Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Sur les travées de gauche, personne n’a pu être convaincu par l’argumentation développée par le président Arthuis, et encore moins par celle de Mme la ministre.
Le président Arthuis, avec le talent qu’on lui connaît, a décrit en termes comptables une disposition qui engage véritablement les conditions sanitaires dans lesquelles vivent les plus défavorisés. Madame la ministre, vous avez dupliqué les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale, en nous assénant une palanquée de chiffres qui, je le répète, sont faux. Allez expliquer qu’on fait dans la nuance quand un enfant sujet à des angines à répétition développe, faute d’avoir été soigné, une pathologie type Osler ! Et ne me dites pas qu’une telle situation n’est pas possible : les intervenants sur le terrain l’ont déjà vécue à plusieurs reprises !
J’ai évoqué tout à l’heure le cynisme dont vous aviez fait preuve ; votre intervention sur les amendements de suppression de l’article 3 en a encore une fois apporté la preuve, mais cette fois-ci votre cynisme est teinté d’une pointe d’indécence.
En effet, assimiler les activités des mutuelles à une niche fiscale en expliquant qu’elles ont jusqu’à présent échappé à la taxation, il fallait tout de même oser ! Très sincèrement, madame la ministre, je le répète, je ne suis pas rassuré d’entendre que vous nous donnez rendez-vous pour la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Nous assistons en quelque sorte ce soir à un tour de chauffe. J’ai entendu votre collègue M. Le Maire – il aurait mieux fait de se taire ! – dire qu’il s’engageait dans une démarche visant, d’un côté, à taxer les allocations familiales et, de l’autre, à diminuer l’indemnité chômage. S’il évoque cette piste à haute et intelligible voix, cela signifie que beaucoup parmi les vôtres y pensent très fortement.
Ce qui se passe ici aujourd’hui n’est rien en comparaison de ce qui risque d’arriver dans les semaines à venir. En réalité, madame la ministre, vous et votre majorité venez d’inventer un impôt sur la maladie. Ce faisant, vous vous inscrivez dans une démarche qui, comme l’a fait remarquer notre collègue René-Pierre Signé, est parfaitement antinomique avec celle qui est issue du programme du Conseil national de la Résistance, qui avait pour ambition de mettre la santé à la portée de toutes les Françaises et tous les Français, quelle que soit leur condition sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 32 et 39.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 276 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 277 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Article 4
I. – L’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – À la fin du I, le taux : « 2,2 % » est remplacé par le taux : « 3,4 % » ;
B. – Le II est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa, le taux : « 0,6 % » est remplacé par le taux : « 1,2 % » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« – une part correspondant à un taux de 0,6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. »
II. – L’article L. 241-2 du même code est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° La part du produit des prélèvements sociaux mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 fixée au dernier alinéa du II de l’article L. 245-16. »
III. – Les I et II sont applicables :
1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2011 ;
2° Aux produits de placement mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er octobre 2011 ;
3° À compter du 1er octobre 2011 pour l’application du IV du même article L. 136-7.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le taux :
« 3,4 % »
par le taux :
« 9,9 % ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5 (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport, avant le 1er décembre 2011, sur les avantages et les inconvénients en matière de lutte contre la fraude fiscale de signer une convention entre la République française et la Confédération suisse portant création d’une taxe forfaitaire sur les revenus de placement financier en Suisse des résidents français n’ayant pas fait l’objet de déclarations.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Les établissements bancaires et financiers étrangers qui souhaitent investir sur le territoire national leurs propres fonds ou ceux de leurs clients révèlent à l'administration fiscale l'identité de leurs clients lorsque ceux-ci sont des ressortissants français. Ils fournissent à l'administration fiscale leur identité, leur adresse, les numéros des comptes, le montant des fonds reçus, des fonds investis et le solde des comptes. Est considéré comme le compte d'un ressortissant français, tout compte détenu :
1° par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d'entreprises de statut juridique équivalent ;
2° par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l'alinéa précédent :
- détient directement ou indirectement, dans le cas d'une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d'actions ou en valeur ;
- ou, dans le cas d'un partenariat, bénéficie d'au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;
- ou, dans le cas d'une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.
Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s'appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou à l'étranger.
