Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaire :
M. Daniel Raoul.
2. Soins psychiatriques – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Amendement n° 112 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 9 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Amendement n° 114 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 458 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 459 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 121 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 485 de la commission. – M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Amendement n° 123 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 10 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 486 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 124 de M. Jacky Le Menn. – M. Claude Jeannerot.
Amendement n° 125 de M. Jacky Le Menn. – Mme Patricia Schillinger.
Amendement n° 58 rectifié de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 487 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 132 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 135 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 59 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendements identiques nos 62 de M. Guy Fischer, 138 de M. Jean-Pierre Michel et 465 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Marie-Agnès Labarre, Raymonde Le Texier, Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 466 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 14 rectifié de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 63 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.
Amendement n° 15 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 16 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 17 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendements identiques nos 64 de M. Guy Fischer, 139 de Mme Christiane Demontès et 467 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Christiane Demontès, Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 11 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 460 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 488 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 21 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 19 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 18 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 20 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 22 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
M. le rapporteur, Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. le rapporteur pour avis. – Retrait des amendements nos 112 et 486 ; rejet des amendements nos 459 rectifié, 121, 58 rectifié, 59, 62, 138, 465 rectifié et 466 rectifié ; adoption des amendements nos 9, 485, 123, 124, 132, 135 et 14 rectifié, les amendements nos 114, 458 rectifié, 125, 487 et 63 devenant sans objet.
M. le rapporteur pour avis. – Retrait de l’amendement no 15 ; adoption de l’amendement no 17.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 64, 139 et 467 rectifié.
Mme la secrétaire d'État, MM. Alain Milon, le rapporteur pour avis, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Christiane Demontès. – Adoption de l’amendement no 11, les amendements nos 460 rectifié et 488 devenant sans objet.
M. le rapporteur pour avis. – Adoption des amendements nos 21, 19, 18, 20 et 22.
Amendement n° 56 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 118 de Mme Christiane Demontès. – Retrait.
Amendement n° 119 de M. Jacky Le Menn. – MM. Jacky Le Menn le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 120 de M. Jacky Le Menn. – MM. Jacky Le Menn le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 129 de Mme Christiane Demontès et 461 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 438 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 60 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 61 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 12 et 13 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Jean-Pierre Michel, Paul Blanc, Alain Milon, Mme Annie David. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 12 ; adoption de l’amendement no 13.
Amendement n° 137 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 65 de M. Guy Fischer et 142 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Annie David, Christiane Demontès.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 492 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 493 de la commission. – M. le rapporteur.
M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des amendements identiques nos 65 et 142 ; adoption des amendements nos 492 et 493.
Amendement n° 473 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
MM. Jacky Le Menn, Guy Fischer, Jacques Mézard.
Adoption, par scrutin public, de l'article 1er modifié.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le président.
Suspension et reprise de la séance
Mmes Annie David, Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 66 de M. Guy Fischer et 440 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 24 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 67 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 156 rectifié de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 494 de la commission. – MM. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 268 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 68 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 69 de M. Guy Fischer. – Devenu sans objet.
Amendement n° 70 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 71 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 72 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Mme Alima Boumediene-Thiery.
Adoption de l'article 2 modifié.
M. Roland Courteau.
Amendement n° 73 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 74 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.
Amendement n° 468 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 25 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 495 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 181 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
Amendement n° 75 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 266 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 183 de M. Jacky Le Menn. – M. Roland Courteau.
Amendement n° 496 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 469 rectifié de M. Jacques Mézard.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
Amendement n° 272 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 472 rectifié de M. Jacques Mézard.
Amendement n° 77 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 79 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendement n° 498 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 199 de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn.
M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 74, 468 rectifié, 75, 183 et 469 rectifié ; adoption des amendements nos 495, 181 et 496 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement no 26 rectifié ; rejet des amendements nos 472 rectifié, 77 et 79 ; adoption de l’amendement no 199.
Amendement n° 27 rectifié de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Amendement n° 273 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 274 de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
3. Communication relative à une nomination
Suspension et reprise de la séance
5. Hommage à un soldat français tué en Afghanistan
6. Immigration, intégration et nationalité. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Mmes Éliane Assassi, Bariza Khiari, Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Patrick Courtois, David Assouline, Mme Alima Boumediene-Thiery.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
MM. le président le ministre.
Amendement no 1 de M. François-Noël Buffet. – M. François-Noël Buffet. – Vote réservé.
Mme Bariza Khiari, M. David Assouline.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaire :
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Soins psychiatriques
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (projet n° 361, résultat des travaux de la commission n° 488 rectifié, rapport n° 487, avis n° 477).
TITRE Ier (suite)
DROITS DES PERSONNES FAISANT L’OBJET DE SOINS PSYCHIATRIQUES
M. le président. Hier, le Sénat a entamé l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes.
Article 1er (suite)
I. – Le titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Modalités de soins psychiatriques » ;
2° L’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques » ;
3° L’article L. 3211-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « être hospitalisée ou maintenue en hospitalisation dans un établissement accueillant des malades atteints de troubles mentaux » sont remplacés par les mots : « faire l’objet de soins psychiatriques » ;
b) Au second alinéa, le mot : « hospitalisée » est remplacé par les mots : « faisant l’objet de soins psychiatriques » ;
4° L’article L. 3211-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « hospitalisée » est remplacé par les mots : « faisant l’objet de soins psychiatriques » et les mots : « hospitalisation libre » sont remplacés par les mots : « soins psychiatriques libres » ;
b) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette modalité de soins est privilégiée lorsque l’état de la personne le permet. » ;
5° Après le même article L. 3211-2, il est inséré un article L. 3211-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-2-1. – Une personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est prise en charge :
« 1° Sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 ;
« 2° Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné à l’article L. 3222-1, et le cas échéant des séjours effectués dans un établissement de ce type.
« Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un protocole de soins est établi. Ce protocole définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
6° Après le même article L. 3211-2, il est inséré un article L. 3211-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-2-2. – Lorsqu’une personne est admise en soins psychiatriques sans son consentement en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète.
« Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d’admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l’auteur du certificat médical ou d’un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d’admission a été prononcée.
« Dans les soixante-douze heures suivant l’admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa.
« Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, un psychiatre de l’établissement d’accueil propose dans un avis motivé, établi avant l’expiration du délai de soixante-douze heures mentionné au troisième alinéa du présent article, la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le protocole de soins. » ;
7° L’article L. 3211-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « est hospitalisée » sont remplacés par les mots : « fait l’objet de soins psychiatriques », les mots : « cette hospitalisation » sont remplacés par les mots : « ces soins » et les mots : « limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement » sont remplacés par les mots : « adaptées, nécessaires et proportionnées à la mise en œuvre du traitement requis » ;
– à la seconde phrase, le mot : « hospitalisée » est supprimé ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7, L. 3213-1 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.
« En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est informée :
« a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
« b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet, et par la suite à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1 ;
« L’avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible. » ;
c) Au 2°, sont ajoutés les mots : « et, lorsqu’elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l’article L. 1112-3 » ;
d) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ; »
e) Les 3°, 4°, 5°, 6° et 7° deviennent respectivement les 4°, 5°, 6°, 7° et 8° ;
f) Au dernier alinéa, les références : « 4°, 6° et 7° » sont remplacées par les références : « 5°, 7° et 8° » ;
8° L’article L. 3211-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-5. – Une personne faisant, en raison de troubles mentaux, l’objet de soins psychiatriques, prenant ou non la forme d’une hospitalisation complète, conserve à l’issue de ces soins la totalité de ses droits et devoirs de citoyen, sous réserve des dispositions relatives aux mesures de protection des majeurs prévues aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, sans que ses antécédents psychiatriques puissent lui être opposés. » ;
9° (Supprimé)
10° Les deux derniers alinéas de l’article L. 3211-7 sont supprimés ;
11° L’article L. 3211-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-8. – La personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement peut être placée en curatelle ou en tutelle dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 425 et 440 du code civil. » ;
12° L’article L. 3211-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-9. – Pour l’application du II des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 et des articles L. 3212-7, L. 3213-1, L. 3213-3 et L. 3213-8, le directeur de l’établissement d’accueil du patient convoque un collège composé de trois membres appartenant au personnel de l’établissement :
« 1° Un psychiatre participant à la prise en charge du patient ;
« 2° Un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient ;
« 3° Un représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient.
« Les modalités de désignation des membres et les règles de fonctionnement du collège sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
13° La première phrase de l’article L. 3211-10 est ainsi rédigée :
« Hormis les cas prévus au chapitre III du présent titre, la décision d’admission en soins psychiatriques d’un mineur ou la levée de cette mesure sont demandées, selon les situations, par les personnes titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou par le tuteur. » ;
14° L’article L. 3211-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-11. – Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.
« Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu’il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne. » ;
15° L’article L. 3211-11-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « hospitalisées sans leur consentement » sont remplacés par les mots : « faisant l’objet de soins psychiatriques sans leur consentement sous la forme d’une hospitalisation complète » ;
a bis) (nouveau) La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, par un membre de sa famille ou par la personne de confiance qu’elle a désignée en application de l’article L. 1111-6 » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « d’absence » sont remplacés par les mots : « de sortie accompagnée » ;
c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « d’une hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « où la mesure a été prise en application du chapitre III du présent titre » et les mots : « du psychiatre » sont remplacés par les mots : « d’un psychiatre participant à la prise en charge du patient » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Une autorisation explicite du représentant de l’État dans le département est requise dans le cas des personnes mentionnées aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12. » ;
16° L’article L. 3211-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-12. – I. – Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques dont une personne fait l’objet sans son consentement, quelle qu’en soit la forme.
« La saisine peut être formée par :
« 1° La personne faisant l’objet des soins ;
« 2° Les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;
« 3° La personne chargée de sa protection si, majeure, elle a été placée en tutelle ou en curatelle ;
« 4° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;
« 5° La personne qui a formulé la demande de soins sans consentement ;
« 6° Un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins ;
« 7° Le procureur de la République.
« Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d’office, à tout moment. À cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estime utiles sur la situation d’une personne faisant l’objet d’une telle mesure.
« II. – Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu’après avoir recueilli l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait l’objet de soins sans son consentement en application de l’article L. 3213-1 du présent code et qu’elle fait ou a déjà fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3.
« Lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du présent II des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application du même II.
« Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du présent II, le juge ne peut en outre décider la mainlevée de la mesure qu’après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l’article L. 3213-5-1.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l’avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« III (nouveau). – Lorsque le juge ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, sa décision prend effet dans un délai maximal de quarante-huit heures pendant lequel un protocole de soins peut être établi en application du 2° de l’article L. 3211-2-1. » ;
17° Après le même article L. 3211-12, sont insérés des articles L. 3211-12-1 à L. 3211-12-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-1. – I. – L’hospitalisation complète d’un patient sans son consentement ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l’État dans le département, lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, n’ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 ;
« 2° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement ou le représentant de l’État a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ;
« 3° Avant l’expiration d’un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation sans consentement en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application de l’article L. 3211-12 du présent code ou du présent article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l’expiration de ce délai sur le fondement de l’un des mêmes articles 706-135 ou L. 3211-12 ou du présent article fait courir à nouveau ce délai.
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l’expiration de l’un des délais mentionnés aux 1° à 3° du présent I une expertise, en application du III du présent article ou, à titre exceptionnel, en considération de l’avis conjoint des deux psychiatres, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L’hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu’à la décision du juge, sauf s’il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L’ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l’expertise mentionnée au cinquième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« II. – La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.
« Lorsque le patient relève de l’un des cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, l’avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l’article L. 3211-9. Toutefois, lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du II de l’article L. 3211-12 des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application du présent alinéa.
« III. – Le juge des libertés et de la détention ordonne, s’il y a lieu, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète.
« Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, sa décision prend effet dans un délai maximal de quarante-huit heures pendant lequel un protocole de soins peut être établi conformément à l’article L. 3211-2-1.
« Toutefois, lorsque le patient relève de l’un des cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu’après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l’article L. 3213-5-1. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du II de l’article L. 3211-12 des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État.
« IV. – Lorsque le juge des libertés et de la détention n’a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l’issue de chacun de ces délais.
« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l’expiration d’un délai fixé par décret en Conseil d’État, il constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation complète est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
« Art. L. 3211-12-2. – Lorsqu’il est saisi en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, le juge statue après débat contradictoire.
« À l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est entendue, le cas échéant assistée de son avocat, ou représentée par celui-ci. Si, au vu d’un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d’office.
« Après que le directeur de l’établissement d’accueil s’est assuré de l’absence d’opposition du patient, le juge des libertés et de la détention peut décider que l’audience se déroule dans une salle d’audience reliée par un moyen de télécommunication audiovisuelle à une salle située dans l’établissement dans les conditions prévues par l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées. Si le patient est assisté par un avocat, celui-ci peut se trouver auprès du magistrat ou auprès de l’intéressé. Dans le premier cas, l’avocat doit pouvoir s’entretenir avec le patient, de façon confidentielle, en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle. Dans le second cas, une copie de l’intégralité du dossier doit être mise à sa disposition dans les locaux de l’établissement, sauf si une copie de ce dossier lui a déjà été remise.
« Art. L. 3211-12-3. – Le juge des libertés et de la détention saisi en application de l’article L. 3211-12-1 peut, si un recours a été formé sur le fondement de l’article L. 3211-12, statuer par une même décision suivant la procédure prévue à l’article L. 3211-12-1.
« Art. L. 3211-12-4. – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1 est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué, qui statue à bref délai. L’appel formé à son encontre n’est pas suspensif. Le débat peut être tenu dans les conditions prévues par l’article L. 3211-12-2.
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète ou constate la mainlevée de cette mesure, le procureur de la République, à la requête du directeur de l’établissement d’accueil lorsque la personne est hospitalisée en application du chapitre II du présent titre, du représentant de l’État lorsque la personne est hospitalisée en application du chapitre III du présent titre ou d’office, peut demander au premier président de la cour d’appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif en cas de risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ou d’autrui. Dans ce cas, l’appel, accompagné de la demande faisant état du risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ou d’autrui, est formé dans un délai de six heures à compter de la notification de l’ordonnance à l’auteur de la saisine et transmis au premier président de la cour d’appel ou à son délégué. Celui-ci décide, sans délai, s’il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif, en fonction du risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ou d’autrui. Il statue par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n’est pas susceptible de recours. Le patient est maintenu en hospitalisation complète, jusqu’à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l’appel du directeur de l’établissement ou du représentant de l’État, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond.
« Lorsqu’il a été donné un effet suspensif à l’appel, le premier président de la cour d’appel ou son délégué se prononce sur la demande en appel dans un délai de trois jours ou, lorsqu’il a ordonné une expertise avant l’expiration de ce délai, dans un délai de quatorze jours. En l’absence de décision à l’issue de l’un ou l’autre de ces délais, la mainlevée est acquise.
« Art. L. 3211-12-5. – Lorsque le juge prononce la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète en application de l’article L. 3211-12 ou du III de l’article L. 3211-12-1, le patient peut faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 si les conditions prévues au I des articles L. 3212-1 ou L. 3213-1 sont toujours réunies.
« Dans ce cas, un protocole de soins est établi en application du 2° de l’article L. 3211-2-1. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire, après le mot : « particulières », sont insérés les mots : « du code de la santé publique, ».
III (nouveau). – Au 4° de l’article L. 144-5 du code de commerce, le mot : « hospitalisées » est remplacé par les mots : « faisant l’objet de soins psychiatriques ».
M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l’examen de quarante et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 112, présenté par MM. Michel et Le Menn, Mme Demontès, MM. Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 61
Remplacer les mots :
Le juge des libertés et de la détention
par les mots :
Le président du tribunal de grande instance ou son délégué
II. - En conséquence, alinéas 70, 71, 79, 83, 84, 87, 90, 91, 94, 95, 96 et 97
Procéder au même remplacement.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Dans la mesure où le présent projet de loi s’inscrit dans une perspective sécuritaire, qui tend à amalgamer délinquance et maladie mentale, la place du juge judiciaire est prépondérante.
Par nos différents amendements, qui consacrent la judiciarisation de l’ensemble de la procédure visant à établir des soins psychiatriques sans consentement, nous accordons davantage de pouvoirs au juge. Notre objectif est de rééquilibrer le texte dans le sens d’une protection accrue des droits du malade. Autrement dit, il s’agit de se concentrer sur l’aspect sanitaire plutôt que de se focaliser sur l’argument spécieux ayant trait au maintien de l’ordre public.
En somme, comme dans de nombreux autres domaines, le juge se voit conférer un rôle croissant et éminent. Au moment où les projets de loi sécuritaires sont légion, celui-ci devient un véritable garant de la liberté, analysant la nécessité et la proportionnalité de la mesure qui lui est donnée à examiner.
Aujourd’hui, le JLD, le juge des libertés et de la détention est littéralement submergé par les dossiers qui affluent sur son bureau. La récente réforme de la garde à vue n’est pas de nature à inverser la tendance et devrait, au contraire, exacerber ce phénomène.
En outre, la répartition des juges des libertés et de la détention sur le territoire est particulièrement inégale. En l’état, l’application du volet juridique de la présente réforme risquerait d’être problématique. In fine, elle nuirait à la protection des droits du malade et elle pourrait peser lourdement sur le traitement sanitaire de ce dernier.
Comme le Gouvernement et la majorité se font régulièrement les chantres du pragmatisme, nous espérons qu’ils seront sensibles à notre amendement, qui est de nature à garantir une meilleure organisation de la justice.
C’est pourquoi nous demandons que la mention du juge des libertés et de la détention soit remplacée, dans l’ensemble du projet de loi, par celle du président du tribunal de grande instance ou son délégué. Celui-ci aura ainsi la possibilité d’assumer lui-même les pouvoirs qui lui incombent en vertu de ce projet de loi ou de les déléguer à un ou plusieurs juges.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 61
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant en substituant à la forme mentionnée au 1° de l’article L. 3211-2-1 celle mentionnée au 2° du même article
II. - En conséquence, alinéa 77
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, sa décision prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pendant lequel un protocole de soins est établi en application du même article. À l'issue de ce délai et en l'absence d'établissement d'un protocole de soins, les soins sans consentement prennent fin.
« Sont informés de l'établissement du protocole de soins et, le cas échéant, de son non-respect par le patient :
« - la personne ayant demandé les soins dans le cas où le patient a été admis en application du 1° du II de l’article L. 3212-1 ;
« - la famille du patient et, le cas échéant, la personne chargée de sa protection juridique ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec le patient antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, dans le cas où le patient a été admis en application du 2° du II de l’article L. 3212-1 ;
« - le représentant de l'État dans le département lorsque le patient a été admis en application du chapitre III du présent titre. » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à accorder la possibilité au juge des libertés et de la détention de transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires dans le cadre d’un recours facultatif.
Les députés ont souhaité ne pas doter le JLD d'une telle possibilité, après avoir pris une position contraire en commission. Cet amendement vise donc à reprendre le dispositif qui avait été adopté par la commission de l'Assemblée nationale et qui figurait d’ailleurs dans le projet de loi initial avant la lettre rectificative, considérant qu’il permettrait au juge de moduler sa décision : il pourrait ainsi décider que la personne ne nécessite plus d’hospitalisation complète, mais qu’elle requiert des soins ambulatoires.
Notre amendement est cohérent avec les trois faits suivants.
Tout d’abord, le préfet se voit bien reconnaître, quant à lui, la possibilité d’apprécier les avis médicaux et de ne pas les suivre au regard des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public. Dans ces conditions, pourquoi le juge, tout autant généraliste que le préfet, ne pourrait-il pas se livrer à une telle appréciation ?
Ensuite, le projet de loi lui-même prévoit que le juge peut, s’il est saisi, se prononcer sur les soins ambulatoires sans consentement.
Enfin, d’une manière générale, le législateur a, depuis longtemps, accordé au juge la possibilité de se prononcer sur la nécessité de soins.
Toutefois, s’il appartient au juge de se prononcer sur le principe des soins, il revient bien sûr toujours aux médecins d’en assurer la mise en œuvre et d’en définir le contenu.
C’est pourquoi l’amendement précise que, lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant des soins ambulatoires sous contrainte, sa décision prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, pendant lequel un protocole de soins est établi par un psychiatre. À l'issue de ce délai et en l'absence d'établissement de ce protocole, les soins sans consentement prennent fin.
Ainsi que je l’ai souligné lors de la discussion générale, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, aux termes de laquelle la décision du juge d’ordonner la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète prend effet dans un délai maximal de quarante-huit heures, risque fort – c’est un euphémisme ! – d’être frappée d’inconstitutionnalité.
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 61
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant en lui substituant une des formes mentionnées au 2° de l’article L. 3211-2-1
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Quelles que soient nos sensibilités politiques, il semble que nous nous accordions tous sur le rôle du juge : contrôler la validité de la procédure, entendre la personne retenue sans son consentement ainsi que la personne de confiance qu’elle aura désignée ou son avocat, et vérifier que ne s’exerce pas sur elle une coercition insupportable.
S’il faut laisser faire le corps médical, et ce dans l’esprit de donner la priorité aux soins, nous estimons que le juge ne peut en rester au stade du contrôle. Il doit en effet pouvoir tirer les conclusions qui lui paraissent les plus opportunes, en accord avec cette même priorité.
Avec la rédaction qui nous est proposée, la personne est sous la contrainte d’avis ou de décisions qui ne concernent pas exclusivement son état de santé. Nous dénonçons là encore, comme nous le faisons depuis le début de la discussion, le souci sécuritaire qui scande chaque partie de ce projet de loi.
C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à revenir à la version initiale du projet de loi, telle qu’elle avait été soumise, en première lecture, à l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 458 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 61
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant en substituant à la forme mentionnée au 1° de l’article L. 3211-2-1 celle mentionnée au 2° du même article
II. - En conséquence, alinéa 77
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. - Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, un protocole de soins est établi en application du même article. En l'absence d'établissement d'un protocole de soins dans les quarante-huit heures, les soins sans consentement prennent fin.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement a le même objet que les amendements qui viennent successivement d’être présentés par M. le rapporteur pour avis et par notre collègue Jacky Le Menn.
Nous estimons, nous aussi, que le juge des libertés et de la détention doit pouvoir transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires, que ce soit dans le cadre du recours facultatif ou dans celui du recours obligatoire. Je rejoins donc les arguments avancés tant par le rapporteur pour avis que par notre collègue du groupe socialiste sur l’effectivité du pouvoir de contrôle du juge.
En ayant pour seule alternative la levée ou le maintien de l’hospitalisation, il est à craindre que ce contrôle ne se résume à une simple confirmation systématique des avis médicaux. Ne disposant pas de statut propre et étant régulièrement montré du doigt au gré de l’actualité, en particulier dans les cas de récidive pénale, le juge des libertés et de la détention aura tendance, au moindre doute, à ordonner le maintien. Faute de temps, de moyens et sous la pression continue, il ne pourra donc jouer pleinement son rôle de garant des libertés individuelles.
Il faut permettre au juge de se dégager de l’amalgame qui conduit à privilégier, pour éviter tout risque, l’enfermement plutôt que l’accompagnement.
L’amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur pour avis, répond certes, comme le nôtre, à cette préoccupation, mais sa rédaction, j’en suis navrée, ne nous satisfait pas pleinement. Vous prévoyez que la décision du juge prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre l’élaboration d’un protocole de soins. Toutefois, nous nous interrogeons sur cet effet différé au regard du droit et sur le plan constitutionnel.
Pour notre part, nous préférons la rédaction suivante : « Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 », à savoir des soins ambulatoires, « un protocole de soins est établi en application du même article. En l’absence d’établissement d’un protocole de soins dans les quarante-huit heures, les soins sans consentement prennent fin ».
Certes, cette rédaction apporte une petite nuance, mais elle fait la différence. Aussi souhaitons-nous, monsieur le rapporteur pour avis, que vous acceptiez de vous rallier à notre proposition.
M. le président. L'amendement n° 459 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 71 à 76
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Nous revenons, encore et toujours, sur la procédure renforcée appliquée aux malades ayant fait l’objet d’une décision de justice déclarant leur irresponsabilité pénale ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles. Les alinéas 71 à 76 prévoient en effet le recours à un collège de soignants et à deux expertises avant toute décision du juge des libertés et de la détention les concernant.
Comme nous l’avons déjà dit hier en défendant d’autres amendements, les antécédents d’un patient doivent, certes, conduire à une meilleure vigilance et à un meilleur suivi, mais que de psychiatres mobilisés – on a vu le nombre d’examens préconisés – dans un contexte marqué par l’insuffisance de moyens dévolus à la santé, en particulier à la psychiatrie ! Nous avons été nombreux à le souligner.
La saisine du juge doit être accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres ; celui-ci a toujours la possibilité d’ordonner une expertise complémentaire. Faisons donc confiance à la capacité de ces professionnels à évaluer les situations et à s’entourer de plusieurs avis, si nécessaire, pour les cas les plus difficiles.
Le droit à l’oubli, introduit par nos collègues députés, constitue sans doute une avancée par rapport au texte initial – encore que le délai à compter duquel il s’applique n’est pas précisé –, mais il ne suffit pas à dissiper notre malaise face à un texte qui privilégie un point de vue sécuritaire, renforçant ainsi, nous l’avons dit, l’amalgame entre maladie mentale et délinquance, violence et dangerosité.
Une réforme convaincante doit bien sûr prendre en compte les impératifs de sécurité, mais nous souhaiterions qu’elle fût davantage tournée vers la prise en charge du patient.
Quoi qu’il en soit, chacun a droit, selon nous, à ce que son cas soit apprécié sur la seule base de son état actuel et des nécessités de son traitement. Or tel n’est pas le cas dans la procédure proposée. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous suggérons de la supprimer.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 71
Après les mots :
avoir recueilli
insérer les mots :
au moins
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Pour défendre cet amendement, je citerai un extrait de Juger, le dernier livre paru sous la plume de Serge Portelli : « […] si la justice est une exigence sociale, si elle est nécessairement infiltrée des contraintes du pouvoir, elle peut aujourd’hui acquérir une légitimité nouvelle, susceptible d’en changer la nature même. Cette légitimité tient au rôle nouveau assigné à toutes les justices du monde depuis les abominations de la dernière guerre mondiale […] : la sauvegarde des libertés. Cette mission fondatrice […] est le devoir du moindre petit juge. […]
« L’autre socle est tout simplement l’humanité. Pas une humanité abstraite, morale, mais fondée sur tout ce que les sciences humaines nous ont appris de l’homme depuis quelques siècles […]. C’est ce savoir, […], qui seul permet de comprendre les hommes et leurs actes, mais aussi d’humaniser l’ensemble du fonctionnement d’un appareil toujours tenté par la froideur, la rapidité, la rentabilité au détriment de l’essentiel : l’homme. »
C’est pourquoi le juge doit être à même, en toute indépendance, de solliciter, sans que cela soit considéré comme exceptionnel, les expertises lui permettant d’éclairer sa décision, et ne pas être tributaire de l’unique avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9, tel que cela est prévu dans ce projet de loi.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 485, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 72
Après les mots :
Lorsque la personne fait
insérer les mots :
l’objet de soins psychiatriques auxquels elle n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux en application de l’article L. 3213-1 et lorsqu’elle fait
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. La procédure particulière du collège ne doit toucher que les personnes qui font l’objet d’une hospitalisation sur décision du préfet et non celles qui sont hospitalisées à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent.
Cette précision figure déjà pour les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles, UMD. C’est pourquoi seules celles qui sont « réhospitalisées » sur décision du préfet font l’objet de la procédure particulière du collège et de deux expertises.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Cet amendement a pour objet de déplacer les dispositions relatives à la procédure particulière applicable aux personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 74
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 76
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent II n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
III. – En conséquence, alinéa 86, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
IV. – En conséquence, alinéa 89, seconde phrase :
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement de précision concerne le droit à l’oubli, qui a été instauré par les députés. Il vise les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office judiciaire.
Nous souhaitons préciser que le point de départ de la période à l’issue de laquelle s’exercera le droit à l’oubli est nécessairement la fin de l’hospitalisation des personnes concernées.
Cela étant, je vais retirer cet amendement au profit d’amendements qui reprennent ce dispositif, mais en l’assortissant d’un délai de dix ans. C’est à l’issue de cette période que le droit à l’oubli pourra s’établir.
J’avoue en effet que la commission des lois s’est interrogée sur le fait de savoir si, en laissant au décret le soin de fixer le délai, elle n’allait pas remettre en cause la compétence du législateur. Il s’avère que les amendements suivants apportent une heureuse réponse à cette question.
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 486, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 75
Remplacer les mots :
deux expertises établies par les psychiatres inscrits
par les mots :
une expertise établie par un psychiatre inscrit
II. – Alinéa 76, première phrase
Remplacer les mots :
les deux expertises
par les mots :
l’expertise
III. – Alinéa 89, première phrase
Remplacer les mots :
deux expertises établies par les psychiatres inscrits
par les mots :
une expertise établie par un psychiatre inscrit
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à alléger le nombre d’expertises nécessaires à la levée de la mesure de soins sans consentement imposé pour certaines catégories de patients.
Ainsi, seule une expertise avec l’avis du collège devrait être recueillie par le juge des libertés et de la détention pour lever la mesure de soins, contre deux actuellement.
M. le président. Les amendements nos 124 et 301 sont identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 301 est présenté par M. Vanlerenberghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 76
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le présent II n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-6 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis dix ans au moins.
La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° 124.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement est en relation avec le droit à l’oubli, notion introduite par le rapporteur à l’Assemblée nationale. Celui-ci a trait aux antécédents psychiatriques des personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles.
Pour ces personnes, il est prévu une procédure renforcée d’examen des propositions de modification de prise en charge ou de mainlevée de la mesure de soins sans consentement, que ce soit devant le juge ou devant le préfet.
Ainsi, le droit à l’oubli représente une avancée majeure : il vise à limiter la stigmatisation de ces personnes précédemment atteintes de troubles psychiatriques. Il se fonde sur le postulat qui a orienté la grande loi de 1838 sur la psychiatrie et selon lequel la personne victime de troubles mentaux peut guérir.
Influence manifeste des travaux de Philippe Pinel et de Jean-Etienne Dominique Esquirol, le présent projet de loi revient sur ce paradigme et effectue un retour en arrière dommageable qui aura des conséquences négatives sur les personnes.
Naturellement, nous ne contestons aucunement le droit à l’oubli. En revanche, nous souhaitons que le législateur fixe lui-même le délai à partir duquel ce droit s’applique. Précisons que le législateur pourrait être rappelé à l’ordre pour incompétence négative s’il ne déterminait pas lui-même ce délai, indirectement lié à une mesure privative de liberté.
De plus, ce délai ne peut être excessivement long, sous peine de porter atteinte au principe de respect de la vie privée, constitutionnellement garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a réaffirmé à maintes reprises le caractère constitutionnel de ce droit, notamment dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.
Par conséquent, nous désirons préciser que le délai fixé ne peut excéder dix années, ce qui nous apparaît équilibré, raisonnable et opportun.
M. le président. L’amendement n° 301 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 125, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Aux termes du texte adopté par l’Assemblée nationale, lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, sa décision peut être différée de quarante-huit heures afin de permettre au psychiatre de l’établissement d’accueil d’établir, le cas échéant, un protocole de soins.
Pendant l’ensemble de cette procédure, le patient resterait en hospitalisation complète, ce qui entraverait l’exercice de ses libertés fondamentales, notamment la liberté d’aller et venir.
En d’autres termes, ce dispositif reviendrait à maintenir en hospitalisation complète une personne dont le juge des libertés et de la détention a estimé qu’elle devait être remise en liberté.
Par conséquent, en vertu de l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « Nul ne peut être arbitrairement détenu », ce dispositif encourrait un fort risque d’inconstitutionnalité. Il s’agirait d’une remise en cause explicite de la décision de l’autorité judiciaire, « gardienne de la liberté individuelle », et d’une atteinte aux libertés publiques.
D’un point de vue juridique, il paraît donc opportun de supprimer l’alinéa 77, dont le dispositif est très probablement anticonstitutionnel.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. - Lorsque le juge ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, sa décision prend effet immédiatement. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous souhaitons modifier l’alinéa 77, selon lequel la mainlevée décidée par le juge peut prendre effet dans un délai de quarante-huit heures. Nous considérons en effet que cette décision devrait avoir un effet immédiat, comme toutes les décisions de justice d’ailleurs, sauf lorsque celles-ci sont assorties d’un délai par le juge lui-même.
La mainlevée est prononcée par le juge des libertés et de la détention après que celui-ci a reçu l’avis d’un collège d’experts. Aussi rien ne justifie que la personne jugée apte à réintégrer la vie en société par des experts psychiatres et par le juge soit maintenue contre son gré au sein de l’hôpital psychiatrique pendant un délai maximal de quarante-huit heures.
Cette privation de liberté prolongée est d’autant plus inadmissible qu’elle présente un risque pour le patient. En effet, on peut très bien imaginer que, durant cette période de quarante-huit heures, le patient continuera de se voir imposer des traitements et des soins.
En définitive, sous couvert de donner aux professionnels de santé le temps nécessaire d’établir un « protocole de soins », protocole uniquement destiné aux personnes soumises à des soins ambulatoires – pour les types de soins prescrits, les lieux de leur réalisation et leur périodicité –, cet article offre la possibilité de reculer la prise d’effet de la mainlevée à l’égard de tous les patients, et non pas seulement vis-à-vis de ceux qui devront être soumis à des soins psychiatriques sous forme ambulatoire.
Enfin, cette disposition paraît d’autant plus scandaleuse que, à l’heure où le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale se félicite dans la presse de la mise en place « d’un contrôle du juge des libertés » au service « du renforcement des droits », elle permet à l’administration de différer dans le temps la prise d’effet de la décision du juge.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. le président. L'amendement n° 262, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Supprimer les mots :
pendant lequel un protocole de soins peut être établi en application du 2° de l’article L. 3211-2-1
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 487, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Remplacer le mot :
protocole
par le mot :
programme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 86, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-35 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis dix ans au moins.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 89, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-35 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis au moins dix ans.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit également d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 83
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’alinéa 83, que nous proposons de supprimer, prévoit que l’expertise rendue par l’avis de deux psychiatres ouvre un nouveau délai de quatorze jours au plus avant que le juge des libertés et de la détention ne rende sa décision.
Ce délai est cumulable avec celui qui est prévu au 1°, c’est-à-dire à l’alinéa 80, qui pose le principe de l’intervention de ce même juge avant que ne se soit écoulé un délai maximal de quinze jours.
Il résulte de la juxtaposition de ces deux alinéas qu’un patient pourrait être hospitalisé contre son gré durant vingt-neuf jours au maximum, sans que le juge des libertés se soit prononcé sur l’opportunité ou non de lever la mesure de soins sans consentement imposée au patient.
De fait, le délai d’intervention de quinze jours défini par les juges du Conseil constitutionnel est largement dépassé, puisqu’il peut être doublé.
Nous nous opposons à cette disposition, qui aura pour conséquence de prolonger des mesures de privation de liberté de manière non conforme au principe toujours recherché d’une intervention dans les plus brefs délais du juge des libertés et de la détention. Nous considérons que cette expertise doit donc impérativement être diligentée et réalisée dans un délai n’excédant pas quatorze jours après que la mesure privative de liberté a été prononcée.
M. le président. Les amendements nos 62, 138 et 465 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 138 est présenté par MM. Michel et Le Menn, Mme Demontès, MM. Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 465 rectifié est présenté par MM. Mézard et Barbier, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 94
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 62.
Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, nous souhaitons modifier ce projet de loi, afin de le rendre applicable sur le terrain. Il s’agit de prendre en compte la nature particulière des troubles dont sont atteintes les personnes mentionnées dans ce texte.
Si l’application de nombreux points pose problème, ce sont les modalités de l’audition, par le juge des libertés et de la détention, du malade hospitalisé sans son consentement qui nous semblent particulièrement aberrantes.
En approuvant la mise en place de la « télé-audience », le législateur ferait preuve d’une totale méconnaissance des cas traités dans les hôpitaux psychiatriques. Or, une fois de plus, nous examinons un texte de loi qui se borne à aborder les maladies mentales comme des maladies physiques. Il est difficile d’imaginer un patient victime d’un délire de persécution ou d’un délire mystique se plier à une telle farce ! On lui demande en effet d’accepter un scenario l’obligeant à parler à une caméra ou à discuter avec un écran.
Au-delà des probables problèmes relatifs à son application, ce dispositif pourrait produire des effets négatifs sur l’état de santé du patient. On peut prévoir les effets anxiogènes qu’auront de telles mesures. Car non seulement on sort le patient du cadre des soins, mais on le place également dans une situation où la technique prend le pas sur l’humain.
