M. Éric Doligé. Très bien !
M. François Baroin, ministre. Enfin, nous avons veillé à corriger les effets économiques les plus néfastes de l’ISF.
Pour préserver le développement de nos PME, nous vous proposons de redéfinir le régime d’exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d’une entreprise ou qui diluent leur participation à l’occasion d’une augmentation de capital.
Nous voulons également encourager le développement d’un capitalisme familial,...
Mme Annie David. « Capitalisme familial » : quelle invention !
M. François Baroin, ministre. ... par des assouplissements des pactes Dutreil, dont vous savez combien il est important pour la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.
Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d’entrée dans l’ISF, retour à des taux cohérents avec le rendement des actifs, aménagement des régimes d’assiette pour tenir compte de la vie des entreprises, comme vous pouvez le constater, cette réforme trace un juste équilibre entre équité et efficacité économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bah voyons !
M. François Baroin, ministre. Toutefois, cette réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Il était essentiel pour le Gouvernement de présenter un projet équilibré pour les finances publiques et faisant reposer le financement de cette réforme sur les seuls foyers anciennement redevables de l’ISF. En ce sens, la suppression du bouclier fiscal n’est un cadeau pour personne, et ce sont ceux-là mêmes qui sont assujettis à l’ISF qui financeront la réforme.
Mme Marie-France Beaufils. Vous savez bien que c’est faux !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Non, c’est la vérité !
Mme Annie David. Ce n’est pas parce que vous le dites que c’est la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La méthode Coué ne suffit plus !
M. François Baroin, ministre. C’est vrai ! Cette réforme se traduit par un abaissement de la fiscalité sur le stock de patrimoine, mais dans la mesure où est prévu un alourdissement de la fiscalité sur la transmission du patrimoine, à l’échelle d’un cycle de vie, c’est bien la même population qui est visée. Voilà qui est juste, équilibré et correspond aux objectifs que nous nous sommes fixés !
Le financement de la réforme repose sur une imposition plus importante des donations et successions des hauts patrimoines, sur une contribution des non-résidents et sur l’instauration de plusieurs dispositifs de lutte contre l’évasion fiscale internationale.
Conformément au souhait du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux du patrimoine plutôt que sur le stock, sur la transmission plutôt que sur la détention.
L’imposition des donations et successions sera augmentée. Ce volet de la réforme, j’y insiste, ne concerne que les hauts patrimoines. Dans ce cadre, je veux vous assurer que les acquis de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », seront intégralement préservés.
Mme Nicole Bricq. Ah bon ?
M. François Baroin, ministre. La loi TEPA a permis d’exonérer 97 % des successions en ligne directe et de faciliter les transmissions anticipées de patrimoine. Nous ne reviendrons pas sur ces dispositifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a donc pas de souci à se faire !
M. François Baroin, ministre. Au contraire, nous proposons de financer la réforme de l’ISF de deux façons : d’une part, en mettant à contribution les détenteurs de hauts patrimoines ; d’autre part, en revenant sur des dispositions antérieures à la loi TEPA qui, du fait du triplement des abattements intervenu dans le cadre de ce texte, ont perdu de leur pertinence.
Pour y parvenir, nous déclinerons notre stratégie selon trois axes.
Premièrement, le Gouvernement souhaite augmenter de cinq points les taux applicables aux deux dernières tranches du barème d’imposition applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe ainsi qu’aux donations entre époux et titulaires d’un PACS. Cette hausse ne concernera que 2 000 successions par an. Ce sont donc bien les très grosses successions qui sont ici visées !
Deuxièmement, nous voulons supprimer les réductions de droits de donation accordées en fonction de l’âge du donateur. Ces droits ne sont dus que pour les donations dépassant l’abattement de 159 000 euros. C’est un seuil déjà bien plus élevé que la totalité du patrimoine de la majorité des Français. La mesure ne concerne donc, là encore, qu’un nombre très limité de personnes fortunées.
À l’issue des débats parlementaires à l'Assemblée nationale, nous avons apporté deux corrections à ce dispositif.
Nous avons maintenu les réductions à leur niveau actuel pour les donations en pleine propriété d’entreprise. Comme avec les pactes Dutreil, notre souhait est ici de préserver une mesure qui encourage le capitalisme familial.
