M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Rebsamen, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je m’exprime ici en tant que présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur Maurey, je vous demande de mesurer vos propos. (Exclamations sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. C’est juste !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, je n’accepte pas que l’on puisse dire que la commission aurait « bâclé » son travail. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
La commission des affaires sociales s’est réunie mercredi dernier pour examiner la proposition de loi garantissant le repos dominical. Mme Debré a d’ailleurs admis que la commission avait amélioré le texte qui lui était présenté.
Mme Isabelle Debré. Pas du tout !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le débat fut très intéressant. Chaque amendement a bénéficié du temps qu’il fallait pour être étudié. Les membres du groupe UCR présents lors de la réunion peuvent d'ailleurs en témoigner. Mme Dini en fait partie : elle pourra le confirmer.
Les sénateurs du groupe UMP m’ont annoncé en début de réunion qu’ils ne prendraient part ni aux votes ni aux discussions. C’est leur droit, et j’ai respecté ce choix. Cela n’a pas empêché le débat d’avoir lieu sur chacun des amendements. Différentes propositions de modifications du texte ont été étudiées, notamment une qui émanait de M. Kerdraon.
Essayer d’apporter des améliorations, autant que faire se peut, aux propositions ou aux projets de loi qui seront ensuite discutés en séance publique me semble être l’honneur du travail parlementaire. C’est ce que notre commission a fait !
Dire que le travail de la commission a été « bâclé » est extrêmement désagréable et méprisant à l’encontre de l’ensemble des sénateurs qui étaient présents lors de cette réunion.
Je vous demande donc, Monsieur Maurey, de retirer vos propos. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a le droit de s’exprimer ! Vous ne supportez pas la critique !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les membres de la commission ne méritent pas cela. Même les membres du groupe UMP qui y siègent ne pourront pas prétendre pas que le travail a été bâclé !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ils n’ont certes pas voulu prendre part aux discussions, mais cela ne regarde qu’eux.
En ce qui me concerne, je pense que le travail a été mené correctement. Je n’accepterai pas d’entendre de tels propos, qui sont inadmissibles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Souffrez tout de même que l’on ne pense pas comme vous !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour un rappel au règlement.
Mme Isabelle Debré. Mon rappel au règlement porte sur les interventions de deux de nos collègues.
Monsieur Maurey, je confirme vos propos : le travail en commission n’a pas été fait correctement. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Nous n’avons procédé à aucune audition.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pour la loi Mallié non plus !
Mme Éliane Assassi. Prenez un peu de hauteur, madame Debré !
Mme Isabelle Debré. Nous ne pouvons pas traiter d’un sujet de cette importance, qui touche un problème de société véritablement crucial, en une heure.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est mensonger et honteux. Vous n’avez pas le droit de parler ainsi de la commission !
Mme Isabelle Debré. Comme je l’ai souligné en commission, si nous n’avons pas voulu prendre part au vote ni discuter des amendements, c’est pour une raison simple : nous proposions des amendements de suppression et vous nous avez annoncé d’emblée qu’ils recevraient, de toute façon, un avis défavorable.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Merci de le dire !
Mme Isabelle Debré. De plus, si vous tenez à tout dire, nous avons commencé à étudier ces amendements à une heure moins le quart de l’après-midi, alors que nous étions censés le faire à partir de midi.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne parle pas de cette réunion, mais de celle de la semaine dernière !
Mme Isabelle Debré. Les travaux de la commission ne respectent jamais les horaires fixés, comme les travaux en séance publique d’ailleurs.
Je voudrais répondre aussi à M. Rebsamen, dont j’ai beaucoup apprécié l’intervention. Je suis d’accord pour dire que les débats, au Sénat, étaient riches et respectueux.
