PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi organique

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99–209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, déposé sur le bureau de notre assemblée.

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Débat : " Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? "

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat : « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? », organisé à la demande du groupe CRC-SPG.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, au nom du groupe CRC-SPG.

Mme Isabelle Pasquet, au nom du groupe CRC-SPG. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que la conférence des présidents ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée le débat que le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche a proposé d’organiser sur l’ambition de notre pays en matière de politique dédiée à l’enfance et à la petite enfance.

Je m’en réjouis, car il s’agit d’un sujet très important. Or, le Gouvernement a laissé en friche la politique à destination des tout-petits et des jeunes enfants. Je note d’ailleurs que, lorsque vous abordez le sujet, c’est pour considérer l’enfance comme un coût à réduire, et les enfants et les jeunes comme des facteurs de risques à sanctionner.

J’en veux pour preuve les différents débats qui se sont déroulés ces dernières années à propos, notamment, du dépistage précoce de la délinquance, de l’absentéisme scolaire et, plus récemment, de la justice des mineurs.

Il y a une petite dizaine d’années, Jacques-Alain Bénisti avait proposé que soit organisé un contrôle social des enfants de moins de trois ans, afin de tenter de dépister, dès la crèche, ceux qui seraient susceptibles de devenir des futurs délinquants. Cette proposition avait trouvé grâce aux yeux du Président de la République.

Jacques-Alain Bénisti affirmait alors que le comportement des enfants, dans les « mini-collectivités » que sont les crèches, permettait, s’il traduisait un quelconque déséquilibre, de présager une tendance sur ce que ces enfants pourraient plus tard devenir. Récemment, Jacques-Alain Bénisti a tempéré ses propos, sans toutefois les nier. À l’occasion d’un second rapport sur le sujet, il a en effet affirmé : « on constate […], parmi les mineurs délinquants, un certain nombre de points communs dès leur plus jeune âge ».

Autant vous dire, madame la secrétaire d’État, que nous ne souscrivons pas à cette vision comportementaliste, dans laquelle nous serions réduits tantôt à notre rang social, tantôt à des attitudes. Les tenants de cette conception ne considèrent plus l’enfance comme une période de construction du citoyen en devenir, ils l’appréhendent, au mieux, comme une période d’observation destinée à soumettre l’enfant à des processus contraignants censés lui permettre de devenir un adulte bien inscrit dans les normes, et, au pire, comme une période de turbulences définitive, d’où l’enfant, même devenu adulte, ne pourra jamais sortir.

Or, comme avec le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, qui institue la possibilité de soins sans consentement, vous vous abritez derrière des prétextes faussement scientifiques pour imposer de nouvelles régressions. Je pense notamment à la protection maternelle infantile, dont certains voudraient réduire le rôle à celui d’un délateur de comportements jugés déviants, ou susceptibles de le devenir, avec toujours, en toile de fond, le dépistage précoce de la présupposée délinquance des jeunes enfants. Dans ce schéma où le sécuritaire l’emporte sur la protection, il n’est bien sûr pas question d’un développement harmonieux de l’enfant. La prévention précoce n’est en effet pas tournée vers la détection des souffrances psychiques des enfants ou de leurs parents et ne comporte bien évidemment pas de volet social.

J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous prendrez le temps, dans ce débat, de vous exprimer clairement sur ce sujet et que vous nous direz si vous avez enfin renoncé à mettre en œuvre un tel programme.

Concernant la lutte contre l’absentéisme scolaire, la loi, adoptée en septembre dernier, qui instaure des sanctions automatiques, dont la suppression des allocations familiales, est particulièrement injuste. Cette mesure, dénoncée par l’immense majorité des acteurs de l’éducation et de la lutte contre la précarité – je pense notamment au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le CNLE –, est évidemment stigmatisante. Vous laissez ainsi croire qu’il existerait un lien entre pauvreté et absentéisme. Mais quelles mesures concrètes proposez-vous à ces familles pour réduire ce que vous considérez comme étant les causes de cet absentéisme ?

