Article 3
L’article L. 1225-29 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-29. – Il est interdit d’employer la salariée pendant une période de dix semaines au total avant et après son accouchement.
« Il est interdit d’employer la salariée dans les sept semaines qui suivent son accouchement. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 n’est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Campion et Printz, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Demontès, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1225-4 du code du travail, les mots : « les quatre semaines » sont remplacés par les mots : « l’année ».
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Selon l’article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant le congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit à congé, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes.
Cet article dispose également que l’employeur peut toujours rompre le contrat pour faute grave, non liée à l’état de grossesse, ou en raison de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat ne peut être notifiée ou prendre effet qu’en dehors du congé de maternité.
L’extension à un an suivant la fin du congé de maternité de l’interdiction de licenciement a été adoptée, je le rappelle, le 16 avril 2009, par la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen. Ce vote faisait suite au rapport de la députée socialiste portugaise Edite Estrela sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive de 1992, qui aurait dû être révisée en 1997. Il était en accord avec la position de la Confédération européenne des syndicats, qui souhaitait offrir aux femmes les conditions requises pour leur permettre d’élever leurs enfants.
Notre amendement reprend cette proposition. Il ne s’agit donc pas, de notre part, d’une position isolée. Il s’agit de prendre en compte la situation des femmes, particulièrement celles qui élèvent seules leur enfant.
Je rappelle que les familles monoparentales sont les plus exposées, de très loin, à la pauvreté. Telle était la raison de la création de l’allocation de parent isolé, avant sa fusion avec le revenu de solidarité active. Cela consacrait la reconnaissance d’un dispositif d’aide nécessaire face à la montée du chômage pour ces jeunes mères.
La sécurité matérielle est la condition fondamentale, indispensable, pour assurer le déroulement dans de bonnes conditions des premières années de la vie de l’enfant. Le moyen d’assurer cette sécurité matérielle passe normalement par l’emploi. Elle permet à la mère, à toute la famille, de ne pas éprouver l’angoisse du lendemain et de vivre de manière épanouie la relation avec l’enfant.
Le développement du chômage et de la précarité doit donc conduire à envisager pour les mères de jeunes enfants un dispositif spécifique de protection en matière d’emploi afin de préserver leurs ressources.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, malgré l’avis favorable du rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
L’article L. 1225-24 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une indemnité compensatrice d’un montant équivalent à son salaire est assurée à la salariée durant la période définie à l’article L. 1225-17, au moyen d’une indemnité à la charge de l’employeur lorsque le salaire dépasse le plafond fixé par la sécurité sociale. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 n’est pas adopté.)
Article 5
Les femmes exerçant une activité non salariée bénéficient des mêmes droits à congé maternité que les salariées. L’assurance maladie, invalidité et maternité de leur profession prend en charge la couverture des frais exposés pour assurer leur remplacement à leurs fonctions, et le maintien de leur rémunération selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, lorsqu’elles sont empêchées de les accomplir en raison de la maternité ou de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption par un service d’aide social à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption.
L’allocation de remplacement leur est également accordée lorsqu’elles sont titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 ou L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 n’est pas adopté.)
Article 6
I. – L’article L. 1225-35 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-35. – Après la naissance de l’enfant et dans un délai de quatre mois, le père, le conjoint, ou la personne vivant maritalement avec la mère de l’enfant ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité, bénéficie d’un congé d’accueil de l’enfant de quatorze jours consécutifs ou de vingt-et-un jours consécutifs en cas de naissances multiples.
« Le congé d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail.
« Le salarié qui souhaite bénéficier du droit à ce congé avertit son employeur un mois avant la date à laquelle il envisage bénéficier de son droit. En cas de naissance prématurée, ce délai est ramené à cinq jours.
« La période de ce congé est considérée comme une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.
« Durant cette période, une indemnité compensatrice d’un montant équivalent à son salaire est assurée au salarié, au moyen d’une indemnité à la charge de l’employeur lorsque le salaire dépasse le plafond fixé par la sécurité sociale. »
« L'employeur ne peut refuser le bénéfice de ce congé pour les personnes qui en font la demande. »
II. – 1. Au 5° de l’article L. 1142-3 et à L. 1225-36 du même code, les mots : « congé de paternité » sont remplacés par les mots : « congé d’accueil de l’enfant ».