J’ai été rapporteur de la proposition de loi Mallié en 2009. Cela a représenté pour moi un moment très fort. Tout d'abord, l’hémicycle était presque complet. Ensuite, tous les membres de notre assemblée se respectaient. Vous pouvez d’ailleurs relire les comptes rendus intégraux des débats de l’époque : il n’y a jamais eu d’invectives ni de manque de respect, au contraire de ce qui s’est passé aujourd'hui. C’est pourquoi, madame la présidente, j’invoque une fois de plus l’article 40 du règlement du Sénat.
On peut porter un regard différent sur la société et avoir des avis divergents. Mais on peut aussi, sinon s’aimer, du moins se respecter ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. Madame Debré, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Rebsamen, au Sénat, les jours se suivent et se ressemblent : dans la nuit de lundi à mardi dernier, nous avons aussi pris notre temps, puisque nous avons achevé l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 à trois heures du matin. Cela témoigne de la tradition de dialogue républicain, parfois empreint de fermeté, mais toujours respectueux – ce point me semble particulièrement important – qui est celle de la Haute Assemblée.
Pour ma part, je n’ai pas à me prononcer sur l’organisation des travaux en commission, ni sur les temps de parole accordés aux groupes dans le cadre des niches parlementaires. Comme tout membre du Gouvernement, je suis à la disposition du Sénat.
Toutefois, permettez-moi de faire remarquer que la commission des affaires sociales a permis d’éviter que la facture ne soit encore plus lourde pour les salariés.
Mme Isabelle Pasquet. Cela prouve que la commission a travaillé !
M. Xavier Bertrand, ministre. À l’origine, c’étaient 260 000 salariés qui devaient voir leur pouvoir d’achat amputé. Au final, ils seront 250 000 à être concernés ! La commission a en effet considéré que l’intégration dans son dispositif des PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, serait une erreur, faisant ainsi preuve de bon sens. Mais elle n’est pas allée jusqu’au bout de son raisonnement, hélas !
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez parlé tout à l'heure de « hargne ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dites plutôt d’agressivité !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si ce texte est adopté en l’état, c’est la colère des salariés concernés que vous déclencherez ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels salariés ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J’ai demandé aux services de mon ministère d’évaluer les effets du dispositif que vous proposez ; la commission pourra tout aussi bien y procéder.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels services ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Les choses sont claires : si votre texte est appliqué en l’état, chaque salarié concerné dans les zones touristiques verra son salaire amputé au minimum – je dis bien « au minimum », car il faudrait faire le calcul : dans certains cas, les heures du dimanche sont majorées de 25 %, bénéficient d’exonérations de charges sociales et sont exonérées de l’impôt sur le revenu ! – de 250 euros par mois. Voilà la face cachée du texte que vous proposez ! (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
De plus, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, la majorité du Sénat a voté la suppression des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires prévues dans la loi TEPA. Or ce sont plus de 9 millions de salariés qui bénéficient de ce dispositif. Tout cela constitue, à mes yeux, un recul inqualifiable, un scandale ! Voilà pourquoi j’espère que ce texte ne sera pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. François Rebsamen. Je demande la parole, madame la présidente.
M. Patrice Gélard. Sur quel article se fonde ce nouveau rappel au règlement ?
M. François Rebsamen. J’aimerais répondre à M. le ministre, qui a fort courtoisement cité mon nom.
M. François Rebsamen. Certes…
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, l’opposition au Gouvernement présente des propositions de loi et défend des amendements, mais c’est tout à fait normal dans un débat démocratique. Et le Sénat sert aussi à cela ! Aujourd'hui, deux conceptions différentes s’affrontent, et je puis vous dire que la situation ne va pas s’améliorer dans les mois qui viennent. En effet, il est normal que les Françaises et les Français soient éclairés sur les orientations des uns et des autres.
M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, vous venez d’affirmer que la suppression de l’article 1er de la loi TEPA était une catastrophe.
Nous pensons, au contraire, que cet article constitue une erreur économique majeure. Autant on pouvait, à la rigueur, imaginer une exonération des heures supplémentaires dans une période de croissance et de plein emploi, autant cela nous semble aujourd'hui constituer une erreur économique, qui empêche d’embaucher et de lutter contre le chômage ; bref, c’est un dispositif qui bloque, vous le savez très bien, les créations d’emplois.