Par ailleurs, nous sommes également inquiets – nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls ! – des dispositions contenues dans le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Ces dernières ne font en effet ni plus ni moins que de revenir sur l’ordonnance de 1945 et, par voie de conséquence, de remettre en cause la spécialisation de la justice des mineurs. Le projet de loi prévoit ainsi que ces derniers puissent être amenés à comparaître devant des juridictions équivalant à celles des majeurs. Il prévoit également d’introduire, pour les mineurs, un mécanisme de comparution immédiate, comme cela existe pour les majeurs, et d’imposer, pour les enfants de treize ans, la mise en place d’une surveillance électronique.

Cette assimilation entre adultes et enfants, qui conduit à la «déspécialisation » de la justice des mineurs, n’est pas conforme à nos principes constitutionnels. Dans une décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a sanctionné, entre autres dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », celles qui remettaient en cause le principe de spécialisation de cette justice. Cette assimilation entre adultes et enfants est également contraire, madame la secrétaire d’État – vous ne pouvez l’ignorer –, à nos engagements internationaux, notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant. J’y reviendrai.

Mais le plus grave, sur cette question de la réforme de la justice des mineurs, c’est que vous opérez un revirement de valeurs. Nous ne pouvons que le dénoncer. À l’occasion du colloque que Nicole Borvo Cohen-Seat, Brigitte Gonthier-Maurin et moi-même avons organisé le 9 mai 2011, intitulé « Nos enfants ne nous font pas peur, mais le sort qu’on leur réserve nous inquiète », l’un des 90 participants a résumé ainsi votre politique : « le Gouvernement ne considère plus les jeunes que comme des coupables, rarement comme des victimes et jamais comme étant à la fois coupables et victimes ». Vous tournez en effet le dos à l’esprit de l’ordonnance de 1945, qu’Henri Michard, auteur du livre « De la justice distributive à la justice résolutive », définit comme « marqu[ant] le passage d’une justice distributive, qui jugeait les seules actions, à une justice résolutive, dont l’ambition est de résoudre les problèmes qui en sont la cause ».

D’ailleurs, votre sémantique elle-même a évolué. Vous ne parlez plus d’« enfants », mais de « mineurs ». Autrement dit, vous renvoyez toute la problématique de la jeunesse dans notre pays à la frontière entre la majorité et la minorité, et vous analysez tout sous le prisme de la justice pénale, au point que, comme le dit l’UNICEF, vous traitez les enfants comme des « mini-adultes ».

La réalité, madame la secrétaire d’État, c’est qu’après avoir eu peur des adolescents, ou plutôt après avoir contribué à instaurer un climat de peur à l’encontre de ces derniers, les gouvernements successifs de votre majorité ont arrêté de considérer que les enfants étaient la chance de notre pays. Cela vous a conduit non seulement à réformer votre politique pénale, mais aussi à porter d’importantes attaques à l’encontre des plus jeunes.

En effet, vous appliquez au secteur de la petite enfance les mêmes politiques libérales qu’à d’autres secteurs de la société, particulièrement lorsque ceux-ci relèvent des services publics ou de la mobilisation de fonds publics.

À cet égard, la loi, issue d’une proposition de notre collègue Jean Arthuis, qui crée les « maisons des assistants maternels », les MAM, marque le désengagement de l’État en la matière. Alors qu’il manque au moins 400 000 places de garde, tous modes confondus, vous ne reconnaissez pour votre part que 200 000 places manquantes, et, sur cette base minimisée, vous annoncez la création de 100 000 places en accueil collectif, et autant en accueil individuel. Ce partage à parts égales entre modes collectifs et individuels est un premier marqueur politique. Il témoigne de la volonté du Gouvernement de minimiser les besoins en structures collectives, notamment publiques. Ces dernières, en effet, ont un coût supérieur à celui des aides attribuées aux parents ayant opté pour des structures privées, car elles intègrent dans la fixation des tarifs journaliers des critères sociaux qui ont pour double effet de réduire le prix de journée acquitté par les parents et d’augmenter la part des aides publiques. Avec les MAM, vous demandez donc aux conseils généraux et aux maires, qui ont à cœur de répondre aux difficultés de leurs concitoyens, d’opérer un choix forcément impossible entre, d’une part, le refus de participer à la création de structures palliant les insuffisances actuelles et, d’autre part, le maintien de ces dernières sur leur territoire.

