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Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et la commission des affaires européennes ont respectivement proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Anne-Marie Escoffier membre suppléant et Mme Karine Claireaux membre titulaire de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

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Dossier législatif : projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports
Discussion générale (suite)

Réforme des ports d'outre-mer

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du Gouvernement, des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports (texte de la commission n° 329, rapport n° 328).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.

Mme Odette Herviaux, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 26 janvier dernier, la Haute Assemblée a adopté le projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer, après avoir modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale sur plusieurs points, mais sans remettre en cause les grandes orientations de cette réforme.

La commission mixte paritaire réunie le 1er février dernier pour examiner les dispositions du texte restant en discussion a abouti à un accord. Le texte issu de ses travaux constitue bien entendu un compromis. Nous aurions certes préféré que nos collègues députés reprennent à leur compte toutes les modifications introduites par la Haute Assemblée. Pour autant, la procédure parlementaire ne peut aboutir que si chaque chambre accepte de rapprocher son point de vue de celui de l’autre. À cet égard, je me réjouis donc que plusieurs dispositions d’origine sénatoriale aient été maintenues par la commission mixte paritaire.

Je souhaite, en préambule, souligner l’excellente atmosphère qui a régné au cours des travaux de la commission mixte paritaire, menés sous la houlette de M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, que je tiens à saluer, et du président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, M. Daniel Raoul, que je remercie tout particulièrement du soutien appuyé qu’il m’a apporté tout au long de mes travaux.

Je souhaite également rendre hommage à mon homologue de l’Assemblée nationale, M. Daniel Fidelin, avec qui les échanges ont été francs et fructueux. Nous avons eu, cela ne surprendra personne, des désaccords sur certains aspects du texte, mais nous souhaitions tous les deux que cette réforme puisse aboutir le plus rapidement possible. L’ouverture d’esprit et le sens des responsabilités de chacun ont donc permis de parvenir à un accord.

Sans revenir aujourd’hui en détail sur le contenu du projet de loi, je présenterai les grandes lignes de l’accord obtenu en commission mixte paritaire.

Sur la réforme des ports d’outre-mer proprement dite, deux apports importants du Sénat ont été maintenus. Les deux dispositions concernées sont en lien direct avec la problématique des prix, particulièrement sensible dans nos outre-mer. Intimement liée à l’organisation portuaire, elle a en effet été à l’origine de la grave crise sociale de 2009.

D’une part, la CMP a maintenu une disposition introduite sur l’initiative de notre collègue Serge Larcher et des membres ultramarins du groupe socialiste du Sénat, prévoyant que le conseil de développement des futurs grands ports maritimes ultramarins comprendra au moins un représentant des consommateurs.

La présence de ces derniers au sein de cette instance, alors qu’ils sont absents, ce que je regrette, de celles des grands ports maritimes hexagonaux, permettra notamment de prendre en compte la problématique des prix dans la définition de la politique tarifaire des ports.

D’autre part, l’article 2 bis, introduit sur mon initiative, qui consacre l’existence des observatoires ultramarins des prix et des revenus et précise leur compétence en matière de transparence des coûts de passage portuaire, a été maintenu. La portée symbolique de cette disposition est, à mes yeux, très importante.

La CMP a également maintenu une modification introduite sur proposition de notre collègue Jacques Cornano, visant à préciser quelles collectivités territoriales seront consultées pour la désignation des personnalités qualifiées appelées à siéger au conseil de surveillance des futurs grands ports maritimes ultramarins.

D’autres dispositions insérées par la Haute Assemblée n’ont, en revanche, pas été retenues par la CMP.

Il en est ainsi de la modification de la composition du conseil de surveillance des grands ports maritimes ultramarins. Le Sénat avait notamment adopté une solution, à mon sens équilibrée, pour ce qui concerne le port de la Guadeloupe, lequel, je le rappelle, est réparti sur cinq sites différents. Cette solution permettait de renforcer la représentation des collectivités territoriales guadeloupéennes. À ce sujet, je regrette l’interprétation restrictive de l’article 73 de la Constitution faite par le Gouvernement et par les députés.

De même, sans surprise, les rapports sur la maîtrise des coûts et sur le port de Mayotte prévus par le Sénat ont été supprimés. Monsieur le ministre, cette suppression ne doit pas pour autant empêcher le Gouvernement de s’intéresser de près, en liaison avec le conseil général de Mayotte, à la situation du port de Longoni, qui doit faire face à des problématiques très spécifiques, même s’il ne s’agit pas d’un grand port maritime d’État.