Le groupe socialiste-EELV continuera, en liaison avec le groupe CRC et le groupe du RDSE, à défendre des propositions de loi pour montrer les orientations stratégiques qu’il veut mettre en place : plus de justice fiscale et de justice sociale !
En effet, nous considérons que le Gouvernement met aujourd'hui à mal la justice fiscale et la justice sociale. Nous le ferons dans le respect,…
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas le cas de tout le monde !
M. François Rebsamen. … mais avec fermeté, conformément à la position que vous venez de défendre, monsieur le ministre. Je tiens d’ailleurs à souligner que, si de tels débats ont tout à fait leur place ici au Sénat, nous devrions-nous peut-être mieux maîtriser, les uns et les autres, nos interventions... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Isabelle Debré et M. André Reichardt applaudissent également.)
Mme Isabelle Debré. Parfaitement !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Rebsamen, vous venez de mettre en cause la politique du Gouvernement sur un sujet qui n’a pas de lien direct avec le texte que nous examinons.
M. François Rebsamen. C’est vous qui en avez parlé !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est un fait : la justice fiscale et la justice sociale sont mises à mal par la nouvelle majorité sénatoriale, que ce soit au travers de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ou d’autres mesures ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
On vous dit pragmatique dans la ville dont vous êtes le maire… Pourquoi êtes-vous différent ici ?
M. Didier Guillaume. Il ne change pas ! Il s’améliore même !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous êtes pragmatique sur le terrain pour une seule et bonne raison : vous savez quelle est la réalité de l’entreprise.
Dans une entreprise de dix salariés, par exemple, le chef d’entreprise pourra proposer à huit ou neuf de ses employés – en effet, sont plus concernées par les heures supplémentaires les personnes qui sont à la production que celles qui sont au secrétariat – de faire deux heures supplémentaires. Pour autant, il ne recrutera pas quelqu’un d’autre pour travailler seize heures ! Il y a à cela une simple et bonne raison : le travail n’est pas un gâteau qui se partage !
La dernière fois qu’a été avancé l’argument du partage du travail, ce fut lors du passage obligatoire aux 35 heures, ce carcan incroyable qui a failli tuer l’économie française. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous avez parlé de justice fiscale, mais ce sont, vous devez le savoir, non pas les millionnaires qui font des heures supplémentaires,…
M. François Rebsamen. C’est sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. … ni même les cadres supérieurs, mais les ouvriers et les employés. Telle est la réalité !
À cet égard, les salariés ne volent le travail de personne : leur salaire est le leur, tout comme l’est la majoration de rémunération versée au titre des heures supplémentaires. Sur le terrain, je vous souhaite bien du courage pour expliquer votre position.
Pour ma part, je visite toutes les semaines des entreprises et, récemment, lors d’un déplacement en Haute-Saône, on m’a demandé si le Gouvernement allait maintenir la majoration versée au titre des heures supplémentaires. Ma réponse a été claire : oui ! Les 35 heures ont empêché les salariés de gagner davantage,…
M. Michel Vergoz. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?
M. Xavier Bertrand, ministre. … mais il est vrai que nous n’avons pas la même conception à cet égard. En tout cas, si vous continuez à remettre en cause ces avantages pour les salariés, vous nous trouverez sur votre chemin !
Un fait me marque : la gauche fait preuve ici d’un véritable esprit de revanche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais je vais vous dire une chose, mesdames, messieurs les sénateurs : vous n’êtes pas encore arrivés aux responsabilités, et les Français commencent à ouvrir les yeux sur la politique du parti socialiste. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On n’est pas à un congrès de l’UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
Toutefois, mes chers collègues, je tiens à vous faire remarquer que nous avons un ordre du jour à respecter, et cela en vertu de la conférence des présidents…
Mme Isabelle Debré. Sur quel article se fonde votre intervention ?...
