Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le meilleur !
Mme Marie-Agnès Labarre. … au lendemain de l’adoption de la proposition de loi par l’Assemblée nationale : « Ce qui a été voté n’exclut pas la possibilité pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits miniers, ce qui est d’ailleurs assez habile… On va s’en sortir et trouver une solution dans les années à venir... Il faut rester low profile en cette période... On reviendra sur scène pour expliquer qu’on ne peut pas utiliser que le soleil et les oiseaux. »
Mesdames, messieurs de la majorité, les lobbies vous remercient !
Notre intérêt est-il de continuer ad vitam aeternam à prétendre repousser les limites des capacités de la planète, alors que celles-ci ne sont évidemment pas infinies ? L’Agence internationale de l’énergie a ainsi confirmé que le pic de production pétrolière, le peak oil, avait été atteint en 2006. Cela signifie que la production de barils de pétrole ne fera plus désormais que décroître.
Que faire face à cette situation ? Voilà la question de fond ! Allons-nous continuer à enfoncer désespérément la tête dans le sable, ou ferons-nous accomplir un réel virage écologique à la société ? Plus nous retarderons la conversion écologique de notre système de production, d’échanges et de consommation, plus les décisions à prendre le jour venu seront douloureuses.
Commençons donc par dépasser le court terme, limiter l’influence des lobbies et mettre fin à la suprématie des milieux d’affaires. Retrouver le sens de l’intérêt général, c’est donner les moyens aux citoyens de reprendre en main les choix stratégiques de la collectivité, dont font partie les choix énergétiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je crois que l’on ne peut pas accepter des propos comme ceux que nous venons d’entendre.
Mes chers collègues, nous ne défendons ici aucun lobby, aucune entreprise : nous avons la prétention de défendre l’intérêt général et, en l’espèce, de corriger sans attendre une situation malheureuse, car il est vrai qu’une erreur a été commise.
Vous nous dites : pourquoi ne pas attendre la réforme du code minier ? Mais une telle réforme prend forcément du temps ! Certes, on parle de cette réforme depuis longtemps…
Mme Nicole Bricq. Depuis 1956 !
M. Jacques Blanc. Pour ma part, avant même que se pose la question du gaz de schiste, j’avais écrit que la réforme du code minier était indispensable – je peux vous envoyez le texte.
Dans l’immédiat, ne pas voter la présente proposition de loi reviendrait à laisser les entreprises développer leurs explorations comme elles l’entendent. Nous, nous voulons éviter tout risque, je dis bien tout risque d’exploration. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
En votant ce texte, nous serons certains que, demain, il n’y aura plus d’exploration suivie de fracturation hydraulique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !
M. Jacques Blanc. En effet, nous aurons comblé le vide juridique qui permet aujourd'hui aux industriels d’utiliser cette technique. Cela constituera une garantie de sécurité jusqu’à la réforme du code minier et permettra de répondre aux angoisses qui se sont fait jour.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenons le pari !
M. Jacques Blanc. Madame Borvo, pourquoi suspecter le fondement même de notre démarche, qui est clairement d’empêcher toute dégradation de notre environnement par des techniques que nous n’acceptons pas ? Et puisque nous ne les acceptons pas, nous les condamnons.
Qui peut penser qu’une entreprise pourrait tricher en utilisant la fracturation hydraulique ?
M. Jean Desessard. Mais oui, qui ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne s’est jamais vu !
M. Jacques Blanc. Attendez ! Il ne s’agit tout de même pas de quelque chose que l’on peut faire en catimini !
Il fallait condamner une technique. Il fallait aussi que l’État corrige la situation en apportant les sécurités juridiques nécessaires et sans que cela lui coûte cher. C’est ce que nous faisons.
Alors, inutile de nous faire des procès d’intention et de développer une argumentation manichéenne ! Je le répète, nous ne voulons pas que l’on casse notre environnement, et c'est pourquoi nous voterons ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il parle à ses électeurs !