Nous avons par ailleurs présenté un amendement tendant à autoriser le renouvellement de l’exonération des dons familiaux tous les dix ans. Auparavant, il était possible d’exonérer une seule fois un don familial allant jusqu’à 30 000 euros ; grâce à cette réforme, il sera possible de bénéficier tous les dix ans d’une exonération pour des dons allant jusqu’à ce montant. Avec cet amendement, le Gouvernement confirme son attachement à la solidarité intergénérationnelle, avec un dispositif qui s’adresse à un large public.
Troisièmement, nous souhaitons porter de six à dix ans le délai de rappel des donations. Le raccourcissement du délai de dix à six ans étant intervenu en 2006, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd’hui du délai de six ans sont intervenues alors que la loi prévoyait un délai de dix ans.
Sur l’initiative de l’Assemblée nationale, une mesure lissant les effets du passage du délai de six à dix ans a été adoptée. Je sais qu’elle a retenu toute votre attention lors de l’examen du texte en commission.
Réformer la fiscalité du patrimoine, c’est aussi adapter le droit afin de limiter les possibilités d’optimisation et de perfectionner nos outils de lutte contre l’évasion fiscale. Trois mesures nous permettront d’améliorer l’efficacité de notre fiscalité sur ce point.
Tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative prévoit une participation des non-résidents au financement des services publics nationaux.
Une taxation des résidences secondaires, qui ne concerne pas les personnes qui s’expatrient de manière temporaire ou pour des raisons professionnelles, permettrait d’associer les non-résidents au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient.
Cette mesure a soulevé une certaine incompréhension dont les sénateurs représentant les Français établis hors de France et une bonne partie des sénateurs de la majorité se sont fait le relais. Je tiens à déclarer que le Gouvernement a été sensible à leur message. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.) Sur ce point, je serai ouvert à la discussion à la stricte condition que soit préservé l’équilibre financier de la réforme. Nous ne nous éloignerons pas de ces deux impératifs majeurs : l’équilibre de la réforme, la préservation de nos finances publiques. Nous en reparlerons lors de l’examen des articles.
M. Éric Doligé. Le Gouvernement écoute le Parlement, c’est bien !
M. François Baroin, ministre. Ensuite, le projet de loi de finances rectificative prévoit l’introduction d’une exit tax sur les plus-values latentes. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s’inspire des mesures adoptées par certains de nos partenaires européens, tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.
Cette taxe sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigibles en cas de cession des titres durant les huit années qui suivent. Il s’agit d’une disposition dissuasive, qui permet de priver l’exilé du bénéfice fiscal de son expatriation, en le taxant de la même manière que s’il n’avait jamais quitté la France. C’est une mesure de justice !
Enfin, nous proposons plusieurs dispositifs destinés à mettre fin à des schémas d’optimisation et d’évasion fiscales.
Nous vous proposons de mettre un terme aux situations dans lesquelles des non-résidents échappent à l’ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une SCI criblée de dettes. Nous vous proposons également de donner à l’administration la capacité d’appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts. Le trust est, je le rappelle, une institution de droit anglo-saxon qui n’a pas d’équivalent en droit français. Son régime fiscal est incertain, ce qui facilite l’utilisation de cet instrument à des fins d’évasion fiscale. Nous souhaitons naturellement mettre un terme à cette anomalie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Naturellement…
M. François Baroin, ministre. Ces deux dernières mesures s’inscrivent dans le prolongement d’autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d’actifs ou de revenus sur des comptes bancaires offshore. La cellule de régularisation et l’exploitation de listings étrangers ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010 et 2011. D’autres initiatives en cours dégageront des ressources importantes en 2012 et 2013. Elles viendront compléter le financement de la réforme au titre de ces années. Ainsi, en régime de croisière et indépendamment de toute ressource exceptionnelle, la réforme dégagera un surcroît de recettes de près de 200 millions d’euros par an. La boucle est bouclée !
Je rappelle que le Gouvernement est opposé à tout financement de la réforme par une modification de la fiscalité de l’assurance vie. Les Français, quel que soit leur niveau de revenus, sont particulièrement attachés à ce produit d’épargne.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, nous ne voulons pas que cette réforme soit financée par d’autres personnes que celles qui étaient auparavant dans le champ de l’ISF.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que mon intervention aura été suffisamment complète et précise et qu’elle nous permettra d’engager des discussions de qualité afin de travailler sur l’une des réformes majeures de cette législature
Pour finir, sachez que le projet de loi de finances rectificative comprend plusieurs dispositions qui reflètent, notamment, la priorité que donne le Gouvernement à l’emploi et au pouvoir d’achat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas visible !
