Le Rapide (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) qui, dans le secteur de la sous-traitance automobile, supprime plus de 93 emplois.
Je me suis posé la question suivante : cette loi aurait-elle permis d’éviter un certain nombre de licenciements ? La réponse est non ! Au contraire, il me semble qu’elle engendrerait la préméditation des entreprises.
M. René-Paul Savary. On l’a vu dans certaines entreprises. En effet, on diminue les investissements, ce qui fait baisser le chiffre d’affaires et on produit dans d’autres sites ; on contourne la loi et les investisseurs continuent à bénéficier de taux de rentabilité intéressants à l’extérieur pendant qu’on ferme en France !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là, je suis bien d’accord avec vous !
M. René-Paul Savary. Deuxième point négatif, ces mesures de pénalisation supplémentaires vont décourager l’investissement de capitaux étrangers dans notre pays alors que nous sommes dans un monde où, plus que jamais, il nous faut être compétitif. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. On le fera savoir !
M. René-Paul Savary. C’est pourquoi je rejoins tout à fait M. le ministre à propos des actions visant, au contraire, à renforcer notre compétitivité sur le plan international. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Telles sont les raisons pour lesquelles mon groupe et moi-même voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame de nouveau.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Le groupe UMP votera effectivement contre cette proposition de loi qui a une utilité plus politique que juridique,…
Mme Éliane Assassi. Et vous, vous ne faites pas de politique ?
Mme Catherine Deroche. … puisqu’il s’agit d’un texte d’affichage à la veille de l’élection présidentielle, d’un texte partisan qui ne tient aucunement compte des réalités économiques. (Sourires et exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Bien évidemment, il faut dénoncer les licenciements qui seraient imposés par des entrepreneurs à la recherche de leur seul profit et qui ne seraient pas justifiés par des questions économiques. Toutefois, ce contrôle est déjà assuré par le juge, qui apprécie systématiquement la « cause réelle et sérieuse » du licenciement. La jurisprudence est même très rigoureuse en la matière.
Dans diverses décisions, les juges ont ainsi refusé de reconnaître comme économiques des licenciements intervenant dans le cadre d’une « réorganisation destinée exclusivement à réaliser une économie sur le salaire » ou visant à « réaliser des bénéfices plus importants par la réduction de charges sociales, en l’absence de difficultés ».
Il faut retenir de ces décisions que le juge apprécie la situation au cas par cas. Il fait bien la part des choses entre, d’une part, les nécessités économiques et les besoins d’adaptation des entreprises dans une économie mondialisée, d’autre part, la protection de l’emploi des salariés touchés par des restructurations.
Ce n’est pas le cas de cette proposition de loi, qui retient uniquement comme situation incriminante la distribution de dividendes par l’entreprise. On ne se préoccupe alors nullement de savoir la cause des licenciements, qui peut être la nécessité de s’adapter à des mutations technologiques ou d’anticiper des difficultés prévisibles...
Les entreprises doivent bénéficier d’une certaine liberté d’action stratégique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une liberté totale…
Mme Catherine Deroche. Eh oui, je sais bien que c’est une notion qui vous est tout à fait étrangère !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour verser des dividendes et fermer !
M. Alain Fouché. Ce texte ne servira à rien !
Mme Catherine Deroche. En ne tenant pas compte de la nécessité d’une réorganisation, ce texte aurait pour conséquence de mettre finalement en péril la situation de l’entreprise, conduisant ainsi à des licenciements plus nombreux, effets réellement contre-productifs.
Le même flou entoure les conditions de retrait des aides publiques ou le refus d’en accorder. Il me semble absolument nécessaire d’apprécier la situation et les besoins de l’entreprise au cas par cas, et de se placer au moment de l’attribution de l’aide.
Les entreprises, dans la période difficile que nous traversons, n’ont pas besoin qu’on leur crée de nouveaux handicaps.
Pour ces raisons, nous estimons que ce texte est dangereux et, je le répète, nous voterons contre ! (M. Jean-Noël Cardoux applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je n’ignore pas que la majorité sénatoriale a changé (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.),…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. … mais je me pose certaines questions.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, c’est la deuxième proposition de loi que vous nous proposez. La première visait à annuler les dérogations au repos dominical,…
Mme Annie David. Mais non !
Mme Isabelle Debré. … texte tellement fait à la va-vite qu’il était truffé d’erreurs,…
Mme Isabelle Debré. … que vous avez, il faut le reconnaître, ou que nous avons corrigées.