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Jacques Blanc. J’ajoute, madame Bricq, que nous le voterons sans état d’âme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est certain ! Mais nous verrons ce qu’en penseront les électeurs !
M. Jacques Blanc. J’ai craint un moment qu’on ne retarde les choses, alors qu’il fallait aller très vite.
À cet égard, nous pouvons remercier le Gouvernement, en particulier Mme la ministre de l’écologie, qui n’a rien signé et qui doit affronter les conséquences d’une erreur qu’elle n’a pas commise. Cette erreur, nous allons la réparer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En 2050, nous ne serons plus là pour le vérifier !
M. Jacques Blanc. Et c’est ensemble que nous préparerons la réforme, ô combien importante, du code minier, sans laquelle il n’y aura pas, en France, de politique industrielle digne de ce nom.
Ainsi, nous allons rassurer tout le monde. Pourquoi vouloir plonger encore davantage dans l’angoisse des populations qui ont été traumatisées par les images, venues des États-Unis, montrant les dégâts causés par la fracturation hydraulique ? Celles-ci sont, il est vrai, très impressionnantes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Quand on les voit, on ne peut que dire non à de tels procédés. C’est bien ce que nous faisons au travers de ce texte, mais sans prétendre que tout est réglé ad vitam æternam.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh que non !
M. Jacques Blanc. Il restera à réformer le code minier, mais nous aurons au moins, en votant ce texte, répondu à la nécessité de mettre un terme définitif aux problèmes créés par la technique de la fracturation hydraulique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas parce que vous vous répétez que vous finissez par dire la vérité !
M. Jacques Blanc. J’ai le sentiment que nous avons répondu, très normalement, à une attente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, pas du tout !
M. Jacques Blanc. Nous n’avons pas changé de position en cours de route.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, complètement !
M. Jacques Blanc. La proposition de loi que Michel Houel et plusieurs d’entre nous avions déposée débouche aujourd'hui sur un texte qui, je l’espère, mettra l'ensemble de nos territoires à l’abri des dégâts causés par la fracturation hydraulique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo pour ce discours paradoxal : le texte a été modifié et vous soutenez le contraire !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au cours de ce débat qui s’est déroulé en deux temps, nous avons clairement réaffirmé, avec toute l’opposition parlementaire, notre refus résolu de la fracturation hydraulique. J’ai entendu des membres de la majorité exprimer la même position – l’intervention que vient de faire M. Jacques Blanc à l’instant va dans ce sens –, et je ne mets absolument pas en cause leurs convictions en la matière.
Cependant, pour atteindre cet objectif qui nous est commun, il y a deux voies possibles : celle que vous nous proposez et la nôtre.
À notre sens, nous sommes en présence d’un texte d’affichage. Il nous est arrivé un petit peu trop vite, mais c’est sûrement parce qu’il y a eu une forte mobilisation citoyenne. Il aurait fallu, dans un premier temps, réformer le code minier, puis, dans un deuxième temps, abroger les permis, conformément à ce qui avait été annoncé par le Premier ministre.
Mais voilà que, en cours de débat, certains ont changé de position, et nous sommes tous d’accord pour le dire.
À partir de la volonté initiale d’abroger les permis, on est arrivé à un texte qui, certes, en son article 1er – c’est écrit noir sur blanc – consacre le rejet de la fracturation hydraulique, mais dont l’article 2 contredit l'article 1er !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et voilà !
M. Didier Guillaume. In fine, s’il n’y avait eu que l'article 1er, s’il n’avait été question ni de la commission nationale d’orientation créée à l’article 1er bis ni du délai de deux mois, peut-être aurions-nous pu avancer.
Aujourd'hui, que vous le vouliez ou non, le texte qui résulte de nos travaux – et c'est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas – ne verrouille aucunement le dispositif sur le plan juridique et n’exclut pas une éventuelle exploitation des gaz de schiste.
Mmes Bariza Khiari et Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. Personne ne peut le nier !