Enfin, la CMP est revenue sur la disposition prévoyant que les membres du conseil de surveillance des futurs grands ports maritimes ultramarins seraient choisis, le cas échéant, au sein des structures existantes regroupant les professionnels.

Cette disposition visait plus particulièrement la Martinique, qui a, en quelque sorte, anticipé la réforme en instituant le comité de suivi et observatoire du port, le CSOP. Comme l’a indiqué notre collègue député Serge Letchimy au cours de la discussion en CMP, la suppression de cette disposition ne remet cependant en aucune manière en cause l’existence du CSOP, et donc les initiatives très intéressantes prises en Martinique.

Cette réforme est, comme je l’ai souligné au cours de notre discussion du 26 janvier dernier, essentielle pour nos outre-mer. Elle est très attendue par les acteurs locaux et apparaît globalement consensuelle. Je me réjouis donc qu’elle puisse, quatre ans après la réforme des ports hexagonaux, entrer en vigueur, d’autant que, au terme de la procédure parlementaire, le texte comporte plusieurs dispositions d’origine sénatoriale.

Comme je l’ai également indiqué lors de la première lecture, je souhaite, monsieur le ministre, que les préfigurateurs soient nommés le plus rapidement possible après la promulgation de ce texte.

Une nouvelle étape s’ouvrira en effet dans les prochaines semaines, marquée, dans trois des quatre ports relevant du champ du projet de loi, par les discussions relatives aux conditions du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie et des services de l’État concernés. La nomination rapide de préfigurateurs permettra aux personnels, qui s’interrogent légitimement, de disposer d’un interlocuteur à même de répondre à leurs questions.

S’agissant du second volet du projet de loi, à savoir les six articles visant à prévoir la mise en œuvre, par voie d’ordonnances, de textes européens, la CMP a rétabli les dispositions que la Haute Assemblée avait supprimées.

Pour autant, députés et sénateurs ont fait part de leur agacement devant la méthode utilisée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, ainsi que, je pense pouvoir l’affirmer, bon nombre de parlementaires de toutes sensibilités, jugent que les arguments utilisés pour justifier l’insertion de tels articles dans le texte ne sont pas recevables.

Il n’est par ailleurs plus acceptable que le Gouvernement excipe de l’urgence pour justifier la transposition de textes européens par voie d’ordonnances, alors que, très souvent, il est lui-même responsable du retard pris.

Ce texte constitue une nouvelle illustration des défaillances de sa méthode de transposition des textes européens. Dois-je rappeler que, en 2010, nos collègues Emorine, Bizet et Longuet avaient dû, en raison même de ces défaillances, déposer une proposition de loi afin d’accélérer la transcription en droit national de plusieurs textes européens ? Le rapporteur de l’Assemblée nationale lui-même a été particulièrement clair sur le sujet.

Pour autant, dans un esprit de responsabilité, afin de ne pas retarder la réforme des ports d’outre-mer et d’éviter à notre pays d’être condamné par la Cour de justice de l’Union européenne à payer des amendes importantes, la majorité sénatoriale ne s’est pas opposée au rétablissement de ces articles en CMP.

Néanmoins, monsieur le ministre, certaines questions de fond demeurent. Ainsi, je souhaite vous interroger, à la suite des débats qui se sont déroulés en CMP, sur l’article 8 du présent texte.

Au cours de nos travaux, de nombreuses personnalités ultramarines se sont inquiétées de l’inadaptation à la situation de nos outre-mer du dispositif de cet article, notamment en matière de formation des transporteurs routiers. Pouvez-vous nous confirmer que des adaptations seront bien prévues pour l’application de ces dispositions outre-mer ?

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que la Haute Assemblée adoptera à l’unanimité le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, lequel constitue sans aucun doute une avancée pour nos outre-mer et pour leurs ports, qui en sont le véritable poumon économique. En le votant, le Sénat marquera une fois encore son profond attachement à nos outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser l’absence de mes collègues Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, qui auraient souhaité pouvoir participer à l’adoption définitive de ce texte.

C’est avec solennité et satisfaction que j’aborde cette ultime séance publique consacrée au projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer, après son examen en commission mixte paritaire : avec solennité, parce que je suis persuadé que cette réforme est porteuse d’espoir et de développement pour nos ports ultramarins ; avec satisfaction, parce que cette réforme fait consensus, ce dont je me félicite.