M. François Baroin, ministre. Je tiens tout de suite à préciser que ces mesures, qui sont en nombre réduit, ne modifient pas le plafond de dépense autorisé.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas sûr !
M. François Baroin, ministre. Elles visent avant tout à soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages, politiques publiques que pilote Xavier Bertrand.
En matière d’emploi, conformément à l’engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l’emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d’emploi de longue durée, la formation des demandeurs d’emploi et la sécurisation des parcours professionnels.
M. Guy Fischer. Vu la situation de Pôle emploi…
M. François Baroin, ministre. Le projet de loi de finances rectificative procède à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, diverses actions de formation pour les chômeurs de longue durée ainsi que la mise en œuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.
En matière de pouvoir d’achat, au regard des fortes hausses du prix des carburants, le Gouvernement a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de transport. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année. Nous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Son rendement – 120 millions d’euros pour cette année – permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème. C’est, là aussi, un esprit de justice et d’équilibre qui caractérise cette proposition.
Par ailleurs, afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l’électricité et son impact sur les consommateurs, une disposition du collectif budgétaire prévoit de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l’électricité.
Pour conclure, je ferai un point rapide sur les autres mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative.
Plusieurs dispositions concernent le financement de la réforme de la garde à vue, à travers la création d’une contribution pour l’aide juridique et l’ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur.
Le présent projet de loi instaure également un dispositif d’indemnisation spécifique des victimes du Mediator et de ses génériques. Le ministre en charge de la santé vous présentera ce dispositif plus en détail dans quelques instants.
Il est par ailleurs procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés visant à couvrir les insuffisances en gestion anticipées sur certains programmes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est évidemment déterminé à poursuivre l’adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace.
J’ai compris que certains d’entre vous souhaitent aborder, dès ce collectif budgétaire, la question de la contribution sur les revenus exceptionnels, et non la contribution exceptionnelle sur les revenus, ce qui n’est pas tout à fait le même débat. C’est une question distincte de celle de la réforme de la fiscalité du patrimoine ; elle n’a pas sa place dans ce projet de loi, car nous discutons aujourd’hui de la fiscalité du patrimoine, et non de la fiscalité du travail.
C’est aussi un sujet complexe, qui requiert un travail de réflexion et de concertation préalable. Mais d’ores et déjà, je veux vous préciser que le Gouvernement ne souhaite pas que cette contribution prenne la forme d’une nouvelle tranche d’imposition pour les hauts revenus, qui reviendrait à taxer les salariés. Par ailleurs, cela serait contraire à notre engagement de refuser toute augmentation généralisée des impôts, que nous tiendrons coûte que coûte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut se dépêcher de faire des cadeaux aux riches !
M. François Baroin, ministre. C’est la raison pour laquelle je mettrai en place un groupe de travail sur le sujet d’ici à la fin du mois de juillet. Nous reprendrons ainsi la méthode qui nous a permis de parvenir à ce texte de consensus entre la majorité et le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Je me suis fait amuser dans ce groupe de travail !
M. François Baroin, ministre. Nous nous donnerons l’été et le début de l’automne pour travailler à déterminer ensemble les modalités et le calendrier d’application d’un tel dispositif. Cette question pourra ensuite être abordée avec vous dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.
D’ici là, je souhaite que nos discussions concernant la réforme de la fiscalité du patrimoine soient empreintes du même esprit de responsabilité vis-à-vis des Français.
Sachez que je suis évidemment à votre disposition pour répondre, dans le cadre tant de la discussion générale que de la discussion des articles, à l’ensemble de vos préoccupations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent à nouveau leurs cartons rouges.)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Il y a les cartons rouges que certains infligent symboliquement dans cette enceinte et il y a les cartons rouges que les électeurs ne manquent pas d’infliger aux représentants du parti communiste depuis des années, et c’est autrement plus cruel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Bruno Sido. Mélenchon ! Mélenchon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez modestes pour la suite !
M. Guy Fischer. On se le rappellera !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011, je souhaite vous présenter deux articles qui relèvent de mes fonctions de ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Le premier concerne notre politique de l’emploi : c’est l’article 8, qui vise à instaurer un dispositif de bonus-malus pour inciter davantage les entreprises à embaucher des jeunes en alternance. Le second a trait à notre politique de santé : c’est l’article 22, qui tend à instituer le dispositif d’indemnisation des victimes du Mediator.