Je peux comprendre que vous soyez contraints d’avancer dans cette direction, mais, il faut le dire ! Car c’est à un véritable renoncement que nous assistons.
Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons un grand débat sur l’énergie.
M. Jacques Blanc. Je suis d’accord !
M. Didier Guillaume. La prochaine campagne présidentielle devra en fournir l’occasion, parmi d’autres. (Mme Nicole Bricq et M. Michel Teston applaudissent.)
Il ne faut pas « saucissonner » ce débat sur l’énergie. La discussion doit être globale et porter tout autant sur le nucléaire, le thermique, le charbon, les renouvelables et les gaz de schiste. C’est ainsi que nous pourrons déterminer la composition de notre bouquet énergétique et définir ce que doit recouvrir notre mix énergétique.
Un tel débat est, à mes yeux, indispensable. Ce n’est pas en discutant par petits bouts que nous progresserons.
Dans notre esprit, il fallait commencer par la réforme du code minier pour apporter les garanties nécessaires. Ce n’est pas ce qui a été prévu, cette réforme étant reportée à plus tard. Puis il importait d’abroger les permis, surtout lorsqu’on sait dans quelle opacité ces derniers ont été accordés.
Et que dire du revirement du Premier ministre après l’annonce qu’il avait faite, et aussi après ce qui s’est passé à Blackpool ? Car on ne peut pas faire comme si de rien n’était : ces mini-séismes sont vraisemblablement liés à la fracturation hydraulique.
Monsieur le secrétaire d'État, nous voulons tout simplement la transparence et la préservation de l'environnement. En fait, nous voulons réhabiliter le Grenelle de l'environnement, et ce n’est pas ce texte qui y contribuera. Voilà pourquoi nous défendons, nous, l’interdiction pure et simple de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi. Mais le débat ne s’arrête pas là. La mobilisation des élus et de nos concitoyens continue sur nos territoires : tous refusent que les choses puissent se faire ainsi, au fil de l’eau, car tous entendent préserver leur environnement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, à l’interpellation de Mme Bricq qui pointait l’absence de la ministre de l'écologie partie dédicacer son livre à la FNAC (L’orateur brandit un document publicitaire où l’on distingue une photographie de Mme la ministre de l’écologie.), vous avez répondu que la représentation du Gouvernement était assurée par M. Apparu. Soit !
Cependant, il n’est que de reprendre les propos de M. Dallier soulignant l’importance de l’indépendance énergétique, ou de M. Jacques Blanc insistant sur la nécessité de légiférer très vite afin de régler tous les problèmes, pour se rendre compte que la présence de la ministre de l’écologie aurait été utile. C’est avec elle que nous avons entamé le débat le 1er juin dernier, mais il a été retardé par de nombreux scrutins publics, faute d’une présence suffisante des membres de la majorité. Si Mme Kosciusko-Morizet avait été là aujourd'hui, nous aurions pu, tous ensemble, continuer à travailler.
Mme Françoise Laborde. Eh oui !
M. Jean Desessard. D’ailleurs, M. Apparu a-t-il véritablement le temps de s’occuper de ces questions ? Il est secrétaire d'État chargé du logement, que je sache. La France n’aurait-elle donc plus aucun problème dans ce domaine ? Ah bon, je l’ignorais ! Tout est normal : M. Apparu peut venir disserter sur les gaz de schiste ! (Sourires.)
Il est tout de même permis de s’interroger sur une telle cohérence. Mais, peu importe ! Même si Mme la ministre a fait le choix de ne pas venir, je continuerai de mon côté ma discussion avec elle, car je tiens à revenir sur les notions importantes qu’elle a introduites dans le débat la semaine dernière.
M. Philippe Dallier. Il est têtu, Desessard ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. D’après ses propres dires, le Gouvernement a, dans ce dossier, vaillamment appliqué le principe de précaution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Vraiment ?
