Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon.
M. Alain Chatillon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la surcharge pondérale et l’obésité ont connu une hausse spectaculaire au sein de la population adulte européenne.
En Europe, un adulte sur deux est en surpoids et un sur six est obèse. La France compte 20 millions de personnes en surpoids ou obèses. Une étude de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, sur des données de 2002 situe le coût de l’obésité dans notre pays entre 1,5 % et 4,6 % des dépenses de santé.
La consommation moyenne de soins et de biens médicaux d’une personne obèse s’élèverait à environ 2 500 euros, soit le double de celle d’un individu non obèse. Selon cette étude, les dépenses de santé liées à l’obésité atteindraient 2,6 milliards d’euros, et 2,1 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
L’obésité s’avère jouer un rôle central dans le développement d’une série de maladies chroniques, dont le diabète non insulinodépendant, c’est-à-dire le diabète de type 2 – plus de 80 % des diabètes sont liés à l’obésité –, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, mais aussi certains cancers et des maladies respiratoires et articulaires, sources de handicap.
La lutte contre l’obésité et le surpoids est devenue une priorité en Europe et dans tous les pays de l’Union. Les politiques de santé publique doivent considérer le problème à sa base : c’est en traitant le surpoids que l’on pourra endiguer la déferlante de l’obésité.
En effet, les études ont démontré que les sujets atteints de surcharge pondérale avaient 90 % de risques de développer une obésité.
L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a publié le 12 mai dernier son avis relatif aux pratiques de régimes à visée amaigrissante. Ses conclusions doivent nous alerter, dans la mesure où, dans ces pratiques, se côtoient le pire et le meilleur, et nous amener à tirer une série de conclusions concernant la recherche pour lutter contre l’obésité et pour améliorer le contrôle du poids.
Concernant l’alerte, nous devons être très vigilants face aux discours qui véhiculent une image faussée du corps. La communication et les actions de prévention de l’obésité, comme celles qui portent sur les enjeux de la perte de poids, doivent être ciblées sur les personnes à risque.
Des actions tous azimuts ont souvent des effets contre-productifs à moyen terme en poussant des populations normales à s’engager dans des pratiques alimentaires à risque pour tenter d’atteindre une image idéalisée du corps.
L’avis de l’ANSES établit notamment les conséquences néfastes de régimes fantaisistes, fondés sur des privations ou des exclusions, qui ne sont pas des actes anodins, en particulier pour les populations sensibles : adolescentes, femmes enceintes, personnes âgées... Ces régimes fantaisistes entraînent une reprise rapide du poids et ont parfois d’autres conséquences néfastes plus ou moins graves pour la santé.
La réponse n’est évidemment pas dans le laisser-aller, et l’avis de l’ANSES permet d’avancer en ce qui concerne les mesures qu’il conviendrait de promouvoir.
La première conclusion, madame la ministre, est qu’il faut favoriser et faire progresser la recherche sur des régimes sérieux, scientifiquement fondés, de perte et de contrôle du poids. Nous avons de grands laboratoires de recherche publics dont la réputation est désormais internationale. Mais nous avons aussi d’autres atouts : la France a une position industrielle forte sur les marchés de l’alimentation spécifique, avec des entreprises capables de développer une recherche adaptée aux besoins particuliers d’une population cherchant à perdre du poids ou à contrôler son poids. C’est un atout important sur lequel nous pouvons nous appuyer : les équipes de recherche existent, les connaissances sur ce sujet sont accessibles, nous ne partons pas d’un désert scientifique.
Si la première conclusion relève d’un effort de recherche devant être porté par des professionnels, la deuxième conclusion relève davantage du rôle du législateur. Il s’agit de créer un environnement juridique propice à la recherche et au développement de produits permettant de répondre aux problématiques de perte de poids et de contrôle du poids.