Aux termes de l’article 8, dans les entreprises de plus de 250 salariés, le quota de jeunes en alternance sera relevé de 3 % à 4 % et le malus sera modulé en fonction de l’effort de l’entreprise.
Comme vous le savez, le développement de la formation en alternance est un axe majeur de la politique que nous menons avec Nadine Morano, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, car c’est l’une des voies les plus efficaces offertes aux jeunes pour trouver un emploi. La preuve tient en deux constats : plus de huit jeunes sur dix formés en alternance trouvent un emploi dans l’année ; pour le même diplôme préparé, un jeune a plus de chances de trouver un emploi s’il a suivi une formation en apprentissage que s’il est resté sur la seule voie scolaire. Les chiffres le démontrent !
Mme Annie David. Combien vont au bout de l’alternance ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Développer l’apprentissage, c’est donc tout simplement utiliser le moyen le plus efficace pour lutter contre le chômage des jeunes.
À ce jour, les entreprises de 250 salariés et plus sont soumises à la contribution supplémentaire à l’apprentissage, équivalente à 0,1 % de la masse salariale, lorsqu’elles ne comptent pas au moins 3 % de jeunes en alternance dans leurs effectifs.
Je pense que ce système est injuste. Les entreprises qui emploient des jeunes en alternance sans atteindre 3 % sont soumises à la même contribution que celles qui ne font aucun effort en ce sens. En effet, la même taxation s’applique, qu’il y ait 0,5 % ou 2,95 % de jeune en alternance. Il me semble que nous pouvons, en modulant les choses, rendre le système plus efficace.
Il pourrait même être plus ambitieux. Puisque l’apprentissage est une voie d’excellence pour les jeunes et que les entreprises ont tout intérêt à participer à leur formation, pourquoi ne pas leur demander de faire davantage et de participer ainsi à ce que j’appelle une mission d’intérêt général ?
Voilà pourquoi nous proposons ce système de bonus-malus, qui repose sur deux piliers : le quota d’alternants sera porté de 3 % à 4 % et le taux de la contribution sera modulé en fonction de l’effort de l’entreprise ; un bonus sera versé aux entreprises vertueuses qui dépassent le taux de 4 %. Le dispositif sera donc à la fois plus ambitieux, plus juste et plus incitatif.
Les partenaires sociaux ont signé, le 7 juin dernier, un accord national interprofessionnel qui valorise les engagements pris par les branches pour développer l’alternance d’au moins 10 % par an. Le Gouvernement veillera, durant les débats, à prendre en compte cet accord et les efforts réalisés sous l’impulsion des branches, sans bien sûr dénaturer le mécanisme du bonus-malus. Il vous présentera un amendement en ce sens.
J’en viens à l’article 22, qui tend à instituer le dispositif d’indemnisation des victimes du Mediator.
Nous parlons uniquement ici de l’indemnisation des victimes du Mediator. Pour le reste, vous le savez, des échéances importantes nous attendent : la mission d’information du Sénat, qui rendra son rapport dans les semaines qui viennent, et les conclusions des Assises du médicament, qui seront dévoilées cette semaine, nous permettront de dessiner ensemble la réforme de la politique du médicament.
Je salue le travail des membres de la mission d’information, de son président, François Autain,…
M. Guy Fischer. Quand même !
M. Xavier Bertrand, ministre. … et de son rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, qui est également rapporteur pour avis sur cet article.
Concernant le fonds d’indemnisation dont il est question ici, je voudrais insister sur trois points.
Tout d’abord, ce fonds est utile et urgent.
Dès le départ, j’avais annoncé qu’il faudrait une indemnisation juste et rapide des victimes. Avec Michel Mercier, nous avons donc demandé à Claire Favre, présidente de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, de discuter avec les laboratoires Servier des conditions de cette indemnisation.
Ces travaux n’ont pas été vains. Cependant, les laboratoires Servier n’ont pas voulu faire progresser les choses sur certains points essentiels, notamment la réparation intégrale. J’ai donc annoncé, le 6 avril, la mise en place par la loi d’un fonds « Mediator ».
Aujourd’hui, avec le projet de loi de finances rectificative, nous franchissons cette première étape. Dès cet été, les victimes pourront disposer d’un interlocuteur pour leur indemnisation. Ce fonds a fait l’objet d’un vote unanime à l’Assemblée nationale.