Parallèlement à l’instauration de ces structures collectives d’accueil dérégulées, vous organisez, dans les crèches publiques, la diminution programmée du taux d’encadrement des enfants ou encore du niveau global de qualification des équipes, avec le passage de 50 % à 40 % du ratio de professionnels qualifiés de la liste dite « principale ». En somme, vous faites le choix, pour des raisons économiques, de privilégier le nombre des professionnels disponibles à la qualité de ces derniers. En disant cela, il ne s’agit pas pour moi de porter offense aux professionnels, dont je salue la patience et la dévotion. Ces personnes sont d’ailleurs elles-mêmes victimes d’une logique qui, en raccourcissant leur formation, réduit le rôle qu’elles ont à jouer dans le développement des enfants, et affecte le sens même de leur travail.

Au-delà, c’est toute la politique familiale que vous démantelez, progressivement, à l’occasion de chaque plan de financement de la sécurité sociale. Chacun se souviendra, par exemple, qu’à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 le Gouvernement avait proposé deux mesures d’économie sur la branche famille. L’une modifiait les conditions d’attribution de l’allocation logement, tandis que l’autre réformait les conditions d’accès et de distribution de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Or, ces deux mesures concernaient des prestations sous condition de ressources, donc destinées aux familles les plus modestes, et affectaient autant le taux de natalité que la vie familiale et professionnelle des parents, et plus particulièrement celle des femmes.

Cette politique comptable, couplée aux manques criants de places en crèches, conduit bon nombre de parents à différer la reprise de leur activité professionnelle, voire à y renoncer ou à opter pour le temps partiel, ce qui n’est pas sans conséquences du point de vue financier.

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère du travail, publiée en mai 2010. Selon la DREES, le taux d’activité des mères âgées de vingt ans à quarante-neuf ans ayant au moins un enfant de moins de trois ans s’établit à seulement 68 % en 2008, contre 82 % pour les femmes de la même tranche d’âge vivant en couple. Ce constat a notamment conduit les administrateurs de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, à émettre un avis défavorable sur le financement proposé pour la branche famille, considérant que les familles ne devaient pas être les victimes d’une politique assise sur une mauvaise répartition des richesses produites dans notre pays.

Madame la secrétaire d’État, vous le savez bien, ce qui a fait la force de la politique familiale de notre pays, lui permettant d’atteindre un taux de natalité aussi élevé, c’est la constance de sa politique familiale qui a su, jusqu’à il y a peu, se manifester dans toutes les périodes, y compris et surtout pendant les crises. Or nous constatons aujourd’hui un élément nouveau dont vous devez tenir compte : la présence d’un enfant dans un foyer a des conséquences économiques de plus en plus importantes dont les effets ne sont pas pris en compte à leur juste mesure.

Selon une enquête récente réalisée par l’INSEE, notre système redistributif permet, certes, la compensation des coûts engendrés par la naissance d’un enfant, mais il ne compense pas économiquement les effets de la baisse d’activité, qui réduit notablement le niveau de vie.

Dans le même temps, l’OCDE note que le fait d’avoir des enfants reste un frein à l’activité des femmes. Il faut quand même reconnaître, et je reviens à ce que je disais il y a un instant sur le manque de places de garde, que la scolarisation des tout-petits a fortement baissé en France et que, dans le même temps, se sont développés des modes de garde alternatifs reposant essentiellement sur l’entourage proche, c’est-à-dire les grands-parents.

La situation est telle, la pénurie est tellement grave, que les parents ne peuvent aujourd’hui compter que sur deux options : la réduction de leur activité ou le « bricolage » avec les grands-parents.

Si la situation est difficile pour les couples avec un enfant, elle est économiquement et humainement insupportable pour les foyers monoparentaux. Le revenu moyen d’un couple avec deux enfants est de 22 370 euros, mais il n’est plus que de 14 520 euros pour un foyer composé d’un seul parent.

Le rappel de ces éléments nous conduit à demander le versement des allocations familiales dès la naissance du premier enfant. Selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, qui formule des préconisations pour réduire la pauvreté des enfants, il faut augmenter les prestations familiales liées aux enfants et créer une allocation familiale dès le premier enfant.

Cette proposition, que nous soutenons, avec toutes les associations familiales, constitue d’ailleurs une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. En effet, le 2 février 2007, à Maisons-Alfort, il déclarait : « Je souhaite qu’une allocation familiale soit versée dès le premier enfant parce que le premier enfant représente une charge très lourde pour les jeunes couples qui sont au début de leur vie professionnelle, qui souvent enchaînent les petits boulots et sont confrontés à la précarité ». Nous n’avons malheureusement rien vu venir...

La situation économique ayant aggravé les conditions de vie des familles, cette analyse, à laquelle nous souscrivons, nous semble d’actualité, aujourd’hui plus qu’hier. Vous ne pouvez pas toujours vous abriter derrière la crise, c’est précisément elle qui pèse sur les foyers et qui aggrave l’extrême précarité dont les jeunes enfants sont victimes.

Il est temps, madame la secrétaire d’État, de passer des promesses aux actes, tout comme il serait temps que la revalorisation de la base mensuelle de calcul des prestations familiales tienne compte des situations que connaissent réellement les familles.

Le projet de décret de novembre 2010 fixant la revalorisation des allocations familiales pour 2011 a suscité un avis défavorable des administrateurs de la CNAF. Pour notre part, nous considérons que les modalités de calcul, assises sur l’évolution des prix, hors tabacs, ne sont pas adaptées aux réalités que connaissent les familles. Il faut donc les réévaluer à la hausse et nous proposons qu’elles soient indexées sur les salaires.

Tout cela m’amène, madame la secrétaire d’État, à vous interroger sur le sort que vous entendez réserver au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNFPE. Comme vous le savez, il aura fallu que l’État se fasse condamner, à deux reprises, par le Conseil d’État pour qu’il se décide enfin à créer ce fonds, et donc à respecter l’engagement qu’il avait pris devant la représentation nationale lors de l’adoption de ce qui allait devenir la loi du 5 mars 2007.

Or, si vous avez bien pris le décret portant création de ce fonds, vous ne l’avez pas abondé à la hauteur de vos engagements. Souvenez-vous : en 2007, M. Bas, qui était alors le ministre chargé de ce dossier, avait promis que le FNFPE serait doté de 150 millions d’euros destinés à compenser les charges que les départements allaient devoir supporter en raison des missions nouvelles que cette loi leur confiait, notamment les observatoires départementaux de la protection de l’enfance et les cellules de recueil de l’information préoccupante.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le compte n’y est pas !

Lors de l’élaboration de la loi, le Gouvernement s’était engagé à un financement de 60 millions d’euros par an, répartis pour moitié entre l’État et la CNAF, mais, lors de la discussion du projet de loi de finances, l’abondement est tombé à 10 millions d’euros, pendant trois exercices.

À cette situation désastreuse s’ajoute le fait que l’État « thésaurise » au détriment des départements, bafouant une nouvelle fois les engagements pris.

En outre, la composition même du comité de gestion du fonds est profondément déséquilibrée. L’État y est surreprésenté, avec six postes, contre trois postes pour les départements, qui sont pourtant les premiers financeurs et les premiers acteurs de cette politique. Sans doute cela vous permet-il de faire perdurer cette situation financière !

Je regrette également que, contrairement à l’esprit de la loi de 2007, qui voulait mettre les usagers au centre du dispositif, aucune association représentant les enfants ou leurs intérêts ne participe à ce comité de gestion.

Enfin, je voudrais vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur l’utilisation même de ce fonds.

Il semblerait que, contrairement à ce que prévoit la loi, les sommes déjà largement insuffisantes qui sont affectées à ce fonds ne soient pas destinées exclusivement à la compensation des charges assumées par les départements. Il semblerait que ce fonds soit partagé entre deux enveloppes, dont l’une dédiée aux actions de soutien à la parentalité, missions jusqu’alors assumées par l’État dans le cadre des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, les REAAP, et prises en compte dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.

Si tel devait être le cas, ne croyez-vous pas qu’il s’agit d’un contournement des missions initialement confiées à ce fonds ? D’autant plus que nous avons été attentifs au dernier rapport remis par M. Bockel, qui préconisait justement, en sa qualité, à l’époque, de secrétaire d’État, d’orienter l’aide à la parentalité vers une démarche plus sécuritaire et moins sociale.

Avant de conclure, madame la secrétaire d’État, je voudrais aborder un sujet dont on parle trop peu dans notre pays, le respect par la France de la convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE.

En effet, si notre pays est à l’origine de la proclamation des droits de l’homme, toutes les associations œuvrant dans le champ de l’enfance, l’ancienne Défenseure des enfants et le comité des droits de l’enfant, organe rattaché à l’ONU, considèrent que la France est en recul par rapport au passé et à ses voisins d’Europe et qu’elle n’a pas de politique globale en faveur des enfants.

Notre pays a eu beau ratifier, il y a plus de vingt ans, cette convention internationale, ô combien importante, il n’en demeure pas moins – c’est le premier regret du comité – que, sur les cinquante-quatre articles contenus dans cette convention et créant des droits pour les enfants, la France ne reconnaisse une valeur juridique directe qu’à onze articles.

À ce titre, je voudrais rappeler que, dans sa onzième recommandation, le comité précise qu’il appartient à « l’État partie de continuer à prendre les mesures pour que la convention, dans sa totalité, soit directement applicable sur tout le territoire de l’État partie ».

Il est en effet temps que nous sortions de cette logique consumériste des droits de l’enfant, qui consiste à faire le tri entre les mesures que nous considérons comme acceptables et celles qui ne le seraient pas. Pour nous, les droits que la CIDE consacre forment un bloc indissociable, car ce sont tous des droits fondamentaux.

Je regrette également, et ce n’est pas qu’une question de forme, que le Gouvernement ait rendu avec un an de retard son rapport concernant l’application par notre pays de la CIDE et que les associations n’aient pas participé à sa rédaction, contrairement à ce qui se pratique dans la plupart des autres pays signataires.

Le comité des droits de l’enfant, madame la secrétaire d’État, est très sévère quant au respect par notre pays de cette convention. Nous partageons ce constat et formulons le vœu que soit bientôt créé un secrétariat aux droits des enfants (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale s’exclame.) ou, pour le moins, un haut-commissariat rattaché au Premier ministre, permettant ainsi la convergence d’une politique globale et coordonnée.

Tel nous paraît être le chemin indispensable pour permettre la satisfaction de la trente-sixième recommandation du comité consistant en la reconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant : les enfants doivent être enfin considérés comme des sujets de droit en tant que tels, et non comme des éléments annexes.

Vous le voyez, madame la secrétaire d’État, notre appréciation de la politique que vous menez en matière de petite enfance, et d’enfance en règle générale, est très négative. Avec les états généraux de la petite enfance, la secrétaire d’État qui vous a précédée a tenté de faire croire qu’elle entendait rénover cette politique. Malheureusement, la préparation de cet événement a consisté à le réduire à un simple gadget, conduisant bon nombre d’associations et de syndicats à refuser d’y participer, organisant de leur côté des « états généreux de la petite enfance ».

Leurs craintes ont été confirmées par les faits : alors que les quatre ateliers des états généraux se sont conclus par des propositions d’envergure, la secrétaire d’État n’a retenu que des propositions n’engageant aucune dépense et ne permettant aucun progrès dans les domaines des droits des enfants et de l’amélioration de leurs conditions de vie. Les propositions ministérielles n’ont d’ailleurs été suivies d’aucun effet, sans doute à cause du changement de ministre intervenu depuis.

