M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances salue le volontarisme des auteurs de chacun de ces trois amendements, qui tranche avec la disposition déclaratoire qui avait été votée par le Gouvernement Jospin à l’article 235 ter ZD du code général des impôts, selon lequel un décret d’application était nécessaire pour l’instauration de cette taxe.
En effet, le IV de l’article précité disposait : « Le décret mentionné ci-dessus prend effet à la date à laquelle les États membres de la Communauté européenne auront dû achever l’intégration dans leur droit interne des mesures arrêtées par le Conseil prévoyant l’instauration, dans l’ensemble des États membres, d’une taxe sur les transactions sur devises, et au plus tôt le 1er janvier 2003. » Formidable !
Chers collègues de l’opposition, je vous entends dire bien souvent qu’il faut lutter contre les délocalisations. Toutefois, en l’occurrence, vous êtes en train d’activer un accélérateur de délocalisations, à l’image de ce qui s’est passé en Suède dans les années quatre-vingt-dix.
Les Suédois avaient eu cette inspiration, que vous suivez également dans vos amendements. (Mme Nicole Bricq le conteste.) Le résultat, c’est que les transactions visées ont diminué de 85 %. Sauf erreur de ma part, la Suède a dû renoncer à cette législation.
Dans ces conditions, la commission des finances a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux que saluer à mon tour la volonté des sénateurs de créer cette taxe sur les transactions financières. Vous le savez, c’est un projet qui est cher au Président de la République et au Gouvernement.
M. Didier Boulaud. Il en a, des idées ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous savez aussi que c’est un projet à propos duquel nous cheminons vers un consensus, puisque M. Barroso a annoncé qu’il était désormais favorable à cette taxe, et qu’un certain nombre de pays européens s’y sont ralliés.
Notre souci aujourd’hui est bien évidemment de créer cette taxe au niveau le plus pertinent, c’est-à-dire, comme l’a très bien dit M. le président de la commission des finances – citant, si j’ai bien compris, une loi votée par la gauche –, à l’échelle européenne ou internationale, celle du G20, qui se réunira, vous le savez, cet automne.
Notre mission consiste à faire progresser le consensus autour de cette taxe ; viendra ensuite le temps d’un autre débat qui a été soulevé sur ces travées, celui de l’affectation de cette imposition. Le Gouvernement est très volontariste en la matière : il souhaite que le produit de la taxe ne soit pas exclusivement réservé au budget européen et qu’une partie finance l’aide au développement.
Évidemment, la ministre du budget qui s’exprime dans cet hémicycle serait aussi ravie qu’une part de cette taxe soit affectée à la réduction des déficits nationaux... Nous en reparlerons le moment venu.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. En conséquence, l’article 1er C demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 1er C
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le m de l’article 279 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit ici d’un très gros chien (Sourires), puisque cet amendement vise à revenir sur la mesure abaissant la TVA sur la restauration de 19,6 % à 5,5 %, une disposition qui, bon an mal an, coûte 2,4 milliards d’euros nets à l’État et dont les effets sont tout de même très contestables.
Je ne reviendrai pas sur les propositions que nous avons défendues de lois de finances en lois de finances, depuis qu’il a fallu satisfaire à la foucade du Président de la République, trop content de dire : « Chirac vous l’avait promise, moi je l’ai faite ! », reprenant un slogan publicitaire de l’époque…
Les contreparties, comme l’ont montré dans leurs rapports la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances, ne sont pas au rendez-vous.
C’est pourquoi l’adoption de cet amendement vous éviterait des acrobaties.
Vous vous êtes attaqués aux parcs à thèmes avec l’insuccès que l’on connaît, et nous parlerons dans quelques instants du substitut sur les nuitées d’hôtels où le prix de la chambre est, je crois, supérieur à 200 euros. Notre amendement vous permettrait de ne pas avoir à racler les fonds de tiroir ou prendre des mesures sociales qui sont inefficaces, entre autres, pour l’emploi, et dont on sait – M. Frédéric Lefebvre a beau dire le contraire –, qu’elles ne sont pas au rendez-vous de l’accord qui avait été signé avec la profession.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et de Montesquiou, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le m de l’article 279 du code général des impôts est abrogé.
