M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume, Teston, Fauconnier, Sutour, Courteau, Mirassou, Chastan et Raoul, Mme Khiari, MM. Daunis, Bérit-Débat et Berthou, Mme Voynet, M. Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa (1°) de l’article L. 111-1 du code minier, après le mot : « gazeux », sont insérés les mots : « y compris les hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Comme cela a été rappelé, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures dits non conventionnels nécessitent aujourd’hui l’emploi de techniques de fracturation des roches particulièrement préjudiciables pour l’environnement et la santé. La plus utilisée aujourd’hui est celle de la fracturation hydraulique. Or ce mode d’extraction est particulièrement nuisible à l’environnement et il comporte des risques sanitaires extrêmement graves.
De plus, il est contraire aux principes de la Charte de l’environnement, aux engagements du Grenelle de l’environnement et à de nombreux articles du code de l’environnement.
Que le code minier soit obsolète ne dédouane pas le Gouvernement d’avoir accordé des permis en catimini, sans concertation aucune ni respect des procédures prévues dans le code de l’environnement.
Force est aussi de constater que les groupes industriels du secteur de l’énergie sont déjà dans les starting-blocks pour nous vendre de nouvelles techniques ! Et, bien évidemment, ils voudront non seulement préserver leur permis, comme le leur permet l’article 2, mais aussi en obtenir d’autres ! Et c’est d’autant plus facile que, si des permis spécifiques sur les hydrocarbures de schiste ont été octroyés en 2010, de nombreux autres n’opérant aucune distinction quant au type d’hydrocarbure concerné – de schiste ou non – ont également été accordés.
Aujourd’hui, il est absolument nécessaire de clarifier les choses ! Il faut donc introduire dans le code minier un terme permettant de distinguer clairement les hydrocarbures de schiste des autres hydrocarbures, plus classiques.
Le rapport d’étape de la mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable souligne « le caractère trompeur de l’appellation hydrocarbures dits “non-conventionnels” : ce qui est “non conventionnel” n’est pas la nature de l’hydrocarbure, mais la roche dans laquelle on les trouve et les conditions dans lesquelles ils sont recherchés et exploités dans cette roche ».
Pour cette raison même, les auteurs de ce rapport préconisent d’utiliser le terme de « gaz ou huile de roche-mère » pour désigner les hydrocarbures qui « sont dispersés au sein d’une formation de roche non poreuse qu’il faut fissurer pour extraire les huiles ou le gaz qui s’y trouvent ».
Nous proposons donc, par cet amendement, d’introduire dans le code minier cette terminologie qui est de nature à permettre une identification et un recensement précis, plutôt que de rester dans l’opacité en continuant à délivrer des permis non dédiés ou, comme le prévoit l’article 2, en permettant aux industriels de garder ceux qui ont été délivrés par l’administration,
De même, et tel est le sens même de notre proposition de loi et des amendements que nous avons déposés, nous souhaitons interdire l’exploration et l’exploitation des mines de gaz et huiles de roche-mère dans l’attente, au moins, de l’organisation d’un véritable débat démocratique sur le contenu de notre politique énergétique et ses enjeux ou, en tout cas, de la mise en œuvre des procédures prévues dans le code de l’environnement, qui devraient s’appliquer à l’exploration et l’exploitation de ce nouveau type d’hydrocarbures de roche-mère, comme le prévoient nos amendements nos 13, 14 et 15.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Les hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère relèvent d’ores et déjà du régime légal des mines, puisque l’article L. 111-1 du code minier vise les hydrocarbures dans leur ensemble, quelle que soit leur origine ou leur mode d’extraction.
Il n’est donc pas nécessaire d’apporter cette précision. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Ça commence !
M. le président. Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 222 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national, sauf dans le cadre de projets réalisés à des fins scientifiques pour évaluer la technique de la fracturation hydraulique ou des techniques alternatives, précédés d’une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre premier du code de l’environnement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen des articles de cette proposition de loi, qui a beaucoup évolué depuis son dépôt à l’Assemblée nationale au mois de mars dernier.
Madame la ministre, après la polémique née de l’octroi par votre prédécesseur, dans la plus grande opacité, de permis exclusifs de recherche de gaz et huiles de schiste, au moment même d’ailleurs où il appelait sur ces bancs à une révolution verte, votre Gouvernement a été obligé de réagir en déclarant un moratoire provisoire sur l’exploration et l’exploitation de ces hydrocarbures.
Les parlementaires se sont émus également de cette situation, puisque ce sont cinq propositions de loi qui ont été déposées sur ce sujet, tant les enjeux sont importants. Il n’est en effet plus à démontrer que l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche posent de multiples problèmes environnementaux.
Nous savons que la consommation importante en eau pose problème, puisqu’il faut entre 10 000 mètres cubes et 20 000 mètres cubes d’eau pour un puits de gaz non conventionnel. L’eau est une ressource bien trop précieuse, notamment en ces temps de sécheresse, pour être ainsi utilisée, sans parler, évidemment, de l’acheminement par camion de cette eau, qui n’est pas fait pour améliorer le bilan carbone !
Parallèlement, nous constatons une contamination des nappes phréatiques, et cela à deux moments : lors de la fracturation, puis lors de la remontée d’une partie du fluide de fracture.
Le traitement des eaux usagées n’est pas non plus satisfaisant, puisque ce taux de retraitement varie entre 30 % et 80 %. À ce titre, voilà ce que des scientifiques de l’université de Montpellier ont estimé : « Le mode de recharge de ces aquifères et leur structure interne favorisent les déplacements de polluants éventuels et la quasi-absence d’autoépuration ». Ils concluent : « Ainsi, leur vulnérabilité aux pollutions est reconnue comme élevée et très spécifique. »
Rappelons également que les additifs chimiques dans les eaux de fracturation sont des produits cancérigènes. Ils présentent donc un risque majeur pour la santé.
De plus, l’emprise au sol de ce type d’installation n’est pas sans impact sur les paysages, puisqu’il faut creuser de nombreux trous de forage.
Enfin, l’étude menée par l’université Cornell à New York indique que les hydrocarbures de roche génèrent du méthane, qui ajoute aux inconvénients de cette exploitation.
Pourtant, dans notre assemblée, force est de le constater, la majorité parlementaire considère que de tels éléments, s’ils sont pour le moins inquiétants, ne justifient pas l’interdiction pure et simple de l’exploration et de l’exploitation de ces hydrocarbures par fracturation hydraulique.
Vous avez ainsi fait le choix en commission d’ouvrir à nouveau la porte à cette technique sous couvert de permettre la recherche scientifique alors que l’exploration avec fracturation est conduite depuis une trentaine d’années déjà du côté de Lacq.
Tout cela est absolument incompatible avec le principe de précaution posé à l’article 5 de la Charte de l’environnement, qui dispose : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Il est donc aujourd’hui de la responsabilité des pouvoirs publics d’interdire toute fracturation hydraulique, quel qu’en soit l’objectif, qu’il soit commercial ou de recherche.
L’amendement adopté en commission constitue un recul très important par rapport au texte issu de l’Assemblée nationale, puisqu’il revient à autoriser la fracturation hydraulique. Le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche ne peut donc absolument pas l’accepter.
M. Roland Courteau. Eh voilà !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Pardonnez-moi de revenir un peu en arrière : comment a-t-on pu ? Comment a-t-on pu laisser passer cela ? Comment a-t-on pu accorder de tels permis ?
Mme Dominique Voynet. En cachette !
M. Roland Courteau. Quelle faiblesse coupable !
Ce qui est le plus choquant sur ce dossier, c’est que, pendant que nous examinions ici, en 2009-2010, les projets de loi portant sur le Grenelle de l’environnement et que nous nous échinions à fixer certains principes de gouvernance, d’information et de participation des citoyens, le ministère octroyait ces fameux permis dans la plus grande opacité, « en cachette » devrais-je dire !
D’un côté, on entendait ici même le Gouvernement plaider en faveur d’un processus de concertation et d’information et, de l’autre, les mêmes s’employaient à le court-circuiter au ministère.
Faut-il parler de double langage ? Il y a bien eu, d’un côté, les discours. Il y a bien eu, de l’autre, les actes. Mais, et c’est le problème, les actes n’ont pas été en phase avec les discours. Or, en matière d’action publique, la morale, c’est de ne jamais faire de promesses inconsidérées ; mais l’honneur, c’est de toujours mettre en accord les actes avec les discours.
Aujourd’hui, côté Parlement, on propose de légiférer pour rattraper le coup. Certains tentent même de procéder à un rétropédalage, toutefois partiel. Pourtant, le texte qui nous est proposé ne nous satisfait aucunement.
Mais, mesdames et messieurs les membres de la majorité, monsieur le rapporteur, madame la ministre, dites-le nous : que se serait-il passé sans cet immense mouvement de contestation, cette fronde ? Que se serait-il passé si élus, associations et populations n’avaient pas sonné la mobilisation générale contre ces projets ?