Aussi, mes chers collègues, nous vous prions de reconsidérer les dégâts qu’entraînerait cette mesure sur la santé de nos concitoyens. Réintroduisons l’humain dans la médecine psychiatrique, sur le plan tant des traitements que des formalités administratives et judiciaires !
Bien que nous n’approuvions pas les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention, nous nous devons de vous proposer des solutions qui protégeront le malade. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons d’adopter cet amendement visant à supprimer l’alinéa 94 de l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 138.
Mme Raymonde Le Texier. L’alinéa 94 de l’article 1er vise à offrir la possibilité de recourir à la visioconférence pour le déroulement de l’audience : « Après que le directeur de l’établissement d’accueil s’est assuré de l’absence d’opposition du patient, le juge des libertés et de la détention peut décider que l’audience se déroule dans une salle d’audience reliée par un moyen de télécommunication audiovisuelle à une salle située dans l’établissement […] ».
À titre liminaire, il convient de rappeler que la non-comparution devant le juge doit rester l’exception, comme le rappelle l’étude d’impact datant de janvier 2011.
Le Conseil d’État a estimé que la seule nécessité de réduire les coûts et les contraintes des services inhérents au transfèrement des patients devant le juge des libertés et de la détention ne pouvait justifier qu’il soit porté atteinte au droit de ces derniers de comparaître personnellement. Or l’étude d’impact précitée prévoit le recours à la visioconférence dans 75 % des cas, ce qui est excessif et contraire à la jurisprudence du Conseil d’État, en l’espèce protectrice des droits du patient.
En outre, d’un point de vue matériel, la visioconférence rend difficile, voire impossible, le dialogue entre le juge et le patient. Le recours à cette pratique peut exacerber l’incompréhension et la tension et, in fine, peser directement sur la décision du juge. En d’autres termes, le jugement sur la personne atteinte de troubles psychiatriques pourrait être fortement altéré par cette pratique susceptible d’engendrer des quiproquos.
Par ailleurs, n’oublions pas que l’objectif prioritaire dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement devrait être la guérison du malade et non pas le maintien de l’ordre public, option retenue par ce gouvernement excessivement sécuritaire. Or le recours à la visioconférence peut se révéler malvenu, inadapté et dangereux pour la santé des personnes souffrant de troubles mentaux.
À titre d’exemple, sachez que certains patients peuvent être atteints de paranoïa et avoir un rapport particulier, déformé, avec la vidéo et les caméras. Par conséquent, la pratique de la visioconférence peut être en totale contradiction avec le traitement sanitaire prévu par l’équipe médicale ; elle peut nuire à la santé des personnes victimes de troubles mentaux, en aggravant leur pathologie.
Pour ces motifs d’ordre à la fois curatif, juridique et matériel, nous proposons de supprimer le recours à la visioconférence.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 465 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. À l’instar de nos collègues du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, nous souhaitons supprimer l’alinéa 94 de l’article 1er, qui vise à offrir la possibilité de recourir à la visioconférence.
Cette disposition, si elle était retenue, reviendrait tout simplement à méconnaître la nature particulière des troubles présentés par ces malades ainsi que leur situation de détresse et d’instabilité. Nous avons déjà exprimé, lors de l’examen d’autres textes, notre opposition à cette pratique, qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Ainsi, le dialogue entre le juge et le patient sera rendu difficile, sinon impossible.
En outre, le problème de la place de l’avocat va se poser. Ne pouvant se trouver à la fois au tribunal et auprès de son client, celui-ci ne pourra exercer correctement sa fonction. Or sa place est auprès de son client.
Soyons réalistes, le recours à la visioconférence, procédure complexe encore très méconnue des juridictions, soulèvera des difficultés dans la tenue des auditions.
L’effectivité même du recours devant le juge étant compromise, cet amendement vise donc à supprimer cette faculté.
M. le président. L'amendement n° 279 rectifié, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 94
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque la personne faisant l'objet de soins psychiatriques assiste à l'audience, celle-ci se déroule dans une salle située dans son établissement d'accueil, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 466 rectifié, présenté par MM. Barbier et Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 94
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance. Toutefois, si une salle d'audience a été spécialement aménagée sur l'emprise de l’établissement d’accueil pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre au juge de statuer publiquement, il peut statuer dans cette salle. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à ce que l’audience puisse se tenir dans une salle aménagée à cet effet au sein de l’établissement, et donc sans dispositif de visioconférence.
Cette pratique est utilisée dans d’autres pays, comme la Belgique, la Suède ou les Pays-Bas.
Elle soulève, certes, la question des moyens accordés à l’hôpital, mais elle a le mérite, par rapport à la visioconférence, de garantir un accès au juge et un véritable dialogue, dans le cadre d’un véritable face-à-face. Elle permet également de pallier certaines difficultés en termes d’accompagnement et de transfert des malades au tribunal, tant il est vrai que la mission des infirmières est de soigner les malades et non d’attendre dans un tribunal.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 94, première et deuxième phrases
Remplacer ces phrases par six alinéas ainsi rédigés :
« Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance. Toutefois, si une salle d'audience a été spécialement aménagée sur l'emprise de l’établissement d’accueil pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre au juge de statuer publiquement, celui-ci peut décider de statuer dans cette salle.
« Lorsque le juge des libertés et de la détention décide de statuer dans cette salle, le président du tribunal de grande instance peut, en cas de nécessité, autoriser qu'une seconde audience soit tenue le même jour au siège du tribunal de grande instance
« Le juge des libertés et de la détention peut également décider que l’audience se déroule dans la salle d'audience mentionnée au troisième alinéa du présent article avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle dans les conditions prévues par l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Un avis médical a attesté que l'état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé ;
« 2° Le directeur de l'établissement d'accueil s'est assuré de l’absence d’opposition du patient ;
« Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d’audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement, dont l’objet est double, reprend un certain nombre des préoccupations qui viennent d’être exprimées tant par Mme Le Texier que par Mme Escoffier.
Tout d’abord, il s’agit de prévoir que, si une salle d'audience a été spécialement aménagée sur l'emprise de l’hôpital psychiatrique pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre au juge de statuer publiquement, celui-ci peut statuer dans cette salle. Cet aménagement spécial, qui peut être sommaire – il suffit de prévoir l’accessibilité du lieu par le public, une signalétique adaptée et l’affichage du rôle à l'entrée de la salle –, est essentiel pour garantir que la salle est clairement identifiée en tant que lieu de justice.
Ensuite, l'amendement vise à encadrer et non à interdire le recours à la visioconférence.
En premier lieu, il tend à préciser que la visioconférence n'est possible que si l'hôpital psychiatrique a spécialement aménagé, en son sein, une salle d'audience, dans le respect des conditions que je viens d’évoquer. Autrement dit, que le juge soit physiquement présent dans cette salle ou qu'il intervienne à distance depuis le palais de justice, les exigences portant sur l'aménagement des lieux doivent être identiques.
En second lieu, l’amendement vise à prévoir que le juge des libertés et de la détention ne peut décider que l’audience se déroule par visioconférence que si un avis médical a attesté que l'état mental de la personne n'y fait pas obstacle. En conséquence, la personne doit être capable d’exprimer son opposition à ce procédé, conformément aux dispositions prévues par le projet de loi. Cet avis médical ne sera pas nécessairement réservé à cette procédure : il pourrait ainsi n'être qu'une mention de l'avis conjoint rendu par deux psychiatres qui accompagne la saisine du juge dans le cadre du recours de plein droit.
Aux yeux de la commission des lois, ce dispositif se justifie par le fait, d’une part, que les personnes atteintes de troubles mentaux pourraient être dans l’incapacité de comprendre les enjeux et le sens de la visioconférence et, d’autre part – situation encore pire ! –, que la présence d’un écran et d'une caméra pourrait aggraver les troubles, notamment des personnes schizophrènes ou paranoïaques.
En outre, si la visioconférence, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, par exemple en matière pénale, ne pose pas de difficultés techniques particulières, certains défauts mineurs – voix légèrement déformée, échos, coupures, décalages de sons – pourraient prendre, chez certains patients, des proportions considérables et altérer l’échange avec le magistrat.
Connaissant relativement bien l’univers carcéral, je peux témoigner de la peur panique que rencontrent un certain nombre de détenus face à ce type de dispositif, lequel contribue à altérer leur discernement.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il appartiendra ainsi au médecin d’évaluer, en fonction de l’état du patient, si les inconvénients de la visioconférence, qui ne permet pas un échange direct, humain, entre le juge et le justiciable, sont ou non contrebalancés par ceux d’un transport au palais de justice et d’une présentation devant le juge, lesquels peuvent constituer des expériences stigmatisantes, voire traumatisantes, surtout lorsqu’ils occasionnent des temps d’attente relativement longs.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 94, première phrase
Remplacer les mots :
de l'absence d'opposition du patient
par les mots :
par écrit, de l’accord du patient
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement de repli par rapport à l’amendement n° 62 tendant à supprimer l’alinéa 94, il sera à nouveau question de visioconférence. En écoutant les différentes interventions, on mesure en effet à quel point un tel dispositif est loin de faire l’unanimité.
Pour notre part, nous sommes très réservés sur une mesure destinée, on le voit bien, à effacer le caractère irréalisable de ce projet de loi, à savoir l’intervention du juge des libertés et de la détention, à laquelle vous ne pouviez déroger compte tenu de la décision rendue par le Conseil constitutionnel.
Appliquée dans des conditions normales, cette mesure devrait entraîner la création massive de juges des libertés et de la détention et d’auxiliaires de justice, ce que vous vous interdisez pour respecter une doctrine fondée sur la rigueur budgétaire. Et ce ne sont pas les promesses faites hier soir par Mme la secrétaire d’État au sujet d’un plan santé qui peuvent nous rassurer ! Aussi avez-vous eu l’idée d’une « télé-audience », oubliant que celle-ci ferait également naître des difficultés financières importantes, puisqu’il faudra équiper en matériel les établissements psychiatriques.
Mais surtout, si nous sommes opposés à cette mesure, c’est parce que nous considérons que sa mise en œuvre pourrait avoir des effets inappropriés sur des personnes souffrant de pathologies lourdes, caractérisées parfois par un délire de persécution. M. le rapporteur pour avis vient d’ailleurs de témoigner de son expérience en la matière.
Il n’est pas acceptable d’appliquer à des personnes malades un accès au droit dérogatoire du droit commun à des fins économiques. Il aurait sans doute été préférable de prévoir un mécanisme de déplacement du juge des libertés et de la détention au plus près des malades, ce qui aurait été plus juste au regard des pathologies qui affectent ces derniers.
Pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, cet amendement se limite à prévoir que la « télé-audience » ne peut être réalisée qu’avec l’accord écrit du patient, ce qui est à la fois gage du respect de sa volonté et mécanisme de preuve pour les équipes soignantes.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 94, troisième à dernière phrases
Remplacer ces phrases par deux phrases ainsi rédigées :
Si le patient est assisté par un avocat, celui-ci se tient auprès de l'intéressé. Une copie de l'intégralité du dossier est mise à sa disposition dans les locaux de l'établissement, sauf si une copie de ce dossier lui a déjà été remise.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir un nouvel encadrement du recours à la visioconférence.
Si le patient est assisté par un avocat, celui-ci ne peut se tenir qu'auprès de l'intéressé. Est ainsi supprimée la faculté reconnue à l'avocat de se trouver auprès du magistrat. Aux yeux de la commission des lois, cette possibilité était incompatible avec le contact humain qui doit s'établir, lors d'une audience, entre un avocat et son client, lorsque ce dernier souffre de troubles mentaux.
Je me dois cependant de vous dire, mes chers collègues, que cet amendement, qui, dans un premier temps, avait été accepté par le Conseil national des barreaux, a suscité, dans un deuxième temps, des regrets de la part de ce même conseil, lequel estime, certes, préférable une proximité immédiate entre l’avocat et son client, mais préfère qu’une certaine souplesse soit retenue en la matière. J’entendrai donc avec beaucoup d’intérêt l’avis du Gouvernement sur cette question.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 95
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3211-12-3. – Le juge des libertés et de la détention, saisi concomitamment en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1, L. 3211-12-1-1, du dernier alinéa du II de l'article L. 3213-1 ou du IV de l'article L. 3213-3, peut statuer par une même décision suivant la procédure prévue à l’article L. 3211-12-1.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination avec des dispositions figurant à l’article 3. Si celles-ci étaient adoptées, je vous propose, mes chers collègues de laisser à l’Assemblée nationale le soin de satisfaire aux nécessités de la coordination.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 17, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 96
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-4. - L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 ou L. 3211-12-1-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues par l'article L. 3211-12-2.
« L'appel formé à l’encontre de l’ordonnance mentionnée à l’alinéa précédent n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue alors à bref délai dans les conditions définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le président. Les amendements nos 64, 139 et 467 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 139 est présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 467 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 97 et 98
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Conseil constitutionnel a décidé que le juge des libertés et de la détention, gardien des droits fondamentaux, devait intervenir avant l’expiration d’un délai de quinze jours pour statuer sur le bien-fondé d’une mesure d’hospitalisation sans consentement.
Nous avons déjà dit que nous jugions cette intervention bien tardive.
Reste que vous avez été contraints de la prévoir, car vous n’en vouliez pas. En effet, le fait que le juge des libertés et de la détention rende sa décision au bout de quinze jours, après une expertise psychiatrique, vous fait peur. La preuve que vous vous en méfiez : vous avez prévu la possibilité que cette décision fasse l’objet d’un recours.
Certes, toute décision doit être susceptible de recours. Mais le recours introduit par le procureur de la République revêt ici un caractère suspensif.
Vous considérez que les psychiatres, puis le juge des libertés et de la détention risquent fort de se tromper et que, à l’inverse, le procureur de la République est à même d’apprécier l’état pathologique du patient au terme d’une hospitalisation d’une durée de quinze jours.
Faire peser un tel soupçon sur la capacité du juge des libertés et de la détention à prendre la décision appropriée, après l’avis des psychiatres, est inacceptable. Il est surtout anormal, et contraire à l’esprit de la décision du Conseil constitutionnel, que le recours du procureur revête un caractère suspensif.
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 97 et 98
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 139.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement vise à répondre à l’une des préoccupations majeures que nous inspire ce projet de loi sécuritaire et stigmatisant.
Je rappelle l’objet de nos griefs.
Aux termes de l’alinéa 97, le procureur de la République, soit d’office, soit à la requête du directeur de l’établissement d’accueil ou du préfet, peut demander que l’appel relatif à la décision de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement par hospitalisation complète, prononcée par le juge des libertés et de la détention, soit suspensif.
Le premier président de la cour d’appel, qui « statue par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n’est pas susceptible de recours », décide alors s’il y a lieu de suivre la demande du procureur.
Le mécanisme que prévoit le texte dans sa forme actuelle, et qui consiste à reconnaître au représentant de l’État et au directeur de l’établissement d’accueil un pouvoir d’appel par voie d’injonction au procureur, traduit parfaitement la défiance qu’éprouve le Gouvernement à l’égard des magistrats ; il permettrait un contrôle indirect de la décision rendue par le juge des libertés et de la détention.
Mes chers collègues, mesurez-vous la portée historique que revêtirait l’adoption de cet alinéa ? Une autorité administrative pourrait en effet adresser des injonctions au procureur, ce qui créerait un précédent particulièrement dangereux.
Soyons sérieux : aucun texte en vigueur ne prévoit la possibilité, pour une autorité administrative, d’adresser une demande au parquet dans le cadre d’un appel relatif à une ordonnance du juge des libertés et de la détention. L’introduction d’un tel pouvoir d’injonction du pouvoir exécutif sur l’autorité judiciaire constituerait une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs : principe ordonnateur de notre République, constitutionnellement garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Rappelons au Gouvernement, dont nous connaissons la considération minime qu’il porte aux magistrats, que l’autorité judiciaire n’est pas un service de l’État soumis à l’autorité hiérarchique du préfet ! Plutôt que de remettre systématiquement en cause son rôle et ses décisions, le Président de la République devrait respecter les prérogatives de l’autorité judiciaire, consacrées par l’article 64 de la Constitution ; il devrait assumer sa mission de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, aujourd’hui parent pauvre de notre démocratie.
Nous nous opposons également à l’alinéa 98, qui confère un caractère suspensif à l’appel susceptible d’être introduit par le procureur de la République.
En effet, pendant l’ensemble de la procédure précédemment décrite, le patient demeure en hospitalisation complète. En d’autres termes, alors que le juge des libertés et de la détention aurait prononcé, au terme d’une analyse approfondie du dossier, une mainlevée de la mesure de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, le patient pourrait demeurer enfermé dans un hôpital psychiatrique.
Le dispositif, consistant à maintenir en hospitalisation complète, pendant une durée pouvant atteindre quatorze jours, une personne dont le juge des libertés et de la détention aurait estimé qu’elle devrait être remise en liberté, encoure un fort risque d’inconstitutionnalité. Une telle mesure, qui constitue une remise en cause explicite de la décision de l’autorité judiciaire et des libertés publiques, manifeste l’esprit qui anime votre projet de loi : la personne victime de troubles mentaux est nécessairement une menace pour la société et l’ordre public.
L’ensemble de ces remarques d’ordre juridique, politique et philosophique, particulièrement lourdes de sens et de conséquences, nous conduisent à demander la suppression des alinéas 97 et 98 de l’article 1er, dans lesquels nous voyons de véritables atteintes aux fondements de notre démocratie.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 467 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Nous proposons également la suppression des alinéas 97 et 98, qui prévoient la possibilité, pour le directeur de l’établissement d’accueil ou le préfet, de demander au procureur de la République de saisir le premier président de la cour d’appel, afin que le recours à l’encontre de la décision du juge des libertés et de la détention soit suspensif.
Quand bien même le ministère public ne serait pas lié par une telle demande, nous nous prononcerions en faveur de la suppression de cette mesure dérogatoire au droit commun.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 79
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1
II. – En conséquence, alinéa 88
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, sa décision prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pendant lequel un protocole de soins est établi en application du même article. À l’issue de ce délai et en l’absence d’établissement d’un protocole de soins, les soins sans consentement prennent fin.
« Sont informés de l’établissement du protocole de soins et, le cas échéant, de son non-respect par le patient :
« – la personne ayant demandé les soins dans le cas où le patient a été admis en application du 1° du II de l’article L. 3212-1 ;
« – la famille du patient et, le cas échéant, la personne chargée de sa protection juridique ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec le patient antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, dans le cas où le patient a été admis en application du 2° du II de l’article L. 3212-1 ;
« – le représentant de l’État dans le département lorsque le patient a été admis en application du chapitre III du présent titre.
III. – En conséquence, alinéa 97, première phrase
Après les mots :
sous la forme d’une hospitalisation complète
insérer les mots :
sans lui substituer une autre forme de prise en charge
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir la possibilité pour le juge des libertés et de la détention de transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires dans le cadre d’un recours de plein droit.
Ce dispositif a les mêmes justifications que celles que j’ai exposées tout à l’heure au sujet du recours facultatif.
M. le président. L'amendement n° 460 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 79
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 du présent code.
II. - En conséquence, alinéa 88
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, un protocole de soins est établi en application du même article. En l'absence d'établissement d'un protocole de soins dans un délai maximal de quarante-huit heures, les soins sans consentement prennent fin.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Nous sommes d’accord avec l’amendement excellemment proposé par M. le rapporteur pour avis, à une petite différence près, qui tient aux délais prévus.
Comme tout à l’heure, s’agissant de l’amendement n° 458 rectifié que j’ai défendu, nous préférerions que les soins sans consentement prennent fin dans un délai ramené de quarante-huit à vingt-quatre heures, en l’absence d’établissement d’un protocole de soins.
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 88
Supprimer les mots :
pendant lequel un protocole de soins peut être établi conformément à l’article L. 3211-2-1
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 488, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 88
Remplacer le mot :
protocole
par le mot :
programme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 97, première phrase
Supprimer les mots :
, à la requête du directeur de l'établissement d'accueil lorsque la personne est hospitalisée en application du chapitre II du présent titre, du représentant de l'État lorsque la personne est hospitalisée en application du chapitre III du présent titre ou d'office,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La présentation de cet amendement me donne l’occasion de répéter les propos qu’a tenus Christiane Demontès ; je le ferai d’une façon peut-être un peu différente, même si, sur le fond, nous ne sommes pas très éloignés.
Cet amendement vise à supprimer une disposition qui déroge au droit commun. En effet, le parquet n’a pas à recevoir de requête émanant d’une autorité administrative et demandant que l’appel relatif à une ordonnance du juge des libertés et de la détention soit suspensif, quand bien même cette requête ne lierait pas le ministère public.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 97, avant-dernière phrase
Supprimer les mots :
rendue contradictoirement
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer des mots inutiles.
Le caractère contradictoire du débat devant le premier président de la cour d’appel résulte déjà de la référence à l’article L. 3211-12-2.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 97, dernière phrase
Supprimer les mots :
du directeur de l'établissement ou du représentant de l'État
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 97, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, sauf s’il est mis fin à l’hospitalisation complète en application des chapitres II ou III du présent titre
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à harmoniser la procédure suivie devant le premier président de la cour d’appel avec celle applicable en première instance devant le juge des libertés et de la détention.
Il prévoit que le patient est maintenu en hospitalisation complète jusqu’à la décision du juge, sauf si l’autorité administrative décide elle-même d’y mettre fin dans les conditions de droit commun.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 98
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu'il a été donné un effet suspensif à l'appel, le premier président de la cour d'appel ou son délégué se prononce sur la demande en appel dans un délai de trois jours à compter de la déclaration d’appel. Toutefois, par une ordonnance qui peut être prise sans audience préalable, il peut, avant l’expiration de ce délai, ordonné une expertise. Il se prononce alors dans un délai de quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. En l'absence de décision à l'issue de l'un ou l'autre de ces délais, la mainlevée est acquise.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise également à harmoniser la procédure suivie devant le premier président de la cour d’appel avec celle applicable en première instance devant le juge des libertés et de la détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 112. Néanmoins, le rapporteur se permet de penser que le juge des libertés et de la détention, spécialisé dans les questions relatives aux libertés, devrait logiquement connaître des contentieux en cause, plutôt que le président du tribunal de grande instance.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 9, malgré les réserves du rapporteur, qui se demande s’il fait vraiment partie de l’office du juge d’ordonner l’élaboration d’un protocole de soins : son rôle est de vérifier qu’une atteinte excessive n’a pas été portée aux libertés.
Les amendements nos 114 et 458 rectifié visent à permettre au juge de substituer des soins ambulatoires sans consentement à une hospitalisation complète.
La commission a émis un avis favorable, malgré les réserves du rapporteur.
L’amendement n° 459 rectifié vise à supprimer la consultation du collège pour les patients ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office judiciaire.
La commission a émis un avis favorable, contre l’avis du rapporteur.
L’amendement n° 121 vise à autoriser le juge à procéder à toutes les investigations qu’il estimera nécessaires.
Bien que le rapporteur ait jugé ce dispositif inutile, la commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° 123 vise à déplacer certaines dispositions pour améliorer la cohérence du texte.
La commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° 124 vise à fixer à dix ans la durée de la période permettant l’application du droit à l’oubli. Il améliore la rédaction du texte.
La commission a donc émis un avis favorable.
L’amendement n° 125 vise à supprimer l’alinéa permettant aux médecins de préparer un protocole de soins si le juge ordonne la levée de l’hospitalisation.
Bien que le rapporteur ait jugé nécessaire le maintien de cet alinéa, la commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° 58 rectifié tend à prévoir la levée immédiate de l’hospitalisation lorsqu’elle est ordonnée par le juge.
Malgré l’avis du rapporteur, qui a observé qu’il convenait de permettre aux psychiatres d’élaborer un programme de soins, la commission a émis un avis favorable.
Les amendements nos 132 et 135 visent à assurer la coordination avec des amendements précédents.
La commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° 59 vise à raccourcir les délais accordés au juge pour statuer lorsqu’il ordonne une expertise.
La commission a émis un avis favorable, malgré les réserves du rapporteur.
J’en viens maintenant à plusieurs amendements relatifs à l’organisation de l’audience.
La commission un émis un avis favorable sur les amendements nos 62, 138, 465 rectifié, 466 rectifié, 14 rectifié, 63 et 15. Tous pourtant ne peuvent être adoptés simultanément.
Certains de ces amendements visent à supprimer purement et simplement la visioconférence, cependant que d'autres prévoient d’aménager les conditions de son utilisation. Aussi, nous recommandons au Sénat d'adopter les amendements nos 14 rectifié et 15, qui nous paraissent les plus complets.
L'amendement n° 17 vise à clarifier les règles relatives à l'organisation de l'appel.
La commission a émis un avis favorable.
Les amendements nos 64, 139 et 467 rectifié visent à supprimer le recours suspensif. Cette possibilité de recours est appelée à n’être utilisée que dans les très rares cas où il apparaîtrait que la sécurité des personnes pourrait être mise en cause par une décision de levée d’une hospitalisation sans consentement.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Les amendements nos 11 et 460 rectifié visent à permettre au JLD de transformer lui-même une hospitalisation complète en soins ambulatoires sans consentement.
Malgré les réserves du rapporteur, qui estime que le programme de soins relève du médecin et non du juge, d’autant qu’il est question ici de personnes n’ayant commis aucune infraction, la commission a émis un avis favorable.
L'amendement n° 21 vise à supprimer la mention selon laquelle le procureur interjette appel à la demande du préfet ou du directeur de l'établissement d’accueil. Cette rédaction est plus respectueuse des principes du droit.
La commission a émis un avis favorable.
Les amendements nos 19 et 18 sont des amendements de clarification.
La commission a émis un avis favorable.
Enfin, les amendements nos 20 et 22 tendent à harmoniser la procédure d'appel avec celle qui est suivie devant le JLD.
La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. La proposition formulée par les auteurs de l'amendement n° 112 n'apparaît pas opportune. En effet, depuis sa création, en 2000, le juge des libertés et de la détention est compétent pour ordonner les mesures visées à l’alinéa 61, et ce en remplacement du président du TGI. De fait, le JLD concentre entre ses mains l’examen des affaires civiles et pénales mettant en jeu le respect des libertés individuelles garanties par l'article 66 de la Constitution. Le président du TGI peut toujours, en cas de nécessité, désigner l’un des vice-présidents du tribunal pour exercer les fonctions de JLD.
Aussi, le Gouvernement demande-t-il le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Il émet un avis défavorable sur les amendements nos 9, 114, 458 rectifié et 11, qui ont pour objet de donner aux juges des libertés et de la détention la possibilité de substituer un soin ambulatoire sans consentement à la mesure d'hospitalisation complète. En fait, cette proposition mettrait le juge en situation de devoir ordonner une mesure dont il ne pourrait évaluer les conséquences, notamment les atteintes aux libertés qui en résulteraient.
Par les amendements nos 9 et 11, M. Lecerf propose que ce soit postérieurement à la décision du juge, au terme d'un délai de vingt-quatre heures, que le protocole de soins soit établi. Si tel devait être le cas, il s’ensuivrait une confusion entre les attributions du juge pénal et celles du juge civil. Ce dernier n'a en effet pas vocation à être chargé du suivi des mesures médicales, qui relèvent de la seule compétence des autorités sanitaires.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 485 ainsi que sur les amendements nos 124, 132, et 135 déposés par M. Le Menn.
M. Guy Fischer. Un avis favorable du Gouvernement sur trois amendements de Jacky Le Menn d’un coup ! C’est du jamais vu !
Mme Isabelle Debré. Ne vous plaignez pas !
M. Guy Fischer. Ce n’est pas à moi que cela arriverait !
M. Jacky Le Menn. Jaloux ! (Sourires.)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous sommes là pour avoir un débat constructif, monsieur Fischer !
Ces trois amendements visent à rappeler la durée à partir de laquelle s'exerce le droit à l'oubli, à savoir dix ans au minimum.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 486, qui vise à n'imposer, pour les patients placés, sur décision du préfet, en soins sans consentement et ayant fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles, qu'une seule expertise destinée à permettre aux juges des libertés et de la détention de statuer sur la levée de la mesure.
Les dispositions actuelles prévoient deux expertises, mais, dans le dispositif à venir, le juge bénéficiera d'un avis supplémentaire, à savoir celui du collège. Cela apparaît suffisant alors même que les experts médicaux sont de plus en plus sollicités et qu’il est parfois difficile d'en trouver.
Dès lors que le juge ne s'estimerait pas suffisamment éclairé, il pourrait alors solliciter une autre expertise.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 125. Le délai de quarante-huit heures doit être maintenu afin de permettre au médecin d'organiser un programme de soins lorsque son patient quitte le bureau du juge.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 58 rectifié, qui vise à poser le principe général selon lequel, dès lors que le JLD ordonne une mainlevée, sa décision prend effet immédiatement.
L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’écarter toute prise en compte de l'exigence de la continuité des soins, laquelle peut justifier un report de quelques heures de la décision du juge si un programme de soins doit être mis en place à la suite d'une décision judiciaire. En outre, son adoption introduirait une incohérence avec les dispositions visant à rendre possible l'effet suspensif de l'appel contre la décision.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 487.
L'amendement n° 59 vise à supprimer la possibilité de prolonger le délai dont dispose le juge pour statuer et rendre son ordonnance. Une telle prolongation apparaît indispensable pour permettre à l'expert de disposer d'un temps minimal pour mener ses travaux et rendre son rapport.
Aussi, le Gouvernement demande-t-il aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 14 rectifié vise à encadrer davantage le recours à la visioconférence, laquelle, d’ores et déjà, ne peut être décidée que par un juge, en l'absence d'opposition du patient. M. Lecerf propose d'ajouter l'exigence d'une attestation médicale établissant que l'état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé technologique.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à cette disposition, qui permet de prendre en compte la situation de chaque patient et d'éviter les effets néfastes que pourrait avoir, sur sa santé, la visioconférence. Celle-ci sera organisée au sein de salles spécialement aménagées, apparentées à des lieux de justice et ouvertes au public. Dans l'hypothèse où ce procédé ne pourrait être utilisé, vous prévoyez, monsieur le rapporteur pour avis, la possibilité pour le juge de décider d’y statuer et, ainsi, d’y tenir une audience foraine. Cette proposition, objectivement conforme à l'intérêt des patients, leur permettra de comparaître personnellement devant leur juge quand ils ne pourront être remplacés.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 14 rectifié et, par voie de conséquence, un avis défavorable sur les amendements nos 62, 138, 465 rectifié, 466 rectifié et 63.
Par ailleurs, je demanderai à M. Lecerf de bien vouloir retirer l’amendement n° 15 ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous proposez que l'avocat du patient se tienne au côté du patient, et non auprès du magistrat. Le principe même de la présence de l'avocat n'est bien évidemment pas contestable ; en revanche, ne pas permettre, le cas échéant, à l'avocat, qui, en pratique, sera le plus souvent celui qui est de permanence, d’être au côté du juge apparaît trop rigide et source de difficultés. Je rappelle que l'avocat de permanence est très souvent appelé à intervenir le même jour dans d'autres procédures d'urgence.
Bien évidemment, dans les cas où l'avocat ne pourrait être au côté du patient, la nécessaire confidentialité sera assurée par le dispositif de visioconférence afin de préparer au mieux l'audience.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 17, qui est un amendement de précision.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 64, 139 et 467 rectifié, qui visent à supprimer la possibilité pour le ministère public d'assortir sa déclaration d'appel d'une demande d'effet suspensif.
Ce dispositif, qui existe déjà pour d'autres décisions prises par le JLD, a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003.
Le dispositif proposé paraît donc particulièrement équilibré.
En premier lieu, le recours suspensif – la rédaction du projet de loi est très claire sur ce point – est l'exception, la règle étant que la décision du JLD soit exécutée dès sa notification, nonobstant l'appel qui pourrait être interjeté.
En second lieu, cette exception est strictement encadrée, puisqu'elle est limitée aux cas de risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade ou d'autrui.
Avant de poursuivre, je souhaite revenir quelques instants sur l'amendement n° 11 afin de préciser à l’attention de Mme Borvo Cohen-Seat que c’est le juge d’appel, et non le procureur de la République, comme elle l’affirmait tout à l’heure, qui décide de l'effet suspensif.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 460 rectifié. Cette proposition ne paraît ni souhaitable, pour les raisons déjà exposées, ni utile, l'exigence étant d'assurer la continuité des soins à la suite d'une décision de mainlevée.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 488, qui est un amendement de cohérence.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 21, qui vise à supprimer la précision selon laquelle le procureur de la République peut être saisi, par requête du préfet ou du directeur d'établissement, d'une demande tendant à obtenir l'effet suspensif lorsqu'un appel à l'encontre d'une décision de mise en liberté a été interjeté.
En tant que parties à la procédure, ces personnes sont bien placées pour indiquer au ministère public, qui ne sera pas toujours présent à l'audience, les éléments permettant de fonder cette demande au regard des critères exigés par la loi.
En outre, une telle précision n'a pas pour effet de lier le procureur de la République, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 19 ainsi que sur l'amendement n° 18 de coordination et sur les amendements nos 20 et 22.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser les raisons pour lesquelles je suis défavorable à l’amendement no 112.
Si la commission des lois souhaite que le contrôle soit confié exclusivement au juge des libertés et de la détention, déjà compétent pour l’ensemble des contentieux, au civil et au pénal, en matière de privation de liberté, elle souhaite également qu’il soit envisagé de doter ce juge d’un statut plus protecteur.
Dans son avis adopté le 31 mars 2011, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a regretté que le juge des libertés et de la détention ne dispose pas d’un statut propre dans la mesure où ce juge est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président, désigné par le président du tribunal de grande instance, qui dispose également du pouvoir de le muter dans d’autres fonctions.
L’avis ajoute que le juge des libertés et de la détention est régulièrement pointé du doigt au gré de l’actualité, particulièrement pour les cas de récidive pénale. On peut donc légitimement craindre que cette pression continue ne tende à remettre en cause l’exercice en toute indépendance de son pouvoir de contrôle des mesures d’hospitalisation.
Ce point de vue a également été défendu lors des auditions par les différents syndicats de magistrats. C’est pourquoi je souhaite qu’il soit envisagé, dans le cadre de la réforme à venir de la procédure pénale, de doter le juge des libertés et de la détention d’un véritable statut, qui passe par une désignation par décret du Président de la République ainsi que par des modifications indiciaires tenant compte des contraintes horaires auxquelles il est soumis.
L’amendement proposé nous paraît aller à l’encontre de cet objectif, en prévoyant que le juge des libertés et de la détention serait un juge parmi d’autres, compétent en matière d’hospitalisation sous contrainte. On pourrait alors imaginer que le président du tribunal de grande instance ne lui confie pas, ou lui retire, le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte en cas de pressions exercées par la préfecture ou par l’établissement d’accueil. Or la commission des lois considère que c’est au contraire à la création d’un statut du juge des libertés et de la détention qu’il convient de réfléchir dans les années à venir.
M. Jacky Le Menn. Dans ces conditions, je retire l’amendement no 112.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je voudrais rectifier l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 486.
Je le rappelle, nous traitons de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Le préfet dispose de deux expertises psychiatriques préalables. On ne comprendrait pas que le juge soit moins bien renseigné que le préfet sur l’état de santé du malade au moment de prendre sa décision de mettre fin ou non à l’hospitalisation d’office.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 114 et 458 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 459 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je constate que l’amendement est adopté à l’unanimité des présents.
M. Jean Desessard. Eh voilà, c’est fait ! (Sourires.)
M. Jacky Le Menn. Et c’est très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 486.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je le retire.
M. le président. L’amendement no 486 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 124.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Les amendements nos 125 et 487 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 135.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a également été adopté à l’unanimité des présents.
Monsieur Fischer, l’amendement no 59 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président : nous ne voulons pas passer sous les fourches Caudines du Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62, 138 et 465 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 63 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Comme nous l’ont indiqué les juges des libertés et de la détention, lorsqu’une audience se déroule par visioconférence, si l’avocat se trouve auprès du magistrat, ce dernier se retire quelques minutes pour laisser l’avocat s’entretenir avec son « patient-client ». Cet entretien se déroule donc dans des conditions très rudimentaires, ce qui n’est pas satisfaisant.
L’objet de l’amendement no 15 est de remédier à cette situation. Cela dit, la commission des lois, consciente des difficultés qu’induirait cet amendement, s’il devait être adopté, a décidé de le retirer.
M. le président. L’amendement no 15 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement no 64.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d’État, vos explications ne nous ont pas semblé satisfaisantes.