Je remercie la Haute Assemblée de la qualité de ses débats sur ce texte ; ils ont toujours été constructifs. Madame le rapporteur, le Gouvernement a apprécié l’attention que vous avez portée à l’expression des positions des différentes parties prenantes et le souci que vous avez manifesté d’aboutir à un projet qui soit le plus adapté possible aux réalités ultramarines. Ayant moi-même, dans le passé, présidé des commissions mixtes paritaires, je sais que votre tâche n’était pas facile : il est généralement impossible d’obtenir un consensus en tous points, chacun doit faire un pas vers l’autre pour aboutir à un résultat satisfaisant. Je remercie également le président Daniel Raoul, qui a largement contribué au succès de cette CMP, tout comme le président Serge Grouard et le rapporteur de l’Assemblée nationale, Daniel Fidelin. Au-delà des clivages politiques, députés et sénateurs se sont mis d’accord sur un texte qui emporte l’adhésion de tous, en premier lieu celle de nos compatriotes d’outre-mer. C’est là l’essentiel !

Cette réforme constitue une étape cruciale pour le développement de la compétitivité de nos quatre ports ultramarins. Elle va leur permettre de mieux s’intégrer dans leur environnement régional et de mieux répondre aux exigences de performance qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.

Cette réforme représente également un élément essentiel de la politique de développement de nos territoires ultramarins, car elle autorisera une meilleure synergie des différents acteurs de la place portuaire, l’optimisation de l’utilisation des infrastructures et une bonne maîtrise des tarifs.

Vous l’avez noté, les ports sont au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement outre-mer. Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu crucial pour le maintien de la stabilité sociale de ces territoires.

Les échanges sur ce projet de loi ont ainsi principalement porté sur la gouvernance, sur la problématique du contrôle des prix et sur les ordonnances.

S’agissant de la réforme portuaire, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à une vision partagée, garantissant l’équilibre de la réforme voulue par le Gouvernement, tout en intégrant les adaptations nécessaires que vous avez souhaitées.

La rédaction actuelle du projet de loi maintient en effet la présence d’au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement des futurs grands ports maritimes ultramarins, disposition à laquelle le Sénat était particulièrement attaché.

Le texte institue également un observatoire des prix et des revenus pour les grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique.

En outre, il précise que seules les collectivités territoriales situées dans la circonscription du port seront amenées à formuler un avis sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens néanmoins à attirer votre attention sur les difficultés posées par cette disposition. Comme vous le savez, les chambres de commerce et d’industrie sont des établissements publics nationaux qui ne peuvent, en aucune façon, être soumis à la tutelle des collectivités locales, car cela reviendrait, en quelque sorte, à créer une forme de tutelle de celles-ci sur l’État.

Conditionner, par un avis préalable des collectivités territoriales, dont ces établissements ne dépendent pas, la désignation de représentants des chambres de commerce et d’industrie des départements d’outre-mer au conseil de surveillance des grands ports maritimes crée clairement un risque d’inconstitutionnalité, que le Gouvernement aurait souhaité écarter. Tel était le sens de l’amendement que le Gouvernement avait présenté au Sénat, mais qui a été rejeté et n’a pas été repris dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Madame le rapporteur, vous avez évoqué la suppression du rapport sur la situation du port de Longoni, à Mayotte, dont le Sénat avait souhaité l’élaboration. En tant que président de commission à l’Assemblée nationale, je me suis battu pendant vingt-cinq ans contre les demandes de rapport, qui sont beaucoup trop nombreuses. Je comprends donc que ce rapport ait été refusé, mais sachez que le Gouvernement sera attentif à l’évolution de ce port. De toute façon, le Sénat dispose des moyens de contrôler que la loi est bien appliquée.

En termes de calendrier, en raison de la nécessaire coordination entre la mise en place de la convention collective nationale unifiée « ports et manutention », le travail des préfigurateurs et la préparation opérationnelle des différents grands ports maritimes, la mise en œuvre de la réforme, qui implique la rédaction de sept décrets d’application, dont cinq en Conseil d’État, est prévue pour le 1er janvier 2013 au plus tard.

Je me félicite de l’attitude responsable des membres de la commission mixte paritaire, qui ont su mesurer l’importance qu’il y a à habiliter le Gouvernement à transposer six textes européens par ordonnances. Madame le rapporteur, vous avez réalisé un travail remarquable, que je tiens tout particulièrement à saluer.

La position ainsi adoptée permettra à la France d’honorer ses engagements à l’égard de ses partenaires européens et de lui éviter, corrélativement, de lourdes sanctions financières, dont la mise en œuvre était très proche, en particulier pour l’un des textes concernés.

Le Gouvernement va ainsi pouvoir publier très rapidement ces ordonnances, notamment celle qui permettra la transposition des dispositions prévues par la directive 2002/15/CE en vue d’étendre aux conducteurs routiers indépendants les règles en matière de temps de travail actuellement applicables aux travailleurs salariés.

