Mme Nicole Bricq. Mais nous l’attendons !
M. Michel Houel, rapporteur. Ça va venir !
Mme Nicole Bricq. Je suis impatiente !
M. Michel Houel, rapporteur. Je vous indique, d’ailleurs, que le projet de loi de ratification du nouveau code minier, déposé par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale, vise à instaurer une procédure de consultation du public avant l’attribution des permis exclusifs de recherche, ce qui va dans le sens de certains de ces amendements.
L’amendement n° 24 de Mme Labarre tend à prévoir l’organisation d’un référendum local. Je souhaite rappeler que le référendum local ne peut être organisé que pour régler une affaire qui relève de la compétence d’une collectivité territoriale. C’est ce que prévoit l’article LO 1112-1 du code général des collectivités territoriales. Or l’attribution d’un permis exclusif de recherche est une compétence de l’État et de son administration, ce n’est pas le maire qui accorde le permis.
L’urgence du présent texte porte sur les permis existants et sur l’utilisation de la fracturation hydraulique. Je ne peux donc émettre un avis favorable sur ces amendements. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, la commission se prononcera contre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, les amendements nos 13, 14, 15, 7 rectifié et 24 sont-ils maintenus ?
M. Michel Teston. Tout à fait !
Mme Bariza Khiari. Évidemment !
Mme Marie-Agnès Labarre. Ils sont maintenus !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Dans un rapport que j’ai rédigé pour la commission des affaires étrangères, j’ai demandé, moi aussi, la modification du code minier. Le Gouvernement s’y est engagé. Il serait dommage que l’on donne le sentiment aujourd'hui que l’on ne veut pas de ces enquêtes. Vous feriez donc mieux, mes chers collègues, de retirer ces amendements !
Mme Nicole Bricq. Au contraire, votez-les vous-mêmes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Assumez vos choix !
M. Didier Guillaume. Il a du mal ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
(Suppression maintenue)
Article 4
Le Gouvernement remet annuellement un rapport au Parlement sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux, sur les travaux de la commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation créée par l’article 1er bis et notamment le bilan de la réalisation, sous contrôle public, des projets scientifiques relatifs à l’emploi de la technique de la fracturation hydraulique, sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l’environnement de 2004 dans le domaine minier et sur les adaptations législatives et réglementaires envisagées au regard des éléments communiqués dans ce rapport.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Houel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
des projets scientifiques relatifs à l'emploi de la technique de la fracturation hydraulique
par les mots :
des projets scientifiques d'expérimentation prévus par l'article 1er
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Houel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme Labarre, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa (b) de l'article L. 422-2 du code de l’urbanisme, après les mots : « matières radioactives », sont insérés les mots : «, sauf en matière d'exploration et d'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ».
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement vise à attirer l’attention de notre assemblée sur l’opacité complète qui a entouré la concession des permis d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste. En effet, ni la population ni même les élus des communes concernées n’ont été mis au courant de telles démarches. Nous l’avons déjà dit, aucun débat public n’a été organisé. Pourtant, les conséquences sur l’environnement étaient largement connues au vu de ce qu’il se passe outre-Atlantique, mais aussi dans certains pays européens.
Le débat sur les gaz de schiste n’a émergé que grâce à l’action de ces milliers de citoyens et d’élus locaux qui ont manifesté et monté des collectifs partout en France pour sensibiliser la population sur la catastrophe écologique qui s’annonçait. C’est pourquoi il est absolument nécessaire de créer les conditions d’un contrôle par les citoyens des communes concernées. Pour ce faire, les élus locaux doivent disposer de la compétence d’autoriser ou non l’installation des annexes en surface nécessaires à l’exploration des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux.
L’article L. 422-1 du code de l’urbanisme dispose que l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire et son conseil municipal. Mais l’article L. 422-2 du même code évoque certaines exceptions à cette règle, notamment en matière d’ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie, domaines dans lesquels l’État reste compétent.
Si nous sommes conscients que les questions d’énergie relèvent des compétences de l’État, qui est le garant de l’intérêt général, nous sommes nombreux à penser que les élus locaux doivent avoir un droit de regard sur l’installation de telles annexes sur le territoire de leurs communes. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, afin d’attirer l’attention de notre assemblée sur la nécessaire coopération entre l’État et les communes en la matière. Donner de façon certaine aux communes la compétence pour ces annexes de surface permettra d’assurer au mieux le contrôle des citoyens des communes concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Aux termes de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme, il revient à l’État, par dérogation, d’accorder le permis de construire pour certaines installations, dont les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie.