Mme Isabelle Debré. Eh oui, madame Borvo Cohen-Seat, sur les aspects, non pas politiques, mais juridiques, nous nous attachons à corriger les erreurs et à veiller à ce que les textes soient conformes à la réalité ! C’est le rôle du Sénat de le faire et, même si nous ne sommes plus dans la majorité, nous avons corrigé des erreurs d’ordre juridique dans votre proposition de loi sur le repos dominical.
M. Alain Fouché. Il peut arriver à tout le monde de se tromper !
Mme Isabelle Debré. Absolument !
La proposition de loi que vous nous présentez aujourd'hui est, comme la précédente, floue, inapplicable et elle nie tout autant la réalité économique, ce qui m’amène à faire une simple réflexion.
Hier, alors que nous examinions la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, vous nous avez qualifiés d’opportunistes. Mais qui sont les véritables opportunistes ? Ne l’êtes-vous pas en nous proposant de tels textes en pleine campagne électorale ? (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et alors ?
Mme Isabelle Debré. Est-ce de l’idéologie politique ? Est-ce une précampagne ? Est-ce un préprogramme ?
Je n’irai pas jusqu’à utiliser le même qualificatif que vous, car j’essaie de rester correcte, mais, encore une fois, regardez devant vous, et regardez-vous ! Peut-être pourrions-nous donner une image autre aux étudiants, aux élèves qui voient nos débats et constatent l’irresponsabilité de votre attitude ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Mais qui êtes-vous pour nous donner des leçons !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Comment osez-vous nous parler ainsi ?
M. Jacques Chiron. Démagogue ! C’est scandaleux !
Mme Isabelle Debré. Vous voyez ! Est-ce en vociférant que l’on donne l’exemple aux jeunes qui nous regardent, à la télévision ou ailleurs ? Pour ma part, mes chers collègues, je n’adopterai jamais une telle attitude ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Très bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Brillante démonstration !
M. Jacques Chiron. Très fort sur le fond !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Si l’on peut faire un reproche à la proposition de loi qui nous est présentée, c’est qu’elle est, bien sûr, insuffisante.
Mme Isabelle Debré. Voilà !
M. Alain Fouché. Elle a besoin d’être revue !
M. Jean Desessard. Tout le monde en est d’accord…
M. Alain Fouché. On le note !
M. Jean Desessard. … et on verra la suite dans quelques mois. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Madame Debré, vous nous avez demandé, non pas dans votre dernière intervention, mais dans la précédente, d’arrêter de caricaturer les relations entre dirigeants et salariés.
Mme Isabelle Debré. En effet !
M. Jean Desessard. Il n’y a évidemment pas lieu de caricaturer les relations dans les SCOP, les sociétés coopératives et participatives, où le rapport entre les salaires est de 1 à 4 ou de 1 à 5 et où les dividendes sont partagés entre tous les salariés, mais permettez-moi de vous dire que, dans les sociétés dont les dirigeants gagnent encore plus et où les salariés travaillent dans des conditions plus difficiles, voient leur salaire baisser ou sont licenciés, il ne s’agit pas d’une caricature : c’est la réalité !
Dans les dix dernières années, les dirigeants ont bel et bien vu leur rémunération augmenter alors que les salaires les plus faibles ont encore diminué. Ce n’est pas normal, mais ce n’est pas nouveau : cela s’appelle le capitalisme !
Cela signifie une compétition économique à laquelle vous vous êtes rangés : vous avez accepté le jeu de la mondialisation et de la compétitivité à tout prix, comme vous l’avez vous-mêmes clairement dit et répété, pour l’ensemble des activités économiques.
M. René-Paul Savary. Non !
M. Jean Desessard. Mais comment peut-on prétendre être compétitif par rapport à des entreprises au Brésil, au Mexique ou en Chine, alors que les salaires sont si bas dans ces pays, et préserver notre système de protection sociale ? En fait, vous avez tout dit : être compétitif, cela signifie casser le droit du travail en France, et notamment éviter les grèves et réduire les salaires ! Bref, c’est tout un autre système économique et social que vous voulez mettre en place !
M. Jacques Chiron. C’est leur objectif !
M. Jean Desessard. En effet, si l’on veut être compétitif par rapport à ces pays, soit on délocalise, et c’est ce que font plusieurs entreprises, comme Airbus, qui va le faire, ou Renault, qui reçoit pourtant des subventions publiques, soit on fait en sorte que les salaires soient plus bas et les conditions de travail plus difficiles en France. Et, pendant ce temps-là, les dirigeants, eux, ne se gênent pas !
M. Michel Le Scouarnec. C’est scandaleux !
M. Jean Desessard. Quelle est l’autre option ? Eh bien, la présente proposition de loi est justement une première étape dans la voie de cette autre option ! Pour reprendre vos termes, monsieur Cardoux, il vaut effectivement mieux sortir par le haut que niveler par le bas.