Ensuite, ce fonds est à la fois protecteur des intérêts des victimes et garant des intérêts des contribuables.
Il protège les intérêts des victimes, car il permettra, à partir d’une expertise solide, une réparation intégrale de leur préjudice, et ce dans un délai rapide, puisque toute la procédure est enserrée dans un délai d’un an. Cette indemnisation n’empêchera en aucun cas les victimes qui le souhaitent de poursuivre ou d’intenter une action pénale.
Ce fonds protège aussi les intérêts des contribuables : ce n’est pas le contribuable qui paiera, mais les laboratoires Servier. À cet égard, je tiens à rappeler que le responsable premier et direct reste le fabricant du Mediator.
Concrètement, après une expertise, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, fera une proposition d’indemnisation aux laboratoires Servier. Deux possibilités se présenteront alors.
Soit les laboratoires Servier reconnaissent leur responsabilité, comme ils l’ont d’ailleurs écrit dans leurs propositions à Mme Favre, et ils indemnisent. Je le répète, c’est ce qui a été couché noir sur blanc par les laboratoires Servier. De plus, j’ai noté qu’ils ont fait part, ce mois-ci, de leur souhait de collaborer très activement à la mise en place d’un fonds d’indemnisation pratique et rapide. Je souhaite donc qu’ils passent des déclarations aux actes !
Soit ils n’acceptent pas. Dans ces conditions, l’ONIAM indemnisera la victime, parce qu’il est hors de question de la laisser attendre. Mais, dans cette hypothèse, l’ONIAM se retournera en justice contre les laboratoires Servier pour se faire rembourser, et ceux-ci paieront alors une pénalité.
La pénalité habituelle est de 15 % ; nous proposons de passer à une pénalité de 30 % afin que les laboratoires Servier soient clairement incités à assumer leurs responsabilités. S’il n’y avait pas eu ces différentes déclarations, nous ne serions bien évidemment pas dans un tel contexte. Nous demandons tout simplement la traduction des paroles en actes.
Enfin, il ne s’agit pas d’une loi d’exception, comme j’ai pu l’entendre dire. C’est tout simplement la loi de la République et elle vise à indemniser les victimes !
Ce dispositif, je le répète, n’est pas là pour juger, mais bien pour permettre une indemnisation juste et rapide des victimes.
Disons-le clairement : nous ne sommes pas partis de rien. Voilà pourquoi c’est bien la loi de la République ! En effet, ce dispositif, vous le verrez, s’inspire très largement de la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. C’est cette loi qui définit ce que sont les acteurs de santé. C’est cette loi qui définit le rôle de l’ONIAM. Il n’y a donc pas de loi d’exception, mais bien une adaptation nécessaire de ce dispositif général aux spécificités de l’affaire du Mediator.
Oui, il y a bien une spécificité du dossier du Mediator ! C’est d’ailleurs ce qui justifie les adaptations du dispositif et donc cette pénalité supérieure de 30 %.
Il n’est pas non plus question de mettre les médecins et les autres acteurs de santé sur le même pied que les laboratoires Servier au sein de ce dispositif spécifique. Cela signifie que seuls les laboratoires Servier seront systématiquement et automatiquement appelés dans la procédure d’indemnisation et que l’État ne se retournera jamais contre les médecins. Ce n’est ni l’objet ni l’effet de ce dispositif, qui est là pour permettre l’indemnisation juste et rapide des victimes du Mediator.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, des propositions constructives ont été faites, de tous les bords politiques, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. D’ailleurs, si j’ai évoqué tout à l’heure le vote unanime à l’Assemblée nationale, c’est parce cela montre que nous sommes capables de trouver une position commune sur certains sujets. Or cela inspire tout simplement confiance, car nous montrons que nous sommes parfois capables de dépasser nos réflexes partisans pour servir l’intérêt général. Tel est l’état d’esprit du Gouvernement sur l’article 22.
Voilà les deux points que je voulais aborder avec vous à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent leurs cartons rouges.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons un projet de loi de finances rectificative qui va nous conduire à évoquer trois ordres de sujets.
Tout d’abord, nous serons amenés à parler de la situation internationale, avec les conséquences, pour nos finances publiques, des mesures qu’il est nécessaire de prendre au sein de la zone euro.
Ensuite, nous traiterons de l’aspect classique de tout collectif budgétaire à travers une série de dispositions de crédits et de ressources permettant de faire le point sur la mise en œuvre des orientations de nos finances publiques pour l’année 2011 et de nous situer sur la trajectoire de convergence.
Enfin, nous aborderons le sujet spécifique qui a motivé ce projet de loi de finances rectificative, c’est-à-dire la réforme de la fiscalité du patrimoine, avec un aménagement raisonnable de l’impôt de solidarité sur la fortune. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.)
Je commencerai par le contexte international.
La commission des finances a analysé avec une grande attention les propositions qui lui sont faites, observant que la situation de la Grèce nous place à proximité immédiate d’un grand péril, pour notre économie réelle, pour le regain de croissance que nous connaissons.
La Grèce est sans doute plus près du défaut qu’elle ne l’a jamais été. Si pareil défaut ou un événement de crédit devait survenir dans la période actuelle, nul doute que cela serait très lourd de conséquences : il y aurait un effet de contagion sur d’autres économies de la zone euro et sur celle-ci tout entière.
À côté de la Grèce, tout en souhaitant que les modalités soient trouvées pour une association, que l’on qualifiera de « volontaire », des bailleurs de fonds privés aux efforts à entreprendre, il faut aussi garder un œil sur l’Irlande.
Mes chers collègues, on ne le dit pas assez, l’Irlande est tout aussi responsable que la Grèce de ce qui lui arrive. Cela saute aux yeux : des erreurs de fonctionnement dans la gouvernance et la régulation du système bancaire irlandais se sont traduites par une bulle immobilière invraisemblable dans ce pays de 4,4 millions d’habitants, dont le secteur financier va probablement constater une hémorragie de fonds propres avoisinant, au total, 100 milliards d'euros. Or l’Irlande semble toujours se refuser à mener une politique coopérative en matière de convergence des fiscalités en Europe, et c’est un vrai sujet de préoccupation pour la commission des finances.
Il serait utile, monsieur le ministre du budget, que vous puissiez nous éclairer sur les conséquences de la décision, prise hier par les ministres des finances de la zone euro, de ne pas accorder au futur Mécanisme européen de stabilité le statut de créancier privilégié et sur les effets possibles d’une telle décision quant aux conditions d’accès au marché de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le Mécanisme européen de stabilité est censé se mettre en place en 2013. Dès lors, une distinction doit être faite entre les efforts conduits d’ici là et la situation qui prévaudra ultérieurement.
On nous présente l’après-2013 comme une période de sérénité que l’on atteindrait après trois années de « gros temps ». Espérons-le ! Souhaitons surtout que les modalités de fonctionnement dudit Mécanisme européen de stabilité soient déterminées à bref délai, sans la moindre ambiguïté, et qu’elles soient de nature à restaurer réellement la confiance sur les marchés.
Le Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine devrait décider de porter, pour ce qui est du dispositif actuellement à l’œuvre, à 440 milliards d'euros la capacité de prêt effective du Fonds européen de stabilité financière. C’est dans cette perspective qu’il est proposé, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, d’autoriser un relèvement du plafond de la garantie accordée par la France aux émissions du FESF, plafond qui passerait de 115 milliards d'euros à 155 milliards d'euros. Il conviendra d’évoquer à quelles conditions le Parlement est susceptible d’accepter un tel relèvement.
N’oublions pas non plus que nous devrons contribuer au financement en capital du Mécanisme européen dès son entrée en vigueur. La part de la France à cet égard est de l’ordre de 18 milliards d'euros ; si ce montant ne sera pas comptabilisé dans la détermination du solde dit « maastrichtien », il alourdira bien sûr l’endettement public et devra être pris en compte dans les perspectives pluriannuelles de nos finances publiques.
Je ferai une dernière remarque sur le volet international.
À la date de passage en Conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative, le 11 mai dernier, les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars précédents étaient connues depuis un mois et demi. Il eût donc été possible d’inscrire dans le projet initial le relèvement de garantie auquel je viens de faire allusion. La commission des finances regrette que cela n’ait pas été fait.
J’en viens maintenant aux aspects qui relèvent traditionnellement d’un collectif budgétaire.
Je ferai tout d’abord observer que le texte était d’une taille assez modeste au départ, comprenant 23 articles, et que l’Assemblée nationale en a ajouté 39.