Tout laisse à penser qu’on aurait laissé faire, c’est-à-dire qu’on aurait laissé utiliser ces techniques de fracturation hydraulique des roches, avec toutes les conséquences que l’on connaît : un mode d’extraction très consommateur d’eau qui peut porter atteinte à la ressource, des risques de pollution des nappes phréatiques par l’introduction d’adjuvants chimiques, des risques de remontée de matériaux dangereux pour la santé et un impact ravageur sur les paysages.
Et tout cela en des lieux où il a été démontré que la complexité des relations entre les aquifères et leur vulnérabilité aux pollutions est très élevée. Et tout cela en des lieux où la ressource en eau est si rare. Et tout cela au mépris de l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui précise : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »
Qui peut me certifier ici que la multiplication des puits, tous les trois cents mètres ou tous les cinq cents mètres, n’aurait pas un impact sur les paysages, le développement du tourisme et le développement social et économique de nos territoires ?
Que se serait-il passé si les vagues de contestation et de protestation n’étaient pas venues, heureusement, gripper le processus largement engagé, au mépris d’ailleurs des lois sur le Grenelle de l’environnement ?
Mais quel est donc ce mode de gouvernance ? N’était-il pas inadmissible d’accorder ces permis sans en mesurer toutes les conséquences ? Ou alors, et c’est encore plus grave, peut-être connaissait-on les ravages causés par l’exploitation des gaz de schiste, ce qui expliquerait que l’on ait voulu agir dans la plus grande opacité. Vraiment, il y a de quoi être révolté.
Durant des jours et des nuits, nous avons travaillé ici sur les lois relatives au Grenelle de l’environnement. Il nous avait semblé que Gouvernement, majorité et opposition étaient d’accord sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour assurer la transition énergétique, en réduisant l’utilisation des énergies fossiles. Et voilà qu’avec les gaz de schiste on voudrait ouvrir un nouvel âge d’or aux énergies fossiles, à l’origine des gaz à effet de serre et du changement climatique. Pis, ces gaz-là auraient même un bilan carbone très négatif.
Aurait-on oublié les engagements internationaux de la France en matière de lutte contre les gaz à effets de serre ? Aurait-on oublié nos engagements quant à l’objectif européen des trois fois vingt : 20 % de réduction des gaz à effets de serre, 20 % d’économies d’énergie, 20 % d’énergies renouvelables supplémentaires.
Alors, arrêtons là cette affaire de gaz de schiste !
Le texte de l’article 1er qui nous est proposé ne nous convient absolument pas. Pour nous, l’interdiction de la technique de fracturation hydraulique n’est pas suffisante. Il est clair que les groupes du secteur énergétique titulaires des permis vont tout faire pour contourner l’obstacle à tout moment. La manne est trop importante et les profits trop immenses ! Voilà pourquoi il est essentiel d’adopter les amendements que nous proposerons aux articles 1er et 2.
Mes chers collègues, nous sommes là pour légiférer, dans l’intérêt des populations et non dans celui des grandes firmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je prends la parole sur ce sujet, c’est que, à l’instar d’un certain nombre d’autres territoires, Paris est également concerné par ces forages. Les Parisiens en subiront peut-être même les conséquences les plus redoutables.
L’erreur, dans ce dossier, consisterait à n’avoir qu’une vue locale des événements quand tout indique au contraire qu’il convient de considérer le bilan environnemental et humain d’un point de vue global.
Au-delà de ses propres habitants, Paris est le principal bassin d’emploi de l’Île-de-France. Chaque jour, environ un million de personnes viennent y travailler. Ses habitants tout comme ceux qui, sans résider dans la capitale, y sont employés ont des besoins importants : il est essentiel que la capitale y pourvoie par une offre de restauration adaptée à chacun et une eau de qualité.
Sur ce dernier point, je rappelle que l’eau de Paris vient de loin : la plupart des captages sont situés à une centaine de kilomètres de la capitale et les usines de traitement et de stockage, pour la majorité d’entre elles, à une quinzaine de kilomètres. L’un des principaux fournisseurs d’eau des Parisiens n’est autre que le département de Seine-et-Marne,…
Mme Nicole Bricq. Et voilà !
Mme Bariza Khiari. … avec les nappes environnant les zones de Provins et Nemours, où sont puisées d’importantes quantités d’eau.
La qualité des approvisionnements est une question de sécurité majeure sur laquelle on ne peut transiger. Il en va de même pour la qualité des nappes phréatiques très profondes, qui sont des réserves d’eau stratégiques, réservées aux cas de force majeure.