Niveler par le bas, c’est pourtant ce que vous faites au niveau mondial, puisque vous voulez que l’ensemble des salaires des ouvriers soient tirés vers le bas…
Mme Annie David. Oui, comme en Allemagne : pas de SMIC !
M. Jean Desessard. … par les salaires les plus faibles des pays en voie de développement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
MM. Jean-Noël Cardoux et Alain Fouché. Pas du tout !
M. Jean Desessard. Mais si ! Bien entendu, vous ne le voulez pas avec le cœur, et vous vous plaignez des délocalisations, mais, dans la politique que vous mettez en œuvre, c’est ce que vous favorisez.
Je ne dis pas que vous vous en réjouissez,…
M. Alain Fouché. Si !
M. Jean Desessard. … mais vous estimez que, par réalisme, il faut bien s’adapter, et c’est pourquoi vous menez une politique qui vise non pas à contrer les effets de la compétition entre les pays, mais à s’adapter au marché mondial de l’économie, politique qui consiste à réduire les salaires et à dégrader les conditions de travail alors que les dirigeants, eux, n’ont plus de limites et se permettent donc tout : vous vous adaptez au système capitaliste mondial sans prévoir de garde-fou, en France comme en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est quoi, moraliser le capitalisme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Dans ce genre de débat, on peut se laisser aller à faire des petites phrases, des retours en arrière, d’ailleurs toujours très intéressants. M. le ministre nous a ainsi fait l’amabilité de nous rappeler le congrès du Mans, où je ne me rappelle pas l’avoir croisé, mais je ne doute pas qu’il ait de bonnes lectures…
M. Ronan Kerdraon. Il se trouve que nous aussi !
M. Jean Desessard. M. le ministre lit toutes les motions du Parti socialiste. Je peux d’ailleurs aussi lui communiquer celles des écologistes !
M. Alain Fouché. Il y en a aussi ? (Rires.)
M. Ronan Kerdraon. On voit que ce sont des sujets qui suscitent beaucoup d’émotion, à défaut de motion. (Nouveaux rires.)
Monsieur le ministre, je veux tout de même préciser que le texte du congrès du Mans auquel vous faisiez référence précisait qu’il s’agissait de transférer une partie des cotisations patronales qui pesaient sur les seuls salaires sur l’ensemble de la richesse produite par l’entreprise, à savoir la valeur ajoutée, qu’elle rémunère le travail ou le profit.
Puis, à citation égale, je pourrais rappeler une vidéo réalisée au club de l’Expansion dans laquelle vous disiez qu’instaurer la TVA sociale entraînerait une baisse du pouvoir d’achat… (M. Félix Desplan applaudit.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Voilà ! Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Pourquoi le groupe socialiste va-t-il voter ce texte ?
D’abord, tout simplement, c’est une proposition de loi qui tranche avec les logiques mises en œuvre au cours de ce quinquennat.
Je pense, par exemple, à la loi TEPA, qui a coûté la bagatelle de 4 milliards d’euros par an aux finances publiques, soit l’équivalent de 100 000 emplois, à la casse des services publics que vous menez depuis cinq ans, aux 80 000 postes supprimés dans l’éducation nationale…
Par ailleurs, un de nos collègues parlait tout à l’heure des PME. Je veux rappeler qu’elles ne sont absolument pas concernées par ce texte… si ce n’est qu’il constituerait une protection pour elles puisqu’elles sont souvent les victimes des délocalisations. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Michel Vergoz. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Je veux rappeler que c’est tout de même votre gouvernement qui a institué le statut de l’auto-entrepreneur, qui légalise, voire institutionnalise la concurrence déloyale ! Alors, de qui se moque-t-on donc ?
Monsieur le ministre, le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été le quinquennat des actionnaires,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Du fiasco !
M. Ronan Kerdraon. … des riches. En revanche, pour les salariés, cela a été le quinquennat des désillusions.
Eh bien, le texte que nous examinons ce matin…
M. René-Paul Savary. C’est un texte d’illusions !
M. Ronan Kerdraon. … répond à ce que j’oserai appeler l’injonction d’un élu local, Pascal Allizard, maire de Condé-sur-Noireau, vice-président du conseil général du Calvados, qui n’appartient ni au Parti socialiste, ni au Parti communiste, ni au Front de gauche, ni au RDSE, ni aux Verts, mais tout simplement à l’UMP, qui a dit, à propos du départ d’Honeywell de sa commune : « Il me semblerait justifié que le législateur s’empare de la jurisprudence et grave dans le marbre de la loi […] l’interdiction des licenciements boursiers. »
Cette seule citation suffit à expliquer que nous votions la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.