Quelle est la situation actuelle ? Il existe une directive-cadre à l’échelon communautaire pour les produits alimentaires diététiques. Celle-ci offre un cadre adéquat dans la mesure où il est à la fois très contraignant pour les entreprises du secteur, mais aussi protecteur pour les entreprises ayant accepté de se hisser à ce niveau de contrainte en termes de sécurité du consommateur et de qualité.
Cette norme européenne a également influencé la construction de normes mondiales – je pense ici au codex alimentarius – et a permis d’élever les produits européens au rang de référence dans les pays tiers. Par son haut degré d’exigence, cette directive a aussi encouragé les entreprises à investir dans la recherche, d’abord pour atteindre et pour conserver le niveau nécessaire, ensuite pour développer des produits plus efficaces.
Cette situation était par conséquent satisfaisante du point de vue tant de la recherche que du développement de notre industrie pour répondre à un problème de société de plus en plus important.
Or cette législation européenne repose sur une évaluation scientifique des risques datant de 1990. Elle demande donc, bien évidemment, à être mise à jour, à la lumière des évolutions des comportements alimentaires et des progrès de la recherche. Il est nécessaire de continuer à assurer, au travers d’un cadre européen commun, un haut niveau d’exigence à l’égard des produits destinés au contrôle du poids ou à la perte de poids. À défaut, l’Europe sera envahie de produits plus ou moins bon marché, vendus sur Internet ou distribués via des circuits divers, qui n’offriront pas la moindre garantie de fondement sur une recherche appliquée.
La principale incitation à la recherche pour les entreprises est de pouvoir valoriser le fruit de plusieurs années d’investissement financier et d’efforts de leurs équipes de chercheurs. Il faut que le cadre légal que nous leur offrons donne l’avantage à des entreprises qui jouent le jeu de la recherche, de la sécurité et de la qualité face à des intervenants qui proposent des « miroirs aux alouettes » aux personnes dont le désir d’améliorer leur silhouette est d’autant plus puissant que les médias transmettent une image faussée du corps humain.
Dernière conclusion, il me semble que notre rôle est de pousser la Commission européenne à proposer une nouvelle version de cette directive-cadre sur les produits diététiques. L’enjeu n’est pas nécessairement de communiquer à tout-va en direction du grand public sur la question de l’obésité, cela peut même s’avérer contre-productif dans certains cas. L’enjeu est plutôt de cibler les personnes à risque, de mettre à leur disposition les moyens de changer leurs comportements alimentaires et d’assurer durablement un contrôle du poids. Il convient de développer la recherche appliquée pour proposer aux personnes qui en ont réellement besoin des outils adaptés. (M. René-Pierre Signé marque son impatience.)
D’où la nécessité de créer un cadre favorable au développement de ces derniers. Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter une résolution en faveur d’une remise à jour de la directive européenne que je viens d’évoquer, spécifique aux produits pour régimes amaigrissants.
Mais, attention, nous avons une industrie qui a de l’avance dans ce domaine et qui est très réglementée. Faisons en sorte d’avoir véritablement, au niveau européen, les moyens de nous exprimer et, au-delà, de mettre en œuvre une politique rigoureuse en matière de santé, particulièrement sur le problème de l’amaigrissement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Deux minutes de dépassement du temps de parole !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, madame le rapporteur, chère Brigitte Bout, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire que je me réjouis tout particulièrement que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ait inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité.
Grâce aux travaux approfondis conduits par le rapporteur Brigitte Bout, nous disposons désormais d’une analyse qui, j’en suis certaine, fera référence sur le sujet. La très grande qualité des conclusions que vous avez présentées, madame la sénatrice, offre un excellent point d’appui à nos discussions d’aujourd’hui comme elles ne manqueront pas d’alimenter la réflexion collective tout au long des mois qui viennent.
Vous l’avez-vous-même souligné : l’obésité est un fléau social qui progresse lentement mais de façon inéluctable. Ce sont vos mots, et, naturellement, je partage le constat que vous venez de dresser.
Les chiffres sont suffisamment alarmants pour qu’on les rappelle : l’obésité chez les adultes français augmente de 5,9 % par an, elle touche désormais plus de 15 % de nos compatriotes et 16 % des enfants sont en surpoids ou obèses, soit quatre fois plus qu’il y a cinquante ans.
Les conséquences sont particulièrement lourdes et préoccupantes, tant sur le plan sanitaire avec la recrudescence des diabètes, des maladies cardiovasculaires ou de certains cancers que sur le plan social et psychologique avec les discriminations et les stigmatisations que l’obésité peut entraîner.
J’ajoute que nos concitoyens ne sont pas égaux devant cette maladie qui frappe beaucoup plus largement et bien plus durement les catégories les plus défavorisées de la population.
Vous l’avez donc très justement dit : l’obésité n’est pas un mal spécifiquement français, mais, contrairement à ce qui a pu longtemps être dit ou écrit, c’est un mal qui a fini par toucher la France, au même titre et dans les mêmes proportions que les autres pays européens.
Pourtant, bien connu en apparence et installé dans les consciences collectives, le développement de cette pathologie reste très mal compris, quant à ses causes, bien sûr, mais aussi quant à la manière de le traiter ou de le prévenir.
La raison de ce paradoxe est simple : jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas fait de l’obésité un objet d’études à part entière, en tout cas pas au même niveau d’exigence et de rigueur scientifique que nous l’avons fait pour d’autres maladies.
L’obésité est en effet une pathologie que nous peinons encore non seulement à traiter, mais à reconnaître comme telle, car nous nous en faisons trop souvent une représentation sommaire, voire simpliste.
Aux yeux de beaucoup, cette maladie mal comprise apparaît comme le fruit d’un simple déséquilibre : d’un côté, l’abondance alimentaire et, avec elle, la tentation de trop ou de mal manger et, de l’autre, la sédentarité qui accompagne la vie urbaine et la tertiarisation de l’économie, avec, à la clef, l’idée qu’il suffirait d’une discipline individuelle pour rééquilibrer la balance entre apports nutritionnels et dépense calorique.
C’est bien cette vision d’une obésité qui serait tout à la fois un mal social et surtout le signe d’une faiblesse de la volonté propre à l’individu qui triomphe lorsque nous qualifions d’« américanisation » le quasi-doublement de la proportion d’obèses dans la population française en un peu plus de dix ans.
De cette vision simpliste nous devons aujourd’hui nous libérer pour nous donner les moyens de comprendre l’obésité et de prévenir efficacement ses formes pathologiques. Car il n’y a pas une mais des obésités, que nous devons apprendre à distinguer soigneusement, de la même manière qu’il n’y a pas une cause unique, mais des causes multiples de l’apparition de cette pathologie.
Certes, l’obésité est pour une part une maladie sociale, mais c’est aussi une pathologie comportementale, qui met en jeu des prédispositions génétiques et des mécanismes physiologiques. Et toutes les formes d’obésité ne mettent pas en jeu ces différents facteurs de la même manière.
C’est pourquoi l’approche nutritionnelle, aussi essentielle soit-elle, ne peut pas être l’alpha et l’oméga de l’analyse scientifique de l’obésité. Comme toutes les approches d’un phénomène complexe, elle a vocation à se combiner avec toutes les autres pour nous offrir une vision complète et approfondie du surpoids et de l’obésité.
C’est précisément dans cet esprit que le Président de la République a lancé un vaste chantier autour de l’obésité : pour rassembler nos forces de recherche concernées par cette pathologie et nous donner toutes les chances de mieux la comprendre pour demain, mieux la traiter et mieux la prévenir.
Vous m’avez, à plusieurs reprises, interrogée sur l’état d’avancement du plan obésité annoncé il y a un an maintenant par le Président de la République et dont la présidence a été confiée au professeur Arnaud Basdevant.
Permettez-moi d’abord de vous dire que les différents ministères concernés ont défini une stratégie commune et collaborent efficacement depuis plusieurs mois déjà. Dans le cadre du programme national pour l’alimentation piloté par le ministère de l’agriculture et du programme national nutrition santé 3 orchestré, lui, par le ministère de la santé, certains axes du plan obésité bénéficient d’ores et déjà de l’action du Gouvernement : je pense en particulier aux mesures mises en œuvre pour améliorer la qualité de l’offre alimentaire et l’accès à une bonne alimentation. C’est le cas, par exemple, des restaurants universitaires, où mon ministère a mis en place des campagnes de communication, mais aussi des ateliers cuisine en lien avec le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires, le CROUS.
Au titre de la seule recherche, le premier temps fort de ce plan obésité fut l’organisation, les 24 et 25 mars dernier, d’un colloque exceptionnel qui a réuni autour du professeur Arnaud Basdevant, dont je tenais à saluer l’excellent travail, des chercheurs et des experts venus de l’ensemble des champs du savoir : de la recherche biomédicale à la génétique et aux neurosciences en passant par les sciences humaines et sociales. C’était la première fois en France qu’une concertation scientifique aussi large était tenue sur une telle pathologie.
De ces heures de réflexion communes est née une vision profondément renouvelée de l’obésité aboutissant à trente propositions d’actions prioritaires qui consacrent ensemble l’importance décisive de la transdisciplinarité.
Car pour comprendre l’évolution des maladies chroniques comme l’obésité, nous devons être capables de prendre en compte l’ensemble des déterminants sociaux et individuels des décisions et des comportements qui ont cours tout au long du développement de la pathologie. Cela est d’autant plus vrai que les facteurs génétiques, physiologiques, environnementaux et comportementaux non seulement s’additionnent mais ne cessent d’interagir entre eux et de former des systèmes qui, pour être mis en lumière, supposent de forger de nouveaux concepts, de nouvelles méthodes et des instruments communs d’analyse.
C’est pourquoi je me réjouis tout particulièrement qu’à l’issue de ce colloque des collaborations fécondes aient vu le jour. Je pense en particulier aux groupes de travail qui ont été mis en place entre les différents instituts de nos deux alliances de recherche thématique dans le domaine de la santé et dans celui des sciences humaines et sociales : l’alliance AVIESAN et l’alliance ATHENA.
Ensemble, nos chercheurs ont d’ores et déjà tracé les contours de programmes scientifiques conjoints, au carrefour de la biologie, de l’imagerie médicale et des sciences humaines et sociales. D’autres projets de recherche verront bientôt le jour, notamment en économie, en sociologie et en psychologie sociale : l’analyse des effets des campagnes d’information de santé publique sur les comportements de consommation en sera l’une des priorités d’études, en lien étroit avec les enjeux de prévention et les différentes propositions que vous avez évoquées tout à l’heure, madame la sénatrice, qu’il s’agisse, par exemple, de la publicité à la télévision ou sur différents médias. Vous avez notamment parlé de la charte du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cette question sera traitée dans le programme national nutrition santé, ce qui permettra de réfléchir à son évolution.
Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, l’AVIESAN. Je peux d’ores et déjà vous dire que le deuxième temps fort du plan présidentiel sera la création, avant la fin de l’année, d’une fondation scientifique consacrée entièrement à l’obésité. Portée par l’AVISEAN, elle permettra de coordonner l’ensemble de nos programmes de recherche, comme ceux que j’évoquais à l’instant, et de mettre en œuvre les axes et les priorités stratégiques définis dans le cadre du plan.
En matière de recherche sur l’obésité, la transdisciplinarité doit devenir la règle et c’est pourquoi je compte beaucoup sur ces futurs partenariats au sein de la fondation pour élargir autant que faire se peut le champ des collaborations entre nos différents chercheurs.
Au-delà du plan présidentiel qui permettra de fédérer nos forces de recherche, je souhaite procéder devant vous à un rapide état des lieux de nos programmes de recherche consacrés à l’obésité et des moyens qui leur sont réservés.