Selon vous, cette procédure restera exceptionnelle, puisque c’est le juge d’appel qui statue, ce que je ne conteste pas. Elle nous semble toutefois constituer une mise en cause des règles habituelles du droit et traduire, une nouvelle fois, une suspicion à l’égard du juge des libertés et de la détention, donc de la justice judiciaire. On ne voit en effet pas pourquoi le JLD, après deux expertises, n’aurait pas la capacité de statuer sur le maintien, ou non, de la décision d’hospitalisation. Il faut savoir ce que l’on veut, et c’est pourquoi nous avons déposé une demande de scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64, 139 et 467 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J’ai émis tout à l’heure un avis défavorable sur l’amendement n° 11, qui vise à étendre au contrôle de plein droit la possibilité pour le juge de transformer une mesure d’hospitalisation complète en soins ambulatoires sans consentement. L’adoption de ce dispositif permettrait en effet au juge d’ordonner de tels soins ambulatoires sans être réellement en mesure d’apprécier le degré d’atteinte aux libertés qu’ils entraîneraient, le médecin n’établissant le protocole de soins que postérieurement à la décision du juge, ce qui me semble choquant.
Il revient au médecin de décider de la forme de la prise en charge et au juge de statuer sur le degré de liberté que celle-ci laisse au patient. Une décision judiciaire ne saurait avoir pour conséquence de donner à l’équipe médicale un blanc-seing pour mettre en œuvre une mesure dont le juge ne pourrait, par la suite, apprécier ni la nature ni les conséquences concrètes en termes de liberté.
Je rappelle en outre que l’exigence d’une continuité de soins a été prise en compte par l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous avez précédemment adopté l’amendement n° 9, je me permets d’appeler votre attention sur l’amendement n° 11, qui contient une disposition similaire. Au demeurant, je vous annonce d’ores et déjà que le Gouvernement demandera une seconde délibération.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’amendement n° 11.
M. Alain Milon. Je souhaite abonder dans le sens de Mme la secrétaire d’État.
Chacun doit rester dans son domaine de compétence : les médecins sont là pour soigner et les juges pour protéger les libertés.
Si l’on permet au juge de se substituer au médecin, je ne sais pas où l’on va ! (MM. Alain Gournac et Claude Léonard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas adopter une position sur l’amendement n° 9, puis une autre sur l’amendement n° 11 ! Ce serait comme si nous affirmions, dans un premier temps, qu’un fauteuil est rouge, puis, dans un deuxième temps, que celui-ci est subitement devenu vert …
Je signale d’ailleurs à Mme Berra et à M. Milon que la disposition proposée par la commission des lois est si saugrenue qu’elle figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement et qu’elle avait également été retenue par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. S’il est vrai que seuls les désorientés ne changent pas d’avis, je suis donc parfaitement rassuré sur ce point.
Je reconnais parfaitement au Gouvernement le droit de demander une seconde délibération. Mais celle-ci ne pourra intervenir qu’à la fin de nos débats. Si le Sénat se laisse alors convaincre par l’argumentation de Mme la secrétaire d’État et par notre collègue Alain Milon, je m’inclinerai très volontiers. En revanche, sauf à ce que nos travaux confinent à l’absurde, il me semble que nous devons pour l’heure voter de la même manière sur l’amendement n° 11 que sur l’amendement n° 9.
J’ajoute que, si nous donnions immédiatement raison à M. Milon et au Gouvernement, nous validerions le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, qui permet de différer de quarante-huit heures la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, mesure que tous les juristes considèrent comme inconstitutionnelle.
La situation est donc légèrement plus complexe qu’on ne le prétend.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La disposition contenue dans l’amendement n° 11 reviendrait à superposer deux démarches : l’une concernant des détenus, à qui un juge pénal ordonne de suivre des soins ; l’autre ayant trait à un juge civil, qui statue sur des libertés.
Il me semble inopportun, dans un projet de loi dont l’objet est de prendre en charge les malades et de les soigner, de réaliser un amalgame entre les missions du juge pénal et celles du juge civil. Vous vous dites d’ailleurs vous-mêmes soucieux de ne pas trop judiciariser ce texte, monsieur le rapporteur pour avis.
Nous sommes ici dans une démarche de soins, lesquels incombent aux psychiatres et aux professionnels de santé, tandis que le juge est chargé d’arbitrer sur la privation de liberté qu’ils engendrent. Je le répète, nous ne sommes pas dans un contexte de suivi de mesures médicales ordonnées par le juge pénal à l’égard des détenus.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je rejoins sur ce point l’argumentation de Mme la secrétaire d’État.
Toutefois, ne serait-ce que par la volonté du Conseil constitutionnel, qui s’impose à lui, le juge sera amené à se prononcer sur la situation d’hospitalisation complète. Il pourra ainsi, à l’instar du préfet, estimer qu’une telle mesure ne se justifie plus, sans pour autant juger qu’il convient de dispenser le patient de tout suivi médical.
Bien évidemment, il n’appartiendra nullement au juge de fixer le contenu des soins qui seront dispensés. En cas de non-respect du programme de soins, les amendements nos 9 et 11 visent simplement à ce que celui-ci se contente d’informer la personne qui avait provoqué l’hospitalisation, à savoir le préfet, s’il s’agit d’une hospitalisation d’office, ou la famille, s’il s’agit d’une hospitalisation à la demande d’un tiers.
Les deux dispositifs ont leur cohérence. Reste que nous avons en effet un différend de fond.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le juge civil n’a pas les moyens de vérifier, et encore moins de sanctionner, le non-respect du suivi des mesures médicales.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il prévient, c’est tout !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il ne bénéficie pas, comme le juge pénal, du concours des services d’insertion et de probation, qui contrôlent le respect des obligations de soins en cas de condamnation.
Nous sommes ici dans le cadre d’un suivi sanitaire, avec l’intervention d’un juge civil. Or il me semble que les dispositions contenues dans ces amendements reviendraient à accorder à ce dernier la possibilité de prononcer des soins sans consentement, ce qui reviendrait finalement à donner un blanc-seing à une équipe médicale. Cela n’est pas acceptable !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le problème, c’est que les soins sous contrainte constituent des mesures privatives de liberté, comme je l’ai indiqué à l’occasion de l’exception d’irrecevabilité que j’ai présentée sur ce texte.
Vous avez concédé que le juge des libertés et de la détention devait intervenir dans les quinze jours qui suivent le début d’une hospitalisation complète. En revanche, en ce qui concerne les soins ambulatoires sous contrainte, l’intervention du juge des libertés n’est pas prévue. Cela pose problème !
Vous prétendez que le juge civil n’a pas à intervenir en matière de soins. Pourtant, dans le cas d’une hospitalisation complète, le JLD se prononce sur la contrainte, après avis médical. Une procédure parallèle doit donc être prévue pour les soins ambulatoires sans consentement, qui constituent aussi une mesure privative de liberté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais si, absolument !
Vous avez une conception bien limitée de la liberté, madame la secrétaire d’État. La personne qui se trouve dans cette situation est privée de sa liberté de refuser un soin, de même que de sa liberté d’aller et venir, qui est une liberté constitutionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous sommes là au cœur de la contradiction.
Depuis le début, nous dénonçons l’ambiguïté qui existe, dans ce texte, entre la question du soin dispensé à une personne malade et celle de la privation de liberté, sous prétexte que cette personne serait dangereuse.
Je rejoins l’argument de Mme Borvo Cohen-Seat : dès lors qu’une contrainte est exercée sur un malade, le lieu dans lequel il se trouve contraint devient un lieu de privation de liberté.
Comme M. Lecerf, je pense qu’il faut lever cette ambiguïté. Malheureusement, le droit prend le pas sur le soin et, si nous ne votons pas l’amendement n° 11, il est évident que le risque d’inconstitutionnalité réapparaît.
Je rappelle que le projet de loi trouve initialement sa source dans une décision du Conseil constitutionnel, même si le Gouvernement a par la suite choisi de lui adjoindre d’autres dispositions.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 460 rectifié et 488 n’ont plus d’objet.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je souhaite revenir brièvement sur l’amendement n° 21.
Je n’ai rien contre le fait que le directeur de l’hôpital ou le préfet manifestent d’une manière ou d’une autre leur souhait de voir produire à l’appel un effet suspensif. Mais est-ce vraiment à la loi de leur souffler l’idée d’une mesure dérogatoire au droit commun ?
D’une part, cela ne sert strictement à rien – le parquet le demandera si nécessaire – ; d’autre part, je pense que ce n’est pas notre rôle de législateur.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Il a raison !
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 61
1° Supprimer les mots :
, à bref délai,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est rendue dans un délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’intervention du juge des libertés et de la détention, imposée par la décision du Conseil constitutionnel, doit être pleinement efficace.
En l’occurrence – nous avons déjà eu l’occasion de le dire –, il nous apparaît très préjudiciable, pour la personne qui souhaiterait saisir ce juge, que le texte ne soit pas plus précis quant au délai dans lequel la décision sera rendue.
En d’autres termes, nous pensons que la loi devrait définir un délai limite clair, plutôt que la notion de « bref délai », dont la définition est trop vague, trop floue et trop imprécise.
Cet amendement vise donc à éclaircir cette disposition, en prenant comme référence un délai de douze jours.
Un tel délai est en cohérence avec plusieurs autres mesures similaires. On peut citer le cas du droit des étrangers en matière de rétention. En l’occurrence, deux décisions judiciaires sont requises en douze jours : la première, par le juge des libertés et de la détention ; la seconde, par le président du tribunal de grande instance.
Le second motif pour lequel nous présentons cet amendement est là encore un motif de cohérence. L’article R. 3211-9 du code de la santé publique, encadrant l’examen de la requête de sortie par le JLD décrit à l’article L. 3211-12 du même code, indique très clairement un délai maximum de douze jours.
Pour faire simple, le règlement précise ce que la loi ne prévoit pas. Le problème se pose avec le texte que nous étudions aujourd’hui, car plutôt que de reprendre la rédaction de l’article R. 3211-9 et de mentionner explicitement le délai de douze jours, le projet de loi n’indique qu’un « bref délai ».
En l’état, il s’agit d’un recul, dans la mesure où la réécriture complète de l’article L. 3211-12 remplacera le texte réglementaire.
Très honnêtement, mes chers collègues, quelle est la raison de ce recul ? En réalité, il est clair que l’on cherche à retarder le plus possible l’intervention du juge, dans les limites maximums de quinze jours admises par la décision du juge constitutionnel.
La portée pratique de la décision du juge est minorée par de nombreuses autres dispositions, prenant plus en considération le rôle du préfet que le rôle du juge, le rapporteur de la commission des lois a très bien décrit la situation. Mais après tout, si l’on regarde la rédaction de cet article 1er, nous ne sommes guère étonnés de constater que, même en matière de délai d’intervention du JLD, il y a un recul important en matière de droit des malades.
L’hospitalisation sans consentement étant une mesure privative de liberté qui ne peut s’étendre indéfiniment sans examen par le JLD, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel, nous pensons que le patient doit bénéficier de toutes les garanties juridiques nécessaires à la sauvegarde de ses libertés individuelles. En l’occurrence, assigner un délai maximum pour la décision du JLD est bien plus protecteur de ces libertés qu’une simple mention d’un « bref délai ». Bref délai dont on sait qu’il sera, dans la pratique, étendu systématiquement à quinze jours. De notre point de vue, il est donc opportun de suivre a minima l’état actuel du droit, qui prévoit l’examen de la requête dans le délai de douze jours.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG est très attaché à cet amendement n° 56.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à réduire les délais donnés au juge pour statuer.
La commission a émis un avis favorable, malgré l’avis du rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La précision du délai est d’ordre réglementaire. D’ailleurs, le délai de douze jours que vous évoquez, monsieur Fischer, figure dans la partie réglementaire du code de la santé publique.
De la même manière, le projet de loi indiquera que cette précision devra être apportée dans le cadre des décrets.
M. Guy Fischer. On se méfie !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La loi peut prévoir que le juge des libertés et de la détention est saisi dans de brefs délais. D’ailleurs, ces délais sont prévus dans un décret récent, conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je souhaite confirmer et compléter les propos de Mme la secrétaire d’État sur un point.
Cet amendement est, me semble-t-il, satisfait par le droit en vigueur. Le décret du 20 mai 2010 – décret tout à fait récent – prévoit, dans le cadre du recours facultatif, un délai d’intervention du juge des libertés et de la détention dans les douze jours. Cela correspond donc à ce bref délai inscrit dans le projet de loi.
Non seulement l’amendement est satisfait, mais il est également incomplet par rapport au texte du décret, lequel prévoit l’hypothèse où une expertise a été demandée et où il faut dès lors porter le délai à vingt-cinq jours.
Par conséquent, si notre collègue Guy Fischer voulait bien retirer son amendement, nous y gagnerions.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 56 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le retire, monsieur le président, mais nous vérifierons sur le terrain ce que nous ont dit Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur pour avis.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
L'amendement n° 118, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 68
Après le mot :
parent
insérer les mots :
, la personne de confiance désignée par le patient conformément à l’article L. 1111-6
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. On ne nous a encore rien demandé, mais je le retire, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.
L'amendement n° 119, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 69
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le directeur de l'établissement de santé chaque fois qu'il constate un désaccord entre les certificats médicaux établis au titre du présent projet de loi, ou encore de l'avis établi par le collège visé au II de l'article L. 3211-9, d'une part, et les décisions prises par le représentant de l'État au titre des compétences conférées par le présent projet de loi, d'autre part. »
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Je ne retire rien, monsieur le président. (Sourires.)
Le présent projet de loi, on l’a dit et répété, comporte un déséquilibre manifeste entre une conception sanitaire et une approche sécuritaire des indications de soins sans consentement, ainsi que des modalités de soins à plein temps ou en ambulatoire. C’est bien la mission de l’autorité judiciaire que d’être en mesure d’éviter que des situations d’hospitalisation en psychiatrie ne perdurent, alors que le corps médical aurait conclu à l’absence d’indications d’hospitalisation, ou de prise en charge ambulatoire, au titre d’un besoin de soins psychiatriques.
Les établissements en santé mentale ne peuvent être transformés en « centres de rétention administrative » pour des personnes situées dans la ligne de mire des autorités en charge de l’ordre public. Rapprocher la maladie psychiatrique des différentes catégories de troubles à l’ordre public représente une véritable « régression » de civilisation, n’ayons pas peur du mot !
C’est pourquoi le présent amendement évoque une compétence liée du directeur de l’établissement à l’effet de saisir le juge pour toute discordance de position entre le corps médical et le représentant de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement prévoit un recours au juge dans tous les cas de désaccord entre le psychiatre et le médecin.
La commission a émis un avis favorable, malgré les réserves du rapporteur, qui considère qu’il ne convient pas de judiciariser à l’excès la procédure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 70, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, il est informé de toute décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. J’espère avoir plus de chance avec cet amendement …
Nous militons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, pour que cette réforme passe le gué du marais sécuritaire, en proposant d’étayer l’intervention du contrôle du juge, qui peut, selon le texte, se saisir d’office à tout moment, donc dès la phase d’hospitalisation.
Afin que le contrôle du juge devienne réalité et ne soit pas cantonné à une pétition de principe, nous proposons que celui-ci soit informé de toute décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement. N’oublions pas que l’effectivité du droit de recours n’est pas assurée pour tous les malades avec la même attention et qu’il y a un risque certain, s’agissant de personnes fragiles, qu’il s’exerce en définitive assez peu. Il est vrai que le devenir des intéressés n’est pas facilité par l’accumulation des procédures.
Il est donc très important que tous moyens soient apportés au juge afin de faire jouer au droit son rôle de protection et, en premier lieu, d’apporter au juge les informations les plus opérantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a émis, contre l’avis du rapporteur, un avis favorable sur cet amendement, qui prévoit une information du juge sur toute décision d’admission en soins sans consentement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Rendre le juge destinataire de toutes les décisions d’admission serait totalement inutile et contreproductif. Ces documents ne serviraient qu’à encombrer le greffe, …
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … sans donner lieu à une ouverture de dossier, le maintien de l’intéressé pendant quinze jours en soins sans consentement étant loin d’être certain au moment d’une admission.
Par ailleurs, il ne faut pas complexifier davantage la nouvelle procédure qui doit être mise en œuvre assez rapidement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 129 est présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 461 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 82, première phrase
Remplacer les mots :
six mois
par les mots :
trois mois
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 129.
Mme Raymonde Le Texier. Rappelons une nouvelle fois que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 novembre 2010, a déclaré inconstitutionnel l’article L. 337 du code de la santé publique, au motif qu’il portait atteinte à l’article 66 de la Constitution, en vertu duquel : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
Dans cette décision, était en cause la possibilité de maintenir l’hospitalisation sans consentement au-delà de quinze jours, sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire.
Afin d’être en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a dû amender son projet de loi, prévoyant le contrôle systématique du bien-fondé des hospitalisations complètes sans consentement par le juge des libertés et de la détention, avant l’expiration d’un délai de quinze jours.
Par la suite, ce contrôle est renouvelé au terme de six mois, quand l’hospitalisation complète a été continue sur la période.
C’est là que le bât blesse. Eu égard aux atteintes portées à la liberté individuelle du malade, ce délai de six mois apparaît excessif et potentiellement contradictoire avec l’article 66 de la Constitution.
Rendez-vous compte ! En l’état, plus de cinq mois séparent ces deux contrôles ; ce laps de temps est beaucoup trop important et ne prend pas en compte la possibilité d’évolution favorable de la maladie.
Autrement dit, l’équilibre sur lequel repose l’approche politique de la psychiatrie est une nouvelle fois rompu ; la protection de la santé du patient et la sauvegarde de ses libertés fondamentales sont bafouées au profit de l’objectif de préservation de l’ordre public.
Or nous nous opposons à cela. Une personne souffrant de troubles psychiatriques doit avant tout être soignée et protégée ; cela signifie la respecter, la comprendre, l’encadrer, l’aider, être attentionné et, bien sûr, ne pas partir du postulat qu’elle est nécessairement une menace pour la société.
En procédant ainsi, vous allez tout simplement à l’encontre de la logique inhérente au soin. Vous préjugez et vous condamnez !
Songez que la personne atteinte de troubles mentaux n’est jamais coupable de sa maladie, elle est seulement victime. Qu’il y ait des considérations liées à l’ordre public, certes ; mais qu’elles ne priment pas sur la santé et les droits du patient !
Par conséquent, eu égard à ces différents éléments, nous demandons que le contrôle du bien-fondé des hospitalisations complètes sans consentement soit renouvelé par le juge des libertés et de la détention tous les trois mois. Il s’agit non seulement d’une garantie quant à la protection de la santé du malade, mais aussi d’une assurance de la préservation de ses droits fondamentaux.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 461 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a le même objectif que celui qui vient d’être défendu.
Afin de se conformer aux exigences constitutionnelles, le texte prévoit un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention pour toute hospitalisation complète se prolongeant au-delà de quinze jours, puis, de nouveau, avant l’expiration d’un délai de six mois.
Ces deux délais semblent particulièrement étendus eu égard aux atteintes portées aux libertés individuelles du patient.
Nous estimons d’ailleurs que la réforme est restée au milieu du gué, car, pour une protection complète des personnes malades, il aurait été judicieux de faire intervenir le juge dès la décision initiale d’hospitalisation et non pas simplement a posteriori.
Celui-ci interviendra alors que la forme de la prise en charge et des traitements seront déjà décidés et on peut craindre que le recours ne se résume à une simple confirmation des avis médicaux. C’est d’ailleurs toute la difficulté de l’exercice, et la contradiction entre les principes affichés depuis deux jours et la réalité de terrain.
L’option d’un contrôle a priori fonctionne apparemment bien dans certains pays et était souhaitée par les associations de malades ainsi que par une bonne partie des magistrats. Malheureusement, vous avez fait un choix différent.
Quoi qu’il en soit le délai de six mois nous paraît très long. C’est pourquoi nous proposons de le réduire à trois mois.
J’ajouterai qu’avec un délai de trois ou de six mois la nouvelle compétence du juge rend plus que jamais nécessaire la création de postes en nombre suffisant. Les magistrats et les fonctionnaires doivent pouvoir pleinement investir ce nouveau contentieux, qui représente environ 60 000 décisions, mais nous savons tous que les moyens qui ont été annoncés ne permettront pas d’y faire face. Or, sans moyens suffisants, nous craignons que ce contrôle ne soit exercé dans des conditions non conformes au respect de la liberté des patients.
M. Guy Fischer. Très bonne analyse !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Malgré les réserves du rapporteur, la commission a donné un avis favorable sur ces amendements nos 129 et 461 rectifié prévoyant un contrôle systématique des mesures d’hospitalisation tous les trois mois et non plus tous les six mois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à un contrôle renouvelé tous les trois mois. Évidemment, je suis sensible à cette préoccupation. Cependant, une telle fréquence n’a pas été imposée par le Conseil constitutionnel…
Mme Christiane Demontès. Le Conseil constitutionnel ne s’est prononcé ni dans un sens ni dans l’autre !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Si cette disposition garantissait mieux la liberté des personnes, je pense que le Conseil constitutionnel nous aurait donné le schéma à suivre. (Mme Raymonde Le Texier proteste.)
Nous proposons un deuxième contrôle systématique à l’issue de six mois d’hospitalisation. Il reste bien entendu la possibilité pour le patient, ses proches ou même le procureur de la République de former à tout moment un recours devant le juge des libertés et de la détention.
Voilà les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens les amendements de mes collègues. Je déplore que le Gouvernement s’y oppose, contrairement à la commission, si j’ai bien compris.
En matière de maladie mentale, nous sommes très éloignés des exigences du contrôle de la privation de liberté ; nous devons en prendre conscience.
Tout d’abord, le juge n’est pas tenu d’intervenir a priori, comme l’a excellemment souligné notre collègue Mézard. Ensuite, il est prévu un délai de quinze jours – c’est beaucoup –, puis de six mois.
On assimile le malade à un délinquant. Or, en matière de délinquance, la privation de liberté est liée à la peine encourue ou au prononcé d’une peine. Dans le cas du patient dont l’état a nécessité, à un moment donné, l’hospitalisation, on semble considérer que le fait qu’il reste enfermé six mois sans aucun contrôle est sans importance… Je trouve cela assez curieux.
Bien sûr, un recours est toujours possible. Cependant, on peut objecter que le malade n’est pas dans les meilleures conditions pour former un tel recours, en l’absence de liens avec la famille ou un avocat.
Dès lors, le raccourcissement des délais d’intervention du juge des libertés et de la détention me semble relever du bon sens. Une telle décision serait plus conforme à la volonté du juge constitutionnel et des instances internationales : le contrôle de la privation de liberté doit être réel et efficace.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 129 et 461 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 438, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 82, première phrase
Remplacer les mots :
de l'article L. 3211-12 du présent code ou du présent article
par les mots :
du présent article, de l'article L. 3211-12, du dernier alinéa du II de l'article L. 3213-1, du IV de l'article L. 3213-3 ou du second alinéa de l'article L. 3213-5 du présent code
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 438 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 84
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si le juge constate que la procédure mentionnée à l’article L. 3211-12-1, n’a pas été respectée, il ordonne la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques dont une personne fait l'objet sans son consentement, quelle qu'en soit la forme.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement a pour objet de compléter la rédaction de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique tel qu’il est proposé dans le présent projet de loi.
En effet, pour mettre la législation en conformité avec les exigences constitutionnelles applicables en matière d’hospitalisation sans consentement, que le Conseil constitutionnel a précisées dans sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 Mlle Danielle S., il convient d’insérer dans le code de la santé publique un article L. 3211-12-1 organisant le contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention sur la nécessité du maintien des mesures d’hospitalisation sans consentement.
Ainsi est-il proposé que soit soumis au contrôle du juge des libertés et de la détention les mesures de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, et non celles qui prennent une autre forme, comme les soins sans consentement délivrés en ambulatoire.
Cette situation n’est pas acceptable et nous considérons que les soins psychiatriques contraints délivrés en ambulatoire devraient également être autorisés par le juge des libertés et de la détention. Son intervention, qui devait être une garantie importante pour le respect du droit des patients, s’avère en réalité plus que réduite.
Avec cet amendement, nous entendons consolider les droits des personnes subissant des soins sous contraintes en renforçant les compétences du juge des libertés et de la détention. Nous proposons donc, conformément à l’article 66 de notre Constitution et aux missions qui sont confiées au JLD, de prononcer immédiatement la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques dès lors que la procédure n’a pas été respectée, notamment si les certificats médicaux font défaut ou que le délai de quinze jours prévu par le Conseil constitutionnel pour sa propre intervention est dépassé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a donné un avis favorable sur cet amendement prévoyant une levée d’hospitalisation en cas de non-respect de la procédure.
Le rapporteur fait cependant observer que le juge doit se concentrer sur le bien-fondé de la mesure et non sur d’éventuels vices de forme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. L’article prévoit déjà les dispositions dont la violation doit être automatiquement sanctionnée par la mainlevée de la mesure, quand cela paraît être imposé par les impératifs de protection de la liberté. Il s’agit, je vous le rappelle, du non-respect des délais impartis au juge pour statuer ou du délai de saisine du juge, à moins que celui-ci ne soit justifié par des circonstances exceptionnelles. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 91
Après les mots :
est acquise
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous nous étonnons de trouver une nouvelle exception dans un texte qui aurait dû clarifier la législation et assurer les libertés individuelles des malades, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel.
La rédaction de l’alinéa 91 qui nous est proposée décrit une exception à la règle de la mainlevée décrite plus haut dans le texte.
Ce même texte prévoit une disposition qui doit permettre à chaque personne hospitalisée sans son consentement de voir sa demande de mainlevée évaluée dans les quinze jours. Ce délai, si nous le trouvons trop long, a au moins le mérite d’être en cohérence avec la décision du Conseil constitutionnel. Au-delà de cette limite, le texte prévoit la mainlevée d’office, autrement dit la fin de la mesure d’hospitalisation complète, ce qui enjoint le juge de statuer.
Or on constate avec étonnement que ce délai peut être repoussé en vertu de « circonstances exceptionnelles ». Quelles sont ces circonstances exceptionnelles ? Comment expliquez-vous la définition d’une exception ? À la limite, par la rédaction de ce texte, on créerait un instrument juridique destiné à permettre le non-respect de la loi que vous vous apprêtez à voter !
C’est une façon de contourner la décision du Conseil constitutionnel. Il en est ainsi de la décision ultime revenant au préfet, de la non-levée immédiate de l’hospitalisation sans consentement si le JLD l’a décidée, ou encore de la possibilité de l’appel suspensif prévue aux alinéas 97 et 98.
Ce texte est donc flou, imprécis, mais il est également porteur d’une vision sécuritaire de la psychiatrie, oublieuse des malades.
Ainsi, toute la procédure de mainlevée de l’hospitalisation sans consentement est verrouillée, cadenassée, enfermée dans un arsenal destiné à retarder, voire à décourager la personne qui souhaiterait voir examinée une telle mesure.
Ce verrouillage est là pour nous rappeler la vision sécuritaire de la personne atteinte de troubles psychiatriques, considérée comme un danger potentiel pour la société et que celle-ci doit pouvoir écarter.
Nous nous opposons à une telle vision ainsi qu’à la création d’un régime dérogatoire à l’exercice des libertés individuelles fondamentales reconnues par le juge constitutionnel ; c’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mention permettant de ne pas lever l’hospitalisation quand des circonstances exceptionnelles ont justifié la saisine tardive du juge.
La commission a donné un avis favorable, même si le rapporteur avait estimé que cette précision était nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 91
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-1-1. – I. – Lorsque les soins mentionnés au 2° de l’article L. 3211-2-1 prennent la forme d’une hospitalisation partielle, ils ne peuvent se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, lorsque l’admission initiale a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l’État dans le département, lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, n’ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ;
« 2° Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement ou le représentant de l’État a substitué à la mesure d’hospitalisation complète une hospitalisation partielle en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ;
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l’expiration de l’un des délais mentionnés aux 1° et 2° du présent I une expertise, en application du III du présent article ou, à titre exceptionnel, en considération de l’avis conjoint des deux psychiatres, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L’hospitalisation partielle du patient est alors maintenue jusqu’à la décision du juge, sauf s’il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L’ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l’expertise mentionnée au quatrième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« II. – La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation partielle.
« Lorsque le patient a déjà fait l’objet d’une hospitalisation dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, l’avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l’article L. 3211-9. Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
« III. – Le juge des libertés et de la détention ordonne, s’il y a lieu, la mainlevée de l’hospitalisation partielle.
« Lorsque le patient a déjà fait l’objet d’une hospitalisation dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure de soins qu’après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l’article L. 3213-5-1. Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
« IV. – Lorsque le juge des libertés et de la détention n’a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l’issue de chacun de ces délais.
« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l’expiration d’un délai fixé par décret en Conseil d’État, il constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation partielle est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
II. – En conséquence, alinéa 29
Remplacer les références :
de l’article L. 3211-12-1
par les références :
des articles L. 3211-12-1 et L. 3211-12-1-1
III. – En conséquence, alinéa 43
Remplacer les références :
et L. 3211-12-1
par les références
, L. 3211-12-1 et L. 3211-12-1-1
IV. – En conséquence, alinéa 92
Remplacer les références :
ou L. 3211-12-1
par les références
, L. 3211-12-1 ou L. 3211-12-1-1
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir l'intervention systématique du juge des libertés et de la détention en matière de soins ambulatoires sans consentement lorsqu'ils prennent la forme d'une hospitalisation partielle.
En effet, le projet de loi prévoit une intervention systématique du JLD en matière d’hospitalisation complète, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et une intervention facultative pour les soins ambulatoires sans consentement.
Si ce dispositif apparaît pleinement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins à la commission des lois qu’il convient de prévoir à terme une intervention systématique du JLD pour les soins ambulatoires sous forme d'hospitalisation partielle, qui recouvrent en fait trois réalités : une hospitalisation de semaine, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cinq jours sur sept ; une hospitalisation de jour, un à cinq jours par semaine ; enfin, une hospitalisation de nuit, une à sept nuits par semaine.
Ces formes d’hospitalisation constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, d’autant qu’elles peuvent durer plusieurs années. Si elles constituent bien une solution alternative à l’hospitalisation complète, il n’en demeure pas moins qu’elles organisent un régime de contrainte éprouvant pour la personne.
Un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur l'hospitalisation partielle doit donc voir le jour afin de mieux protéger les personnes atteintes d’un trouble mental. Pour autant, il n’est pas nécessaire que ce contrôle soit aussi fréquent que celui qui prévaut en matière d’hospitalisation complète, d’une part, parce que le régime de contrainte est moindre, d’autre part, parce que si la personne est en hospitalisation partielle, cela signifie qu’elle est probablement en capacité de saisir le juge sur requête.
L’amendement tend à garantir que la personne aura un contact rapide avec un juge – avant le quinzième jour suivant l’hospitalisation initiale –, ce dernier pouvant, à l’occasion de l’audience, lui indiquer que le recours facultatif lui sera ouvert ultérieurement à tout moment.
Toutefois, afin de laisser au juge des libertés et de la détention le temps nécessaire pour se préparer à ce dispositif, un amendement présenté à l’article 14 tend à prévoir son entrée en vigueur le 1er septembre 2012.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 13.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 92
Remplacer les mots :
le juge statue après débat contradictoire
par les mots :
le juge, après débat contradictoire, statue publiquement, sous réserve des dispositions prévues à l'article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, pourra faire application de la loi du 5 juillet 1972, qui ouvre la faculté au juge civil de statuer non pas publiquement, mais en chambre du conseil.
Un tel dispositif se justifie par le fait que la publicité de l’audience pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les personnes concernées, en cas, par exemple, de conflits familiaux ou lorsque les intéressés sont connus localement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L’amendement n° 12 tend à prévoir un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention lorsque les soins auxquels une personne n’est pas à même de consentir prennent la forme d’une hospitalisation partielle.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, malgré les réticences du rapporteur, qui, pour sa part, émet de fortes réserves sur l’aspect systématique du dispositif.
La commission a émis également un avis favorable sur l’amendement n° 13, qui tend très utilement à prévoir que le juge peut statuer en chambre du conseil. Cette disposition permettra de préserver au mieux les intérêts du malade.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 12, et ce pour plusieurs raisons.
Ainsi que le reconnaissent les auteurs de l’amendement, l’extension du contrôle systématique du juge n’est pas exigée par la décision du Conseil constitutionnel. D’ailleurs, l’article 66 de la Constitution, sur lequel est fondée cette décision, ne requiert un contrôle de plein droit du juge qu’en cas de privation complète de la liberté d’aller et venir.
Or l’hospitalisation partielle vise des situations très différentes : hospitalisation de jour, de nuit, de quelques heures à plusieurs jours. L’amendement n° 12 ne vise donc pas à établir, à mon sens, une frontière légitime entre des situations objectivement différentes. L’hospitalisation partielle reste une modalité de soins sans consentement qui n’entraîne pas l’utilisation de la force en cas de non-respect des soins.
La situation d’un patient qui sort régulièrement de l’hôpital se distingue nettement de celle d’un patient en hospitalisation complète. L’hospitalisation partielle concerne des patients moins dépendants de l’établissement et moins vulnérables que ceux qui sont pris en charge dans le cadre d’une hospitalisation complète.
Enfin, et ce point me paraît le plus essentiel, ne pas prévoir de contrôle automatique du juge ne signifie pas pour autant que le juge n’aura pas à être saisi de la situation des personnes suivies en soins ambulatoires. En effet, le recours facultatif reste toujours ouvert aux patients en soins ambulatoires sans consentement, avec ou sans hospitalisation partielle, ainsi qu’à leurs proches.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous prie, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer l’amendement n° 12, qui, s’il était adopté, viendrait multiplier, en dehors de toute exigence constitutionnelle, les cas de saisine automatique du juge.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. J’ai écouté les objections de Mme la secrétaire d’État. J’ai moi-même indiqué qu’il n’y avait pas de problème de constitutionnalité. Toutefois, je ne suis ici que le rapporteur de la commission des lois et je n’ai pas qualité pour retirer l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.
M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste votera l’amendement n° 12.
Madame la secrétaire d’État, les hospitalisations ambulatoires sans consentement ne concernent pas des malades hospitalisés ou soignés à l’extérieur parce qu’ils le veulent bien. Les malades dont nous parlons sont hospitalisés sans leur consentement, à la demande du préfet et du maire, ou d’une autre personne. L’autorité judiciaire devant maintenant contrôler l’hospitalisation à l’intérieur des murs de l’hôpital, il est normal qu’elle puisse également contrôler cette forme d’hospitalisation sous contrainte à l’extérieur.
Tel est l’objet de l’amendement n° 12, qui, je le rappelle – M. le rapporteur pour avis me corrigera si je me trompe –, avait été adopté à l’unanimité en commission des lois. Il devrait donc être voté en séance.
M. Roland Courteau. Il faut l’espérer !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de Mme la secrétaire d’État. En tant que médecin, je partage tout à fait son avis.
Nous oublions dans ce débat que nous avons affaire à des maladies mentales. Il est vrai que, aujourd'hui, on ignore les causes profondes de ces pathologies, dont on ne connaît, en définitive, que les conséquences. Ce qui est important, c’est de donner à ces malades, qui ont parfois quelques difficultés à admettre qu’ils doivent se soigner, la possibilité d’être traités, grâce à cette hospitalisation, laquelle est tout de même demandée par un médecin.
Je ne reconnais pas à un juge, fût-il le plus compétent d’entre eux, la qualité de juger si une hospitalisation est nécessaire ou non.
Telle est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je fais miens les propos de Paul Blanc et j’abonde moi aussi dans le sens de Mme la secrétaire d’État. Je rappelle que nous parlons de psychiatrie et du traitement de maladies particulièrement graves.
Pour revenir sur ce qu’a dit M. Michel, je rappelle que nous sommes dans le cadre d’une hospitalisation partielle. Cela signifie que, en dehors des périodes d’hospitalisation, des moments de liberté sont respectés. Il n’est pas question de revenir sur ce qui a été dit voilà quelques heures sur l’hospitalisation à temps plein.
Je partage totalement l’avis de Mme la ministre : laissez les médecins travailler ! Permettez-leur de soigner comme il faut les malades qui ont besoin de soins.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Milon. Ne les empêchez pas de soigner en plaçant toujours le juge en travers de leur chemin.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons l’amendement n° 12.
Certes, nous évoquons des maladies mentales, mais il ne faut pas oublier que, derrière ces maladies, il y a des femmes et des hommes (Exclamations sur les travées de l’UMP.) qui ont des droits qu’il faut respecter, mes chers collègues.
Pour que ces droits soient respectés, le juge des libertés et de la détention doit avoir son mot à dire, nonobstant, évidemment, l’avis des médecins. Lorsqu’il est question de libertés, le juge des libertés et de la détention doit être concerné.
M. Guy Fischer. C’est le bon sens même !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Permettez-moi d’apporter quelques compléments.