II. - Après l'article 281 nonies, il est inséré un article 281 decies ainsi rédigé :
« Art. 281 decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 12 % sur les ventes à consommer sur place, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, cette niche a beaucoup d’habitants, qui défendent leur bifteck. En matière de restauration, c’est tout à fait normal ! (Sourires.)
Nous n’avons pas suivi totalement la proposition de Mme Bricq et notre amendement peut se comprendre comme une disposition de repli.
Nous comprenons bien, madame la ministre, qu’il faut laisser un os à ronger aux nombreux habitants de cette niche ! (Nouveaux sourires.)
Donc, nous proposons tout simplement de remonter le taux de TVA sur la restauration à 12 %, ce qui serait très largement supportable. Toutefois, nous avons bien entendu que vous souhaitiez un vote conforme, quoi que nous puissions proposer, et même si la TVA réduite sur la restauration pose de véritables questions.
En effet, nombre de voix, y compris dans la majorité, se sont élevées pour affirmer que le résultat ne justifiait pas le maintien de cette disposition, dont le caractère quelque peu démagogique a été reconnu sur toutes les travées.
Tel est l’objet de cet amendement, qui permettrait de trouver une solution raisonnable, dans les circonstances actuelles. Il est bien évident que, économiquement et financièrement, l’abaissement du taux de la TVA constituait incontestablement une erreur, notamment compte tenu de la situation du budget de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission vit une sorte de déchirement : dans le principe, 3 milliards d’euros gagnés avec l’amendement de Mme Bricq ou 1,5 milliard d’euros avec l’amendement de notre collègue Jacques Mézard, c’est significatif !
M. Yves Daudigny. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Néanmoins, le Gouvernement nous propose une équation budgétaire qui est calibrée sans besoin supplémentaire. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Au diable l’avarice !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À titre personnel, je pense que si nous devons un jour augmenter la TVA – c’est une hypothèse que l’on ne peut exclure –, il faudrait, madame la ministre, que cette mesure contribue non pas à réduire directement le déficit, mais à compenser l’allégement de charges sociales nécessaire pour retrouver de la compétitivité et recréer de l’emploi, ce qui est notre préoccupation commune.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, la commission des finances est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, parce que, en cette période…
M. Didier Boulaud. Électorale ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. … extrêmement dure, monsieur le sénateur, nous avons choisi de ne pas toucher les niches qui favorisaient l’emploi.
Or cette niche a permis de créer plus de 40 000 emplois,…
Mme Nicole Bricq. Ça fait cher l’emploi créé !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … de baisser les prix et d’augmenter les salaires, lesquels, vous le savez, ne sont pas élevés dans la restauration.
M. Didier Boulaud. On pourrait faire défiler les emplois !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis certaine que, si nous envisagions la suppression de cette TVA à taux réduit, ils défileraient, monsieur le sénateur !
Par conséquent, je le répète, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les explications de Mme la ministre sont loin d’être convaincantes.
La réalité des faits est la suivante.
Des propositions ont été faites, y compris dans les rangs de la majorité gouvernementale, pour que le taux de la TVA sur la restauration soit légèrement supérieur. Le Président de la République, d’une manière sèche et brutale, a répondu qu’il n’était pas question de relever ce taux.
Vous venez de dire, madame la ministre, que la période était difficile. Or un sénateur de l’opposition vous a fait remarquer qu’elle était surtout électorale… Permettez-moi à cet égard de vous rappeler les conditions dans lesquelles cette baisse de la TVA est intervenue : on a annoncé à grands sons de trompe aux restaurateurs de France et de Navarre que ce que M. Chirac avait promis, c’était M. Sarkozy qui le faisait, et, au verso de cette annonce, il y avait tout simplement un bulletin d’adhésion à l’UMP, soit, par conséquent, un retour sur investissement pour ce parti ! (Hou ! sur les travées du groupe socialiste.) Je ne sais pas s’il a eu lieu.
Madame la ministre, vous nous reprochez depuis maintenant près de quatre heures de ne pas faire de propositions. C’est pourtant la énième que nous formulons ! Or, non sans mal, vous sautez à pieds joints sur un problème qui est réel. Comme l’a rappelé Nicole Bricq, cette diminution de TVA devait être assortie de la baisse du prix du repas moyen et d’un effort en ce qui concerne la modernisation des installations et l’augmentation des salaires. Or le rapport commandé par le Gouvernement à ce sujet et publié voilà quelques mois s’est révélé parfaitement lénifiant et n’a rien prouvé à cet égard.
Madame la ministre, nous attendions que vous nous donniez des chiffres précis, à la fois sur le nombre d’emplois créés, sur la baisse effective du prix du repas moyen et, éventuellement, sur les efforts de modernisation qui ont été accomplis dans un secteur où les conditions de travail sont, on le sait, très difficiles.
Vous êtes incapables de répondre à ces questions. Vous vous contentez de vous soumettre au diktat du Président de la République. Nous le ferons savoir à l’ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ce débat est surréaliste !
Les médias ne parlent que de la crise : c’est la crise en Europe, dans le monde, il faut faire quelque chose, et j’en passe. Or chaque fois que nous proposons des solutions, on nous répond par la négative, notamment lorsqu’il s’agit de la taxation sur les flux financiers, qui est prétendument impossible.
Alors que nous sommes confrontés à une crise européenne et devrions nous réunir avec nos partenaires pour mettre en place une harmonisation fiscale, vous faites comme si nous avions dix ou quinze ans devant nous pour instituer une régulation économique en Europe ! À l’extérieur, nous sommes alarmistes, mais, concrètement, les propositions n’aboutissent pas.
J’en viens maintenant au problème intérieur, à la question des délocalisations qui résulteraient de l’augmentation de la TVA dans la restauration.
Toutefois, mis à part quelques restaurants alsaciens ou nordistes, qui pourraient délocaliser dans les pays voisins, je ne vois pas comment les autres restaurateurs pourraient le faire, notamment à Paris, destination pour les gastronomes !
L’argument avancé pour refuser le relèvement de la TVA dans la restauration est la création d’emplois, et l’on pourrait s’y laisser prendre… Mais lorsque l’État prélève l’impôt, il crée des emplois ! Donc, il faut considérer le solde des emplois qui ne sont pas créés du fait de l’absence de ces impôts, et prendre en compte, par exemple, le nombre d’infirmières ou d’instituteurs en moins.
Il ne suffit pas d’affirmer que la baisse de la TVA dans la restauration a permis de créer des emplois. Il faut aussi se demander combien d’emplois l’État aurait pu créer avec cette ressource fiscale supplémentaire et examiner le solde !
En augmentant les recettes et en alimentant les finances publiques, notamment grâce à la TVA, on peut aussi créer des emplois. C’est toute la différence entre la gauche et la droite, et les Français devront trancher dans l’année.
Chers collègues de la majorité, vous pensez que nous nous en sortirons en diminuant les dépenses publiques. Mais cette réduction se traduit aussi par moins d’investissements, moins de services publics et, surtout, moins d’emplois publics. Or vous semblez oublier que les salariés du secteur public participent aussi à la vie économique, qu’ils payent des impôts et des cotisations sociales.
À gauche, nous disons au contraire qu’il convient de préserver les recettes pour conserver nos services publics et créer de l’emploi.
En ce qui concerne la restauration, si l’on faisait un bilan sérieux, l’on s’apercevrait que les emplois créés dans ce secteur sont bien inférieurs à ceux que l’on aurait pu créer dans le secteur public avec le surplus de recettes de TVA.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. N’oublions pas que la restauration est le premier secteur pourvoyeur d’emplois en France.
De nombreux emplois ont été créés grâce à ce taux réduit de TVA, comme le montre le rapport de notre collègue Michel Houel, et il s’agit, de surcroît, d’emplois d’avenir. (M. Didier Boulaud s’esclaffe.)
J’invite ceux de nos collègues qui restent sceptiques à visiter l’école Ferrandi, qui se trouve non loin du Sénat : ils constateront qu’il s’agit d’un secteur en plein essor ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er D (nouveau)
I. – Après l’article 302 bis ZN du code général des impôts, il est inséré un article 302 bis ZO ainsi rédigé :
« Art. 302 bis ZO. – Il est institué une taxe due par les personnes qui exploitent un ou plusieurs établissements hôteliers.
« La taxe est assise sur le montant hors taxes des sommes encaissées en rémunération des prestations relatives à la fourniture de logement mentionnées au premier alinéa du a de l’article 279 d’une valeur supérieure ou égale à 200 € par nuitée de séjour.
« Le taux est fixé à 2 %.
« Le fait générateur et l’exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est déclarée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
II. – Les dispositions mentionnées au I s’appliquent aux prestations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er novembre 2011.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l’abandon de la hausse de la TVA sur les parcs à thème, qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines, est une bonne chose.
Pour cause de pouvoir d’achat en berne, de moins en moins de familles peuvent aujourd’hui s’offrir des vacances. Partir s’apparente à un luxe de plus en plus coûteux pour les familles que la crise fragilise de jour en jour. Un Français sur deux ne part pas en vacances. Il n’était donc pas judicieux de renchérir encore davantage ce qui est pour certains l’occasion de sortir, de se changer les idées, de faire autre chose.
Les parcs à thème sont importants économiquement pour certaines régions. Ce sont aussi des lieux qui offrent à ceux qui ont des difficultés l’occasion de voir autre chose l’espace d’un instant. En ces temps difficiles, ne privons pas nos concitoyens les plus modestes de cet espace de liberté. Il est des reculs, madame la ministre, que nous pouvons approuver !
Remplacer cette hausse par une taxe supplémentaire sur les hôtels de luxe, comme vous souhaitez le faire, pourrait être une intention louable. Toutefois, ces derniers ne seront pas les seuls concernés. À Paris, compte tenu du coût du foncier, certains hôtels trois étoiles seront également touchés.
Or, au risque de surprendre, je m’oppose à cette initiative que je juge dangereuse. Les hôtels de luxe sont certes réservés à une certaine clientèle – nous en sommes parfaitement d’accord –, mais ils sont nécessaires à notre économie et au prestige de notre pays. Le risque est que cette taxe aboutisse progressivement à un déclassement des hôtels concernés par cette mesure, ce qui serait néfaste pour l’économie française.
Madame la ministre, dans mes fonctions passées, j’ai eu l’occasion de constater le caractère problématique de ces déclassements pour l’attractivité de la France. Jeune fonctionnaire, j’ai dû déclasser le Ritz, le Crillon, le Plaza… En réalité, à l’exception d’un seul, ce sont tous les hôtels « quatre étoiles luxe » de la capitale qui ont à l’époque été déclassés en hôtels quatre étoiles, pour des raisons fiscales, bien évidemment.
Avec cette nouvelle taxe, l’écart entre le prix pratiqué et le prix affiché va se creuser. Je rappelle que le tourisme constitue pourtant une ressource importante pour notre territoire : tâchons donc d’être plus attractifs encore au lieu de scier la branche sur laquelle nous sommes assis !
Commencez donc, madame la ministre, par fixer un taux intermédiaire pour la TVA dans la restauration, puisque l’on voit bien que la baisse extrêmement onéreuse que vous avez opérée n’a nullement porté ses fruits. Le simple bon sens commanderait de revenir sur cette mesure, mais cela reviendrait aussi, je le répète, à frapper de plein fouet vos cibles électorales…
La droite n’aime pas beaucoup les emplois aidés, mais je rappelle que, de l’avis même de la commission des finances, ceux de la restauration coûtent à l’État 150 000 euros par an chacun.
On a le courage que l’on peut, madame la ministre, et vous avez choisi une mesure purement symbolique qui va finalement se révéler contre-productive.
Nous n’avons nul besoin de fragiliser ces lieux créateurs de richesses que sont les fleurons de notre industrie touristique. En revanche, il nous faut opérer une réelle refonte fiscale, qui fera contribuer bien davantage les plus aisés.