Les auteurs de l’amendement proposent de prévoir une exception à cette dérogation, afin de donner à la commune ou au préfet, en l’absence de document d’urbanisme – ce qui peut arriver, notamment dans les petites communes – le pouvoir d’attribuer le permis de construire pour ces ouvrages, lorsque l’énergie est produite d’hydrocarbures au moyen de la fracturation hydraulique de la roche.
Si l’information et la participation des autorités locales ont certainement été insuffisantes, donner ainsi un droit de veto au maire sur la gestion du patrimoine minier, traditionnellement considéré comme un patrimoine national, constituerait une mesure nouvelle particulièrement forte.
Un refus par le maire de permis de construire pour un industriel disposant d’un permis de recherches ou d’exploitation, voire d’une autorisation de travaux, pourrait poser des difficultés pratiques et juridiques.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Madame Labarre, vous souhaitez transférer le pouvoir d’attribution des permis de construire liés aux forages suivis d’une fracturation hydraulique aux collectivités locales alors même que l’article 1er interdit une telle fracturation !
Au regard de ce seul argument, cet amendement n’a, me semble-t-il, vraiment aucun sens.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient et Tuheiava, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-16 du code minier, il est inséré un article L. 132-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-16-1. – Pour la zone économique exclusive ou le plateau continental français au large des régions d’outre-mer ou des collectivités d'outre-mer, une redevance spécifique, due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, est établie au bénéfice de la région d’outre-mer ou de la collectivité d'outre-mer concernée.
« Le barème de la redevance spécifique est, à compter du 1er janvier 2011, établi selon les tranches de production annuelle prévues à l’article L. 132-16, le taux applicable à chaque tranche étant toutefois fixé par le Conseil régional ou par l'assemblée délibérante de la collectivité d'outre-mer, dans la limite des taux prévus audit article. ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, une fois n’est pas coutume, je souhaiterais vous prendre à témoin. Lorsque vous conduisiez la politique de la France, vous avez toujours été attentif aux droits du Parlement. En tant que sénateur, je m’en souviens très bien, vous vous êtes honoré par votre défense des droits du Parlement au sein de votre groupe, en demandant par exemple la fameuse clause de revoyure lors de la discussion de la réforme de la taxe professionnelle. Vous comprendrez donc le courroux du groupe socialiste, dont je vous fais également les témoins, mes chers collègues.
La semaine dernière, Mme la ministre n'a pas daigné répondre à nos arguments ; aujourd'hui, M. le secrétaire d’État le fait à sa place, pendant qu’elle préfère dédicacer un ouvrage à la FNAC. (L’oratrice brandit un prospectus présentant une photographie de Mme la ministre de l’écologie.) C'est bien dommage, car le sujet de notre débat, me semble-t-il, l'aurait intéressée. Chacun a le droit de croire à son destin national, et toute ambition politique est noble et légitime. Mais nul n'a le droit de se moquer ainsi du Parlement !
J’en viens au feuilleton de l’exploration et de l’exploitation des gaz et des huiles de schiste. Honnêtement, le groupe socialiste a voulu réparer ce qu’il considère comme une faute politique. Quel que soit le vocable donné à la dévolution des permis par le Gouvernement en 2009 et en 2010, nous voulons bien croire qu’il s’agit d’une simple erreur, d’une imprudence, d’une négligence, peut-être d’une complaisance envers certaines sociétés extrêmement actives dans le domaine du lobbying. Quoi qu’il en soit, nous voyons qu’elles sont en passe de gagner l'un des rounds de ce match à épisodes, et nous le déplorons.
Sans reprendre les arguments de fond, je voudrais ajouter que le rapport de la mission de l'Assemblée nationale conduite par MM. Gonnot et Martin, rapport dont nous ne connaissions pas le contenu la semaine dernière, est très intéressant. Il fait le point sur toutes les externalités négatives des processus d'exploration et d'exploitation. Quelle que soit notre sensibilité politique, nous reconnaissons tous leurs effets négatifs sur l'environnement et sur la santé, tant la santé animale que la santé humaine, comme cela a pu être constaté aux États-Unis.