Je rappelle qu’il s’agit d’une hospitalisation partielle. Si nous avions parlé d’ « accueil de jour », ce dispositif n’aurait offusqué personne, suscité aucune polémique.
Le psychiatre proposera …
Mme Annie David. Imposera !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … à son patient, parce que son état le permet, un programme de soins. De son côté, le patient s’engagera, dans le cadre de la relation qui l’unit à son médecin, à le respecter.
Au moment où le malade sera autorisé à sortir, il se sera engagé dans une démarche de soins…
Mme Muguette Dini. Il y consent alors ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je suis d’accord, Muguette Dini. À sa sortie, le patient est soumis à une obligation de soins. On peut à ce propos revenir sur la discussion d’hier et reparler de la notion de consentement : le patient s’engageant à respecter un programme de soins, il y consent. J’admets finalement la terminologie que vous employez, Muguette Dini. Le patient consent à adhérer à un soin sous contrainte.
Indépendamment de la question du consentement, en sortant de l’hôpital, le patient a un programme défini, qu’il va essayer de respecter. Ce programme peut prendre la forme d’une hospitalisation partielle, d’un accueil de jour de quelques heures ou, appelons-le autrement, d’un accueil thérapeutique, ou encore d’une thérapie de groupe, d’une durée elle aussi de quelques heures. Quelle que soit la modalité retenue, le patient n’est pas privé de sa liberté d’aller et venir. Il rentre systématiquement chez lui. Il ne faut donc pas complexifier la prise en charge en faisant intervenir le juge pour toute décision.
Alors que vous dénoncez, mesdames, messieurs les sénateurs, une judiciarisation excessive, vous souhaitez faire intervenir le juge dans tout dispositif. Attention à l’excès de judiciarisation !
En l'occurrence, l’intervention du juge risque de nuire au succès thérapeutique. Le patient prend de bonne foi avec son médecin un engagement qu’il entend respecter. De toute façon, en cas de désaccord, il peut à tout moment saisir le juge. Alors, de grâce, évitons de faire intervenir le juge lorsque le patient est libre d’aller et venir !
La mesure que nous proposons n’a rien à voir avec le dispositif pénal de semi-liberté. Dans ce cas, en effet, le détenu retourne en prison s’il n’effectue pas ses soins. En la circonstance, nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. Ne faisons pas d’amalgames entre le cadre pénal et un cadre civil.
Dans ce contexte de soins, nous recherchons l’adhésion d’un patient au programme qui lui est prescrit par un professionnel de santé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement qu’on puisse avoir sur cet amendement des opinions différentes, des divergences d’appréciation, mais j’aimerais que l’on ne caricature pas l’amendement de la commission des lois. Je le dis très calmement, très sereinement.
D’une part, cet amendement ne tend à prévoir l’intervention du juge des libertés et de la détention qu’en cas d’hospitalisation partielle. Je signale tout de même qu’une telle hospitalisation peut concerner sept nuits sur sept ou encore cinq jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
D’autre part, je pense qu’effectivement le médecin et le juge doivent remplir leur rôle respectif. Je vous rassure, mes chers collègues, personne, au sein de la commission des lois, ne souhaite que le juge se substitue au médecin dans l’élaboration des soins !
Pardonnez-moi, madame la secrétaire d’État, mais le Conseil constitutionnel existe et la Constitution prévoit que ses décisions s’imposent à toutes les autorités, qu’elles soient gouvernementales, législatives ou autres. Il y a place pour des compétences concurrentes, en matière de soins d’une part, lesquels relèvent du médecin, en matière de liberté d’autre part, dont la protection relève du juge. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je ne veux pas jouer les pédagogues – ce serait tout à fait prétentieux de ma part –, mais il me semble bon de rappeler que le consentement se décompose en deux parties.
La première concerne l’obligation de soins, qui, dans la mesure où il s’agit de temps partiel, ne semble pas requérir l’intervention judiciaire.
La seconde concerne les modalités, qui s’expriment dans le soin, lequel dépend de l’appréciation du médecin. Ce consentement est souvent changeant et c’est au médecin qu’il appartient d’apprécier les mesures d’adaptation nécessaires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 13 ?
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Michel et Le Menn, Mme Demontès, MM. Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 93, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
À l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est entendue, assistée de son avocat.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Depuis la décision n° 76-70 du Conseil constitutionnel en date du 2 décembre 1976, relative à la prévention des accidents du travail, les droits de la défense sont un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En d’autres termes, ils ont un caractère constitutionnel et supra-législatif.
Parmi les principes cardinaux des droits de la défense, figure celui de liberté de communication entre l’avocat et son client, qui sous-entend le respect de la confidentialité de leurs discussions.
À cet égard, dans un arrêt du 18 janvier 2006, la Cour de cassation a réaffirmé l’importance des principes de liberté de communication et de confidentialité entre l’avocat et son client.
En effet, il serait pernicieux de concevoir une application effective des droits de la défense, tout en entravant la liberté de communication entre l’avocat et son client.
En l’espèce, l’alinéa 93 du présent article entre dans cette logique puisqu’il porte atteinte au principe de liberté de communication entre l’avocat et le patient, et par conséquent aux droits de la défense.
En effet, il prévoit « qu’à l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est entendue, le cas échéant, assistée de son avocat ».
Afin de mesurer la portée de cette disposition, rappelons que le Gouvernement envisage de recourir à la visioconférence dans 75 % des cas, ce qui est d’ailleurs contraire à la jurisprudence du Conseil d’État. Autrement dit, d’un point de vue matériel, l’avocat ne pourrait pas être simultanément présent auprès du juge et du patient.
L’éventuelle absence de l’avocat auprès de son client pendant l’audience entraverait évidemment leur liberté de communication. Ils ne pourraient pas échanger librement pendant l’entretien conduit par le juge et la confidentialité de leurs propos ne serait pas garantie.
Dans le cadre de la défense de personnes souffrant de troubles psychiatriques, cela est d’autant plus préjudiciable et dommageable que le patient se trouve généralement dans une situation d’extrême fragilité, parfois sans famille et sans proches. Il a donc véritablement besoin d’une assistance, y compris pendant l’audience. Le dialogue confidentiel entre le patient et son avocat est essentiel et doit être préservé.
Cet amendement vise donc à mieux garantir les droits de la défense en prévoyant que le patient soit automatiquement assisté de son avocat. Il vise par ailleurs, d’un point de vue rédactionnel, à supprimer une redondance inutile concernant la représentation par un avocat, déjà prévue à la phrase suivante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Malgré les réserves de son rapporteur, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
L’amendement prévoit que, devant le juge des libertés et de la détention, la personne hospitalisée soit nécessairement assistée de son avocat.
Or une telle obligation n’apparaît pas nécessaire. En effet, le renforcement des droits des patients, qui est un des volets les plus importants de la réforme, permettra à chaque fois de rappeler au patient qu’il a la possibilité d’être assisté d’un avocat. De plus, à défaut d’un avocat choisi, il lui en sera commis un d’office.
Par ailleurs, dans les cas où le patient ne serait pas en mesure, au regard de son état de santé, de comparaître devant le juge, le projet de loi prévoit qu’il sera représenté par un avocat.
Dans tous les cas de figure, imposer la présence d’un conseil n’apparaît donc pas opportun et remettrait en cause l’équilibre trouvé par le texte.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 65 et 142 sont identiques.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 142 est présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 99 et 100
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David, pour défendre l’amendement n° 65.
Mme Annie David. Les alinéas 99 et 100 s’inscrivent dans une logique qui vise à transformer tout patient atteint de maladie mentale en danger potentiel et à faire croire que celle ou celui qui a été malade un jour le restera forcément, même après une hospitalisation complète.
En effet, à travers ces deux alinéas, il est proposé que, même lorsqu’un juge des libertés a prononcé la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, le patient pourra malgré tout se voir imposé de suivre des soins psychiatriques contraints en ambulatoire.
Nous ne souscrivons pas à la démarche qui consiste à vouloir à tout prix faire passer ces malades pour des dangers potentiels. Nous ne souscrivons pas non plus à cette démarche de soins ambulatoires, d’autant plus que la vision du Gouvernement sur ces soins ne nous convient pas du tout.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de ces deux alinéas.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 142.
Mme Christiane Demontès. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer à l’instant Annie David, nous souhaitons que ces deux alinéas soient supprimés.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 99 et 100
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 3211-12-5. – Lorsque le juge a prononcé la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous forme d’hospitalisation complète en application de l’article L. 3211-12 ou du III de l’article L. 3211-12-1 sans lui substituer une autre forme de prise en charge, le patient ne peut immédiatement faire l’objet d’une décision prononçant son admission en soins sans consentement.
« Lorsque la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète est acquise en application du IV de l'article L. 3211-12-1, le patient peut, dès cette mainlevée, faire l’objet d’une décision prononçant son admission en soins sans consentement lorsque les conditions prévues au I des articles L. 3212-1 ou L. 3213-1 sont satisfaites et selon les modalités prévues respectivement aux chapitres II ou III du présent titre."
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 492, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Remplacer le mot :
protocole
par le mot :
programme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. L'amendement n° 493, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’article L. 3211-2-2 n’est pas applicable.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. En cas d’ordonnance de levée de la mesure d’hospitalisation prise par le juge des libertés et de la détention, le patient peut continuer d’être suivi dans des lieux alternatifs aux unités d’hospitalisation à temps plein, avec un programme de soins.
Dans ce cas, la période d’observation de 72 heures prévue à l’article L. 3211-2-2 ne s’applique pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 65 et 142 ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Ces amendements visent à supprimer la possibilité pour le médecin de prévoir des soins hors des unités de spécialisation à temps plein en cas de levée de l’hospitalisation par le juge.
Il s’agit pourtant d’une possibilité que nous estimons devoir être conservée afin d’assurer le suivi des soins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements restant en discussion ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 65 et 142.
Il faut en effet, dans tous les cas, éviter les ruptures de soin. À défaut d’une hospitalisation ou d’une prise en charge sanitaire à l’hôpital, il faut prévoir des soins ambulatoires, le cas échéant.
En revanche, il est favorable aux amendements n° 492 et 493.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 142.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 473 rectifié, présenté par MM. Mézard et Barbier, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 101
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui qui supprime l'alinéa 94 permettant une audience en visioconférence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote sur l'article.
M. Jacky Le Menn. Nous voici donc parvenus au terme de l’examen de l’article 1er, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, pour ne pas dire « besogné ». (Sourires.)
En effet, le rapporteur qui avait été initialement désigné au sein de la commission des affaires sociales, en l’occurrence sa présidente, a dû démissionner de ses fonctions après avoir été mis en minorité, son rapport ayant été rejeté. M. Jean-Louis Lorrain a ensuite essayé tant bien que mal de prendre le relais.
L’article 1er est, en quelque sorte, l’axe central du projet de loi. Nous avons pu le constater en commission lors des échanges qui ont eu lieu. Les propos tenus à cette occasion, ainsi que la teneur du rapport et des amendements de Mme le rapporteur, constituaient une forme de réprobation à l’égard de Mme la secrétaire d’État, qui assistait à nos travaux.
Notre groupe a repris à son compte certaines des propositions qui figuraient dans le premier rapport. Nous partageons l’idée selon laquelle notre pays a besoin d’une grande loi sur la santé mentale. Mais, pour l’instant, le compte n’y est pas. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, avec ce texte, nous sommes avant tout dans l’émotionnel.
Certes, plusieurs de nos collègues sont revenus à un peu plus de raison à la suite des incidents qui ont émaillé la séance.
Pour autant, le cœur du projet de loi, en l’occurrence la création des soins ambulatoires sans consentement du malade, bouleverse le système de prise en charge de certaines personnes souffrant de maladies psychiatriques.
Un amendement présenté en commission des affaires sociales – nous l’avions voté – visait à maintenir l’hospitalisation sans consentement et les sorties d’essai, quitte à chercher à améliorer le système.
Laissons-nous du temps ! Comme vous le savez, cela fait déjà longtemps que nous attendons un texte législatif sur le sujet ; en principe, il aurait dû intervenir cinq ans après la loi de 1990. Nous pouvons donc encore nous laisser un temps de maturation pour essayer de réfléchir à une réforme qui satisfasse l’ensemble de la communauté hospitalière, les psychiatres comme les infirmiers, mais également les familles et les différents acteurs concernés par tout ce qui a trait au champ de la maladie mentale.
Pour des raisons qui ont déjà été évoquées, l’idée de soins sans consentement en matière psychiatrique me semble quelque peu curieuse… Peut-on soigner les gens contre leur gré ? Au-delà des médicaments, même s’ils sont performants, nous avons avant tout besoin d’une alliance thérapeutique !
Le rejet de l’amendement dont je viens de parler aurait à lui seul justifié que nous votions contre l’article.
Certes, j’ai bien noté que plusieurs de nos collègues se « décarcassaient ». M. Milon a ainsi essayé de trouver un amendement de compromis pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvions à cause de cette mauvaise loi, trop rapide et trop émotionnelle. Or le « rapporteur substitutif » a immédiatement lesté l’amendement de M. Milon d’un sous-amendement particulièrement complexe… Je ne sais pas si vous l’avez lu, mes chers collègues. Pour ma part, je me suis efforcé de le lire et de le comprendre. Il s’agissait de faire rentrer par la fenêtre l’orientation sécuritaire que l’on avait évacuée par la porte !
Nous avons également soutenu d’autres amendements, notamment ceux de M. le rapporteur pour avis, Jean-René Lecerf, qui permettaient d’atténuer, tantôt à la marge, tantôt de manière plus substantielle, les atteintes aux libertés de nos concitoyens en situation de faiblesse.
Bref, le compte n’y est pas ! Notre groupe votera donc contre l’article 1er de ce mauvais projet de loi. (M. Michel Teston applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous nous sommes déjà largement exprimés sur le sujet, aussi bien à l’occasion du débat sur les motions de procédure que lors de l’examen des amendements.
La présidente de la commission des affaires sociales, qui avait initialement été choisie comme rapporteur, avait travaillé longuement sur le projet de loi. Je dois dire que ses propositions étaient intéressantes. Mais, même si le texte avait été réécrit, nous restions fondamentalement hostiles à la logique d’affichage sécuritaire qui en est l’objectif réel.
Nous avons lutté pied à pied pour démontrer à quel point les auteurs de ce projet de loi tentaient de profiter de l’émotion suscitée par un ensemble de faits divers, dont la gravité est, certes, incontestable, pour créer un climat malsain.
Nous avons rencontré hier les associations, les syndicats et les différents partis qui manifestaient devant le Sénat contre le projet de loi. Je peux dire que, contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et la majorité, ce texte provoque la colère et l’indignation des professionnels du secteur. La connotation sécuritaire y est très forte et le vocabulaire utilisé relève plus du ministère de l’intérieur que du ministère de la santé !
L’article 1er est le cœur du projet de loi ; la longueur des débats qu’il a suscités et le nombre des amendements qu’il a provoqués le démontrent. En nous opposant à cet article, nous condamnons une démarche qui fait franchir une nouvelle étape, après la création des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, où le pénitentiaire côtoie le sanitaire. Nous voterons donc contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre groupe votera très majoritairement contre l’article 1er. Nous avons eu l’occasion de rappeler, pendant la discussion générale comme lors des débats sur l’article, que l’on ne construit pas une bonne loi à partir de faits divers.
Cela vaut pour toute une série de textes que nous avons examinés depuis de nombreux mois, mais cela vaut encore plus particulièrement pour le présent projet de loi, qui concerne la protection des personnes souffrant de pathologies mentales.
Hier encore, l’actuel rapporteur nous indiquait que ce texte se justifiait seulement par la décision du Conseil constitutionnel ; à défaut, nous a-t-il précisé, il n’y aurait pas eu de projet de loi.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. En d’autres termes, nous aurions continué à attendre, comme nous le faisons depuis seize ans, un véritable texte sur les problèmes de santé mentale.
Certes, faute avouée pouvait être à demi pardonnée. Il aurait suffi – c’est ce que nous proposions – de réécrire l’article 1er sur la base de la décision du Conseil constitutionnel et de s’en tenir là pour l’instant, tout en engageant une véritable réflexion de fond sur un plan de santé mentale, que nombre de nos concitoyens réclament de plus en plus expressément.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 181 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, alors que nous parvenons, non sans mal, au bout de cet article 1er, je souhaiterais, à l’instar du président Bernard Frimat hier soir, que le texte que nous transmettrons à l’Assemblée nationale pour la deuxième lecture soit aussi correctement rédigé que possible.
À la suite de l’adoption de l’amendement n° 280, modifié par le sous-amendement n° 490 rectifié, nous parlons désormais d’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques, non plus « sans son consentement », mais « auxquels elle n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ».
Cette formule revenant à de nombreuses reprises dans le projet de loi, je pense que nous pourrions confier au service de la séance, en liaison avec la commission des affaires sociales, le soin d’harmoniser, autant qu’il sera possible, l’ensemble du texte.
Sur cette base, la deuxième lecture nous permettra de parfaire la rédaction des articles.
M. le président. La présidence veillera à ce qu’il en soit ainsi, madame la présidente.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
TITRE II
SUIVI DES PATIENTS
Article 2
Le chapitre II du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent » ;
2° L’article L. 3212-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-1. – I. – Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
« 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
« 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.
« II. – Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :
« 1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé peut, à titre personnel, faire une demande de soins pour celui-ci sans préjudice des missions qu’il exerce en application du titre XI du livre Ier du code civil au titre de sa protection juridique.
« La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d’État.
« La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
« Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins sans consentement ou de la personne faisant l’objet de ces soins ;
« 2° Soit lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins sans consentement. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l’établissement prenant en charge la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement, ni avec la personne malade.
« Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins sans son consentement et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.
« Lorsque l’admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 3212-2 est ainsi rédigé :
« Avant d’admettre une personne en soins psychiatriques sans son consentement en application de l’article L. 3212-1, le directeur de l’établissement d’accueil s’assure de son identité. Lorsque la personne est admise en application du 1° du II du même article L. 3212-1, le directeur de l’établissement vérifie également que la demande de soins a été établie conformément au même 1° et s’assure de l’identité de la personne qui formule la demande de soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait du jugement de mise sous tutelle ou curatelle. » ;
4° L’article L. 3212-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-3. – En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques sans son consentement d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. » ;
5° L’article L. 3212-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-4. – Lorsque l’un des deux certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 conclut que l’état de la personne ne justifie plus la mesure de soins, le directeur de l’établissement d’accueil prononce immédiatement la levée de cette mesure.
« Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de prolonger les soins, le directeur de l’établissement prononce le maintien des soins en retenant la forme de la prise en charge proposée par le psychiatre en application de l’article L. 3211-2-2. Il joint à sa décision, le cas échéant, le protocole de soins établi par le psychiatre.
« Dans l’attente de la décision du directeur de l’établissement, la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.
« Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade propose de modifier la forme de prise en charge de celle-ci, le directeur de l’établissement est tenu de la modifier sur la base du certificat médical ou de l’avis mentionnés à l’article L. 3211-11. » ;
6° L’article L. 3212-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-5. – I. – Le directeur de l’établissement d’accueil informe sans délai le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, et la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 de toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement et leur communique une copie du certificat médical d’admission et du bulletin d’entrée. Il leur transmet également sans délai copie de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2.
« II. – Le directeur de l’établissement d’accueil notifie sans délai les noms, prénoms, profession et résidence habituelle ou lieu de séjour tant de la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement que, lorsque l’admission a été prononcée en application du 1° du II de l’article L. 3212-1, de celle les ayant demandés :
« 1° Au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la résidence habituelle ou le lieu de séjour de la personne faisant l’objet de soins ;
« 2° Au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement.
« III. – Dans le cas où la personne malade a été admise en application du 1° du II de l’article L. 3212-1 et fait l’objet d’une prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, le directeur de l’établissement d’accueil informe la personne ayant demandé les soins de toute décision modifiant la forme de la prise en charge. » ;
7° L’article L. 3212-6 est abrogé ;
8° L’article L. 3212-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-7. – Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour à compter de l’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement, un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l’article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de la personne malade, le psychiatre de l’établissement d’accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical.
« Au vu du certificat médical ou de l’avis médical mentionné au premier alinéa du présent article, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour une durée maximale d’un mois. Au-delà de cette durée, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes maximales d’un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article ; le certificat est établi dans les trois derniers jours de la période en cause.
« Lorsque la durée des soins excède une période continue d’un an à compter de l’admission en soins sans consentement, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation approfondie de l’état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l’article L. 3211-9. Ce collège recueille l’avis du patient. En cas d’impossibilité d’examiner le patient à l’échéance prévue en raison de son absence, attestée par le collège, l’évaluation et le recueil de son avis sont réalisés dès que possible.
« Le défaut de production d’un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.
« Les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévus au présent article et à l’article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l’établissement d’accueil au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5. Lorsque la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, une copie du certificat médical mentionné au premier alinéa du présent article est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement d’accueil. » ;
9° L’article L. 3212-8 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « d’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « de soins », les mots : « de l’hospitalisation sur demande d’un tiers » sont remplacés par les mots : « ayant motivé cette mesure » et, à la fin de la seconde phrase, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « cette mesure d’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « la mesure de soins », après le mot : « département », sont insérés les mots : « ou, à Paris, le préfet de police », la seconde occurrence du mot : « à » est remplacée par la référence : « au II de » et les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut ordonner la levée immédiate de la mesure de soins lorsque les conditions requises au présent chapitre ne sont plus réunies. » ;
10° L’article L. 3212-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-9. – Le directeur de l’établissement prononce la levée de la mesure de soins psychiatriques lorsque celle-ci est demandée :
« 1° Par la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 ;
« 2° Par une des personnes mentionnées au deuxième alinéa du 2° du II de l’article L. 3212-1.
« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, le directeur de l’établissement n’est pas tenu de faire droit à cette demande lorsqu’un certificat médical ou, en cas d’impossibilité d’examiner le patient, un avis médical, établi par un psychiatre de l’établissement et datant de moins de vingt-quatre heures, atteste que l’arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient. Le directeur de l’établissement informe alors par écrit le demandeur de son refus en lui indiquant les voies de recours prévues à l’article L. 3211-12.
« Dans ce même cas, lorsqu’un certificat établi par un psychiatre de l’établissement datant de moins de vingt-quatre heures atteste que l’état mental du patient nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public, le directeur de l’établissement informe préalablement à la levée de la mesure de soins le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, qui peut prendre la mesure prévue à l’article L. 3213-6. » ;
11° L’article L. 3212-10 est abrogé ;
12° L’article L. 3212-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « établissement », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 3222-1 » et, après le mot : « transcrits », sont insérés les mots : « ou reproduits » ;
b) Au 1°, le mot : « hospitalisées » est remplacé par les mots : « faisant l’objet de soins sans leur consentement » ;
c) À la fin du 2°, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « l’admission en soins psychiatriques sans consentement » ;
d) À la fin du 3°, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins sans consentement ou une mention précisant que l’admission en soins sans consentement a été prononcée en application du 2° du II de l’article L. 3212-1 » ;
e) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Les dates de délivrance des informations mentionnées aux a et b de l’article L. 3211-3 ; »
f) Les 6° à 8° sont ainsi rédigés :
« 6° Les avis et les certificats médicaux ainsi que les attestations mentionnés au présent chapitre ;
« 7° La date et le dispositif des décisions rendues par le juge des libertés et de la détention en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 ;
« 8° Les levées des mesures de soins psychiatriques sans consentement autres que celles mentionnées au 7° ; »
g et h) (Supprimés)
i) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement en application des chapitres III et IV du présent titre. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 2 du projet de loi vise à réformer les conditions d’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers et tend à instaurer une nouvelle procédure faisant référence au péril imminent. Il s’inscrit dans la démarche du Gouvernement, qui consiste à faire primer la sécurité sur la santé, ce que nous refusons catégoriquement.
Naturellement, nul ne contestera la nécessité qu’il peut y avoir à ce qu’une personne soit hospitalisée et entourée afin qu’elle ne commette pas des actes pouvant porter atteinte à sa vie ou à sa santé. Il est même de notre responsabilité collective d’agir. Il est également de notre devoir de l’empêcher de nuire à autrui.
Cependant, la procédure que vous nous proposez, madame la secrétaire d'État, revient à ajouter de la violence à la souffrance puisqu’elle prévoit à la fois l’application de soins sous contrainte et une mesure de privation de liberté. C’est une dérogation importante aux principes qui gouvernent les droits des malades. Ces droits consacrent l’autonomie de la volonté du patient, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent la capacité de celui-ci à accepter ou à refuser des soins. Ici, il n’en est rien : les soins sont contraints.
Les maladies psychiques, mes chers collègues, ne sont pas des maladies comme les autres. Elles ne relèvent pas de dysfonctionnements organiques, elles touchent au psychisme de l’individu et affectent ses pensées ou son comportement. Par conséquent, elles ne peuvent pas faire l’objet exclusif d’un traitement médicamenteux. Or les auteurs de ce projet de loi partent du postulat inverse. Ils font comme s’il suffisait que le patient connaisse le nom de sa maladie pour reconnaître qu’il est malade, et qu’il prenne un traitement médicamenteux pour être guéri.
Nous savons, depuis Pinel, c’est-à-dire depuis la Révolution française, que non seulement les fous n’ont pas conscience de leur maladie, mais qu’ils la nient et la combattent dans une vie différente, à côté de celle que les non-malades vivent. C’est à l’occasion de cette confrontation entre ces deux mondes que surviennent les crises. L’injonction de soins présente le mérite d’interrompre ces dernières et de mettre un terme aux agissements qui en résultent. Mais le déni, quant à lui, se poursuit. Autrement dit, on traite le symptôme, sans traiter le mal, sans apaiser le patient. Or le traitement et l’apaisement devraient être la priorité.
C’est pourquoi nous avons regretté, tant à l’occasion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, défendue par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, que lors de l’intervention de Guy Fischer ou encore tout au long de nos débats sur l’article 1er, que ce projet de loi soit limité à la seule question des soins sans consentement.
À l’occasion de mon intervention sur l’article 2, je souhaite réaffirmer une position de principe : les patientes et les patients atteints de maladies mentales ne peuvent pas être réduits à un rôle de spectateurs. Ils doivent être les acteurs de leur guérison, ce qui nécessite qu’ils soient informés des soins qui leur sont dispensés et qu’ils y consentent, dans la mesure du possible.
Ce consentement n’est évidemment pas un chemin facile. Il exige de la part des professionnels de santé du temps, de la disponibilité, afin que puisse se lier une relation et que le rapport ne se limite plus seulement à une distribution automatique de médicaments. Cela demande qu’en lieu et place de l’organisation des soins sans consentement, normée pour toutes et tous et débouchant systématiquement sur l’enfermement ou sur le recours aux médicaments, on trouve les moyens d’élaborer un parcours de soins individualisé.
Dans la mesure où cet article se contente d’organiser les soins sans consentement pour les personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation sur demande d’un tiers, nous ne pouvons que nous y opposer.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes chers collègues, je tiens à intervenir sur l’article 2 du présent projet de loi relatif au suivi des patients. Dans cet article, le Gouvernement développe l’idée d’une possible admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, ce qui revient ainsi à se passer de la demande d’un tiers.
Bien que modifié par la commission, qui souhaite que ce type d’admission n’intervienne que lorsqu’il n’y a aucune possibilité de trouver un tiers susceptible de demander des soins, cet article est loin d’être satisfaisant, et l’ajout d’une énième mesure pour favoriser l’hospitalisation pose de graves problèmes quant à la liberté des malades.
Cette admission en cas de péril imminent est problématique dans la mesure où un seul certificat médical est nécessaire, alors que deux certificats sont exigés pour l’admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers. La conception que se fait le Gouvernement de ce que peut être l’hospitalisation d’un malade ne peut que susciter des interrogations.
Initialement, on pouvait penser que l’admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, pouvait être prononcée « même lorsqu’il était possible de trouver un tiers », je cite là le rapport de M. Lecerf !
Cet article semble avoir pour seul but de renforcer les possibilités d’internement des malades mentaux afin de répondre à un idéal du tout-sécuritaire que l’actuel gouvernement cherche à mettre en place
Fait aberrant : si je m’en tiens aux termes de l’alinéa 18 de l’article 2, le certificat médical pourra provenir d’un médecin travaillant au sein même de l’établissement où exerce le directeur à l’origine de la procédure d’admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent ! Madame la secrétaire d’État, un seul certificat n’est pas suffisant, vous vous devez de maintenir un minimum de cohérence dans votre texte, et ne pas vous laisser aller à bafouer les droits des malades sous prétexte d’agir dans leur intérêt, comme vous vous plaisez à le croire, ou en tout cas à le faire croire.
Après les deux aberrations de l’article 1er, que vous avez cherché à justifier tant bien que mal, à savoir la mise en place de soins ambulatoires et la détermination de protocoles de soins par décrets en Conseil d’État pour les soins mentionnés à l’alinéa 14 de l’article 1er, vous continuez à présenter les soins comme contraignants.
En refusant de prendre en compte les revendications des professionnels de la santé mentale, vous contribuez à la mise en place d’une société sécuritaire, encore un peu plus stigmatisante pour les malades.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l’article 2.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 440 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2, parce qu’il traite uniquement des soins sans consentement, fait que ce projet de loi n’est pas celui qu’attendent les professionnels de santé. Nous l’avons déjà dit, il s’agit là d’une conception sécuritaire de la psychiatrie qui tend à présenter les patients comme des personnes potentiellement dangereuses.
Qui plus est, ce texte s’inscrit dans un contexte marqué par une pénurie de médecins psychiatres. La question de la démographie médicale est un véritable enjeu pour la médecine en général, elle est cruciale pour la psychiatrie en particulier. Cela est vrai pour les médecins, qui font cruellement défaut en secteur libéral, et pour les infirmiers psychiatriques présents dans les établissements de santé et qui sont au cœur de la relation particulière entre le patient et l’équipe médicale.
En lieu et place du projet de loi que vous nous présentez, il aurait été souhaitable d’envisager une réelle réforme de la psychiatrie, en soulevant notamment la question de la formation des professionnels, médecins comme infirmiers.
À cet égard, nous considérons qu’il faut traiter la psychiatrie comme une matière médicale à part entière, ce qui nécessite de lui reconnaître certaines particularités.
La suppression en 1992 du diplôme spécifique pour exercer la profession d’infirmier psychiatrique, pour des raisons d’austérité évidentes, a entraîné bien des difficultés. Les patients, qui sont toujours plus nombreux et dont les pathologies sont plus lourdes, ont affaire, depuis cette date, à des personnels certes très dévoués mais de fait moins nombreux et moins formés.
Cela est d’autant plus grave qu’en raison des durées d’hospitalisation réduites – là encore pour des motifs économiques – les soignants ne voient plus les patients qu’en période de crise, c'est-à-dire au moment où les compétences spécifiques des infirmiers psychiatriques sont indispensables. Cela conduit immanquablement à la prédominance du soin médicamenteux sur le soin relationnel.
Tous ces aspects importants font défaut dans le projet de loi. Je me souviens d’avoir lu dans le journal La Dépêche l’interview d’un cadre de santé à l’hôpital de Lannemezan, infirmier psychiatrique depuis 1978, qui concluait ses propos de la sorte : «Redonner du temps, humaniser les lieux, reformer des spécialistes : l’urgence, elle est là ».
Nous partageons ce constat, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article 2. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression découle logiquement des amendements que nous avons défendus à l’article 1er.
Nous avions ainsi proposé un amendement visant à limiter le texte à la seule exigence du Conseil constitutionnel d’un contrôle juridictionnel du maintien de l’hospitalisation sans consentement.
Nous considérons toujours que c’eût été la sagesse, compte tenu des questions soulevées par la réforme proposée, et qui ne sont aucunement résolues par les amendements qui ont été adoptés. Je veux parler, en particulier, de l’organisation de la psychiatrie, de l’étendue du contrôle judiciaire des mesures de contrainte, de la gestion de la contrainte à l’extérieur de l’hôpital et, enfin, des moyens dévolus à la justice.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! En rejetant notre amendement, en refusant d’aborder ces questions évidentes et surtout d’y apporter des réponses, ce que nous regrettons vivement, vous allez directement dans le mur.
C’est pourquoi, comme nous voulions le faire avec les amendements visant à supprimer les articles 3 à 13, que nous avons retirés, nous réitérons, par cet amendement de suppression de l’article 2, notre opposition à la démarche qui est proposée au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet article 2, que ces deux amendements identiques visent à supprimer, est en fait au cœur du projet de loi.
Il entérine tout d’abord le passage de l’hospitalisation sous contrainte à l’admission en soins psychiatriques sans consentement. Il introduit ensuite un certain nombre d’adaptations visant à tenir compte des failles du dispositif actuel, en particulier lorsqu’il est impossible de procéder à une hospitalisation sur demande d’un tiers, faute de tiers.
La nouvelle voie d’admission proposée, qui ne repose pas sur l’existence d’un tiers, mais sur la notion de « péril imminent », vient donc combler un vide problématique qui contraint jusqu’à présent à recourir à l’hospitalisation d’office pour des cas qui n’en relèvent pas.
Donc, pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je ne peux être que défavorable à ces deux amendements de suppression puisque l’article 2 apporte des solutions indispensables pour favoriser l’accès aux soins des personnes souffrant de troubles mentaux et des améliorations significatives de leurs droits.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 66 et 440 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Lorsqu'il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. L’Assemblée nationale a autorisé le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé à demander, à titre personnel, des soins pour son protégé.
Toutefois, introduire le principe selon lequel un tuteur ou curateur pourrait agir à titre personnel, c'est-à-dire indépendamment de sa mission de protection juridique, constituerait une novation juridique et risquerait d’entraîner de nombreux contentieux.
L'amendement tend donc à prévoir que la personne chargée de la protection du majeur peut ès qualités, et non à titre personnel, être le tiers qui demande des soins sans consentement.
Je sais bien qu’une telle disposition peut sembler n’être qu’une simple confirmation du droit existant, mais elle permettra d’apaiser les inquiétudes de nos collègues députés…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission a suivi les propositions de la commission des lois et a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 17 et 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article L. 3212-3 du code de la santé publique, tel qu’il résulte de la rédaction de l’article 2, modifie la procédure relative à l’hospitalisation sur demande d’un tiers. En effet, alors qu’il faut théoriquement deux certificats médicaux, les alinéas 17 et 18 de cet article prévoient que l’on pourrait se dispenser de cette mesure de protection des patients en cas de risque grave pour sa santé.
Naturellement, il ne s’agit pas pour nous de rendre impossible l’admission d’une personne souffrant de troubles mentaux en hospitalisation complète si elle encourt des risques graves pour sa santé. Telle n’est bien évidemment pas notre idée ! Nous voulons préserver le cadre juridique actuel, qui est plus protecteur pour les patients.
Exiger un double certificat médical permet de s’assurer que l’état de santé du patient n’est pas temporaire et qu’il ne peut pas être soigné ou accueilli sous une autre forme que la privation de sa liberté. L’urgence de la situation ne rendant pas impossible une double consultation dans des délais réduits, cette disposition relèverait-elle moins d’un impératif de santé que d’un impératif matériel résultant de la situation dramatique dans laquelle se trouvent la psychiatrie et les hôpitaux psychiatriques dans notre pays ?
En tout état de cause, il nous semble que déroger à ce principe présente plus de risques que d’avantages, raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces deux alinéas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement propose la suppression de la procédure d’urgence applicable aux admissions en soins psychiatriques sans consentement sur demande d’un tiers.
La suppression de cette procédure exceptionnelle n’est pas envisageable, car elle concerne des cas qui ne sont pas couverts par la procédure de droit commun prévue à l’article L. 3212-1 du code de la santé publique.
Par ailleurs, l’encadrement de cette procédure a été précisé par l’Assemblée nationale. Afin d’éviter toute confusion avec la nouvelle voie d’admission en l’absence de tiers, celle-ci a remplacé la notion de « péril imminent » par celle de « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ».
En outre, elle a indiqué que les certificats médicaux établis respectivement au bout de 24 heures et de 72 heures doivent l’être par deux médecins différents, afin d’apporter des garanties suffisantes aux personnes admises en soins selon cette procédure d’urgence.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. La disposition visée est indispensable pour permettre la prise en charge des patients que leur état mental met en danger. La priorité est alors de soigner le patient sans délai.
Comme M. le rapporteur l’a indiqué, cette dérogation est entourée de garanties en termes de diversité de certificats, puisque, dans le délai de 72 heures après l’admission, il y aura toujours deux certificats établis par deux médecins différents.