Cette taxe constitue de mon point de vue une atteinte à la compétitivité et à l’attractivité de l’industrie touristique française, à Paris mais aussi sur la Côte d’Azur ou dans certaines stations thermales.
Surtout, au moment où nous avons rénové le classement hôtelier et encouragé les investissements pour une montée en gamme des infrastructures hôtelières, au moment où nous créons une cinquième étoile premium pour être au diapason de la concurrence internationale, vous envoyez vraiment un mauvais signal aux opérateurs.
Alors, faites preuve d’un peu de courage, madame la ministre : il y a quelques pistoles à prendre sur la TVA applicable à la restauration. Vous pourriez là véritablement faire acte de bon sens et de bonne administration pour redresser nos finances publiques !
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer le taux :
2 %
par le taux :
1 %
II. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est fixé à 4 % lorsque la valeur de la nuitée du séjour est supérieure ou égale à 400 €.
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Du fait de la mobilisation des parlementaires représentants du Futuroscope, d’Eurodisney ou encore de Walibi, la taxe sur les parcs à thème ne figure pas dans ce projet de loi de finances rectificative.
À la vérité, nous avons eu l’occasion de souligner que cette mesure présentait toutes les caractéristiques d’un leurre destiné, en cas de suppression de l’article, à laisser penser que le travail parlementaire avait servi à quelque chose et que le droit d’amendement avait encore un sens.
Toutefois – manque de chance ! –, nous voici engagés depuis ce matin dans un débat où le droit d’amendement est mis à mal, puisqu’on nous a annoncé par avance qu’aucune modification ne serait apportée au texte adopté par l’Assemblée nationale. Dès lors, pourquoi maintenir deux chambres ?
À propos de chambre, voici que, en remplacement de la mesure incriminée, nous aurons une taxe nouvelle sur les activités hôtelières, laquelle renchérira de quatre euros le prix de chaque nuitée d’hôtel d’un montant unitaire hors taxes de 200 euros !
Cette mesure a été imaginée à la hâte pour compenser la suppression de celle sur les parcs à thème et, dans la fièvre des « négociations » entre le Gouvernement et le groupe UMP de l’Assemblée nationale, les défenseurs acharnés du secteur de l’hôtellerie, eux, n’ont pas eu le temps de faire valoir les arguments qui, comme pour Mickey et Astérix, auraient pu barrer la route à la nouvelle taxe.
Notre amendement ne tend aucunement à remettre en cause le principe de cette taxe, mais à rendre son tarif un peu plus cohérent avec les réalités. Nous proposons donc, dans un souci de justice, de réduire à un taux symbolique de 1 % la taxe dans les établissements où la nuitée, hors taxes, est comprise entre 200 et 400 euros.
En effet, d’une part, la clientèle qui fréquente ces établissements n’est pas nécessairement très fortunée, et, d’autre part, nombre de ces hôtels sont des entreprises familiales qui n’ont pas forcément la « surface financière » des grands groupes de l’hôtellerie.
En revanche, nous proposons de porter à 4 % le taux de la taxe sur les nuitées facturées 400 euros ou plus, ce qui nous semble davantage correspondre au « cœur de cible » de cette imposition, c’est-à-dire l’hôtellerie de luxe ou de grand luxe, qui a par ailleurs pleinement tiré parti de la baisse du taux de TVA à 5,5 % sur certaines prestations.
Permettez-moi d’ailleurs de me demander ce qu’aura coûté, sur la durée, cette réduction de la TVA, même si la dynamique des créations d’emplois est une réalité, notamment en raison de l’extension des grandes chaînes.
Une autre réalité sur laquelle il faudra aussi revenir un jour est celle des salaires. Faut-il rappeler cette enquête du ministère du travail de 2009, qui montrait que la moitié des salariés de l’hôtellerie gagnaient moins de 1 250 euros par mois, et un quart supplémentaire entre 1 250 et 1 500 euros par mois. Ce n’est donc pas du côté de ces salariés qu’il faut chercher les grandes fortunes !
Le secteur a donc largement développé l’emploi faiblement rémunéré, ce qui lui a permis, au-delà du taux réduit de TVA, de tirer parti des allégements généraux de cotisations sociales. Cela fait peut-être beaucoup pour un secteur où les entreprises familiales laissent de plus en plus la place à des groupes importants à visée purement financière.
C’est en tout cas sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je précise que la nouvelle taxe sur les nuitées hôtelières vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale et ne sera applicable qu’au 1er novembre prochain, si toutefois nous validons cette disposition. Le taux de 2 % applicable aux prestations d’une valeur de 200 euros et plus est calibré pour produire une recette de 96 millions d’euros en 2012, soit le montant nécessaire pour compenser la suppression du relèvement de la TVA dans les parcs à thème et zoologiques.
Il ne semble pas être utile d’alourdir l’effort demandé à ce secteur d’activité. Il conviendra au contraire à l’avenir de mener une réflexion plus large sur la justification des nombreuses niches de TVA à taux réduit dont bénéficie l’hôtellerie, mais aussi la restauration et le bâtiment.
Je voudrais également avoir confirmation, madame la ministre, que les 200 euros s’entendent bien petit-déjeuner non compris. En effet, si tel est le cas, ne risque-t-on pas au fil des semaines de voir le prix du petit-déjeuner enfler par rapport à celui des nuitées ?
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. Jean Desessard. Le petit-déjeuner sera délocalisé ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement avait initialement choisi de supprimer une niche fiscale sur les parcs à thème. Toutefois, il ne vous aura pas échappé qu’un certain nombre d’entre vous se sont très vigoureusement élevés contre cette mesure.
Dès lors, pour compenser le manque à gagner lié au retrait de cette disposition, les députés, dans un esprit de coresponsabilité que je salue, et en lien avec la commission des finances du Sénat, ont proposé tout d’abord une taxation de 14 % – un montant considérable ! – sur les nuits d’hôtel. Le Gouvernement n’a évidemment pas accepté cette taxation et a proposé un système d’imposition à 2 %.
Pour répondre au président de la commission des finances, je précise que cette taxation ne concerne que les nuitées, et exclut donc le petit-déjeuner. Mais cela signifie que toutes les activités annexes de l’hôtellerie, comme la restauration, se voient appliquer un taux réduit de TVA de 5,5 %, ce qui incite ces grands hôtels à poursuivre leur politique de relèvement de gamme et de développement des prestations annexes payantes en vue d’améliorer la qualité du service rendu.
Cette taxe, je le répète, concerne donc uniquement les nuitées, et non le chiffre d’affaires global, et s’apparente en réalité à une forme de taxe additionnelle à la taxe de séjour, même si elle sera collectée selon les modalités de la TVA.
Il existe, bien sûr, le risque d’une faible évaporation fiscale, que vous soulignez à juste titre, monsieur le président de la commission des finances.
Toutefois, le système auquel l’Assemblée nationale a abouti est finalement, me semble-t-il, assez cohérent.
Au départ, nous avions prévu de taxer les établissements en fonction du nombre de leurs étoiles – l’Assemblée nationale a décidé de taxer les hôtels comptant quatre étoiles et plus. Néanmoins, lors du débat, nous avons considéré qu’une telle mesure risquait de faire baisser en gamme un certain nombre d’établissements qui avaient fait l’effort d’acquérir la quatrième étoile et qui risquaient de revenir à trois étoiles pour le plus grand dommage d’une hôtellerie qui, compte tenu de la concurrence internationale, doit être de grande qualité.
Nous avons donc renoncé à cette mesure et nous avons décidé de retenir le prix moyen de la chambre dans un hôtel quatre étoiles, c’est-à-dire 200 euros.
Bien sûr, certains établissements auront peut-être la tentation de pratiquer des prix un peu inférieurs. À ce moment-là, c’est le client qui y gagnera et pas le Trésor public. Toutefois, en ayant fixé le prix à 200 euros et non plus seulement pour les quatre étoiles, nous attraperons sans doute dans nos filets un certain nombre d’hôtels qui n’ont pas quatre étoiles mais qui sont chers, notamment en région parisienne ou dans les grandes villes touristiques.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.