M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 461 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a le même objectif que celui qui vient d’être défendu.
Afin de se conformer aux exigences constitutionnelles, le texte prévoit un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention pour toute hospitalisation complète se prolongeant au-delà de quinze jours, puis, de nouveau, avant l’expiration d’un délai de six mois.
Ces deux délais semblent particulièrement étendus eu égard aux atteintes portées aux libertés individuelles du patient.
Nous estimons d’ailleurs que la réforme est restée au milieu du gué, car, pour une protection complète des personnes malades, il aurait été judicieux de faire intervenir le juge dès la décision initiale d’hospitalisation et non pas simplement a posteriori.
Celui-ci interviendra alors que la forme de la prise en charge et des traitements seront déjà décidés et on peut craindre que le recours ne se résume à une simple confirmation des avis médicaux. C’est d’ailleurs toute la difficulté de l’exercice, et la contradiction entre les principes affichés depuis deux jours et la réalité de terrain.
L’option d’un contrôle a priori fonctionne apparemment bien dans certains pays et était souhaitée par les associations de malades ainsi que par une bonne partie des magistrats. Malheureusement, vous avez fait un choix différent.
Quoi qu’il en soit le délai de six mois nous paraît très long. C’est pourquoi nous proposons de le réduire à trois mois.
J’ajouterai qu’avec un délai de trois ou de six mois la nouvelle compétence du juge rend plus que jamais nécessaire la création de postes en nombre suffisant. Les magistrats et les fonctionnaires doivent pouvoir pleinement investir ce nouveau contentieux, qui représente environ 60 000 décisions, mais nous savons tous que les moyens qui ont été annoncés ne permettront pas d’y faire face. Or, sans moyens suffisants, nous craignons que ce contrôle ne soit exercé dans des conditions non conformes au respect de la liberté des patients.
M. Guy Fischer. Très bonne analyse !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Malgré les réserves du rapporteur, la commission a donné un avis favorable sur ces amendements nos 129 et 461 rectifié prévoyant un contrôle systématique des mesures d’hospitalisation tous les trois mois et non plus tous les six mois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à un contrôle renouvelé tous les trois mois. Évidemment, je suis sensible à cette préoccupation. Cependant, une telle fréquence n’a pas été imposée par le Conseil constitutionnel…
Mme Christiane Demontès. Le Conseil constitutionnel ne s’est prononcé ni dans un sens ni dans l’autre !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Si cette disposition garantissait mieux la liberté des personnes, je pense que le Conseil constitutionnel nous aurait donné le schéma à suivre. (Mme Raymonde Le Texier proteste.)
Nous proposons un deuxième contrôle systématique à l’issue de six mois d’hospitalisation. Il reste bien entendu la possibilité pour le patient, ses proches ou même le procureur de la République de former à tout moment un recours devant le juge des libertés et de la détention.
Voilà les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens les amendements de mes collègues. Je déplore que le Gouvernement s’y oppose, contrairement à la commission, si j’ai bien compris.
En matière de maladie mentale, nous sommes très éloignés des exigences du contrôle de la privation de liberté ; nous devons en prendre conscience.
Tout d’abord, le juge n’est pas tenu d’intervenir a priori, comme l’a excellemment souligné notre collègue Mézard. Ensuite, il est prévu un délai de quinze jours – c’est beaucoup –, puis de six mois.
On assimile le malade à un délinquant. Or, en matière de délinquance, la privation de liberté est liée à la peine encourue ou au prononcé d’une peine. Dans le cas du patient dont l’état a nécessité, à un moment donné, l’hospitalisation, on semble considérer que le fait qu’il reste enfermé six mois sans aucun contrôle est sans importance… Je trouve cela assez curieux.
Bien sûr, un recours est toujours possible. Cependant, on peut objecter que le malade n’est pas dans les meilleures conditions pour former un tel recours, en l’absence de liens avec la famille ou un avocat.
Dès lors, le raccourcissement des délais d’intervention du juge des libertés et de la détention me semble relever du bon sens. Une telle décision serait plus conforme à la volonté du juge constitutionnel et des instances internationales : le contrôle de la privation de liberté doit être réel et efficace.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 129 et 461 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 438, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 82, première phrase
Remplacer les mots :
de l'article L. 3211-12 du présent code ou du présent article
par les mots :
du présent article, de l'article L. 3211-12, du dernier alinéa du II de l'article L. 3213-1, du IV de l'article L. 3213-3 ou du second alinéa de l'article L. 3213-5 du présent code
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 438 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 84
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si le juge constate que la procédure mentionnée à l’article L. 3211-12-1, n’a pas été respectée, il ordonne la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques dont une personne fait l'objet sans son consentement, quelle qu'en soit la forme.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement a pour objet de compléter la rédaction de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique tel qu’il est proposé dans le présent projet de loi.