Pourtant, vous n’en tirez pas toutes les conséquences. On nous a encore dit il y a quelques instants que le projet de loi sur la réforme du code minier, bien qu’il ait été déposé au mois d’avril en conseil des ministres, n’est toujours pas soumis au Parlement. Il serait tout de même très simple pour le Gouvernement de fixer un rendez-vous au Parlement, ce qui ôterait peut-être quelque force à nos arguments ! Mais vous ne nous dites rien, et je me vois contrainte de lire les propos tenus par le ministre chargé de l’industrie devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Il est clair que la ministre de l’écologie a perdu un arbitrage interministériel face à son collègue de l’industrie ; cela peut arriver. Mais il est regrettable, mes chers collègues de la majorité, que vous n’assumiez pas vos responsabilités. Vous n’avez pas débattu avec nous de ce texte, à quelques rares exceptions près ; je pense à M. Blanc, mais il ne me semble pas très à l’aise.
M. Jacques Blanc. Mais si !
Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, vous allez expliquer dans vos territoires que vous avez stoppé le processus, alors qu’en fait, par votre vote, vous le remettez entre les mains des sociétés.
Qui plus est, alors que nous demandons plus de transparence dans ce dossier très opaque, vous refusez que le public participe au débat. Vous nous renvoyez à une hypothétique réforme du code minier que nous attendons toujours. Vous aurez du mal à défendre cette position, mais c’est votre responsabilité !
L’opacité relevée par la mission de l'Assemblée nationale persiste : derrière le processus industriel, il y a un modèle financier. Les groupes financiers pour lesquels travaillent les sociétés d’exploration sont les tenants et les aboutissants de ce dossier. Or ils ont refusé d’être auditionnés par la mission parlementaire. Cela me paraît tout de même important.
De même, la déclaration du Président de la République au chef du gouvernement polonais l’assurant de la neutralité de la France sur la question de l'exploration en Europe des gaz ou huiles de schiste nous inquiète. Cela va à l’encontre, comme la mission parlementaire l’a relevé, de l’engagement, pris à l'unanimité sous présidence française, en décembre 2007, de réduire les gaz à effet de serre. Or nous savons bien que toutes ces techniques sont productrices de gaz carbonique.
Il est donc de la responsabilité de la France de ne pas autoriser de telles techniques. Mme la ministre nous a confirmé que les externalités négatives de la technique du propane étaient les mêmes que celles des adjuvants chimiques, dont nous ne connaissons toujours pas la composition, qui sont ajoutés à l’énorme quantité d’eau utilisée pour la pression hydraulique.
Nous en sommes arrivés aujourd'hui à une situation détestable : les exploitants l’ont dit, ils attendront des jours meilleurs, qu'ils espèrent pour 2012. Si les plus petits risquent peut-être d’en souffrir, car leur modèle financier est plus précaire, les plus gros n'ont qu'à patienter.
Mes chers collègues, vous comprendrez donc que la position du groupe socialiste reste inchangée : c’est celle que nous défendrons dans nos territoires qui sont tous concernés par ces explorations et ces exploitations. M. Mirassou a évoqué tout à l’heure le permis de Foix : si l'on veut vérifier les externalités négatives de ces processus, il suffit de se rendre là-bas, où ils ont été utilisés à plusieurs reprises. Le Gouvernement peut le faire et il doit le faire !
M. le président. Madame Bricq, la présidence a pris acte de votre message relatif au respect que les membres du Gouvernement doivent témoigner envers le Parlement en assistant à ses séances.
À cet égard, on ne peut adresser de reproche au secrétaire d'État chargé du logement, qui a montré sa compétence sur les dossiers qui nous occupent. Nous le remercions donc d’avoir siégé, avec le talent qu’on lui connaît, au banc du Gouvernement.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle déception ! Alors que, à la mi-avril, l’ensemble de la classe politique semblait vouloir interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche et abroger l’ensemble des permis de recherches, voici que, contre toute attente, on nous demande aujourd’hui d’adopter une proposition de loi qui légalise la pratique de la fracturation hydraulique – sous couvert de recherche scientifique – et permet aux industriels de conserver leurs permis.
Que s’est-il passé pour que les consciences évoluent à ce point ? Doit-on y voir l’influence des lobbies pétroliers, ou s’agit-il simplement d’un énième renoncement aux engagements du Grenelle de l’Environnement ?
Je m’interroge également au sujet de l’octroi, en 2010, de permis d’exploration de gaz de schiste par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie : était-ce une erreur coupable ou un acte assumé ?
M. Michel Billout. Maintenant que l’on sait que son futur ou probable directeur de campagne dans la course présidentielle est l’avocat de l’un des principaux promoteurs des hydrocarbures de schiste, la société Toreador, pour ne pas la nommer, ne peut-on supposer qu’il s’agit d’un nouveau conflit d’intérêts ?
M. Michel Billout. Avec cette proposition de loi, fondée sur des arguments dont un article du Monde daté d’hier a montré qu’ils étaient totalement mensongers puisque les fameux permis de recherche ne sont pas « muets », vous permettez aux industriels de poursuivre en toute impunité cette exploitation comportant des risques avérés d’effets irréversibles sur l’environnement, risques qui sont d’ailleurs rappelés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de notre rapporteur, M. Houel.
Je tiens d’ailleurs à souligner la dualité de notre collègue, qui, entre le moment où il a déposé sa proposition de loi et celui où il a remis son rapport sur le texte que nous examinons, a, pour ainsi dire, entièrement revu sa copie. Ce grand écart sera délicat à assumer devant les élus locaux et la population…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui, il faut être franc, il faut assumer !
M. Michel Billout. En effet, sous couvert de recherche scientifique, la fracturation hydraulique sera encore utilisée, quoique des études aient démontré ses impacts négatifs sur l’environnement et la santé publique.
Il me semble que, au moment où notre pays est frappé par la sécheresse et où la ministre de l’écologie invite la population à réduire sa consommation d’eau de 20 % d’ici à 2020, vous n’avez pas bien pris la mesure des conséquences dramatiques que la nouvelle version de cette proposition de loi emportera pour nos réserves d’eau.
Plus grave encore, il sera possible aux industriels de conserver leurs permis de recherches s’ils indiquent qu’ils ne recourent pas à la fracturation hydraulique. Concrètement, cela revient à leur laisser le temps de trouver de nouvelles techniques, ou de nouvelles appellations, tout en conservant leurs permis. Qui plus est, je vous le rappelle, ces permis de recherches deviendront aisément, à l’avenir, des permis d’exploitation…
Du reste, comme par miracle, de nouvelles techniques sont en train d’apparaître : un article de La Tribune a évoqué la fracturation pneumatique, qui consiste à remplacer l’eau par de l’air comprimé, ainsi que la fracturation par choc électrique ; l’Humanité a mis au jour la stratégie de certains industriels, qui ne parlent plus de « fracturation hydraulique » mais de « stimulation hydraulique » ; enfin, la semaine dernière, le rapporteur a évoqué la fracturation au propane, qui est utilisée au Canada.
Pourtant, ainsi que le reconnaissait récemment un membre du cabinet de Mme Kosciusko-Morizet, interrogé par La Tribune, « personne ne sait si ces méthodes sont efficaces ni rentables économiquement ». Cette analyse constitue un révélateur des dysfonctionnements du marché de l’énergie, au sein duquel l’impératif de rentabilité économique prime sur l’intérêt général. Ce n’est donc pas le service public de l’énergie mais bien le marché de l’énergie qui pose problème, dans la mesure où les entreprises, pour la plupart privées, qui en sont les acteurs principaux ne recherchent que la rentabilité, sans faire aucune place aux considérations d’ordre social ou environnemental.
Cet exemple illustre la nécessité d’un pôle public de l’énergie, qui permettrait non seulement de garantir la sécurité d’approvisionnement, mais également de financer la recherche dans le domaine des énergies renouvelables, qui seules nous permettront de répondre aux besoins de demain. Quand on connaît la politique du Gouvernement en matière de recherche publique, sans parler de son sous-financement, la constitution de ce pôle public de l’énergie constitue manifestement une priorité.
Résumons-nous : si l’on comprend bien l’intérêt qu’ont les industriels à poursuivre dans la voie de l’exploitation des hydrocarbures de roche, il est de notre responsabilité d’hommes et de femmes politiques de condamner clairement cette exploitation, qui détruit la roche, nécessite une quantité d’eau invraisemblable et pollue nos nappes phréatiques.
J’achèverai mon propos par quelques mots sur l’importance de la transparence et de l’information dans ce domaine. De fait, vous avez confirmé votre refus de soumettre les demandes de permis à débat public, étude d’impact ou enquête publique, ce qui est un comble ! Nous le regrettons d’autant plus que ce refus est contraire aux exigences posées par l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Je regrette également que cette question n’ait pas suscité de débat plus large, dépassant le cadre de cet hémicycle. Pis encore : en plus de n’avoir pas été entendus, les maires qui ont signé des arrêtés visant à interdire l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire de leur commune ont été assignés en justice par la société Schuepbach Energy LLC, qui leur reproche d’avoir abusé de leur pouvoir. Voilà une première conséquence du renoncement des parlementaires de la majorité !
Ainsi, faute de volonté politique claire, l’exploitation des gaz et huiles de schiste a encore de beaux jours devant elle, grâce à cette proposition de loi. Nous voterons donc contre dernière et continuerons, avec nos concitoyens et les élus locaux, d’exiger l’interdiction de toute extraction des huiles et gaz de schiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la rédaction du texte, aggravée non seulement par l’Assemblée nationale mais également par la commission de l’économie du Sénat, démontre que le temps où la majorité s’opposait au gaz de schiste n’aura guère duré…
Nous ne doutons pas du rôle important qu’ont joué les lobbies pétroliers et gaziers dans ce retournement de situation. Leur crispation a été si forte que les pressions qu’ils ont exercées sur bon nombre de parlementaires sont presque de notoriété publique.
M. Philippe Dallier. Ça suffit ! Nous en avons assez de ces insinuations !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce qui vous dérange ?
M. Philippe Dallier. Ce sont des allégations mensongères !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la vérité qui vous dérange !
Mme Marie-Agnès Labarre. Le décalage entre ce texte et vos promesses est frappant. On est passé, en effet, de l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste à la simple interdiction de la fracturation hydraulique. Sous prétexte que cette technique est celle qui présente le plus de risques avérés et potentiels, tout le reste est oublié ! La ficelle est grosse : il s’agit simplement de permettre aux industriels de poursuivre leurs activités !
Les risques que comporte la fracturation hydraulique seraient-ils donc les seuls associés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste ? Différentes études, y compris parmi celles qu’a citées le rapporteur, en mentionnent pourtant bien d’autres : accentuation du réchauffement climatique, « noria de camions », emprise au sol, destruction des paysages...
Si le principe de précaution a pour but de prévenir un risque potentiel, le principe de prévention, mentionné à l’article L110-1 du code de l’environnement, implique l’interdiction de la source des risques lorsque ceux-ci sont avérés. Pourquoi donc la fracturation hydraulique est-elle seule interdite alors que les risques liés aux camions ou à l’occupation des sols sont bien réels ?
Le fond du problème est que l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est indéfendable ! On ne peut pas, d’un côté, prétendre combattre le réchauffement climatique et, de l’autre, autoriser la multiplication de projets qui l’aggravent.
La rédaction de l’article 2 est ainsi particulièrement hypocrite. Au lieu d’abroger purement et simplement les permis exclusifs, comme cela était prévu au départ, il n’est plus question que de demander aux titulaires de s’engager à ne pas utiliser la fracturation hydraulique ! Allons-nous nous contenter d’une simple déclaration de principe de la part des exploitants ? Suffit-il, à vos yeux, de dire que l’on ne pollue pas pour ne pas être un pollueur ?
Abroger les permis existants, c’était pourtant la garantie que tout allait être remis à plat. Vous nous répondez que cela n’aurait pas de sens dans la mesure où les permis ne précisent pas les techniques utilisées ni le type d’hydrocarbure exploité. Mais cela revient à reconnaître que vous laissez la porte ouverte aux abus ! Nous considérons que cette imprécision est à elle seule une raison suffisante pour abroger les permis existants.
Du reste, il est parfaitement hypocrite de prétendre que nous ne savons rien : ni les gaz ni les huiles de schiste ne peuvent être exploités autrement que par la fracturation hydraulique, et il n’y a pas de réserves majeures d’hydrocarbures conventionnels dans la plupart des zones concernées par les permis déjà délivrés…
Or, dans la rédaction actuelle, il n’est même plus question de moratoire. Cela est nettement en deçà des engagements pris par le Premier ministre, selon lequel il fallait « annuler les autorisations qui ont déjà été données », ou par sa ministre de l’écologie, qui avait fermement critiqué l’octroi de ces permis. Le Gouvernement se déjuge donc en soutenant cette proposition de loi.
Votre démarche n’a qu’un seul objectif : laisser le temps aux industriels de prospecter comme ils l’avaient prévu, afin qu’ils puissent commencer l’exploitation une fois les échéances électorales passées. Demain, vous nous expliquerez sans doute que les exploitants ont réussi à limiter les conséquences des techniques d’exploitation. On aura donc trouvé d’un seul coup le remède miracle pour améliorer une technique pourtant utilisée depuis plus de quarante ans, notamment aux États-Unis…
L’« amicale des foreurs » a eu gain de cause : vous avez trahi l’intérêt général au profit de l’intérêt privé des lobbies. Pour illustrer mon propos, je rappellerai les mots prononcés devant ses actionnaires par Christophe de Margerie, patron de Total…