Chacun comprendra où je souhaite en venir. Ne nous laissons pas berner par les sirènes des grands groupes industriels, qui minimisent régulièrement les risques environnementaux et, surtout, les localisent, en oubliant que l’eau circule et que leurs projets peuvent avoir de graves répercussions sur certaines agglomérations, même si elles sont lointaines.
Pour chacun des permis qui font aujourd’hui l’objet, à juste titre, d’une contestation, il existe un risque pour les habitants, qu’ils vivent ou non à proximité des zones d’exploration et d’exploitation. À l’évidence, on n’a même pas jugé utile de demander leur avis aux uns et aux autres, et surtout pas à leurs représentants, les élus locaux.
Cela a été dit, les techniques de fracturation posent des problèmes sanitaires et environnementaux et personne ne peut garantir qu’une eau porteuse de produits cancérigènes et de métaux lourds ne finira pas dans nos nappes phréatiques, puis dans nos verres.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Bariza Khiari. Les nappes communiquent entre elles, cela a été prouvé. Le risque est bien trop grand pour que l’on puisse même tolérer une simple recherche, sans contrôle de ces techniques. C’est une interdiction totale qu’il faut prononcer, c'est-à-dire l’interdiction de l’exploitation, de l’exploration et de la recherche de gaz de roche-mère par quelque moyen que ce soit.
Cette richesse potentielle étant plus porteuse de risques que de développement, le principe de précaution doit s’appliquer. Refusons de voir nos paysages souillés localement et notre eau polluée à des kilomètres à la ronde parce que certains ont cru voir la poule aux œufs d’or !
Selon un mécanisme bien connu, l’exploitation du gaz de roche-mère consistera encore à privatiser les profits pour mieux socialiser les coûts environnementaux et humains. Refusons ce cynisme ! Je me prononce donc pour la préservation de la qualité de l’eau des Parisiens et, plus généralement, des Français.
En conséquence, les sénateurs parisiens sont contre toute forme d’exploitation ou d’exploration du gaz de roche-mère, par quelque moyen que ce soit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Paris avec nous !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.
M. Didier Guillaume. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur l’article 1er, qui est le cœur de cette proposition de loi.
La majorité parlementaire, soutenue par le Gouvernement, a choisi de cibler la méthode d’extraction appelée « fracturation hydraulique ». Chacun d’entre nous sait que cette technique ravage notre environnement. Dans nos territoires, nous avons vu, notamment, des agriculteurs inquiets de voir leurs champs, leurs cultures se transformer en vaste terrain d’exploration.
Je prendrai l’exemple du département dans lequel j’ai l’honneur d’habiter, la Drôme, qui se trouve être le premier de France en matière d’agriculture biologique. Cette réalité est totalement incompatible avec la volonté manifestée par le Gouvernement d’exploiter à terme les hydrocarbures de schiste. Il faudra choisir : le bio ou le schiste !
Par l’article 1er, tel qu’il est rédigé, vous vous contentez d’interdire la technique de la fracturation hydraulique. Mais qui est capable de définir cette technique avec exactitude ? Aucun texte, aucune norme n’y fait référence. La fracturation hydraulique n’est pas définie juridiquement. En soutenant cette rédaction, le Gouvernement laisse ouverte la voie de l’emploi de techniques alternatives susceptibles de porter atteinte à l’environnement.
Il y avait pourtant une solution juridique, que nous avons évoquée tout à l’heure : la réforme du code minier.
Les permis de recherche délivrés ne concernent pas spécifiquement les hydrocarbures non conventionnels. Le droit français n’opère aucune distinction entre hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels. Pour interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, il aurait fallu désigner spécifiquement ces derniers dans le code minier. Dans la foulée, nous aurions tout simplement adopté une loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Et nous n’en serions pas à discuter des techniques d’exploration !
En effet, nous ne souhaitons pas entrer dans un débat strictement technique. La priorité politique est non pas d’interdire une technique d’exploration, mais bien de sauver l’environnement. Il est actuellement impossible d’extraire du gaz de schiste sans avoir recours à la fracturation hydraulique. Il faut donc purement et simplement interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère, comme le prévoient plusieurs amendements à l’article 1er.
Il convient de protéger, de sanctuariser la roche-mère. Bien sûr, nous devons continuer à assurer l’indépendance énergétique de notre pays, mais pas à n’importe quel prix !
À cet égard, je reprendrai l’argument avancé tout à l’heure par Mme Voynet. Les mois qui viennent, et notamment la campagne pour l’élection présidentielle, devront voir s’ouvrir un long débat, noble et transparent, sur l’énergie en France et en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Sont considérés comme non conventionnels tous les gisements ou les roches contenant des hydrocarbures, liquides ou gazeux, dont la perméabilité est insuffisante pour extraire les hydrocarbures et qui, de ce fait, nécessite l'utilisation de moyens, quels qu'ils soient, pour fracturer, fissurer ou porter atteinte à l'intégrité de la roche.