Les politiques successives du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, ont affaibli les familles, et l’objectif de réduction de la pauvreté infantile de 30 % à l’horizon de 2012, conformément à l’engagement pris par votre gouvernement, est mis à mal.

Vous avez progressivement remplacé la politique de protection des enfants par une politique de suspicion et de sanction.

Vous avez renoncé à une politique solidaire en matière de garde des jeunes enfants, préférant que se développent des sociétés marchandes qui proposent, à grands renforts d’aides publiques, d’accueillir les enfants de quelques mois jusqu’à l’âge de quatre ans. Ce faisant, vous portez atteinte au droit d’accès à la maternelle dès l’âge de deux ans.

Vous avez, tout simplement, rompu progressivement avec notre pacte social, qui veut que la génération actuelle fasse tout pour que celle qui vient connaisse de meilleures conditions de vie que les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons la chance de vivre dans l’un des pays européens ayant le plus fort taux de fécondité. Dans les années deux mille, le nombre de naissances n’a cessé d’augmenter, pour atteindre plus de 800 000 naissances sur l’année 2010. C’est un record depuis la fin du baby boom.

Notre politique familiale se doit donc d’être ambitieuse.

Je tiens à souligner – et à rappeler à nos collègues de l’opposition – que le Gouvernement a fait le choix d’un soutien massif à la famille, en y consacrant 5,1 % du PIB, alors que les autres pays européens, en moyenne, affectent seulement 2,5 % de leur PIB à la politique familiale.

Le nombre de places en crèches a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007. Le Président de la République a fixé pour objectif une augmentation de 200 000 places d’accueil pour les jeunes enfants à l’horizon de 2012, réparties à parts égales entre l’accueil collectif et l’accueil individuel. Vous pourrez sans doute, madame le secrétaire d’État, nous communiquer les derniers chiffres dont vous disposez, mais je crois que ces objectifs pourront être atteints. Cependant, les besoins sont tels que ces créations seront encore insuffisantes.

Or il est primordial d’offrir d’autres possibilités de garde aux jeunes mères, de sorte qu’elles puissent poursuivre leur activité professionnelle.

Sans doute faut-il, pour répondre aux besoins, se tourner vers des modes de garde complémentaires et innovants : les maisons d’assistants maternels – je rappelle que nous avons adopté une proposition de loi favorisant ces regroupements –, les micro-crèches ou les jardins d’éveil, largement plébiscités par les familles qui subissent des contraintes d’horaires particulières.

En 2008, j’ai animé, avec mon collègue Pierre Martin, un groupe de travail étudiant une autre voie : la préscolarisation des jeunes enfants. Nous avons voulu savoir si l’école maternelle pouvait offrir une solution opportune dans un contexte de pénurie de modes de garde, sachant que l’accueil des enfants de deux ans en maternelle est une pratique qui existe de longue date, mais qui tend à diminuer et qui suscite toujours des débats passionnés.

Nous ne pensons pas qu’avancer l’âge de scolarisation à deux ans soit une bonne solution. Je souhaiterais m’en expliquer, en m’appuyant sur les constats établis par notre groupe de travail.

Nous avons auditionné des professionnels de la petite enfance, de l’éducation, notamment de l’école maternelle, des chercheurs, des médecins, des représentants des familles et des parents d’élèves.

Pour bien comprendre notre système de garde d’enfants et leur scolarisation, il faut retracer le parcours français en la matière.

L’école maternelle a scolarisé des enfants de moins de trois ans surtout à partir des années soixante-dix. La scolarisation du très jeune enfant était liée à des circonstances extérieures : un fort taux d’activité féminine et un contexte de pénurie des modes de garde.

La scolarisation précoce est survenue parce que l’école maternelle disposait alors de places disponibles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, dans certaines régions, on voulait placer prioritairement à l’école des enfants de deux ans vivant dans un milieu social défavorisé, dans l’idée que cela pourrait leur éviter d’être plus tard en échec scolaire. L’école maternelle représentait alors une passerelle entre la famille et l’école élémentaire.

Aujourd’hui, à l’heure où le nombre d’enfants accueillis en classe maternelle augmente dangereusement (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…