Les permis d’exploitation ont été signés par le Gouvernement en mars 2010, alors que le film Gasland, qui montrait tous les dégâts consécutifs à l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, était projeté sur de nombreux écrans américains.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme la ministre ne l’a sûrement pas vu !
Mme Nicole Bricq. Elle ne comprend peut-être pas l’anglais !
M. Jean Desessard. Le principe de précaution, ce serait donc ça : on ne voit rien, on ne se renseigne pas, on ne s’intéresse nullement à ce qui se passe à l’étranger ! On décide d’accorder des permis pour l’exploitation des gaz de schiste quand, aux États-Unis, un film dénonce tous les désastres que celle-ci occasionne.
Mais il se peut aussi que, lorsque Mme Kosciusko-Morizet parle de principe de précaution, elle ne parle en fait pas de la même chose que nous… Il se peut que, pour elle, le principe de précaution consiste à éviter, un an avant une élection cruciale, une mobilisation citoyenne de grande ampleur ? Là, tout s’explique, tout s’éclaire ! (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Il n’est pas trop tard pour bien faire, monsieur le secrétaire d'État. Le Gouvernement peut, dès aujourd'hui, abroger l'ensemble des permis relatifs aux futures techniques d’exploitation plus ou moins dérivées de la fracturation hydraulique, car tout porte à croire qu’elles seront dangereuses pour l'environnement et la santé.
J’ai posé la question ici même : y a-t-il quelqu'un qui pense qu’un tel procédé n’est pas dangereux ? Personne n’a répondu ! Je me suis permis de la reposer : je n’ai pas obtenu plus de réponse !
Si tout le monde sait que c’est dangereux, le principe de précaution ne peut conduire qu’à cette double décision : interdire l’exploitation et abroger les permis.
Pourtant, aujourd'hui, vous choisissez d’ouvrir la porte à un contournement éhonté de la loi, en demandant aux industriels de préciser les méthodes employées. Mais ceux-ci ne vont pas manquer de vous répondre : « Ne vous inquiétez pas, nous prenons notre temps pour trouver un mode d’extraction propre et mettre en place des dérivés ; tout va bien se passer dès lors que nous conservons nos permis ! »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va attendre que plus personne n’en parle !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas sérieux : lorsque la situation est grave, il faut prendre ses responsabilités !
Peut-être existe-t-il encore une autre explication à tout cela. Car, dans cette affaire, il y a fracture et facture. Dans le feu d’une discussion très vive, Mme la ministre nous a expliqué : « L’enjeu est d’agir correctement, pour éviter tout contentieux et ne pas être contraint de payer des dédits absolument effrayants aux industriels. »
Tout est dit ! On a fait une grosse bourde environnementale ; il y a, certes, une mobilisation citoyenne, mais on a déjà signé les permis et l’on risque de devoir beaucoup d’argent aux industriels, aggravant ainsi un déficit public déjà très important.
Cela étant, au lieu de prendre ses responsabilités, on va dédicacer son livre, on ne prend pas le temps de venir s’expliquer devant la représentation nationale !
Le Gouvernement est pris en étau entre des citoyens vigilants et des industriels qui n’hésiteront pas à l’assigner devant le tribunal et à multiplier les contentieux, aussi dommageables sur le plan symbolique – pensez à la présidentielle ! – que sur le plan financier.
Voilà ce que je veux dire à Mme la ministre et à vous, monsieur le secrétaire d'État, ici présent : reconnaissez plus clairement la lamentable bévue du Gouvernement ! Nous chercherons une solution financière ensemble : nous sommes des personnes responsables, et nous devons d’ailleurs nous préparer à gérer bientôt le pays... (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Ne parlez pas de malheur ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Pourquoi, par exemple, ne pas commencer par revenir sur cette niche fiscale instaurée au profit des pétroliers et que le Gouvernement a pris bien soin de préserver dans la dernière loi de finances ? En définitive, la boucle est bouclée !