Je souhaite que la méthode de travail convenue entre le Gouvernement et le Parlement, sur la base des éléments présentés par mon collègue Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes, lors du conseil des ministres du 27 juillet 2011, renforce à l’avenir la participation du Parlement au processus d’intégration du droit européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la réforme portuaire de 2008, les ports ultramarins n’ont pas été pris en considération, en raison de la disparité de leurs statuts. Il est vrai que, à l’exception de celui de la Guadeloupe, les grands ports ultramarins étaient tous concédés à des CCI, alors qu’il existait déjà en métropole des ports autonomes.

Pourtant, cette réforme a été essentielle pour le développement de nos infrastructures portuaires, à l’heure où 90 % du commerce mondial se fait par voie maritime. La France a des atouts qu’elle sous-exploite et pour lesquels elle sous-investit, mais le déclassement des ports français n’est pas une fatalité. Aussi les réformes structurelles et de gouvernance ne peuvent-elles qu’annoncer une amélioration de leur activité et de leur compétitivité.

Le groupe de l’Union centriste et républicaine est donc tout à fait favorable à l’extension de l’application des principes de la réforme de 2008 aux ports ultramarins. Je suis persuadée qu’une clarification de la gestion et des responsabilités favorisera une meilleure réactivité et une plus grande compétitivité dans la concurrence mondiale qui prévaut au sein du secteur du transport maritime.

Le présent projet de loi est donc bienvenu. Le seul regret que nous formulerons tient au fait que l’on ait attendu quatre ans pour mettre les ports d’outre-mer au diapason de ceux de métropole. On aurait en effet dû les intégrer dans le mouvement de modernisation portuaire engagé en 2008, quitte à prendre des mesures législatives différentes de celles qui sont applicables en métropole, comme l’autorise l’article 73 de la Constitution.

Je pense notamment aux modalités d’exploitation des outillages et à la composition du conseil de surveillance, les CCI ayant outre-mer un poids un peu plus important qu’en métropole dans les instances de gouvernance. Les spécificités inhérentes à la situation locale justifient des adaptations.

Cependant, je reconnais que le nouveau statut de ces ports reste, sur certains points, largement dérogatoire de celui des ports maritimes métropolitains, ce qui justifie un traitement « à part ». Le choix de maintenir les infrastructures portuaires au niveau des établissements publics nationaux, et non locaux, est une illustration de la différence majeure qui existe entre le nouveau statut des ports ultramarins et celui des ports métropolitains. Mais pouvait-on se permettre de « perdre » quatre ans, pendant lesquels la compétitivité des ports ultramarins n’a cessé de se dégrader ? Nous ne le croyons pas.

Il était opportun de moderniser la gouvernance des ports ultramarins au regard de leur situation stratégique et de la nécessité de tirer profit du dynamisme du commerce maritime international, transitant notamment par le canal de Panama. Les nombreuses difficultés de gestion sévissant dans les ports ultramarins imposaient, en outre, de rééquilibrer la composition des organes de gouvernance et de clarifier leurs missions.

Je tiens à saluer le soutien unanime des membres de la commission mixte paritaire à la création, sur l’initiative du Sénat, d’observatoires des prix et des revenus dans les outre-mer, dont la mission est étendue à l’analyse des coûts de passage portuaire. Ils constitueront un élément d’analyse et de suivi pertinent de la compétitivité des ports ultramarins, ainsi qu’un gage de transparence de leur gestion.

L’habilitation du Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances à la transposition de six directives représente le second aspect essentiel de ce texte.

La commission de l'économie du Sénat avait supprimé les articles introduits par voie d’amendements gouvernementaux lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. La méthode consistant à recourir à des cavaliers législatifs afin de transposer des directives à la veille de l’expiration du délai prévu est très discutable. Je ne suis donc pas surprise que la majorité sénatoriale s’y soit opposée. Pour autant, je salue leur réintroduction dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, car la transposition de ces directives revêt une importance capitale. Elles visent à faciliter la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur de l’Union ; je pense notamment à celle qui tend à créer un espace maritime sans barrières et à réduire la charge administrative pesant sur les compagnies maritimes.

De même, la directive relative au déploiement de systèmes de transport intelligents et d’interfaces avec d’autres modes de transport vise à favoriser la mise en place de services interopérables dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est une chance à saisir pour nos services de transport et de logistique. La mise en œuvre de cette directive devrait stimuler la construction, en France et dans les autres pays de l’Union, d’infrastructures multimodales de transport.

La politique des transports de marchandises est un enjeu crucial pour les prochaines décennies, d’un point de vue non seulement économique, mais aussi écologique. On ne pourra substituer à la route d’autres modes de transport que si l’on dispose de systèmes intelligents et d’interfaces performantes.