2. L’intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie du même code est ainsi rédigé : « Congé d’accueil de l’enfant ».
III. – les deux premiers alinéas de l’article L. 331-8 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« Après la naissance de l’enfant, et dans un délai de trois mois, le père assuré, le conjoint assuré, la personne assurée vivant maritalement avec la mère de l’enfant ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité reçoit, pendant une durée maximale de quatorze jours consécutifs et dans les mêmes conditions d’ouverture de droit, de liquidation et de service, l’indemnité journalière visée à l’article L. 331-3, sous réserve de cesser toute activité salariale ou assimilée.
« En cas de naissances multiples, la durée maximale fixée au précédent alinéa est égale à vingt et un jours consécutifs. »
IV. – Dans le code de la sécurité sociale, les mots : « congé de paternité » sont remplacés par les mots : « congé d’accueil de l’enfant ».
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
Mme Catherine Procaccia. La proposition de loi prétend rétablir une certaine égalité entre les hommes et les femmes pour mieux concilier vie familiale et activité professionnelle, comme nous l’a indiqué Mme le rapporteur, mais elle va à l’encontre de ces intentions à l’article 6.
Je signale que l’amendement que j’avais déposé sur cet article a été jugé irrecevable par la commission des finances. Or, lorsque l’on dépose un seul amendement de trois lignes ayant des incidences financières le dimanche soir et que l’on apprend son irrecevabilité le mardi suivant, j’estime que la commission des finances ne remplit pas sa fonction. La moindre des choses aurait été de m’informer plus tôt ! C’est la raison pour laquelle mon amendement sur l’article 1er était un peu complexe.
L’article 6, qui vise à créer un congé d’accueil de l’enfant au bénéfice du père de l’enfant ainsi que du conjoint de la mère et d’autres personnes, ne va pas dans le bon sens. Regardons ce qui ne fonctionne pas depuis quarante ans : plus on attribue des avantages à la mère de famille, plus elle se trouve défavorisée sur le plan professionnel. En outre, les pères ou les conjoints s’occupent toujours aussi peu de l’éducation des enfants et de la vie familiale.
Je proposais donc de faire autrement, en rendant obligatoires pour tous les hommes – j’y insiste – les quatre semaines de congé proposées par Claire-Lise Campion, qui sont devenues deux semaines, plus les onze jours de congé de paternité qui existent actuellement. Ainsi, quand une entreprise aurait embauché un homme, elle aurait su qu’il était susceptible de prendre un arrêt de six ou sept semaines, sans oublier qu’un homme peut être père à un âge avancé.
C’est en accordant des avantages au père que l’on rétablira l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et que l’on cessera cette discrimination.
Mme Brigitte Bout. Bravo !
M. le président. Le procès-verbal fera foi de votre observation au sujet de l’article 40 de la Constitution. Je ne doute pas que le président Arthuis, en tant que gardien du temple – fonction dans laquelle il excelle –, répondra à votre interpellation sur un sujet qui agace nombre de parlementaires.
Mme Catherine Procaccia. J’avais l’intention de lui écrire !
M. le président. Je sors un court instant de mon rôle de président de séance pour rappeler que l’article 40 de la Constitution a pour objet de nous protéger du déficit. On voit à quel point il est efficace…
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Je découvre avec ravissement que Mme Procaccia se heurte elle aussi à l’article 40 de la Constitution. Pourtant, lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, l’argument de l’irrecevabilité financière de nos amendements nous a été opposé à de nombreuses reprises sans que Mme Procaccia proteste.
Mme Catherine Procaccia. La différence, c’est que vous aviez déposé huit cents amendements à l’époque ; moi, un seul sur le présent texte !
M. Ronan Kerdraon. Je laisse la majorité à ses contradictions internes.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Oublions l’article 40 de la Constitution pour le moment et revenons à l’article 6 de la proposition de loi !
Dire qu’il faut accorder des droits supplémentaires aux hommes dans le monde du travail dépasse l’entendement.