II. - À partir du 1er janvier 2013, si les clients français, définis selon les deuxième et troisième alinéas du I, souhaitent conserver leur anonymat, les établissements bancaires et financiers prélèvent une retenue à la source de 30 % sur le résultat des investissements.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous avons été désagréablement surpris par l’introduction à l’Assemblée nationale de ce nouvel article, à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par les députés du Nouveau Centre et ayant reçu un avis de sagesse du Gouvernement.
Cet article prévoit le dépôt d’un rapport chargé d’examiner l’opportunité pour la France de conclure avec la Suisse une convention portant création d’une taxe forfaitaire sur les revenus de placement financier des résidents français n’ayant pas fait l’objet de déclarations, autrement dit – osons l’affirmer – faisant l’objet de fraude fiscale.
J’ai bien entendu M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie assurer, la main sur le cœur, qu’il ne saurait évidemment être question de renoncer à nos principes s’ils étaient en jeu.
Mais les difficultés budgétaires et financières de notre pays ne sont pas moindres que celles de nos voisins allemand et britannique. Et il se trouve que, au mois d’août dernier, l’Allemagne, suivie de quelques jours par la Grande-Bretagne, a signé avec la Suisse un accord dit « Rubik » consistant à récupérer, à partir de 2013, quelques milliards d’euros, en abandonnant toute velléité d’échange automatique de renseignements, soit, finalement, en avalisant le secret bancaire que pratique la Suisse, et donc, d’une certaine manière, l’existence de paradis fiscaux sur le territoire européen.
Cela nous pose un problème et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui n’est pas nouveau, mais vise à reprendre la législation américaine qui tend à assurer la transparence et à permettre un échange automatique des données concernant la fiscalité des particuliers comme des entreprises. C’est l’amendement dit « FATCA », du nom de la législation américaine – Foreign Account Tax Compliance Act – que les Américains appliquent pour tous les ressortissants et pour les comptes étrangers.
Je voudrais tout de même rappeler un petit point, qui, s’il n’est pas encore resté dans l’histoire, est présent dans toutes les mémoires : en décembre 2009, l’un de vos prédécesseurs – M. Woerth, pour ne pas le citer – avait demandé aux sénateurs, dans ce même hémicycle, d’avaliser les dispositions qui, dans son bras de fer avec la Suisse, préfiguraient une sorte de police fiscale, chargée d’examiner, lors de la signature de toute convention, les échanges de renseignements fiscaux. Le groupe socialiste avait alors appuyé le ministre dans sa lutte pour la transparence. Nous ne voudrions pas qu’aujourd'hui une voie inverse soit suivie.
Je sais bien que les rentrées fiscales ne sont pas satisfaisantes. Mais je rappelle aussi que, en 2009, le Président de la République a dit : « les paradis fiscaux, c’est fini »…
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. … et que, dans ses déclarations, celui qui présidera le G20 qui se tiendra en France en novembre prochain n’a pas abandonné ce combat contre les paradis fiscaux.
Il n’y a donc pas, sur ce point, de solution alternative : il faut suivre la voie de l’échange automatique de données. Car, si vous suiviez la voie choisie par les Allemands et les Britanniques – ce qui montre, au passage, la faible coordination au sein de l’Union européenne, et même dans la zone euro, chacun agissant un peu en fonction de ses intérêts nationaux –, vous plomberiez définitivement la révision de la « directive épargne » du 3 juin 2003.
Pour ma part, j’avais cru comprendre que la France était plutôt favorable à une telle révision. Si notre pays choisit une autre voie, il n’en sera en revanche même plus question : des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche continueront à ne pas satisfaire aux obligations d’échange d’informations fiscales. Nous voulons y voir clair, et c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Dans cet hémicycle, il nous arrive très souvent de solliciter la rédaction de rapports. Le ministre nous répond toujours que ce n’est pas possible d’en produire toujours davantage.
Le calendrier du rapport nous inquiète lui aussi : aux termes de l’article, sa remise devrait intervenir avant le 1er décembre 2011. Nous avons en outre appris que le ministre avait déclaré examiner l’accord Rubik Allemagne-Suisse depuis quinze jours. Cela ne nous rassure pas du tout !
