M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, sur l'article.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, j’ai écouté attentivement mes collègues Bariza Khiari et Jean-Jacques Mirassou, et je ne peux que souscrire à leurs propos.
Nous assistons à un détricotage, maille par maille, de la sécurité sociale.
M. René-Pierre Signé. Vous ne pouvez pas le nier, madame la ministre.
La sécurité sociale a été une grande avancée que nous devons au CNR, le Conseil national de la Résistance, lequel cherchait à promouvoir une société fraternelle, d’inspiration socialiste, où chacun pourrait bénéficier du même remboursement.
M. le président. Il existait aussi à l’époque le MRP…
M. René-Pierre Signé. Si, monsieur le président, l’inspiration du CNR était socialiste, ou du moins fraternelle.
M. le président. Il y avait des gens de toutes tendances au sein de ce conseil, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé. Or nous allons actuellement vers le déremboursement.
Madame la ministre, la France est le pays d’Europe qui rembourse le moins bien les médicaments, vous le savez peut-être. (Mme la ministre le conteste.) Paradoxalement, elle est également le pays qui consomme le plus de médicaments et les plus chers d’entre eux. Pour autant, le système sanitaire français ne se porte pas mieux.
Pour pallier ces dépenses, nos concitoyens les plus aisés adhèrent à une mutuelle. Les autres ne se font pas soigner ou se tournent vers les médecines parallèles, qui connaissent un succès grandissant, comme la phytothérapie, entre autres. Celles-ci sont sympathiques, mais guère efficaces.
On a poussé les Français, par des habitudes sociétales, par des encouragements publicitaires, à consommer des médicaments, même s’il faut reconnaître que l’efficacité des produits et les progrès réalisés en la matière ne sont pas non plus étrangers à cette surconsommation. La médecine a réalisé de tels progrès qu’il y a eu des dérapages. Des médicaments polyvalents, qui soignent tout – anorexie, diabète, je pense au Mediator – ont vu le jour et ont été vendus très cher.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Les comptes de la sécurité sociale ne pouvaient que se dégrader.
La solution que vous proposez, madame la ministre, est d’augmenter le coût des mutuelles, de dérembourser la sécurité sociale, d’accorder la CMU aux plus pauvres – soit dit en passant, les médecins, ne veulent pas les soigner, ce qui constitue une belle trahison du serment d’Hippocrate. Cela revient exactement à poser un garrot ou un pansement compressif sur une hémorragie, mais sans pincer l’artère qui saigne ! Bref, vous ne cherchez pas à résoudre le problème.
Or la solution, madame la ministre, est simple. Tous les pays d’Europe l’ont adoptée : il faut faire cesser le paiement à l’acte, qui conduit à multiplier les dépenses, les prescriptions et les examens inutiles, ainsi que les hospitalisations injustifiées, sans parler de l’imagerie médicale ! Les résultats des clichés sont mis sous le coude et ne sont même pas regardés, car, bien sûr, rien cliniquement ne justifiait que l’on prescrive un scanner au premier vertige, par exemple pour un syndrome vertigineux aigu bénin, comme cela se pratique actuellement ! (Protestations sur certaines travées de l’UMP.)
Dès lors, arrêtons les dépenses inutiles, les hospitalisations injustifiées et les consultations vaines. Pour cela, les médecins doivent être payés au forfait, comme cela se pratique ailleurs, et s’abonner à une maison médicale. Un plafond doit également être institué, de telle sorte que si l’héliotropisme joue et qu’un médecin a envie de s’installer sur la Côte d’Azur plutôt qu’en Corrèze, il ne touchera pas plus.
Puisque les honoraires ne pourront être augmentés, les actes ne seront plus multipliés, sauf peut-être pour les radiologues, qui réaliseront quelques examens d’imagerie médicale supplémentaires.
De telles mesures auraient un effet tout à fait apaisant sur les dépenses de la sécurité sociale et soulageraient grandement les mutuelles. La réduction des prescriptions fera que l’on pourra de nouveau rembourser des médicaments.
Car on ne rembourse plus les médicaments de confort. Mes chers collègues, je suis médecin. Qu’est-ce qu’un médicament de confort ? Un tel remède de confort pour l’un peut être indispensable pour l’autre. Prenez l’exemple des laxatifs : pour une personne grabataire et alitée, il ne s’agira pas d’un traitement de confort !
M. Jean Desessard. Eh bien non !
M. René-Pierre Signé. C’est au contraire un traitement utile.
Ces discriminations sont scandaleuses et entraînent un retour en arrière en matière de soins, qui est préjudiciable aux malades.
Il faut donc que les médecins soient payés au forfait et fonctionnarisés. D’ailleurs, ils le sont déjà, quoi qu’ils en disent : sans la sécurité sociale, ils ne vivraient pas aussi bien ! Il faut que nous en arrivions à la décision qu’ont prise tous les pays d’Europe, et dernièrement la Belgique.
Madame la ministre, lisez les articles du professeur Vallancien. Je pense, par exemple, au beau texte intitulé « Virer de bord avant le naufrage du système de soins ». Après, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Daudigny, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 24 rectifié bis est présenté par MM. Fouché, Alduy, Portelli, Doublet et Laurent.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 39 est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Yves Daudigny. Nous demandons au Sénat, avec force, de voter cet amendement de suppression, car pas un seul des arguments avancés à l’appui du doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, sur les contrats solidaires et responsables ne résiste à l’examen.
Ainsi, on nous affirme que le doublement de la TSCA ne sera pas répercuté sur les assurés. Or, si cette mesure est adoptée, depuis 2008, les taxes frappant les organismes complémentaires auront été multipliées par vingt, passant de 177 millions d’euros en 2008 à 3,5 milliards d’euros en 2012, tandis que les cotisations annuelles auront augmenté de 10 % en 2011.
C’est donc sur les ménages que pèsera le poids de cet impôt, et d’autant plus injustement que ce dernier n’est pas proportionnel à leurs moyens, mais fonction de leurs besoins en termes de santé. C’est donc une mesure d’une grande injustice sociale et un mauvais coup porté à l’accès aux soins de l’ensemble de la population dans un contexte déjà alarmant de renonciation aux soins – mes chers collègues, je vous renvoie au baromètre « Cercle Santé-Europ Assistance » de septembre dernier, ainsi qu’au dernier rapport établi par Médecins du Monde. Il y aurait quelque contradiction à prétendre sincèrement mener, dans ces conditions, une véritable politique de prévention.
On nous affirme encore que l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, sera renforcée. Peut-on avouer plus clairement que cette conséquence n’est que la contrepartie d’une augmentation attendue des cotisations ? Mais c’est ignorer que l’ACS est financée par le Fonds de financement de la CMU, lui-même abondé par les complémentaires : cette prétendue compensation reviendra à faire payer deux fois les ménages !
Autre argument, les organismes complémentaires bénéficieraient d’un transfert mécanique d’environ 600 millions d’euros sur l’assurance maladie par l’effet combiné du vieillissement de la population et du régime à 100 % en ALD. En réalité, nous le savons, les organismes complémentaires assument d’autres transferts liés aux déremboursements, soit aujourd’hui 50 % des soins courants. Et le Gouvernement s’est visiblement déjà attaché à réduire la liste des ALD en excluant de celle-ci l’hypertension sévère. Un recours est d’ailleurs engagé devant le Conseil d’État contre cette décision.
On nous dit également que l’incitation à l’acquisition de contrats « solidaires et responsables » aurait pleinement atteint son objectif. Mais n’y a-t-il pas alors de contradiction à porter la TSCA sur les contrats non responsables de 7 % à 9 % au prétexte de maintenir quand même un écart, mais qui soit plus réduit ? Comprenne qui pourra ! Le marché est-il figé ? Les enfants des assurés ne doivent-ils pas, eux aussi, être incités ?
On met aussi en avant le fait que le produit de l’augmentation de la TSCA de 3,5 % à 7 % bénéficiera à l’assurance maladie. C’est oublier que la première tranche de TSCA, qui devait l’année dernière financer une partie du transfert de dettes à la CADES, a été finalement attribuée à la branche famille.
Il n’y a pas un chiffre qui ne résiste, pas une raison qui tienne ! Vous manifestez un mépris de toute justice sociale ! La comparaison avec les 200 millions d’euros de prélèvements envisagés temporairement sur les hauts revenus est cruelle.
Il s’agit d’une mesure incohérente, inefficace à terme, allant à l’encontre de toute ambition en faveur d’une meilleure organisation de notre système de santé.
C’est pourquoi nous vous proposons la suppression de cet article. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié bis.
M. Alain Fouché. Je soulignerai deux points en ce qui concerne cet article.
Premièrement, il aura un coût pour les familles les plus modestes, comme cela a été souligné. Deuxièmement, il risque de constituer un frein à l’accès aux soins.
Pour trouver des financements, le Gouvernement doit s’attaquer aux revenus élevés, en taxant plus les stock-options et les retraites chapeaux.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Alain Fouché. J’ai défendu le principe de cet amendement dans ma famille politique et je regrette qu’il n’ait pas fait consensus. Néanmoins, je suis un élu responsable, qui comprend l’urgence du sauvetage de la Grèce et l’intérêt supérieur de la France, surveillée par les marchés et les agences de notation. Notre pays, qui a perdu 0,25 % de croissance à cause de la crise internationale, doit récupérer un million d’euros pour boucler le budget de 2011. Ce texte constitue un signal fort adressé à nos partenaires européens en cette période de crise, et qu’il est urgent d’adresser.
Cependant, madame la ministre, je désapprouve la méthode utilisée par le Gouvernement. Je regrette que soient inscrites des dispositions d’ordre national dans un collectif budgétaire dont l’objectif premier était le sauvetage de la Grèce.
La concertation primordiale sur ces dispositions de politique intérieure n’a pas eu lieu. Je m’engage à réaliser cette concertation oubliée avant le projet de loi de finances pour 2012. Pour cela, madame la ministre, je compte sur votre soutien et sur vos assurances.
Il faut mettre autour de la table l’ensemble des parties prenantes pour aboutir à un consensus. Cela doit être un objectif.
Pour ces raisons, et dans l’intérêt de la France, je retire mon amendement, mais mon vote sur le projet de loi de finances n’est pas acquis.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 32.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. François Fillon, vous-même, madame la ministre, et, de fait, le Gouvernement dans son ensemble répétez que la majorité actuelle, contrairement aux propositions portées par les partis de gauche, entend résoudre la crise sans augmenter les impôts des classes populaires et moyennes. Pourtant, c’est tout le contraire qui se produit depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.
Cet article 3 en est encore un bel exemple. La manœuvre est subtile. Vous gardant d’annoncer une nouvelle taxation directe de nos concitoyens, par exemple en augmentant l’euro forfaitaire non remboursé par la sécurité sociale, en procédant à de nouveaux déremboursements ou en élevant le niveau des franchises médicales, vous prévoyez d’augmenter une nouvelle fois la taxe sur les mutuelles complémentaires, laissant ainsi à ces dernières la charge de transférer sur leurs adhérents les conséquences économiques de cette mesure.
Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, les mutuelles n’ont d’autre choix que de répercuter sur leurs adhérents la hausse de cette taxe. Les réserves que vous invoquez aujourd’hui, comme en 2010, ne sont rien d’autre que le respect des directives européennes, singulièrement de la directive solvabilité II, qui contraint les mutuelles à mettre en réserve des sommes pouvant aller jusqu’à 300 euros par adhérent.
En prétendant le contraire, en faisant croire que les mutuelles pourraient assumer seules cette nouvelle hausse, vous prenez le risque d’opposer nos concitoyens aux organismes mutualistes, alimentant une confusion qui n’a pas lieu d’être.
Les mutuelles, contrairement aux assurances privées commerciales, ne sont pas des organismes à buts commerciaux. Elles ne poursuivent pas d’intérêt lucratif et ne peuvent pas faire de bénéfices. Les excédents qu’elles dégagent retournent aux adhérents, notamment, et c’est toute la force du système mutualiste, par le biais de prises en charge qui ne sont pas légalement obligatoires – chambre individuelle, dépassements d’honoraires, etc. –, par la création de services à destination des adhérents, comme les services de santé ou les centres de santé mutualistes, voire par l’accompagnement de solutions nouvelles telles que la prise en charge de la dépendance.
Les mutuelles devront donc obligatoirement faire supporter d’une manière ou d’une autre cette taxe aux ménages, soit en réduisant le champ de garantie de leurs contrats, soit en renonçant à certaines des missions essentielles que je viens de citer, soit, ce qui est le plus probable, en augmentant le niveau des cotisations. Selon la Mutualité Française, « depuis 2008, les taxes frappant les organismes d’assurance maladie complémentaires […] ont été multipliées par vingt », passant en valeur absolue de 177 millions d’euros à 3,5 milliards d’euros. Dans le même temps, les cotisations ont augmenté en moyenne de 125 euros, la moitié au moins de cette hausse étant due à la répercussion de taxes sur ces contrats.
Cette nouvelle taxe devrait de toute évidence ne pas faire exception.
Or, dans un contexte de crise marqué par la paupérisation d’un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, cette mesure pourrait entraîner des vagues importantes de renoncement aux soins – d’autres l’ont dit avant moi – ou de démutualisation, avec toutes les conséquences néfastes que cela peut avoir, tant pour la santé de nos concitoyens que pour les comptes sociaux, ce qui, il faut l’avouer, est tout de même paradoxal.
Le pourcentage des personnes concernées par le renoncement aux soins est en explosion : 23 % en 2010 contre 11 % en 2009. Ce phénomène prend notamment la forme d’un renoncement aux soins préventifs et d’un recours plus grand aux soins hospitaliers et d’urgence, qui sont parmi les plus coûteux.
Pour toutes ces raisons et parce que nous refusons que cette taxe sur les salariés soit dix fois plus forte que celle qui doit être acquittée par les plus riches de nos concitoyens, nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 39.
M. Yvon Collin. Notre amendement, comme ceux qui ont été présentés par nombre de mes collègues dans cet hémicycle, tend à supprimer l’augmentation de la taxe sur les conventions d’assurance.
L’article 3, cela vient d’être dit, est au cœur de l’injustice du plan de rigueur proposé par le Gouvernement. Or, nous le savons bien, le tarif des mutuelles est un facteur extrêmement important dans la décision d’y souscrire ou non. Ce sont en effet 14 % des chômeurs qui n’ont pas de couverture complémentaire, 8,5 % des ouvriers non qualifiés et même 3,7 % des cadres !
Si l’on considère le taux d’effort, les choses sont très claires : pour les ménages les plus pauvres, il représente 8 % des revenus quand il ne représente que 2 % pour les ménages disposant de revenus plus importants. Le fait de porter la taxe de 3,5 % à 7 % aura, madame la ministre, un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population.
M. Jean Desessard. Effectivement !
M. Yvon Collin. En outre, cette mesure a un effet caché. Il existe une aide financée par un fonds pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Or les seuls contributeurs de ce fonds sont les mutuelles. Elles devront donc payer deux fois et répercuter ce surcoût sur les contrats, donc sur les assurés sociaux.
Une fois de plus, l’ensemble des salariés, des retraités, des demandeurs d’emploi vont être touchés.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l’article 3.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai été très attentif aux arguments développés par ceux qui ont pris la parole sur l’article 3 et par les auteurs de ces amendements identiques.
Nous touchons ici à l’une des mesures majeures du présent projet de loi puisque son rendement est estimé à 1,1 milliard d'euros en 2012, soit 10 % de l’effort de réduction des déficits publics. Naturellement, chacun s’interroge sur l’incidence que pourraient avoir ces dispositions sur les assurés.
J’évoquerai d’abord les arguments que l’on peut avancer à l’appui de cette mesure.
Le premier, c’est que le différentiel n’est pas totalement supprimé puisque le taux appliqué aux autres contrats d’assurance maladie, dits « ordinaires », est porté à 9 %. Il restera donc un différentiel de 2 % entre le taux auquel serait portée la taxe sur les contrats « solidaires et responsables », soit 7%, et celui qui s’appliquerait aux autres contrats santé, soit 9 %.
Par ailleurs, les complémentaires santé bénéficient d’autres aides directes et indirectes.
Elles bénéficient ainsi du déport chaque année de dépenses du secteur complémentaire vers le régime obligatoire, compte tenu de l’effet conjugué du vieillissement de la population et du dispositif de prise en charge des affections de longue durée. A contrario, les organismes complémentaires soulignent le déport de charges dans le sens inverse, notamment les déremboursements. Mais globalement, on peut dire que le probable différentiel allège la charge qui pèse sur les organismes complémentaires.
Il y a aussi le bénéfice indirect tiré des mesures d’économie mises en place chaque année en matière d’assurance maladie.
Enfin, les complémentaires disposent d’aides fiscales et sociales. Notamment lorsque ces assurances complémentaires sont prises en charge par les employeurs, il existe des mesures d’exonération en faveur de ces organismes. Il est vrai a contrario que les organismes complémentaires sont assujettis à deux taxes spécifiques : la contribution prévoyance et la contribution au fonds CMU complémentaire.
Quelle peut être la répercussion sur les assurés ? Tout laisse à penser que cette répercussion pourrait être nuancée et mesurée, en tout cas très en deçà de l’augmentation de 3,5 %.
D’abord, le Gouvernement, et vous le confirmerez sans doute, madame la ministre, souligne la bonne santé financière du secteur et sa capacité à absorber la mesure. Cela demandera à être vérifié naturellement, mais cette bonne santé financière devrait permettre de ne pas répercuter l’intégralité de cette augmentation.
Par ailleurs, la concurrence dans ce secteur, qui continuera à jouer, devrait freiner la hausse des prix des complémentaires.
Enfin, les publics les plus modestes bénéficient de la CMU complémentaire, c’est-à-dire d’un accès gratuit à la complémentaire, ou d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé par une réduction de la cotisation due. Ce dispositif a fait l’objet d’une revalorisation régulière de son montant et du plafond de ressources permettant d’en bénéficier. La dernière en date était inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui revalorise ce plafond en deux temps, sur 2011 et 2012.
Voilà les arguments qui ont été pris en compte par la commission des finances et qui l’ont conduite à solliciter le retrait de ces amendements. À défaut, la commission en demandera le rejet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Permettez-moi toutefois de revenir sur la démarche qui a été la nôtre.
Nous avons pris l’engagement, il y a un an, de faire des réductions de niches fiscales. Une niche fiscale, c’est un avantage fiscal qui a été accordé, à un moment donné, dans la perspective d’atteindre un objectif, de modifier des comportements, de faire évoluer une situation.
L’avantage qui avait été octroyé aux sociétés d’assurance et aux mutuelles qui délivrent des complémentaires santé visait à inciter les assurés à contracter des contrats dits « responsables et solidaires ». Dans ces contrats, on ne tient pas compte de l’état de santé des assurés. Ce sont donc des contrats solidaires. Ce sont des contrats responsables parce qu’ils ne remboursent pas l’intégralité des dépenses, mais laissent à la charge de l’assuré la franchise, qui a été fixée comme un outil de responsabilisation des assurés par le Gouvernement et le Parlement.
Nous voulions donc promouvoir ces contrats responsables et solidaires. Pour ce faire, nous les avons détaxés et, évidemment, la niche a produit ses effets. Aujourd'hui, nous avons 90 % de contrats responsables et solidaires.
Dès lors, est-il véritablement justifié de maintenir une niche qui a atteint son but ? Nous ne le pensons pas. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) C’est pour cette raison que nous avons rétabli la fiscalité des contrats d’assurance maladie complémentaire responsables et solidaires à 7 %.
Néanmoins, pour éviter tout risque de report des assurés vers d’autres contrats non responsables non solidaires, nous avons créé un malus à 9 % pour les autres contrats.
Vous allez me dire que cela augmentera le coût des mutuelles pour les assurés parce que les mutuelles vont immédiatement répercuter cette hausse de fiscalité sur les contrats.
M. Claude Domeizel. Évidemment !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous répondrai que rien n’oblige les assurances et les mutuelles à répercuter cette hausse de fiscalité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je vais vous le prouver et vous expliquer pourquoi.
Pour la première fois dans l’histoire, grâce aux efforts d’économie et de réduction des dépenses d’assurance maladie qui ont été réalisés par l’actuel gouvernement, nous avons tenu l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, et ce à un niveau très bas, puisqu’il était fixé à 2,9 %.
Grâce à cet effort d’économie constant que nous faisons sur les dépenses d’assurance maladie, ce qui va d’ailleurs nous permettre, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, de présenter une division par deux du déficit de l’assurance maladie entre 2010 et 2012, vous voyez que les dépenses d’assurance maladie ont été contenues. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Ce qui a le plus augmenté dans les dépenses d’assurance maladie, vous le savez tous, ce sont les affections de longue durée, les ALD, qui, elles, sont en forte croissance. Or vous savez bien que ces ALD sont financées à 100 % par l’État (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame de nouveau.) et non pas par les mutuelles complémentaires.
L’équation globale, c’est une maîtrise des dépenses d’assurance maladie avec une progression faible et une forte progression des ALD, donc de la part de l’État dans le financement de l’assurance maladie ; par définition, les mutuelles y gagnent chaque année. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. On en reparlera en 2012 !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est donc normal que les mutuelles fassent profiter les assurés de cet effort qui a été demandé à tous les Français dans le cadre de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
Comme l’a d’ailleurs dit aussi le ministre de la santé, et nous sommes sur la même ligne, je ne crois pas que les mutuelles et les compagnies d’assurance soient obligées de répercuter cette suppression de niche fiscale, qui, je le répète, n’est plus justifiée aujourd'hui, dans leurs tarifs aux assurés.
Bien évidemment, nous avons à cœur de protéger les plus fragiles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis le début de la crise économique, nous avons renforcé tous les filets de protection.
M. Bernard Piras. Il y a de grands trous dans les mailles !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne reviendrai pas sur la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, sur celle du minimum vieillesse que nous avons engagée, sur le RSA, sur l’aide aux chômeurs, sur les primes que nous avons mises en place lors de la crise pour en atténuer les effets. (M. Bernard Piras s’exclame.) Nous avons développé tous les filets de sécurité.
M. Bernard Piras. Allez demander aux intéressés ce qu’ils en pensent !
M. le président. Monsieur Piras, je vous prie de laisser s’exprimer Mme la ministre !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends que la vérité soit difficile à entendre, monsieur le sénateur, néanmoins entendez-la !
Aujourd'hui, notre souci, à l’égard des plus fragiles, c’est qu’ils ne soient pas concernés par cette hausse potentielle des tarifs. Mais, vous le savez, les 4 300 000 bénéficiaires de la CMU, eux, ont une CMUC, c'est-à-dire une mutuelle complémentaire gratuite. (M. Bernard Piras s’exclame.)
J’ajoute que 680 000 personnes sont bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une mutuelle. Nous avons augmenté le montant de cette aide de manière très importante entre 2005 et 2010 puisque nous avons au total pratiquement doublé le nombre de ces bénéficiaires.
Cette mesure – et, à cet égard, je remercie M. Alain Fouché de l’esprit de responsabilité dont il a fait preuve ce soir –,…
M. Bernard Piras. Ah !
M. Alain Fouché. Absolument !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … qui va nous permettre de faire un grand pas dans le cadre du redressement de nos comptes publics, est défendable. Cette mesure est souhaitable. Toutefois, nous pourrons, lors du débat sur le PLFSS, réexaminer la question des effets de cette mesure sur les assurés. Je vous donne donc rendez-vous, monsieur le sénateur, dans le cadre de ce débat ultérieur, que nous aurons avec l’ensemble de la représentation nationale. Pour l’instant, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. (M. André Reichardt applaudit.)
M. Bernard Piras. Scandaleux !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 21, 32 et 39.
M. Claude Domeizel. Au risque d’agacer ceux qui ne comprennent pas que nous puissions intervenir après de telles explications, je voudrais manifester ma déception après les explications du président de la commission des finances et de Mme la ministre, et j’espère que notre assemblée va se ressaisir.
Mes chers collègues, je comprends la gêne de ceux d’entre vous qui devront expliquer aux électeurs de leurs départements que, le 8 septembre 2011, ils ont refusé, en début d’après-midi, de rétablir l’ISF pour 1,8 milliard d’euros, avant d’accepter, dans la soirée, de taxer les mutuelles.
Je le répète, j’espère que vous allez vous ressaisir ; ne dites pas que vous allez voter ce texte conforme pour répondre aux injonctions du Gouvernement qui vous l’a demandé ! Vous aggraveriez votre cas et vous donneriez une très mauvaise image du Sénat. Cela signifierait en effet que, après le vote de l'Assemblée nationale, sous prétexte que le texte doit être adopté très rapidement, nous n’avons pas le droit de voter ces amendements de suppression de l’article 3 et d’obtenir au moins la réunion d’une commission mixte paritaire.
Par ailleurs, je tiens à dire que le sujet dont nous discutons mérite d’être appréhendé plus globalement, car il pose en réalité la question de la répartition des missions entre l’assurance maladie de base et l’assurance maladie complémentaire. Voilà le véritable sujet, qui devrait être discuté non pas dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, mais dans celui d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’article 3 est donc, à mon avis, hors sujet.
« Une telle augmentation obligera les mutuelles à la répercuter sur le montant des cotisations. Dès lors, ce sont les familles les plus modestes qui seront taxées, et ce en fonction non pas de leur revenu, mais de leurs besoins de santé », ce qui est un point important. « Cette mesure entraînera une précarité des soins. » Mes chers collègues, je viens de vous lire l’exposé des motifs non pas de l’amendement n° 21 de mon groupe, mais de l'amendement n° 24 rectifié bis de M. Fouché !
Ressaisissez-vous, vous ferez honneur à notre assemblée ! (MM. Bernard Piras, Serge Lagauche et René-Pierre Signé applaudissent.)