Outre l’intérêt au fond qu’il y a à transposer ces directives, je souligne que la France, eu égard à l’état de ses finances publiques, n’a actuellement pas les moyens de payer des amendes à Bruxelles pour défaut de transposition des directives.

M. Patrick Ollier, ministre. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine soutiennent pleinement les dispositions du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Paul Vergès, qui aurait aimé être présent parmi nous aujourd’hui. La benjamine de cette assemblée s’exprimera donc au nom de son doyen ! (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. Le présent projet de loi nous a été présenté par le ministre chargé des transports, M. Thierry Mariani, comme étant « le fruit d’une concertation préalable approfondie que Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, [a] menée avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée ».

Nous en avons pris acte. Il est vrai que ce texte est attendu avec une grande impatience par toutes les communautés portuaires d’outre-mer, notamment à la Réunion.

Néanmoins, je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme Herviaux sur le désengagement de l’État de la gestion de nos ports : le fait que ce dernier n’ait assuré aucun contrôle de l’activité des concessionnaires a eu pour conséquence l’application de tarifs portuaires sans rapport avec les coûts réels, donc un renchérissement des prix outre-mer. La responsabilité de l’État dans le niveau élevé du coût de la vie outre-mer est ainsi soulignée de manière tout à fait remarquable.

En ce sens, l’article relatif aux observatoires des prix et des revenus dans les outre-mer, que la majorité sénatoriale a proposé d’introduire dans le texte, représente un élément essentiel. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont d’ailleurs partagé notre analyse et choisi de le maintenir.

Il s’agit d’un pas supplémentaire dans la longue lutte que mènent les ultramarins pour connaître les mécanismes de formation des prix. L’actualité récente, à la Réunion, illustre cet état de fait : alors que les compagnies pétrolières engrangent des bénéfices colossaux, le prix du carburant à la pompe ne cesse d’augmenter. Ce problème concerne d’ailleurs l’ensemble de la société, les professionnels de la route comme les particuliers, lesquels sont contraints d’emprunter leur véhicule pour se déplacer, faute d’un réseau de transport collectif opérationnel et digne de ce nom. L’abandon du projet tram-train par la présidence régionale actuelle sera, à cet égard, lourd de conséquences.

La question du coût de la vie est un chantier qui reste encore à déblayer : la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane pourront-elles, un jour, identifier objectivement les causes de la cherté de la vie ? Pourront-elles intervenir afin de démanteler les monopoles ou oligopoles ou de lutter contre la constitution de rentes de situation ? Il s’agit d’une situation qui n’a que trop duré et dont le traitement devra être au cœur des préoccupations dans les prochains mois.

Néanmoins, il y a dans ce texte des dispositions que nous ne pouvons accepter : je pense aux articles visant à permettre au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens concernant le domaine des transports routiers et celui de l’aviation civile, mais en aucun cas la réforme de la gouvernance des ports ultramarins, qui est l’objet même de ce projet de loi.

Le Gouvernement nous a expliqué qu’il s’agissait pour la France « de respecter ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens » et d’éviter « d’être condamnée pour défaut de transposition ». Il s’agit donc d’éviter toute sanction financière, ce qui, je vous l’accorde, monsieur le ministre, n’est peut-être pas superflu, au vu de l’état actuel des finances nationales…

Cela étant, il était de la responsabilité du Gouvernement de transposer ces directives européennes en temps et en heure. Plus largement, force est de constater que les retards dans la transposition de directives européennes ne concernent pas seulement l’outre-mer.

Si ce projet de loi est tout à fait acceptable sur le fond, sa cohérence est compromise par le rattachement de nombreux articles n’ayant aucun rapport avec son objet !

Or, il aura fallu quatre ans pour que soit élaboré le texte permettant à nos ports ultramarins d’entrer dans le cadre commun des grands ports nationaux et de bénéficier d’une nouvelle gouvernance.

Monsieur le ministre, nous avons déjà accumulé trop de retard. Nous allons donc voter ce texte, parce qu’il est attendu par les professionnels et les partenaires sociaux et parce que nous avons toujours privilégié l’intérêt général. L’essentiel est bien d’assurer la mise en place d’une nouvelle gouvernance, répondant aux objectifs de développement de nos ports.

Nous tenons à vous le rappeler solennellement : il nous appartient, à nous parlementaires, de nous prononcer sur le processus décisionnel européen et sa traduction législative. En aucun cas, nous ne pouvons nous accommoder de cette pratique du recours aux ordonnances. Il y va du respect de la représentation parlementaire et de ses prérogatives ! (Mme la rapporteur applaudit.)