Je distingue, d’un côté, les principes, de l’autre, l’application qui en est faite. Pour notre part, nous tenons ferme sur la transparence, l’échange automatique de renseignements et la continuation de ce qui a été entrepris en 2009. Ne sacrifiez pas les principes pour un plat de lentilles ! Le renvoi à plus tard de l’examen de cette proposition serait lui aussi inquiétant.
Pour ces raisons, je souhaiterais que le Gouvernement m’explique pourquoi il a accepté le principe de ce rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout d’abord, la commission regrette que les membres de l’Union européenne ne parviennent pas à adopter des positions communes sur la lutte contre les paradis fiscaux, ces « trous noirs » de l’économie mondiale.
Il est fâcheux que l’Allemagne et le Royaume-Uni aient conclu avec la Suisse un dispositif de prélèvement à la source par les banques suisses au profit des trésors allemand et britannique. La France, dans ces conditions, se trouve décalée.
Nous avons là, au regard des enjeux de préservation de la zone euro et des problèmes monétaires auxquels nous sommes confrontés, une nouvelle illustration de la faiblesse et des inconséquences de la gouvernance européenne. Il y a manifestement un saut qualitatif à accomplir.
Madame Bricq, je voudrais vous assurer que nous sommes totalement en phase avec vos préoccupations et l’ambition qui vous anime de tout mettre en œuvre afin de pourrir la vie de ceux qui utilisent les paradis fiscaux pour échapper aux prélèvements obligatoires.
Toutefois, votre amendement est un peu compliqué. En outre, vous utilisez dans sa rédaction une expression, celle de « ressortissants français », qui ne fait pas partie de notre vocabulaire légal, lequel ne connaît que des « résidents fiscaux français ». Ce serait une innovation qui, en l’état, me paraît difficilement acceptable.
Reconnaissez par ailleurs que les dispositions très subtiles que vous avez prévues sont très compliquées et qu’il serait peut-être difficile de mettre en œuvre vos suggestions dans des conditions satisfaisantes.
Madame Bricq, il me semble enfin que l’article 5 n’est en aucune manière un ralliement du Gouvernement français à ce que les Britanniques et les Allemands ont accepté. Il ne fait que traduire un souhait exprimé par un groupe politique à l’Assemblée nationale. N’y voyons donc aucune présomption, et faisons justice d’un tel procès d’intention !
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, dont j’imagine qu’il n’est bien entendu pour Mme Bricq qu’un prétexte pour demander des explications au Gouvernement sur sa position vis-à-vis des accords conclus entre la Suisse, la Grande-Bretagne et l’Allemagne.
Que s’est-il passé à l’Assemblée nationale ? Le groupe Nouveau Centre y a exprimé le vœu que la France signe avec la Suisse un accord similaire à celui qui a été conclu par la Grande-Bretagne et l’Allemagne et a déposé des amendements en ce sens, avançant un certain nombre de motifs – je cite le Nouveau Centre – : des impératifs de rentabilité financière, mais aussi un souci de réalisme, le groupe considérant qu’il vaut mieux que les résidents fiscaux français paient des impôts en Suisse plutôt qu’ils échappent totalement à l’impôt. D’après M. Charles de Courson, il s’agissait d’amendements de morale fiscale. (Mme Nicole Bricq est dubitative.)
J’ai répondu au groupe Nouveau Centre que ni François Baroin ni moi-même n’avons en notre possession les accords tels qu’ils ont été signés par la Suisse avec les Allemands et les Britanniques. Par conséquent, il nous est évidemment difficile de parler de ces accords tant que nous n’avons pas accès à leur contenu.
Dès lors, nous ne sommes pas fermés à une discussion avec l’État suisse, dans la mesure également où ce dernier nous garantit qu’il n’y aura plus d’exilés fiscaux puisque ces derniers seront taxés pour le passé comme pour l’avenir. Telle est l’argumentation de l’État suisse.