M. Didier Guillaume. Sur celui que vous voudrez, ma chère collègue ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je ne vais pas clore ce débat, car je sais qu’il se poursuivra. Permettez-moi de remercier la présidente de la commission des affaires sociales, notre collègue Annie David, d’avoir défendu, selon ses convictions, ce texte. D’ailleurs, ainsi que l’a souligné François Rebsamen, la Haute Assemblée a pour mission de déposer des textes et d’en débattre.
Mme Isabelle Debré. Dans le respect !
M. Didier Guillaume. Certes, mais les torts comme les qualités sont partagés !
Mme Isabelle Debré. Pas vraiment !
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas, d’un côté, les vertueux et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas ; pas plus qu’il n’y a, d’un côté, les réalistes et, de l’autre, les utopistes, ou ceux qui connaissent le terrain et ceux qui ne le connaissent pas ! La Haute Assemblée compte 348 sénateurs : tous ont les mêmes responsabilités et sont des acteurs de terrain.
Je veux rendre hommage à Mme David, qui a décidé, en accord avec ses convictions politiques, je le répète, de déposer ce texte. Ce n’est pas par esprit de revanche, monsieur le ministre !
M. Didier Guillaume. Si nous souhaitons qu’une nouvelle majorité arrive aux affaires en mai prochain, ce n’est pas par esprit de revanche !
M. Didier Guillaume. Nous n’avons pas l’intention de détricoter ce que vous avez fait !
Mme Éliane Assassi. Nous voulons changer les choses !
M. Didier Guillaume. Nous souhaitons non pas tellement détricoter les lois de la droite, qui sont empreintes d’iniquité, mais retisser du lien social et mettre en œuvre, dans notre pays, comme l’a souligné notre collègue François Rebsamen, une justice sociale et une justice fiscale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous n’avons pas la même analyse que vous, mais c’est la démocratie ! Nous n’avons pas les mêmes convictions ni même – et loin de moi l’idée d’être « grossier » ! –, le même programme politique ! Dans quelques mois, les Françaises et les Français auront à choisir celles ou ceux qui leur sembleront avoir le meilleur programme.
En soutenant cette proposition de loi, nous pensons à toutes les femmes et à tous les hommes qui sont obligés de travailler le dimanche sans être payés plus, alors qu’ils pourraient être en famille.
L’une de nos collègues a évoqué tout à l'heure les familles monoparentales, qu’il ne faut pas stigmatiser d'ailleurs. Or il existe aussi des familles recomposées, et certaines mères veulent voir leurs enfants le dimanche parce qu’elles travaillent dur toute la semaine. L’objet de cette proposition de loi est non pas d’interdire le travail le dimanche, mais d’empêcher qu’il ne devienne la règle.
Mme Chantal Jouanno. C’est dans la loi !
M. Didier Guillaume. Il est possible de travailler le dimanche en vertu de certains accords, mais le travail du dimanche ne saurait être la règle.
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous avons des analyses différentes, des convictions différentes, mais il faut les respecter.
Concernant l’organisation de nos travaux, nous devons saisir la conférence des présidents qui va s’ouvrir dans quelques instants de la façon dont se déroulent les débats dans les espaces réservés aux groupes parlementaires.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas la première fois que cela se passe ainsi !
M. Didier Guillaume. Notre collègue Hervé Maurey a dit tout à l'heure qu’il ne comprenait plus la gouvernance mise en place au Sénat depuis le 1er octobre dernier. Veillons à ne pas dire n’importe quoi : on ne peut pas prétendre que l’on était dans la lumière auparavant et que l’on est dans les ténèbres aujourd'hui !
La façon dont se déroulent les discussions dans le cadre des espaces réservés décrédibilise la Haute Assemblée.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Nous sommes bien d’accord !
M. Didier Guillaume. Nous devons travailler différemment.
Quoi qu’il en soit, vous ne pourrez pas empêcher les groupes aujourd'hui majoritaires, qui étaient dans l’opposition hier, de proposer des textes fondés sur leurs convictions.