En application de la Charte de l'environnement et du principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des gisements non conventionnels sont interdites sur le territoire national.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La distinction entre hydrocarbures dits conventionnels et hydrocarbures dits non conventionnels n’existe pas dans le droit français.
Or, nous le voyons bien aujourd’hui avec le problème des gaz de schiste, le besoin de définir les différentes catégories d’hydrocarbures se fait cruellement sentir. Roland Courteau a d’ailleurs détaillé tout à l’heure la rhétorique utilisée à propos des gaz de schiste.
L’exploration et l’exploitation des gisements non conventionnels, déjà expérimentées avec pertes et fracas en Amérique du Nord, sont un fait nouveau pour la France. Il est urgent de se prémunir contre ces dérives en instaurant des définitions claires et des règles strictes. Il y va de l’intelligibilité de la loi.
Puisque le produit final est dans tous les cas un hydrocarbure, il semble pertinent de prendre en compte la nature du gisement où il se situe. C’est donc la structure géologique qui déterminera l’aspect conventionnel ou non-conventionnel d’un hydrocarbure, selon qu’il y a besoin ou non de porter atteinte à l’intégrité de la roche qui le contient, par quelque méthode que ce soit.
Par ailleurs, un tel critère permet d’interdire entièrement l’exploration et l’exploitation des gisements non conventionnels, sans avoir à préciser la nature de la méthode employée.
On le voit bien, personne n’est capable de donner une définition précise et consensuelle de la fracturation hydraulique. Il en existe un certain nombre : laquelle de ces méthodes est-elle réellement interdite par ce texte ? Je crains que la réponse ne soit simple : aucune ! En effet, sous couvert de science et d’expérimentation, on peut en fait continuer, si on n’apporte pas de plus grandes précisions en la matière, de jouer aux apprentis sorciers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume, Teston, Fauconnier, Sutour, Courteau, Mirassou, Chastan et Raoul, Mme Khiari, MM. Bérit-Débat et Daunis, Mme Voynet, M. Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
article L. 110-1 du code de l'environnement,
insérer les mots :
l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère sont interdites sur le territoire national.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Permettez-moi de citer, madame la ministre, mes chers collègues, un extrait du rapport de notre collègue Michel Houel : « Il a été indiqué à votre rapporteur que la fracturation hydraulique est utilisée dans certains cas pour extraire du pétrole difficilement accessible dans des réservoirs d’hydrocarbures dits “conventionnels”. »
Cette technique est également utilisée pour accroître la productivité de certains puits conventionnels, avec les dégâts que l’on connaît, liés à l’utilisation de la ressource en eau et à la pollution des nappes phréatiques. Il convient donc de l’interdire, y compris pour les hydrocarbures dits conventionnels.
Par cet amendement, il est donc proposé de compléter l’article 1er en élargissant le champ de son application aux hydrocarbures de roche-mère. On interdirait ainsi non seulement la technique de fracturation hydraulique, mais aussi l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures de roche-mère.
Car, au fond, nous n’avons aucunement la garantie que cette proposition de loi puisse régler quelque situation que ce soit. En fait, on peut penser qu’elle ne va même pas aussi loin que la fameuse formule : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
Si le Gouvernement a décidé d’apporter quelques améliorations au code minier via le dépôt, le 13 avril dernier, d’un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, force est de constater qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Nous attendons de pied ferme ce projet de loi de ratification avant qu’il ne soit trop tard !
Je rappelle en effet que l’article 2 de cette proposition de loi accorde un délai de deux mois aux industriels pour défendre leur permis.
Je note également que, pour le moment, ce projet de loi n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour, même si, madame la ministre, vous vous êtes engagée à ce qu’il soit examiné avant l’été. Le calendrier de fin de session ordinaire ne laisse pas vraiment de marge de manœuvre. Reste donc la session extraordinaire de juillet…
Vous avez certes confié à un cabinet une mission d’expertise juridique relative à la réforme du code minier, dont le rapport définitif devrait être rendu à la fin du mois de septembre 2011. Mais l’urgence est de modifier le code minier sur les points qui nous occupent ce soir, ce qui ne nécessite pas une refonte totale et immédiate de ce code.
Quoi qu’il en soit, les sénateurs socialistes refusent l’exploration et l’exploitation de gaz et huiles de schiste en France, et c’est le sens de cet amendement.