Quant à moi, madame Bricq, je vous rappelle que le Président de la République a fait de la lutte contre la fraude fiscale un pilier de sa politique. Nous avons lutté contre l’évasion fiscale – vous avez rappelé le combat extrêmement courageux de mon prédécesseur, Éric Woerth –, nous ne renoncerons pas à ce combat. Nous serons fermes sur les principes républicains qui nous animent : nous souhaitons que les Français paient des impôts et ne se livrent pas à l’évasion ni à la fraude fiscales. Il ne sera pas question pour nous de signer un accord avec la Suisse s’il déroge à ces principes, même s’il doit rapporter de l’argent au budget de l’État !
Mme Nicole Bricq. On en reparlera !
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2011, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions surréalistes dans lesquelles s’est déroulé ce débat : nous avons été convoqués pour une session extraordinaire non prévue, nous avons discuté ce texte dans des conditions difficiles, puisqu’il a été adopté hier par l’Assemblée nationale. Le Gouvernement avait annoncé le projet de taxer les parcs d’attraction, cette taxation a été finalement reportée sur les hôtels de luxe : tout cela s’est fait dans une certaine improvisation !
Je ne vais pas m’attarder sur ces questions, car je souhaite insister sur le plan d’aide à la Grèce.
Selon M. Baroin, l’accord du 21 juillet 2011 vaut mieux que rien, c’est un fait ! Mais quand on prête de l’argent, quand on injecte des financements, il convient de se demander si de telles mesures sont suffisantes et si elles auront une utilité.
On peut sincèrement douter que la Grèce pourra rembourser sa dette. Tel est l’avis du gouvernement grec lui-même, puisqu’il reconnaît que cette dette est « hors de contrôle ». Tel est aussi l’avis du directeur général du Fonds européen de stabilité financière, car il vient d’indiquer que le plan d’aide « ne fonctionne pas ». En effet, si l’austérité réduit les dépenses, elle réduit aussi les recettes...
D’ailleurs, arrêtons-nous sur les mots : s’agit-il vraiment d’un plan d’aide ? Le peuple grec, qui crie son désespoir, a-t-il vraiment le sentiment d’être aidé, alors qu’on lui impose de drastiques baisses de salaires et une libéralisation complète de ses services publics ?
Que faut-il faire ? D’abord, sortir du déni et assumer qu’il faudra à court terme restructurer massivement la dette de la Grèce. Nous aurons encore l’occasion d’en parler.
Il faut ensuite s’attaquer à l’une des causes du problème : la spéculation ! Pourquoi ne pas demander des comptes à Goldman Sachs, cette banque américaine qui a maquillé les comptes de la Grèce contre rémunération, avec la complicité de la droite, en 2001 et 2002, et qui, aujourd’hui, spécule contre la dette du même pays ? Au lieu de cela, madame la ministre, le Président de la République a soutenu la candidature de Mario Draghi à la présidence de la Banque centrale européenne ! À l’époque où les comptes grecs ont été trafiqués, M. Draghi était vice-président de Goldman Sachs en charge des filiales européennes ! Il ne pouvait rien ignorer de ces pratiques ! Non seulement vous ne vous retournez pas contre les responsables de la crise, mais vous leur confiez notre destin !
En ce moment, le Parlement européen discute un texte sur les credit default swaps, les CDS, qui sont des assurances permettant à un investisseur de se couvrir en cas de défaut d’une obligation. Le texte discuté au Parlement européen vise à interdire de détenir un CDS si on ne possède pas l’obligation correspondante – cela revient à souscrire une assurance contre les accidents de la circulation sans posséder de voiture. Or, aujourd’hui, c’est possible : dans la finance, on peut s’assurer contre un risque auquel on n’est pas exposé ! Évidemment, dans une telle situation, on a tendance à vouloir que l’accident se produise ! Imaginez qu’une personne qui ne possède pas de voiture s’assure et touche des indemnités sur les accidents… C’est pourtant ce qui se passe dans le monde de la finance !
Pourquoi la France, contrairement à l’Allemagne, ne soutient-elle pas cette mesure de simple bon sens, consistant à interdire cette assurance sur des investissements lorsqu’on n’a pas souscrit d’obligation ? Pourquoi la France continue-t-elle à vouloir autoriser ces pratiques ?
Enfin, on ne s’en sortira pas sans véritable intégration européenne. La monnaie unique nous l’impose. Vous nous expliquez que les euro-obligations devront attendre le rétablissement des comptes publics européens, madame la ministre. Autrement dit, vous voulez bien soigner le malade, mais seulement une fois qu’il sera guéri ! Or les euro-obligations sont un outil de gestion de l’urgence ! En outre, elles nous contraindront à accélérer l’indispensable harmonisation économique et fiscale de l’Europe. Nous ne pourrons plus, par exemple, accepter de soutenir un pays comme l’Irlande s’il continue à brader son impôt sur les sociétés.
Peut-être devrions-nous aussi nous interroger sur notre propre responsabilité. En 2010, alors que la Grèce se trouvait déjà dans une situation critique, était-il opportun que la France et l’Allemagne lui vendent des équipements militaires pour un montant d’au moins trois milliards d’euros, en toute opacité ?
En conclusion, madame la ministre, la « règle d’or » ne consiste pas à inscrire dans la Constitution un principe que l’on aura du mal à respecter : soit on est capable de le respecter et il est inutile de l’inscrire dans la Constitution, soit on n’en est pas capable, et le dispositif risque de nous éclater au nez !
La vraie règle d’or consiste à travailler tout de suite à la construction européenne, à l’instauration d’une régulation économique, afin qu’une véritable solidarité existe entre les pays européens. Voilà la règle d’or que nous devons viser à établir aujourd’hui : une harmonisation fiscale et sociale au niveau européen ! (MM. Yves Daudigny et Jack Ralite applaudissent.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat auquel nous venons de participer restera marqué par l’urgence : urgence de la situation économique et budgétaire, évidemment, et urgence des mesures que nous nous apprêtons à voter.
Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous nous avez expliqué à quel point le Gouvernement était réactif et réaliste. En effet, votre réactivité a été sans faille et vous n’avez pas manqué de courage, madame la ministre (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) : je reconnais que la situation n’était pas facile ! En revanche, le réalisme laisse quelque peu à désirer.
En effet, l’hypothèse de croissance aurait dû être sensiblement revue à la baisse. Nous sommes passés d’une prévision de croissance de 2 % dans le cadre de l’élaboration du budget à l’espoir, particulièrement optimiste, selon nous, de parvenir en fin d’année à une croissance de 1,75 %. La commission des finances du Sénat ne cesse de vous alerter quant à l’écart persistant entre les prévisions sur lesquelles le budget est construit et la réalité de nos performances économiques. Après une croissance atone au deuxième trimestre, comment sera-t-il possible de gagner un point de croissance entre septembre et décembre ? Le climat économique actuel n’invite pourtant pas à l’optimisme. Notre endettement est abyssal, nous accusons un déficit commercial de plus de 37 milliards d’euros, le taux de chômage s’est encore accru d’après les dernières analyses de l’INSEE.
Nous ne parviendrons sans doute pas à dépasser un taux de croissance de 1,6 % en 2011, ce qui aura nécessairement des conséquences sur le volume de nos recettes fiscales, et donc sur le déficit constaté lors de la prochaine loi de règlement.
Enfin, l’équité de la stratégie d’assainissement de nos finances reste à consolider. L’effort de solidarité doit être supporté par tous et dans les mêmes proportions, sans quoi nous pensons que nous courons un réel risque et que les citoyens n’accepteront pas d’être les tributaires d’une rigueur qui ne mettrait pas suffisamment à contribution les mieux lotis d’entre nous.
La taxation des plus hauts revenus doit devenir une priorité, sous une forme plus exigeante que ce qui est annoncé aujourd’hui. Une telle taxation n’aura de sens que si elle porte sur les revenus supérieurs à 250 000 euros…
M. Daniel Dubois. … – plutôt que 500 000 euros – et si son taux est supérieur à 3 % ! De plus, nous pensons aussi qu’il est urgent de créer une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu.
Cela étant dit, nous comprenons l’urgence de la situation actuelle : il fallait agir vite ! C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste votera à la quasi-unanimité en faveur du présent collectif budgétaire. Mais soyez assurée, madame la ministre, que nous serons des plus vigilants lors de la préparation de la loi de finances pour 2012. Notre attention portera plus particulièrement sur la crédibilité des hypothèses de croissance retenues ainsi que sur le respect d’une plus grande exigence d’équité. (Mme Catherine Morin-Desailly applaudit.)