Dans le cadre des financements courants prévus par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, de nombreux appels d’offre concernent naturellement l’obésité, que ce soit d’ailleurs au titre du programme « biologie-santé » ou du programme « écosystèmes et développement durable ». Parmi les plus ambitieux, je pense notamment aux appels PNRA – programme national de recherche en alimentation et nutrition humaine – et ALIA – alimentation et industries alimentaires.
J’ajoute que d’autres projets scientifiques et parmi les plus remarquables ont été retenus dans le cadre de la programmation blanche de l’ANR qui finance des projets totalement créatifs conçus par nos chercheurs eux-mêmes.
Au total, ce sont ainsi près de 22 millions d’euros qui, entre 2005 et 2010, sont allés à la recherche sur l’obésité, ce qui place notre pays parmi les premiers contributeurs européens dans ce domaine.
Avec le plan d’investissements d’avenir qui, vous le savez, consacre 22 milliards d’euros à l’enseignement, à la recherche et à l’innovation, des perspectives bien plus vastes encore s’ouvrent désormais à nous. Car une large part de cette somme ira à la recherche médicale, et la première vague d’appels à projets vient de le démontrer : les ambitions de nos chercheurs en matière de lutte contre l’obésité figurent parmi les plus remarquables.
J’en veux pour meilleure preuve le projet d’institut hospitalo-universitaire cardiologie-métabolisme et nutrition, l’IHU ICAN, qui vient de voir le jour : il donnera naissance à un véritable pôle international de recherche et de soins sur les maladies cardiométaboliques comme le diabète, les insuffisances cardiaques et l’obésité. Il sera situé à Paris, à la Pitié-Salpêtrière, et unira les expertises scientifiques et médicales des équipes de l’université Pierre et Marie Curie et de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Cet IHU permettra l’émergence d’un véritable continuum de recherches et de soins : du laboratoire jusqu’au chevet des patients.
Tel qu’il fut présenté par les chercheurs eux-mêmes lors de leur candidature aux investissements d’avenir, l’objectif de l’IHU est de faire basculer la recherche sur l’obésité et les maladies cardiovasculaires dans l’ère de la médecine prédictive et de prendre en charge les patients à l’échelle de leur vie tout entière, depuis l’identification des susceptibilités individuelles jusqu’au traitement des récidives et des complications en passant par la prévention et le diagnostic précoce.
Sur le plan clinique, cela se traduira par des traitements personnalisés, adaptés aux déterminants génétiques, mais aussi psychologiques et sociaux des malades. C’est dire les espoirs immenses que nous fondons aujourd’hui sur ce projet exceptionnel qui sera demain le fleuron de la recherche française en matière d’obésité. (M. René-Pierre Signé est dubitatif.)
Deux autres projets de tout premier plan ont été retenus dans le cadre des investissements d’avenir. Le projet LIGAN d’abord, au titre des équipements d’excellence, misera sur le séquençage à très haut débit pour mieux comprendre le rôle que jouent certains gènes dans le développement des maladies chroniques comme la maladie d’Alzheimer ou l’obésité. Là encore, la perspective est celle d’une médecine beaucoup plus personnalisée et de traitements adaptés aux caractéristiques génétiques relevées sur les malades obèses.
Le projet EGID – European genomic institute for diabetes – ensuite, au titre des laboratoires d’excellence, permettra d’étudier à très grande échelle l’ensemble des mécanismes qui concourent à l’apparition des désordres métaboliques observés chez un individu donné.
Avec l’IHU ICAN et les projets EGID et LIGAN, ce sont plus de 71 millions d’euros qui ont été consacrés à la recherche sur l’obésité, mais bien d’autres projets ambitieux ont vu le jour dans le cadre des investissements d’avenir. De près ou de loin, un nombre important d’entre eux devraient encore accroître nos chances de lutter avec succès contre cette pathologie.
Je pense notamment aux cohortes en population générale, qui vont nous permettre, sur une longue durée, d’intégrer, de façon directe ou indirecte, l’effets des modes de vie, des habitudes alimentaires ou des transformations de l’environnement socio-économique sur les individus. Le projet I-SHARE, par exemple, porté par l’université de Bordeaux, l’INSERM et l’université de Versailles–Saint-Quentin, nous permettra demain de combler notre manque de connaissances précises sur les jeunes adultes en utilisant tous les outils modernes de communication pour les suivre.
Je pense aussi au projet de labex – laboratoire d’excellence – BRAIN, qui développera des technologies de pointe dans le domaine de l’imagerie médicale appliquée au cerveau afin de mieux comprendre les relations complexes entre les dysfonctionnements cérébraux et l’apparition de certaines pathologies comme l’obésité.
Au total, l’exercice des investissements d’avenir va permettre de multiplier par six l’effort national de recherche sur l’obésité. Et nous n’en sommes aujourd’hui qu’à la mi-temps de ce vaste programme d’investissement public : au titre de la deuxième vague d’appels à projets, d’autres ambitions, d’autres initiatives pourraient voir le jour.
Cet effort de recherche exceptionnel répond au défi de la prévention.
En effet, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, derrière cet effort exceptionnel pour accroître nos forces de recherche, c’est une véritable révolution des méthodes d’analyse, de prévention et de soin de l’obésité qui se profile.
Je pense bien sûr au rapprochement de la recherche fondamentale et de la recherche clinique, qui doit permettre de construire un véritable front commun contre la maladie, qui est au cœur de tous les projets que je viens d’évoquer à l’instant.
Mais je pense aussi à la révolution copernicienne qui s’esquisse en matière de santé publique. Nos politiques sont aujourd’hui tournées vers le soin. Demain, elles devront répondre au défi de la prévention et combattre, à la racine, les maladies chroniques comme l’obésité.
Vous avez eu, du reste, l’occasion de le souligner, l’obésité est intimement liée à l’organisation de notre vie sociale, à notre environnement, aux mentalités collectives et à leurs effets sur l’individu.
Chacun le sait, les campagnes de sensibilisation ont des effets, mais ils restent encore limités. Nous devons réfléchir, avec nos économistes, avec nos sociologues, avec nos philosophes et nos cognitivistes sur de nouvelles manières de prévenir les comportements à risque.
C’est donc tout un champ de recherche et d’études qui s’ouvre devant nous. Il n’est pas vierge : nous savons qu’il est possible de prendre en compte la santé dans l’aménagement des territoires et des espaces urbains, pour favoriser, par exemple, la marche et rendre possible, au-delà du sport, la pratique de l’activité physique. D’autres propositions pourraient être avancées, comme celles que vous avez présentées dans les conclusions de votre rapport, madame Bout, ou bien encore celles qui ont été esquissées par les différents intervenants.
Une chose est sûre : en matière de soin comme de prévention, nous ne lutterons jamais mieux contre l’obésité qu’en nous appuyant sur la recherche, qui nous offre les moyens de choisir, d’agir et d’aller plus loin.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que ce débat ait lieu aujourd’hui : il est l’occasion pour nous tous de redire notre confiance collective aux chercheurs, dont les travaux sont au cœur des préoccupations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Et c’est pourquoi je souhaite, comme vous l’avez fait vous-mêmes, que la parole des scientifiques soit à l’avenir placée au cœur de nos débats. J’ai suggéré au président de l'Assemblée nationale, et je réitère ma proposition devant vous, que des questions puissent, au moins une fois par an, être posées par la représentation nationale non plus au Gouvernement, mais directement aux scientifiques, car ils sont les mieux à même de nous aider à poser les bonnes questions et à y trouver les meilleures réponses. Et c’est à ces questions que nous, responsables politiques, nous aurons à apporter des réponses. Nos travaux, vous le voyez, ne font donc que commencer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mmes Anne-Marie Payet et Françoise Laborde applaudissent également. – M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité.
Nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)