M. le président. L'amendement n° 156 rectifié, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, le directeur de l’établissement vérifie que la demande de soins a été établie conformément au 1° du II de l’article L. 3212-1 et s’assure de l’identité de la personne malade et de celle qui demande les soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait de jugement de mise sous tutelle ou curatelle.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Dans le cadre d’une procédure d’urgence, agir dans l’intérêt du malade doit demeurer au centre des préoccupations de l’ensemble des acteurs de soins sans consentement. C’est dans cette logique que s’inscrit notre amendement : il dispose que, dans le cas d’une personne atteinte de troubles mentaux dont l’état de santé imposerait des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier, l’admission sans consentement sur demande d’un tiers doit être conditionnée à une vérification d’identités.
En l’occurrence, nous préconisons que cette vérification soit intégrée au champ des obligations du directeur de l’établissement. Je rappelle que les dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose que « la demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil ».
La jurisprudence concernant le contrôle des soins sous contrainte est importante. Elle prouve la nécessité de clarifier les règles existantes. Ainsi, dans le cas d’une demande de soins par un tiers, le directeur devra procéder à la vérification de l’existence de liens préalables entre le patient et ce dernier tel que peuvent l’être « d’éventuels liens de parenté ou de voisinage », comme l’a précisé le Conseil d’État dans son avis du 3 décembre 2003.
Concernant toujours ce tiers, la cour administrative d’appel de Nantes a également énoncé, dans un arrêt du 30 novembre 1999, « qu’il ne pouvait pas faire partie du personnel soignant de l’établissement d’accueil exception faite pour les assistantes sociales ». Ainsi, « un infirmier général représentant le directeur du centre hospitalier dans lequel la patiente avait été admise ne pouvait justifier de l’existence de relations lui donnant qualité pour agir ».
Compte tenu de ces éléments et de cette importante jurisprudence, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui précise utilement les modalités de cette phase d’admission et de prise en charge du patient.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur la procédure d’urgence, tend à préciser les obligations qui incombent au directeur de l’établissement d’accueil en matière de vérification de l’identité de la personne malade et du demandeur des soins.
La commission est favorable à cet amendement, qui apporte une précision utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 265, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 21, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 494, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 21, seconde phrase
Remplacer le mot :
protocole
par les mots :
programme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
ou de l’avis mentionnés à l’article L. 3211-11
par les mots :
mentionné à l’article L. 3211-11
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 68, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Après les mots :
sans délai
insérer les mots :
le Contrôleur général des lieux de privation de liberté,
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. « Nous disons que tout cela est insupportable ! » Ces mots durs et sans appel sont ceux de Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, au sujet des hospitalisations sous contraintes.
Nous souscrivons au constat qu’il a formulé dans son rapport remis le 15 mars dernier, selon lequel les mesures privatives de liberté se sont multipliées au sein même des établissements de soins psychiatriques. Les patients n’ont pas le droit de sortir à l’extérieur des établissements. Or, note-t-il, ils ont aussi de moins en moins le droit de se déplacer librement au sein même de l’unité. Il précise dans son rapport : « à rebours de la politique entamée dans les années soixante, les portes d’un nombre croissant d’unités hospitalières sont fermées à clés. Leurs patients ne peuvent sortir librement. Ces restrictions ne sont pas sans incidences sur la vie des malades et sur leurs relations avec leurs proches. »
Nous ne pouvons qu’approuver ce constat, et ce d’autant que, comme le précise le Contrôleur général, « nous ne parlons pas dans le vide. Depuis deux ans, nous avons visité plus d’une vingtaine de lieux d’hospitalisation psychiatrique ». Toujours selon ce rapport, cette situation se répercute sur les patients en hospitalisation libre qui se trouvent ainsi contraints de subir l’enfermement de la même manière que les personnes admises en hospitalisation d’office.
Le constat dressé par le Contrôleur général est, mes chers collègues, des plus sévères. Et s’il l’est, c’est que la situation des personnes faisant l’objet de soins sans consentement ne cesse de se dégrader, notamment en raison du contexte économique que vous imposez à la psychiatrie.
L’intervention du Contrôleur général est donc particulièrement pertinente. L’article L. 3221-1 du code de la santé publique prévoit expressément que les établissements psychiatriques relèvent de sa compétence. Si nous entendons rappeler cette possibilité ici, c’est que nous considérons que les patientes et les patients, c'est-à-dire les personnes qui sont les plus concernées par la qualité de l’hospitalisation complète, doivent pouvoir disposer de cette précision du code.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement prévoit que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est informé par le directeur de l’établissement d’accueil de toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement, au même titre que le représentant de l’État dans le département et la commission départementale des soins psychiatriques.
Le Contrôleur général n’a pas à être informé de toutes les décisions individuelles d’admission, car la procédure serait bien trop lourde. En revanche, je serai favorable à l'amendement n° 232, présenté par le groupe socialiste à l’article 6, qui prévoit la transmission au Contrôleur général du rapport d’activité des commissions départementales des soins psychiatriques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que la commission.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous nous rallierons à l’amendement qui sera proposé par nos collègues socialistes. Bien évidemment, permettre au Contrôleur général d’avoir connaissance annuellement de l’ensemble des hospitalisations sous contrainte constituera une avancée.
Cependant, la loi prévoit que le représentant de l’État dans le département – le préfet – est informé des hospitalisations sous contrainte ; aussi pensions-nous qu’informer une seconde personne, à savoir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne constituerait pas une charge supplémentaire trop lourde, d’autant que – je vous le rappelle – dans le code de la santé publique, est ouverte au Contrôleur général la possibilité d’accéder à ces lieux d’hospitalisation.
Je regrette donc, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, que vous n’ayez pas donné d’avis favorable à notre proposition. Mes chers collègues, je vous invite à voter notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 69, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 31 à 36
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement de cohérence est devenu sans objet.
L'amendement n° 269, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 32, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 270, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 33, première phrase
Supprimer les mots :
ou de l'avis médical
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 70, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 34, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 34 de l’article 2, que nous estimons inopportun.
En effet, cet alinéa prévoit que, lorsque la durée des soins sans consentement réalisés sous la forme d’une hospitalisation complète excède une période continue d’un an, un collège de médecins statue sur l’état mental du patient et sur le bien-fondé ou non de poursuivre ces soins.
Nous considérons, pour notre part, que ce délai d’un an est long, alors qu’il est impératif de statuer au plus vite.
Or la dernière phrase, que nous proposons de supprimer, prévoit que, si le collège n’a pas eu l’occasion de se réunir en raison de l’absence du patient, il recueille l’avis de ce dernier « dès que possible ». Mes chers collègues, ces dispositions nous semblent imprécises et donc génératrices de conflit.
Il s’agit de patients qui, faisant l’objet de soins sans consentement en hospitalisation complète, ne sont pas libres de leurs mouvements. Comment dès lors parler d’ « absence du patient » ? Les seules raisons d’absence relèvent des sorties d’essai à vocation thérapeutique, qui sont, par définition, prévues avec anticipation. Ce projet de loi tend d’ailleurs à réformer les conditions des sorties, en obligeant les équipes médicales à les prévoir encore plus en amont qu’aujourd’hui.
On voudrait donc nous faire croire que le collège pourrait ne pas être en mesure d’organiser l’évaluation en raison de sorties de toute façon prévues. Pour notre part, nous n’y croyons pas !
Par ailleurs, permettez-moi de signaler une légère contradiction. Alors qu’à tous les niveaux de la procédure vous permettez aux médecins-psychiatres de statuer sur la base du dossier, vous l’interdisez dès lors qu’il s’agit d’une mesure potentiellement favorable au patient. On a en fait l’impression qu’avec cette phrase vous cherchez moins à prévenir l’absence temporaire du patient que l’impossibilité de réunir le collège. Or les patients dont il est question dans cet alinéa sont placés 24 heures sur 24 sous la responsabilité et le contrôle des équipes médicales. Nous considérons que celles-ci doivent être en mesure d’organiser leurs missions de telle sorte qu’aucun patient ne soit contraint de rester hospitalisé un jour supplémentaire. Il s’agit, en l'occurrence, de contingences matérielles et de questions d’organisation dont les patients n’ont pas à être les victimes.
Aussi la suppression de cette phrase nous semble-t-elle opportune et conforme à l’alinéa 35, qui prévoit que le défaut de production de certificats médicaux, c’est-à-dire le manquement dans l’organisation des soins sans consentement, entraîne la levée de la mesure de soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La disposition que tend à supprimer l’amendement, selon laquelle le collège procède à l’évaluation de l’état mental du patient « dès que possible », en cas d’impossibilité de l’examiner en raison de son absence, doit être maintenue. Elle couvre en effet les situations dans lesquelles le patient est absent parce qu’il est hospitalisé dans un service somatique ou parce qu’il a fugué. Il doit alors être procédé à l’évaluation de son état mental par le collège dès son retour.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le projet de loi n’aménage la possibilité de différer l’examen par le collège qu’en cas d’absence du patient, et donc dans l’intérêt de ce dernier.
Plusieurs situations peuvent se présenter. Par exemple, le patient peut être pris en charge pour des soins somatiques. Il peut, s’il est en soins ambulatoires, être en déplacement. Il peut également ne pas s’être rendu à ses rendez-vous médicaux.
La souplesse prévue par le projet de loi vise à ne pas pénaliser le patient dans de telles situations, puisque le collège sera tenu de procéder à cet examen dès que cela sera possible.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 271, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 46, première phrase
Supprimer les mots :
ou, en cas d'impossibilité d'examiner le patient, un avis médical
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 71, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous sommes convaincus qu’une réforme de la psychiatrie publique est nécessaire. C’est précisément pour cette raison que nous sommes opposés à ce projet de loi ! Mais il nous faut repenser, et améliorer, avec les patients, leur famille et les équipes médicales, la procédure de soins. Une telle ambition soulève la question des moyens.
Ce projet, que le Gouvernement souhaiterait nous voir adopter, ne répond, en aucun cas, aux besoins actuels de la médecine psychiatrique. Si nous soutenons l’idée d’une réforme, nous ne pouvons aller dans le sens du projet gouvernemental. Contesté par l’immense majorité des actrices et des acteurs de la psychiatrie, il privilégie l’ordre public, sans véritablement tenir compte des soins.
La transformation de l’hospitalisation à la demande d’un tiers en hospitalisation d’office n’est pas acceptable. Elle est d’une injustice criante. En effet, alors que le malade était entré au sein de l’unité de soins psychiatriques pour des raisons médicales, à la demande de ses proches, inquiets de sa santé mentale, il y serait maintenu pour des raisons qui n’auraient pas grand-chose à voir avec des considérations sanitaires.
C’est bien simple : nous passons de l’hospitalisation à la demande d’un tiers à la rétention de sûreté. Le malade devient le « fou dangereux » : dangereux pour lui et, surtout, dangereux pour les autres.
Cette mesure est révélatrice de la perspective purement sécuritaire du texte. L’objectif du Gouvernement, en maintenant le malade en hospitalisation complète, n’est pas qu’il reçoive les soins dont il a besoin, mais de le garder enfermé, de manière préventive, pour qu’il ne soit pas en mesure de nuire à la société. Dès lors, nous sommes proches de l’amalgame entre hôpitaux psychiatriques et prisons, entre psychiatres et gardiens de prison.
En fait, les discours tenus par certains, y compris parmi les plus hauts responsables de l’État, ont pour résultat que celui qui est différent fait peur.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa 47.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je rappelle que ce dispositif de transformation d’une hospitalisation à la demande d’un tiers en hospitalisation d’office est déjà en vigueur. Le supprimer pénaliserait le patient lui-même. L’état d’un patient hospitalisé peut en effet s’aggraver et nécessiter une prise en charge un peu plus étroite, dans l’hypothèse où ses perturbations mentales risqueraient de menacer la sûreté des personnes.
Les modalités de prise en charge du patient doivent pouvoir continuer à être modifiées si son état le nécessite et si le psychiatre l’estime pertinent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 47
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge des libertés et de la détention est informé de cette situation et peut décider de prononcer en urgence la mainlevée de la mesure, sans recourir à l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 ou des experts mentionnés au II de l’article L. 3211-12. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Une fois de plus, nous constatons que la question du trouble à l’ordre public prédomine sur la préoccupation de la qualité des soins.
Alors que la décision du directeur de l’établissement de soins psychiatriques nous semble s’apparenter à une sorte de rétention de sûreté, nous sommes surpris du fait que la justice soit absente de l’ensemble de ce processus.
Avec la possibilité de transformer une hospitalisation sur demande d’un tiers en une hospitalisation d’office, il sera désormais possible qu’une personne hospitalisée de manière préventive soit maintenue à l’hôpital, contre l’avis de son entourage et sans la moindre intervention de la justice.
Cette mesure nous semble profondément liberticide. Puisque la loi dispose que toute privation de liberté doit être assortie d’un accompagnement judiciaire, il nous semblerait juste que le juge des libertés intervienne à ce moment de la procédure. Cette intervention, en plus de garantir le respect des libertés individuelles et fondamentales de la personne – en particulier la possibilité de faire appel de la « condamnation » dont elle fait l’objet – permettrait de légitimer fortement la procédure. Son absence est des plus regrettables.
Nous devons donc modifier ce texte pour redonner à la justice la place fondamentale, essentielle, qui doit être la sienne. Restaurer les contre-pouvoirs médicaux et judiciaires nous semble d’une nécessité vitale face à l’arbitraire d’un État de plus en plus policier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement a le même objectif que le précédent. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je voterai contre l’article 2, car je suis opposée à la nouvelle procédure qui prévoit une admission en soins psychiatriques sans consentement reposant non pas sur la demande d’un tiers, mais sur la seule existence d’un « péril imminent ».
Le Gouvernement a justifié cette mesure en s’appuyant sur les situations où il n’y a aucun tiers susceptible de déclencher la procédure d’hospitalisation, notamment s’agissant de personnes fortement désocialisées, comme les personnes sans domicile fixe, ou de personnes susceptibles de se retourner contre leur entourage, celui-ci n’étant alors naturellement pas enclin à présenter la demande d’admission en soins psychiatriques sans consentement.
Avec l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques, l’Unafam, je pense qu’il y a trop de malades hors circuit. La situation ne cesse de s’aggraver : 30 000 personnes présentant de graves troubles psychiques seraient abandonnées dans la rue, sans compter celles qui atterrissent en prison pour des délits mineurs – alors que leur place n’est pas là –, ni les patients à la charge de familles parfois totalement démunies.
Cependant, je ne suis pas d’accord avec la réponse que vous apportez à ce problème, à travers la procédure d’admission « en cas de péril imminent ».
À entendre les témoignages des psychiatres que j’ai rencontrés, il y a toujours un tiers pour demander une hospitalisation. Une assistante sociale, par exemple, peut représenter ce tiers pour les plus démunis.
Renforcer le soutien social me paraît être, sur ce point, une meilleure solution que soumettre toujours plus de personnes à des procédures de soins sans consentement.
Je rappelle que le psychiatre italien de renom Franco Basaglia demandait d’abord à ses patients s’ils avaient un logement, des ressources suffisantes, des liens sociaux solides, de la famille, des amis. Avant de s’intéresser à leur vie psychique, il s’assurait qu’ils n’étaient pas en détresse sociale. Les soins psychiques resteraient sinon tout à fait superficiels.
Or, avec l’article 2, on ne s’attaque pas aux racines du problème.
Les soins psychiatriques ne doivent pas être systématiquement apportés dans l’urgence. Des moyens doivent être fournis, au niveau social, mais également au niveau psychiatrique.
Je déplore par conséquent que ce texte n’aborde pas la prévention, alors que certains troubles apparaissant progressivement peuvent être reconnus et soignés à temps. Une souffrance psychique n’apparaît pas si subitement qu’il faille apporter une réponse en cas de « péril imminent ».
Je voterai donc contre cet article.
C’est bien parce que toute la chaîne de protection sociale et psychique est défaillante en amont que l’on nous propose aujourd’hui de nous en remettre à cette procédure de soins sous contrainte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Très bien ! Je suis profondément opposé à cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’État » ;
2° L’article L. 3213-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa :
– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
– à la première phrase, les mots : « À Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l’État prononcent par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 » sont remplacés par les mots : « Le représentant de l’État dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques sans leur consentement » ;
– l’avant-dernière phrase est supprimée ;
– à la dernière phrase, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « l’admission en soins » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade. » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les éléments du dossier médical du patient font apparaître qu’il a fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou a fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3 du présent code, le psychiatre qui participe à sa prise en charge en informe le directeur de l’établissement d’accueil qui le signale sans délai au représentant de l’État dans le département. Toutefois, lorsqu’il s’est écoulé depuis cette hospitalisation un délai supérieur à une durée fixée par décret en Conseil d’État, elle n’est pas prise en compte pour l’application du présent alinéa.
« Le directeur de l’établissement transmet sans délai au représentant de l’État dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 :
« 1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3211-2-2 ;
« 2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article. » ;
c) Le dernier alinéa est remplacé par des II et III ainsi rédigés :
« II. – Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné au troisième alinéa de l’article L. 3211-2-2, le représentant de l’État dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l’article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application de ce même article et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le protocole de soins établi par le psychiatre.
« Dans l’attente de la décision du représentant de l’État, la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.
« Le représentant de l’État ne peut décider une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète qu’après avoir recueilli l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3.
« Lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du présent II des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application du même II.
« III. – Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l’article L. 3212-11. » ;
2° bis (nouveau) À la première phrase de l’article L. 3213-2, les mots : « d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins psychiatriques sans consentement » ;
3° L’article L. 3213-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-3. – I. – Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour puis dans le mois qui suit la décision mentionnée au I de l’article L. 3213-1 ou, le cas échéant, suivant la mesure provisoire prévue à l’article L. 3213-2 et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l’établissement d’accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s’il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l’évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l’article L. 3211-2-1 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, le psychiatre de l’établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.
« II. – Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l’article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l’établissement d’accueil au représentant de l’État dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5. Lorsque la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, une copie du certificat médical établi, en application du I du présent article, après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour qui suit la décision mentionnée au I de l’article L. 3213-1 est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement d’accueil.
« III. – Après réception des certificats ou avis médicaux mentionnés aux I et II du présent article et, le cas échéant, de l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 et de l’expertise psychiatrique mentionnée à l’article L. 3213-5-1, et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public, le représentant de l’État dans le département peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade. Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels l’avis du collège et l’expertise doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, le représentant de l’État prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d’État. » ;
4° L’article L. 3213-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-4. – Dans les trois derniers jours du premier mois suivant la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement ou, le cas échéant, suivant la mesure provisoire prévue à l’article L. 3213-2, le représentant de l’État dans le département peut prononcer, au vu du certificat médical ou de l’avis médical mentionné à l’article L. 3213-3, le maintien de la mesure de soins pour une nouvelle durée de trois mois. Il se prononce, le cas échéant, sur la forme de la prise en charge du patient dans les conditions prévues au même article L. 3213-3. Au-delà de cette durée, la mesure de soins peut être maintenue par le représentant de l’État dans le département pour des périodes maximales de six mois renouvelables selon les mêmes modalités.
« Faute de décision du représentant de l’État à l’issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.
« En outre, le représentant de l’État dans le département peut à tout moment mettre fin à la mesure de soins prise en application de l’article L. 3213-1 après avis d’un psychiatre participant à la prise en charge du patient, attestant que les conditions ayant justifié la mesure de soins en application du même article L. 3213-1 ne sont plus réunies, ou sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5.
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes mentionnées à l’article L. 3213-8. » ;
5° L’article L. 3213-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-5. – Si un psychiatre participant à la prise en charge du patient atteste par un certificat médical que les conditions ayant justifié l’admission en soins psychiatriques sans consentement en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ne sont plus remplies et que la levée de cette mesure peut être ordonnée, le directeur de l’établissement est tenu d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’État dans le département qui statue dans un délai de trois jours francs après la réception du certificat médical. Lorsqu’une expertise psychiatrique est ordonnée par le représentant de l’État en application de l’article L. 3213-5-1, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance.
« Lorsque le représentant de l’État dans le département n’ordonne pas la levée d’une mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, il en informe le directeur de l’établissement d’accueil qui saisit le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l’article L. 3211-12. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque la décision du représentant de l’État intervient dans les délais mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article L. 3211-12-1. » ;
6° Après le même article L. 3213-5, il est inséré un article L. 3213-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-5-1. – Le représentant de l’État dans le département peut à tout moment ordonner l’expertise psychiatrique des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins sans leur consentement prononcée en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou ordonnée en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale. Cette expertise est conduite par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement d’accueil de la personne malade, choisi par le représentant de l’État dans le département sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle est situé l’établissement ou, à défaut, sur la liste des experts inscrits près la cour d’appel du ressort de l’établissement.
« Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels l’expertise mentionnée au premier alinéa doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. » ;
7° L’article L. 3213-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-6. – Lorsqu’un psychiatre de l’établissement d’accueil d’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement en application de l’article L. 3212-1 atteste par un certificat médical ou, lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de l’intéressé, par un avis médical sur la base de son dossier médical que l’état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, le directeur de l’établissement d’accueil en donne aussitôt connaissance au représentant de l’État dans le département qui peut prendre une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement en application de l’article L. 3213-1, sur la base de ce certificat ou de cet avis médical. Les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont alors établis par deux psychiatres distincts. Lorsque ceux-ci ne peuvent procéder à l’examen de la personne malade, ils établissent un avis médical sur la base de son dossier médical. » ;
7° bis (nouveau) Au début de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3213-7, les mots : « L’avis médical » sont remplacés par les mots : « Le certificat médical circonstancié » ;
8° L’article L. 3213-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-8. – Le représentant de l’État dans le département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques sans consentement qu’après avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 ainsi qu’après deux avis concordants sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l’article L. 3213-5-1 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité hospitalière pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3.
« Lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du présent article des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application dudit article.
« Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels les avis du collège et les deux expertises mentionnés au premier alinéa doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, le représentant de l’État prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d’État. » ;
9° L’article L. 3213-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-9. – Le représentant de l’État dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques sans consentement prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure :
« 1° Le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement d’accueil de la personne malade et le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
« 2° Le maire de la commune où est implanté l’établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
« 3° La commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 ;
« 4° La famille de la personne qui fait l’objet de soins sans son consentement ;
« 5° Le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé.
« Le représentant de l’État dans le département informe sans délai les autorités et les personnes mentionnées aux 1° à 5° de toute décision de prise en charge du patient sous une autre forme que celle d’une hospitalisation complète. » ;
10° L’article L. 3213-10 devient l’article L. 3213-11 ;
11° Il est rétabli un article L. 3213-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-10. – Pour l’application à Paris du présent chapitre, le représentant de l’État est le préfet de police. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Cet article porte sur l’admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l’État. Le préfet pourrait donc désormais décider de la forme de la prise en charge, en fonction non seulement des exigences relatives à la sûreté des personnes, mais aussi de celles liées à l’ordre public. On voit combien les troubles mentaux sont, une nouvelle fois, assimilés à une supposée dangerosité.
Comme l’a déclaré notre collègue Patricia Schillinger, le fait que le Gouvernement lie systématiquement maladies mentales et atteintes à l’ordre public met en exergue son penchant à ne traiter la question des soins psychiatriques que sous l’angle sécuritaire, au détriment des personnes souffrant de telles pathologies.
En cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet, il revient au juge des libertés et de la détention d’arbitrer. Cependant, on peut se demander si ce juge aura matériellement le temps de prendre connaissance du dossier du patient et d’effectuer ainsi le choix qui s’impose.
Par ailleurs, le juge ne peut pas remplacer un médecin. Il n’a pas reçu la formation adéquate pour apprécier si le patient doit être hospitalisé ou non. Il s’agit bien, ici, de soins, avec toute la difficulté que suppose la définition d’une notion aussi complexe que celle de maladie mentale.
De plus, comme je l’ai dit précédemment, le préfet pourra toujours faire appel de la décision du juge en saisissant le parquet. Ce texte renforce donc le rôle du préfet et la priorité donnée à la défense de l’ordre public : c’est toujours le préfet qui tranchera en dernier recours.
Il est regrettable que la question du trouble à l’ordre public l’emporte ainsi sur la préoccupation de la qualité des soins. Voilà pourquoi je souhaite préciser, avec Patricia Schillinger et mes collègues du groupe socialiste, que ce texte ne promeut pas un projet de soins, mais enclenche un engrenage portant atteinte aux libertés fondamentales – et je pèse mes mots ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Alors que les unités de soins psychiatriques se trouvent aujourd’hui dans une situation d’engorgement sans précédent et qu’elles sont littéralement asphyxiées, alors que plus de 40 000 lits y ont été supprimés entre 1987 et 2000 – ce qui fait que nous devons en être aujourd'hui à 50 000 lits supprimés –, le Gouvernement, au lieu d’augmenter les moyens comme il devrait le faire s’agissant de la psychiatrie publique, reste fidèle à lui-même en se focalisant exclusivement sur la dimension sécuritaire de la question.
En effet, dans ce texte, seul le trouble à l’ordre public est pris en compte, et ce ne sont pas mes collègues de gauche qui me démentiront !
M. Roland Courteau et M. Jacky Le Menn. Certes non !
M. Guy Fischer. La fonction des soignants est détournée, orientée vers la dénonciation, la rétention, la surveillance et les soins au sens le plus étroit et le plus technique du terme. Mais peut-on encore parler de « soins » dans un tel contexte !
Cet article incarne à lui seul ce que nous sommes enclins à appeler la « loi de la peur ». Et cette peur, qui n’est rien que la peur de l’autre, risque, pas moins, de ruiner pour toujours une conception de la société où chacun aurait sa place.
Si vous pensez que cette loi n’aura de conséquences que pour les cas les plus graves, vous avez tort. À l’heure actuelle, plus de 30 % de la population française souffre de troubles psychiques. Alors, prendrons-nous le risque de voir près d’un tiers de nos concitoyens enfermés au moins une fois dans leur vie au sein d’unités de soins psychiatriques ?
J’avoue que je pousse le bouchon un peu loin,…
M. Éric Doligé. Comme toujours !
M. Guy Fischer. … mais il faut bien que certains noircissent le trait, éventuellement jusqu’à l’excès, pour que l’on puisse approcher la vérité.
Cette situation est d’autant plus grave que ce projet de loi instaure le « casier psychiatrique », au détriment du principe même du droit à l’oubli. En effet, le préfet, qui pourra décider seul de l’internement, sera également en mesure de se référer aux antécédents du patient pour décerner un « bon de sortie ».
M. Roland Courteau. C’est grave !
M. Guy Fischer. Il s’agit là de la négation pure et simple du principe de guérison, pourtant but ultime de tout processus de soins, car ce dossier poursuivra le patient tout au long de son existence. Au moindre trouble, au moindre doute sur la santé mentale d’un individu, ce dernier sera jugé sur la base de son passé médical et en fonction de son état.
Tout cela, mes chers collègues, doit tout de même nous conduire à nous interroger : depuis quand nos préfets disposent-ils de compétences dans le domaine médical les rendant aptes à juger de l’état pathologique de personnes atteintes de troubles mentaux ? Sur quelles connaissances, sur quelle expérience vont-ils pouvoir se fonder pour décider de la nature de la prise en charge d’un malade ?
M. Roland Courteau. Bonnes questions ?
M. Guy Fischer. Cette mesure confère à l’autorité administrative un pouvoir qui ne pourra qu’entraver la bonne marche du processus de soins !
La psychiatrie a besoin non d’une réforme partielle, mais d’une refonte profonde de ses structures. Ce n’est pas en réagissant de façon irréfléchie à des faits divers qui ont ému – à juste titre, d’ailleurs – l’opinion publique que nous réussirons à apporter les réponses qu’attend aujourd’hui la médecine psychiatrique.
En 2003, alors qu’ils se réunissaient dans le cadre des états généraux de la psychiatrie, les syndicats ont présenté vingt-deux mesures d’urgence pour pallier les difficultés les plus criantes de ce secteur. Ils n’ont pas été entendus.
Aujourd’hui, c’est avec conviction et détermination que nous demandons la suppression pure et simple de cet article 3. Avant de nous engager dans la voie d’une réforme complète et humaine de la psychiatrie, nous nous devons, pour toute la société, d’empêcher l’adoption de ce texte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’ensemble des dispositions de l’article 3, qui constituent le cœur du projet de loi puisqu’elles visent à mettre en conformité les dispositions du chapitre relatif à l’hospitalisation d’office avec la mise en place de soins sans consentement, quelle que soit la forme de prise en charge, en hospitalisation complète ou non.
La procédure prévue à cet article présente toutefois la particularité de reposer sur l’intervention du préfet, au titre de la sûreté des personnes et de la protection de l’ordre public. Les préoccupations exprimées ici ne sont donc pas d’ordre purement sanitaire, mais s’attachent à préserver un équilibre entre santé, sécurité et liberté.
En fait, nous devons assurer l’équilibre d’un tripode : on peut en effet estimer que la sécurité peut participer à la santé, comme elle contribue à la liberté ; quant à la santé, elle est aussi source de sécurité et de liberté !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. L’article 3 permet de diversifier les modalités de prise en charge des personnes actuellement hospitalisées d’office en renforçant, parallèlement, l’aide à la décision du préfet. Le dispositif d’hospitalisation d’office existe. Aujourd’hui, nous apportons une aide à la décision du préfet, qui pourra disposer d’un avis collégial de professionnels de la santé sur les cas les plus sensibles. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 74, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. « Casier psychiatrique » : voilà comment il convient de qualifier le dossier médical qui poursuivra le malade tout au long de sa vie.
Alors qu’il nous semble logique que les antécédents médicaux de tout un chacun puissent être consultés par les médecins, nous sommes convaincus que la communication de tels éléments au préfet constitue une grave erreur, qui aura, à n’en pas douter, des conséquences désastreuses. L’intervention sur un patient doit être motivée par des raisons médicales, et non par des considérations tenant au maintien de l’ordre.
Le Gouvernement nous explique que le préfet aura à sa disposition l’historique de toutes les hospitalisations dont le malade aura été l’objet. Quelle hypocrisie, mes chers collègues !
Pour prendre la décision de maintenir ou non une personne en hospitalisation complète, le préfet aurait besoin non seulement des informations concernant son état pathologique du moment, mais aussi des informations se rapportant à sa situation antérieure. Et cela, bien sûr, dans l’intérêt du malade ! Car ces hospitalisations sans consentement ne concerneront, bien sûr, que les cas les plus graves…
Le texte ne précise pas le contenu véritable de ce fameux « casier psychiatrique ». Il n’est pas dit que les raisons expliquant les internements d’office y seront exposées.
Imaginons un instant le cas d’un jeune homme ayant trop bu – ou d’une jeune fille, car je ne voudrais pas être accusée de sexisme ! (Sourires.) – qui se retrouve hospitalisé d’office à cause de son agitation. Va-t-on condamner ce jeune homme ou cette jeune femme à avoir un casier psychiatrique qui le poursuivra pendant toute son existence ?
En outre, comment être certain que ce casier restera protégé par le secret médical ?
Une fois de plus, nous avons la preuve que ce texte relève plus d’une vision sécuritaire que d’une vision sanitaire de la psychiatrie. Peut-on légiférer sur la base de la peur de l’autre ?
En outre, à aucun moment le juge des libertés et de la détention n’est supposé intervenir dans la décision de maintenir une personne contre sa volonté en hospitalisation complète. Voilà encore une atteinte caractérisée aux droits de ces personnes !
Ainsi, conscients de nos responsabilités d’élus représentant l’ensemble des citoyens qui composent notre société, c’est avec force que nous dénonçons aujourd’hui l’idée d’un casier auquel se référerait le préfet pour décider de maintenir pendant plusieurs mois une personne en hospitalisation complète, sans que le juge des libertés et de la détention intervienne. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 468 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 12
I. - Supprimer cet alinéa.
II. - En conséquence, alinéa 11
remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, la présentation de cet amendement vaudra également pour les amendements nos 469 rectifié, 472 rectifié, 470 rectifié et 474 rectifié, qui ont le même objet.
Il s’agit en fait de supprimer la procédure renforcée appliquée aux personnes ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale ou qui ont séjourné en unité pour malades difficiles.
Nous avons vu quel sort était réservé à nos amendements précédents, mais il est normal que nous persévérions dans la voie que nous estimons juste.
M. le rapporteur – M. le rapporteur ultime – vient de comparer ce projet de loi, et en particulier l’article 3, à un « tripode » : santé, sécurité, liberté. Je me permettrai de lui faire remarquer que, dans ce tripode, un pied pèse manifestement beaucoup plus que les deux autres réunis ; je veux bien sûr parler de la sécurité. C’est en effet la préoccupation de la sécurité qui constitue le fondement de ce projet de loi. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir l’étendue du pouvoir accordé au préfet, qui est la stricte illustration de la philosophie générale de ce projet.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
II. – Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le présent II n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État. »
III. – En conséquence, alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l’amendement suivant, qui précise la durée de la période au-delà de laquelle le droit à l’oubli s’appliquera.
M. le président. L’amendement n° 25 est retiré
L’amendement n° 495, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Après les mots :
mentionnée à l’article L. 3222-3 du présent code
insérer les mots :
et qu’une prise en charge dans un autre lieu qu’en unité hospitalière temps plein est envisagée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Monsieur le président, je me suis jusqu’ici abstenu de toute manifestation d’humeur, mais je me permettrai de faire observer que la multiplication des sobriquets dont je me vois régulièrement affublé justifierait que leurs auteurs soient invités à respecter une certaine mesure !
J’en viens à l’amendement n° 495.
Lorsque les éléments du dossier médical du patient font apparaître que celui-ci a été hospitalisé d’office pour irresponsabilité pénale ou en unité pour malades difficiles, le psychiatre doit en informer le directeur et le préfet, afin que le collège soit saisi pour donner un avis et qu’une expertise soit ordonnée.
Cette information n’est donc utile pour le directeur et le préfet que lorsque la sortie du patient est envisagée. Dès lors, elle n’a pas à être transmise par le psychiatre dès l’admission du patient, d’autant que, pour en conserver la trace en vue de l’enclenchement ultérieur de la procédure particulière, le directeur ou le préfet devrait naturellement en organiser l’enregistrement.
L’amendement n° 495 supprime cet inconvénient en imposant au psychiatre de ne procéder à cette transmission d’information que lorsque celle-ci est nécessaire, c’est-à-dire lorsque la sortie du patient est envisagée et que la procédure particulière doit être enclenchée.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis dix ans au moins.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 22
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« II. - Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné au troisième alinéa de l’article L. 3211-2-2, le psychiatre mentionné à l’article L. 3211-2-1 décide de la forme de prise en charge prévue à cet article et en informe le représentant de l’État dans le département.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons rappeler notre opposition à la rédaction actuelle du texte, qui confie au préfet la possibilité de décider de la forme de la prise en charge applicable à un patient ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office.
Cette conception de la psychiatrie, qui confie plus de pouvoirs au représentant de l’État dans le département qu’aux médecins et en vertu de laquelle les soins sans consentement et les soins médicaux l’emportent sur l’aspect relationnel et la psychothérapie, donne l’impression que, comme le dit très bien le docteur Chemla, psychiatre et psychanalyste, « tout l’esprit de la loi, explicitement et implicitement, c’est de transformer la psychiatrie en “fliciatrie” et de nous placer en annexe de la police ».
Mais vous semblez oublier que ce qui accroîtrait la sécurité de tout le monde, c’est le fait que les patients puissent être accueillis et soignés correctement, le tout dans un climat de confiance. Faute que de telles conditions soient réunies, le patient ne peut pas nouer avec le personnel soignant des relations de confiance, pourtant indispensables à la guérison.
D’une certaine manière, la soumission des équipes médicales au préfet contribue à les déconsidérer ou à les présenter aux malades comme étant elles-mêmes des auxiliaires du préfet. Tout cela brouille les cartes, engendre de la confusion, au point que santé et sécurité s’entremêlent.
M. le président. L'amendement n° 266, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 17, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement n’a plus d’objet.
M. Jean Desessard. Hélas ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 17, seconde phrase
Remplacer les mots :
le cas échéant
par les mots :
prise sur la base des nécessités du traitement de la personne admise en soins psychiatriques sans son consentement
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. On le sait, les rédacteurs du projet de loi n’ont pas écarté la tentation du casier psychiatrique et de l’acclimatation, dans le domaine des soins de la maladie mentale, de catégories conceptuelles qui ont cours dans la sécurité publique et la prévention de la délinquance, telles que la garde à vue, l’usage du bracelet électronique ou la période dite de rétention.
On comprend que certains collectifs et associations en appellent aux mânes de Pinel au cours de leurs manifestations, comme celle du 9 avril dernier ou encore celle qui s’est déroulée hier devant le palais du Luxembourg, afin de protester contre « le grand retour de l’enfermement qui caractérise désormais ces lieux de soins », pour reprendre les mots du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
II ne faut pas hausser, au-delà du raisonnable, la contrainte sur les malades, qui sont d’abord des personnes qui souffrent.