Monsieur le secrétaire d'État, je n’arrive pas à comprendre si la démarche du Gouvernement révèle seulement une effarante négligence, qui nous coûte cher, à nous tous citoyens, ou si elle signe au contraire une terrible cohérence en trahissant la volonté de continuer, coûte que coûte, l’exploitation des gaz de schiste.
En tout état de cause, les sénatrices et sénateurs écologistes s’opposent fermement à ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me bornerai à formuler deux observations.
Tout d’abord, je voterai ce texte parce qu’il combine un double avantage : il assure une condamnation formelle du processus de forage suivi d’une fracturation hydraulique tout en ne représentant pas, pour les finances publiques, le risque important qu’aurait entraîné l’adoption des amendements de Mme Bricq ou de nos collègues du groupe CRC-SPG.
Mme Nicole Bricq. Chantage !
M. Jean-Pierre Fourcade. Personne n’en a parlé, mais il aurait été dangereux d’aller aussi vite que certains le voulaient et de supprimer rétroactivement ces permis, qui, comme l’a bien expliqué M. le secrétaire d'État, ne différencient pas l’exploration de gaz de schiste de la recherche pétrolière classique. Cela se serait traduit par des contentieux financiers considérables.
Le texte qui nous est soumis évite cet inconvénient.
Mme Nicole Bricq. Tout risque n’est pas écarté !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il marque, comme l’ont demandé M. Desessard et nos collègues socialistes, un refus absolu de la technologie de la fracturation hydraulique. Voilà un point parfaitement clair, sur lequel tout le monde s’accorde, sans qu’il soit besoin d’évoquer sans cesse la mobilisation citoyenne. On connaît M. Bové, mais ce n’est tout de même pas une raison pour penser qu’il est le sel de la France !
Mme Nicole Bricq. Mais il n’est pas tout seul !
M. Jean Desessard. Et il est formidable, José Bové !
M. Jean-Pierre Fourcade. N’exagérons pas, il a été condamné plusieurs fois : ne le prenons pas en exemple !
Je voterai le texte parce qu’y figure ce double élément : la condamnation de la fracturation hydraulique et la protection à l’égard de contentieux financiers extrêmement lourds. En l’état de nos finances publiques, il n’est tout de même pas mauvais, me semble-t-il, de veiller à ne pas en provoquer nous-mêmes.
J’en viens à ma seconde observation.
Je n’accepte pas les insinuations de Mme Labarre sur les pressions supposées que des industriels auraient exercées à notre endroit. C’est aussi ridicule, chère collègue, que de dire que Gazprom aurait exercé des pressions sur vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’insinuez-vous ?
M. Philippe Dallier. La même chose que vous !
Mme Nicole Bricq. Ce vague relent d’anticommunisme primaire n’est plus de saison, monsieur Fourcade !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous en avons l’habitude…
M. Jean-Pierre Fourcade. Car, dans cette affaire, qui va bénéficier de l’opération ? Gazprom, évidemment ! (M. Claude Biwer applaudit.)
Par conséquent, évitons de nous lancer de tels arguments à la tête et reconnaissons que nous sommes dans une situation énergétique difficile.
À l’instar d’autres intervenants, je demande l'organisation d’un débat sur l’énergie, car on ne peut pas être à la fois contre les gaz de schiste, contre les produits pétroliers, contre l’énergie nucléaire, et pour les énergies renouvelables. Tant que nous n’aurons pas trouvé le mécanisme qui permet de conserver l’énergie solaire la nuit et l’énergie éolienne les jours sans vent, nous serons bien obligés de recourir à d’autres types d’énergie.
M. René Garrec. Ou il ne nous restera que la chandelle !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce texte m’apparaît comme un compromis honorable. Je félicite M. le rapporteur de l’avoir porté sur les fonts baptismaux. L'ensemble du groupe UMP le votera, en ayant le sentiment d’avoir fait progresser la réflexion et d’être en mesure de rassurer nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Houel, rapporteur. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir participé à nos travaux avec autant de compétence et de sensibilité.
Je veux également remercier les administrateurs du Sénat qui ont travaillé sur ce dossier, ainsi que mes collègues de tous les groupes.
À ce stade de notre débat, je me permettrai de revenir sur quelques points, afin d’apporter certaines précisions.
Dans le documentaire Gasland, on voit du gaz sortir des robinets ; mais il s’agit de méthane, un gaz qui se trouve toujours dans les nappes phréatiques. On n’en trouve jamais, lors des forages, à une profondeur de 2 800 ou 3 000 mètres !
Ce film décrit par ailleurs une pollution de la nappe phréatique par du schiste qui s’est échappé pendant les forages. En réalité, les causes de cette pollution sont la mauvaise mise en place du tubage ; la gaine en béton ne présentait pas la solidité et l’étanchéité nécessaires. Il est vrai que ces opérations ont été réalisées par de jeunes sociétés inexpérimentées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au Mexique !
M. Michel Houel, rapporteur. À Blackpool, monsieur Desessard, les secousses sismiques ont, en fait, été de faible intensité : 1,3 et 2,3 sur l’échelle de Richter. Mais des séismes d’une magnitude inférieure à 3, il s’en produit en permanence un peu partout dans le monde. Vous êtes du reste bien placé pour le savoir, en tant que sénateur Vert et défenseur de l’environnement ! Aujourd’hui même, dans le monde entier, il y a eu environ 3 000 secousses sismiques.
Ce qui s’est passé à Blackpool ne signifie donc pas grand-chose. Ces phénomènes méritent certes d’être surveillés, mais il convient de les relativiser...
Par ailleurs, vous caricaturez le principe de précaution ! Si l’on vous écoutait, il faudrait tout interdire ! Ce n’est évidemment pas possible.
Pour ma part, je crois à la recherche.
Pour avoir été rapporteur du budget de la recherche pendant deux ans, je puis vous dire que nous avons absolument besoin de la recherche. Vous-mêmes, chers collègues de l’opposition, lors de l’examen du projet de loi sur la bioéthique, vous l’avez soutenue. Il n’y a pas, d’un côté, l’obscurantisme et, de l’autre, les lumières : nous avons tous besoin de la recherche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela tombe bien, après ce qui s’est passé sur la bioéthique !
M. Michel Houel, rapporteur. Il ne faut pas arrêter la recherche ! Bien sûr, je suis défavorable à la fracturation hydraulique, mais je n’ai pas besoin de vous, monsieur Billout, pour l’expliquer à mes électeurs. Croyez-moi, je m’en chargerai tout seul...
Il existe toutefois d’autres pistes que la fracturation hydraulique. Vous savez parfaitement, monsieur Desessard, que celle de l’arc électrique est prometteuse. Les chercheurs qui l’étudient en laboratoire font actuellement des progrès énormes, et l’on peut espérer une mise en application prochainement.
L’autre piste possible est l’utilisation du propane. En l’occurrence, point n’est besoin de camions à tout va : il suffit d’une cuve. On lâche le propane, qui est un gel, et du sable ; ce procédé ne nécessite aucun produit chimique. Ensuite, le propane remonte, il est récupéré et immédiatement remis dans la cuve. Ce n’est tout de même pas à vous que je vais l’apprendre, monsieur Desessard ! À moins que vous n’ayez pas étudié les dossiers...
Nous avons besoin de la recherche, car il nous faut avancer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien ce que nous avons dit tout à l'heure à propos du texte sur la bioéthique !
M. Michel Houel, rapporteur. Eh bien, je fais de même maintenant. C’est mon droit, non ?
Enfin et surtout, chers collègues de l’opposition, la politique est faite d’alternances : si l’alternance a lieu demain, je peux vous assurer que vous mangerez votre chapeau ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des menaces, maintenant ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l’une, du groupe socialiste, l’autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 241 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 152 |
(La proposition de loi est adoptée.)