Je rappelle que, à poste équivalent, la différence de salaires entre les femmes et les hommes est toujours de 27 % et que l’inégalité dépasse également l’entendement en matière de pensions de retraite. Quant au travail à temps partiel, les femmes auront fort à faire avant de rattraper les hommes.
Avant d’accorder des droits nouveaux aux hommes faisons d’abord en sorte que les hommes et les femmes aient les mêmes droits dans le monde du travail, ne serait-ce qu’en garantissant l’égalité salariale comme tente de le faire Claire-Lise Campion avec cet article. Indemnisons notamment à 100 % le congé de maternité, puisque c’est l’une des raisons qui expliquent l’inégalité que connaissent les femmes non seulement lorsqu’elles travaillent, mais aussi lorsqu’elles arrivent à l’âge de la retraite. Du coup, leur pension en pâtit.
Nous voulons, paraît-il, le beurre et l’argent du beurre. Pas du tout ! Nous voulons juste que les femmes soient traitées comme les hommes dans le monde du travail, qu’elles aient les mêmes droits, les mêmes salaires, les mêmes postes. Pour quelle raison les hommes sont-ils plus souvent choisis que les femmes dans le cadre des nominations ?
Hier après-midi, par exemple, nous avons assisté à une audition dans le cadre de la mission commune d’information sur le Pôle emploi. Nous nous sommes retrouvés face à une belle brochette ! Que des hommes, des directeurs aux présidents d’associations du secteur de la formation ! La parité a encore bien du chemin à faire.
Accorder des droits aux hommes, pourquoi pas ? Mais n’oublions pas qu’il est davantage question ici de l’amélioration des droits des travailleuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 n’est pas adopté.)
Article 7
La présente loi s’applique également aux femmes en congé maternité à la date de sa publication.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 n’est pas adopté.)
Article 8
Les conséquences financières supplémentaires qui pourraient résulter pour les régimes de sécurité sociale de l’application de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des droits sur les alcools prévus par les articles 402 bis et 403 du code général des impôts.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les huit articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise...
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, pour répondre à votre invitation, je vais expliquer mon vote sur l’article 8. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mon invitation s’adressait à tout le monde…
M. Ronan Kerdraon. Je regrette que l’initiative de Claire-Lise Campion d’allonger le congé de maternité n’ait pas trouvé suffisamment d’écho dans cet hémicycle.
Je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, madame la ministre. Chiche ! Retrouvons-nous dans trois ou quatre mois, le temps de mener les études adéquates et de mettre les textes en harmonie avec la législation européenne, afin que les femmes puissent enfin obtenir ce à quoi elles ont droit, à savoir l’égalité avec les hommes.
Je suis d’accord avec Annie David : accorder des droits supplémentaires aux hommes, pourquoi pas ? Mais examinons d’abord la situation actuelle et faisons preuve de pragmatisme. Comme Claire-Lise Campion, soyons modernes, utiles à la société française…
M. Didier Guillaume. Et visionnaires !
M. Ronan Kerdraon. … et visionnaires.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, vous avez raison, cette proposition de loi comporte des imperfections. Comme vous l’avez fait remarquer, le dispositif tel qu’il avait été rédigé aurait fait peser le surcoût sur les entreprises.
Par définition, ce texte est issu de l’initiative d’un groupe parlementaire. Ce n’est pas un projet de loi ! Les parlementaires n’ont donc pas à leur disposition de nombreux collaborateurs susceptibles de les aider à rédiger au mieux leur proposition. La navette parlementaire aurait pu permettre d’améliorer la rédaction si vous aviez vraiment voulu allonger le congé de maternité. Vous auriez également pu amender le texte en séance publique pour corriger les erreurs juridiques qui auraient pu persister.
Nous vous offrions là une véritable occasion d’améliorer ensemble les conditions du droit au congé de maternité. Vous regretterez dans quelque temps de ne pas avoir saisi la perche qui vous était tendue. Si vous écoutez les femmes, vous verrez que l’augmentation du congé de maternité est une véritable demande de nombre d’entre elles dans notre pays et, au-delà, dans d’autres États européens. Si la France avait pu être de nouveau porteuse d’avancées sociales en matière de droit du travail, vous vous en seriez – je n’en doute pas – réjouie !