Mme Isabelle Debré. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Didier Guillaume. Nous devons débattre, et si vous n’êtes pas d’accord, votez contre ! Néanmoins, la conférence des présidents doit prévoir des temps de parole plus importants, et nous devons nous aussi, chers collègues de la majorité, respecter les règles. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Très bien ! On est d’accord !
M. Didier Guillaume. Il y va de la crédibilité de la Haute Assemblée.
Cela dit, ne nous faites pas de procès d’intention ou n’émettez pas des critiques sur tous ces sujets !
Madame Debré, vous avez parlé de la joie que vous aviez eue à être rapporteur de la proposition de loi de 2009. Mais si l’on considère l’ensemble des propositions de loi qui ont été examinées depuis une dizaine d’années, on verra qu’il y a eu de tout temps des problèmes.
Mme Isabelle Debré. Je parle de ce que je connais !
M. Didier Guillaume. Respect ! Liberté de conscience ! Liberté de conviction ! La démocratie jouera son rôle : les Françaises et les Français trancheront, car ce sont eux les arbitres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Monsieur Guillaume, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La suite de la discussion de cette proposition de loi est renvoyée à une prochaine séance.
7
Abrogation du conseiller territorial
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (proposition n° 800 [2010-2011], texte de la commission n° 88, rapport n° 87).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je précise d’emblée que cette proposition de loi a été inscrite dans les temps et examinée en toute sérénité par la commission compétente.
M. Michel Delebarre. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci de le confirmer, mon cher collègue !
Dès l’inscription à l’ordre du jour des propositions issues du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur, mon groupe a pris position contre la création du conseiller territorial. Le débat parlementaire sur la réforme des collectivités locales n’a pu que nous conforter dans notre conviction.
Par conséquent, je me réjouis que cette proposition de loi déposée par mon groupe et visant à abroger le mandat de conseiller territorial ait rassemblé l’ensemble de la gauche sénatoriale. L’adoption de ce texte permettra à la démocratie de l’emporter et répondra au souhait exprimé par une majorité d’élus locaux. Le verdict est tombé avec le résultat des élections sénatoriales !
Le débat sur la réforme des collectivités locales s’est polarisé sur quelques points qui ont fortement marqué la campagne sénatoriale car, précisément, ils étaient contestés par de nombreux grands électeurs.
Il s’agit, bien sûr, de l’intercommunalité forcée, qui vient de connaître une première mise en cause avec le vote de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, et de la mise en place du mandat de conseiller territorial. Monsieur le ministre, ne vous en déplaise, ces dispositions ont pesé lourd dans le basculement à gauche du Sénat.
Les élus ont très bien compris que la réforme des collectivités locales et, en son sein, la création du conseiller territorial mettaient en cause l’existence des communes et des départements, donc la pérennité des services publics. Ils se sont sentis humiliés et méprisés. La presse a même parlé de « révolte des ruraux » !
Le Gouvernement et sa majorité auraient été mieux inspirés d’entendre les nombreuses critiques émanant des élus, y compris au sein de leur sensibilité politique.
Dès la première lecture, notre collègue Jean-Patrick Courtois, alors rapporteur de la commission des lois pour le projet de réforme des collectivités locales, avait été clair en évoquant la création du nouveau mandat de conseiller territorial : « Mes chers collègues, il s’agit là de la clef de voûte de cette réforme. »
« Clef de voûte », en effet, car il s’agit d’une disposition véritablement structurante de la réforme des collectivités territoriales voulue par le Président de la République et d’un vecteur du projet de société de l’UMP. Elle dessine une organisation territoriale qui rompt avec une très longue histoire, celle de l’autonomie communale, de la décentralisation et de la démocratie locale dans notre pays. Le conseiller territorial participe de cette déstructuration.
Le Gouvernement nous avait demandé de lui signer un chèque en blanc sur cette mesure structurante. En effet, dès décembre 2009, il portait à l’ordre du jour de notre assemblée la discussion en procédure accélérée du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, afin d’être en mesure, en 2014, de faire élire les conseillers territoriaux.
L’exposé des motifs de ce texte était explicite : « Permettre l’application de la réforme territoriale en mars 2014 ». En votant ce texte, la majorité d’alors anticipait sur les choix du Parlement, lequel n’avait pas encore débattu de la création de ces nouveaux élus.
Que ce soit sur la forme ou sur le fond, de bout en bout la démocratie a été la grande absente de la réforme des collectivités territoriales.
Voulant passer en force, le Gouvernement s’est montré sourd aux multiples critiques ou inquiétudes exprimées de toutes parts sur la création du conseiller territorial et sur son mode de scrutin.
Rappelons que, au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot, aucun accord politique ne s’était dégagé sur ce nouveau mandat. Celui-ci a également suscité l’opposition des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, ainsi que de nombreuses associations féministes soucieuses du respect de la parité.
Si j’en crois le baromètre réalisé par le Courrier des maires et des élus locaux à l’occasion du dernier congrès de l’Association des maires de France, pour 52 % des maires la création du conseiller territorial est une mauvaise chose. Seulement 31 % d’entre eux la considèrent plutôt comme positive. Toutefois, selon le Président de la République, ne s’opposeraient à cette réforme que des « conservatismes » !
La création du conseiller territorial remet en cause l’esprit de démocratisation et de proximité qui sous-tendait les lois de décentralisation de 1982. Elle constitue une régression de la démocratie locale. Ce conseiller territorial, élu bicéphale, multicarte, cumulerait les mandats aujourd’hui distincts de conseiller régional et de conseiller général.
Ce nouvel élu irait à l’encontre de l’autonomie des collectivités territoriales, car nul doute que le cumul favoriserait une confusion entre les deux niveaux de collectivités et donc le risque d’une rivalité entre intérêts opposés. Qui décidera : l’élu régional ? L’élu départemental ? Nous ne savons pas !
Quant au risque de tutelle d’une collectivité sur une autre, donc de mise en cause du principe de libre administration, il est patent. Dans ces conditions, nul doute également que nous risquons d’assister au triomphe de la technocratie.
Monsieur le ministre, vous faites régresser la proximité des élus et des décisions, alors que les Français y sont précisément attachés. Du reste, la proximité des décisions va aussi nécessairement reculer avec le nombre des élus, puisque chacun d’entre eux sera attaché à un territoire plus étendu.
De fait, avec le cumul de deux fonctions électives, vous professionnalisez le mandat de conseiller territorial, contrairement à ce qu’exigerait une représentation sincère du peuple dans les assemblées.
La démocratisation nécessaire de la vie politique suppose la participation aux mandats électifs d’un nombre beaucoup plus grand de citoyens dans leur diversité. Or, avec ce conseiller territorial, vous prenez le chemin inverse. Nos concitoyens n’ont pas fini de percevoir leurs élus comme une « classe politique » éloignée de leur réalité !
Il est donc pour le moins consternant que le Président de la République n’ait pas hésité à discréditer les élus pour tenter de justifier son objectif : en réduire le nombre.
Quant au mode de scrutin, il était initialement renvoyé à un projet de loi ultérieur prévoyant un scrutin uninominal majoritaire à un tour, à l’anglo-saxonne. Du jamais vu dans notre histoire, tant il est antidémocratique ! Et inutile de dire que, dans un tel système, la dose de proportionnelle initialement prévue de 20 % était un leurre.
Finalement adopté après moult débats et coups de force, le scrutin uninominal à deux tours constitue une attaque frontale contre le pluralisme et la parité. Le Gouvernement a, en effet, tout simplement décidé de supprimer la proportionnelle qui est actuellement en œuvre pour l’élection des conseillers régionaux et que même le comité Balladur proposait à l’origine de préserver. Ce faisant a été programmée la fin de la parité, qui était enfin devenue effective dans les régions et qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle depuis 1999.
À la fin de 2006 était soumis à notre assemblée un projet de loi tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. En introduction à son rapport, notre collègue Patrice Gélard soulignait : « Ce projet de loi constitue une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la parité. ». Certes, c’était un texte a minima, mais, depuis lors, je constate que les nouvelles étapes se parcourent à reculons !
Nous connaissons le faible impact des sanctions financières ; regardons du côté de l’Assemblée nationale ! En outre, les candidats peuvent se déclarer sans étiquette lors de l’élection, puis se rattacher à un parti ou groupement pour contourner la loi. Cette disposition est là pour masquer la question du recul à prévoir de la parité.
Sur les futurs cantons, hormis leur nombre, nous ne savons toujours rien. Nous ignorons en particulier leur configuration. En revanche, nous savons que le tableau de répartition annexé à la loi consacrera de grandes disparités dans la représentation de nos concitoyens et des territoires, au mépris de leur égalité.
Nous savons aussi qu’il y a tout lieu de craindre les découpages sur mesure, comme on l’a vu pour les circonscriptions législatives. Je note d’ailleurs que le projet de loi initialement prévu renvoyait à une ordonnance pour la répartition des conseillers par département…
En créant un bloc départements-régions, le Gouvernement fait fi d’une réalité inhérente à l’existence des deux assemblées, à savoir que l’une est une instance de proximité et l’autre une instance de programmation. Le département n’est-il pas le premier partenaire de la commune ?
En réalité, tout concourt à faire disparaître les départements. Évidemment, vous ne l’avez jamais affirmé clairement, mais vous supprimez les conseillers généraux, autrement dit l’organe délibérant du département. Vous supprimez la compétence générale de ce dernier. Vous vantez une organisation territoriale articulée autour de deux couples : un ensemble départements-régions et un pôle communes-intercommunalités. Il est évident que, à terme, l’une de chaque composante est vouée à disparaître !
La volonté du Gouvernement de supprimer le département, comme la grande majorité des communes, est bien l’un des fils conducteurs de la réforme considérée dans son ensemble. C’est ce qu’a dit encore récemment Gilles Carrez dans Le Point, me semble-t-il.
Les élus coûtent cher, il faut en diminuer le nombre, a asséné le Président de la République, faisant valoir d’hypothétiques comparaisons européennes. Toutefois, dans leur majorité, les pays européens ont une organisation à trois niveaux. Il s’agit donc d’un faux procès !
Résultat : les assemblées régionales connaîtront des effectifs pléthoriques. Il est regrettable que les auteurs de l’étude d’impact n’aient pas travaillé sur les aménagements coûteux qui seront nécessaires pour accueillir les nouveaux conseillers, ni sur l’augmentation considérable à prévoir des frais de déplacement et de suppléance des conseillers territoriaux.
Les chiffres des économies à attendre de la réforme, annoncés là encore récemment par M. Gilles Carrez, paraissent, il faut bien le dire, peu fiables ! En réalité, nous ne disposons d’aucune étude d’impact précise.
Quant aux conclusions de la commission mixte paritaire sur la réforme, elles ont été votées dans des conditions inacceptables, puisque c’est un tour de passe-passe qui a permis de conclure, alors que l’échec de cette CMP était patent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conseiller territorial et la réforme des collectivités dans son ensemble font partie intégrante d’un plan gouvernemental de réduction de dépenses publiques utiles, que nous récusons et que les élus locaux eux-mêmes ont récusé.
Toute réorganisation territoriale doit avoir pour fin la satisfaction des besoins et des aspirations de nos concitoyens, et non l’avidité des grands groupes industriels, financiers et de services, qui n’attendent qu’une chose : se voir confier toujours plus de marchés que les collectivités locales devront abandonner, faute de moyens et de compétences, si la réforme devait être mise en œuvre.
En votant pour l’abrogation du conseiller territorial, la majorité de notre assemblée permettra enfin au Sénat d’assumer le rôle qui lui est imparti par la Constitution : être le représentant des collectivités locales, autrement dit légiférer dans leur intérêt et dans celui de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)