En effet, pour mettre la législation en conformité avec les exigences constitutionnelles applicables en matière d’hospitalisation sans consentement, que le Conseil constitutionnel a précisées dans sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 Mlle Danielle S., il convient d’insérer dans le code de la santé publique un article L. 3211-12-1 organisant le contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention sur la nécessité du maintien des mesures d’hospitalisation sans consentement.
Ainsi est-il proposé que soit soumis au contrôle du juge des libertés et de la détention les mesures de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, et non celles qui prennent une autre forme, comme les soins sans consentement délivrés en ambulatoire.
Cette situation n’est pas acceptable et nous considérons que les soins psychiatriques contraints délivrés en ambulatoire devraient également être autorisés par le juge des libertés et de la détention. Son intervention, qui devait être une garantie importante pour le respect du droit des patients, s’avère en réalité plus que réduite.
Avec cet amendement, nous entendons consolider les droits des personnes subissant des soins sous contraintes en renforçant les compétences du juge des libertés et de la détention. Nous proposons donc, conformément à l’article 66 de notre Constitution et aux missions qui sont confiées au JLD, de prononcer immédiatement la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques dès lors que la procédure n’a pas été respectée, notamment si les certificats médicaux font défaut ou que le délai de quinze jours prévu par le Conseil constitutionnel pour sa propre intervention est dépassé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a donné un avis favorable sur cet amendement prévoyant une levée d’hospitalisation en cas de non-respect de la procédure.
Le rapporteur fait cependant observer que le juge doit se concentrer sur le bien-fondé de la mesure et non sur d’éventuels vices de forme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. L’article prévoit déjà les dispositions dont la violation doit être automatiquement sanctionnée par la mainlevée de la mesure, quand cela paraît être imposé par les impératifs de protection de la liberté. Il s’agit, je vous le rappelle, du non-respect des délais impartis au juge pour statuer ou du délai de saisine du juge, à moins que celui-ci ne soit justifié par des circonstances exceptionnelles. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 91
Après les mots :
est acquise
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous nous étonnons de trouver une nouvelle exception dans un texte qui aurait dû clarifier la législation et assurer les libertés individuelles des malades, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel.
La rédaction de l’alinéa 91 qui nous est proposée décrit une exception à la règle de la mainlevée décrite plus haut dans le texte.
Ce même texte prévoit une disposition qui doit permettre à chaque personne hospitalisée sans son consentement de voir sa demande de mainlevée évaluée dans les quinze jours. Ce délai, si nous le trouvons trop long, a au moins le mérite d’être en cohérence avec la décision du Conseil constitutionnel. Au-delà de cette limite, le texte prévoit la mainlevée d’office, autrement dit la fin de la mesure d’hospitalisation complète, ce qui enjoint le juge de statuer.
Or on constate avec étonnement que ce délai peut être repoussé en vertu de « circonstances exceptionnelles ». Quelles sont ces circonstances exceptionnelles ? Comment expliquez-vous la définition d’une exception ? À la limite, par la rédaction de ce texte, on créerait un instrument juridique destiné à permettre le non-respect de la loi que vous vous apprêtez à voter !
C’est une façon de contourner la décision du Conseil constitutionnel. Il en est ainsi de la décision ultime revenant au préfet, de la non-levée immédiate de l’hospitalisation sans consentement si le JLD l’a décidée, ou encore de la possibilité de l’appel suspensif prévue aux alinéas 97 et 98.
Ce texte est donc flou, imprécis, mais il est également porteur d’une vision sécuritaire de la psychiatrie, oublieuse des malades.
Ainsi, toute la procédure de mainlevée de l’hospitalisation sans consentement est verrouillée, cadenassée, enfermée dans un arsenal destiné à retarder, voire à décourager la personne qui souhaiterait voir examinée une telle mesure.
Ce verrouillage est là pour nous rappeler la vision sécuritaire de la personne atteinte de troubles psychiatriques, considérée comme un danger potentiel pour la société et que celle-ci doit pouvoir écarter.
Nous nous opposons à une telle vision ainsi qu’à la création d’un régime dérogatoire à l’exercice des libertés individuelles fondamentales reconnues par le juge constitutionnel ; c’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mention permettant de ne pas lever l’hospitalisation quand des circonstances exceptionnelles ont justifié la saisine tardive du juge.
La commission a donné un avis favorable, même si le rapporteur avait estimé que cette précision était nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 91
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-1-1. – I. – Lorsque les soins mentionnés au 2° de l’article L. 3211-2-1 prennent la forme d’une hospitalisation partielle, ils ne peuvent se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, lorsque l’admission initiale a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l’État dans le département, lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, n’ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ;
« 2° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement ou le représentant de l’État a substitué à la mesure d’hospitalisation complète une hospitalisation partielle en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ;
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l’expiration de l’un des délais mentionnés aux 1° et 2° du présent I une expertise, en application du III du présent article ou, à titre exceptionnel, en considération de l’avis conjoint des deux psychiatres, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L’hospitalisation partielle du patient est alors maintenue jusqu’à la décision du juge, sauf s’il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L’ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l’expertise mentionnée au quatrième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« II. – La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation partielle.
« Lorsque le patient a déjà fait l’objet d’une hospitalisation dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, l’avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l’article L. 3211-9. Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
« III. – Le juge des libertés et de la détention ordonne, s’il y a lieu, la mainlevée de l’hospitalisation partielle.
« Lorsque le patient a déjà fait l’objet d’une hospitalisation dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure de soins qu’après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l’article L. 3213-5-1. Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
« IV. – Lorsque le juge des libertés et de la détention n’a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l’issue de chacun de ces délais.
« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l’expiration d’un délai fixé par décret en Conseil d’État, il constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation partielle est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
II. – En conséquence, alinéa 29
Remplacer les références :
de l’article L. 3211-12-1
par les références :
des articles L. 3211-12-1 et L. 3211-12-1-1
III. – En conséquence, alinéa 43
Remplacer les références :
et L. 3211-12-1
par les références
, L. 3211-12-1 et L. 3211-12-1-1
IV. – En conséquence, alinéa 92
Remplacer les références :
ou L. 3211-12-1
par les références
, L. 3211-12-1 ou L. 3211-12-1-1
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir l'intervention systématique du juge des libertés et de la détention en matière de soins ambulatoires sans consentement lorsqu'ils prennent la forme d'une hospitalisation partielle.
En effet, le projet de loi prévoit une intervention systématique du JLD en matière d’hospitalisation complète, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et une intervention facultative pour les soins ambulatoires sans consentement.
Si ce dispositif apparaît pleinement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins à la commission des lois qu’il convient de prévoir à terme une intervention systématique du JLD pour les soins ambulatoires sous forme d'hospitalisation partielle, qui recouvrent en fait trois réalités : une hospitalisation de semaine, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cinq jours sur sept ; une hospitalisation de jour, un à cinq jours par semaine ; enfin, une hospitalisation de nuit, une à sept nuits par semaine.
Ces formes d’hospitalisation constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, d’autant qu’elles peuvent durer plusieurs années. Si elles constituent bien une solution alternative à l’hospitalisation complète, il n’en demeure pas moins qu’elles organisent un régime de contrainte éprouvant pour la personne.
Un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur l'hospitalisation partielle doit donc voir le jour afin de mieux protéger les personnes atteintes d’un trouble mental. Pour autant, il n’est pas nécessaire que ce contrôle soit aussi fréquent que celui qui prévaut en matière d’hospitalisation complète, d’une part, parce que le régime de contrainte est moindre, d’autre part, parce que si la personne est en hospitalisation partielle, cela signifie qu’elle est probablement en capacité de saisir le juge sur requête.
L’amendement tend à garantir que la personne aura un contact rapide avec un juge – avant le quinzième jour suivant l’hospitalisation initiale –, ce dernier pouvant, à l’occasion de l’audience, lui indiquer que le recours facultatif lui sera ouvert ultérieurement à tout moment.
Toutefois, afin de laisser au juge des libertés et de la détention le temps nécessaire pour se préparer à ce dispositif, un amendement présenté à l’article 14 tend à prévoir son entrée en vigueur le 1er septembre 2012.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 13.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 92
Remplacer les mots :
le juge statue après débat contradictoire
par les mots :
le juge, après débat contradictoire, statue publiquement, sous réserve des dispositions prévues à l'article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, pourra faire application de la loi du 5 juillet 1972, qui ouvre la faculté au juge civil de statuer non pas publiquement, mais en chambre du conseil.
Un tel dispositif se justifie par le fait que la publicité de l’audience pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les personnes concernées, en cas, par exemple, de conflits familiaux ou lorsque les intéressés sont connus localement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L’amendement n° 12 tend à prévoir un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention lorsque les soins auxquels une personne n’est pas à même de consentir prennent la forme d’une hospitalisation partielle.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, malgré les réticences du rapporteur, qui, pour sa part, émet de fortes réserves sur l’aspect systématique du dispositif.
La commission a émis également un avis favorable sur l’amendement n° 13, qui tend très utilement à prévoir que le juge peut statuer en chambre du conseil. Cette disposition permettra de préserver au mieux les intérêts du malade.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 12, et ce pour plusieurs raisons.
Ainsi que le reconnaissent les auteurs de l’amendement, l’extension du contrôle systématique du juge n’est pas exigée par la décision du Conseil constitutionnel. D’ailleurs, l’article 66 de la Constitution, sur lequel est fondée cette décision, ne requiert un contrôle de plein droit du juge qu’en cas de privation complète de la liberté d’aller et venir.
Or l’hospitalisation partielle vise des situations très différentes : hospitalisation de jour, de nuit, de quelques heures à plusieurs jours. L’amendement n° 12 ne vise donc pas à établir, à mon sens, une frontière légitime entre des situations objectivement différentes. L’hospitalisation partielle reste une modalité de soins sans consentement qui n’entraîne pas l’utilisation de la force en cas de non-respect des soins.
La situation d’un patient qui sort régulièrement de l’hôpital se distingue nettement de celle d’un patient en hospitalisation complète. L’hospitalisation partielle concerne des patients moins dépendants de l’établissement et moins vulnérables que ceux qui sont pris en charge dans le cadre d’une hospitalisation complète.
Enfin, et ce point me paraît le plus essentiel, ne pas prévoir de contrôle automatique du juge ne signifie pas pour autant que le juge n’aura pas à être saisi de la situation des personnes suivies en soins ambulatoires. En effet, le recours facultatif reste toujours ouvert aux patients en soins ambulatoires sans consentement, avec ou sans hospitalisation partielle, ainsi qu’à leurs proches.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous prie, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer l’amendement n° 12, qui, s’il était adopté, viendrait multiplier, en dehors de toute exigence constitutionnelle, les cas de saisine automatique du juge.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. J’ai écouté les objections de Mme la secrétaire d’État. J’ai moi-même indiqué qu’il n’y avait pas de problème de constitutionnalité. Toutefois, je ne suis ici que le rapporteur de la commission des lois et je n’ai pas qualité pour retirer l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.
M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste votera l’amendement n° 12.
Madame la secrétaire d’État, les hospitalisations ambulatoires sans consentement ne concernent pas des malades hospitalisés ou soignés à l’extérieur parce qu’ils le veulent bien. Les malades dont nous parlons sont hospitalisés sans leur consentement, à la demande du préfet et du maire, ou d’une autre personne. L’autorité judiciaire devant maintenant contrôler l’hospitalisation à l’intérieur des murs de l’hôpital, il est normal qu’elle puisse également contrôler cette forme d’hospitalisation sous contrainte à l’extérieur.
Tel est l’objet de l’amendement n° 12, qui, je le rappelle – M. le rapporteur pour avis me corrigera si je me trompe –, avait été adopté à l’unanimité en commission des lois. Il devrait donc être voté en séance.
M. Roland Courteau. Il faut l’espérer !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de Mme la secrétaire d’État. En tant que médecin, je partage tout à fait son avis.
Nous oublions dans ce débat que nous avons affaire à des maladies mentales. Il est vrai que, aujourd'hui, on ignore les causes profondes de ces pathologies, dont on ne connaît, en définitive, que les conséquences. Ce qui est important, c’est de donner à ces malades, qui ont parfois quelques difficultés à admettre qu’ils doivent se soigner, la possibilité d’être traités, grâce à cette hospitalisation, laquelle est tout de même demandée par un médecin.
Je ne reconnais pas à un juge, fût-il le plus compétent d’entre eux, la qualité de juger si une hospitalisation est nécessaire ou non.
Telle est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je fais miens les propos de Paul Blanc et j’abonde moi aussi dans le sens de Mme la secrétaire d’État. Je rappelle que nous parlons de psychiatrie et du traitement de maladies particulièrement graves.
Pour revenir sur ce qu’a dit M. Michel, je rappelle que nous sommes dans le cadre d’une hospitalisation partielle. Cela signifie que, en dehors des périodes d’hospitalisation, des moments de liberté sont respectés. Il n’est pas question de revenir sur ce qui a été dit voilà quelques heures sur l’hospitalisation à temps plein.
Je partage totalement l’avis de Mme la ministre : laissez les médecins travailler ! Permettez-leur de soigner comme il faut les malades qui ont besoin de soins.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Milon. Ne les empêchez pas de soigner en plaçant toujours le juge en travers de leur chemin.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons l’amendement n° 12.
Certes, nous évoquons des maladies mentales, mais il ne faut pas oublier que, derrière ces maladies, il y a des femmes et des hommes (Exclamations sur les travées de l’UMP.) qui ont des droits qu’il faut respecter, mes chers collègues.
Pour que ces droits soient respectés, le juge des libertés et de la détention doit avoir son mot à dire, nonobstant, évidemment, l’avis des médecins. Lorsqu’il est question de libertés, le juge des libertés et de la détention doit être concerné.