M. le président. La parole est à Mme Roselle Cros, pour explication de vote.
Mme Roselle Cros. L’article 8 porte sur les modalités de financement, qui sont l’une des raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cette proposition de loi.
Je saisis l’opportunité que vous nous offrez, monsieur le président, pour faire remarquer que, à l’occasion de l’examen de mon amendement, une majorité des membres de notre assemblée ont exprimé leur accord sur la nécessité d’allonger la durée du congé de maternité.
Madame la ministre, il faut parfois envoyer un signal pour faire avancer les choses. À travers l’examen du congé de maternité, le Sénat a montré qu’il souhaitait qu’une grande politique en faveur de la vie familiale et de la santé soit conduite.
Mme Françoise Laborde et Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. le président. Les huit articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Interdiction de l'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique
Discussion en procédure accélérée de trois propositions de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, en procédure accélérée, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, ainsi que de la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et de la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national, présentée par M. Michel Houel et plusieurs de ses collègues (propositions nos 510, 377 et 417, texte de la commission n° 557, rapport n° 556).
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, pour un rappel au règlement.
M. Alain Fauconnier. Mon rappel au règlement est motivé par un élément nouveau qui pourrait modifier la manière d’aborder notre débat de cet après-midi.
En effet, nous venons d’apprendre par le journal britannique The Independent, dont on ne saurait mettre en doute la rigueur intellectuelle et l’indépendance, que se sont produits deux séismes au nord de l’Angleterre, dont l’un hier, dus, semble-t-il, à des opérations de fracturation hydraulique. (L’orateur brandit la une du journal.)
Je vous livre la traduction du titre : « Petit tremblement de terre à Blackpool », qui est le lieu où se sont produites les fracturations ; quant au sous-titre, il évoque un « Gros choc pour la politique énergétique britannique ».
La nouvelle secousse semble avoir été déclenchée par le processus de fracturation. Vendredi dernier, le tremblement de terre à côté de Blackpool est arrivé au moment même où la compagnie d’énergie Cuadrilla Resources injectait du liquide à haute pression sous terre pour faire délibérément ressortir le gaz.
Le British Geological Survey – pardonnez mon accent, je serais plus à l’aise en occitan (Sourires.) –,…
M. le président. Nous vous comprenons parfaitement ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Fauconnier. … structure publique de recherche, estime que ce tremblement de terre d’une magnitude de 1,5 sur l’échelle de Richter était similaire à celui d’une magnitude de 2,3 qui est survenu en avril dernier, dans la même zone, et que les deux pourraient être liés aux expérimentations de fracking pour l’obtention des gaz de schiste naturel. Un géologue de cet organisme considère comme « assez probable » que les deux événements soient liés. Les informations géologiques situent l’épicentre à deux kilomètres sous terre dans la région de Preese Hall, soit à la profondeur où l’eau mélangée aux produits chimiques est injectée à très haute pression pour fracturer la roche.
Je tenais à faire part de ce fait à notre assemblée avant que ne commence la discussion sur un sujet contestable et contesté et, dès lors, à la mettre en garde, une nouvelle fois, contre les dangers de la technique dite de fracturation hydraulique pour extraire les gaz de schiste.
Il existait jusqu’à maintenant le risque de pollution des nappes phréatiques, de gaspillage de l’eau, de destruction des paysages – j’en passe et des meilleurs –, voilà à présent le risque séismique !
Le mythe de « l’apprenti sorcier » est trop connu pour que je le développe ici. J’espère néanmoins que la sagesse du Sénat saura prendre en compte cet événement nouveau afin que l’on en revienne à un peu de bon sens et que l’on préserve les roches-mères de notre sous-sol. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Cela n’avait rien à voir avec un rappel au règlement !
M. le président. Je suppose que votre rappel au règlement était fondé sur l’article du règlement relatif aux gaz de schiste, mon cher collègue. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Discussion générale
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débattons aujourd’hui d’une question extrêmement sensible et d’une très grande actualité, comme vient de nous le rappeler M. Fauconnier en montrant la une du journal The Independent, qui préoccupe l’ensemble du Parlement.
La preuve est en : pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées dans les deux chambres, dont celle de Nicole Bricq et celle de Michel Houel au Sénat. Je peux en outre témoigner que le débat sur ce sujet a été vif à l’Assemblée nationale. Au total, ce sont donc plus de 400 parlementaires qui ont cosigné ces textes.
Je pense également aux courriers que j’ai reçus, aux pétitions qui m’ont été adressées, à la cinquantaine de délibérations ou d’arrêtés d’interdiction qui ont été pris par les municipalités, aux très nombreuses manifestations qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers d’opposants à la recherche des gaz de schiste.
Je pense enfin à la très forte couverture médiatique de ce débat.
Notre situation a quelque chose de paradoxal : nous ne sommes pas en terrain vierge, puisque des autorisations ont été accordées, mais nous ne sommes pas non plus en terrain connu, ce qui m’a conduite à dire, en d’autres lieux, que ces autorisations n’auraient peut-être pas dû être accordées.
La mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGIET, et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, a remis à la mi-avril un rapport d’étape dense et riche d’enseignements. Toutefois, ce dernier souligne surtout tout ce que continuent d’ignorer tant les tenants de l’exploration du gaz de schiste que ses détracteurs.
Les partisans de l’exploration estiment que nous ignorons le potentiel économique de notre sous-sol, tandis que ses opposants considèrent que ce n’est pas le sujet, dans la mesure où les technologies aujourd’hui utilisables et disponibles sont extrêmement problématiques du point de vue de la préservation de l’environnement.
Michel Houel, dans le rapport qu’il a rédigé au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a d’ailleurs souligné l’étendue de cette inconnue. Il y affirme, d’un côté, que « les hydrocarbures de schiste, […], apparaissent désormais comme une ressource potentiellement considérable », et, de l’autre, que « les risques que cette technique, utilisée massivement, pourrait faire peser sur l’environnement et, plus généralement, l’incertitude qui entoure ses conséquences s’opposent à son utilisation dans l’état actuel des connaissances ».
Je pose la question : à quoi servent les richesses et l’économie, sinon à mieux vivre ? Veillons donc à bien vivre sur une planète dont le climat sera stabilisé, dans un environnement préservé, dans un climat social serein.
Lorsque nous invoquons le développement économique, pensons aussi au développement non industriel des territoires ; pensons au tourisme vert ; pensons à l’agriculture ; pensons à la viticulture « bio ». Bref, pensons à la cohérence de nos démarches. À ce sujet, je vous informe qu’aujourd’hui, avec mon collègue Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, nous avons demandé à l’UNESCO le classement de l’espace Causses-Cévennes au patrimoine mondial de l’humanité.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Pour avoir rencontré les élus concernés par ce dossier, notamment Jacques Blanc, qui est présent dans cet hémicycle, je sais que vous êtes nombreux à y être très attentifs.
Cela aurait-il du sens, alors que nous sommes en train de demander ce classement, d’aller mener des campagnes d’exploration du gaz de schiste dans ce territoire ? Je ne le crois pas !
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Adoptons une perspective internationale : si certains gouvernements cèdent au plus offrant et font jouer la concurrence entre différentes formes d’énergie, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels risque d’accentuer les changements climatiques, ouvrant une nouvelle ère de l’énergie fossile. Cela pourrait par ailleurs retarder le développement des énergies renouvelables, qui, pour leur part, n’émettent pas de gaz carbonique.
Enfin, localement, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est une activité industrielle qui présente de multiples risques ou nuisances, comme l’a indiqué Christian Jacob dans l’exposé des motifs de la proposition de loi qu’il a présentée. Je pense à la pollution des nappes souterraines et des sols, à l’impact paysager, au bruit, à l’augmentation du trafic routier. Je pense aussi à la consommation d’eau, qui est de l’ordre de 15 000 mètres cubes par forage horizontal, ce qui est énorme.
Alors que certaines des technologies utilisées sont en fait relativement anciennes, notre capacité collective à maîtriser ces risques fait débat. Il faut dire que le documentaire Gasland, qui a été nommé aux Oscars, nous a tous impressionnés, avec cette boule de feu qui sort d’un robinet dans une maison américaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avons-nous fait au juste ? Nous avons appliqué le principe de précaution. Ce dernier ne signifie nullement que l’on ne fasse rien à un moment où le monde évolue.