Cet amendement vise donc à remettre au cœur de la décision que le représentant de l’État prendra sur la forme de la prise en charge prévue par l’article L. 3211-2-1 du code de la santé publique les soins et la réussite du traitement, et non pas un passé judiciaire éventuellement problématique, j’y insiste.
M. le président. L'amendement n° 496, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 17, seconde phrase
Remplacer le mot :
protocole
par le mot :
programme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. L'amendement n° 469 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 19 à 22
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le représentant de l’État dans le département a décidé une prise en charge sous forme d’hospitalisation complète alors que l’avis établi en application de l’article L. 3211-2-2 propose une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, il en informe le directeur de l’établissement d’accueil qui saisit le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue sur cette mesure dans un délai de trois jours à compter de sa saisine, dans les conditions prévues à l’article L. 3211-12-1. Lorsque la décision du juge des libertés et de la détention intervient dans les délais mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 3211-2-1, il ne statue pas une seconde fois dans ces mêmes délais, sauf s'il est saisi postérieurement à cette décision en application de l'article L. 3211-12.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement crée un nouveau cas de saisine automatique du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre le préfet et le psychiatre.
En effet, les députés ont prévu la saisine automatique du JLD dans un cas très circonscrit, celui où le préfet n’ordonne pas la levée de la mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète alors que le psychiatre le propose. La commission des lois a souhaité étendre cette saisine automatique à l’hypothèse dans laquelle le préfet décide que le patient doit être pris en charge sous forme d’hospitalisation complète alors que le psychiatre, à l’issue de la période d’observation, n’a proposé que des soins ambulatoires.
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer les mots :
, les avis
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 472 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 43 à 48
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 77, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 44 à 48
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-8. - Le directeur de l’établissement dans lequel la personne est admise peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques sans consentement, dès lors que deux certificats médicaux concordants sur l’état mental du patient, émis par deux médecins différents, approuvent la fin de cette mesure. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Ce sont plus de 30 000 personnes, citoyens, professionnels, usagers et parents de malades, qui ont signé une pétition dénonçant le traitement sécuritaire de la psychiatrie tel qu’il est promu au travers de ce projet de loi.
La conception que vous avez appelée de vos vœux et qui prend aujourd’hui corps a commencé à s’imposer dans la pratique, avant même que ce projet de loi ne soit adopté. En effet, sous la pression, les directeurs d’établissement et les préfets ont peu à peu mis un terme aux sorties d’essai, qui ont pourtant une réelle vocation thérapeutique.
Dans l’imaginaire des gens, les fous sont progressivement apparus comme des personnes nécessairement dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres, alors que, faut-il le rappeler, dans l’immense majorité des cas, il n’en est rien. Vous avez voulu assimiler maladie et dangerosité. Et force est de constater que, d’une certaine manière, vous y êtes arrivés.
Ce projet de loi prolonge ce mouvement en confiant aux préfets des prérogatives qu’ils n’avaient encore jamais eues. Ainsi, l’article 3, d’une certaine manière, transforme le préfet en auxiliaire de santé. Pourtant, sa fonction première demeure de garantir le respect de l’ordre public, sans considération particulière pour le sort des patients eux-mêmes. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on sait que le préfet, contrairement aux équipes médicales, ne côtoie pas au quotidien les patients et ne connaît leur évolution qu’au travers du casier psychiatrique que ce projet de loi instaure.
Le patient atteint de maladie mentale est, par définition, un patient complexe, dont la maladie évolue et régresse au fil du temps. Prendre une décision relative à la prolongation de la mesure privative de liberté sur la seule base du casier psychiatrique du malade, c’est réduire celui-ci à son état à un moment donné. C’est à cela que nous nous opposons.
C’est pourquoi nous proposons que ce soit non pas le préfet, mais le directeur de l’établissement psychiatrique qui décide de mettre fin à la mesure de soins psychiatriques sans consentement, et ce sur la base de deux certificats médicaux concordants.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 44
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3213-8. - Dès lors que le collège mentionné à l’article L. 3211-9 ou que deux avis médicaux concordant sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l’article L. 3213-5-1 ont décidé que le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement n’était plus nécessaire, le représentant de l’État dans le département met immédiatement fin à celle-ci.
II. - En conséquence, alinéas 45 à 48
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous persistons à défendre nos positions, mais je crains que, ici, cela ne revienne à pratiquer la méthode Coué… (Sourires.)
Ce projet de loi semble décidément avoir été enfanté par le ministère de l’intérieur, celui de M. Guéant, plutôt que par le ministère de la santé !
M. Roland Courteau. C’est bien dit !
M. Guy Fischer. Alors qu’il faudrait restaurer les contre-pouvoirs judiciaires et médicaux, ce projet de loi s’emploie à renforcer l’arbitraire de l’État, et c’est cela que nous dénonçons ici.
En essayant de montrer que nous sommes en présence d’un État fort, qui enferme et punit, vous faites obstacle à la réinsertion des malades dans la société, et donc à leur guérison.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Guy Fischer. Quand un collège médical ou que deux avis médicaux concordants estiment que la mesure de soins psychiatriques sans consentement peut être levée, vous remettez la décision au préfet, dont on peut supposer qu’il n’a pas de compétences particulières en la matière. Ce faisant, vous transformez le préfet en ordonnateur de soins et les experts médicaux en simples consultants.
Je présume l’incompétence des préfets sur les questions médicales, mais cela, bien sûr, ne m’empêche pas de reconnaître qu’ils ont de nombreuses qualités, (Ah ! sur les travées de l’UMP),…
M. Roland Courteau. Mais pas toutes !
M. Guy Fischer. … surtout ceux qui ont été nommés par M. Guéant ou par… je n’insiste pas ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Quoi qu'il en soit, outre cette incompétence supposée des préfets sur les questions médicales, des raisons simples nous ont conduits à vous proposer, mes chers collègues, cet amendement.
Le préfet peut effectivement être soumis à des pressions pour refuser des sorties, de peur d’être perçu comme laxiste. Ainsi, un contexte particulier, un fait divers peuvent l’amener à retarder au maximum la délivrance d’une autorisation de sortie, et cela nullement dans l’intérêt du malade, de sa santé ou de son bien-être, mais uniquement pour ne pas être mal vu par les autorités dont il dépend.
Pour notre part, nous considérons que le préfet n’a pas vocation à intervenir dans le domaine de la santé mentale et qu’il ne peut, en aucun cas, aller contre l’avis du corps médical.
Par cet amendement, nous tentons de mettre fin à une conception de la psychiatrie qui, au détriment de la santé des malades, a pour priorité l’ordre public.
M. le président. L'amendement n° 498, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 44
Remplacer les mots :
qu’après avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 ainsi qu’après deux avis concordants sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis
par les mots :
qu’après avis concordant sur l’état mental du patient du collège mentionné à l’article L. 3211-9 et d’un psychiatre choisi
II. – Alinéa 48
a) Première phrase
Remplacer les mots :
les deux expertises
par les mots :
l’expertise
b) Dernière phrase
Remplacer les mots :
des deux psychiatres
par les mots :
du psychiatre
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 498 est retiré.
L'amendement n° 199, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis dix ans au moins.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je tiens tout d’abord à dire que je suis très peiné d’entendre certains de mes collègues employer les expressions « casier psychiatrique » ou « fichier spécifique ». Pour être amené à connaître depuis de nombreuses années le fonctionnement d’un hôpital psychiatrique, je ne crois pas qu’y soient conservés, en quelque endroit que ce soit, des « casiers » sur les malades.
Mais j’en reviens aux amendements qui nous sont soumis.
L’amendement n° 74 vise à supprimer les alinéas 11 à 15 , aux termes desquels, lorsque le psychiatre participant à la prise en charge du patient constate, à la lecture du dossier médical, que celui-ci a déjà fait l’objet d’une mesure de soins consécutive à une déclaration d’irresponsabilité pénale ou qu’il a déjà séjourné dans une unité pour malades difficiles pendant un laps de temps fixé par décret en Conseil d’État, il en informe le directeur de l’établissement, qui, à son tour, doit le signaler sans délai au préfet. Cette information transmise au préfet est capitale pour l’application des dispositions du chapitre III dans la mesure où elles conditionnent la mise en œuvre de précautions particulières concernant ces deux catégories de malades.
Contrairement à ce que l’on peut entendre dire ici ou là, aucun casier ni aucun fichier n’est, je le répète, créé par ce texte pour enregistrer ou conserver des informations concernant ces personnes.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 468 rectifié.
L’amendement n° 181 prévoit de fixer à dix ans le délai à partir duquel s’exercera le droit à l’oubli. La commission des affaires sociales estime qu’il revient effectivement au Parlement de préciser ce délai dans la loi dans la mesure où il touche aux droits et libertés des individus. Aussi a-t-elle émis un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n° 75 revient à supprimer les dispositions visant à préciser les conditions dans lesquelles le préfet peut maintenir les soins après réception des certificats médicaux établis au bout de 24 heures et 72 heures. Les auteurs de cet amendement souhaitent écarter le préfet de la procédure d’admission aux soins psychiatriques sans consentement. La commission a émis un avis défavorable.
L’alinéa 17 de l’article 3 prévoit que le préfet décide de la forme de prise en charge du patient en tenant compte, d’une part, de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre et, d’autre part, des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre du public. L’amendement n° 183 vise à supprimer les mots « le cas échéant ».
La proposition relative à la forme de prise en charge du patient est indiquée comme éventuelle par le psychiatre parce que celui-ci ne la formule que s’il considère que la prise en charge doit se poursuivre sous une forme autre que l’hospitalisation complète. En revanche, il ne fait aucune proposition lorsqu’il estime que la mesure de soins ne se justifie plus et que la levée doit être prononcée ou lorsqu’il juge que les soins doivent se poursuivre sous la forme d’une hospitalisation complète.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 469 rectifié.
L’amendement n° 26 rectifié crée un nouveau cas de saisine automatique du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord, c'est-à-dire lorsque le préfet décide que le patient doit être pris en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, tandis que le psychiatre propose des soins ambulatoires. La commission a émis un avis défavorable.
La commission est également défavorable aux amendements nos 472 rectifié et 77.
L’amendement n° 79 vise à supprimer les dispositions relatives aux conditions de levée des mesures de soins psychiatriques sans consentement dont font l’objet les personnes déclarées pénalement irresponsables et les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles. La commission est défavorable à cet amendement.
Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 199 de coordination avec la décision de fixer à dix ans le délai à partir duquel s’exercera le droit à l’oubli.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 74.
Cela dit, j’avoue que le fait d’évoquer la création d’un « casier psychiatrique » à propos de ces dispositions me choque quelque peu, et plus encore l’idée selon laquelle des personnes en état d’ébriété pourraient faire l’objet d’une hospitalisation d’office !
M. Roland Courteau. C’est nous qui sommes choqués !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les personnes en état d’ébriété vont en cellule de dégrisement ; elles ne sont pas hospitalisées d’office dans les services psychiatriques !
Quant au casier psychiatrique, c’est manifestement un abus de langage. Mais vous avez vos raisons... Pourquoi stigmatiser la filière psychiatrique ? Pour les autres pathologies, on se sert des dossiers médicaux pour y rechercher les éléments aidant à prendre les décisions les plus cohérentes pour le malade ; on ne parle pas pour autant de « casier cancérologique » ou de « casier rhumatologique » !
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 468 rectifié. Le directeur de l’établissement doit évidemment saisir un collège et avoir un minimum d’informations médicales sur le patient.
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 495 et 181.
Il est défavorable à l’amendement n° 75, qui revient à supprimer l’hospitalisation d’office.
Je vous rappelle que l’hospitalisation à la demande de l’autorité judiciaire existe. Ce dispositif a été instauré par la loi de 1990, lorsque M. Évin était ministre de la santé, une loi qu’ont votée les auteurs de l’amendement ou ceux qui siégeaient à l’époque sur les mêmes travées. Le projet de loi ne modifie pas les conditions d’hospitalisation des patients qui pourraient présenter des troubles à l’ordre public.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 183, qui est de même nature.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 496.
Pour les raisons que j’ai précédemment exposées, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 469 rectifié.
Il est également défavorable à l’amendement n° 26 rectifié, qui a pour objet d’étendre les cas d’intervention du juge des libertés et de la détention pour arbitrer les désaccords entre le préfet et le psychiatre sur les modalités des soins sans consentement.
L’Assemblée nationale a circonscrit les situations justifiant une saisine automatique du juge. Elle l’a réservée aux cas où le désaccord, d’une part, porte sur l’hospitalisation complète et, d’autre part, intervient au-delà des quinze premiers jours de l’hospitalisation complète.
L’amendement n° 26 rectifié revient à faire en sorte que le juge soit automatiquement saisi dès la fin de la période d’observation de 72 heures en cas de conflit entre le médecin et le préfet. Non seulement il ne répond à aucune exigence constitutionnelle, mais il nuirait à la lisibilité du projet en créant de nouveaux cas de procédures judiciaires. En outre, en déportant sur le juge la décision liée à l’évolution de la situation du patient, il ne favorisera pas la responsabilisation des autres acteurs que sont les préfets et les médecins.
De plus, il n’est pas opportun de faire intervenir un juge systématiquement en cas de désaccord. Bien des situations trouvent des solutions dans l’échange, la concertation et la communication entre les différents acteurs de la prise en charge psychiatrique. On peut donc faire l’économie d’une intervention quelque peu excessive du juge des libertés et de la détention.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 472 rectifié, 77 et 79.
Enfin, il est favorable à l’amendement n° 199.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 160 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 472 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 24
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
2° ter Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À Paris, les mesures provisoires mentionnées à l’alinéa précédent prennent la forme d’une hospitalisation dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. L’hospitalisation d’office en urgence est, à Paris, prononcée par les commissaires de police et, dans les autres départements, par les maires.
À Paris, les personnes sont conduites à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, l’IPPP, service médico-légal d’accueil et de diagnostic psychiatrique d’urgence. Or, dans un avis rendu public le 15 février 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a estimé que cette infirmerie, en tant que lieu de privation de liberté, ne présentait pas des garanties suffisantes au regard des droits de la personne, et ce pour deux raisons essentielles.
D’une part, elle ne dispose d’aucune autonomie, étant un simple service de cette préfecture. Ses ressources lui sont assurées par la préfecture de police. À supposer que les médecins qui y exercent ne soient pas sous l’autorité hiérarchique de la préfecture de police de Paris, ils sont rémunérés par celle-ci, les conditions matérielles de leurs fonctions et la gestion de leur carrière en dépendent. Cela rappelle un peu, mes chers collègues, la situation de la médecine dans les prisons à l’époque où nous avions une médecine pénitentiaire.
L’établissement n’a donc rien à voir avec un centre hospitalier habilité à accueillir des malades mentaux. Par conséquent, les dispositions propres aux droits des personnes accueillies en hôpital ne s’y appliquent pas et aucune autorité de santé n’est compétente pour y vérifier les contenus et les modalités de soins.
D’autre part, dès lors qu’elle ne ressortit pas à la catégorie des établissements hospitaliers qui relèvent du code de la santé publique, l’IPPP n’est pas obligatoirement visitée par les magistrats des tribunaux compétents et, notamment, par le parquet.
En conséquence, ainsi que le précisait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le dispositif est propre à entretenir le doute, s’agissant de la nécessaire distance entre considérations d’ordre public et considérations médicales. Dans son avis, il recommande donc de mettre fin à cette confusion, qui n’a, je le rappelle, d’équivalent dans aucune autre ville de France.
C’est pourquoi cet amendement prévoit que, lorsque l’hospitalisation d’office en urgence est prononcée, la personne ne peut être prise en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun. Cet amendement aurait donc pour conséquence d’obliger l’IPPP à évoluer pour devenir un établissement hospitalier de droit commun.
En effet, sur le plan des principes, une situation pathologique, fût-elle d’urgence, ne doit pas être prise en charge par un établissement relevant d’une institution de police, sauf à alimenter la confusion, toujours regrettable, entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité.
Un amendement déposé à l’article 14 prévoit que la préfecture de police aura jusqu’au 1er septembre 2012 pour procéder à ce changement de statut ; un délai complémentaire pourrait d’ailleurs être envisagé.
Que l’on me comprenne bien : ce n’est pas une critique du fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police que je me permets de faire ici. Il s’agit de se référer à certains principes qui rendent nécessaire une évolution. Le ministère de l’intérieur, que j’ai interrogé, semble d’ailleurs partager cet avis. Notre discussion pourra ainsi porter sur les modalités et le lissage d’une telle décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement, qui vient de nous être remarquablement présenté, prévoit que, dans le cadre de la procédure d’hospitalisation d’office en urgence, les personnes ne peuvent être prises en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun, l’objectif étant d’obliger l’IPPP à se transformer en un établissement hospitalier de droit commun.
Si la commission comprend l’intention de M. le rapporteur pour avis, elle préférerait cependant que l’on prenne le temps de la réflexion sur ce sujet délicat. C’est la raison pour laquelle elle a adopté l’amendement n° 504 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 8 bis qui prévoit la remise d’un rapport sur le fonctionnement de l’IPPP.
La commission vous demande donc, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° 27 rectifié, qui vise à supprimer la possibilité que des mesures provisoires soient prononcées ailleurs qu’à l’hôpital.
Je rappelle que les mesures provisoires prononcées par l’IPPP n’étant pas considérées comme des hospitalisations, l’adoption de cet amendement n’aurait aucun effet immédiat.
En la matière, je me rallie à l’amendement déposé par la commission des affaires sociales qui préconise la remise, dans un délai de six mois, d’un rapport relatif à l’évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je suis assez partagé sur l’attitude à adopter. En effet, la commission des lois n’est pas particulièrement friande de rapports, qui ne cessent de s’accumuler. Un rapport n’est-il pas, pour paraphraser ce que disait Clemenceau des commissions, le meilleur moyen d’enterrer un dossier ?
Cela dit, je comprends bien qu’une période d’évolution est nécessaire.
Toutefois, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je ne peux retirer cet amendement. Il n’est reste pas moins que, sensible aux raisons avancées par Mme la secrétaire d’État, je n’éprouverai aucun ressentiment si cet amendement n’est pas adopté. (Exclamations amusées.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je viens d’apprendre que, à l’occasion de l’examen de l’un de nos amendements dont l’objet était identique à celui dont nous sommes en train de discuter, il a été décidé qu’un rapport serait remis au Parlement.
Je me dois tout de même de rappeler que nous avons institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et que celui-ci a été conforté dans ses fonctions. Ce Contrôleur général a pris la peine de visiter de nombreux lieux relevant de sa compétence, notamment l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, et, à la suite de cette visite, comme M. le rapporteur pour avis l’a indiqué, il a émis un avis. Or cet avis vaut largement le rapport qui devra être remis dans un délai de six mois.
En réalité, la solution au problème qui est posé consiste à adopter des mesures provisoires qui permettront la transformation de l’IPPP en un lieu conforme au droit relatif à ce type d’endroits. Il convient donc de prévoir que l’hospitalisation d’office en urgence ne peut être prise en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun.
Mes chers collègues, vous avez toutes les raisons de voter cet amendement ! Pourquoi attendre un éventuel rapport ultérieur émanant d’une autorité quelconque ? Cela signifierait, au fond, que l’avis du Contrôleur des lieux de privation de liberté n’est pas valable et qu’il convient de se référer à d’autres avis.
Je vous signale que le Conseil de Paris a adopté un vœu qui va dans le sens du présent amendement. Très honnêtement, je crois que nous nous honorerions aujourd’hui en prenant la décision de ne pas laisser perdurer sur notre territoire ce lieu qui n’a strictement rien à voir avec ce qu’on peut attendre d’un établissement où sont dispensés des soins psychiatriques.
Selon moi, point n’est besoin d’un nouveau rapport. Faisons donc confiance à l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avons nous-mêmes créé et conforté !
J’ajoute que ceux qui connaissent l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police sont tout de même bien placés pour dire qu’il doit impérativement être mis fin à la situation actuelle de cet établissement.
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 26, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 274, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Supprimer les mots :
et avis
Cet amendement n'a plus d’objet.
La suite de la discussion est renvoyée à la séance du vendredi 13 mai 2011.
3
Communication relative à une nomination
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de l’économie a émis un vote favorable (13 voix pour et 8 abstentions) en faveur de la nomination de M. Dominique Perben à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Acte est donné de cette communication.
4
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roger Romani.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Hommage à un soldat français tué en afghanistan
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, un soldat français a été tué ce matin en Afghanistan par l’explosion d’une bombe artisanale.
Cette triste nouvelle nous rappelle que nos forces armées sont engagées dans plusieurs missions dangereuses. Je veux, au nom du Sénat tout entier, leur renouveler le témoignage de notre admiration et de notre gratitude.
Je veux aussi assurer la famille de la victime, ainsi que ses proches, de notre sympathie et de notre compassion.
6
Immigration, intégration et nationalité
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (Rapport n° 491, texte de la commission n° 492).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à la dernière étape des travaux que nous avons consacrés au projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
À mes yeux, le texte adopté par la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 mai dernier, est équilibré, en partie grâce aux propositions de notre assemblée. Il reflète d’ailleurs largement les positions exprimées ici, notamment en seconde lecture.
C’est ainsi que certains ajouts qui avaient suscité des polémiques ont été supprimés : c’est en particulier le cas des dispositions relatives à la déchéance de la nationalité ou à la manifestation de volonté pour l’acquisition de la nationalité française des enfants d’étrangers, ou encore de celles qui ont trait aux pouvoirs de police du maire en matière de maintien de l’ordre lors des cérémonies de mariage.
Ce texte comporte néanmoins, et c’est là l’essentiel, certaines réformes profondes et fort utiles, dont je voudrais vous rappeler brièvement la portée. Je commencerai par celles qui modifient le plus profondément notre droit et qui sont susceptibles de concerner le plus grand nombre de personnes, avant d’évoquer celles qui, quoi qu’elles aient pu rencontrer dans les médias plus d’écho que les premières, apportent en réalité des changements plus limités au droit positif.
Le cœur de la réforme est constitué par la nouvelle architecture des mesures administratives d’éloignement.
Pour se représenter la portée de ces dispositions, largement inspirées par la directive Retour du 16 décembre 2008, il suffit de se reporter au rapport annuel relatif aux orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration : déposé par le Gouvernement en mars dernier, ce rapport présente les données consolidées relatives à l’année 2009.
Il fait apparaître que le nombre de personnes mises en cause pour des infractions à l’entrée et au séjour s’est élevé, en 2009, à 96 109. Au cours de la même année, plus de 80 000 obligations de quitter le territoire français ou arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ont été pris, et 30 270 personnes ont été placées en centre de rétention administrative.
C’est dire l’importance d’une réforme consistant à ériger une nouvelle architecture des mesures d’éloignement, en conformité avec les dispositions de la directive Retour.
Aux deux dispositifs qui préexistaient, le texte substitue une mesure unique : l’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF.
La directive Retour impose que cette OQTF soit assortie, en principe, d’un délai de retour compris entre une à quatre semaines ; c’est un délai d’un mois qui est retenu dans le projet de loi. Toutefois, l’OQTF sera exécutable immédiatement dans certains cas énumérés de manière limitative, conformément aux vœux du Sénat, et correspondant aux situations dans lesquelles le fait de donner un délai de départ volontaire conduirait, selon toute probabilité, à l’échec de l’éloignement. L’étranger sera alors rapidement placé en rétention administrative, dans l’attente de son éloignement. L’administration pourra également lui interdire de revenir sur le territoire européen pendant une durée comprise entre une et trois années, en motivant précisément sa décision au regard de la situation personnelle de l’intéressé.
S’agissant de la procédure contentieuse applicable dans le cas des étrangers placés en rétention, la commission mixte paritaire a finalement décidé que le juge des libertés et de la détention serait saisi dans un délai de cinq jours après le placement en rétention de l’étranger, aux fins d’en autoriser la prolongation.
Tout l’intérêt de la réforme réside en effet dans la clarification de l’organisation du contentieux, résultant de l’intervention désormais préalable du juge administratif.
Dans ces conditions, fixer un délai de quatre jours pour l’intervention du juge des libertés et de la détention, comme le Sénat l’avait décidé en seconde lecture, obligeait à prévoir un délai de 48 heures pour le jugement du tribunal administratif saisi de la régularité de la mesure d’éloignement, de sorte que celui-ci se prononce moins de quatre jours après sa saisine par l’étranger faisant l’objet d’une décision de placement en rétention.
Or le vice-président du Conseil d’État a attiré notre attention sur le fait que non seulement le tribunal administratif sera sollicité plus souvent qu’il ne l’est aujourd’hui – il sera en effet la première juridiction que l’étranger pourra saisir –, mais il aura en outre à connaître de contentieux rendus plus complexes par l’apparition des notions de délai de départ volontaire et d’interdiction de retour. Aussi nous est-il apparu préférable, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de lui laisser 72 heures, et non pas 48 heures, pour se prononcer.
Comme le prévoyait le projet de loi initial, le recours devra donc être examiné dans un délai de cinq jours suivant la saisine du juge.
Dès lors, afin de préserver l’esprit de la réforme, il est nécessaire que le préfet dispose également de cinq jours pour saisir le juge des libertés et de la détention. Nous n’ignorons pas que, par rapport à celui qui est actuellement en vigueur, ce délai peut sembler long à certains. Il faut toutefois rappeler que l’amélioration de la sécurité juridique des procédures et de leur lisibilité constitue un progrès qu’on ne saurait négliger.
Il convient également de souligner que, en ce qui concerne les caractéristiques de la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention, la solution préconisée par notre assemblée a été, pour l’essentiel, retenue.
C’est ainsi que le principe « pas de nullité sans grief » a été reformulé dans les termes du code de procédure pénale, afin que les garanties accordées aux étrangers soient les mêmes que celles dont bénéficient les personnes gardées à vue, même si, sur le plan juridique, les deux situations sont évidemment très différentes.
Surtout, le principe de l’effet dévolutif de l’appel sera maintenu, ce qui est conforme à la position constamment exprimée par le Sénat lors des deux lectures. Le double degré de juridiction n’est certes pas une exigence constitutionnelle ; néanmoins, prévoir ce double degré sans que le recours en appel soit pleinement effectif pourrait être contraire aux dispositions de l’article 13 de la convention européenne des droits de l’homme.
La deuxième raison d’être du projet de loi réside dans la transposition de la directive Sanctions du 18 juin 2009. Celle-ci prévoit des normes minimales en matière de sanctions et de mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Le projet de loi permettra de responsabiliser davantage les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre, mais également d’élargir les droits des travailleurs irrégulièrement employés, en particulier en matière financière.
L’Assemblée nationale avait adopté une série d’amendements à ce dispositif, afin d’exonérer les employeurs de bonne foi des diverses sanctions administratives ou judiciaires prévues par le texte. Pour sa part, la commission des lois du Sénat avait fait valoir que l’existence d’une intention est toujours requise pour qu’une infraction pénale soit constituée en matière délictuelle.
Sur ce point, la commission mixte paritaire a trouvé un équilibre entre la position du Sénat et la préoccupation exprimée à l’Assemblée nationale de ne pas pénaliser exagérément les employeurs de bonne foi : le rappel de la nécessaire intentionnalité du délit figurera expressément au sein des dispositions pénales du code du travail sanctionnant l’emploi d’étrangers sans titre.
En revanche, la commission mixte paritaire a retenu le texte adopté par le Sénat pour ce qui concerne les dispositions relatives aux sanctions administratives, telles que la fermeture de l’établissement ou l’exclusion des marchés publics. Dans ce domaine, en tout état de cause, la mesure ne peut être prononcée par le préfet que si les faits sont graves et répétés, ce qui exclut a priori l’employeur de bonne foi.
Troisième point important du projet de loi : la création des zones d’attente ad hoc.
La commission des lois avait souhaité délimiter précisément, dans le temps et dans l’espace, la possibilité de créer de telles zones, qui donneront à l’administration les outils juridiques nécessaires pour faire face, de manière exceptionnelle, à des arrivées de groupes de migrants en dehors des points de passage frontaliers.
En définitive, la commission mixte paritaire a décidé de limiter à vingt-six jours la durée de ce dispositif, soit la durée maximale du placement en zone d’attente ordinaire. De la sorte, conformément au vœu de notre assemblée, ce dispositif conserve bien un caractère exceptionnel.
La commission mixte paritaire avait également à se prononcer sur des ajustements portant sur les dispositions relatives à la nationalité et à l’intégration, qui constituent le quatrième volet important de ce texte.
Elle s’est ralliée à la position du Sénat s’agissant de la réintroduction de la manifestation de la volonté d’être français pour les enfants nés en France de parents étrangers. Cet ajout des députés était en effet clairement contraire à la règle dite « de l’entonnoir » et présentait, par conséquent, d’indéniables risques de censure constitutionnelle.
La commission mixte paritaire a également retenu la position du Sénat en prévoyant que, pour les conjoints de Français comme pour les étrangers souhaitant être naturalisés, l’appréciation de la maîtrise de la langue française doit tenir compte de la condition de la personne.
Sur divers autres points, la commission mixte paritaire a également retenu la position du Sénat.
Il en va ainsi des mariages dits « gris », qui seront réprimés, comme les autres mariages de complaisance, par une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 15 000 euros.
De même, en matière de droit au séjour des étrangers gravement malades, conformément à la position adoptée par le Sénat, c’est seulement en l’absence de traitement disponible dans leur pays d’origine que les personnes concernées pourront se voir délivrer un titre de séjour et seront protégées contre les mesures administratives et judiciaires d’éloignement. Le préfet aura toutefois la possibilité de délivrer un titre de séjour pour des raisons humanitaires, notamment après avis d’une commission médicale.
Les deux objectifs recherchés seront ainsi satisfaits : faire passer un message clair et s’assurer que, bien entendu, des titres de séjour pourront être accordés dans les cas médicaux les plus graves.
La commission mixte paritaire a enfin décidé de retenir le texte du Sénat pour ce qui concerne le droit d’asile. C’est ainsi qu’elle a rejeté la suppression pure et simple de l’aide juridictionnelle en procédure de réexamen. Seules seront exclues de ce dispositif les personnes qui auront pu faire leur demande dans de bonnes conditions, c’est-à-dire après avoir été préalablement entendues par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile, assistées par un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
De la même façon, les demandeurs d’asile de France métropolitaine pourront s’opposer à leur audition par visioconférence et demander à présenter leurs observations directement devant la Cour nationale du droit d’asile.
Telles sont, mes chers collègues, les principales décisions prises par la commission mixte paritaire. Ses conclusions permettent, me semble-t-il, d’aboutir à un ensemble cohérent, qui nous donnera sans aucun doute les moyens d’atteindre nos objectifs : lutter efficacement contre l’immigration irrégulière tout en facilitant l’intégration dans les autres cas.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à approuver, dans la version qui nous est aujourd’hui soumise, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme des débats sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. La commission mixte paritaire s’est réunie et un accord a été trouvé entre les deux chambres.
À cet instant, je voudrais saluer tout particulièrement l’implication de votre rapporteur, François-Noël Buffet. J’associe à ces remerciements le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, qui a conduit les travaux de la commission avec l’autorité et la clairvoyance qui lui sont coutumières, ainsi que tous ceux d’entre vous qui ont participé aux débats.
Le texte qui est aujourd’hui soumis à votre vote est tourné, avant tout, vers l’efficacité : l’efficacité de notre politique d’éloignement des clandestins, bien sûr, mais aussi l’efficacité de notre politique d’intégration et d’accueil dans la nationalité, ainsi que l’efficacité de notre système d’asile, dont nous souhaitons réduire les délais procéduraux.
C’est un débat particulièrement dense qui s’achève aujourd’hui. Nous avons échangé pendant près de soixante-dix heures en séance publique sur ce projet de loi. Vous avez d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, largement contribué à son évolution et à son enrichissement. Vous avez pu, légitimement, faire valoir la sensibilité propre de la Haute Assemblée.
Sur bon nombre des points discutés en commission mixte paritaire, c’est finalement la rédaction du Sénat qui a été retenue. Je pense notamment aux dispositions sur les zones d’attente temporaires ou encore à la pénalisation des mariages avec tromperie sur l’intention matrimoniale.
Ces débats sont maintenant derrière nous. Après le temps de la délibération vient le temps de l’action. Les défis auxquels nous confronte l’actualité internationale, tout autant que la nécessité de transposer les directives communautaires, imposent que ce texte entre maintenant en vigueur.
La commission mixte paritaire est parvenue à un bon point d’équilibre. J’illustrerai cette appréciation en mentionnant les deux sujets qui ont suscité les débats les plus intenses.
Quelques mots, d’abord, concernant la réforme du contentieux de l’éloignement.
Cette réforme est nécessaire pour parvenir à une meilleure administration de la justice. Je veux à nouveau saluer la qualité des débats, d’abord au sein de la commission des lois, puis dans cet hémicycle, qui vous ont amenés à valider, en deuxième lecture, le principe de la réforme.
Restait une nuance sur les modalités de cette réforme : le débat sur un report de l’intervention du juge des libertés et de la détention à quatre jours ou à cinq jours a finalement été tranché en commission mixte paritaire. La solution retenue est proportionnée à l’objectif que nous nous sommes fixé.
Le second sujet est celui du titre de séjour « étrangers malades ».
Le projet de loi ne remet évidemment pas en cause ce titre de séjour ; au contraire, il vise à appliquer purement et simplement, à la lettre, la loi du 11 mai 1998 – j’insiste sur cette date : 1998 – relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, qui en fixe le principe.
Simplement, nous avons voulu éviter les effets d’une jurisprudence très récente du Conseil d’État qui impose la prise en compte, parmi les critères, du coût des traitements dans le pays d’origine. L’application concrète de cette jurisprudence pourrait donner lieu à des prises en charge indues par notre système de sécurité sociale.
Sur ce sujet, la commission mixte paritaire a adopté une rédaction équilibrée : celle-là même que vous avez vous-mêmes adoptée en deuxième lecture, sur l’initiative de votre rapporteur.
D’abord, elle clarifie le cadre juridique : le titre « étranger malade » peut être attribué en cas « d’absence » du traitement dans le pays d’origine.
Ensuite, elle introduit une souplesse en prévoyant que le préfet puisse prendre en compte des « circonstances humanitaires exceptionnelles » pour attribuer à l’étranger le titre même si les critères ne sont pas remplis, après avis d’un expert de la santé publique. Cette rédaction est donc à la fois claire, responsable et humaine.
D’ailleurs, ce dispositif ne remet pas en cause les directives données par le ministère de la santé depuis plusieurs années.
Dans une circulaire de la direction générale de la santé de 2005, confirmée en 2010, il est indiqué que « dans l’ensemble des pays en développement, il n’est pas encore possible de dire que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire pour les porteurs d’une infection par le VIH ». Cette circulaire reste d’actualité. Les personnes atteintes de lourdes pathologies infectieuses, notamment le SIDA, auront ainsi toujours accès au titre « étranger malade » et continueront donc d’être accueillies et protégées par notre pays.
Tel qu’il est aujourd’hui proposé à votre approbation, le projet de loi apporte des améliorations concrètes et directement opérationnelles sur l’ensemble des volets de notre politique d’immigration.
En matière de nationalité, il conditionne la naturalisation à la signature d’une charte des droits et devoirs qui formalise l’engagement du nouveau citoyen français à respecter les valeurs de la République.
Dans le domaine de l’entrée et du séjour des étrangers, il facilite la création de zones d’attente temporaires pour traiter les situations où un groupe de migrants entre sur le territoire de manière inopinée, en dehors d’un point de passage frontalier.
En matière d’éloignement des clandestins, le projet de loi allonge de trente-deux à quarante-cinq jours la durée maximale de rétention administrative. Je souligne néanmoins que celle-ci reste malgré tout la plus courte d’Europe.
Nous avons prévu une exception pour les personnes condamnées pour des actes terroristes, lesquelles pourront être placées en rétention pour une durée maximale de six mois, en vue de leur expulsion.
Enfin, le projet de loi introduit plusieurs dispositions qui permettront de réduire la durée d’instruction des demandes d’asile. J’ai parfois entendu des critiques aux termes desquelles nous voulions limiter le droit d’asile. Mais c’est tout le contraire : en luttant efficacement contre les demandes abusives, nous améliorerons le traitement réservé aux personnes qui méritent réellement la protection de notre pays.
Ce matin même, le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, que je rencontrais, me disait le prix qu’il attachait à une évolution des législations européennes dans ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte aujourd’hui soumis à votre vote est un texte complet et équilibré. En assurant la transposition des directives, il permet à la France d’honorer ses engagements européens. Il nous donne les moyens de mener une politique d’immigration efficace et juste, conforme aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus d’un an après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité nous revient donc en séance publique dans sa version adoptée par la commission mixte paritaire.
Il va sans dire, monsieur le ministre, que nous restons fermement opposés à l’ensemble des mesures contenues dans ce texte, d’autant que nous pensons que ce qui pose problème, ce n’est pas l’immigration : ce sont vos choix politiques.
Certes, la mesure élargissant la déchéance de la nationalité aux auteurs de crime contre des personnes dépositaires de l’autorité publique – « commandée » par le Président de la République, à Grenoble – n’a finalement pas été retenue. Cela démontre, s’il en était encore besoin, les limites des annonces « coup de poing » et autres déclarations incantatoires.
Certes, la remise en cause de l’acquisition automatique de la nationalité française à dix-huit ans n’a pas non plus été retenue. Toutefois, toutes les autres dispositions qui restreignent les droits des étrangers, que ceux-ci soient déjà entrés sur le territoire français ou ne le soient pas encore, sont bel et bien là : allongement de la durée de rétention, neutralisation du juge des libertés et de la détention au profit du juge administratif, création de zones d’attente « sac à dos » et, donc, remise en cause des droits des réfugiés, bannissement du territoire européen, etc.
Et je n’oublie pas le fameux article 17 ter, qui contient une disposition gravissime que je vous demande, mes chers collègues, de rejeter aujourd’hui afin d’éviter le pire demain.
D’abord, c’est une disposition dangereuse d’un point de vue humain puisque vous allez renvoyer dans leur pays des malades qui ne pourront pas s’y faire soigner, les exposant ainsi à la mort.
Ensuite, c’est une disposition dangereuse du point de vue de la santé publique parce que certaines personnes malades préféreront rester clandestinement en France, mais sans pouvoir se faire soigner.
Enfin, c’est une disposition dangereuse d’un point de vue idéologique, car elle accrédite l’idée selon laquelle les étrangers viennent en France pour profiter et abuser de notre système de santé.
Avons-nous au moins une notion du nombre de personnes concernées par cette disposition et de la somme que cela représente ?
Au delà, monsieur le ministre, je voudrais souligner le fait que votre texte, avant même son adoption définitive par le Parlement, est déjà dépassé, voire obsolète.
À tout le moins, vous en conviendrez, il est inadapté à la situation actuelle et, assurément, à celle de demain, le monde étant en perpétuel mouvement.
Chaque jour nous en apporte d’ailleurs une nouvelle illustration. Ainsi, les événements qui se sont produits au sud de la Méditerranée, entraînant des mouvements de populations, ont mis en exergue les limites, sur le plan européen comme sur le plan national, de la politique d’immigration et son échec à contenir les flux migratoires.
Alors qu’hier le printemps arabe et, en particulier, la « révolution de jasmin » étaient salués de par le monde, aujourd’hui, la donne a considérablement changé. Vous vous servez ainsi de l’arrivée d’un peu plus de 20 000 Tunisiens sur les côtes italiennes, dont plusieurs centaines se sont dirigées vers la France, pour effrayer les Français sur les dangers d’une invasion imminente.
La campagne de dénigrement dont sont l’objet ces migrants illustre bien cette volonté.
Pour notre part, nous condamnons avec la plus grande fermeté l’instrumentalisation idéologique et politique que vous faites de cette situation à des fins électoralistes.
Les migrants sont en effet très stigmatisés : on les montre arrivant sur des bateaux surchargés, on les montre en train de se faire arrêter ou déloger d’un abri de fortune.
Même le terme « clandestins », employé pour désigner en réalité des migrants, des exilés, des réfugiés, n’est pas anodin et a pour seul et unique but de faire peur.
Ces « migrants », en l’occurrence des Tunisiens que d’aucuns aimeraient bien remettre dans des bateaux de fortune, dussent-ils y perdre la vie, ont quitté leur pays, qui se retrouve aujourd’hui dans une situation économique et sociale désastreuse, où le chômage augmente et le tourisme diminue.
Ces exilés, pour la plupart des hommes, jeunes, viennent en Europe, et notamment en France, avec laquelle ils ont des liens forts, chercher une certaine stabilité qui n’existe pas encore en Tunisie.
Et l’on nous dit que la France et, au delà, l’Europe ne pourraient pas accueillir ces migrants ?
Faut-il préciser que le sud de la Tunisie accueille pour sa part des centaines de milliers de réfugiés – on parle de 300 000 déplacés – de toutes nationalités en provenance de Libye ?
La solidarité qui existe dans les pays émergents du Sud serait donc impossible dans les pays riches du Nord ?
Qu’est-ce que 20 000 personnes au regard des 100 000 étrangers que la France accueille chaque année légalement ou encore par rapport au déficit démographique des pays vieillissants membres de l’Union européenne ?
Les révolutions arabes ont mis en lumière les limites de la politique européenne d’immigration. C’est à se demander où est la cohérence européenne en matière d’immigration ! C’est à se demander où est passé le pacte européen sur l’immigration et l’asile dont Nicolas Sarkozy était si fier en 2008 !
Quid, aussi, des accords de gestion concertée ?
À présent, il est même question de revoir les accords de Schengen, comme si l’on cherchait à mettre en place un espace européen à deux vitesses. Ce n’est pas sans nous rappeler, évidemment, la question de la circulation des Roms au sein de l’Union européenne.
Nous voyons dans tout cela un aveu de faiblesse de l’Union européenne, qui n’arrive pas à faire face à la situation, encore moins au manque de solidarité entre États membres. La France et l’Italie doivent, en l’occurrence, cesser de se renvoyer les Tunisiens comme s’il s’agissait d’une partie de ping-pong.
Vous voulez une Europe « ouverte », mais avec un filtre ! Nous appelons cela une « Europe forteresse à deux vitesses » !
Cette position vous permet, une fois n’est pas coutume, d’attirer vers vous les électeurs du Front national, lequel est très favorable à la sortie de Schengen. Vous jouez vraiment avec le feu, en cette période préélectorale ! Arrêtez d’aller piocher vos idées dans le programme du Front national ! En annonçant récemment l’arrêt de l’immigration légale de travail, vous êtes en état de récidive !
Après les expulsions des Roms au cours de l’été 2010, lesquelles ont défrayé la chronique, le gouvernement de la France, « terre des droits de l’homme », s’illustre à présent en déployant une panoplie de réponses inadaptées, discriminatoires et répressives à l’encontre des Tunisiens : interventions policières, placements en garde à vue et en centre de rétention, blocage des trains en provenance de l’Italie et réadmissions vers ce pays.
Cette réponse sécuritaire à une situation humaine est inacceptable.
Ce que vous ne dites pas trop fort, c’est qu’auparavant la Tunisie de M. Ben Ali comme la Libye de M. Kadhafi jouaient les gardes-frontières pour le compte de l’Europe et retenaient les candidats à l’émigration. Aujourd’hui, c’est fini ! La nouvelle démocratie tunisienne refuse de jouer les gendarmes aux portes de l’Europe, ce qui explique les récentes migrations. Quant à la Libye, point de passage où transitent près de deux millions de personnes chaque année en direction de l’Italie, si elle a longtemps sécurisé ses frontières en contrepartie d’aides financières, la rébellion soutenue par l’Europe a quelque peu modifié les modalités de cette coopération.
Cette situation montre une fois encore les limites des accords de gestion signés avec les pays d’émigration, accords qui traduisent en fait une sorte de chantage : aide au développement et possibilités de migration légale en échange de contrôles des flux migratoires depuis les pays de départ et de transit et de réadmissions facilitées pour les personnes expulsées.
Quel est le coût réel de tels accords ? Pour quelle efficacité ?
Plus globalement, c’est l’ensemble de la politique d’immigration menée en Europe et déclinée dans les États membres qui coûte très cher : en vies humaines, d’abord, avec les nombreuses personnes qui meurent durant les traversées en mer ; sur le plan financier, ensuite, compte tenu des coûts engendrés par les centres de rétention et les zones d’attente, les renvois à la frontière, les arrestations, les gardes à vue, alors qu’il n’y a pas de laissez-passer consulaires.... Cet argent pourrait être utilisé pour mettre en place une autre politique d’immigration, qui coûterait moins cher et aurait certainement plus de sens.
Il faut savoir que, loin des idées reçues, et largement relayées dans l’opinion publique, les immigrés rapportent beaucoup plus à l’économie qu’ils ne coûtent. Ils auraient même joué un rôle d’amortisseurs sociaux pendant la crise.
Comme je l’avais indiqué lors de notre dernier débat sur ce sujet, une étude de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, portant sur les coûts de l’immigration pour l’économie nationale, confirme par exemple que 12,4 milliards d’euros sont entrés en 2009 dans les caisses de l’État grâce à l’immigration. Cette étude confirme aussi que, loin de « voler les emplois des Français », les immigrés occupent pour une grande majorité des emplois dont les Français ne veulent pas.
Malgré cela, vous persistez à présenter l’immigration comme un problème, jamais comme une richesse, un apport, une chance.
Il est pourtant possible d’engager une autre politique de l’immigration, une autre politique d’aide au développement économique et social, une autre politique de solidarité et de protection des personnes. C’est possible, et ce serait sûrement moins coûteux que votre politique répressive en la matière qui, de surcroît, ne sert à rien !
Tant qu’il y aura des écarts considérables de richesse entre le Nord et le Sud, la fermeture des frontières restera un non-sens. Mais l’on sait aussi aujourd’hui que l’élévation du niveau de vie dans les pays du Sud, loin d’arrêter les migrations, a tendance à les favoriser.
Les migrations, on le voit, sont inéluctables. On ne peut pas – c’est un fait ! – empêcher les gens de se déplacer, qu’ils y soient contraints ou non.
À la lumière de ces observations, nous rejetons en bloc votre « politique d’expulsion et de rejet d’autrui », qui devrait d’ailleurs être le véritable intitulé de votre projet de loi, contre lequel nous voterons.
Nous demandons le retrait de ce texte ainsi que la remise à plat de la politique de l’immigration sur le plan national et à l’échelon européen.
Je ne peux conclure mon intervention sans évoquer la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 28 avril dernier qui, s’appuyant sur la directive Retour, dont nous examinons précisément la transposition, rend désormais illégale l’incarcération des sans-papiers au seul motif de leur séjour irrégulier.
À cet égard, il est utile de préciser que la cour d’appel de Nîmes vient, dans une récente décision, de se conformer à l’arrêt de la Cour de justice en annulant la garde à vue d’un ressortissant tchétchène. Les cours d’appel de Rennes et de Toulouse ont également pris des décisions allant dans ce sens.
Ces décisions vont bien évidemment à l’encontre de votre politique d’immigration, qui se fonde essentiellement sur des objectifs chiffrés en matière d’expulsions du territoire et, donc, sur l’enfermement des étrangers. Elles sont, à nos yeux, un premier pas vers la dépénalisation du séjour irrégulier ainsi que de l’aide au séjour irrégulier, que nous demandons depuis longtemps.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de tirer les conséquences sur le plan national de cette décision européenne, qui s’impose, me semble-t-il, à tous les États membres ?
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à l’étape finale de l’examen de ce texte qui nous a occupés par intermittence pendant cinq longs mois.
Cela ne vous surprendra pas, le texte de la commission mixte paritaire ne nous satisfait nullement puisqu’il confirme les reculs du droit des étrangers que nous avions condamnés et constitue une atteinte aux valeurs que nous défendons.
Ce recul se manifeste de trois manières : une considérable régression du droit ; une négation des valeurs humanistes de notre République ; enfin, une réelle détérioration de la situation et de l’image des étrangers.
Pour se convaincre qu’il y a bien régression du droit, il suffit de relire les articles 30 et 37, qui allongent le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention. Le Sénat avait proposé un compromis tendant à porter à quatre jours, au lieu des quarante-huit heures actuelles, le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention qui statue sur la légalité d’un placement en rétention. Nous estimions que quatre jours constituaient déjà une durée bien trop longue pour être conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avec cinq jours, à l’évidence, c’est encore bien pire !
Depuis la décision du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel a, avec constance, considéré que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».
Allonger la durée d’intervention du juge ne saurait constituer un respect de cette exigence. Pis, si l’allongement lui-même constitue déjà une entorse sérieuse, lorsque l’on observe la manière dont se déroulent ces procédures, on constate que ce recul peut être encore plus net. Dans la majorité des cas, la décision préfectorale de placement en rétention intervient après une période de garde à vue. Ce n’est donc pas pour une durée de cinq jours que les étrangers sont privés de recours devant un juge de siège, mais bien pendant six ou sept jours.
Vous le savez, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel a déjà statué sur les périodes de sept jours. Quel intérêt voyez-vous à ce que son avis soit à nouveau sollicité sur ce point ? Faut-il en déduire que votre texte relève strictement de la communication politique ?
Le Conseil constitutionnel tient à ce que le délai soit le plus court possible. En la matière, les faits parlent d’eux-mêmes : quarante-huit heures, c’est plus court que cinq jours ; a fortiori, en allongeant la durée maximale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours, vous organisez un nouveau recul du droit des personnes.
Il est peu probable que le Conseil constitutionnel valide deux reculs simultanés portant une telle atteinte à la liberté, droit sacré s’il en est, garanti par notre Constitution.
La jurisprudence montre que le délai de quarante-huit heures a acquis un statut quasi constitutionnel. Ainsi, dans une décision du 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel avait estimé qu’au-delà de quarante-huit heures, « l’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser la prolongation de la garde à vue est nécessaire, conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution ». On ne saurait être plus clair ! Si la rétention n’est pas une garde à vue au sens strict, elle n’en constitue pas moins une privation de liberté. À ce titre, il y a fort à parier que la jurisprudence du Conseil s’appliquera.
Vous avez eu recours à deux arguments pour appuyer cet allongement. Le premier est clairement affirmé à la page 249 du rapport no 2814 de la commission des lois de l’Assemblée nationale : le juge des libertés et de la détention est un empêcheur d’expulser en rond parce qu’il a le malheur de vouloir faire respecter l’état de droit. Voilà qui est parfaitement explicite !
Nous doutons que le Conseil constitutionnel sera sensible à une proposition qui affiche clairement la volonté de contourner l’état de droit au nom de l’efficacité de la politique migratoire.
La majorité estime par ailleurs que les procédures actuelles sont trop enchevêtrées et que cela nuit à la bonne administration de la justice, qui est un objectif à valeur constitutionnelle.
Or, d’une part, il n’est pas certain que porter atteinte aux droits de l’homme puisse servir de caution au respect d’un objectif à valeur constitutionnelle et, d’autre part, je cherche en quoi le recours au juge des libertés et de la détention dans un délai de quarante-huit heures a rendu la bonne administration de la justice impossible. Vous ne nous l’avez pas démontré, et j’aurais même plutôt tendance à croire, lorsque je considère votre premier argument, que vous avez prouvé le contraire. Le juge des libertés et de la détention applique correctement le droit en vigueur et met un terme à de nombreuses mesures d’expulsion.
Ce n’est donc pas la justice qui fonctionne mal, c’est votre politique migratoire qui est entravée. Il est impensable que la réalisation de 25 000 expulsions par an soit un objectif à valeur constitutionnelle.
Il est d’ailleurs à craindre, comme le soulignent les syndicats de magistrats, que l’allongement du délai d’intervention du juge des libertés et de la détention ne provoque un surcroît de procédures pour les juges administratifs, qui ne pourront y faire face à effectif constant. Les délais de jugement risquent alors de s’allonger. Je doute que l’on puisse parler de bonne administration de la justice quand les juges ne peuvent juger dans de bonnes conditions.
En conséquence, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce point très précis pour avoir son avis. Nous ne pouvons, en l’occurrence, que regretter votre entêtement.
Régression des droits, aussi, au travers de l’article 73, qui s’inscrit pourtant en porte-à-faux par rapport à une jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne que vient d’évoquer Mme Assassi. La Cour a été claire : la directive Retour vise à limiter au maximum les mesures coercitives de privation de liberté au titre d’un séjour irrégulier.
Vous affirmez vouloir transposer cette directive, mais vous en contredisez l’esprit au travers de l’article 73 : vous punissez de trois ans d’emprisonnement un étranger qui se soustrait à une OQTF, vous violez l’esprit de la directive Retour tel que l’interprète la Cour. On se serait attendu à une modification de cet article pour respecter sa jurisprudence ; au contraire, vous bravez la Cour : une fois encore, vous sortez de l’état de droit et faites plus de mal à la légalité de l’État qu’autre chose.
Le deuxième recul se manifeste dans la négation des valeurs de la République. Je pense notamment à l’article 17 ter qui consacre une atteinte aux droits des étrangers malades, foulant au pied la juste politique d’accueil de notre République. L’amendement de notre rapporteur, présenté comme un compromis, a été validé en commission mixte paritaire. Pourtant, nous nous sommes d’emblée élevés contre ce projet en présentant des arguments non contestables. Nous considérons non seulement que cela ne résout rien sur le fond, mais aussi que cela constitue une brimade supplémentaire sur la forme.
Vouloir remplacer la constatation de l’accessibilité effective des soins par celle de leur simple absence est une condamnation des étrangers. Les traitements sont toujours présents dans les hôpitaux riches des pays en développement ; cela ne signifie pas qu’ils soient disponibles... C’est une condamnation à mort pour beaucoup de ceux qui devront retourner dans leur pays d’origine : dans le monde, 60 % des individus qui vivent avec le VIH n’ont pas accès à un traitement et 25 % des morts par tuberculose pourraient être évitées. C’est aussi une condamnation à la clandestinité pour ceux qui resteront en France pour se faire soigner.
Il n’y a pas de tourisme médical. En moyenne, les étrangers malades demandant leur titre de séjour le font après six ans de présence sur notre territoire. Le tourisme médical est le fait des individus riches, pas celui des pauvres.
L’article 17 ter est également dangereux en termes de santé publique. Si les étrangers décident de rester en France pour se faire soigner malgré tout, ils basculent dans la précarité et la clandestinité. Ce faisant, ils renoncent à un traitement régulier, ils augmentent aussi les risques de contamination, de contagion, voire, dans certains cas, d’épidémie. Est-ce cela que nous souhaitons ?
À terme, c’est l’ensemble de la société qui risque d’être touché. Les conséquences seront alors autrement plus graves.
Les traitements contre certaines maladies sont un acte collectif de prévention : la société se protège ainsi. Si vous mettez à bas ces protections, vous nous faites courir un risque à tous.
Et vous ne contribuez pas, contrairement à ce que vous pouvez penser, à améliorer le financement de la santé publique, bien au contraire. Lorsqu’on est privé de soins, de manière assez logique, la maladie empire. En conséquence, il faut in fine mobiliser des moyens plus lourds pour la traiter, qu’il s’agisse des traitements eux-mêmes ou des modes d’intervention. À titre d’exemple, il y aura plus souvent recours aux urgences, qui coûtent plus cher que les médecins de ville.
Enfin, le titre de séjour « vie privée et familiale » permet de travailler. Si l’on diminue le nombre de ses titulaires et que les étrangers décident de rester clandestinement en France, ils seront pris en charge par l’aide médicale d’État, qui repose sur la solidarité nationale. En conséquence, cela coûtera, là encore, plus cher à la collectivité. Il s’agit donc d’une erreur en termes de gestion de nos finances publiques. Si l’argument humanitaire ne vous convainc pas, vous auriez pu, pensions-nous, être sensibles à l’argument financier.
La troisième marque de recul tient à la détérioration de la situation des étrangers. Je pense ici en particulier à l’article 21 ter, qui entérine la création de la nouvelle catégorie juridique qu’est le « mariage gris ».
Monsieur le ministre, si nous n’avons pas contesté l’existence possible de quelques cas, nous n’avons eu de cesse de dénoncer l’asymétrie d’une peine qui ne frappera que l’étranger, le conjoint français étant supposé de bonne foi. Nous avons également critiqué son caractère peu pratique, le juge étant souvent en peine de prouver une dissimulation.
Plus encore, nous estimons que cet article constitue une énième manière de présenter sous un jour passablement défavorable la présence d’étrangers dans notre pays.
La France était un pays d’accueil, généreux et ouvert. Vous en faites, et je le regrette, un État-citadelle, replié sur lui-même et sur une identité que vous mythifiez. Notre pays se renie à coup de lois successives, sans que puisse être établi le bilan des précédentes.
Les valeurs humanistes sont niées, dans les lois comme dans les actes. Que dire en effet devant ces Tunisiens que l’on rafle au moment de la distribution des repas ? Est-ce là cette République pour laquelle le peuple français s’est battu en des temps plus sombres ? Est-ce là ce que les Résistants ont voulu défendre au prix de leur existence ?
Certes, la France n’a pas vocation à accueillir toutes les souffrances de la planète, mais elle doit en prendre sa juste part. Je reste, moi, admirative devant la générosité des Tunisiens, qui, malgré tous leurs problèmes, savent accueillir, nourrir et réconforter les Libyens qui fuient un pays en guerre, alors que nous, Européens, dans un continent si riche, nous nous déshumanisons, nous nous desséchons…
Les socialistes sont porteurs d’une alternative : nous aurons une politique migratoire non contestable sur le plan des droits de l’homme, pragmatique et humaniste. Nous saurons également faire face aux crises, aux situations de conflit et aux problèmes qui pourront se poser, en nous adaptant à chaque contexte. Nous savons, nous, faire la différence entre le structurel, qui relève de la politique de cadrage, et le conjoncturel, qui relève de l’adaptation pragmatique et humaine.
Nous avons, par le passé, pu faire face à des afflux plus massifs et nous ne nous en portons pas plus mal. Comment pouvons-nous tourner le dos à ceux qui ont peur et qui souffrent ?
Le Président de la République a prononcé cette phrase au soir du 8 mai 2007: « Je veux lancer un appel à tous ceux qui dans le monde croient aux valeurs de tolérance, de liberté, de démocratie et d’humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et par les dictatures, à tous les enfants et à toutes les femmes martyrisés dans le monde pour leur dire que la France sera à leurs côtés, qu’ils peuvent compter sur elle. »
Aujourd’hui, votre majorité veut bien que la France soit à leurs côtés, mais de loin, de très loin, de très très loin…
Nous ne voterons pas ce sixième texte idéologique et contreproductif, et nous ne manquerons pas de saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il fasse respecter nos textes fondamentaux.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d'un débat difficile, passionné, sur un sujet de société qui touche et préoccupe tous nos concitoyens dans le contexte international fragilisé que nous connaissons.
Cela explique la vigueur de nos interventions et de nos prises de position, chacun défendant en conscience « les principes et les valeurs essentielles de la République ». Des principes et valeurs partagés, j'en suis certaine, sur les travées de la Haute Assemblée, mais pour la mise en œuvre desquels des voies diverses sont empruntées. Car, si tous les chemins mènent à Rome, comme le dit le proverbe, tous ne suivent pas la même conception du respect de la dignité de l'autre.
Le groupe RDSE, auquel j’ai l’honneur d'appartenir, a dit à plusieurs reprises, aux côtés de nos collègues des groupes socialiste et CRC-SPG, son opposition forte à des mesures qui, progressivement, insidieusement, viennent rompre avec la tradition française de terre d'accueil, généreuse, respectueuse des hommes et des femmes qui, pour des raisons multiples, choisissent de trouver une nouvelle terre, de nouvelles racines et de participer à la richesse de notre nation.
Je suis sensible, comme mes collègues, à la désespérance de ces étrangers, éconduits de leur pays natal, chassés pour certains, obligés de fuir pour d'autres, au risque de leur vie.
J’y suis sensible parce que je n'ignore pas que tous les hommes, à un moment de leur histoire, depuis les temps les plus anciens jusqu’à notre époque, ont dû s'expatrier pour aller chercher fortune loin de leurs racines.
Mon département, l'Aveyron, a connu ces grandes migrations économiques, et l'Argentine, à Pigüé, a accueilli, voilà un peu plus de 150 ans maintenant, ces émigrés français : des étrangers pour les Argentins, que ceux-ci ont accueillis, intégrés, avec leurs us et coutumes, leurs traditions, leurs savoir-faire et leurs talents. Ils se sont « apprivoisés » les uns les autres, enrichis les uns au contact des autres. Aujourd'hui, le « multiple » est devenu « un ». Belle illustration d’une émigration et d’une intégration réussies !
Je mesure, monsieur le ministre, combien cet exemple peut paraître anachronique dans la situation que nous vivons aujourd'hui. Mais il me sert de ligne d'horizon s'agissant de ma conception de l'immigration « à la française », ou plutôt « à l'européenne ».
Car l'un des problèmes majeurs est bien celui de la politique européenne de l'immigration, une politique dont les principes essentiels ont été arrêtés dans le Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté le 16 octobre 2008, un pacte qui avait fixé cinq objectifs, se traduisant par autant d’engagements fondamentaux.
Ces cinq engagements fondamentaux, dont on voudrait qu'ils soient, près de trois ans plus tard, respectés ou mis en œuvre, sont les suivants : organiser l'immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d'accueil déterminés par chaque État membre et favoriser l'intégration ; lutter contre l'immigration irrégulière, notamment en assurant le retour dans leur pays d'origine ou vers un pays de transit des étrangers en situation irrégulière ; renforcer l'efficacité des contrôles aux frontières ; bâtir une Europe de l'asile ; créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.
Ces cinq engagements, on savait, bien sûr, que leur mise en œuvre pourrait prendre du temps, un horizon étant fixé à 2012 pour certains. Mais ils ne devaient surtout pas rester incantatoires si l'on voulait sortir de politiques plurielles discordantes, chaotiques, irrespectueuses des principes fondamentaux auxquels, pour ma part, je redis mon indéfectible attachement.
Ce qui se passe aujourd'hui à Lampedusa ou dans les eaux territoriales grecques en dit long sur nos échecs collectifs et sur notre incapacité à nous inscrire dans une véritable stratégie à moyen terme, à défaut d'être à long terme.
La France n'échappe pas à ce sinistre constat et montre, de loi en loi, son désarroi face à une arrivée incontrôlée d'étrangers qui la dérange dans ses habitudes, son mode de fonctionnement, à un moment où, il est vrai, elle est confrontée à des problèmes économiques, sociaux et culturels d'une rare complexité.
Mon collègue Jacques Mézard avait fort justement relevé dans une précédente intervention le nombre et la nature des lois relatives à l'immigration intervenues depuis 2002 : six lois successives, se corrigeant l'une l'autre, qui ont durci les dispositifs d'accueil et d'intégration.
Loin de moi, une nouvelle fois, monsieur le ministre, l'idée irréaliste de vouloir accueillir tout le monde et de faire de la terre France un pays de cocagne.
Mais quel constat pouvons-nous dresser ce soir à propos de ce projet de loi sur lequel nous allons devoir nous prononcer ? Quels sont les véritables objectifs du Gouvernement ?
Je crois que, une nouvelle fois, les dispositions de ce texte ne visent qu’à apporter des réponses concrètes, opérationnelles, à des problèmes ponctuels auxquels votre administration a été confrontée, monsieur le ministre : les délais nécessaires pour obtenir des autorités des pays d'origine qu’ils délivrent les laissez-passer consulaires indispensables pour mettre en œuvre les mesures de reconduite à la frontière ; les contentieux qui mettent en échec les décisions préfectorales s'agissant des reconduites et des mesures de rétention relevant du juge administratif et du juge judiciaire ; les zones d'attente temporaires, créées pour résoudre un problème nouveau auquel la loi paraissait insuffisamment préparée et adaptée ; les délais de départ volontaire, encadrés pour tenir compte des risques de fuite.
Voilà quelques exemples de points abordés par le texte. Il faudrait être bien sot pour ne pas comprendre que ces choix sont d’opportunité et ne s'inscrivent nullement dans une réflexion globale qui mettrait enfin de l'ordre dans un véritable chaos législatif.
Dans ce contexte, que fallait-il attendre de la CMP qui est parvenue, bon an mal an, à un texte consensuel, un texte à propos duquel on peut néanmoins se féliciter qu'il reprenne assez largement la rédaction du Sénat ?
S'agissant des dispositions relatives à la nationalité et à l'intégration, fort heureusement « débarbouillées » de celles qui avaient trait à la perte de nationalité, elles renvoient à des décrets en Conseil d'État, dont, je l’imagine, les rédacteurs devront accomplir de véritables prouesses pour faire en sorte que ce texte soit applicable.
La zone d'attente temporaire, telle qu’elle est créée, accueillera assurément les étrangers inopinément arrivés sur notre territoire. Mais que de difficultés à surmonter pour que puissent leur être appliquées les mêmes règles que celles qui sont applicables aux étrangers placés en zone d'attente « normale ». La disponibilité des agents de l'autorité administrative et des interprètes semble aléatoire. Par ailleurs, quelles limites fixer à la notion de « meilleurs délais possibles » ?
Autre point du débat qui divise nos groupes entre eux et, parfois, les uns et les autres à l'intérieur même des groupes : les étrangers malades. Si le nombre des personnes concernées est aussi peu significatif qu'on veut bien le dire, point n'était besoin, probablement, de revenir sur des dispositions auxquelles chacun s'était adapté, sans manquer néanmoins de relever la lacune majeure persistante : l'absence d'une carte internationale sanitaire qui retracerait clairement la situation exacte quant à l'existence ou à l'absence de structures médicales adaptées.
Confier à l'autorité administrative, sur avis d'une autre autorité administrative, l’agence régionale de santé, les décisions en matière médicale peut troubler celles et ceux qui auraient préféré une autorité indépendante, la justice, conseillée par des médecins.
Je veux, pour ma part, croire à la parfaite intégrité de ces autorités administratives, conseillées, elles aussi, cela va de soi, par des médecins, qui sauront distinguer les circonstances humaines exceptionnelles de circonstances plus banales.
Pour ce qui concerne les décisions d'éloignement et leur mise en œuvre, j'ai relevé – j’aurais pu m’en amuser si le contexte n'était pas aussi grave – les conditions cumulatives pour l'admission sur le territoire français : s’il vient à n’en manquer qu’une, l’étranger sera immédiatement invité à quitter le territoire ! Curieux paradoxe que ces exigences absolues opposées aux étrangers, alors que l'administration se comporte trop souvent avec quelque négligence à leur égard, allant de document provisoire en document provisoire, de rendez-vous reporté en rendez-vous manqué !
Je ne m'arrêterai qu'un instant sur deux autres dispositions qui me paraissent mal proportionnées : la « fraude aux sentiments » de l’article 21 ter, lourdement sanctionnée, tandis que la bonne foi d'un employeur ayant employé illégalement des salariés le protège d’une fermeture administrative de son établissement !
Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas davantage sur le contenu de ce texte, qui a fait l'objet, déjà, de notre part, de nombre d'amendements, d'observations et de mises en garde, reflets de nos inquiétudes.
Vous aurez entendu, j'en suis sûre, que le plus grand nombre des membres du groupe RDSE ne peut se satisfaire d'un nouveau dispositif, complémentaire, supplémentaire même par rapport à ceux qui existent déjà, et qui sont bien trop complexes.
Nous appelons de nos vœux, comme je l'ai dit dans ma précédente intervention, un corpus législatif porteur de notre foi en une civilisation respectueuse des droits de l'homme, attachée à la dignité de la personne humaine et à son développement intégral.
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de plusieurs mois de vifs et longs débats sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Comme vous le savez, l’objectif visé à travers ce texte était triple : renforcer la politique d’intégration, conformément aux orientations du séminaire sur l’identité nationale, qui s’est tenu le 8 février 2010 sous la présidence du Premier ministre ; créer de nouveaux outils de promotion de l’immigration professionnelle et de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre, en procédant à la transposition de trois directives européennes ; enfin, accroître l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière, en réformant les procédures et le contentieux de l’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier.
Ce projet de loi revêt d’autant plus d’importance que l’immigration est au cœur de l’actualité de ces derniers mois.
À l’heure où les révolutions arabes se succèdent, les émigrés du sud de la Méditerranée affluent en Europe. Bien que ces flux soient temporaires, les inquiétudes de nos concitoyens sont nombreuses, notamment face à des images comme celles qui révèlent la situation sur l’île italienne de Lampedusa.
Cette actualité ne doit pas nous faire oublier que l’immigration est une chance, mais si elle est maîtrisée. De même, l’immigration est un facteur de progrès, si elle conjugue l’intérêt du migrant, l’intérêt du pays d’accueil et l’intérêt du pays d’origine. Fondée sur cette conviction, la politique du Gouvernement se veut équilibrée, juste et ferme. Il est donc de notre devoir de persévérer dans la voie de la politique d’immigration menée depuis 2007 et de renforcer encore nos dispositifs.
Agir, c’est l’ambition du présent projet de loi qui résume bien les deux piliers de la politique menée par la France. Cette politique repose, d’une part, sur le renforcement de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France, grâce notamment à la mise en place d’une carte bleue européenne, dont il faut nous féliciter et, d’autre part, sur la lutte contre l’immigration irrégulière qui porte atteinte à la capacité d’intégration de la France.
Le groupe UMP se satisfait pleinement des dispositions équilibrées exposées par notre rapporteur, que je tiens à cet instant à saluer pour la qualité de son travail.
Il a fallu trouver, au-delà des divergences partisanes, les outils nécessaires à la réalisation des objectifs fixés : mieux intégrer les étrangers en situation légale et lutter contre l’immigration illégale.
Nous le savons tous, mes chers collègues, les flux migratoires ont changé et il est indispensable de trouver des réponses législatives adaptées aux nouvelles problématiques. La France a le droit de choisir, comme tous les pays du monde, qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire : nous ne demandons ni plus ni moins que l’application de la règle qui prévaut dans de nombreux pays.
Tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière, notamment sur les plans humanitaire, politique, sanitaire ou social, qui exige un examen individualisé de la demande. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)
La France entend mener une politique migratoire non seulement humaine et fidèle à sa tradition d’accueil, mais aussi ferme dans sa lutte contre l’immigration clandestine.
Tout laxisme en matière d’immigration ne peut qu’engendrer le développement de tous les racismes.
Lutter contre l’immigration clandestine, c’est protéger les étrangers qui ont fait l’effort d’entrer légalement dans notre pays de tous les amalgames et du rejet.
Lutter contre l’immigration clandestine, c’est donner aux étrangers en situation régulière une meilleure chance d’insertion dans notre société.
Lutter contre l’immigration clandestine, c’est aussi lutter contre le racisme à l’égard des Français de deuxième ou de troisième génération.
Contrairement à ce qui a souvent été dénoncé par l’opposition, ce texte est nécessaire.
Nos voisins européens mènent des politiques d’immigration en phase avec le droit européen ; la France doit impérativement s’y conformer en transposant les directives. Je tiens, à ce titre, à rappeler que ce texte transcrit dans notre droit une partie du Pacte européen sur l’immigration et l’asile que le Gouvernement avait fait adopter lors de la présidence française de l’Union européenne, et je rappelle que nos partenaires s’étaient prononcés à l’unanimité en sa faveur.
En matière d’immigration, il nous faut éviter deux écueils.
Le premier, c’est d’adopter une position irresponsable en affirmant qu’il faut accueillir tous ceux qui le souhaitent.
Le second, c’est de se contenter de déclarer qu’on ne souhaite plus d’immigration sans dire qu’il faut de la coopération.
Évitant ces deux écueils, le Gouvernement a choisi la bonne voie. C’est pourquoi le groupe UMP se satisfait des propositions qui nous sont faites, afin de poursuivre cette politique d’immigration choisie et équilibrée, à la fois ferme et généreuse.
Le projet de loi renforce les exigences relatives à l’intégration, crée des zones d’attente ad hoc, réforme les mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, améliore la lutte contre le travail illégal.
Après avoir été discutées dans chacune des deux chambres, plusieurs mesures faisaient toujours l’objet de désaccords.
Nous nous réjouissons des points d’entente trouvés en commission mixte paritaire.
Je citerai tout d’abord la question des « mariages gris », ces mariages conclus entre un étranger ou une étrangère et une personne de nationalité française de bonne foi, alors que celle-ci a été abusée dans ses sentiments par cet étranger dont l’objectif était d’obtenir, en fait, un titre de séjour ou la nationalité française.
Nos collègues députés voulaient édicter une sanction de sept ans de prison et 30 000 euros d’amende. Ce dispositif révélait plusieurs difficultés juridiques. Il manquait de cohérence avec l’échelle des peines retenues dans le droit pénal. En effet, le dispositif souhaité par les députés portait les peines encourues en cas de « mariage gris » au même niveau que les peines encourues en cas de proxénétisme. Ainsi, mes chers collègues, nous avons, en première puis en deuxième lecture, défendu une option plus cohérente. Nous avons choisi d’appliquer, de manière raisonnable, les mêmes peines que pour les mariages de complaisance, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Nous nous félicitons donc que ces dispositions aient été retenues.
S’agissant du droit au séjour des étrangers malades, ce sujet grave en termes humains et de santé publique a longuement été débattu dans cet hémicycle en première et deuxième lectures, et a suscité de vives tensions tout au long du parcours parlementaire du projet de loi.
En première lecture, nous avions souhaité supprimer le dispositif qui nous était proposé et qui tendait à restreindre la possibilité de délivrer un titre de séjour à un étranger atteint d’une pathologie particulièrement grave ; en effet, les conséquences en termes de santé publique étaient trop incertaines.
Néanmoins, je souhaiterais redire, au nom du groupe UMP, que nous ne pouvions laisser perdurer des situations de détresse si disparates sur notre territoire. Je voudrais éviter ainsi tout malentendu sur ce point. Il n’est pas question de remettre en cause l’une de nos traditions d’accueil des étrangers gravement malades qui viennent en France, alors que dans leur pays d’origine, ils n’ont pas un accès aux soins adaptés. Nous avons le devoir pour nos compatriotes, et pour ces hommes et ces femmes en grande souffrance, de trouver une solution juridique équilibrée.
Ainsi, un compromis a été adopté en commission mixte paritaire. Le titre de séjour, accordé aux étrangers malades, ne pourra dorénavant être accordé qu’en cas d’absence du traitement approprié dans le pays d’origine et non d’indisponibilité effective de celui-ci. Cependant, la nouvelle disposition prévoit que l’autorité administrative pourra prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles pour l’attribution du titre de séjour, après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’Agence régionale de santé, comme le prévoyait un amendement de compromis soutenu par notre groupe et adopté par le Sénat en deuxième lecture. Le groupe UMP se satisfait donc de cette rédaction.
Un autre sujet a suscité de longues heures d’échanges, aussi bien en commission qu’en séance publique ; il s’agit du contentieux du placement en rétention des étrangers en instance d’éloignement et du délai d’intervention du juge des libertés et de la détention dans la procédure administrative.
Le Gouvernement a lancé judicieusement une réorganisation du contentieux de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière et nous la soutenons. Jusqu’ici, il y avait un enchevêtrement total dans les procédures d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire.
Vous nous avez proposé, monsieur le ministre, d’allonger le délai de quarante-huit heures à cinq jours pour l’intervention du juge des libertés et de la détention. Ce délai a pu sembler excessif ; c’est pourquoi notre assemblée, sur proposition de la commission des lois, avait proposé à l’origine d’allonger ce délai à quatre jours.
La commission mixte paritaire a finalement préféré que l’intervention du juge des libertés et de la détention soit repoussée à cinq jours, contre quarante-huit heures actuellement, pour laisser le temps au juge administratif de se prononcer sur la légalité de la rétention.
Nous ne doutons pas que cette disposition se traduira par une meilleure efficacité des procédures, actuellement enchevêtrées, entre les deux juridictions du juge des libertés et de la détention et du juge administratif.
Il s’agira d’éviter à l’avenir un nombre trop important d’annulations juridictionnelles imputables à la complexité des procédures. En outre, il convient de rappeler que la compétence du juge administratif, en matière de libertés individuelles, est reconnue, l’existence du référé-liberté étant un gage de confiance envers elle.
Cette mesure importante du projet de loi aura pour objet de concilier, au mieux, les exigences du contrôle de la privation de liberté et la nécessité d’une bonne administration de la justice.
Autre sujet important pour nos concitoyens : la lutte contre le travail illégal. Il a été décidé que les employeurs, qui auraient embauché « de bonne foi » des étrangers sans titre de séjour, ne seront pas passibles de poursuites pénales. Il s’agit d’une position mesurée pour les employeurs ayant subi l’intention frauduleuse d’étrangers malveillants.
Enfin, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a validé les modifications que nous avions adoptées relatives à l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle pour les requérants devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, situés outre-mer. Le recours à la visioconférence devant cette cour a été subordonné au consentement du requérant, lorsque celui-ci séjourne en France métropolitaine.
L’existence d’un régime spécifique pour les collectivités d’outre-mer se justifie par les différences objectives de situation, entre le requérant qui séjourne en métropole et celui qui se trouve outre-mer. En créant, au bénéfice de la Cour nationale du droit d’asile, la possibilité d’utiliser la visioconférence, le projet de loi améliore la situation des étrangers qui demandent l’asile dans une collectivité d’outre-mer : le délai d’examen de leurs demandes sera significativement réduit, puisqu’il ne sera plus tributaire, comme aujourd’hui, de l’organisation de missions foraines par la cour.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce texte respecte nos principes fondamentaux ; alors cessez de faire croire à nos concitoyens que les mesures engagées par le Gouvernement pour notre pays sont dénuées d’humanité !
C’est parce que ce projet de loi vise l’immigration irrégulière et qu’il ne remet pas en question l’immigration concertée, l’immigration légale, l’immigration choisie, voulue et acceptée, l’immigration synonyme d’intégration, d’acceptation, que le groupe UMP votera avec conviction et détermination ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici ce soir dans une nouvelle discussion du sixième texte consacré à l’immigration depuis 2002. C’est en soi un aveu : c’est une loi d’échec, une loi d’acharnement. Les cinq textes précédents n’ont pas encore fait l’objet du moindre bilan et nous devons pourtant avaliser ici un nombre considérable de régressions, sous prétexte qu’il faut poursuivre et renforcer la politique actuelle du Gouvernement.
Mes chers collègues, si cette politique portait réellement ses fruits, nous ne serions sans doute pas constamment dans cette fuite en avant, accumulant texte sur texte et décret sur décret.
Vos incessants moulinets de bras pour donner l’impression que vous agissez sont non seulement contreproductifs pour vous, mais aussi et surtout dangereux pour nous tous et pour la politique, parce que ces échecs laissent croire à une impuissance du politique en général, contribuent pour une part à une lassitude des citoyens et à la radicalisation de certains d’entre eux qui, au bout du compte, ne vous choisissent pas, puisque vous êtes inefficaces, et vont chercher l’efficacité supposée chez plus extrémistes que vous. C’est ce qui se passe actuellement.
On peut souhaiter un peu d’humanisme quand on légifère sur l’immigration. Je n’irai pas jusqu’à solliciter cela de votre part, mais je vous demanderai de faire preuve de pragmatisme.
Il en faut quand on parle d’immigration dans une période où tout le monde sait que c’est un sujet complexe, délicat, qui n’épargne aucun endroit du globe et – si l’on est honnête – qui est surtout difficile et dramatique pour les pays du Sud eux-mêmes.
Les principales migrations de masse se font du Sud vers le Sud, dans des pays qui doivent accueillir de nouvelles populations, alors qu’ils n’ont même pas les moyens d’atteindre le minimum de développement qu’ils pourraient espérer.
La preuve, c’est ce que nous vivons concrètement aujourd’hui avec la Tunisie : sans pleurer, ce pays accueille aujourd’hui environ 150 000 réfugiés avec les énormes problèmes internes, politiques, économiques, sociaux, d’instabilité qu’il doit affronter.
Mais nous ici, nous abordons les choses égoïstement comme si nous étions seuls au monde, assiégés, faibles politiquement, économiquement, socialement, ce qui n’est pas le cas. (Mme Alima Boumediene-Thiery fait un signe d’assentiment.)
D’ailleurs, c’est ce discours qui nous affaiblit. Ce qui nous renforce, c’est de montrer de la confiance, de l’ouverture et de l’audace face à nos défis, dont celui des migrations internationales, qui est aujourd’hui complexe et nécessite d’abord de la générosité et du pragmatisme.
Voilà pour le cadre général. Pour le reste, nous pouvons nous féliciter que les effets d’annonce ayant justifié cette loi, avec le discours de Grenoble du Président de la République et, notamment, la question de la déchéance de la nationalité ou de la déclaration volontaire, aient été aujourd'hui mis de côté tant ils étaient insupportables. Je salue la majorité actuelle et le Gouvernement d’avoir compris que, là, on commençait à toucher à des principes essentiels à notre vie en commun.
Vous avez voulu, dites-vous, renforcer les dispositifs pour les moderniser ou les adapter à des situations nouvelles concernant l’immigration irrégulière, afin de conforter l’immigration légale. Or vous savez que ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous dites que l’immigration légale est un problème. Nous pouvons en discuter, mais convenez au moins que vous avez changé de discours, que vous allez plus loin.
En effet, ce ne sont pas les immigrés en situation irrégulière que visait M. Wauquiez lors de ses récentes déclarations concernant les minima sociaux ! Au mépris de notre appartenance à l’Union européenne, de nos lois, mais aussi de la réalité de la charge qu’est supposée représenter l’immigration pour notre pays, il a annoncé que les étrangers en situation légale devraient attendre cinq ans avant de bénéficier de prestations sociales. Or, en la matière, toute discrimination à leur égard est interdite en France.
En outre, comme Mme Assassi l’a rappelé, les étrangers installés légalement dans notre pays participent à hauteur de 60 milliards d’euros environ aux contributions, par l’impôt et les cotisations sociales, et n’en reçoivent que 48 milliards. Par conséquent, 12 milliards d’euros ne sont pas « consommés » par les étrangers – si je puis m’exprimer ainsi –, compte tenu de la structure particulière de cette population d’un point de vue sociologique. Il n’est donc pas juste de continuer à les présenter comme une charge sociale.
Vous essayez encore, au travers de ce projet de loi, de faire croire qu’il pourrait y avoir un blocus total. Au motif que certaines personnes tentent de contourner les règles, vous renforcez les difficultés, la stigmatisation, la limitation des droits humains pour toutes les autres, jusqu’à ce droit fondamental qu’est le droit à la santé !
Outre que vous faites fausse route, vous n’en profiterez jamais politiquement. Vous trouverez toujours quelqu’un pour tout remettre en cause en dénonçant de possibles contournements de la loi. À courir derrière cela, vous faites le lit de celle qui paraît dicter aujourd’hui vos évolutions politiques.
J’espère que, pendant cette année électorale, vous ne proposerez pas d’autres textes de loi en continuant à nous dire qu’il faut aller plus loin, parce que, avec la question du juge des libertés et de la détention, le délai d’attente et le droit à la santé, on touche déjà le fond !
J’espère également que le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, ne vous suivra pas sur les dérives qu’a pointées Mme Bariza Khiari dans la discussion générale.
Sur le fond, bien souvent, vous savez que nous avons raison mais vous voulez instrumentaliser le sujet pour en faire un argument électoral. Monsieur le ministre, de par votre parcours, vous avez la réputation d’être pragmatique. En la matière, vous le savez, pour le bien de notre société, pour l’efficacité même de la politique migratoire, il faut faire preuve de pragmatisme et non d’idéologie.
Les Français aspirent à un consensus à propos de l’autre, de l’étranger et des immigrés en général, afin que leurs vrais problèmes quotidiens, à savoir le chômage, les injustices sociales, l’éducation, l’avenir de leurs enfants, le logement, reviennent au cœur de la politique.
Le parcours législatif de ce projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité touchant à sa fin, nous pouvons au moins espérer que le temps consacré à ces thèmes présentés comme des problèmes majeurs s’achèvera bientôt.
Je veux me souvenir des paroles fortes et argumentées du Président de la République sur l’Union pour la Méditerranée et la nécessité de dépasser les relations du passé, notamment les rapports coloniaux que nous avons pu entretenir dans cette partie du monde, pour travailler en confiance sur de nouvelles bases.
Votre politique migratoire, ce thème mis au cœur de l’actualité rejaillissent, même lorsqu’ils ne concernent que les immigrés en situation irrégulière, non seulement sur l’ensemble des immigrés, qui sont stigmatisés, mais aussi sur l’image de la France dans la Méditerranée, dont la volonté d’écrire une nouvelle page de relations profondes ne paraît pas du tout sincère.
Pour toutes ces raisons, mon groupe appelle à voter contre les conclusions de cette commission mixte paritaire. Au-delà des quelques petites avancées que nous avons relevées, nos débats n’auront pas été vains s’ils servent à préparer une autre politique migratoire, respectueuse des êtres humains. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire qui nous réunit aujourd’hui s’annonce fort peu satisfaisant.
J’ai déjà pu exprimer, mercredi 4 mai, lors de la réunion de cette commission mixte paritaire, le peu de bien que je pensais de ce texte, que j’ai eu l’occasion de combattre fermement en première et en deuxième lecture.
En effet, la version votée mercredi dernier en commission mixte paritaire par huit voix contre six est loin d’être un texte de compromis ; elle est significative du peu de cas que la majorité parlementaire fait des étrangers en France.
Je réaffirme qu’il s’agit d’une politique de méfiance, d’hostilité et de sanction dirigée contre les étrangers, qui sont stigmatisés et désignés comme les causes de nombreuses difficultés que le Gouvernement est incapable de résoudre.
Votre majorité s’applique, dans le même temps, à envoyer des messages, en matière d’immigration, qui se veulent contradictoires.
Alors que ce projet de loi nous a été présenté comme ayant notamment pour but de « renforcer l’immigration professionnelle », vous avez pourtant déclaré à la presse, monsieur le ministre, que vous souhaitiez faire en sorte de « restreindre l’immigration légale », donc l’immigration familiale et salariale.
Il faudrait savoir : souhaitez-vous restreindre ou renforcer l’immigration professionnelle ? Je me permets de vous poser la question.
Autre déclaration étonnante, émanant d’une parlementaire européenne UMP, que celle de Rachida Dati la semaine passée ! Elle aspire, en effet, à ce que « tous les étudiants étrangers repartent dans leur pays » une fois leurs études finies… Il s’agirait donc bien de supprimer les possibilités de passer du statut d’étudiant à celui de salarié, afin de restreindre l’immigration professionnelle.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, quant à elle, indiqué que la France avait besoin d’une immigration salariale afin de pourvoir aux emplois inoccupés pour lesquels des employeurs éprouvaient des difficultés de recrutement.
J’invite donc votre majorité à se mettre d’accord, monsieur le ministre, au moins au sein du Gouvernement, sur cette question de l’immigration qui vous pose visiblement de nombreuses difficultés et provoque des clivages.
Outre ces messages peu clairs adressés par la majorité, je souhaite dire quelques mots, avant d’aborder le fond du texte qui nous réunit, du climat de xénophobie et de la vague de racisme qui déferle en France. Force est malheureusement de le constater, plusieurs événements récents en sont révélateurs, ce qui ne fait d’ailleurs que réjouir les extrémistes.
J’aimerais tout d’abord rappeler que le Gouvernement doit apporter une solution digne et responsable à la question des migrants tunisiens arrivés nombreux en France et que vous vous appliquez aujourd'hui à chasser.
Vous avez en effet déployé une série de réponses particulièrement inadaptées, monsieur le ministre, et peu respectueuses des droits humains : la multiplication des interventions policières, des placements en garde à vue ou en centre de rétention – je me suis d'ailleurs rendue dans l’un de ces centres pour écouter ces migrants et essayer de les comprendre –, le blocage de la frontière franco-italienne et la réadmission de Tunisiens vers l’Italie, alors que nous savons qu’ils reviendront.
La France manque ainsi gravement à sa réputation de terre d’accueil et de libertés, et déroge aux principes qu’elle a toujours défendus.
Monsieur le ministre, la situation devient dramatique. Un jeune Afghan, aujourd'hui majeur mais mineur au moment de son arrivée en France deux ans auparavant, s’est suicidé voilà deux semaines à Paris, car il ne voulait pas repartir en Afghanistan.
Ensuite, je suis évidemment choquée par diverses manifestations de racisme qui prolifèrent ces derniers temps, qu’elles soient liées à l’affaire des « quotas de binationaux » dans le milieu du football, ou au procès, à Amiens, de trois policiers ayant proféré des paroles violemment antisémites et racistes.
J’ai de plus en plus la sensation que la xénophobie se banalise, et que chaque jour révèle sont lot de faits divers relatant des événements en lien avec le racisme.
C’est dans ce contexte, regrettable, que nous est présenté ce projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, aussi me semblait-il important de le rappeler.
J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer et de combattre la plupart des mesures de ce texte. Je reviendrai aujourd’hui sur certaines dispositions qui, je l’espère, seront bientôt déclarées inconstitutionnelles.
Je continue évidemment à contester, comme je l’ai indiqué en commission mixte paritaire, le vote de l’odieux article 17 ter, dans sa rédaction issue du Sénat, qui porte fortement atteinte aux droits des étrangers malades. Le fait de requérir l’absence de traitement dans le pays d’origine pour être admis à séjourner en France est inhumain.
Certes, les traitements contre les pathologies les plus lourdes, par exemple le sida, existent dans de nombreux pays, mais ils sont tout simplement inaccessibles à un grand nombre de malades.
Je dénonce également l’inversion aberrante de l’intervention des juges concernant la rétention des étrangers en instance d’éloignement et le fait que ces derniers soient obligés d’attendre quatre jours avant d’être reçus par le juge des libertés et de la détention, s’ils n’ont pas déjà été expulsés !
Par ailleurs, je rappelle mon opposition au concept immonde de « mariage gris » qui apparaît dans ce texte et qui fait de l’étranger le seul membre du couple suspecté de tromperie auprès de son pauvre conjoint français. Cette disposition est d’ailleurs contraire au principe d’égalité. En outre, elle est révélatrice de la suspicion permanente qui entoure les étrangers, criminalisés jusque dans leur vie la plus intime.
Enfin, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur l’arrêt du 28 avril dernier de la Cour de justice de l’Union européenne sur la pénalisation du séjour irrégulier des étrangers. Aux termes de cet arrêt, « les États membres ne sauraient prévoir une peine privative de liberté pour le seul motif qu’un ressortissant d’un pays tiers continue, après qu’un ordre de quitter le territoire national lui a été notifié, de se trouver présent de manière irrégulière sur le territoire d’un État membre ».
Il semblerait, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez pas tirer les conséquences de cet arrêt émanant d’une juridiction supranationale, qui devrait pourtant s’appliquer à la France ! Peut-être le Gouvernement auquel vous appartenez, après avoir voulu suspendre les accords Schengen, aspire-t-il également à sortir de l’Union Européenne…
Dans cette attente, je ne vois pas pourquoi le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité n’a pas été mis en conformité avec les exigences de la Cour de justice de l’Union européenne. Je ne peux que vous conseiller de lire cet arrêt, monsieur le ministre. Vous comprendrez alors pourquoi nous l’invoquons aujourd'hui.
Le présent projet de loi, sous prétexte de transcrire des directives européennes, comporte in fine des dispositions contraires à la directive Retour.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs écologistes s’opposent fermement à ce texte liberticide, qu’ils continueront de combattre. J’espère que nos collègues, notamment M. Courtois qui considère l’immigration « comme une chance », nous rejoindront pour prendre part à ce combat contre ce projet de loi injuste et inhumain.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ ET À L’INTÉGRATION
Chapitre unique
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Article 2
I. – L’article 21-24 du code civil est ainsi modifié :
1° A La deuxième occurrence du mot : « française » est remplacée par les mots : «, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, » ;
1° Sont ajoutés les mots : « ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue du contrôle de son assimilation, l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d’État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française. »
II. – (Supprimé)
Article 2 bis
Après le mot : « doit », la fin du dernier alinéa de l’article 21-2 du code civil est ainsi rédigée : « également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État. »
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TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre IER
Dispositions relatives à la zone d’attente
Article 6
I. – L’article L. 221-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent titre s’applique également à l’étranger qui arrive en Guyane par la voie fluviale ou terrestre. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 221-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d’au moins dix étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres, la zone d’attente s’étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. »
Article 7
Après le premier alinéa de l’article L. 221-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s’effectue dans les meilleurs délais, compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles. De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s’exercent dans les meilleurs délais. »
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Article 10
La section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 222-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-8. – En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de maintien en zone d’attente que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »
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Article 12
(Suppression maintenue)
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Chapitre II
La carte de séjour temporaire portant la mention « carte bleue européenne »
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Chapitre III
Dispositions diverses relatives aux titres de séjour
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Article 17 ter
La première phrase du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Les mots : « qu’il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l’absence » ;
2° Après le mot : « originaire », sont insérés les mots : «, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé ».
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Article 21 ter
I. – Le premier alinéa de l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. »
II. – (Supprimé)
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TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT
Chapitre IER
Les décisions d’éloignement et leur mise en œuvre
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Article 23
L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 511-1. – I. – L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants :
« 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;
« 2° Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
« 3° Si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;
« 4° Si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;
« 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.
« La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l’indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.
« L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office.
« II. – Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine. Eu égard à la situation personnelle de l’étranger, l’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
« Toutefois, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :
« 1° Si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
« 2° Si l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ;
« 3° S’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
« a) Si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
« b) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
« c) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
« d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
« e) Si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;
« f) Si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.
« L’autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa.
« III. – L’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français.
« L’étranger à l’encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen, conformément à l’article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l’étranger en cas d’annulation ou d’abrogation de l’interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire.
« Lorsque l’étranger ne faisant pas l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.
« Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification.
« Lorsqu’un délai de départ volontaire a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour, prenant effet à l’expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.
« Lorsque l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu’il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l’obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l’interdiction de retour poursuit ses effets, l’autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans.
« L’interdiction de retour et sa durée sont décidées par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de retour. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de retour, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France. Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2.
« Lorsqu’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour justifie, selon des modalités déterminées par voie réglementaire, avoir satisfait à cette obligation dans le délai imparti, au plus tard deux mois suivant l’expiration de ce délai de départ volontaire, l’interdiction de retour est abrogée. Toutefois, par décision motivée, l’autorité administrative peut refuser cette abrogation au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l’intéressé. »
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Article 26
L’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre » sont supprimés ;
1° bis Après le mot : « réserve », la fin du 10° est ainsi rédigée : « de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
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Article 30
L’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 551-1. – À moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger :
« 1° Doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;
« 2° Fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
« 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;
« 4° Fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire mentionnée à l’article L. 531-3 du présent code ;
« 5° Fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l’article L. 533-1 ;
« 6° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;
« 7° Doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;
« 8° Ayant fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire. »
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Article 33
Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre VI devient le titre VII ;
2° L’article L. 561-1 devient l’article L. 571-1 et le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « territoire, », sont insérés les mots : « d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, » ;
b) Les mots : « ou d’extradition » sont remplacés par les mots : «, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen » ;
3° Les articles L. 561-2 et L. 561-3 deviennent respectivement les articles L. 571-2 et L. 571-3 ;
4° Après le titre V, il est rétabli un titre VI ainsi rédigé :
« TITRE VI
« ASSIGNATION À RÉSIDENCE
« CHAPITRE IER
« Art. L. 561-1. – Lorsque l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays, l’autorité administrative peut, jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation, l’autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l’assignant à résidence, par dérogation à l’article L. 551-1, dans les cas suivants :
« 1° Si l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ;
« 2° Si l’étranger doit être remis aux autorités d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;
« 3° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en application de l’article L. 531-3 ;
« 4° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;
« 5° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal.
« La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, cette durée ne s’applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article, ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code.
« L’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l’autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l’article L. 611-2. Si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, l’autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu’aux lieux d’assignation.
« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.
« Art. L. 561-2. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l’article L. 511-1 qu’il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l’article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l’assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.
« Art. L. 561-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.
« CHAPITRE II
« Assignation à résidence avec surveillance électronique
« Art. L. 562-1. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l’étranger.
« La décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l’autorité administrative pour une durée de cinq jours.
« La prolongation de la mesure par le juge des libertés et de la détention s’effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre.
« Art. L. 562-2. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique emporte, pour l’étranger, interdiction de s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par l’autorité administrative ou le juge des libertés et de la détention en dehors des périodes fixées par ceux-ci.
« Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le seul lieu désigné par le juge des libertés et de la détention pour chaque période fixée. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, d’un dispositif intégrant un émetteur.
« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre chargé de l’immigration et le ministre de la justice. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
« Le contrôle à distance de la mesure est assuré par des fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie nationales qui sont autorisés, pour l’exécution de cette mission, à mettre en œuvre un traitement automatisé de données nominatives.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Dans la limite des périodes fixées dans la décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, les agents chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l’assignation pour demander à rencontrer l’étranger. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l’accord de celle-ci.
« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence avec surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.
« Art. L. 562-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
5° Après l’article L. 552-4, il est inséré un article L. 552-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-4-1. – À titre exceptionnel, le juge peut ordonner l’assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-3 lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code. »
Chapitre II
Dispositions relatives au contentieux de l’éloignement
Section 1
Dispositions relatives au contentieux administratif
Article 34
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Procédure administrative et contentieuse
« Art. L. 512-1. – I. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. L’étranger qui fait l’objet de l’interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision.
« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.
« II. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.
« Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I.
« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.
« III. – En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français, et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation. Toutefois, si l’étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l’obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 du présent code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention ou en son sein, il peut statuer dans cette salle.
« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.
« Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.
« Art. L. 512-2. – Dès notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger auquel aucun délai de départ volontaire n’a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d’avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L’étranger est informé qu’il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l’article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend.
« Art. L. 512-3. – Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français dès l’expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n’a été accordé, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français.
« L’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n’a été accordé, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n’ait statué s’il a été saisi. L’étranger en est informé par la notification écrite de l’obligation de quitter le territoire français.
« Art. L. 512-4. – Si l’obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.
« Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d’assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l’étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l’autorité administrative en application du II de l’article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l’article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification.
« Art. L. 512-5. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf s’il a été placé en rétention.
« Art. L. 512-6. – L’annulation de la décision relative au séjour emporte abrogation de la décision d’interdiction de retour qui l’accompagne le cas échéant, y compris lorsque le recours dirigé contre celle-ci a été rejeté selon la procédure prévue au III de l’article L. 512-1. »
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Section 2
Dispositions relatives au contentieux judiciaire
Article 37
L’article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;
2° Au début de la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».
Article 38
L’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 552-2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553-1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »
Article 39
La section 4 du chapitre II du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 552-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-13. – En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »
Article 40
À l’article L. 552-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours ».
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Article 41
L’article L. 552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 552-7. – Quand un délai de vingt jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de cinq jours mentionné à l’article L. 552-1 et en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.
« Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.
« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d’une durée maximale de vingt jours.
« Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d’un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires.
« L’article L. 552-6 est applicable. »
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Article 43
(Suppression maintenue)
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Article 45
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 555-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours ».
Chapitre III
Dispositions diverses
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Article 49
I. – L’article L. 213-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 213-1. – L’accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l’ordre public ou qui fait l’objet soit d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire, soit d’un arrêté d’expulsion, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, soit d’une interdiction de retour sur le territoire français. »
II. – Le titre III du livre V du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Autres cas de reconduite
« Art. L. 533-1. – L’autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger, sauf s’il est au nombre de ceux visés à l’article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière :
« 1° Si son comportement constitue une menace pour l’ordre public.
« La menace pour l’ordre public peut s’apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l’article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4°, 6° et 8° de l’article 311-4, de l’article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1 et 227-4-2 à 227-7 du code pénal ;
« 2° Si l’étranger a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du code du travail.
« Le présent article ne s’applique pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois.
« Les articles L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-3, le premier alinéa de l’article L. 512-4, le premier alinéa du I de l’article L. 513-1 et les articles L. 513-2, L. 513-3, L. 514-1, L. 514-2 et L. 561-1 du présent code sont applicables aux mesures prises en application du présent article. »
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Article 54
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 523-3, à la dernière phrase de l’article L. 523-4, à la troisième phrase de l’article L. 523-5, au dernier alinéa de l’article L. 531-3 et à l’article L. 541-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la référence : « L. 513-4 » est remplacée par la référence : « L. 561-1 ».
II. – Au 2° de l’article L. 541-2 du même code, la référence : « L. 513-4, » est supprimée et la référence : « ou L. 523-5 » est remplacée par les références : «, L. 523-5 ou L. 561-1 ».
II bis. – L’article L. 624-4 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « L. 513-4, » est supprimée et la référence : « ou L. 523-5 » est remplacée par les références : «, L. 523-5 ou L. 561-1 » ;
2° Au dernier alinéa, la référence : « L. 513-4 » est remplacée par la référence : « L. 561-1 ».
III. – Après le mot : « réserve », la fin du 5° de l’article L. 521-3 et la fin de la première phrase de l’article L. 523-4 du même code sont ainsi rédigées : « de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. »
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TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS
Chapitre IER
Dispositions relatives au travail dissimulé
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Chapitre II
Dispositions relatives à l’emploi d’étrangers sans titre de travail
Article 57 B
I. – Au premier alinéa de l’article L. 8251-1 du code du travail, les mots : « par personne interposée » sont remplacés par le mot : « indirectement ».
II (nouveau). – Avant le dernier alinéa de l’article L. 8256-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables à l’employeur qui, sur la base d’un titre frauduleux ou présenté frauduleusement par un étranger salarié, a procédé sans intention de participer à la fraude et sans connaissance de celle-ci à la déclaration auprès des organismes de sécurité sociale prévue à l’article L. 1221-10, à la déclaration unique d’embauche et à la vérification auprès des administrations territorialement compétentes du titre autorisant cet étranger à exercer une activité salariée en France. »
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Chapitre III
Dispositions relatives au contrôle du travail illégal
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Article 64
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 8271-1, il est inséré un article L. 8271-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-1-2. – Les agents de contrôle compétents en application de l’article L. 8271-1 sont :
« 1° Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Les officiers et agents de police judiciaire ;
« 4° Les agents des impôts et des douanes ;
« 5° Les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés ;
« 6° Les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes ;
« 7° Les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ;
« 8° Les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres ;
« 9° Les agents de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet. » ;
2° Sont ajoutés deux articles L. 8271-6-1 et L. 8271-6-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 8271-6-1. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.
« Ces auditions peuvent faire l’objet d’un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.
« Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu’à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l’exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse.
« Art. L. 8271-6-2. – Pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre. »
II. – L’article L. 8271-11 du même code est abrogé.
III. – Le même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 8271-2, L. 8271-4, L. 8271-5 et L. 8271-6 et à l’article L. 8271-3, la référence : « L. 8271-1 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
2° Aux articles L. 1454-1, L. 8271-1 et L. 8271-8-1, la référence : « L. 8271-7 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
3° L’article L. 8271-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-7. – Les infractions aux interdictions du travail dissimulé prévues à l’article L. 8221-1 sont recherchées par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2. »
IV. – Au second alinéa du VII de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, à l’article L. 413-2 et au premier alinéa de l’article L. 414-2 du code du cinéma et de l’image animée, la référence : « L. 8271-1 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 ».
V. – Au 1° de l’article L. 114-16-3 et aux premier et second alinéas de l’article L. 133-9-3 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 8271-7» est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 ».
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Article 66
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est complété par deux articles L. 8272-2 et L. 8272-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 8272-2. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure de fermeture provisoire est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire de fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal.
« La mesure de fermeture provisoire peut s’accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants.
« Les modalités d’application du présent article ainsi que les conditions de sa mise en œuvre aux chantiers du bâtiment et des travaux publics sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 8272-3. – La décision de fermeture provisoire de l’établissement par l’autorité administrative prise en application de l’article L. 8272-2 n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement. »
Article 67
Le même chapitre II est complété par un article L. 8272-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner, par décision motivée prise à l’encontre de la personne ayant commis l’infraction, l’exclusion des contrats administratifs mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure d’exclusion est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire d’exclusion des marchés publics mentionnée au 5° de l’article 131-39 du code pénal.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Chapitre IV
Dispositions diverses
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TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES
Chapitre unique
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Article 74 bis
L’article L. 731-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, après les mots : « l’informe », sont insérés les mots : « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’office ainsi que par la Cour nationale du droit d’asile, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. »
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Article 75 ter
L’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, le président de cette juridiction peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus par le premier alinéa. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à sa disposition. Si l’intéressé est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui. Ces opérations donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Le requérant qui, séjournant en France métropolitaine, refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa. »
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Article 75 quater
(Suppression maintenue)
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
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Article 83
(Pour coordination)
Les articles L. 311-9 et L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction issue de l’article 5 de la présente loi, l’article L. 314-9 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 20 de la présente loi, l’article L. 314-5 du même code dans sa rédaction issue de l’article 20 bis de la présente loi, l’article L. 211-2 du même code dans sa rédaction issue de l’article 21 quater de la présente loi, ainsi que l’article L. 213-1, l’article L. 511-1 à l’exception du deuxième alinéa du III, les articles L. 511-3-1, L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-5, L. 513-1 à L. 513-4, L. 523-3 à L. 523-5, L. 531-1, L. 531-3, L. 533-1, L. 541-2, L. 541-3, L. 551-1, L. 551-2, L. 552-1 à L. 552-4, L. 552-6, L. 552-7 et L. 552-8, L. 552-10, L. 553-1, L. 553-3, L. 555-1, L. 561-1 à L. 561-3, L. 571-1 et L. 571-2, L. 624-4, L. 742-3 et L. 742-6 du même code et les articles L. 222-2-1, L. 776-1 et L. 776-2 du code de justice administrative, l’article 729-2 du code de procédure pénale et l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans leur rédaction issue des articles 23, 25, 26, 28 à 45 et 47 à 56 de la présente loi, sont applicables à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
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M. le président. Nous allons aborder l’examen de l’amendement n°1.
Monsieur le ministre, acceptez-vous cet amendement ?
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Buffet, est ainsi libellé :
Alinéa 11, dernière phrase
Supprimer les mots :
ou en son sein
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à réparer un oubli de la commission mixte paritaire, puisqu’il tend à supprimer la possibilité de tenir des audiences du tribunal administratif au sein des centres de rétention, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 10 mars dernier.
Cette disposition avait été supprimée dans le texte par le Sénat en deuxième lecture, mais pas en commission mixte paritaire. L’Assemblée nationale a réparé cet oubli ; je propose que nous fassions de même ce soir.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifiée par l’amendement accepté par le Gouvernement, je donne la parole à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les reculs que Richard Yung, Jean-Pierre Sueur, David Assouline et moi avons longuement dénoncés lors des différents examens de ce texte. Je vous dirai ce que vous savez déjà : la mondialisation frappant tous les secteurs, il serait vain de croire qu’elle puisse être cantonnée à la simple circulation des biens, des marchandises et des capitaux. Culture, idées, découvertes scientifiques voyagent aux quatre coins de la planète plus rapidement qu’auparavant. Il en va de même des personnes.
Chaque année, environ 200 millions de personnes, soit l’équivalent de la population du Brésil, effectuent une migration, majoritairement d’un pays du Sud vers un autre pays du Sud, ce qui tord le cou à bien des idées reçues. C’est un fait, et les agitations constantes ne pourront pas inverser cette tendance. À cet égard, on parle souvent des 3 millions d’étrangers présents en France, mais on oublie que, inversement, 2,5 millions de Français sont expatriés.
Le phénomène migratoire demande que l’on fasse preuve de pragmatisme. Or vous êtes dans le déni et l’idéologie, monsieur le ministre. Nous proposons une autre politique, plus responsable et soucieuse du respect du droit, établie en concertation avec les organisations non gouvernementales et les acteurs de terrain, qui connaissent la situation, une politique plus juste, plus humaine, mais non laxiste.
Cette politique va dans le sens inverse des projets de loi successifs du Gouvernement, qui ont rendu la politique migratoire de la France illisible pour les migrants légaux désireux de s’installer dans note pays. Vous dites vouloir lutter contre l’immigration illégale, monsieur le ministre, mais vous précarisez aussi progressivement l’immigration légale en rognant les maigres acquis des immigrés.
Nous avons besoin d’immigration, cela a été souligné. C’est un fait économique indéniable, rappelé également par les spécialistes les plus avisés. Pour que cette immigration nous soit bénéfique d’un point de vue sociétal, encore faudrait-il que nous ayons des dispositifs clairs et des textes tout aussi précis. Tel n’est pas le cas.
Ce texte n’est que le dernier avatar d’une politique à l’opposé de tout ce qui devrait être fait en matière d’immigration. Il reste choquant, constitue un réel recul de nos valeurs et mine tout ce qui pourrait constituer une politique raisonnée et construite dans ce domaine. Dans ces conditions, nous ne pourrons le voter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifiée par l’amendement accepté par le Gouvernement.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 151 |
Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 12 mai 2011 :
À neuf heures trente :
1. Projet de loi organique portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution (Procédure accélérée) (n° 264, 2010-2011) et projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique (Procédure accélérée) (n° 265, 2010-2011).
Rapport de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois (n° 467, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 468, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 469, 2010-2011).
À quinze heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole modifiant le protocole sur les dispositions transitoires annexé au traité sur l’Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (n° 407, 2010-2011).
Rapport de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n° 459, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 460, 2010-2011).
5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 408, 2010-2011).
Rapport de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des lois (n° 470, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 471, 2010-2011).
6. Projet de loi relatif au maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement (Procédure accélérée) (n° 409, 2010 2011).
Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois (n° 472, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 473, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART