Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux, M. Alain Dufaut.
2. Débat sur l'état de la recherche en matière d'obésité
Mme Brigitte Bout, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
Mme Annie David, M. Raymond Couderc, Mmes Anne-Marie Payet, Patricia Schillinger, Françoise Laborde, Catherine Dumas, M. Alain Chatillon.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
3. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi organique
4. Débat : " Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? "
Mme Isabelle Pasquet, au nom du groupe CRC-SPG.
Mmes Monique Papon, Muguette Dini, M. Ronan Kerdraon, Mmes Françoise Laborde, Éliane Assassi, M. Pierre Martin, Mmes Françoise Cartron, Marie-Christine Blandin, M. René-Pierre Signé.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Alain Dufaut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Débat sur l'état de la recherche en matière d'obésité
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité, organisé à la demande du groupe UMP et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
La parole est à Mme Brigitte Bout, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Mme Brigitte Bout, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Bruno Sido, premier vice-président de l’OPECST, retenu par d’autres obligations de l’Office, ne peut être présent aujourd'hui, c’est pourquoi je m’exprimerai en tant que vice-présidente de cette instance.
Il faut se féliciter d’avoir adopté une réforme constitutionnelle autorisant régulièrement des débats comme celui que nous avons aujourd’hui. Cela permet à l’Office de mettre en avant les implications scientifiques des problèmes de société. Il l’a fait à l’occasion d’un débat sur les nanotechnologies, puis d’un débat sur les dangers présumés des lignes à haute et très haute tension sur la santé.
Aujourd’hui, il s’agit de faire le point sur l’état de la recherche concernant un fléau social qui progresse lentement mais de façon inéluctable : l’obésité.
En 2009, l’Office avait organisé une audition publique sur l’état de la recherche dans ce domaine, avec l’intention non seulement de faire le point sur l’état de l’art mais aussi d’étudier la façon dont les avancées de la recherche française, très prometteuse en la matière, se diffusent dans le corps social et plus précisément vers l’ensemble des acteurs de la santé.
À la suite de cette audition publique, il a été décidé de me confier une étude dont je vous présente aujourd’hui les conclusions. Celles-ci reposent sur un travail d’investigation assez complet puisque 234 personnes ont été auditionnées.
Le nombre de propositions, neuf au total, est volontairement réduit pour rester réaliste, mais il est suffisant pour offrir un plan de lutte contre l’obésité cohérent, reposant sur deux axes : la prévention de l’essor de cette maladie et l’organisation de l’effort de recherche sur l’obésité. Je précise que l’organisation des soins avait été volontairement exclue du champ de l’étude.
Le rapport a d’abord considéré les politiques de prévention de l’obésité.
En effet, puisque l’on ne connaît pas de traitement totalement efficace lorsque l’obésité est installée, il est de toute première importance de la prévenir.
Hélas, jusqu’à présent, les politiques de prévention se sont révélées décevantes. Ce relatif échec s’explique en partie par la difficulté d’élucider les causes de l’obésité, qui sont nombreuses et variables en fonction des individus. Il provient également de la mise en place de politiques résultant plus de la confrontation d’intérêts contradictoires que de résultats scientifiques validés par des expérimentations de terrain. Je me suis donc efforcée, dans mon étude, de rassembler les données scientifiques à prendre en compte pour mener une politique de prévention qui soit la plus efficace possible.
Je vous présenterai brièvement quatre séries de mesures qui me paraissent indispensables pour réaliser une politique de prévention efficace.
Première observation : le gradient socioculturel de l’obésité est très fort, particulièrement pour les femmes et pour les enfants. La catégorie socioprofessionnelle, le niveau de revenu et le niveau d’éducation sont trois déterminants majeurs de l’obésité. Agir sur ces trois points constituerait un levier puissant de prévention.
Ma deuxième conclusion concernant les politiques de prévention consiste à privilégier les mesures modifiant l’environnement.
En effet, de nombreuses études scientifiques ont montré l’insuffisance des politiques visant à modifier les comportements individuels, et ce en raison de l’influence prépondérante des environnements matériels, sociaux et culturels.
Une politique de prévention efficace doit donc s’accompagner d’interventions visant à promouvoir un environnement qui facilite l’adoption sans effort de comportements reconnus favorables à la santé.
Concrètement, je suis pour la suppression de la publicité télévisée sur les produits alimentaires transformés avant, pendant et après les programmes « jeunesse » et sur les chaînes destinées à la jeunesse.
J’estime aussi nécessaire de supprimer l’exonération de la taxe sur la publicité pour les produits alimentaires manufacturés et les boissons avec ajout de sucres.
Ma troisième proposition vise à élaborer un plan de prévention reposant sur cinq piliers : premièrement, une gouvernance interministérielle susceptible de disposer d’un pouvoir d’impulsion et de décision, avec des moyens financiers et humains adaptés aux missions qui lui seront confiées ; deuxièmement, un comité scientifique visant à recenser les acquis scientifiques à prendre en compte dans l’élaboration d’un plan global de lutte contre l’obésité et à en assurer la transmission aux acteurs du système de santé ; troisièmement, des messages de prévention concourant à l’élaboration de normes sociales favorables à la santé et influençant les systèmes de représentation ; quatrièmement, des actions locales en direction des populations à risque ; cinquièmement, enfin, une évaluation systématique et régulière de toutes les mesures prises.
Ma quatrième proposition insiste sur la nécessité de développer la prévention précoce.
De nombreuses études montrent que le développement de l’obésité chez le jeune adulte est influencé par des expositions prénatales, périnatales et pendant la petite enfance, indépendamment de son hygiène ultérieure de vie. Par conséquent, il est indispensable de mettre en place une prévention de l’obésité dès la grossesse, afin de repérer très tôt les éventuelles situations à risque et d’instaurer une vigilance accrue pendant les premières années de la vie.
Ainsi que je l’ai dit précédemment, si un plan de lutte contre l’obésité doit reposer d’abord sur la prévention, il convient également d’intensifier l’effort de recherche sur les causes de l’obésité.
Comme je l’ai constaté au cours de mes investigations, la recherche française sur l’obésité, qui est de grande qualité, privilégie les aspects fondamentaux, notamment moléculaires et génétiques. De même, un accent particulier est mis sur l’analyse physiologique des pathologies liées à l’obésité telles que le diabète de type 2, l’hypertension, la stéatose hépatique, l’insulinorésistance, l’hyperlipidémie, etc.
D’une manière générale, les aspects comportementaux, sociaux, économiques et environnementaux ainsi que ceux qui sont liés aux neurosciences et au marketing sont beaucoup moins soutenus financièrement. Or la recherche dans ces domaines est indispensable pour développer de nouveaux outils d’étude pour la compréhension des comportements et du métabolisme, ainsi que pour déterminer des stratégies plus efficaces. Les études translationnelles doivent également être encouragées afin de mieux comprendre les facteurs de prédisposition aux complications de l’obésité et de mettre au point des biomarqueurs précoces de la transition vers l’état pathologique.
Telles sont les principales conclusions de mon rapport sur lesquelles j’aimerais connaître votre sentiment, madame la ministre, mes chers collègues.
Parallèlement à cette étude, le 21 mai 2010, le Président de la République lançait, à l’occasion des journées européennes de l’obésité, un plan sur trois ans visant à enrayer la progression de cette maladie. Quelque 140 millions d’euros devaient être consacrés à ce plan, dont le pilote désigné n’est autre que le professeur Arnaud Basdevant, chef du service de nutrition à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et l’un des plus grands spécialistes de l’obésité au niveau national et international.
La lettre de mission du professeur Arnaud Basdevant présentait trois axes d’action.
Le premier axe portait sur la recherche : afin d’animer et d’intensifier l’effort de recherche, il était prévu, à l’instar de ce qui avait été fait pour le plan Alzheimer, de créer une fondation de coopération scientifique associant l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, l’AVIESAN, à des partenaires publics et privés.
Le deuxième axe concernait la prévention : il visait à faciliter l’application des recommandations existantes en améliorant l’alimentation scolaire, la restauration collective et la restauration solidaire, et en développant l’activité physique pour la santé à l’école.
Le troisième et dernier axe avait trait à la prise en charge et insistait sur la nécessité de développer une prise en charge de qualité sur tout le territoire, y compris outre-mer, en apportant également une attention particulière aux populations fragiles.
Le lancement de ce plan présidentiel prenait acte du fait que la France est loin d’être épargnée par la progression de l’obésité. La prévalence de l’obésité chez les adultes augmente de 5,9 % par an en France. Selon la dernière étude nationale nutrition santé, réalisée en 2006, 16,9 % de la population adulte est obèse et 3,5 % des enfants sont obèses, soit quatre fois plus qu’en 1960.
Cette évolution est inquiétante non seulement parce que les adultes obèses sont de plus en plus nombreux, mais aussi parce que les individus deviennent obèses de plus en plus jeunes, souvent au stade de l’enfance.
Pourtant, si la mise en place d’une politique cohérente de lutte contre l’obésité est très fortement attendue, les espoirs suscités par le plan présidentiel sont pour l’instant déçus. En effet, qu’est devenu le plan présidentiel lancé il y a un an ? Jusqu’à présent, aucune information n’a filtré, ce qui n’est pas forcément bon signe.
Par ailleurs, de nombreuses interrogations demeurent sur la mise en œuvre des vingt-trois mesures retenues puisque, dans la pratique, le plan obésité ne dispose pas d’un pilote clairement identifié, ayant un réel pouvoir de décision. Ainsi, les mesures de prévention sont dispersées au sein de trois plans, à savoir le programme national pour l’alimentation, dirigé par le ministère de l’agriculture, le programme national nutrition santé, orchestré par le ministère de la santé, et le plan obésité, de nature interministérielle. Comment seront articulées les mesures de prévention entre ces trois plans ?
En outre, il semblerait qu’un volet important du plan obésité soit dans l’impasse, à savoir la création d’une fondation de coopération scientifique associant l’AVIESAN à des partenaires publics et privés. Or seule la création d’une telle fondation permettrait de dégager des moyens financiers suffisants pour lancer un programme de recherche sur l’obésité à la hauteur de l’enjeu que représente cette maladie.
En conclusion, je rappelle que si certaines mesures ne peuvent être prises que dans le cadre d’un plan d’ensemble de lutte contre l’obésité, d’autres pourraient être adoptées dès maintenant dans la mesure où les faits sont scientifiquement avérés.
Pour illustrer mes propos, permettez-moi de vous donner deux exemples.
J’ai déjà rappelé la nécessité de limiter la publicité alimentaire en direction des enfants. J’évoquerai aussi la communication trompeuse sur la possibilité de perdre rapidement beaucoup de poids grâce à certaines formes de régimes amaigrissants ou à l’absorption de préparations à base d’herbes ou de médicaments. Cette offre n’est pas assez réglementée.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, la question de l’obésité me tient particulièrement à cœur, et ce depuis des décennies, comme en atteste mon engagement dans le projet Fleurbaix-Laventie, ville santé – j’ai été maire de Fleurbaix –, lancé en 1992 et qui est à l’origine du programme Ensemble prévenons l’obésité des enfants, le programme EPODE.
Par conséquent, je me réjouis que l’Office ait proposé d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat un débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité. J’espère que ce débat contribuera à sensibiliser l’ensemble des parlementaires sur l’importance de cette question et qu’il permettra d’accélérer la mise en œuvre du plan obésité voulu par le Président de la République et de donner à ce plan tous les moyens humains et financiers nécessaires à sa réussite. (Applaudissements.)
(Mme Monique Papon remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport de notre collègue Brigitte Bout, réalisé dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, concernant l’obésité est très instructif et riche de propositions. Il nous interroge sur ce que les scientifiques considèrent être la première épidémie non infectieuse. Entre 1997 et 2009, la proportion de personnes en situation d’obésité a presque doublé en France, au point que 14,5 % de la population de notre pays est considérée comme obèse. Elle devrait atteindre 20 % à l’horizon 2020.
Il s’agit donc là d’un véritable enjeu de santé publique dans la mesure où l’obésité entraîne l’apparition de maladies importantes pouvant conduire à une morbidité précoce.
On soulignera par exemple que 80 % des personnes atteintes de diabète de type 2 sont en surpoids et que 23 % des infarctus du myocarde peuvent être imputés au surpoids et à l’obésité.
Toutefois, circonscrire les conséquences de l’obésité à un aspect seulement médical, c’est oublier qu’elle emporte également des conséquences d’un point de vue social et financier. L’obésité a des conséquences sociales, car les images stéréotypées du corps idéal, les pressions sociales et commerciales pèsent sur les personnes en surpoids et nuisent à leur épanouissement personnel. Elle a également des conséquences économiques, dans la mesure où les dépenses de santé qui lui sont liées atteignaient en France 3,3 milliards d’euros en 2002. Les chiffres ont dû augmenter depuis. On estime ainsi que, dans les pays industrialisés, les dépenses de santé liées à la lutte contre l’obésité ou à ses conséquences représentent jusqu’à 7 % des dépenses totales.
Malgré ces informations, que personne ne conteste, force est de constater que l’obésité progresse et que les recommandations formulées par les scientifiques, comme par les politiques, n’ont pas été suivies d’actes.
On sait pourtant aujourd’hui, vous l’avez souligné, madame Bout, que les causes de l’obésité sont diverses et complémentaires. On doit dès lors parler d’obésités au pluriel.
D’une manière schématique, on peut considérer qu’il existe trois grandes familles d’obésité.
Il y a tout d’abord l’obésité liée à des facteurs génétiques. Certains gènes, peu nombreux, ont un effet important sur la corpulence, le pourcentage ou la distribution régionale de la masse grasse.
Il y a ensuite l’obésité liée à des facteurs endocrinologiques, tels que les dérèglements hormonaux, ce qui devrait conduire à favoriser la recherche – laquelle avance bien dans notre pays, comme vous l’avez indiqué, madame Bout –, en particulier celle qui porte sur certaines familles de médicaments.
Il y a, enfin, l’obésité liée aux facteurs environnementaux et sociaux, sur laquelle je m’attarderai.
Même si les liens entre précarité et obésité sont complexes, ils sont indéniables. On sait – c’est d’ailleurs rappelé dans le rapport – que « la prévalence de l’obésité est deux fois plus élevée parmi les ouvriers que parmi les cadres supérieurs ». Cela résulte naturellement du fait que, dans les foyers les plus pauvres, la part des ressources consacrée à l’alimentation sert souvent à acheter des produits de premier prix et de première nécessité, la diversité étant un luxe que de nombreuses familles ne peuvent s’offrir. Dans ce contexte, le « panier essentiel » proposé par le Gouvernement, mais dont la composition est laissée à la discrétion des enseignes, ressemble plus à un gadget qu’à une réponse efficace et appropriée. Quant au slogan « manger cinq fruits et légumes par jour », il s’apparente plus à une provocation qu’à un véritable outil de communication.
En réalité, ce « panier essentiel » garantit aux grandes enseignes le bénéfice d’un label et permet d’éviter deux débats capitaux : celui sur la flambée des prix alimentaires et celui sur l’explosion de la précarité. Or seule une politique globale de lutte contre la pauvreté permettra de réduire les cas d’obésité liés aux déterminants sociaux, comme vous l’avez rappelé, madame Bout.
La grande distribution profite donc allègrement de cette opération, dénoncée par l’association UFC-Que Choisir : « Alors que les consommateurs ne bénéficient toujours pas de la baisse – depuis plusieurs années – des prix des matières premières agricoles, […] que l’amélioration de la qualité nutritionnelle des produits transformés reste un vœu pieux, comment admettre qu’on nous serve un dispositif aussi peu ambitieux ? »
Par ailleurs, on sait que l’industrie agroalimentaire, par le biais des plats préparés qu’elle propose, lesquels sont trop gras et trop sucrés, participe à l’augmentation du phénomène dit de « malbouffe ». Cela n’est pas étranger à la dégradation des rythmes et de l’organisation du travail. Il est pour le moins contradictoire d’attendre des parents qu’ils jouent pleinement leur rôle en matière d’éducation à l’équilibre alimentaire et de préparation des repas alors que, dans le même temps, on organise la dégradation de leurs conditions de travail, en imposant par exemple le travail le dimanche, les temps partiels ou encore les horaires décalés !
Il serait en outre souhaitable que, dans un futur proche, l’utilisation de l’huile de palme soit interdite, compte tenu de ses incidences négatives sur la santé comme sur l’environnement.
Aussi souscrivons-nous à la proposition de rendre obligatoire sur la face avant du produit les informations nutritionnelles le concernant, tout comme nous souhaitons que notre législation nationale soit plus rigoureuse afin que les industriels apportent auprès de l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, la preuve du caractère allégé de leurs produits ou des effets positifs de ceux-ci sur l’organisme.
Tout comme vous, madame Bout, nous considérons qu’il est impératif de protéger le jeune public du matraquage marketing dont il est victime de la part des industries agroalimentaires. L’UFC-Que Choisir nous alertait voilà déjà six ans. Selon une étude réalisée alors, 89 % des 217 spots alimentaires visant les enfants relevés pendant quinze jours sur les plus grandes chaînes de télévision à l’heure des émissions enfantines concernaient des produits très sucrés ou gras.
Nous avons d’ailleurs, sur l’initiative de ma collègue Evelyne Didier, déposé une proposition de loi relative à la protection des enfants et des adolescents face aux effets de la publicité télévisuelle, dans laquelle nous dénonçons notamment le fait que cette pression publicitaire peut avoir des effets directs sur la santé physique des enfants, au premier rang desquels l’obésité.
Enfin, comment éluder le rôle que devrait jouer la prévention ? L’école au sens large devrait être le lieu pivot de la mise en œuvre des différentes politiques de prévention de l’obésité. Alors que 6 millions d’enfants fréquentent les cantines, il est de notre responsabilité de faire en sorte que les menus y soient d’une meilleure qualité nutritionnelle et plus équilibrés. N’oublions pas que le repas pris dans le cadre scolaire est souvent le seul qui réponde aux préconisations de la Haute Autorité de santé, mais aussi le seul que prennent bon nombre de jeunes. Pour autant, beaucoup d’efforts restent à faire.
C’est pourquoi nous faisons nôtre la proposition de Christophe Hébert, président de l’Association nationale des directeurs de restauration municipale, l’ANDRM, qui déclarait en 2007 : « À l’école, on doit apprendre à manger comme on apprend à lire. » Malheureusement, nous partageons également son constat : « Il existe un manque d’interventions de professionnels dans le milieu scolaire. Le point essentiel, c’est le taux d’encadrement, la présence de personnels formés en cantine aux côtés des enfants. »
C’est dans ce sens que j’avais interrogé le Gouvernement en 2008 sur l’évolution de la « Semaine du goût » dans les établissements scolaires. J’avais insisté sur la nécessité de la faire évoluer afin d’y ajouter la notion d’équilibre alimentaire. L’une de vos missions, madame la ministre, ou en tout cas une des missions du ministère de la santé, dans le cadre du programme national nutrition santé, est bien la promotion d’une bonne nutrition.
Il faut aller bien au-delà et renforcer également la médecine scolaire, spécialement dédiée aux enfants, aux adolescents et au cadre éducatif. Il faut pour cela renoncer aux suppressions de postes qui sont actuellement pratiquées, au point qu’on ne dénombre plus aujourd'hui que 1 200 médecins pour 12 millions d’élèves.
Vous le voyez, mes chers collègues, la lutte contre l’obésité ne peut pas reposer sur la seule bonne volonté. Elle nécessite la mobilisation de moyens humains et financiers, lesquels font défaut, du fait de la révision générale des politiques publiques et de la politique actuelle que mène le Gouvernement.
Pour que l’obésité soit enfin considérée comme un enjeu de santé publique, quelles mesures êtes-vous prête à mettre en œuvre, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mmes Françoise Laborde et Brigitte Bout ainsi que M. Pierre Martin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, mes chers collègues, l’obésité, et plus particulièrement l’obésité infantile, est devenue un enjeu de santé publique majeur dans la plupart des pays industrialisés. En France, selon l’étude nationale nutrition santé, l’ENNS, le surpoids touche actuellement près d’un enfant sur cinq et 3,5 % des enfants sont obèses.
Il est aujourd’hui avéré qu’un enfant obèse risque fortement de le rester à l’âge adulte, ce qui entraîne une augmentation considérable des maladies associées, comme les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2, et une diminution de treize ans de son espérance de vie. La prise en charge restant difficile et encore peu évaluée, il est fondamental de prévenir et de prendre en charge dès le plus jeune âge la prise de poids excessive des enfants.
N’étant ni médecin ni chercheur dans le domaine de la médecine ou de la biologie, je préfère vous parler d’expérimentations concrètes que j’ai pu observer dans le domaine de la lutte contre l’obésité. En tant que président du club des maires EPODE, j’aimerais plus spécifiquement vous parler du programme Ensemble prévenons l’obésité des enfants, qui est présent dans plus de 200 villes françaises, ainsi qu’en Belgique, en Espagne, en Grèce, en Australie et même au Mexique.
Je dois d’ailleurs rendre hommage à l’expérience des précurseurs de Fleurbaix-Laventie et notamment de Mme Brigitte Bout qui ont montré le chemin avant que le programme EPODE soit engagé, lequel a concerné dans un premier temps dix villes, avant de connaître l’élargissement que nous constatons aujourd’hui.
L’objectif du programme EPODE est d’aider les familles à modifier en profondeur et durablement leur mode de vie en développant, grâce à la mobilisation de tous les acteurs locaux, une offre de proximité conforme aux recommandations du programme national nutrition santé. Cette offre est principalement axée sur une alimentation équilibrée, diversifiée, abordable et plaisante au niveau familial, sur la pratique d’activités physiques pour tous intégrées dans le quotidien et sur l’encouragement à développer un environnement local favorable à ces bonnes habitudes.
Le programme repose sur quatre piliers : un engagement fort des politiques, au niveau local et au niveau national – c’est actuellement le cas – ; une organisation professionnelle avec une expertise en marketing social ; un financement durable assuré par un partenariat public-privé reposant sur des règles très claires ; une expertise scientifique pour l’évaluation.
Le programme EPODE instaure en premier lieu une démarche de prévention.
Je prendrai pour exemple, et je vous prie de m’en excuser, le cas particulier de la ville dont je suis maire : Béziers.
Le choix y a été fait de promouvoir une approche globale de la question de l’obésité infantile. Souvent édifiée à partir des écoles, la démarche de prévention s’est peu à peu étendue à tous les aspects de la vie communale, à savoir les familles, les associations sportives et sociales, les institutions, les acteurs privés. Plusieurs projets ont été réalisés dans ce cadre.
Ainsi, chaque année depuis 2006, plus de 1 000 enfants participent à la randonnée des écoles en partenariat avec l’Éducation nationale. Quatre parcours de huit à seize kilomètres sont proposés, avec découverte du patrimoine et sensibilisation à un pique-nique équilibré.
Un petit-déjeuner pédagogique est également organisé une fois par an dans plusieurs écoles de la ville. Les enfants et leurs parents sont conviés à partager un petit-déjeuner, avec une réunion d’information faite par une diététicienne.
Des ateliers sensoriels sont mis en place pour permettre l’éveil aux différents goûts. Menés dans les maternelles et les crèches, ils concernent aussi un centre pour enfants handicapés.
Enfin, un atelier a été proposé aux familles défavorisées – on sait aujourd’hui qu’elles sont particulièrement à risque dans ce domaine – afin de les conseiller pour gérer leurs achats, notamment en lisant plus attentivement les étiquettes, en repérant les graisses et sucres cachés. Des propositions de menus diététiques leur sont aussi faites.
En deuxième lieu, le programme EPODE met en place une démarche de prise en charge.
Au-delà de l’approche globale, un programme spécifique de prise en charge des enfants détectés comme étant en surpoids a également été mis en place à Béziers.
Chaque année, environ 1 200 élèves sont examinés.
La campagne d’information touche les enfants de zéro à vingt-cinq ans. Un dépistage scolaire est réalisé. Enfin, une prise en charge médicale de la surcharge pondérale des enfants et adolescents dépistés est menée par l’association « Croque Santé » et par le Collège des médecins de la région biterroise, qui rassemble 150 médecins.
Il s’agit ainsi de prendre en charge les enfants dépistés essentiellement sur le plan diététique et, si besoin, psychologique, notamment en travaillant sur l’image du corps que peuvent avoir les enfants. Environ 535 enfants ont été accompagnés depuis 2006.
Cette prise en charge, avec l’aide des médecins de ville, a permis une baisse de la corpulence moyenne des enfants accompagnés allant de moins 10 % chez les 324 enfants suivis en 2007 jusqu’à moins 49 % chez les 256 enfants suivis en 2010.
En troisième et dernier lieu, le programme EPODE permet l’accompagnement des enfants en situation d’obésité.
Une donnée cependant n’était pas encore prise en compte dans ce programme, malgré ses bons résultats. Aussi, un second projet a été mis en place très récemment. Le projet expérimental LIPOMAX consiste ainsi en une réadaptation à l’activité physique des enfants dépistés obèses dans le cadre du programme EPODE et suivis par Croque Santé, en collaboration avec le service des sports et le centre médico-sportif.
Plus précisément, douze enfants ont été entraînés pendant huit semaines par un éducateur sportif stagiaire en master Activités physiques adaptées, en lien avec le service des sports de la ville de Béziers.
Les résultats préliminaires semblent montrer, dans la plupart des cas, l’amorce d’une baisse significative de la masse grasse de ces enfants au profit de la masse maigre et donc d’une prise de muscles au détriment de la masse grasse. Cette étude prometteuse mérite par conséquent d’être continuée et analysée sur une plus grande population, puisqu’elle semble apporter quelques réponses positives au problème que peut poser l’obésité infantile.
Par ses 149 actions menées en 2009, par le dépistage qu’il propose ou par la communication directe, le programme de prévention EPODE a ainsi réussi à toucher 12 000 personnes sur la ville de Béziers.
Il serait donc intéressant d’étendre ce type d’action à toutes les villes, afin de mettre à disposition des familles, des médecins et des élus un outil de promotion du sport et d’une alimentation saine et variée pour lutter contre les maladies que peut engendrer l’obésité des enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe ne cesse de s’américaniser, pour le meilleur et pour le pire. En l’occurrence, puisqu’il est question d’obésité, ce n’est certainement pas pour le meilleur.
Le développement de l’obésité en France est une réalité de plus en plus préoccupante. Comme l’a très bien rappelé notre collègue Brigitte Bout, les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont frappants. La France compte aujourd’hui 16,9 % d’adultes obèses, avec une augmentation de la prévalence de l’obésité de presque 6 % par an ; 3,5 % des enfants sont obèses, soit quatre fois plus qu’en 1960, tandis que 14,3 % des enfants sont en surpoids.
Et encore ne s’agit-il là que de statistiques globales qui ne disent rien des écarts observables au sein de la population française : écarts entre les sexes – l’obésité touche deux fois plus les femmes que les hommes – ; écarts entre catégories socioprofessionnelles, bien sûr ; écarts géographiques, aussi. C’est la raison pour laquelle le problème me tient très à cœur : l’obésité touche l’outre-mer et surtout la Réunion, dont je suis élue, de manière particulièrement forte. En effet, l’île de la Réunion ne fait pas exception à l’épidémie mondiale de l’obésité, considérée par l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, comme « l’épidémie du siècle ».
Dans les différentes études réalisées localement, on observe une différence nette entre les sexes. La fréquence du surpoids est plus élevée dans la population masculine : près de 40 % contre 33 % chez les femmes. En revanche, les prévalences de l’obésité sont sensiblement plus élevées chez les femmes, contrairement à ce qui est observé dans les différentes enquêtes nationales. Ainsi, les prévalences locales de l’obésité sont respectivement d’environ 10 % chez les hommes et de 20 % chez les femmes. En métropole, elles avoisinent 11 % chez les hommes comme chez les femmes.
Je m’inquiète particulièrement de l’obésité chez l’enfant.
En effet, la surcharge pondérale touche 15 % à 20 % des enfants à la Réunion et la prévalence de l’obésité infantile a quintuplé en moins de vingt ans. Les trois quarts de ces enfants resteront obèses à l’âge adulte et connaîtront les complications liées à l’obésité.
La Réunion a subi une évolution rapide des modes de vie qui définit un contexte propice à la prise de poids et par conséquent au développement de maladies liées à la nutrition : diabète et hypertension artérielle, ou HTA, notamment dont l’obésité est l’un des facteurs de risque bien identifiés.
Le retentissement de l’obésité est ainsi important en matière de mortalité et de morbidité. Le taux standardisé de mortalité due au diabète et à ses complications est de 62,8 pour 100 000 habitants en Guadeloupe, 63,3 en Martinique, 65,7 en Guyane, 108,3 à la Réunion, contre 32 pour 100 000 habitants en métropole.
Ainsi, tous les Français ne sont pas égaux face à l’obésité.
L’obésité est un phénomène dont l’impact néfaste est multiple : impact psychologique pour les personnes obèses qui ont du mal à s’accepter, impact social pour les victimes d’une maladie qui sont souvent stigmatisées, impact de santé publique, évidemment. Les pathologies liées à l’obésité sont en effet connues et nombreuses : diabète, risques cardiovasculaires, stéatose hépatique, certains cancers aussi. L’impact de l’obésité est aussi financier, évidemment : l’obésité représente un coût de plus en plus considérable pour l’assurance maladie.
Dans ces conditions, on le comprend, prévenir et traiter l’obésité doit être une priorité absolue de santé publique. Cela n’a pas échappé au Président de la République, qui a créé en octobre 2009 une commission pour la prévention de l’obésité dont les recommandations ont imprégné le programme national nutrition santé.
Mais combattre efficacement la maladie suppose bien sûr de la comprendre. D’où l’enjeu clé de la recherche.
Je félicite au passage notre collègue Brigitte Bout pour l’excellent rapport qu’elle a rendu public le 8 décembre dernier au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, à la suite de la saisine de cet office par notre commission des affaires sociales sur ce thème.
Ce rapport a l’immense mérite d’éclairer pour la première fois le dossier de l’obésité sous l’angle absolument déterminant de la recherche. Le présent débat est la suite logique de ce travail inédit. Et, compte tenu de l’enjeu, c’est tout à l’honneur de notre assemblée de s’en saisir de la sorte.
Alors, à l’aune des informations rassemblées et mises en perspective par le rapport Bout, quelles conclusions tirer sur l’état de la recherche en matière d’obésité ?
Nous avons beaucoup avancé, mais nous n’avons pas encore suffisamment avancé.
Nous avons beaucoup avancé parce que nous savons désormais que l’obésité doit être considérée comme une maladie à part entière, une maladie chronique à la fois complexe et grave. Ses principaux mécanismes physiologiques ont été mis au jour, même si nous avons toujours du mal à appréhender ses causes et leurs interactions, qui sont nombreuses et varient en fonction des individus. Ce constat positif me donne l’occasion de saluer l’extraordinaire travail effectué, dans des conditions parfois bien difficiles, par les chercheurs, auxquels je tiens à rendre hommage.
En revanche, il nous reste encore du chemin à parcourir parce que la recherche n’a pas encore réussi à élaborer des thérapies permettant de guérir cette maladie. Cela a été rappelé, tous les médicaments visant à réduire la prise alimentaire ont été retirés du marché compte tenu de leurs effets secondaires, alors que les médicaments jouant sur la mauvaise absorption des nutriments sont peu efficaces.
À ce jour, seule la chirurgie bariatrique – essentiellement le by-pass gastrique – a un effet spectaculaire à la fois en matière de perte durable de poids et de diminution de la mortalité.
Mais la chirurgie bariatrique demeure une solution qui peut être très éprouvante sur le plan psychologique.
Fort de ce constat global, une conclusion s’impose : il nous faut aujourd’hui mettre l’accent sur la prévention.
Ce n’est qu’à ce stade de l’analyse que je me permettrai de faire entendre une voix un peu différente par rapport aux conclusions du rapport Bout.
Le rapport fait état des résultats modestes donnés par les actions ciblées qui ont été jusqu’à présent conduites.
En conséquence, il préconise une approche beaucoup plus globale visant à réduire les inégalités dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation, de la santé et des transports, qui sont les leviers les plus puissants pour lutter contre l’obésité. C’est l’évidence même.
Il me semble que nous ne nous sommes pas donné les moyens de nos ambitions en matière de prévention ciblée de l’obésité, autrement dit en matière d’éducation nutritionnelle.
S’attaquer aux distributeurs de boisson et imposer des messages publicitaires constituent certes un premier pas encourageant, mais nous devrions aller au cœur du problème.
Nous devrions nous servir des vertus pédagogiques de l’école pour apprendre aux enfants à se nourrir. Ne rien faire c’est laisser se perpétuer l’inégalité face à l’obésité. Par nature, l’école a vocation à enrayer ce type d’inégalité.
Ainsi, nous pensons que l’éducation nutritionnelle scolaire est une voie à fortement privilégier pour lutter activement contre l’obésité. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon l’OMS, 1 milliard d’adultes sont en surpoids et, si rien n’est fait, ils seront plus de 1,5 milliard d’ici à 2015. Chaque année, 2,6 millions de personnes au moins meurent des conséquences du surpoids ou de l’obésité.
En France, l’obésité augmente de 5,9 % par an et concerne 16,9 % des adultes.
Autre constat terrible, l’obésité des enfants est en train d’exploser : 3,5 % des enfants sont obèses.
Aujourd’hui, nous avons un taux de croissance du surpoids comparable à celui que connaissent les Américains. Il faut souligner que deux tiers des enfants obèses le resteront à l’âge adulte. Ils risqueront donc d’avoir des problèmes cardiovasculaires multipliés par trois, des troubles articulaires, mais souffriront également d’une certaine stigmatisation qui engendrera pour eux des problèmes sociaux.
Nous sommes donc face à une progression inquiétante car elle porte sur des individus de plus en plus jeunes.
On peut dire qu’actuellement l’obésité est une véritable épidémie qui frappe aussi bien les pays industrialisés que les pays en voie de développement.
Ses causes peuvent être très variables d’une personne à l’autre. On parle même d’« obésités » au pluriel.
Selon les études, plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’obésité : les facteurs génétiques, les facteurs endocrinologiques, les facteurs environnementaux et les modifications comportementales telles que la « malbouffe », qui désigne une alimentation trop riche.
Dans les années quatre-vingt, le terme « malbouffe » désignait la nourriture des fast-foods. Aujourd’hui, il désigne davantage l’alimentation industrielle trop grasse, trop sucrée et trop salée.
Cette malbouffe s’est imposée dans nos sociétés modernes pour différentes raisons.
D’abord, les prix des fruits et légumes frais sont en augmentation alors que ceux des produits gras et sucrés restent très abordables.
Ensuite, le rythme de vie et le manque de temps font que certains sont amenés à sauter un repas ou à manger rapidement.
En outre, les étiquettes nutritionnelles des produits ne sont pas assez claires.
Enfin, la publicité fait la promotion de produits trop gras et trop sucrés.
Pour prévenir cette obésité, nous disposons de différents outils comme le dépistage avec le calcul de l’indice de masse corporelle, l’IMC, la politique nutritionnelle « Manger mieux, bouger plus » ou les actions en milieu scolaire.
Cependant, l’obésité demeure une maladie que l’on ne sait ni guérir ni prévenir efficacement.
En effet, on s’aperçoit que les comportements ont changé ces dernières années. Auparavant, on pouvait rester mince tout en absorbant des calories en abondance. Cela était possible car les activités quotidiennes étaient beaucoup plus physiques. Aujourd’hui, les populations occidentales ont tendance à consommer moins de calories et moins de graisses qu’en 1960 et, pourtant, elles grossissent. Cela s’explique par un changement du style de vie, qui devient de plus en plus sédentaire. L’homme moderne est donc devenu sédentaire. C’est la raison pour laquelle l’un des principaux objectifs des scientifiques est de découvrir comment rassasier un individu avec moins de calories.
Comment un régime alimentaire peut-il devenir plus rassasiant ? Les principales pistes qui sont explorées actuellement portent soit sur des aliments à forte teneur en glucides, soit sur la consommation de protéines en plus ou moins grande quantité.
En outre, de nombreux travaux sur l’obésité des enfants établissent aujourd'hui le lien entre surcharge pondérale et allongement du temps d’inactivité, en particulier devant la télévision.
Par ailleurs, je tiens à souligner ici que la catégorie socioprofessionnelle, le niveau de revenu et le lieu d’habitation sont des déterminants importants de l’obésité. Riches et pauvres ne sont pas égaux face à l’obésité. Le risque pour un enfant d’ouvrier d’être en surpoids ou obèse reste plus important que pour un enfant de cadre.
Même s’il existe actuellement des outils pour prévenir l’obésité avant l’apparition des symptômes, on reste face à un échec. En effet, les gestes de prévention, qui sont axés sur l’équilibre alimentaire et l’activité physique, ne paraissent pas d’une efficacité suffisante face à la constante augmentation de l’obésité.
La mise en œuvre de la charte de l’industrie alimentaire et des médias télévisés sur la nutrition, qui a été signée au mois de février 2009, a été un échec.
En effet, le harcèlement publicitaire continue. La charte n’a pas permis de limiter le matraquage publicitaire pour les produits gras, sucrés ou salés. Certaines entreprises font subir un véritable harcèlement alimentaire aux enfants, qui regardent la télévision en rentrant de l’école, souvent sans contrôle parental.
Les communications nutritionnelles demeurent sans grande légitimité scientifique. Le contenu éditorial de la diffusion des programmes éducatifs reste sous la seule responsabilité de l’industrie alimentaire et des médias.
Idem pour les programmes éducatifs invisibles : le volume de diffusion des programmes développés par les professionnels de la nutrition est ridiculement faible au regard du déferlement publicitaire quotidien.
Face à un tel échec, pourquoi n’impose-t-on pas la gratuité de la diffusion des campagnes de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, sur l’équilibre alimentaire ? Pourquoi n’impose-t-on pas des tarifs plus accessibles pour les campagnes des filières fruits et légumes ?
Par ailleurs, il apparaît incroyable que le Mediator, classé comme médicament pour diabétiques en surpoids, ait pu également servir de coupe-faim, alors que tous les anorexigènes avaient été interdits. En effet, le 31 août 1999, le comité des spécialités pharmaceutiques de l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments en a recommandé le retrait définitif du marché. Pourquoi le Mediator est-il resté autorisé ? Pourquoi le laboratoire a-t-il semé l’ambiguïté ?
En matière de recherche, il est, me semble-t-il, essentiel d’enrichir les connaissances sur les facteurs précis favorisant l’obésité, afin de concevoir des politiques de santé publique.
La science est-elle aujourd’hui en mesure de nous apporter toutes les causes de l’obésité ? Le Gouvernement a-t-il entrepris un nombre suffisant d’actions de prévention ? A-t-il suffisamment informé le public ?
Par ailleurs, il est pertinent d’explorer des approches visant l’amélioration de la santé mais dont l’objectif premier n’est pas la perte de poids. Est-il possible d’obtenir des succès dans le traitement de l’obésité en dehors des remèdes qui se focalisent sur le régime alimentaire ? Obtiendrions-nous plus de réussite en diversifiant nos cibles d’intervention ?
Je pense également, ici, à la nutrition précoce. La nutrition pendant la gestation et la petite enfance influencerait la santé et le développement ultérieurs de l’enfant. A-t-on mis en œuvre les mesures nécessaires suite à un tel constat ?
De plus, des travaux récents ont montré un lien entre la qualité du microbiote intestinal et le développement de l’obésité. Une série d’expériences a montré que des souris anéxiques, c'est-à-dire sans microbiote intestinal, résistent à l’obésité lorsqu’elles sont soumises à un régime gras. En revanche, si des souris saines reçoivent des bactéries intestinales de souris obèses, elles deviennent elles-mêmes obèses. Où en est-on dans ces recherches ?
Il est primordial d’avancer au niveau de la recherche afin de pouvoir prendre des mesures de santé publique.
Aujourd’hui, on peut dire qu’on ne sait pas guérir l’obésité, car c’est une maladie complexe. En l’état actuel de nos connaissances, la prévention est cruciale. Il importe de ne pas devenir obèse ; sinon, c’est pour la vie ! J’insisterai donc sur l’importance de la prévention, et je regrette que le Gouvernement ne mette pas tout en œuvre à cet égard.
Je souhaiterais attirer ici votre attention sur la question de l’équilibre nutritionnel des repas fournis dans les cantines scolaires. L’équilibre alimentaire dans la restauration scolaire constitue un axe important dans la lutte contre l’obésité, car nombreux sont les enfants qui prennent jusqu’à cinq repas par semaine à l’école. C’est d’ailleurs l’un des objets de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont l’article 1er impose des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas servis dans les écoles.
Or, le 6 janvier 2011, la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, a donné un avis défavorable à cette mesure. Cette décision est d’autant plus regrettable que nombre d’études ont démontré depuis dix ans l’insuffisance du volontariat en matière de restauration scolaire, seules des normes d’application obligatoire étant efficaces pour améliorer l’équilibre nutritionnel des plats. L’avis de la CCEN contredit le vote des parlementaires et les recommandations élaborées en matière de restauration scolaire par la Direction générale de la santé ou le rapport de la mission d’information sur la prévention de l’obésité.
Madame la ministre, pouvez-nous dire pourquoi cette disposition se trouve aujourd'hui bloquée ? Pouvez-vous nous indiquer à quelle date le Gouvernement compte rétablir cette mesure cruciale sur le plan sanitaire ?
L’obésité est un véritable défi sociétal, mais également économique, puisqu’elle menace à terme notre système de santé. Les attentes sont donc fortes vis-à-vis de la recherche afin d’orienter les politiques de santé publique. Elles sont également fortes vis-à-vis du Gouvernement, afin qu’il prenne aujourd’hui des mesures fortes en matière de prévention. En effet, nous sommes en retard, et il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mmes Françoise Laborde et Brigitte Bout ainsi que MM. Jean-Marc Juilhard et Pierre Martin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. « On est foutu, on mange trop ! » C’est par ce refrain qu’un chanteur populaire français dénonçait au début des années quatre-vingt les ravages de la malbouffe et les excès de la consommation alimentaire de masse.
Près de trente années ont passé et l’obésité, toujours croissante au sein des populations occidentales, est devenue un véritable fléau social, du point de vue tant de la santé des personnes concernées que des conséquences financières sur les comptes de la sécurité sociale.
L’obésité, c’est d’abord l’expression du paradoxe de la modernité, qui veut que la quantité alimentaire supplante la qualité des aliments, et ce au détriment de l’équilibre physiologique des consommateurs.
On nous avait promis un monde d’opulence et de satiété, seul apte à donner à l’homme le bonheur individuel auquel il aspire. Nous vivons en fait dans un environnement où les modes de consommation et les codes sociaux créent un besoin illimité d’acquérir et de consommer ad nauseam. Peu importe que le consommateur y perde sa santé, peu importe que la satiété entraîne la frustration, voire l’exclusion sociale.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le nombre d’obèses a doublé au cours des vingt dernières années dans le monde occidental ; il a même triplé s’agissant des enfants obèses. L’obésité affecte actuellement 10 % de la population adulte en France, soit 6,5 millions de personnes, la moitié d’entre elles souffrant d’obésité dite « morbide ».
Le coût annuel de la prise en charge de l’obésité par l’assurance maladie serait de 4 milliards d’euros, et même de 10 milliards d’euros en prenant en compte les 40 % de la population en état de surpoids. Que dire de plus, hormis constater l’urgence médico-sociale du phénomène pour les individus concernés et pour la société ?
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les conséquences de cette pathologie, qui ont déjà été évoquées par les précédents orateurs.
Nous sommes unanimes. La progression de l’obésité, en particulier chez les jeunes, est un phénomène préoccupant auquel il convient de s’atteler. La progression des régimes l’est tout autant. En effet, les périodes de restrictions alimentaires drastiques sont maintenant dénoncées par le corps médical comme des facteurs aggravants aboutissant à des courbes de poids dites « en yo-yo ». Ces successions de régime installent le surpoids et l’obésité aussi sûrement que l’anarchie alimentaire. Il est donc particulièrement inquiétant de constater que 65 % de la population déclare avoir déjà fait un régime.
Les facteurs concourant à cette situation sont multiples : culturels, économiques, sociaux ou encore médicaux.
Abstraction faite du déterminisme génétique propre à chaque individu, les modes de consommation alimentaire ont une large part de responsabilité. À travers sa banalisation dans le corpus social, l’obésité demeure l’expression la plus visible de l’état de dépression collective dans lequel baignent les sociétés de consommation occidentales ; la société française n’y fait malheureusement pas exception.
Sédentarité, stress, anxiété, pollutions ou publicités agressives sont autant de facteurs déclenchants ou aggravants. Chacun d’entre eux renvoie l’image d’une société où l’individu-roi souffre et meurt de ne manquer de rien et d’avoir besoin de tout.
L’obésité nous interroge sur nos choix sociétaux et notre vision du monde. Elle pourrait incarner le paradoxe qui oppose un Occident riche, prospère mais malade, à d’autres sociétés économiquement pauvres, politiquement instables, où les émeutes de la faim viennent régulièrement nous rappeler que l’Europe et les États-Unis consomment à eux seuls près de 80 % de la richesse mondiale. Malheureusement, la prévalence de l’obésité commence à augmenter, y compris dans les pays les moins riches.
Cette nouvelle tendance nous rappelle la responsabilité des groupes industriels de l’agroalimentaire dans la progression de ce fléau et de leurs méthodes marketing bien rodées, dans un environnement très peu réglementé.
Dès lors, comment inverser la tendance ? Comment faire pour que nos enfants ne soient plus les victimes désignées de nos propres excès ?
La progression des addictions est une question rarement soulevée, mais qui mérite d’être posée, car elle nécessite une réflexion sur deux grandes questions existentielles fondamentales : la recherche du plaisir et la peur de la mort. La frontière entre le plaisir et l’excès, la santé et la maladie, le culturellement acceptable et le médicalement nécessaire est souvent très difficile à trouver, en particulier dans notre pays, où la gastronomie est un patrimoine culturel. Un élément vient compliquer davantage la tâche des personnes en surpoids. C’est une lapalissade mais je le rappelle : pour vivre, il est possible de cesser de fumer, de boire de l’alcool ou encore de se droguer, mais pas d’arrêter de manger !
C’est pour tenter de répondre à ce défi que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a dressé un bilan exhaustif et détaillé de l’état de la recherche en matière d’obésité.
Je tiens d’ailleurs à saluer le remarquable travail effectué par notre collègue Brigitte Bout, rapporteur de l’Office, dont les conclusions méritent l’attention particulière de notre assemblée.
Le rapport met en exergue deux types de recherche : en amont, par le biais d’une recherche scientifique et médicale qui traite l’obésité comme toute autre pathologie physiologique ; en aval, par des méthodes préventives susceptibles d’empêcher ou de freiner les comportements à risque et d’améliorer notre environnement quotidien.
Je laisserai le soin à mes collègues médecins de s’attarder davantage sur les nombreux aspects de la recherche médicale.
Concernant la prévention de l’obésité, je pense que l’on ne soulignera jamais assez la nécessité d’appréhender le mal à la racine par l’apprentissage de la modération et de l’équilibre chez nos enfants.
Alors que toutes les enquêtes soulignent l’excès de consommation en sucre, en dépit des efforts de communication réalisés par les pouvoirs publics sur les risques liés au surpoids, les enfants demeurent les cibles privilégiées des marques de produits à forte teneur calorique. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, le Parlement a fait preuve d’imagination et d’audace pour tenter d’endiguer cette tendance.
Ce fut notamment le cas lors de l’adoption de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique interdisant la présence dans tous les établissements scolaires de distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves.
On pourrait citer aussi la taxe sur les boissons sucrées proposée par notre collègue Alain Vasselle, votée au Sénat lors des débats relatifs à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, mais qui, hélas ! n’a jamais franchi le cap de la commission mixte paritaire de décembre 2007.
Rappelons également qu’un rapport parlementaire de 2008 préconisait une augmentation de la TVA sur les produits de grignotage et de snacking. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Bref, tout le monde s’accorde à penser qu’il est impératif d’éloigner les plus jeunes des tentations d’un marketing d’autant plus offensif et néfaste qu’il ne profite qu’à des entreprises, la plupart du temps multinationales, avant tout soucieuses de gagner des parts de marché.
Une telle action pourrait revêtir plusieurs formes : de l’interdiction de spots télévisuels à certaines heures à la mise en place de nouveaux programmes pédagogiques au sein des établissements scolaires, sous formes d’ateliers gastronomiques éducatifs, par exemple. Le législateur a entre les mains suffisamment d’éléments pour proposer une panoplie complète de mesures clés.
L’obésité ne doit plus être un tabou ni même un sujet de seconde catégorie. Bien au contraire, la combattre doit être un des objectifs prioritaires de santé publique, voire une cause nationale. L’homme politique, homme d’action par nature, est toujours impatient que la science lui offre la connaissance des moyens et des conséquences, mais il sait à l’avance qu’elle ne le délivrera jamais de l’obligation de devoir choisir parce que les cultures sont multiples et les valeurs sociales parfois contradictoires.
Pour toutes ces raisons, il nous appartient, mes chers collègues, de faire le choix de l’efficacité et de la prévention. La prise de conscience de la gravité du fléau qu’est l’obésité est un premier pas. Madame la ministre, nous devons désormais faire en sorte que davantage de moyens soient mobilisés pour développer la recherche dans ce secteur avant que ce mal des temps modernes ne se répande davantage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Bout et M. Pierre Martin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner, à l’occasion de ce débat, l’importance de l’éducation au goût et de la promotion des bonnes pratiques alimentaires, en particulier auprès du jeune public.
Comme beaucoup de mes collègues, je suis particulièrement attachée à ce que l’on ne stigmatise pas les produits en tant que tels, et à ce que l’on informe plutôt les consommateurs sur les bienfaits d’une alimentation variée et équilibrée.
Plusieurs initiatives en ce sens ont vu le jour ces dernières années, et s’engagent résolument dans la voie de la promotion d’une consommation responsable et raisonnée. Je pense notamment au formidable outil que constitue la charte du 18 février 2009 pour promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision.
Les précédentes expériences d’interdiction de la publicité à destination des enfants n’ont jamais été probantes. Le choix audacieux et très pragmatique d’encourager l’information et la sensibilisation en matière d’alimentation, et d’associer à ce programme d’actions l’ensemble des acteurs concernés doit donc être salué. Pilotée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en particulier sous l’impulsion de Christine Kelly, qui préside la mission Santé et développement durable, cette charte comporte deux volets très complémentaires.
Tout d’abord, elle fixe et renforce les règles de déontologie qui s’appliquent aux annonceurs pour le contenu de leurs messages publicitaires.
Parallèlement, elle les associe à la production de programmes courts informatifs à destination des enfants, diffusés au total près de 400 fois sur une quinzaine de chaînes en 2010.
Cette politique très volontariste semble aujourd’hui porter ses fruits. La participation active et la responsabilisation des différents partenaires est, à ce jour, une réussite ; un rapport remis en juin 2010 à la ministre de la santé souligne, d’ailleurs, la parfaite application de cette charte.
Cette initiative française, unique en Europe, est applaudie par la Commission européenne. Plusieurs pays voisins, eux aussi confrontés à l’augmentation de l’obésité, envisagent même de s’inspirer de cette expérience et de mettre en place des partenariats similaires. Au vu de cette première expérience réussie, nous devrions donc, comme pour de nombreuses autres questions de santé publique, privilégier l’éducation et la prévention dès le plus jeune âge plutôt que les interdictions et les restrictions excessives, ainsi que l’a excellemment souligné il y a quelques instants notre collègue Anne-Marie Payet.
Au sein du Club parlementaire de la table française, que j’ai le plaisir de coprésider avec deux collègues parlementaires et qui réunit plus de 330 députés et sénateurs de tous les départements et de toutes les appartenances politiques, nous sommes très attachés à la promotion de l’éducation au goût.
Dans ce cadre, l’inscription récente du repas des Français au patrimoine immatériel de l’UNESCO peut servir de sursaut pour une prise de conscience collective.
Prendre son repas assis à table, consacrer du temps aux repas, consommer des produits variés, faire du déjeuner ou du dîner un moment de lien social et de partage sont des valeurs très positives, et des composantes essentielles de notre identité alimentaire. Elles contribuent intrinsèquement à lutter contre les mauvais comportements.
La transmission de ce patrimoine commun et la défense de ses spécificités constituent, en soi, la plus simple et la plus efficace des politiques de prévention. Elles placent, d’ailleurs, la France parmi les pays industrialisés les moins affectés par les problèmes d’obésité.
Avec mes collègues membres du Club parlementaire de la table française, nous entendons rester très attentifs aux orientations qui seront prises sur cet important sujet de santé publique, qui engage l’avenir des générations futures.
Je remercie Brigitte Bout, grâce à laquelle le débat d’aujourd'hui peut avoir lieu, ainsi que Mme la ministre, qui a bien voulu apporter la contribution du Gouvernement sur la lutte contre l’obésité. Mes chers collègues, je suis certaine que ce sujet pourra nous rassembler au-delà des différents clivages politiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon.
M. Alain Chatillon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la surcharge pondérale et l’obésité ont connu une hausse spectaculaire au sein de la population adulte européenne.
En Europe, un adulte sur deux est en surpoids et un sur six est obèse. La France compte 20 millions de personnes en surpoids ou obèses. Une étude de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, sur des données de 2002 situe le coût de l’obésité dans notre pays entre 1,5 % et 4,6 % des dépenses de santé.
La consommation moyenne de soins et de biens médicaux d’une personne obèse s’élèverait à environ 2 500 euros, soit le double de celle d’un individu non obèse. Selon cette étude, les dépenses de santé liées à l’obésité atteindraient 2,6 milliards d’euros, et 2,1 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
L’obésité s’avère jouer un rôle central dans le développement d’une série de maladies chroniques, dont le diabète non insulinodépendant, c’est-à-dire le diabète de type 2 – plus de 80 % des diabètes sont liés à l’obésité –, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, mais aussi certains cancers et des maladies respiratoires et articulaires, sources de handicap.
La lutte contre l’obésité et le surpoids est devenue une priorité en Europe et dans tous les pays de l’Union. Les politiques de santé publique doivent considérer le problème à sa base : c’est en traitant le surpoids que l’on pourra endiguer la déferlante de l’obésité.
En effet, les études ont démontré que les sujets atteints de surcharge pondérale avaient 90 % de risques de développer une obésité.
L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a publié le 12 mai dernier son avis relatif aux pratiques de régimes à visée amaigrissante. Ses conclusions doivent nous alerter, dans la mesure où, dans ces pratiques, se côtoient le pire et le meilleur, et nous amener à tirer une série de conclusions concernant la recherche pour lutter contre l’obésité et pour améliorer le contrôle du poids.
Concernant l’alerte, nous devons être très vigilants face aux discours qui véhiculent une image faussée du corps. La communication et les actions de prévention de l’obésité, comme celles qui portent sur les enjeux de la perte de poids, doivent être ciblées sur les personnes à risque.
Des actions tous azimuts ont souvent des effets contre-productifs à moyen terme en poussant des populations normales à s’engager dans des pratiques alimentaires à risque pour tenter d’atteindre une image idéalisée du corps.
L’avis de l’ANSES établit notamment les conséquences néfastes de régimes fantaisistes, fondés sur des privations ou des exclusions, qui ne sont pas des actes anodins, en particulier pour les populations sensibles : adolescentes, femmes enceintes, personnes âgées... Ces régimes fantaisistes entraînent une reprise rapide du poids et ont parfois d’autres conséquences néfastes plus ou moins graves pour la santé.
La réponse n’est évidemment pas dans le laisser-aller, et l’avis de l’ANSES permet d’avancer en ce qui concerne les mesures qu’il conviendrait de promouvoir.
La première conclusion, madame la ministre, est qu’il faut favoriser et faire progresser la recherche sur des régimes sérieux, scientifiquement fondés, de perte et de contrôle du poids. Nous avons de grands laboratoires de recherche publics dont la réputation est désormais internationale. Mais nous avons aussi d’autres atouts : la France a une position industrielle forte sur les marchés de l’alimentation spécifique, avec des entreprises capables de développer une recherche adaptée aux besoins particuliers d’une population cherchant à perdre du poids ou à contrôler son poids. C’est un atout important sur lequel nous pouvons nous appuyer : les équipes de recherche existent, les connaissances sur ce sujet sont accessibles, nous ne partons pas d’un désert scientifique.
Si la première conclusion relève d’un effort de recherche devant être porté par des professionnels, la deuxième conclusion relève davantage du rôle du législateur. Il s’agit de créer un environnement juridique propice à la recherche et au développement de produits permettant de répondre aux problématiques de perte de poids et de contrôle du poids.
Quelle est la situation actuelle ? Il existe une directive-cadre à l’échelon communautaire pour les produits alimentaires diététiques. Celle-ci offre un cadre adéquat dans la mesure où il est à la fois très contraignant pour les entreprises du secteur, mais aussi protecteur pour les entreprises ayant accepté de se hisser à ce niveau de contrainte en termes de sécurité du consommateur et de qualité.
Cette norme européenne a également influencé la construction de normes mondiales – je pense ici au codex alimentarius – et a permis d’élever les produits européens au rang de référence dans les pays tiers. Par son haut degré d’exigence, cette directive a aussi encouragé les entreprises à investir dans la recherche, d’abord pour atteindre et pour conserver le niveau nécessaire, ensuite pour développer des produits plus efficaces.
Cette situation était par conséquent satisfaisante du point de vue tant de la recherche que du développement de notre industrie pour répondre à un problème de société de plus en plus important.
Or cette législation européenne repose sur une évaluation scientifique des risques datant de 1990. Elle demande donc, bien évidemment, à être mise à jour, à la lumière des évolutions des comportements alimentaires et des progrès de la recherche. Il est nécessaire de continuer à assurer, au travers d’un cadre européen commun, un haut niveau d’exigence à l’égard des produits destinés au contrôle du poids ou à la perte de poids. À défaut, l’Europe sera envahie de produits plus ou moins bon marché, vendus sur Internet ou distribués via des circuits divers, qui n’offriront pas la moindre garantie de fondement sur une recherche appliquée.
La principale incitation à la recherche pour les entreprises est de pouvoir valoriser le fruit de plusieurs années d’investissement financier et d’efforts de leurs équipes de chercheurs. Il faut que le cadre légal que nous leur offrons donne l’avantage à des entreprises qui jouent le jeu de la recherche, de la sécurité et de la qualité face à des intervenants qui proposent des « miroirs aux alouettes » aux personnes dont le désir d’améliorer leur silhouette est d’autant plus puissant que les médias transmettent une image faussée du corps humain.
Dernière conclusion, il me semble que notre rôle est de pousser la Commission européenne à proposer une nouvelle version de cette directive-cadre sur les produits diététiques. L’enjeu n’est pas nécessairement de communiquer à tout-va en direction du grand public sur la question de l’obésité, cela peut même s’avérer contre-productif dans certains cas. L’enjeu est plutôt de cibler les personnes à risque, de mettre à leur disposition les moyens de changer leurs comportements alimentaires et d’assurer durablement un contrôle du poids. Il convient de développer la recherche appliquée pour proposer aux personnes qui en ont réellement besoin des outils adaptés. (M. René-Pierre Signé marque son impatience.)
D’où la nécessité de créer un cadre favorable au développement de ces derniers. Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter une résolution en faveur d’une remise à jour de la directive européenne que je viens d’évoquer, spécifique aux produits pour régimes amaigrissants.
Mais, attention, nous avons une industrie qui a de l’avance dans ce domaine et qui est très réglementée. Faisons en sorte d’avoir véritablement, au niveau européen, les moyens de nous exprimer et, au-delà, de mettre en œuvre une politique rigoureuse en matière de santé, particulièrement sur le problème de l’amaigrissement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Deux minutes de dépassement du temps de parole !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, madame le rapporteur, chère Brigitte Bout, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire que je me réjouis tout particulièrement que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ait inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité.
Grâce aux travaux approfondis conduits par le rapporteur Brigitte Bout, nous disposons désormais d’une analyse qui, j’en suis certaine, fera référence sur le sujet. La très grande qualité des conclusions que vous avez présentées, madame la sénatrice, offre un excellent point d’appui à nos discussions d’aujourd’hui comme elles ne manqueront pas d’alimenter la réflexion collective tout au long des mois qui viennent.
Vous l’avez-vous-même souligné : l’obésité est un fléau social qui progresse lentement mais de façon inéluctable. Ce sont vos mots, et, naturellement, je partage le constat que vous venez de dresser.
Les chiffres sont suffisamment alarmants pour qu’on les rappelle : l’obésité chez les adultes français augmente de 5,9 % par an, elle touche désormais plus de 15 % de nos compatriotes et 16 % des enfants sont en surpoids ou obèses, soit quatre fois plus qu’il y a cinquante ans.
Les conséquences sont particulièrement lourdes et préoccupantes, tant sur le plan sanitaire avec la recrudescence des diabètes, des maladies cardiovasculaires ou de certains cancers que sur le plan social et psychologique avec les discriminations et les stigmatisations que l’obésité peut entraîner.
J’ajoute que nos concitoyens ne sont pas égaux devant cette maladie qui frappe beaucoup plus largement et bien plus durement les catégories les plus défavorisées de la population.
Vous l’avez donc très justement dit : l’obésité n’est pas un mal spécifiquement français, mais, contrairement à ce qui a pu longtemps être dit ou écrit, c’est un mal qui a fini par toucher la France, au même titre et dans les mêmes proportions que les autres pays européens.
Pourtant, bien connu en apparence et installé dans les consciences collectives, le développement de cette pathologie reste très mal compris, quant à ses causes, bien sûr, mais aussi quant à la manière de le traiter ou de le prévenir.
La raison de ce paradoxe est simple : jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas fait de l’obésité un objet d’études à part entière, en tout cas pas au même niveau d’exigence et de rigueur scientifique que nous l’avons fait pour d’autres maladies.
L’obésité est en effet une pathologie que nous peinons encore non seulement à traiter, mais à reconnaître comme telle, car nous nous en faisons trop souvent une représentation sommaire, voire simpliste.
Aux yeux de beaucoup, cette maladie mal comprise apparaît comme le fruit d’un simple déséquilibre : d’un côté, l’abondance alimentaire et, avec elle, la tentation de trop ou de mal manger et, de l’autre, la sédentarité qui accompagne la vie urbaine et la tertiarisation de l’économie, avec, à la clef, l’idée qu’il suffirait d’une discipline individuelle pour rééquilibrer la balance entre apports nutritionnels et dépense calorique.
C’est bien cette vision d’une obésité qui serait tout à la fois un mal social et surtout le signe d’une faiblesse de la volonté propre à l’individu qui triomphe lorsque nous qualifions d’« américanisation » le quasi-doublement de la proportion d’obèses dans la population française en un peu plus de dix ans.
De cette vision simpliste nous devons aujourd’hui nous libérer pour nous donner les moyens de comprendre l’obésité et de prévenir efficacement ses formes pathologiques. Car il n’y a pas une mais des obésités, que nous devons apprendre à distinguer soigneusement, de la même manière qu’il n’y a pas une cause unique, mais des causes multiples de l’apparition de cette pathologie.
Certes, l’obésité est pour une part une maladie sociale, mais c’est aussi une pathologie comportementale, qui met en jeu des prédispositions génétiques et des mécanismes physiologiques. Et toutes les formes d’obésité ne mettent pas en jeu ces différents facteurs de la même manière.
C’est pourquoi l’approche nutritionnelle, aussi essentielle soit-elle, ne peut pas être l’alpha et l’oméga de l’analyse scientifique de l’obésité. Comme toutes les approches d’un phénomène complexe, elle a vocation à se combiner avec toutes les autres pour nous offrir une vision complète et approfondie du surpoids et de l’obésité.
C’est précisément dans cet esprit que le Président de la République a lancé un vaste chantier autour de l’obésité : pour rassembler nos forces de recherche concernées par cette pathologie et nous donner toutes les chances de mieux la comprendre pour demain, mieux la traiter et mieux la prévenir.
Vous m’avez, à plusieurs reprises, interrogée sur l’état d’avancement du plan obésité annoncé il y a un an maintenant par le Président de la République et dont la présidence a été confiée au professeur Arnaud Basdevant.
Permettez-moi d’abord de vous dire que les différents ministères concernés ont défini une stratégie commune et collaborent efficacement depuis plusieurs mois déjà. Dans le cadre du programme national pour l’alimentation piloté par le ministère de l’agriculture et du programme national nutrition santé 3 orchestré, lui, par le ministère de la santé, certains axes du plan obésité bénéficient d’ores et déjà de l’action du Gouvernement : je pense en particulier aux mesures mises en œuvre pour améliorer la qualité de l’offre alimentaire et l’accès à une bonne alimentation. C’est le cas, par exemple, des restaurants universitaires, où mon ministère a mis en place des campagnes de communication, mais aussi des ateliers cuisine en lien avec le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires, le CROUS.
Au titre de la seule recherche, le premier temps fort de ce plan obésité fut l’organisation, les 24 et 25 mars dernier, d’un colloque exceptionnel qui a réuni autour du professeur Arnaud Basdevant, dont je tenais à saluer l’excellent travail, des chercheurs et des experts venus de l’ensemble des champs du savoir : de la recherche biomédicale à la génétique et aux neurosciences en passant par les sciences humaines et sociales. C’était la première fois en France qu’une concertation scientifique aussi large était tenue sur une telle pathologie.
De ces heures de réflexion communes est née une vision profondément renouvelée de l’obésité aboutissant à trente propositions d’actions prioritaires qui consacrent ensemble l’importance décisive de la transdisciplinarité.
Car pour comprendre l’évolution des maladies chroniques comme l’obésité, nous devons être capables de prendre en compte l’ensemble des déterminants sociaux et individuels des décisions et des comportements qui ont cours tout au long du développement de la pathologie. Cela est d’autant plus vrai que les facteurs génétiques, physiologiques, environnementaux et comportementaux non seulement s’additionnent mais ne cessent d’interagir entre eux et de former des systèmes qui, pour être mis en lumière, supposent de forger de nouveaux concepts, de nouvelles méthodes et des instruments communs d’analyse.
C’est pourquoi je me réjouis tout particulièrement qu’à l’issue de ce colloque des collaborations fécondes aient vu le jour. Je pense en particulier aux groupes de travail qui ont été mis en place entre les différents instituts de nos deux alliances de recherche thématique dans le domaine de la santé et dans celui des sciences humaines et sociales : l’alliance AVIESAN et l’alliance ATHENA.
Ensemble, nos chercheurs ont d’ores et déjà tracé les contours de programmes scientifiques conjoints, au carrefour de la biologie, de l’imagerie médicale et des sciences humaines et sociales. D’autres projets de recherche verront bientôt le jour, notamment en économie, en sociologie et en psychologie sociale : l’analyse des effets des campagnes d’information de santé publique sur les comportements de consommation en sera l’une des priorités d’études, en lien étroit avec les enjeux de prévention et les différentes propositions que vous avez évoquées tout à l’heure, madame la sénatrice, qu’il s’agisse, par exemple, de la publicité à la télévision ou sur différents médias. Vous avez notamment parlé de la charte du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cette question sera traitée dans le programme national nutrition santé, ce qui permettra de réfléchir à son évolution.
Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, l’AVIESAN. Je peux d’ores et déjà vous dire que le deuxième temps fort du plan présidentiel sera la création, avant la fin de l’année, d’une fondation scientifique consacrée entièrement à l’obésité. Portée par l’AVISEAN, elle permettra de coordonner l’ensemble de nos programmes de recherche, comme ceux que j’évoquais à l’instant, et de mettre en œuvre les axes et les priorités stratégiques définis dans le cadre du plan.
En matière de recherche sur l’obésité, la transdisciplinarité doit devenir la règle et c’est pourquoi je compte beaucoup sur ces futurs partenariats au sein de la fondation pour élargir autant que faire se peut le champ des collaborations entre nos différents chercheurs.
Au-delà du plan présidentiel qui permettra de fédérer nos forces de recherche, je souhaite procéder devant vous à un rapide état des lieux de nos programmes de recherche consacrés à l’obésité et des moyens qui leur sont réservés.
Dans le cadre des financements courants prévus par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, de nombreux appels d’offre concernent naturellement l’obésité, que ce soit d’ailleurs au titre du programme « biologie-santé » ou du programme « écosystèmes et développement durable ». Parmi les plus ambitieux, je pense notamment aux appels PNRA – programme national de recherche en alimentation et nutrition humaine – et ALIA – alimentation et industries alimentaires.
J’ajoute que d’autres projets scientifiques et parmi les plus remarquables ont été retenus dans le cadre de la programmation blanche de l’ANR qui finance des projets totalement créatifs conçus par nos chercheurs eux-mêmes.
Au total, ce sont ainsi près de 22 millions d’euros qui, entre 2005 et 2010, sont allés à la recherche sur l’obésité, ce qui place notre pays parmi les premiers contributeurs européens dans ce domaine.
Avec le plan d’investissements d’avenir qui, vous le savez, consacre 22 milliards d’euros à l’enseignement, à la recherche et à l’innovation, des perspectives bien plus vastes encore s’ouvrent désormais à nous. Car une large part de cette somme ira à la recherche médicale, et la première vague d’appels à projets vient de le démontrer : les ambitions de nos chercheurs en matière de lutte contre l’obésité figurent parmi les plus remarquables.
J’en veux pour meilleure preuve le projet d’institut hospitalo-universitaire cardiologie-métabolisme et nutrition, l’IHU ICAN, qui vient de voir le jour : il donnera naissance à un véritable pôle international de recherche et de soins sur les maladies cardiométaboliques comme le diabète, les insuffisances cardiaques et l’obésité. Il sera situé à Paris, à la Pitié-Salpêtrière, et unira les expertises scientifiques et médicales des équipes de l’université Pierre et Marie Curie et de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Cet IHU permettra l’émergence d’un véritable continuum de recherches et de soins : du laboratoire jusqu’au chevet des patients.
Tel qu’il fut présenté par les chercheurs eux-mêmes lors de leur candidature aux investissements d’avenir, l’objectif de l’IHU est de faire basculer la recherche sur l’obésité et les maladies cardiovasculaires dans l’ère de la médecine prédictive et de prendre en charge les patients à l’échelle de leur vie tout entière, depuis l’identification des susceptibilités individuelles jusqu’au traitement des récidives et des complications en passant par la prévention et le diagnostic précoce.
Sur le plan clinique, cela se traduira par des traitements personnalisés, adaptés aux déterminants génétiques, mais aussi psychologiques et sociaux des malades. C’est dire les espoirs immenses que nous fondons aujourd’hui sur ce projet exceptionnel qui sera demain le fleuron de la recherche française en matière d’obésité. (M. René-Pierre Signé est dubitatif.)
Deux autres projets de tout premier plan ont été retenus dans le cadre des investissements d’avenir. Le projet LIGAN d’abord, au titre des équipements d’excellence, misera sur le séquençage à très haut débit pour mieux comprendre le rôle que jouent certains gènes dans le développement des maladies chroniques comme la maladie d’Alzheimer ou l’obésité. Là encore, la perspective est celle d’une médecine beaucoup plus personnalisée et de traitements adaptés aux caractéristiques génétiques relevées sur les malades obèses.
Le projet EGID – European genomic institute for diabetes – ensuite, au titre des laboratoires d’excellence, permettra d’étudier à très grande échelle l’ensemble des mécanismes qui concourent à l’apparition des désordres métaboliques observés chez un individu donné.
Avec l’IHU ICAN et les projets EGID et LIGAN, ce sont plus de 71 millions d’euros qui ont été consacrés à la recherche sur l’obésité, mais bien d’autres projets ambitieux ont vu le jour dans le cadre des investissements d’avenir. De près ou de loin, un nombre important d’entre eux devraient encore accroître nos chances de lutter avec succès contre cette pathologie.
Je pense notamment aux cohortes en population générale, qui vont nous permettre, sur une longue durée, d’intégrer, de façon directe ou indirecte, l’effets des modes de vie, des habitudes alimentaires ou des transformations de l’environnement socio-économique sur les individus. Le projet I-SHARE, par exemple, porté par l’université de Bordeaux, l’INSERM et l’université de Versailles–Saint-Quentin, nous permettra demain de combler notre manque de connaissances précises sur les jeunes adultes en utilisant tous les outils modernes de communication pour les suivre.
Je pense aussi au projet de labex – laboratoire d’excellence – BRAIN, qui développera des technologies de pointe dans le domaine de l’imagerie médicale appliquée au cerveau afin de mieux comprendre les relations complexes entre les dysfonctionnements cérébraux et l’apparition de certaines pathologies comme l’obésité.
Au total, l’exercice des investissements d’avenir va permettre de multiplier par six l’effort national de recherche sur l’obésité. Et nous n’en sommes aujourd’hui qu’à la mi-temps de ce vaste programme d’investissement public : au titre de la deuxième vague d’appels à projets, d’autres ambitions, d’autres initiatives pourraient voir le jour.
Cet effort de recherche exceptionnel répond au défi de la prévention.
En effet, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, derrière cet effort exceptionnel pour accroître nos forces de recherche, c’est une véritable révolution des méthodes d’analyse, de prévention et de soin de l’obésité qui se profile.
Je pense bien sûr au rapprochement de la recherche fondamentale et de la recherche clinique, qui doit permettre de construire un véritable front commun contre la maladie, qui est au cœur de tous les projets que je viens d’évoquer à l’instant.
Mais je pense aussi à la révolution copernicienne qui s’esquisse en matière de santé publique. Nos politiques sont aujourd’hui tournées vers le soin. Demain, elles devront répondre au défi de la prévention et combattre, à la racine, les maladies chroniques comme l’obésité.
Vous avez eu, du reste, l’occasion de le souligner, l’obésité est intimement liée à l’organisation de notre vie sociale, à notre environnement, aux mentalités collectives et à leurs effets sur l’individu.
Chacun le sait, les campagnes de sensibilisation ont des effets, mais ils restent encore limités. Nous devons réfléchir, avec nos économistes, avec nos sociologues, avec nos philosophes et nos cognitivistes sur de nouvelles manières de prévenir les comportements à risque.
C’est donc tout un champ de recherche et d’études qui s’ouvre devant nous. Il n’est pas vierge : nous savons qu’il est possible de prendre en compte la santé dans l’aménagement des territoires et des espaces urbains, pour favoriser, par exemple, la marche et rendre possible, au-delà du sport, la pratique de l’activité physique. D’autres propositions pourraient être avancées, comme celles que vous avez présentées dans les conclusions de votre rapport, madame Bout, ou bien encore celles qui ont été esquissées par les différents intervenants.
Une chose est sûre : en matière de soin comme de prévention, nous ne lutterons jamais mieux contre l’obésité qu’en nous appuyant sur la recherche, qui nous offre les moyens de choisir, d’agir et d’aller plus loin.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que ce débat ait lieu aujourd’hui : il est l’occasion pour nous tous de redire notre confiance collective aux chercheurs, dont les travaux sont au cœur des préoccupations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Et c’est pourquoi je souhaite, comme vous l’avez fait vous-mêmes, que la parole des scientifiques soit à l’avenir placée au cœur de nos débats. J’ai suggéré au président de l'Assemblée nationale, et je réitère ma proposition devant vous, que des questions puissent, au moins une fois par an, être posées par la représentation nationale non plus au Gouvernement, mais directement aux scientifiques, car ils sont les mieux à même de nous aider à poser les bonnes questions et à y trouver les meilleures réponses. Et c’est à ces questions que nous, responsables politiques, nous aurons à apporter des réponses. Nos travaux, vous le voyez, ne font donc que commencer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mmes Anne-Marie Payet et Françoise Laborde applaudissent également. – M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité.
Nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi organique
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99–209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, déposé sur le bureau de notre assemblée.
4
Débat : " Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? "
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat : « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? », organisé à la demande du groupe CRC-SPG.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, au nom du groupe CRC-SPG.
Mme Isabelle Pasquet, au nom du groupe CRC-SPG. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que la conférence des présidents ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée le débat que le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche a proposé d’organiser sur l’ambition de notre pays en matière de politique dédiée à l’enfance et à la petite enfance.
Je m’en réjouis, car il s’agit d’un sujet très important. Or, le Gouvernement a laissé en friche la politique à destination des tout-petits et des jeunes enfants. Je note d’ailleurs que, lorsque vous abordez le sujet, c’est pour considérer l’enfance comme un coût à réduire, et les enfants et les jeunes comme des facteurs de risques à sanctionner.
J’en veux pour preuve les différents débats qui se sont déroulés ces dernières années à propos, notamment, du dépistage précoce de la délinquance, de l’absentéisme scolaire et, plus récemment, de la justice des mineurs.
Il y a une petite dizaine d’années, Jacques-Alain Bénisti avait proposé que soit organisé un contrôle social des enfants de moins de trois ans, afin de tenter de dépister, dès la crèche, ceux qui seraient susceptibles de devenir des futurs délinquants. Cette proposition avait trouvé grâce aux yeux du Président de la République.
Jacques-Alain Bénisti affirmait alors que le comportement des enfants, dans les « mini-collectivités » que sont les crèches, permettait, s’il traduisait un quelconque déséquilibre, de présager une tendance sur ce que ces enfants pourraient plus tard devenir. Récemment, Jacques-Alain Bénisti a tempéré ses propos, sans toutefois les nier. À l’occasion d’un second rapport sur le sujet, il a en effet affirmé : « on constate […], parmi les mineurs délinquants, un certain nombre de points communs dès leur plus jeune âge ».
Autant vous dire, madame la secrétaire d’État, que nous ne souscrivons pas à cette vision comportementaliste, dans laquelle nous serions réduits tantôt à notre rang social, tantôt à des attitudes. Les tenants de cette conception ne considèrent plus l’enfance comme une période de construction du citoyen en devenir, ils l’appréhendent, au mieux, comme une période d’observation destinée à soumettre l’enfant à des processus contraignants censés lui permettre de devenir un adulte bien inscrit dans les normes, et, au pire, comme une période de turbulences définitive, d’où l’enfant, même devenu adulte, ne pourra jamais sortir.
Or, comme avec le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, qui institue la possibilité de soins sans consentement, vous vous abritez derrière des prétextes faussement scientifiques pour imposer de nouvelles régressions. Je pense notamment à la protection maternelle infantile, dont certains voudraient réduire le rôle à celui d’un délateur de comportements jugés déviants, ou susceptibles de le devenir, avec toujours, en toile de fond, le dépistage précoce de la présupposée délinquance des jeunes enfants. Dans ce schéma où le sécuritaire l’emporte sur la protection, il n’est bien sûr pas question d’un développement harmonieux de l’enfant. La prévention précoce n’est en effet pas tournée vers la détection des souffrances psychiques des enfants ou de leurs parents et ne comporte bien évidemment pas de volet social.
J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous prendrez le temps, dans ce débat, de vous exprimer clairement sur ce sujet et que vous nous direz si vous avez enfin renoncé à mettre en œuvre un tel programme.
Concernant la lutte contre l’absentéisme scolaire, la loi, adoptée en septembre dernier, qui instaure des sanctions automatiques, dont la suppression des allocations familiales, est particulièrement injuste. Cette mesure, dénoncée par l’immense majorité des acteurs de l’éducation et de la lutte contre la précarité – je pense notamment au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le CNLE –, est évidemment stigmatisante. Vous laissez ainsi croire qu’il existerait un lien entre pauvreté et absentéisme. Mais quelles mesures concrètes proposez-vous à ces familles pour réduire ce que vous considérez comme étant les causes de cet absentéisme ?
Par ailleurs, nous sommes également inquiets – nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls ! – des dispositions contenues dans le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Ces dernières ne font en effet ni plus ni moins que de revenir sur l’ordonnance de 1945 et, par voie de conséquence, de remettre en cause la spécialisation de la justice des mineurs. Le projet de loi prévoit ainsi que ces derniers puissent être amenés à comparaître devant des juridictions équivalant à celles des majeurs. Il prévoit également d’introduire, pour les mineurs, un mécanisme de comparution immédiate, comme cela existe pour les majeurs, et d’imposer, pour les enfants de treize ans, la mise en place d’une surveillance électronique.
Cette assimilation entre adultes et enfants, qui conduit à la «déspécialisation » de la justice des mineurs, n’est pas conforme à nos principes constitutionnels. Dans une décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a sanctionné, entre autres dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », celles qui remettaient en cause le principe de spécialisation de cette justice. Cette assimilation entre adultes et enfants est également contraire, madame la secrétaire d’État – vous ne pouvez l’ignorer –, à nos engagements internationaux, notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant. J’y reviendrai.
Mais le plus grave, sur cette question de la réforme de la justice des mineurs, c’est que vous opérez un revirement de valeurs. Nous ne pouvons que le dénoncer. À l’occasion du colloque que Nicole Borvo Cohen-Seat, Brigitte Gonthier-Maurin et moi-même avons organisé le 9 mai 2011, intitulé « Nos enfants ne nous font pas peur, mais le sort qu’on leur réserve nous inquiète », l’un des 90 participants a résumé ainsi votre politique : « le Gouvernement ne considère plus les jeunes que comme des coupables, rarement comme des victimes et jamais comme étant à la fois coupables et victimes ». Vous tournez en effet le dos à l’esprit de l’ordonnance de 1945, qu’Henri Michard, auteur du livre « De la justice distributive à la justice résolutive », définit comme « marqu[ant] le passage d’une justice distributive, qui jugeait les seules actions, à une justice résolutive, dont l’ambition est de résoudre les problèmes qui en sont la cause ».
D’ailleurs, votre sémantique elle-même a évolué. Vous ne parlez plus d’« enfants », mais de « mineurs ». Autrement dit, vous renvoyez toute la problématique de la jeunesse dans notre pays à la frontière entre la majorité et la minorité, et vous analysez tout sous le prisme de la justice pénale, au point que, comme le dit l’UNICEF, vous traitez les enfants comme des « mini-adultes ».
La réalité, madame la secrétaire d’État, c’est qu’après avoir eu peur des adolescents, ou plutôt après avoir contribué à instaurer un climat de peur à l’encontre de ces derniers, les gouvernements successifs de votre majorité ont arrêté de considérer que les enfants étaient la chance de notre pays. Cela vous a conduit non seulement à réformer votre politique pénale, mais aussi à porter d’importantes attaques à l’encontre des plus jeunes.
En effet, vous appliquez au secteur de la petite enfance les mêmes politiques libérales qu’à d’autres secteurs de la société, particulièrement lorsque ceux-ci relèvent des services publics ou de la mobilisation de fonds publics.
À cet égard, la loi, issue d’une proposition de notre collègue Jean Arthuis, qui crée les « maisons des assistants maternels », les MAM, marque le désengagement de l’État en la matière. Alors qu’il manque au moins 400 000 places de garde, tous modes confondus, vous ne reconnaissez pour votre part que 200 000 places manquantes, et, sur cette base minimisée, vous annoncez la création de 100 000 places en accueil collectif, et autant en accueil individuel. Ce partage à parts égales entre modes collectifs et individuels est un premier marqueur politique. Il témoigne de la volonté du Gouvernement de minimiser les besoins en structures collectives, notamment publiques. Ces dernières, en effet, ont un coût supérieur à celui des aides attribuées aux parents ayant opté pour des structures privées, car elles intègrent dans la fixation des tarifs journaliers des critères sociaux qui ont pour double effet de réduire le prix de journée acquitté par les parents et d’augmenter la part des aides publiques. Avec les MAM, vous demandez donc aux conseils généraux et aux maires, qui ont à cœur de répondre aux difficultés de leurs concitoyens, d’opérer un choix forcément impossible entre, d’une part, le refus de participer à la création de structures palliant les insuffisances actuelles et, d’autre part, le maintien de ces dernières sur leur territoire.
Parallèlement à l’instauration de ces structures collectives d’accueil dérégulées, vous organisez, dans les crèches publiques, la diminution programmée du taux d’encadrement des enfants ou encore du niveau global de qualification des équipes, avec le passage de 50 % à 40 % du ratio de professionnels qualifiés de la liste dite « principale ». En somme, vous faites le choix, pour des raisons économiques, de privilégier le nombre des professionnels disponibles à la qualité de ces derniers. En disant cela, il ne s’agit pas pour moi de porter offense aux professionnels, dont je salue la patience et la dévotion. Ces personnes sont d’ailleurs elles-mêmes victimes d’une logique qui, en raccourcissant leur formation, réduit le rôle qu’elles ont à jouer dans le développement des enfants, et affecte le sens même de leur travail.
Au-delà, c’est toute la politique familiale que vous démantelez, progressivement, à l’occasion de chaque plan de financement de la sécurité sociale. Chacun se souviendra, par exemple, qu’à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 le Gouvernement avait proposé deux mesures d’économie sur la branche famille. L’une modifiait les conditions d’attribution de l’allocation logement, tandis que l’autre réformait les conditions d’accès et de distribution de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Or, ces deux mesures concernaient des prestations sous condition de ressources, donc destinées aux familles les plus modestes, et affectaient autant le taux de natalité que la vie familiale et professionnelle des parents, et plus particulièrement celle des femmes.
Cette politique comptable, couplée aux manques criants de places en crèches, conduit bon nombre de parents à différer la reprise de leur activité professionnelle, voire à y renoncer ou à opter pour le temps partiel, ce qui n’est pas sans conséquences du point de vue financier.
Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère du travail, publiée en mai 2010. Selon la DREES, le taux d’activité des mères âgées de vingt ans à quarante-neuf ans ayant au moins un enfant de moins de trois ans s’établit à seulement 68 % en 2008, contre 82 % pour les femmes de la même tranche d’âge vivant en couple. Ce constat a notamment conduit les administrateurs de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, à émettre un avis défavorable sur le financement proposé pour la branche famille, considérant que les familles ne devaient pas être les victimes d’une politique assise sur une mauvaise répartition des richesses produites dans notre pays.
Madame la secrétaire d’État, vous le savez bien, ce qui a fait la force de la politique familiale de notre pays, lui permettant d’atteindre un taux de natalité aussi élevé, c’est la constance de sa politique familiale qui a su, jusqu’à il y a peu, se manifester dans toutes les périodes, y compris et surtout pendant les crises. Or nous constatons aujourd’hui un élément nouveau dont vous devez tenir compte : la présence d’un enfant dans un foyer a des conséquences économiques de plus en plus importantes dont les effets ne sont pas pris en compte à leur juste mesure.
Selon une enquête récente réalisée par l’INSEE, notre système redistributif permet, certes, la compensation des coûts engendrés par la naissance d’un enfant, mais il ne compense pas économiquement les effets de la baisse d’activité, qui réduit notablement le niveau de vie.
Dans le même temps, l’OCDE note que le fait d’avoir des enfants reste un frein à l’activité des femmes. Il faut quand même reconnaître, et je reviens à ce que je disais il y a un instant sur le manque de places de garde, que la scolarisation des tout-petits a fortement baissé en France et que, dans le même temps, se sont développés des modes de garde alternatifs reposant essentiellement sur l’entourage proche, c’est-à-dire les grands-parents.
La situation est telle, la pénurie est tellement grave, que les parents ne peuvent aujourd’hui compter que sur deux options : la réduction de leur activité ou le « bricolage » avec les grands-parents.
Si la situation est difficile pour les couples avec un enfant, elle est économiquement et humainement insupportable pour les foyers monoparentaux. Le revenu moyen d’un couple avec deux enfants est de 22 370 euros, mais il n’est plus que de 14 520 euros pour un foyer composé d’un seul parent.
Le rappel de ces éléments nous conduit à demander le versement des allocations familiales dès la naissance du premier enfant. Selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, qui formule des préconisations pour réduire la pauvreté des enfants, il faut augmenter les prestations familiales liées aux enfants et créer une allocation familiale dès le premier enfant.
Cette proposition, que nous soutenons, avec toutes les associations familiales, constitue d’ailleurs une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. En effet, le 2 février 2007, à Maisons-Alfort, il déclarait : « Je souhaite qu’une allocation familiale soit versée dès le premier enfant parce que le premier enfant représente une charge très lourde pour les jeunes couples qui sont au début de leur vie professionnelle, qui souvent enchaînent les petits boulots et sont confrontés à la précarité ». Nous n’avons malheureusement rien vu venir...
La situation économique ayant aggravé les conditions de vie des familles, cette analyse, à laquelle nous souscrivons, nous semble d’actualité, aujourd’hui plus qu’hier. Vous ne pouvez pas toujours vous abriter derrière la crise, c’est précisément elle qui pèse sur les foyers et qui aggrave l’extrême précarité dont les jeunes enfants sont victimes.
Il est temps, madame la secrétaire d’État, de passer des promesses aux actes, tout comme il serait temps que la revalorisation de la base mensuelle de calcul des prestations familiales tienne compte des situations que connaissent réellement les familles.
Le projet de décret de novembre 2010 fixant la revalorisation des allocations familiales pour 2011 a suscité un avis défavorable des administrateurs de la CNAF. Pour notre part, nous considérons que les modalités de calcul, assises sur l’évolution des prix, hors tabacs, ne sont pas adaptées aux réalités que connaissent les familles. Il faut donc les réévaluer à la hausse et nous proposons qu’elles soient indexées sur les salaires.
Tout cela m’amène, madame la secrétaire d’État, à vous interroger sur le sort que vous entendez réserver au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNFPE. Comme vous le savez, il aura fallu que l’État se fasse condamner, à deux reprises, par le Conseil d’État pour qu’il se décide enfin à créer ce fonds, et donc à respecter l’engagement qu’il avait pris devant la représentation nationale lors de l’adoption de ce qui allait devenir la loi du 5 mars 2007.
Or, si vous avez bien pris le décret portant création de ce fonds, vous ne l’avez pas abondé à la hauteur de vos engagements. Souvenez-vous : en 2007, M. Bas, qui était alors le ministre chargé de ce dossier, avait promis que le FNFPE serait doté de 150 millions d’euros destinés à compenser les charges que les départements allaient devoir supporter en raison des missions nouvelles que cette loi leur confiait, notamment les observatoires départementaux de la protection de l’enfance et les cellules de recueil de l’information préoccupante.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le compte n’y est pas !
Lors de l’élaboration de la loi, le Gouvernement s’était engagé à un financement de 60 millions d’euros par an, répartis pour moitié entre l’État et la CNAF, mais, lors de la discussion du projet de loi de finances, l’abondement est tombé à 10 millions d’euros, pendant trois exercices.
À cette situation désastreuse s’ajoute le fait que l’État « thésaurise » au détriment des départements, bafouant une nouvelle fois les engagements pris.
En outre, la composition même du comité de gestion du fonds est profondément déséquilibrée. L’État y est surreprésenté, avec six postes, contre trois postes pour les départements, qui sont pourtant les premiers financeurs et les premiers acteurs de cette politique. Sans doute cela vous permet-il de faire perdurer cette situation financière !
Je regrette également que, contrairement à l’esprit de la loi de 2007, qui voulait mettre les usagers au centre du dispositif, aucune association représentant les enfants ou leurs intérêts ne participe à ce comité de gestion.
Enfin, je voudrais vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur l’utilisation même de ce fonds.
Il semblerait que, contrairement à ce que prévoit la loi, les sommes déjà largement insuffisantes qui sont affectées à ce fonds ne soient pas destinées exclusivement à la compensation des charges assumées par les départements. Il semblerait que ce fonds soit partagé entre deux enveloppes, dont l’une dédiée aux actions de soutien à la parentalité, missions jusqu’alors assumées par l’État dans le cadre des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, les REAAP, et prises en compte dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
Si tel devait être le cas, ne croyez-vous pas qu’il s’agit d’un contournement des missions initialement confiées à ce fonds ? D’autant plus que nous avons été attentifs au dernier rapport remis par M. Bockel, qui préconisait justement, en sa qualité, à l’époque, de secrétaire d’État, d’orienter l’aide à la parentalité vers une démarche plus sécuritaire et moins sociale.
Avant de conclure, madame la secrétaire d’État, je voudrais aborder un sujet dont on parle trop peu dans notre pays, le respect par la France de la convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE.
En effet, si notre pays est à l’origine de la proclamation des droits de l’homme, toutes les associations œuvrant dans le champ de l’enfance, l’ancienne Défenseure des enfants et le comité des droits de l’enfant, organe rattaché à l’ONU, considèrent que la France est en recul par rapport au passé et à ses voisins d’Europe et qu’elle n’a pas de politique globale en faveur des enfants.
Notre pays a eu beau ratifier, il y a plus de vingt ans, cette convention internationale, ô combien importante, il n’en demeure pas moins – c’est le premier regret du comité – que, sur les cinquante-quatre articles contenus dans cette convention et créant des droits pour les enfants, la France ne reconnaisse une valeur juridique directe qu’à onze articles.
À ce titre, je voudrais rappeler que, dans sa onzième recommandation, le comité précise qu’il appartient à « l’État partie de continuer à prendre les mesures pour que la convention, dans sa totalité, soit directement applicable sur tout le territoire de l’État partie ».
Il est en effet temps que nous sortions de cette logique consumériste des droits de l’enfant, qui consiste à faire le tri entre les mesures que nous considérons comme acceptables et celles qui ne le seraient pas. Pour nous, les droits que la CIDE consacre forment un bloc indissociable, car ce sont tous des droits fondamentaux.
Je regrette également, et ce n’est pas qu’une question de forme, que le Gouvernement ait rendu avec un an de retard son rapport concernant l’application par notre pays de la CIDE et que les associations n’aient pas participé à sa rédaction, contrairement à ce qui se pratique dans la plupart des autres pays signataires.
Le comité des droits de l’enfant, madame la secrétaire d’État, est très sévère quant au respect par notre pays de cette convention. Nous partageons ce constat et formulons le vœu que soit bientôt créé un secrétariat aux droits des enfants (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale s’exclame.) ou, pour le moins, un haut-commissariat rattaché au Premier ministre, permettant ainsi la convergence d’une politique globale et coordonnée.
Tel nous paraît être le chemin indispensable pour permettre la satisfaction de la trente-sixième recommandation du comité consistant en la reconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant : les enfants doivent être enfin considérés comme des sujets de droit en tant que tels, et non comme des éléments annexes.
Vous le voyez, madame la secrétaire d’État, notre appréciation de la politique que vous menez en matière de petite enfance, et d’enfance en règle générale, est très négative. Avec les états généraux de la petite enfance, la secrétaire d’État qui vous a précédée a tenté de faire croire qu’elle entendait rénover cette politique. Malheureusement, la préparation de cet événement a consisté à le réduire à un simple gadget, conduisant bon nombre d’associations et de syndicats à refuser d’y participer, organisant de leur côté des « états généreux de la petite enfance ».
Leurs craintes ont été confirmées par les faits : alors que les quatre ateliers des états généraux se sont conclus par des propositions d’envergure, la secrétaire d’État n’a retenu que des propositions n’engageant aucune dépense et ne permettant aucun progrès dans les domaines des droits des enfants et de l’amélioration de leurs conditions de vie. Les propositions ministérielles n’ont d’ailleurs été suivies d’aucun effet, sans doute à cause du changement de ministre intervenu depuis.
Les politiques successives du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, ont affaibli les familles, et l’objectif de réduction de la pauvreté infantile de 30 % à l’horizon de 2012, conformément à l’engagement pris par votre gouvernement, est mis à mal.
Vous avez progressivement remplacé la politique de protection des enfants par une politique de suspicion et de sanction.
Vous avez renoncé à une politique solidaire en matière de garde des jeunes enfants, préférant que se développent des sociétés marchandes qui proposent, à grands renforts d’aides publiques, d’accueillir les enfants de quelques mois jusqu’à l’âge de quatre ans. Ce faisant, vous portez atteinte au droit d’accès à la maternelle dès l’âge de deux ans.
Vous avez, tout simplement, rompu progressivement avec notre pacte social, qui veut que la génération actuelle fasse tout pour que celle qui vient connaisse de meilleures conditions de vie que les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons la chance de vivre dans l’un des pays européens ayant le plus fort taux de fécondité. Dans les années deux mille, le nombre de naissances n’a cessé d’augmenter, pour atteindre plus de 800 000 naissances sur l’année 2010. C’est un record depuis la fin du baby boom.
Notre politique familiale se doit donc d’être ambitieuse.
Je tiens à souligner – et à rappeler à nos collègues de l’opposition – que le Gouvernement a fait le choix d’un soutien massif à la famille, en y consacrant 5,1 % du PIB, alors que les autres pays européens, en moyenne, affectent seulement 2,5 % de leur PIB à la politique familiale.
Le nombre de places en crèches a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007. Le Président de la République a fixé pour objectif une augmentation de 200 000 places d’accueil pour les jeunes enfants à l’horizon de 2012, réparties à parts égales entre l’accueil collectif et l’accueil individuel. Vous pourrez sans doute, madame le secrétaire d’État, nous communiquer les derniers chiffres dont vous disposez, mais je crois que ces objectifs pourront être atteints. Cependant, les besoins sont tels que ces créations seront encore insuffisantes.
Or il est primordial d’offrir d’autres possibilités de garde aux jeunes mères, de sorte qu’elles puissent poursuivre leur activité professionnelle.
Sans doute faut-il, pour répondre aux besoins, se tourner vers des modes de garde complémentaires et innovants : les maisons d’assistants maternels – je rappelle que nous avons adopté une proposition de loi favorisant ces regroupements –, les micro-crèches ou les jardins d’éveil, largement plébiscités par les familles qui subissent des contraintes d’horaires particulières.
En 2008, j’ai animé, avec mon collègue Pierre Martin, un groupe de travail étudiant une autre voie : la préscolarisation des jeunes enfants. Nous avons voulu savoir si l’école maternelle pouvait offrir une solution opportune dans un contexte de pénurie de modes de garde, sachant que l’accueil des enfants de deux ans en maternelle est une pratique qui existe de longue date, mais qui tend à diminuer et qui suscite toujours des débats passionnés.
Nous ne pensons pas qu’avancer l’âge de scolarisation à deux ans soit une bonne solution. Je souhaiterais m’en expliquer, en m’appuyant sur les constats établis par notre groupe de travail.
Nous avons auditionné des professionnels de la petite enfance, de l’éducation, notamment de l’école maternelle, des chercheurs, des médecins, des représentants des familles et des parents d’élèves.
Pour bien comprendre notre système de garde d’enfants et leur scolarisation, il faut retracer le parcours français en la matière.
L’école maternelle a scolarisé des enfants de moins de trois ans surtout à partir des années soixante-dix. La scolarisation du très jeune enfant était liée à des circonstances extérieures : un fort taux d’activité féminine et un contexte de pénurie des modes de garde.
La scolarisation précoce est survenue parce que l’école maternelle disposait alors de places disponibles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, dans certaines régions, on voulait placer prioritairement à l’école des enfants de deux ans vivant dans un milieu social défavorisé, dans l’idée que cela pourrait leur éviter d’être plus tard en échec scolaire. L’école maternelle représentait alors une passerelle entre la famille et l’école élémentaire.
Aujourd’hui, à l’heure où le nombre d’enfants accueillis en classe maternelle augmente dangereusement (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Ronan Kerdraon. « Dangereusement » ?
Mme Monique Papon. … poussant les écoles à refuser des enfants de deux ans, le débat est bien évidemment toujours d’actualité.
À quelle structure souhaitons-nous alors confier nos enfants de deux ans ? Au-delà des considérations financières ou politiques, il faut rechercher avant tout le meilleur pour l’enfant.
Or il ressort des auditions que nous avons menées en 2008 un consensus pour reconnaître que l’école maternelle offre un cadre peu adapté aux enfants de moins de trois ans. Ce sont encore des « bébés ». Ils ont un très fort besoin tant de protection que de sécurité et ne sont absolument pas autonomes.
M. Guy Fischer. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd !
Mme Monique Papon. L’école ne peut pas respecter leurs besoins affectifs et leur rythme biologique, liés notamment au sommeil, aux repas, à la propreté. Aujourd’hui, un enfant qui entre à l’école doit être propre.
Finalement, on peut dire que l’enfant est bien grand pour la crèche mais encore bien petit pour l’école maternelle.
C’est la raison pour laquelle notre rapport s’orientait vers la création de jardins d’éveil, structures intermédiaires pouvant faire le pont entre la crèche et l’école.
J’ajouterai que la France est le seul pays, avec la Belgique, à accueillir des enfants dans un cadre scolaire à partir de l’âge de deux ans.
Le débat d’aujourd'hui préfigure les échanges que nous aurons sans doute prochainement, des propositions de loi sur le sujet, que j’aurai la tâche de rapporter, ayant été déposées par plusieurs de mes collègues, madame la secrétaire d'État.
À l’occasion de ce débat, je souhaite rappeler une recommandation formulée en 2008 par le groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants et qui me semble importante.
Nous avons en effet préconisé le développement de relations entre les partenaires de la petite enfance, sous la tutelle du ministère des solidarités et de la cohésion sociale, et ceux de l’école maternelle, sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale. Dans le cadre d’un partenariat, les professionnels de la petite enfance, qu’ils interviennent en crèches, ou en école maternelle, pourraient notamment bénéficier d’actions communes de formation.
Des dispositions ont-elles été prises en ce sens, madame la secrétaire d'État ?
Pourriez-vous également nous indiquer si la formation initiale des enseignants exerçant en maternelle prend mieux en compte aujourd’hui la connaissance du développement physique, psychologique et psychique du jeune enfant ?
Dernière question, qui sera d’ailleurs très certainement reprise par mon collègue Pierre Martin, où en est l’expérimentation des jardins d’éveil, structures que nous envisagions comme une bonne transition vers l’école maternelle ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'État, de vos réponses. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pour ce qui est de l’accueil des tout-petits, je souhaite résolument me placer dans le « concret », dans le « possible ».
En matière de petite enfance, l’objectif est double.
D’une part, il s’agit d’offrir à chaque famille qui le souhaite la possibilité de faire garder son ou ses enfants d’âge préscolaire à un coût raisonnable, cet élément financier valant aussi bien pour les finances publiques que pour celles des parents.
D’autre part, il convient d’assurer les conditions d’accueil et d’éveil aux savoirs des tout-petits, raison pour laquelle il importe de proposer des structures adaptées à la maturité psychique et physique de ces enfants ainsi que d’améliorer la formation des professionnels.
Je ne veux pas me livrer à une énumération de chiffres, mais trois données me paraissent essentielles.
Au 1er janvier 2009, la capacité d’accueil des jeunes enfants s’élevait à environ 1 153 000 places. Les dernières études publiées ont montré qu’il manquait encore 400 000 places pour répondre aux besoins. Par ailleurs, avec plus de 600 000 places proposées, les assistantes maternelles représentent le premier mode de garde en volume. Viennent ensuite les structures collectives de type crèche et la garde par une employée à domicile.
Nous savons qu’il est impossible, pour des raisons financières, de bâtir une politique de développement de l’offre de garde uniquement sur l’accroissement des capacités d’accueil des crèches et l’essor de la garde à domicile.
L’une des orientations prioritaires est l’accroissement du nombre d’assistantes maternelles et l’essor des MAM, les maisons d’assistants maternels.
Les MAM ont fait l’objet d’une première proposition de loi, votée le 14 janvier 2010 au Sénat. Après des mois d’obstination et de travail acharné, notamment de la part de nos collègues sénateurs Jean Arthuis et André Lardeux, les MAM ont été consacrées par la loi du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels.
Je n’ignore pas que des critiques ont été opposées à cette formule innovante, mais je suis convaincue par les avantages particuliers qu’elle présente.
M. Claude Bérit-Débat. Pas nous !
Mme Muguette Dini. Pour les familles, elle offre une amplitude horaire qu’aucun autre mode de garde collective ne permet.
Pour les enfants, les risques sont réduits. Le travail en équipe, auprès d’eux, des assistantes maternelles favorise une vigilance mutuelle, une vraie interactivité.
Pour les assistantes maternelles, la mise en commun d’expériences et de réflexions constitue une avancée tout à fait considérable.
De nombreuses communes, essentiellement rurales mais pas seulement, ne disposent pas de ressources suffisantes pour financer une crèche. Les MAM sont alors la seule forme permettant à ces communes d’offrir une solution de garde à leurs habitants.
Le 10 février 2010, soit entre les deux lectures de la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, le Président de la République déclarait, lors des assises des territoires ruraux : « […] je soutiens […] le développement des maisons d'assistantes maternelles […]. J'oserai d'ailleurs une remarque. Bien sûr qu'il faut faire attention [aux] conditions de sécurité, d'hygiène pour garder nos enfants, mais arrêtons aussi la folie réglementaire ! Entre les conditions de mètres carrés, le nombre de fenêtres, l'air qui circule, le nombre de personnes, il n'y a pas un seul de nos enfants, chez nous, qui soit gardé comme ils sont gardés dans des établissements publics. » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Françoise Cartron. Cela m’étonnerait !
Mme Muguette Dini. À la fin du mois d’octobre 2010, donc près de cinq mois après le vote de la loi, 82 MAM fonctionnaient déjà et 107 étaient en cours d’ouverture, soit 189 MAM réparties dans cinquante-quatre départements.
Comment ne pas alors déplorer, madame la secrétaire d'État, l’avis rendu, le 2 décembre 2010, par la sous-commission ERP de la commission centrale de sécurité de la direction de la sécurité civile du ministère de l’intérieur – voilà un titre explicite ! –, avis relatif à la réglementation de sécurité applicable aux MAM ?
Cet avis les classe en établissement recevant du public de type R de quatrième catégorie. Si ce n’est pas le contraire de ce qu’a dit le Président de la République, je me demande ce que c’est !
M. Raymond Vall. Très bien !
Mme Muguette Dini. Cette décision soumet les MAM à une série de normes de sécurité et d’accessibilité, en matière de construction, d’aménagement intérieur, d’éclairage, d’appareils de cuisson, sans parler des vérifications techniques par des organismes agréés.
Cet avis réduit donc à néant tout notre travail législatif. Il met un véritable point d’arrêt à la création des MAM et remet en cause 95 % des structures existantes.
Cette situation est d’autant plus inadmissible que les fonctionnaires concernés avaient été sollicités par la commission des affaires sociales du Sénat pour réfléchir aux solutions juridiques permettant de concilier exigences de sécurité et développement des MAM.
Madame la secrétaire d'État, je demande que soit respectée la volonté du législateur : les MAM doivent être considérées comme le prolongement du domicile des assistantes maternelles, sous le contrôle des services de la PMI, la protection maternelle et infantile, appliquant leurs normes habituelles. Laissez, je vous en prie les présidents de conseil général assumer leurs responsabilités !
Je sais que M. Guéant, alerté par mon collègue Jean Arthuis, a saisi la mesure de l’enjeu. Alors, j’attends de vous, madame la secrétaire d'État, que vous progressiez très rapidement sur ce sujet, éventuellement à l’échelon interministériel.
J’en viens au second sujet qui me tient à cœur, celui de la formation des personnels chargés de l’accueil des tout jeunes enfants, au moment précisément où ils s’éveillent au monde et où l’on sait que se posent les bases de l’acquisition des savoirs et de la culture qui leur permettront de trouver leur place dans la société.
Le niveau de formation peut aller de l’absence totale, dans le cas d’un accueil ponctuel, à des diplômes sanctionnant trois ou quatre années d’études après le baccalauréat, en passant par les 120 heures de formation délivrées aux assistantes maternelles exerçant à domicile ou en MAM.
Certains professionnels relèvent – c’est le cas le plus fréquent – du secteur sanitaire : il s’agit des auxiliaires de puériculture, formés à la délivrance des soins mais non à la pédagogie. D’autres, moins nombreux, sont issus du secteur socio-éducatif.
Dès le début de l’année 2010, j’ai commencé à travailler sur l’intérêt que présenterait la création d’une filière de formation spécifique, délivrant les compétences globales nécessaires à l’accueil des jeunes enfants, quel que soit le type de structure.
D’une durée totale de dix-huit mois, dont la moitié « en situation », la formation « d’accueillant éducatif » se concentrerait sur l’éveil de l’enfant, sur son développement psychologique et affectif, sans négliger, bien entendu, les connaissances sanitaires.
Dans ce cadre, les éducateurs de jeunes enfants, dont la formation comprendrait un module de gestion, seraient amenés à devenir des directeurs de structures et à encadrer les accueillants éducatifs.
J’ai su que Mme Bachelot-Narquin avait lancé une expérimentation en ce sens. Je serais heureuse, madame la secrétaire d'État, d’en savoir plus.
J’en suis convaincue, la petite enfance constitue une réserve d’emplois importante, que l’attente des familles est immense en la matière et qu’il nous appartient de valoriser ces métiers et de permettre l’accomplissement professionnel des personnes qui les exercent. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat est l’occasion de rappeler que la petite enfance est un enjeu de société et de se poser, parmi d’autres, les questions suivantes : quels sont les besoins des enfants ? Quels sont ceux des familles ? Qui peut les satisfaire au mieux ? Quelle est la structure qui peut prendre en charge au mieux l’enfant ?
C’est le moment de réaffirmer solennellement qu’une politique publique ambitieuse dans ce domaine constitue un investissement pour l’avenir de notre pays.
Bref, c’est l’occasion de tracer les grandes lignes d’un véritable plan d’urgence pour l’accueil de la petite enfance.
L’enjeu est double : d’une part, permettre à toutes les familles qui le souhaitent d’obtenir pour leur enfant un mode d’accueil de qualité sans barrière financière ; d’autre part, faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les parents, en particulier les mères.
Qu’observons-nous aujourd’hui ?
Les politiques gouvernementales convergent vers une dégradation des dispositifs existants, au détriment des attentes des familles et des professionnels. J’en veux pour preuve la RGPP et sa logique dogmatique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.
Ces décisions tournent le dos aux principes fondamentaux du service public de l’éducation et fragilisent l’école de la République.
Si la dégradation des conditions d’accueil ou de scolarisation des jeunes enfants est inacceptable, elle n’est pas inéluctable, à condition de poser une exigence de qualité. Force est cependant de constater que la question reste entière.
De multiples études réalisées en France et à l’étranger montrent pourtant que la qualité d’accueil des enfants serait liée à la prise en compte des niveaux de qualifications professionnelles, des taux d’encadrement et d’une taille restreinte des groupes d’enfants.
Une vraie politique de la petite enfance ne doit pas non plus ignorer la complexité des métiers de ce secteur d’activité. Or, aujourd'hui, tout laisse à penser qu’il n’est pas nécessaire d’acquérir une formation solide pour s’occuper de jeunes enfants en collectivité.
Il en va ainsi de la réduction de la proportion de personnel qualifié dans les établissements, qui est passée de 50 % à 40 % depuis juin 2010, ou encore de la possibilité donnée aux assistantes maternelles, qui n’ont que 120 heures de formation, de se regrouper en dehors de leur domicile pour accueillir jusqu’à seize enfants, cela sans supervision ni encadrement !
Oui, l’accueil en structure collective nécessite du personnel qualifié et cela impose des moyens !
Cela doit se traduire par un accroissement des places d’auxiliaire de puériculture, de puéricultrice et d’éducatrice de jeunes enfants dans les écoles de formation, et des postes d’enseignant et d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ou ATSEM, personnels formés à l’éducation et à l’accompagnement de tout jeunes enfants.
L’accueil des enfants de moins de trois ans en école maternelle ne doit pas non plus servir de variable d’ajustement pour la suppression de postes dans l’éducation nationale. Au contraire, l’école maternelle doit être dotée des moyens nécessaires pour que chaque famille qui le souhaite puisse scolariser un enfant âgé de deux ou trois ans dans des conditions adaptées à cet âge d’entrée à l’école maternelle.
À ce sujet, la scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans s’impose de plus en plus.
Par ailleurs, comme l’ont dit à plusieurs reprises mes excellents collègues Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou, les jardins d’éveil ne constituent pas une réponse adaptée aux attentes des familles. Ces structures, créées avec des conditions dérogatoires, pèsent sur le budget des familles.
Se pose également la question du coût pour les communes, qui devront aménager des locaux municipaux et faire face à de nouvelles charges de fonctionnement et de personnel.
Le secteur de la petite enfance est devenu en quelques années un lieu privilégié d’expérimentation. Dans ce domaine, les collectivités locales font preuve de créativité pour améliorer, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, la prise en charge des jeunes enfants.
En élargissant les amplitudes horaires des structures, l’offre de garde doit permettre de proposer des solutions aux parents ayant des horaires atypiques. Par exemple, la ville de Metz expérimente depuis 2009 une offre de garde de nuit. De même, certaines entreprises ont pris l’initiative d’accompagner leurs salariés dans la recherche de solutions adaptées.
Dans mon département, les Côtes-d’Armor, c’est le cas, par exemple, du réseau MAMHIQUE, pour Modes d’accueil mutualisés en horaires atypiques. Les assistantes maternelles volontaires, qui sont salariées par les parents, reçoivent en outre une indemnité compensatrice pour horaires décalés. Cette indemnité permet de prendre en compte la valeur ajoutée du service offert, ces assistantes pouvant être amenées à se rendre la nuit au domicile des parents.
Dans ma commune, nous avons fait le choix politique d’ouvrir une classe dite « passerelle » pour les enfants de deux à trois ans. Cette structure accueille aujourd’hui une vingtaine d’enfants, avec un encadrement adapté : le matin, un instituteur, une éducatrice de jeunes enfants et une ATSEM sont présents ; tandis que, l’après-midi, la structure fonctionne comme une crèche collective, sous la responsabilité de la directrice de la maison de la petite enfance.
Madame la secrétaire d'État, sachons tirer profit de ces expériences innovantes pour bâtir un véritable service public de la petite enfance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd’hui, à l’initiative du groupe CRC-SPG, est très ouverte : quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ?
Les enjeux soulevés par cette interrogation ont été évoqués à cette tribune par d’autres avant moi, sous des angles différents. Pour ma part, j’ai choisi d’évoquer plus particulièrement la problématique des modes de garde des plus jeunes enfants, qui est au cœur des préoccupations quotidiennes d’un grand nombre de nos concitoyens.
En effet, pouvoir concilier vie privée et vie professionnelle en trouvant un mode de garde pour ses jeunes enfants relève désormais du parcours du combattant pour les familles, tout particulièrement pour les ménages les plus modestes. Comble du paradoxe, ces derniers se voient obligés de faire le choix de sacrifier l’emploi de l’un des deux parents, très fréquemment celui de la femme, pour pouvoir assurer la garde de l’enfant en bas âge.
De fait, il n’y a pas suffisamment de structures d’accueil dans nos campagnes, non plus que dans nos villes, où celles qui existent sont surchargées.
L’une des solutions dont disposent les parents qui travaillent est donc le congé parental. Alors que, dans son principe, il repose sur le libre choix, il est aujourd’hui vécu non seulement comme une contrainte mais, pis, comme une cause de précarisation, « un sas vers l’inactivité alors qu’il devrait n’être qu’une parenthèse », selon Brigitte Grésy.
Madame la secrétaire d’État, dois-je vous rappeler qu’un tiers des bénéficiaires du congé parental s’arrêtent de travailler parce qu’ils ne trouvent pas de mode de garde alternatif ? Le constat est amer : avoir des enfants demeure un frein trop important à la carrière des femmes.
Pourtant, dans son discours du 13 février 2009 sur la politique familiale, le Président de la République s’était engagé, je vous le rappelle, à mener une politique ambitieuse en faveur de la petite enfance. Il annonçait alors la création d’au moins 200 000 offres de garde supplémentaires d’ici à 2012, pour répondre aux besoins de l’ensemble des familles.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? D’après le Haut Conseil de la famille, au cours de l’année 2009, 20 000 places d’accueil ont été créées au sein des crèches et 21 200 enfants supplémentaires ont été gardés par une assistante maternelle. Nous sommes donc encore très loin de l’objectif fixé par le Président de la République, alors que 2012, c’est demain !
C’est d’autant plus grave que le besoin réel d’accueil non satisfait est plutôt évalué à 400 000 places. Le compte n’est pas bon !
Dans ce contexte, il est hautement regrettable que l’effort n’ait pas porté davantage sur le développement de l’accueil collectif, qui demeure le mode de garde préféré des parents. Il offre en effet des conditions professionnelles sécurisantes et stimulantes pour la socialisation des enfants.
Le besoin croissant d’équipements collectifs destinés aux enfants de moins de trois ans s’explique aussi par une baisse de la préscolarisation de ces enfants. En dix ans, le taux de scolarisation à l’âge de deux ans est passé de 35 % à 15 % et cette tendance ne devrait malheureusement pas s’inverser. En effet, alors même que la France enregistre le taux de natalité le plus élevé d’Europe, des milliers de postes d’enseignant ont été supprimés et la mise en place des jardins d’éveil, dont le bilan est par ailleurs mitigé, a accéléré le processus.
Nous avions été nombreux à exprimer nos craintes à l’égard de cette nouvelle structure. Je le répète aujourd’hui : elle représente une forme de privatisation de l’école maternelle, un nouveau transfert de compétences vers les collectivités territoriales, vaches à lait reconnues, et, au final, un désengagement de l’État du secteur de la petite enfance. Sa conséquence directe est le renforcement des inégalités territoriales.
La scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans comporte de nombreux avantages et, par conséquent, rencontre un certain succès auprès des parents. En effet, il a été démontré que, plus tôt un enfant est scolarisé, plus grandes sont ses chances d’accéder au collège sans redoubler. C’est sans doute la raison pour laquelle trois groupes parlementaires ont déjà déposé des propositions de loi relatives à cette problématique, notamment pour rendre l’école obligatoire dès l’âge de trois ans et instituer un droit, ou une obligation, selon les groupes, à la scolarisation dès l’âge de deux ans.
L’accueil des tout-petits en école maternelle, cette belle exception française que le monde entier nous envie, est malheureusement devenu un sujet délicat à cause de la politique de pénurie menée depuis plusieurs années. La restriction du nombre de postes n’est pas favorable à un accueil de bonne qualité.
La formation soulève une autre question : contrairement ce qui se passe en Espagne et en Suède, où le métier de professeur en école maternelle est considéré comme une spécialité, en France, les professeurs des écoles sont habilités à enseigner aux enfants âgés de deux à onze ans. Ils peuvent ainsi travailler indifféremment dans une école maternelle ou une école élémentaire au gré des postes vacants, et passer de l’une à l’autre à tout moment de leur carrière.
Le contenu de la formation donne aux enseignants des connaissances orientées vers les disciplines générales de l’enseignement primaire. Cette formation n’est pas du tout adaptée au cadre de la maternelle et ne permet donc pas la mise en place d’une pédagogie individualisée centrée sur le petit enfant.
Ces lacunes sont frappantes également en ce qui concerne la détection et la prise en charge des enfants précoces ; la plupart d’entre eux se retrouvent d’ailleurs confrontés à l’échec scolaire, ce qui est un comble !
Je voudrais enfin évoquer la question de l’accueil en milieu scolaire ordinaire des enfants présentant un handicap.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, affirme le droit de chacun à une scolarisation en milieu ordinaire et à un parcours scolaire continu et adapté. Toutefois, dans les faits, les moyens mis en place ne permettent pas de garantir ce droit dans des conditions acceptables, que ce soit pour les élèves ou pour les enseignants.
L’exemple des enfants autistes illustre cette contradiction, dans la mesure où la plupart de ceux qui sont en âge d’être scolarisés sont privés de ce droit : 20 % seulement accèdent à l’école ordinaire et 30 % sont accueillis en instituts médico-éducatifs ou en hôpitaux de jour. Où sont les autres ?
Scolariser ou accueillir un enfant autiste est un réel défi pour les parents. Certes, 68 % des enseignants estiment que la place de ces enfants est plutôt dans un institut spécialisé, mais l’école leur permettrait d’accéder aux méthodes d’apprentissage indispensables à une meilleure socialisation. Pour autant, leur intégration à l’école ne peut réussir que si sont mobilisés des moyens humains adaptés, si les professeurs sont mieux formés au handicap, les effectifs allégés et davantage d’assistants réellement recrutés pour seconder et accompagner les enfants et les professionnels.
Madame la secrétaire d’État, des solutions existent pour favoriser une meilleure prise en charge de la petite enfance, mais il faut vouloir les mettre en œuvre. Cela nous ramène à la question initiale : quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? Nous attendons votre réponse ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vous étonnerai guère en vous disant que je partage totalement le constat dressé par mon amie Isabelle Pasquet. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, on mesure en effet au quotidien les effets désastreux de votre politique tant familiale qu’économique, madame la secrétaire d’État.
La Caisse d’allocations familiales de la Seine-Saint-Denis peine ainsi, faute de personnels en nombre suffisant, à maintenir un service public de bonne qualité, au point que, très récemment, de nombreux établissements ont été contraints de fermer leurs portes au public afin de pouvoir traiter les dossiers en retard, ce qui constitue une première.
Or, si les dossiers s’accumulent, c’est certes parce que, comme je viens de le souligner, le personnel est en nombre insuffisant, mais également parce que les besoins des populations de ce département, qui sont particulièrement fragilisées du point de vue social, augmentent au fur et à mesure que la crise s’installe.
Le reproche unanimement formulé à notre pays par les associations et les instances internationales, c’est qu’il manque d’une politique globale et coordonnée, destinée à protéger les plus jeunes.
Compte tenu du faible temps qui m’est imparti, je souhaiterais intervenir sur trois sujets.
J’aborderai tout d’abord la lutte contre la pauvreté infantile.
Celle-ci résulte naturellement de la situation de précarité, et parfois de grande pauvreté, dont sont victimes les parents. Selon un rapport sur le « bien-être des enfants dans les pays riches » publié par l’UNICEF en 2007, la France occuperait la seizième place sur les vingt et un pays que compte l’OCDE. Plus récemment, dans le rapport intitulé Précarité et protection des droits de l’enfant, remis en 2010 par la Défenseure des enfants, il est précisé que « les résultats en termes de réduction de la pauvreté des enfants et des familles pauvres ne sont pas probants et montrent une aggravation des discriminations sociales de toutes sortes ».
Mme Dominique Versini soulignait d’ailleurs, dans son dernier discours, prononcé à l’occasion de l’annonce de la suppression de sa fonction, que notre pays comptait deux millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Ce sont évidemment eux qui cumulent les plus grandes difficultés – on pense au logement -, ce qui a de lourdes conséquences sur leur santé.
M. René-Pierre Signé. Elle a raison !
Mme Éliane Assassi. Selon la Fondation Abbé Pierre, notre pays compterait 600 000 enfants mal logés. Parmi eux se trouvent toutes celles et ceux qui, selon cette même fondation, vivent dans les quelque 400 000 logements indignes recensés dans notre pays.
Les conséquences du mal-logement sur les jeunes enfants sont connues. Ils souffrent, davantage que les adultes et les enfants de plus de six ans, du saturnisme lié à la présence de plomb dans les anciennes peintures ou les tuyauteries, de pathologies respiratoires graves et d’infections dermatologiques dues notamment à des problèmes de ventilation ou de chauffage. Nous pourrions également ajouter les cas d’accidents domestiques résultant de la vétusté des installations électriques.
Aussi la réduction des logements insalubres et l’augmentation de la construction de logements sociaux, en particulier de logements très sociaux, constituent-elles des priorités. Or le Gouvernement ne prend pas la mesure de l’urgence de la situation. Par exemple, il ne cesse de diminuer la part du financement étatique de l’aide à la pierre apportée par les départements, alors que, rappelons-le, il manque au bas mot 900 000 logements sociaux en France.
M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne le sort que notre pays réserve aux enfants issus de l’immigration.
Je passe rapidement, faute de temps, sur les propos scandaleux de Claude Guéant, qui n’hésite pas à les stigmatiser et à les humilier en affirmant qu’ils sont responsables de deux tiers des échecs scolaires…
Mme Gisèle Printz. C’est faux !
M. Ronan Kerdraon. C’est scandaleux !
Mme Éliane Assassi. En plus d’être scandaleuse, cette affirmation est bien évidemment fausse.
Je voudrais en revanche m’arrêter sur les évolutions récentes et continues de la politique migratoire que mène votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, qui entraînent d’importantes violations, par notre pays, de la convention internationale des droits de l’enfant ; je pense, par exemple, à la disposition qui garantit le droit des enfants à vivre unis avec leurs deux parents.
En la matière, nous partageons pleinement l’analyse de Mme Versini, selon laquelle « les difficultés des enfants étrangers », qu’ils soient isolés ou en famille, en situation régulière ou irrégulière, « sont d’autant plus d’actualité que le discours politique et la politique d’immigration se durcissent ».
À cet égard, je voudrais rappeler qu’il n’est pas acceptable que des jeunes enfants étrangers soient privés de liberté en raison de la situation administrative de leurs parents. Je vise ceux qui sont retenus en zones d’attente et ceux qui sont dans les centres de rétention administrative.
Ce phénomène connaît une véritable explosion. Alors que 162 enfants étrangers étaient placés en rétention administrative par l’État français en 2004 – c’est déjà beaucoup –, ils étaient 318 en 2009, et, pour cette seule année, 698 mineurs se trouvaient effectivement en zone d’attente, et ce en totale violation de la convention internationale des droits de l’enfant, plus particulièrement de son article 19.
Dernier point, et en conclusion, je voudrais aborder l’aspect éducatif. Comme vous le savez, le taux de scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans a considérablement chuté. La Cour des comptes dans son rapport du 10 septembre 2008 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale constatait déjà une baisse de 27 %. Elle soulignait également que certains départements étaient plus touchés que d’autres. Tel est le cas de la Seine-Saint-Denis où, le 30 juin 2005, 645 enfants âgés de plus de trois ans étaient en crèche, faute de place à l’école maternelle. Et, depuis, la situation n’a cessé de se dégrader.
Pourtant, comme l’indiquait la Cour des comptes, « Cette évolution apparaît peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public : le coût par enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle plutôt qu’en EAJE », c'est-à-dire en établissements d’accueil du jeune enfant, « 13 368 euros en 2006 en EAJE, contre 4 570 euros en maternelle, hors périscolaire. »
Le phénomène est également dommageable du point de vue pédagogique, puisque cet accueil permet aux jeunes enfants de se développer dans un cadre collectif qui contribue, par ailleurs, à la lutte contre les inégalités sociales.
Cette politique, qui s’apparente en réalité à un transfert de coûts de l’État vers les familles, n’est d’ailleurs pas sans incidence sur la réussite scolaire des enfants.
À l’image de notre collègue Isabelle Pasquet, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG dénoncent ce qui s’apparente à une non-politique de l’enfance.
Madame la secrétaire d’État, vos décisions injustes socialement et contre-productives économiquement portent atteinte au développement et aux droits des jeunes enfants, ce que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Bravo, bien parlé !
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en me référant à l’intervention de ma collègue Monique Papon, qui a salué le niveau record atteint par la France pour ce qui est du nombre de naissances. Le taux de fécondité de notre pays lui fait en effet occuper la première place en Europe.
On ne peut que s’en réjouir. Comme vous l’avez dit, ma chère collègue, c’est une chance, mais c’est aussi une responsabilité pour la France, et elle doit l’assumer pour le devenir de ses enfants.
J’en viens à notre débat de ce jour. Mais permettez-moi tout d’abord une question : de quelle petite enfance parlons-nous, mes chers collègues ? S’agit-il des enfants de zéro à trois ans ? De trois ans à six ans ? De deux ans à quatre ans ?
Il faut aussi se poser la question de savoir comment cette notion a été prise en compte à travers le temps. Sans remonter trop loin dans l’Histoire, j’évoquerai la mère au foyer, toute une époque, si j’ose dire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il y avait alors un pilier dans la famille, une gestionnaire (Exclamations renouvelées sur les mêmes travées.), un membre de la famille qui jouait un rôle important auprès des enfants, quelquefois uniquement grâce aux qualités de cœur et à l’amour que la mère dispensait à ses enfants.
M. René-Pierre Signé. La mère corrézienne ne s’asseyait pas à table, comme le disait Jacques Chirac !
M. Pierre Martin. Il est important de souligner cette situation, qui existe encore.
M. Ronan Kerdraon. Non, c’est comme Capri, c’est fini !
M. Pierre Martin. À l’époque, les enfants restaient à la maison avant d’entrer à l’école à l’âge où celle-ci était obligatoire. On a vu se mettre en place en campagne la section enfantine, en ville, la maternelle, aux environs de 1850. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
L’arrêté réglant l’organisation pédagogique des écoles maternelles, de 1882, précisait que le succès était conditionné par « l’ensemble des bonnes influences » auxquelles l’enfant devait y être soumis. Tel était le rôle de la maternelle à l’époque.
Aujourd’hui, l’école maternelle est une chance pour notre pays, et une source d’envie à l’échelon de l’Europe.
Mais la situation évolue et, alors que plus de 45 % des femmes travaillent – on ne peut que s’en réjouir –, se pose le problème de la garde des enfants. Des solutions existent : la crèche, l’école maternelle, puis l’école obligatoire à l’âge de six ans.
M. Ronan Kerdraon. C’est l’école primaire !
M. Pierre Martin. Rappelons que l’école maternelle est gratuite et non obligatoire.
Mme Isabelle Pasquet. Elle peut le devenir !
M. Pierre Martin. On peut toujours imaginer tout ce que l’on veut ! (Sourires.)
Mme Isabelle Pasquet. On espère le meilleur !
M. Ronan Kerdraon. À l’impossible nul n’est tenu !
M. Pierre Martin. Au terme de ce tableau de l’évolution à travers le temps, un constat doit être dressé. Aux environs de 1880, les enfants ont été pris en charge à partir de deux ans révolus, ce qui fut une chance pour eux, je le reconnais. Mais, entre deux ans et six ans, la période peut être bien longue pour les enfants. Comme toutes les personnes que nous avons auditionnées, nous avons nous-mêmes constaté que certains enfants de six ans étaient déjà fatigués.
Mme Françoise Cartron. Et il faut qu’ils tiennent jusqu’à dix-huit ans !
M. Pierre Martin. L’école maternelle suppose une prise en charge particulière : elle n’est pas une structure de scolarisation ; c’est un préapprentissage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
De plus, les normes imposées en matière d’accueil sont telles que les communes, plus particulièrement en milieu rural, hésitent quelquefois à installer des structures adéquates. Mme Dini l’a d’ailleurs indiqué.
Notre collègue Éric Doligé a été chargé d’une mission sur la simplification des normes pesant sur les collectivités territoriales. Ses travaux feront, je le suppose, apparaître à quel point il est difficile de respecter ces normes. Les règles actuelles ne doivent pas constituer une entrave à l’accueil des enfants, madame la secrétaire d’État.
Peut-être pourrait-on imaginer le dépôt d’une proposition de loi tendant à faire évoluer ce cadre réglementaire. Ainsi, nous aurions déjà réglé un problème. Y seriez-vous favorable ?
M. Pierre Martin. Il est bon de signaler que, tout au long de la scolarisation, est dispensé aux enfants un véritable apprentissage : l’école primaire est un apprentissage pour l’entrée au collège ; le collège est lui-même un apprentissage pour l’entrée au lycée. Il serait judicieux d’imaginer un apprentissage pour l’entrée à l’école maternelle qui, comme l’a justement dit ma collègue, pourrait avoir lieu dans les jardins d’éveil. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Non !
Mme Isabelle Pasquet. Tout ça pour ça !
M. Pierre Martin. N’ayant pas la science infuse, je ne sais si cette solution est bonne ou mauvaise, mais nous avons ici en considération l’intérêt de l’enfant et ce qui est le mieux pour lui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est payant !
M. Pierre Martin. J’ai pris bonne note des arguments financiers avancés dans les différentes interventions. Certes, il faut en tenir compte. Mais, pour les enfants, il faut s’orienter vers le meilleur. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Françoise Cartron. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi les jardins d’éveil seraient-ils meilleurs que l’école ?
M. Pierre Martin. Si quelqu’un avait la solution, cela se saurait,…
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vous !
M. Pierre Martin. … et elle serait appliquée depuis longtemps ! Nous pouvons donc imaginer une structure nouvelle.
Relevons que 60 % des mamans ont indiqué,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et que pensent les papas ?
M. Pierre Martin. … lors d’entretiens radiophoniques réalisés par des stations locales, qu’elles n’étaient pas du tout favorables à la scolarisation des enfants dès deux ans, en raison de l’immaturité à cet âge.
M. René-Pierre Signé. Mais ces parents ont été sélectionnés pour ces entretiens !
M. Pierre Martin. Il ne s’agit pas d’une invention de ma part : c’est un constat !
Madame la secrétaire d'État, vos efforts viseront-ils à développer les jardins d’éveil ? Je sais que notre collègue député Michèle Tabarot a mis en place une structure de ce type dans sa commune, à la grande satisfaction des familles. Voyons si cet exemple peut être suivi ailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il convient de juger sur pièces avant de déclarer, par principe, qu’un système ne vaut rien ! Il faut toujours mener une expérimentation, puis en tirer les conclusions. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
De surcroît, et c’est un autre de nos constats, le taux de scolarisation à l’âge de deux ans est de moins en moins élevé, en particulier dans les milieux défavorisés, où elle serait pourtant la plus nécessaire.
Mme Françoise Cartron. Parce qu’il n’y a pas de places !
M. Pierre Martin. Non, les places existent.
Une grande ambition pour la petite enfance et pour les jeunes ? Nous y sommes tout à fait favorables, car il faut prendre en compte le jeune enfant et essayer de lui faire percevoir les valeurs qui, demain, lui permettront de devenir un citoyen heureux.
Un citoyen heureux, mes chers collègues, tel est l’objectif qui doit guider la politique de notre pays.
M. René-Pierre Signé. Vive le bonheur !
M. Pierre Martin. Cela suppose que différents ministères travaillent ensemble. Que le ministère de l’éducation nationale soit concerné, c’est normal. Que le ministère des solidarités et de la cohésion sociale soit concerné, c’est également normal. Mais le ministère du travail l’est tout autant, car l’accueil des jeunes enfants a des retombées économiques, puisqu’il est créateur d’emplois. Encore faut-il, il est vrai, disposer de personnes formées. On ne fait pas n’importe quoi dans le domaine de la petite enfance. Je le regrette, mais les enseignants n’ont pas une formation spécifique pour l’école maternelle.
Mme Françoise Cartron. De formation, ils n’en ont plus du tout !
M. Pierre Martin. Nous souhaitons, pour notre part, qu’une telle formation soit dispensée aux personnes qui s’occuperont de la petite enfance, afin que ce préapprentissage avant l’entrée à l’école maternelle permette aux enfants d’aborder la scolarité avec plaisir et la volonté de réussir, volonté qui apparaît dès le jeune âge.
M. René-Pierre Signé. Vœu pieux !
M. Pierre Martin. Quel beau challenge ! Madame la secrétaire d'État, mettez-vous autour d’une table avec vos collègues des autres ministères pour continuer d’agir dans l’intérêt de nos enfants et faire en sorte que l’on admire demain la France non seulement pour son école maternelle, mais aussi pour les jardins d’éveil qu’elle aura su créer parce qu’ils sont nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
M. René-Pierre Signé. On va entendre un autre discours !
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? La question qui nous est posée nous offre l’occasion de débattre plus largement de l’ambition qui doit animer notre pays en matière de construction et d’épanouissement des plus jeunes, avec une double exigence de progrès et de justice.
Depuis des années, les parents, les professionnels et les élus locaux n’ont eu de cesse d’alerter le Gouvernement sur les déficits quantitatif et qualitatif qui rendent toujours plus difficile l’accueil des jeunes enfants.
Aujourd’hui, du point de vue du « stock » des disponibilités, 500 000 places d’accueil font défaut. Cette estimation comprend non seulement les demandes non satisfaites, mais également les besoins, pourtant réels, non exprimés par les familles, en raison de l’absence de structures d’accueil de proximité ou parce que l’un des deux parents est sans emploi.
Ce sont en premier lieu les publics les plus défavorisés qui se trouvent exclus, alors même qu’ils devraient être prioritaires.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait d’accord !
M. René-Pierre Signé. Bien dit !
Mme Françoise Cartron. Nicolas Sarkozy avait annoncé la création de 200 000 places d’ici à 2012. Il s’agissait certes d’un effort, mais cette ambition est très en deçà des besoins avérés. Le compte n’y est pas. Quant aux 8 000 places annoncées dans les jardins d’éveil destinés aux enfants âgés de deux ans à trois ans, à la charge totale des familles et des collectivités, je le rappelle,…
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. … combien, aujourd'hui, sont disponibles réellement ?
Ce manque d’investissement quantitatif s’accompagne d’un recul inquiétant du point de vue qualitatif. À force de chercher à échapper aux règles de fonctionnement public et de diminuer la proportion des professionnels les plus qualifiés, c’est la qualité même de l’encadrement apporté aux enfants que l’on met en cause.
De plus, toutes les études le démontrent, l’accueil dans des structures collectives de qualité améliore sensiblement les capacités cognitives et la socialisation des enfants.
Alors que M. le ministre de l’éducation nationale se prononce sur les dispositifs à mettre en place pour lutter contre le décrochage scolaire, nous souhaitons lui rappeler que les racines de l’échec sont à chercher bien en amont, entre la naissance et l’âge de six ans, c’est-à-dire justement durant la petite enfance.
Or ce manque d’investissement dès le plus jeune âge est tristement préjudiciable pour les enfants, notamment pour ceux qui sont les plus fragiles sur le plan social.
Décidément très concernée par cette problématique, Mme Bruni-Sarkozy elle-même a rappelé, le 17 mai dernier, dans le cadre de sa fondation, qu’une prévention efficace de l’illettrisme n’avait de sens que si elle intervenait dès la petite enfance.
Or nous constatons avec inquiétude, année après année, le démantèlement en règle de l’accueil des enfants de moins de trois ans à l’école maternelle, malgré les qualités incontestables de cette préscolarisation, reconnues par nombre de chercheurs et spécialistes de la petite enfance.
Je reviendrai sur des chiffres cités par mes collègues précédemment : alors que 35 % des enfants de deux à trois ans étaient préscolarisés en 2000, ce pourcentage est tombé à moins de 14 % et, dans des zones sensibles comme la Seine-Saint-Denis, là où les besoins sont les plus criants, il est inférieur à 5 %.
Au travers d’une application aveugle de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, vous abandonnez des milliers et des milliers d’enfants dans le vide éducatif ainsi créé !
Par ailleurs, l’accueil de la petite enfance ne constitue pas seulement un facteur déterminant dans l’égalité des chances et la prévention contre l’échec scolaire, il est également un instrument au service de l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme Françoise Cartron. En effet, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pèse davantage sur les femmes, au premier rang desquelles les moins qualifiées et les familles monoparentales.
L’arrivée des enfants contraint les femmes à interrompre ou à réduire leur activité, ce qui explique en grande partie les écarts de salaires constatés - ceux des femmes stagnent depuis quinze ans - et le fait que le temps partiel soit à presque 82 % féminin. La situation très négative des femmes en matière de taux de retraite est le reflet et la conséquence de ces carrières discontinues.
À cet égard, la réflexion sur la petite enfance est indissociable d’une réforme du congé parental. Il avait été préconisé d’instaurer un nouveau congé, plus court, partagé entre les parents, et mieux rémunéré. Le Haut Conseil de la famille proposait qu’une partie du congé soit obligatoirement prise par le père. Où en sommes-nous, madame la secrétaire d'État ?
La petite enfance n’est pas une étape, elle est la première étape, décisive dans le parcours d’un enfant, mais aussi dans la construction de la vie d’un homme ou d’une femme.
Les actions et les projets qui l’accompagnent constituent non seulement un levier essentiel de cette égalité des chances chère à notre République, mais aussi un facteur primordial pour le grand chantier encore inachevé que représentent l’émancipation des femmes et l’accès à la liberté de construire leur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, possibilités d’accueil insuffisantes, qualités d’accueil inégales, reproduction précoce des inégalités sociales, impact sur l’insertion professionnelle des femmes, je pense que mes collègues ont été clairs.
Nadine Morano a augmenté le nombre d’enfants à accueillir par les assistantes maternelles et a réduit les personnels qualifiés.
Luc Chatel supprime des postes d’enseignant en maternelle et les places occupées par les enfants âgés de deux ans à trois ans en structures d’accueil ne sont plus disponibles pour les tout-petits.
Le Gouvernement gère la pénurie par la dégradation !
Les « jardins d’éveil » sont dans cette logique, dépourvus de garantie qualitative, générateurs d’inégalités, de coût pour les parents, de charge sans transfert pour les collectivités locales.
C’est bien dans la petite enfance et non dans les classes préparatoires aux grandes écoles que commence l’égalité républicaine.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est à ce moment, par exemple, que nous devons être le plus vigilants sur la santé, par l’alimentation et par l’environnement immédiat.
La prévention précoce doit être prévenante et non sécuritaire. Quant à l’accès aux soins médicaux et psychologiques, il doit être gratuit. Or ces services subissent eux aussi des restrictions.
Nous sommes toujours en attente de normes sur l’air intérieur, alors que subsistent sur le marché des offres de matériaux et de meubles, pour les classes et les crèches, dangereusement émissifs en produits cancérigènes et perturbateurs endocriniens.
Quant aux repas, à cet âge, la variété, l’absence de pesticides ou d’excès de sel, de sucre, de graisses « trans », appellent à des règles plus contraignantes pour l’agro-alimentaire mais plus ouvertes aux confections locales.
Le temps de chaque être en devenir porte les germes de notre avenir commun.
C’est à ce moment que se préparent des rapports sociaux apaisés, égalitaires et respectueux, dont les fondations sont l’égalité entre les sexes, le goût de la diversité, l’envie de capacités narratives.
Les conditions d’une politique ambitieuse sont multiples, mais elles passent par un service public de la petite enfance cohérent, avec une place confiante pour le tissu associatif, dans le cadre de politiques éducatives territorialisées élaborées par des instances décisionnelles mises en place à l’échelle du bassin de vie.
Ce secteur ne peut pas relever du champ de la directive Services, de la concurrence et de la marchandisation.
Au-delà des « places », ce qui est en cause, c’est aussi une question d’approche. Or cela s’acquiert et cela peut même se valider.
Il est nécessaire que la formation des professionnels de la santé et de la petite enfance prenne mieux en compte la dimension du développement somatique et affectif du tout-petit, ainsi que l’importance de l’empathie, de l’émerveillement et de l’épanouissement.
Les parents, acteurs premiers et centraux, doivent être reconnus et soutenus. Ils doivent avoir le droit au choix.
Veiller à la petite enfance, c’est aussi aider à la parentalité, aux lieux passerelles dans l’école, aux formations douces, au temps d’accompagner, de regarder grandir, de partager des moments de bonheur avec ses enfants – et ceux des voisins, et sans doute pas en « travaillant plus pour gagner moins », dans la souffrance !
La disponibilité des parents est, en effet, partie prenante de l’éducation à la maison et de la participation à la mosaïque d’acteurs hors de la maison. Elle est aussi la garantie que la télévision ne devienne pas la nourrice, livrant à la publicité aliénante les petits cerveaux très influençables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ambition que l’on peut nourrir pour l’enfant ne peut se séparer de son milieu ambiant et de son environnement parental. La croissance de l’enfant passe par différentes phases ou paliers successifs bien connus et qui peuvent être évalués suivant des normes mesurables.
On voit que les écarts entre les enfants issus de milieux différents vont en s’élargissant au fur et à mesure qu’ils avancent en âge et que l’on peut citer et tester les paliers successifs.
À la crise d’opposition des trois ans succède une période de séduction marquée par l’imitation des adultes et la recherche de l’accord affectif. Puis, l’éveil de la conscience réfléchie se poursuit par la prise de conscience de soi comme enfant. Enfin, le besoin de se situer dans le monde ambiant amène l’enfant à s’insérer dans de petits groupes clos ayant leurs règles qui intensifient le lien social.
Cependant, madame la secrétaire d'État, le développement normal ne se fait pas dans le vide ni à partir de rien ; le cadre dans lequel il apparaît comporte l’influence de deux variables majeures : l’hérédité et le milieu. Leur importance respective a fait l’objet de nombreuses études. L’importance de l’hérédité des caractéristiques psychiques dans le destin individuel a été battue en brèche au bénéfice de celle du milieu, qui s’exerce par le biais de l’éducation.
Toute ressemblance de caractère que l’on peut observer entre parents et enfants est attribuée à l’imitation précoce. La transmission héréditaire des caractéristiques individuelles paraît beaucoup plus liée au milieu culturel des parents qu’à des données génétiques. Les études de René Zazzo sur les jumeaux homozygotes – c’est-à-dire nés d’un même ovule et du même spermatozoïde et qui ont un potentiel héréditaire strictement identique – ont démontré que, si ces jumeaux sont élevés dans des milieux socio-économiques différents, leur niveau intellectuel n’est plus identique, la différence étant toujours en faveur du jumeau qui a grandi dans le milieu le plus favorisé.
Le milieu socioculturel agit par ces modèles de comportement, donc par les conditions éducatives. Et son influence est déterminante par le fait même que la relation enfant-milieu structure le moi de l’enfant.
Les inégalités éducatives ne sont pas seulement un problème scolaire, elles revêtent aussi un aspect social. L’origine sociale dicte l’imitation précoce. C’est cette inégalité que l’école doit gommer, et qu’elle gomme partiellement si on lui en donne les moyens. L’ambition que l’on peut avoir pour la petite enfance se situe bien là !
Notre position et notre insistance pour l’ouverture de la maternelle à deux ans et pour l’aide personnalisée efficace n’ont pas d’autres fondements. Foin des jardins d’éveil, qui ne sont que des garderies ! Une intelligence éveillée et stimulée très tôt permet à l’enfant de se développer dans des conditions les meilleures et d’atteindre des niveaux inaccessibles à des élèves qui n’ont pas bénéficié de conditions socio-économiques et culturelles identiques et qui en ont pâti, sans que leur intelligence puisse être mise en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois vous avouer qu’au tout début de ce débat consacré à un sujet d’ampleur pour notre société, ma joie profonde d’être présente parmi vous pour ce moment important fut altérée par un sentiment de déception, heureusement passager. (Exclamations sur diverses travées.)
Quand j’ai entendu Mme Pasquet élargir le débat et lui donner un périmètre extrêmement vaste et général, j’ai craint quelques instants que cette dimension nouvelle ne nous fasse oublier l’enjeu de notre échange. Si ma déception n’a été que passagère, c’est parce que les orateurs ont tenu – et ils ont eu raison – à recentrer le débat sur la question que vous avez souhaité inscrire à l’ordre du jour sur l’initiative du groupe CRC-SPG.
Quelle ambition pour la petite enfance ? Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité vous interroger sur cette ambition tout à fait considérable, ce que je veux naturellement souligner.
Loin de se résumer à une arithmétique de places en crèches à l’aune de laquelle elle est trop souvent réduite ou évaluée, la politique de la petite enfance dans notre pays est porteuse de très nombreux enjeux qui lui donnent une dimension absolument centrale et primordiale dans notre société.
Favoriser la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle pour les parents, en particulier pour les femmes, est un vecteur essentiel de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans notre pays. C’est à cette fin qu’il faut renforcer et diversifier les modes d’accueil de la petite enfance.
C’est tout l’objet du plan de développement des modes d’accueil de la petite enfance voulu par le Président de la république, le plan « 200 000 places », dont nous sommes fiers des résultats actuels, j’y reviendrai.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut également garantir aux enfants un cadre sécure, pour reprendre une thématique chère à Boris Cyrulnik, cadre dans lequel ils peuvent grandir, s’épanouir et devenir des adultes responsables et confiants, base de la société de demain. Cela implique de pouvoir leur apporter, à eux qui sont les plus fragiles, des solutions de protection, quand leur famille souffre. Cela suppose l’organisation, en collaboration étroite avec les conseils généraux, d’un dispositif pérenne, souple et performant de protection de l’enfance.
Enfin, il s’agit d’élaborer une aide, un soutien à la parentalité digne de ce nom qui permette non seulement aux parents d’accueillir l’enfant dans les conditions les meilleures pour sa croissance, son éducation, mais aussi aux familles de se construire grâce à de solides fondamentaux.
Je commencerai par les modes d’accueil de la petite enfance, question qui, je le sais pour l’avoir entendu tout au long de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, est au cœur de vos préoccupations.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les modalités d’accueil de la petite enfance dans l’objectif d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, à travers une offre à la fois quantitative – le nombre de places – et qualitative - la diversification intelligente et sensible des modalités d’accueil. Cela concerne également l’intégration des enfants handicapés dans les structures d’accueil ; j’ai bien entendu que c’était l’une de vos préoccupations.
Je brosserai d’abord le tableau de la situation de notre pays.
La situation de la France en matière d’offre d’accueil est enviée et souvent citée en exemple, notamment par nos voisins européens.
Avec 342 000 places en accueil collectif et 415 000 assistants maternels agréés, le taux de couverture des besoins pour les enfants âgés de moins de trois ans approche 48 %. Certes, on peut regretter qu’il ne soit pas supérieur, mais il faut rappeler que ce seuil est largement supérieur à celui qui a été fixé pour 2010 par le Conseil européen de Barcelone, en 2002.
Le Gouvernement entend mettre à la disposition des familles toute la palette de solutions d’accueil et apporter, outre une réponse quantitative, une réponse qualitative associée – crèches collectives, crèches familiales, jardins d’enfants et jardins d’éveil, assistants maternels ou maisons d’assistants maternels, etc. –, afin de permettre aux familles un choix aussi peu contraint que possible et adapté à leur situation spécifique. Ce sont des sujets que Monique Papon ou Françoise Cartron ont évoqués au cours de leurs interventions.
Nous le savons bien, le dynamisme démographique de notre pays, avec une moyenne de 2,01 enfants par femme en 2010 – soit 828 000 naissances en 2010 –, n’est pas étranger à cette politique. Ces résultats positifs vont de pair avec un important investissement réalisé en direction des familles couvrant toute la période de l’enfance. Le récent rapport de l’OCDE le souligne.
Le Gouvernement fait preuve d’une volonté réaffirmée et pérenne d’amélioration continue de l’offre d’accueil – pérenne, car ces politiques se construisent dans la constance et dans la durée -, pour répondre aux besoins des familles et permettre cette conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Cette volonté s’est concrétisée par le lancement d’un plan ambitieux de développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, le plan « 200 000 places », qui est considérable.
Cet objectif semble en voie d’être atteint au regard des résultats obtenus sur les deux premières années du plan, en 2009 et en 2010.
Pour ce qui est de l’accueil collectif, la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012 entre l’État et la CNAF prévoit la création de 100 000 places supplémentaires d’accueil collectif, au moyen d’un effort exceptionnel de 1,3 million d'euros supplémentaires d’ici à 2012 pour le Fonds national d’action sociale.
Les premiers chiffres disponibles montrent que cet objectif est accessible.
En 2009, 20 303 places supplémentaires ont été créées, ce qui a permis de dégager 46 000 solutions de garde supplémentaires pour les parents. La CNAF observe en effet qu’une place d’accueil existante permet en moyenne d’accueillir plus de deux enfants par place.
En 2010, environ 20 000 places supplémentaires ont également été créées, ce qui a permis – comme en 2009 – de dégager 46 000 nouvelles solutions de garde supplémentaires.
Au total, la création d’environ 40 303 solutions d’accueil collectif supplémentaires en deux ans, sur 2009-2010, a permis d’apporter aux parents près de 92 000 nouvelles solutions nouvelles de garde supplémentaires.
Nous sommes particulièrement attentifs à ce que les droits ouverts aux familles puissent faire l’objet d’une information extrêmement stricte. Madame Assassi sachez que le Gouvernement veille à ce que les CAF dans leur fonctionnement garantissent aux familles les meilleures conditions d’accès à l’information.
M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas assez !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne la CAF de la Seine-Saint-Denis, nous sommes attentifs à l’évolution de la situation. Le délai actuel pour le « stock » est de neuf jours, soit un délai très supérieur à la moyenne nationale, qui est d’environ cinq jours.
M. Guy Fischer. Toutes les CAF sont en situation tendue !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Il s’agit là d’un sujet constant. Toutefois, le président de la CNAF mais aussi l’ensemble des personnels concernés manifestent la volonté réelle d’apporter une réponse aussi rapide que possible, notamment par la mise en œuvre de solutions de délestage.
M. Guy Fischer. Il faut leur donner des moyens humains !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Mais l’État s’est également engagé à développer la garde d’enfants dans le cadre de l’accueil individuel, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’objectif a également été fixé à 100 000 créations nettes de places nouvelles auprès des assistants maternels à l’horizon de 2012.
Là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, les premiers chiffres disponibles indiquent que ces engagements seront tenus. Ainsi, grâce à un ensemble de mesures portées par les précédentes lois de financement de la sécurité sociale, en 2009, 21 200 solutions nettes de garde supplémentaires ont été créées et, en 2010, environ 20 708. C’est un apport considérable qui est synonyme d’une plus grande fluidité pour les familles.
J’évoquerai maintenant les perspectives pour 2011 et pour 2012.
La montée en charge des créations de places nouvelles, qui s’inscrit dans le même mouvement et témoigne du même volontarisme, est progressive et va s’accélérer en fin de convention d’objectifs et de gestion, dans la mesure où les partenariats et les financements sont déjà en place.
Le décompte du nombre de projets en accueil collectif, comparable à celui des années précédentes, permet d’ailleurs de prévoir la création d’au moins 20 000 places supplémentaires par an d’ici à 2012.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je le confirme ici devant vous : l’objectif global de 200 000 places nouvelles inscrit dans le plan est accessible dans le délai fixé.
À l’occasion de ce bilan à mi-parcours de l’exécution du plan de développement de la garde d’enfant 2009-2012, je dois indiquer que plusieurs mesures sont à l’étude, le Gouvernement envisageant notamment de continuer à revaloriser les formations des personnels encadrant les jeunes enfants, qu’il s’agisse des structures collectives ou des assistants maternels.
Le Gouvernement a mis en place de nombreuses mesures législatives, réglementaires et financières d’envergure pour développer l’accueil de la petite enfance, car, dans ce domaine, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, l’incantation n’est pas de mise.
Le développement de la garde d’enfants s’accompagne d’un plan « métier petite enfance » commun avec les métiers du secteur médico-social, lancé au mois de décembre 2008 et destiné à réformer l’accueil en direction de l’éveil éducatif. Après deux ans d’application, Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons décidé de demander un point d’étape dont les résultats nous seront transmis au cours du mois de juin prochain.
Toutefois, nous pouvons d’ores et déjà établir un certain nombre de constats.
Ainsi, les promotions de nouveaux diplômés se révèlent insuffisantes en nombre au regard des besoins de recrutement des structures d’accueil. En outre, le niveau actuel de la formation professionnelle – vous êtes nombreux à l’avoir souligné – n’est pas adapté aux attentes actuelles dans le domaine pédagogique pour les enfants de zéro à trois ans.
Une vision souvent trop « sanitariste » de ces questions reste en vigueur dans notre pays et il est important, je le redis à Muguette Dini qui s’est exprimée sur ce sujet, d’envisager une évolution qui permette d’adapter le profil de ces professionnels à cette exigence de médiation pédagogique avec la petite enfance, développant ainsi les capacités de l’enfant et le préparant à ce que sera son parcours.
Parallèlement à l’objectif quantitatif de création de nouvelles places d’accueil diversifié pour la petite enfance, il faut réformer pour améliorer la qualité de ces accueils, en formant des professionnels qui seront chargés de dispenser une éducation centrée sur les besoins pédagogiques de la petite enfance, et non plus uniquement sur la santé ou l’hygiène, même si cela reste indispensable.
C’est cette interaction entre éducation et accueil que va permettre cette nouvelle formation pour les professionnels d’accueil de la petite enfance, dans un dispositif de professionnalisation accrue, adapté à une société qui, à juste titre, attend beaucoup de ses prochaines jeunes générations. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de réforme est actuellement en cours d’élaboration.
Un effort financier exceptionnel est prévu dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF le 9 mars 2009, compte tenu de la situation générale des finances publiques.
Malgré leur restriction entre 2009 et 2012, les moyens financiers auront au total augmenté de 7,5 % par an en moyenne, soit plus de 1,3 milliard d'euros, parmi lesquels plus de 900 millions d'euros auront été spécifiquement consacrés à l’accueil de la petite enfance.
Des mesures législatives permettront de faciliter le travail des assistants maternels sur la même période. Je veux évidemment citer l’article 108 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 autorisant les regroupements d’assistants maternels et autorisant la possibilité d’agrément de base d’assistant maternel pour quatre enfants.
La loi relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels, qui crée un encadrement juridique pour les maisons d’assistants maternels, fixe à deux le nombre minimal d’enfants dont l’accueil peut être autorisé et prévoit la délégation d’accueil entre assistants maternels exerçant dans ces établissements.
La maison d’assistants maternels répond particulièrement aux besoins de certains territoires de notre pays. Je pense en particulier à la situation très spécifique des zones rurales ou des zones à faible potentiel financier.
Monsieur Martin, je retiens avec beaucoup d’intérêt votre proposition – vous répondez ainsi aux préoccupations exprimées par Muguette Dini - face à une normativité excessive qui empêcherait le développement et le bon fonctionnement de ces établissements. Je crois avec vous, monsieur le sénateur, qu’une proposition de loi d’origine sénatoriale permettrait des évolutions dans ce domaine. C’est tout à fait dans cet esprit que le Gouvernement pourrait envisager la « flexibilisation » de ces dispositifs.
L’article 104 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit que les assistants maternels peuvent bénéficier également d’un prêt à l’amélioration du lieu d’accueil, dès lors qu’ils exercent leur activité à domicile ou au sein d’une maison d’assistants maternels. J’insiste, car c’est une condition clef de l’exercice de leur activité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ferai grâce des mesures réglementaires en tout genre qui permettent d’assouplir et de diversifier les modes d’accueil. Ils concernent les établissements et services d’accueil d’enfants de moins de six ans – crèches, haltes-garderies –, les prêts à taux zéro pour l’amélioration du lieu d’accueil, le référentiel de l’agrément des assistants maternels, et que sais-je encore. Ces mesures réglementaires sont tout entières tournées vers l’efficacité des réponses que nous pouvons apporter pour l’accueil de la petite enfance.
Des mesures d’accompagnement pour les professionnels du secteur sont également prévues. Ainsi, le guide de l’accueil de la petite enfance, destiné aux services de PMI et aux porteurs de projets, est actualisé. Toutefois, doivent y être intégrées des dispositions de l’arrêté sur les professionnels. Ce document constituera un outil utile pour les professionnels du secteur.
Le ministère élabore un référentiel de l’agrément chez les assistants maternels, pour apporter à ces professionnels les informations nécessaires sur les conditions d’exercice du métier et les droits et obligations qui s’y rattachent. Cela permettra plus de sécurité et de fiabilité de ces modes de garde.
Nous avons également organisé une journée technique avec les départements et les organisations professionnelles en mars 2010, qui a permis d’aborder un ensemble de questions très précises. Une nouvelle réunion devrait d’ailleurs avoir lieu à la fin de 2011 ou au début de 2012 sur le même sujet.
Je tiens aussi à rappeler les mesures spécifiques prises en faveur des publics touchés par la précarité, ces questions ayant été posées par plusieurs d’entre vous, je pense en particulier à Françoise Cartron et Marie-Christine Blandin.
Différentes mesures ont été mises en œuvre afin de répondre au mieux aux problématiques d’accueil liées à la précarité et à l’insertion. Un appel à projets a été lancé pour développer des modalités d’accueil qui répondraient aux besoins spécifiques des publics en insertion et précaires, dans le cadre du plan « espoir banlieue ».
Par ailleurs, et c’est un point crucial si j’en juge aux questions que vous avez posées, la possibilité de bénéficier d’un suivi particulier pour l’accueil des jeunes enfants est prévue au profit des allocataires du revenu de solidarité active. En effet, je vous rappelle que, parmi les droits connexes du RSA, existe notamment la possibilité d’un accès aux établissements et aux services d’accueil de la petite enfance. En 2010, une enveloppe de 120 millions d’euros a été versée aux préfets de départements pour financer ce dispositif.
Enfin, les enfants accueillis au titre de cette garantie peuvent continuer à en bénéficier, quand bien même leurs parents, qui auraient retrouvé un emploi, ne répondraient plus aux conditions prévues initialement. Il s’agit de ne pas fragiliser les intéressés par un décrochage de cette mesure d’aide à la garde de l’enfant.
Si vous me le permettez, je consacrerai un rapide développement à l’accueil en structure des jeunes enfants handicapés, question qu’a abordée Françoise Laborde et qui me tient beaucoup à cœur, ainsi qu’à Paul Blanc.
Les conditions d’accueil de ces enfants ont été formalisées, comme vous le savez, par une lettre circulaire du 24 février 2010 de la CNAF, intitulée : « Mesures en faveur de l’accueil des enfants en situation de handicap dans les établissements d’accueil de jeunes enfants et les accueils de loisirs ».
Ce document a pour objet, d’une part, de rappeler les dispositions existantes, c’est-à-dire les prestations légales et d’action sociale en faveur de l’intégration des enfants en situation de handicap, d’autre part, de présenter les nouvelles dispositions réglementaires visant à favoriser leur accueil dans les structures d’accueil de jeunes enfants et les accueils de loisirs et, enfin, de préciser les contours de l’appel à projets, qui vise à favoriser leur accueil dans des structures de droit commun.
Madame Laborde, vous avez évoqué la question particulière de l’autisme, notamment la scolarisation des enfants atteints d’un syndrome autistique. Je veux vous rappeler l’effort considérable du Gouvernement dans ce domaine. Vous le savez bien, l’accueil de l’enfant autiste à l’école n’est pas si simple. Il faut pour lui un projet d’accueil personnalisé et un projet de scolarisation qui nécessitent une bonne compréhension du milieu scolaire et de ce qu’est l’autisme, faute de quoi le succès escompté ne sera pas au rendez-vous.
Cependant, je crois, comme vous, à l’intérêt de la scolarisation des jeunes autistes, chaque fois que c’est possible, ainsi qu’à la mise en œuvre d’un projet personnalisé pour ces enfants.
Je souhaite enfin faire le point sur la question de la préscolarisation des enfants de deux à trois ans qui, je le sais, fait l’objet de nombreux débats, y compris dans cet hémicycle.
Plusieurs aspects complémentaires doivent être examinés de manière précise pour évaluer les éventuels effets positifs de la préscolarisation d’un enfant de deux ans, notamment pour ce qui est des résultats scolaires futurs et du bien-être de l’enfant.
Je crois qu’en ce domaine les positions doctrinales trop arrêtées, fermées sur elles-mêmes, ne sont pas les meilleures. Il me semble tout de même que l’on peut se mettre d’accord sur l’idée que la place naturelle du très jeune enfant, l’enfant de deux ans, n’est pas a priori dans l’école de la République. Cet âge-là est trop précoce.
Pour autant, il ne faut pas systématiquement l’exclure dès lors que les questions tant de l’intérêt de l’enfant et de la famille que de la continuité du service public se posent. Telle est la position du Gouvernement.
Concernant les effets sur les résultats scolaires, je rappelle qu’une étude conduite en 2003 par la direction des études et de la prospective de l’Éducation nationale a mis en évidence le fait que la préscolarisation a des effets positifs lorsque l’enfant évolue dans un cadre familial propice. Ce n’est en revanche pas le cas lorsque l’enfant ne fait pas l’objet d’un accompagnement familial étroit.
Ensuite, le bien-être de l’enfant peut être affecté, notamment en cas de préscolarisation trop précoce et sous contrainte, en raison, comme vous le savez, du taux d’encadrement, qui est plus faible à l’école maternelle que dans les autres modes de garde préconisés à cet âge-là.
Je rappelle que la réglementation impose en crèche un adulte pour cinq enfants de moins de un an et un adulte pour sept enfants entre un an et trois ans, alors que le taux d’encadrement est de un pour quinze à l’école maternelle.
C’est la raison pour laquelle nous accordons tellement d’attention aux possibilités offertes par les jardins d’éveil, le taux d’encadrement y étant plus approprié à l’âge de deux ans. En organisant une transition nécessaire entre la famille et les modes de garde collectifs, les jardins d’éveil permettent d’atteindre un objectif de médiation pédagogique bénéfique pour l’enfant. En outre, ils mettent l’enfant en mesure de comprendre que, dans un environnement attentif et adapté, il peut prendre le risque d’apprendre, d’être lui-même, bref, de se préparer naturellement à sa vie d’homme.
C’est pourquoi, alors que plusieurs d’entre vous, notamment Monique Papon, ont interpellé le Gouvernement sur cette question, je tiens à réaffirmer que l’expérimentation qui est en cours aujourd’hui continuera, et j’ajoute que les jardins d’éveil n’ont vocation à se substituer ni à l’école maternelle ni à d’autres modes de garde. Ils constituent néanmoins une offre complémentaire, dans une logique de préscolarisation.
Nous avons prévu les moyens nécessaires à la création de 8 000 places en jardin d’éveil durant la période 2009-2012, à condition, bien sûr, que l’expérimentation se révèle suffisamment concluante.
J’aborde maintenant le dernier point de mon intervention, l’attention constante portée par le Gouvernement à la protection de l’enfance. Notre politique en la matière s’organise autour de deux axes.
D’une part, une information sur les droits de l’enfant et sur l’enfance en danger est largement diffusée. L’objectif est d’attirer l’attention des adultes sur la fragilité de l’enfant et sa nécessaire protection. Pour cela, je souhaite notamment rappeler l’existence de la Journée internationale des droits de l’enfant, organisée le 20 novembre chaque année. Mes services travaillent actuellement à l’élaboration d’une action d’envergure associant un temps fort de communication et des actions locales en collaboration avec l’UNICEF. Je ne saurais trop insister sur l’importance de cette manifestation.
D’autre part, nous sommes extrêmement vigilants sur la qualité de la prise en charge au titre de la protection de l’enfance. Je précise que le Fonds national de financement de la protection de l’enfance a fait l’objet d’un abondement de l’État et de la branche famille de la sécurité sociale, respectivement de 10 millions d’euros et de 40 millions d’euros, afin de contribuer au renforcement de cet objectif.
Je tiens aussi à dire que la commission d’évaluation des charges transférées n’a pas confirmé, contrairement à ce que vous laissiez entendre, qu’il y aurait aujourd’hui un déséquilibre provoqué par un report non compensé de charges de l’État vers les collectivités territoriales en ce domaine. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Le Gouvernement fait porter ses efforts sur l’accompagnement de la mise en œuvre de la réforme du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance en favorisant une prise en charge de qualité, équitablement répartie sur l’ensemble des territoires. Pour ce faire, des actions sont prévues : publication du décret relatif à la transmission des informations entre services d’aide sociale à l’enfance en cas de déménagement des familles, dès que la proposition de loi d’Henriette Martinez, députée, aura été examinée par le Sénat ; publication en septembre du guide d’actualisation des cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation ; publication en octobre du guide des bonnes pratiques permettant de positionner le travail social dans le cadre de la protection de l’enfance à son juste niveau d’expertise, qui recensera les initiatives significatives prises par les conseils généraux et les associations.
Des expérimentations actuellement en cours dans trois départements ont pour objet de mettre en place des formations territorialisées pluri-institutionnelles et pluri-professionnelles en protection de l’enfance, destinées aux différents acteurs intervenant sur un même territoire, tels que les médecins, les personnels médicaux et paramédicaux, les personnels enseignants, les travailleurs sociaux, des personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, ainsi que, c’est important de le souligner, des personnels de la police et de la gendarmerie.
Ces expérimentations permettront ensuite d’élaborer un vade-mecum pour aider les conseils généraux et les institutions pilotes sur le territoire à mettre en place ce type de formation, en lien avec le Centre national de la fonction publique territoriale.
Enfin, Roselyne Bachelot-Narquin assurera en juin la présidence du comité de suivi de la loi du 5 mars 2007 relative à la réforme de la protection de l’enfance.
M. René-Pierre Signé. Si elle fait comme pour les hôpitaux…
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Toutes les actions du ministère seront alors passées en revue afin d’ajuster au mieux la politique en la matière : coordination des acteurs, production d’outils de cadrage de la politique de protection de l’enfance, actions-événements phare et suivi effectif des mesures.
Notre politique de la petite enfance, c’est enfin une politique de soutien à la parentalité, qui passe par la communication auprès des parents, avec l’ouverture en juin 2011 d’un site internet sur la parentalité. Ce site comprendra des informations générales par entrées thématiques – l’arrivée de l’enfant, le dialogue avec l’enfant, sa santé –, des liens avec des sites dédiés, une carte de France interactive effectuant le recensement des centres ressources, des fiches contenant des réponses aux questions les plus fréquentes, un espace de documentation, bref, un foisonnement d’informations à destination des parents.
Nous accompagnons également l’élaboration et la duplication d’actions innovantes sur ce sujet. Pour ce faire, Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même organisons en novembre, en collaboration avec la Caisse nationale des allocations familiales, un colloque sur le soutien à la parentalité. Même si le positionnement de l’État sur ce thème est somme toute récent, il a été fortement réaffirmé en 2010, avec la création du Comité national de soutien à la parentalité, présidé par le ministre chargé de la famille, en l’occurrence Roselyne Bachelot-Narquin.
Pourtant, ce concept de soutien à la parentalité a encore besoin d’être consolidé dans sa définition, ses expériences et ses évaluations. C’est pourquoi ce débat organisé aujourd’hui sur l’initiative du Sénat est important, dans la mesure où il permet de rassembler une diversité de points de vue sur l’ensemble de ces sujets.
La coordination des acteurs doit par ailleurs permettre la cohérence et la continuité de l’action.
Vous le voyez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, les efforts qui sont consacrés par le Gouvernement à la politique de la petite enfance sont nombreux, variés et constants. Nous savons combien la place faite au petit enfant dans notre société est primordiale pour son bien-être, pour sa capacité d’adulte en devenir, mais aussi pour l’équilibre de ses parents et des familles. Tout cela concourt, au bout du compte, au bon fonctionnement de la société tout entière.
J’évoquerai à nouveau Boris Cyrulnik, qui mérite d’être entendu quand il évoque la famille en tant que base sécure. L’État ne peut pas remplacer les familles, mais il doit les soutenir dans la constitution de cette base sécure, qui permet au futur adulte de construire son chemin vers la citoyenneté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat : « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? ».
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 26 mai 2011 :
À neuf heures :
1. Débat sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART