Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
M. Bernard Saugey.
2. Organisme extraparlementaire
4. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Gestion effective du risque de submersion marine. – Discussion de deux propositions de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi no 172 et rapporteur de la commission de l’économie ; Alain Anziani, auteur de la proposition de loi no 173 ; Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
M. François Fortassin, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Claude Merceron, Roland Courteau.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
Mme Gisèle Gautier, M. Éric Doligé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
7. Hommage aux victimes d'un attentat
8. Questions cribles thématiques
la france et l’évolution de la situation politique dans le monde arabe
Mme Nathalie Goulet, M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
MM. Aymeri de Montesquiou, le ministre d'État.
MM. André Trillard, le ministre d'État.
MM. Jean-Louis Carrère, le ministre d'État.
MM. Robert Hue, le ministre d'État.
MM. Bernard Fournier, Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. le ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
9. Gestion effective du risque de submersion marine. – Suite de la discussion et adoption de deux propositions de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : Mme Nicole Bonnefoy.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 11 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l’économie ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement. – Adoption.
Amendement n° 12 rectifié de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 26 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 24 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption par division.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° 27 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption, par division, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 29 de M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. – M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Amendement n° 14 de M. Roland Courteau. – Mme Nicole Bonnefoy.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 29, l’amendement no 14 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendements identiques nos 15 rectifié de M. Roland Courteau et 30 de M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. – MM. Roland Courteau, le rapporteur pour avis, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 30 ; rejet de l’amendement no 15 rectifié.
Amendement n° 16 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État, Alain Anziani, Éric Doligé. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 7 de Mme Marie-France Beaufils. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 17 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Daniel Raoul. – Rejet des amendements nos 7 et 17.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 6 bis
Amendement n° 18 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Mme Évelyne Didier.
Amendement n° 1 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 8 de Mme Marie-France Beaufils. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 19 de M. Roland Courteau. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, le secrétaire d'État, Roland Courteau. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 20 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État, Alain Anziani. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 10
Amendement n° 3 rectifié du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 21 de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 25 de M. Roland Courteau. – M. Yannick Botrel.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – M. le secrétaire d'État.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Yannick Botrel, Roland Courteau. – Rejet de l’amendement no 25 ; retrait de l’amendement no 2.
Adoption de l'article.
Amendement n° 9 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 32 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Roland Courteau, Gérard Le Cam. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Roland Courteau. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 6 de M. Jean-Claude Merceron. – MM. Jean-Claude Merceron, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 19
Amendement n° 31 de M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 23 de M. Roland Courteau. – Mme Nicole Bonnefoy, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Roland Courteau. – Rejet.
Adoption de l'article.
MM. Roland Courteau, Gérard Le Cam
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre RAffarin
10. Traité avec la Grande-Bretagne et l'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques. – Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes ; Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Mme Michelle Demessine, MM. Jean-Louis Carrère, Jean Milhau, Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
MM. Jean-Louis Carrère, Alain Houpert, le ministre.
Adoption de l’article unique du projet de loi.
11. Effets sur l'agriculture des départements d'outre-mer des accords commerciaux conclus par l'Union européenne. – Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Serge Larcher, co-auteur de la proposition de résolution ; Éric Doligé, co-auteur de la proposition de résolution ; Daniel Marsin, rapporteur de la commission de l’économie ; Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani, Georges Patient, Mme Gélita Hoarau, MM. Denis Detcheverry, Jean-Paul Virapoullé, Jacques Gillot, Jean-Étienne Antoinette.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution européenne élaboré par la commission
Amendement n° 3 de M. Denis Detcheverry. – MM. Denis Detcheverry, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 10 rectifié de Mme Gélita Hoarau. – Mme Gélita Hoarau, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 4 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 6 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Gélita Hoarau. – Mme Gélita Hoarau, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 7 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 8 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 9 de M. Denis Detcheverry. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Paul Virapoullé. – MM. Jean-Paul Virapoullé, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de la proposition de résolution européenne modifiée.
M. le président.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité de suivi du niveau et de l’évolution des taux d’intérêt des prêts aux particuliers, créé en application de l’article L. 313-3 du code de la consommation.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des finances à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
3
Dépôt d’un document
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant à la convention passée avec l’Agence nationale de la recherche et relative à l’action « Laboratoires d’excellence », qui a été publiée au Journal officiel du 5 août 2010.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances, à la commission de l’économie ainsi qu’à la commission de la culture. Il sera disponible au bureau de la distribution.
4
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 29 avril 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-121, 2011-122, 2011-123 et 2011-124 QPC).
Acte est donné de ces communications.
5
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 29 avril 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-146 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
6
Gestion effective du risque de submersion marine
Discussion de deux propositions de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Retailleau et de plusieurs de ses collègues et de la proposition de loi de M. Alain Anziani et de plusieurs de ses collègues tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine (propositions nos 172 et 173, texte de la commission n° 455, rapport no 454, avis n° 423).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi n° 172.
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi n° 172. Monsieur le président, si vous le permettez, je m’exprimerai également en tant que rapporteur de la commission de l'économie, ce qui nous fera gagner du temps.
M. le président. J’accède bien volontiers à votre demande, monsieur l’auteur et rapporteur !
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi n° 172, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Xynthia, malgré son nom à consonance féminine, a été violente, brutale, soudaine. Dans cette nuit du 27 au 28 février 2010, elle a tué une cinquantaine de personnes.
Quand on est Vendéen ou Charentais, et plus généralement, sans doute, quand on est Français, on reste à jamais marqué par ces événements dans son cœur et sa mémoire.
À l’évidence, il y aura un avant et un après Xynthia.
Dans cette triste nuit, la tempête a fait de nombreuses victimes ; des familles ont vu leur vie basculer. Il y a eu aussi des dégâts matériels importants, mais ceux-ci sont réparables. De fait, la reconstruction est en bonne voie, grâce notamment à un formidable élan de solidarité auquel se sont très largement associés l’État – je souhaite le souligner pour l’en remercier –, nombre de personnes physiques et de collectivités territoriales.
Mais rien ne peut remplacer la perte d’une vie humaine, la disparition d’un être cher, car chaque être humain est unique et irremplaçable dans sa singularité irréductible.
Depuis cette nuit de février 2010, nous savons que la France était très mal préparée au risque de submersion marine et que la culture du risque est très largement défaillante dans notre pays. Sans doute est-ce dû au fait que nous vivons, depuis trop longtemps, avec cette fausse idée d’un risque zéro ; fausse, parce que le risque est toujours présent. Nous avons certes pu éliminer la conscience du risque, mais, ce faisant, nous avons porté atteinte à la culture du risque, ce qui est plus grave.
Mes chers collègues, un tel manque de culture du risque s’explique aussi parce que nos sociétés modernes, depuis plusieurs décennies, se sont construites sur cette volonté prométhéenne de domestiquer, à tout prix, la nature. Or cette dernière, vous le savez, bien souvent reprend ses droits.
De cette triste nuit, nous avons reçu des leçons négatives, mais aussi positives. Xynthia a ainsi mis en lumière, si j’ose dire, la remarquable organisation de la chaîne des secours, qui a formidablement bien fonctionné.
Je voudrais, dans cet hémicycle, rendre un hommage tout particulier à ces centaines de femmes et d’hommes sapeurs-pompiers qui ont porté secours et sauvé des vies humaines en mettant en péril leur propre vie.
Pour ce qui concerne la Vendée, il est normal de s’attarder sur le triste bilan de 29 morts. Mais n’oublions pas, si je puis me permettre, dans le cadre de cette comptabilité funeste, les 765 victimes qui auraient pu mourir ou être gravement blessées et qui ont été sauvées par nos sapeurs-pompiers sans qu’un seul d’entre eux ait été touché, alors que tous intervenaient dans des conditions extrêmement difficiles.
Ces femmes et ces hommes ont mis en évidence, voire rappelé, le sens profond du mot qui est sans doute le plus beau et le plus exigeant de notre devise républicaine : je veux parler du mot « fraternité ». Ils lui ont donné un contenu, une signification concrète en allant au secours de leurs concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas pompier, vous non plus – même si j’imagine que, au quotidien, vous avez quelques départs de feu à éteindre (Sourires) –, je suis législateur. À ce titre, je me dois d’apporter une contribution en lien avec ma responsabilité.
J’ai toujours considéré que celle-ci était, plutôt que de faire de longs discours d’hommages aux victimes et à leurs familles, de prendre les bonnes décisions pour faire en sorte que les choses bougent. En l’espèce, il importe de veiller à ce que, à l’avenir, Xynthia et ses conséquences dramatiques ne puissent se reproduire en France.
Il doit donc y avoir un avant et un après Xynthia.
C’est en ce sens que le Sénat a agi, sous votre impulsion, monsieur le président. Je veux d’ailleurs vous rendre hommage, car, quelques jours seulement après la tempête, vous nous avez proposé de constituer une mission commune d’information sur le sujet. C’est dans ce cadre que nous avons travaillé, beaucoup travaillé, en menant plus de cent soixante-dix auditions et en nous rendant sur le terrain. Très vite, nous avons rendu public un pré-rapport avec ses premières conclusions, puis, un mois après, dès juillet, publié le rapport définitif, en formulant quatre-vingt-douze propositions.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est le fruit de ce travail. Il s’agit, je tiens à le souligner, d’un travail d’équipe. Je remercie à cette occasion ceux qui y ont participé – la plupart sont présents dans cet hémicycle cet après-midi –, tout spécialement le rapporteur de la mission, Alain Anziani, qui a lui-même déposé une proposition de loi identique. Ce travail lui appartient tout autant qu’à l'ensemble des membres de la mission. J’espère, en le saluant, ne pas le compromettre auprès des collègues de son groupe !
M. Roland Courteau. Mais non !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. De temps en temps, il est plutôt rassurant que notre assemblée sache transcender les clivages traditionnels et les différences en termes de géographie politique ou territoriale pour s’unir et avancer dans le bon sens.
M. Roland Courteau. Heureusement !
M. Gérard César. Très bien ! C’est ce qu’on fait pour le vin !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le texte de la commission se fixe deux objectifs, que nous avons articulés autour de quatre axes.
Le premier objectif n’est certainement pas d’ajouter des règles aux règles, car il y en a déjà suffisamment en France. Il s’agit simplement de privilégier une vision plus cohérente et plus globale, pour faire en sorte de mieux combiner les règles de fonctionnement du fameux triptyque – prévention, prévision, protection – et d’aboutir, enfin, à une approche intégrée du risque de submersion marine.
Le second objectif est de faire progresser, en France, la culture du risque. Les mesures prévues, loin d’avoir un caractère purement administratif ou théorique, sont très concrètes et doivent, à terme, du moins je l’espère, changer certains comportements.
J’en viens maintenant aux quatre axes que j’évoquais.
Le premier vise à mieux prendre en compte les risques d’inondation spécifiques au littoral.
Afin d’éviter la multiplication des documents de planification et d’encourager une gestion globale du risque, le texte adopté par la commission intègre la prise en compte des risques littoraux, qui comprennent à la fois les risques de submersion marine et les risques d’érosion, au sein même des documents déjà existants, à savoir les schémas directeurs de prévision des crues, les plans de gestion des risques d’inondation et les plans de prévention des risques, ou PPR.
Le deuxième axe consiste à affirmer très clairement et, si j’ose dire, définitivement, l’existence d’une hiérarchie du risque par rapport à l’urbanisme.
Le texte consacre ainsi pour la première fois dans le code de l’urbanisme la protection des vies humaines comme un objectif général.
Par ailleurs, mes chers collègues, il est prévu de faire coïncider très précisément la carte du risque avec celle de l’urbanisme.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. On l’a vu, un certain nombre de victimes ont pâti d’une urbanisation mal maîtrisée.
Chaque maire aura donc un an pour mettre en conformité stricte les documents d’urbanisme, notamment le plan local d’urbanisme, le PLU, ou encore la carte communale, avec la carte du risque telle qu’elle résulte du plan de prévention des risques.
En outre, la délivrance de permis tacites dans les zones délimitées comme présentant un risque sérieux est interdite. Nous souhaitons aussi donner au préfet les leviers pour faire respecter cette nouvelle hiérarchie : pouvoir de suspension d’un projet de plan local d’urbanisme qui comporterait des dispositions contraires à un plan de prévention des risques approuvé ; pouvoir de substitution à la commune si cette dernière ne modifie pas son plan local d’urbanisme dans le délai d’une année que j’ai mentionné.
On ne peut plus tergiverser et maintenir un angle mort entre le risque et l’urbanisme. Face à la pression foncière et immobilière croissante sur le littoral, il nous faut des outils puissants.
Le troisième axe concerne la problématique des digues, qu’Éric Doligé, ici présent, connaît bien.
Pour aboutir à une gestion efficace des digues, le texte comprend plusieurs dispositions.
Il s’agit d’abord de clarifier le régime de propriété pour envisager, en cas de carence manifeste dans l’entretien des digues, un transfert de propriété publique.
Il s’agit ensuite de prendre exemple sur ce que nous avons vu aux Pays-Bas, où la culture du risque est très développée. Cela suppose de renforcer les moyens de contrôle des ouvrages de défense contre la mer et de rendre obligatoire la remise d’un rapport d’évaluation sur lesdits ouvrages, rapport qui servira de base aux plans d’investissement.
Il s’agit enfin de créer un mécanisme de financement pérenne des lourds investissements effectués dans ce domaine. Le dispositif s’articule aussi bien sur un mécanisme national, grâce au fonds Barnier, que local, grâce à la nouvelle taxe d’aménagement, que vous avez contribué à créer, monsieur le secrétaire d'État, et qui devrait voir le jour l’an prochain.
Le quatrième axe concerne la culture du risque pour sensibiliser les populations.
L’objet de ce texte est simple : il s’agit de faire en sorte que la culture du risque se diffuse du sommet à la base, c'est-à-dire de l’État, des fonctionnaires, des élus, des collectivités territoriales jusqu’à la population.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il faut en effet que nos concitoyens puissent adopter les réflexes qui permettront demain, je l’espère, de sauver encore plus de vies humaines.
À cette fin, nous prévoyons plusieurs dispositifs. J’en citerai trois.
En premier lieu, dès lors qu’un plan de prévention des risques est prescrit, et pas seulement approuvé, il est important que la commune mette en place un plan communal de sauvegarde.
En deuxième lieu, il importe d’imposer la tenue régulière d’exercices de simulation dans le cadre des plans communaux de sauvegarde. Si les PCS sont simplement des dossiers rangés sur les étagères et oubliés par les maires, ils ne serviront à rien, si ce n’est à répondre à des impératifs législatifs ou réglementaires.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Nous avons besoin de plans communaux de sauvegarde qui vivent et qui puissent développer leurs effets, notamment en termes de réflexes. Il faut donc prévoir très régulièrement, par exemple, des exercices d’évacuation des zones fortement inondables.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. En troisième lieu, nous proposons d’instaurer une journée nationale de prévention des risques naturels. Cette idée nous est venue lors de la visite d’une délégation japonaise, avant la catastrophe survenue dans ce pays.
Le Japon est en effet l’un des pays, avec les Pays-Bas, qui développe une culture du risque de façon extraordinaire. Nous avons encore pu le constater lors des moments difficiles qu’il a vécus après la triple catastrophe, même si des dizaines de milliers de morts sont à déplorer.
Cette journée de prévention du risque est inscrite dans le calendrier national du Japon depuis le grand séisme du 1er septembre 1923, qui a fait plus de 140 000 morts. Elle est l’occasion de développer une pédagogie vis-à-vis des jeunes, de faire des exercices de prévention et d’évacuation. Sachez qu’elle a porté ses fruits auprès de la population.
Tels sont, mes chers collègues, brossés à grands traits, les quatre axes du texte qui vous est soumis. Je tiens à rappeler que celui-ci est largement le résultat d’un travail d’équipe.
Depuis Xynthia, de nombreuses catastrophes naturelles se sont produites : des inondations meurtrières dans le Var, le 25 juin 2010, de multiples ouragans aux États-Unis et, voilà quelques semaines, le 11 mars 2011, la triple catastrophe au Japon.
Notre société est extrêmement ingénieuse. Il faut en effet se féliciter chaque jour de l’avancée constante des progrès scientifiques. Toutefois, nous devons faire preuve d’humilité face aux transformations que nous imposons trop souvent à la nature.
C’est une certitude : d’autres Xynthia, de nouvelles catastrophes naturelles frapperont le territoire national. Le Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes, le CRED, de l’université de Louvain a montré que, pendant ces vingt dernières années, ce type d’événement de phénomène paroxystique avait plus que doublé par rapport aux périodes précédentes.
Nos amis scientifiques néerlandais nous ont montré que, lorsque l’élévation du niveau de la mer était de cinquante centimètres en un siècle – c’est ce qui est prévu pour le XXIe siècle –, les périodes de retour s’accéléraient et qu’un événement centennal avait une période de retour décennale.
Quelques semaines après l’ouragan Katrina aux États-Unis, Barack Obama déclarait : c’était une catastrophe naturelle, mais l’homme en était le complice ! Nous devons donc nous préparer afin de n’avoir jamais plus à prononcer de telles paroles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n° 173.
M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n° 173. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette double proposition de loi – je préfère l’appeler ainsi plutôt que de parler de deux propositions de loi – tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine a d’abord un grand mérite, loin d’être anodin : lutter contre l’oubli ou contre une forme d’oubli, qui s’appelle la banalisation.
Nous sommes toujours menacés par l’oubli. Ce qui nous semblait essentiel à la fin du mois de février 2010, nous avons déjà tendance à en relativiser l’importance au début du mois de mai 2011. Nous prenons en effet en compte le coût des mesures à prendre, la rareté de l’argent public, les sacrifices à consentir, y compris pour ceux qui doivent abandonner leur habitation. Voyant toutes ces contraintes s’accumuler, nous nous concentrons sur les difficultés du moment pour oublier finalement le risque de tempêtes futures en nous disant « nous avons le temps ».
Pourtant, le temps presse !
La tempête Xynthia nous a rappelé avec cruauté, comme Bruno Retailleau l’a souligné, que nos sociétés, même si elles possèdent une technologie hautement développée, restent d’une très grande fragilité face aux catastrophes naturelles.
Selon les chiffres qui viennent de nous être communiqués par le cabinet Ubyrisk, de 2001 à 2010, six cent soixante-dix catastrophes naturelles ont frappé notre pays, soit soixante-sept par an. Parmi elles, nous trouvons non seulement la canicule, notamment celle de 2003, responsable d’un nombre considérable de morts, mais aussi les avalanches, les tempêtes, les inondations, en particulier cette forme spécifique que constituent les submersions marines. Au total, ces événements ont causé la mort de plus de 15 000 personnes pendant cette période.
Ces catastrophes ont également un coût économique considérable : 30 milliards d’euros depuis 2001. J’appelle l’attention de chacun sur le fait que ce coût est nettement supérieur à celui de l’ensemble des mesures de prévention que nous devons envisager de prendre.
Cependant, même s’ils sont déjà considérables, tous ces chiffres sont marginaux si nous les comparons à ceux de l’ensemble des dommages causés dans le monde par des catastrophes naturelles. Pour la seule année 2010, 304 000 morts ont été recensés, et ce sans compter le séisme au Japon. Le coût économique s’est élevé, selon l’assureur Swiss Re, à 218 milliards de dollars pour la même période.
En outre, cela vient d’être dit, ces catastrophes majeures ont tendance à s’accélérer. L’une des causes est bien identifiée : le dérèglement climatique. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a noté que le niveau moyen de la mer devrait augmenter de neuf à quatre-vingt-huit centimètres entre 1990 et 2100. La fourchette est un peu large, mais la tendance, on le voit bien, est probablement supérieure à un demi-mètre. Les scientifiques néerlandais ont calculé qu’une telle augmentation multipliera les phénomènes météorologiques extrêmes. Selon le chiffre qui nous a été communiqué aux Pays-Bas, une simple élévation de cinquante centimètres du niveau de la mer pourra entraîner dix fois plus d’événements de ce type, le risque centennal devenant un risque décennal.
Nous savons donc que le risque de voir se former une nouvelle tempête Xynthia s’accroîtra dans les années à venir. Un tel phénomène provoquera des dommages de plus en plus importants. La raison, que nous avons soulignée dans le rapport, est simple : le nombre de personnes vivant le long du littoral augmente. Aujourd'hui, près de 40 % de la population mondiale vit à moins de cinquante kilomètres des côtes. En France, le littoral a absorbé un quart de la croissance de la population française, soit deux millions d’habitants, entre 1936 et 1968. Cette tendance va s’accélérer.
Le risque d’inondation est d’ores et déjà le premier risque de catastrophe naturelle en France. Il concerne une commune sur trois, dont mille communes du littoral.
Mes chers collègues, Xynthia, ses dizaines de morts, ses milliers de sinistrés, sa désolation ont provoqué une émotion intense dans notre pays. À mon tour, je tiens à saluer les familles des victimes et à m’associer aux paroles qui ont été prononcées tout à l'heure à l’intention de tous ceux qui ont porté secours à cette population en détresse.
À la demande de M. le président Larcher et du Sénat unanime, notre commission a créé une mission d’information. Je tiens à saluer une nouvelle fois l’esprit dans lequel cette mission a été conduite, à remercier en particulier son président, Bruno Retailleau, qui a déployé une énergie fantastique pour mener à bien des tâches particulièrement difficiles.
M. le président. Tout à fait !
M. Alain Anziani. Je vous rappelle que nous avons abouti à un accord, chose rare, ce qui montre notre sens de l’intérêt général.
Notre rapport dénonce les insuffisances du système d’alerte, la prévision météorologique pas toujours à la hauteur des attentes, la prévention, le droit des sols sans doute pas non plus tout à fait fiable, la gestion des digues méritant certainement une vigilance croissante.
Nous les dénonçons pour une raison simple : si, à l’évidence, nous n’éviterons jamais les catastrophes naturelles, nous avons, nous, la responsabilité, politique dirais-je, de faire en sorte que les dommages causés par ce fléau naturel et ses conséquences puissent être de moins en moins importants.
Notre mission de parlementaires ne doit pas se limiter à rédiger rapports ; elle nous oblige à tirer des conclusions législatives d’une situation. C’est ce que nous faisons aujourd’hui au travers de cette double proposition de loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Anziani. À cet égard, je tiens à remercier les deux commissions qui les ont enrichies, la commission de l’économie, que vous présidez, monsieur Emorine, et la commission des lois – j’ai une pensée pour son président, M. Hyest – ainsi que nos deux rapporteurs.
Qu’avons-nous constaté et quelles leçons en tirons-nous aujourd’hui ?
Tout d’abord, un premier constat laisse presque pantois : nous sommes aveugles devant l’évidence. Le risque d’inondation, le premier des risques naturels avons-nous dit, est ignoré dans notre droit. C’est stupéfiant ! Nous avons tellement sous-estimé le risque d’inondation qu’il n’apparaît pas de façon explicite dans notre droit.
Pourtant, la France compte huit cent soixante-quatre communes qui se situent entre zéro et deux mètres au-dessus du niveau de la mer. Dans ces communes, nous n’avons trouvé que quarante-six plans de prévention des risques naturels approuvés, alors que 235 000 maisons y ont été construites.
De même, nous avons été frappés, dans les zones les plus exposées, par la quasi-inexistence des plans communaux de sauvegarde et, s’ils existaient, par la faiblesse parfois de leur contenu, il faut l’avouer.
Nos propositions de loi remédient, je l’espère, à cette déficience de la prévention. Le risque de submersion est enfin intégré dans les différents documents de prévention. Les plans de prévention des risques d’inondation, les PPRI, deviennent obligatoires, de même que les plans communaux de sauvegarde, avec des exercices de simulation.
Ensuite, tout au long de notre mission, nous avons également constaté le développement d’une urbanisation, que je me permettrai de qualifier de complaisance.
Ici ou là, des lotissements ont été construits dans des zones manifestement dangereuses. Dans la cuvette de La Faute-sur-Mer, un plan d'occupation des sols, ou POS, élaboré voilà vingt-cinq ans, classait en zone NA, c'est-à-dire urbanisable à court terme, le secteur qui a connu le plus grand nombre de victimes.
Ailleurs, des maisons ont été édifiées sans permis ou, dans quelques cas, sur le domaine public maritime de l’État, toujours directement en front de mer, c’est-à-dire dans la zone la plus exposée au risque. Cent cinquante maisons ont été ainsi illégalement construites dans le secteur de la Pointe sur la commune de L’Aiguillon-sur-Mer.
L’article 4 du texte rompt avec un droit de l’urbanisme aveugle sur l’essentiel. La protection des vies humaines devient une condition du droit de construire.
Cet objectif s’accompagne de mesures simples : plus de permis tacites dans les zones à risque ; mise en conformité des plans locaux d’urbanisme, des cartes communales et des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, avec les plans de prévention des risques d’inondation, qui occupent désormais une place primordiale dans la hiérarchie des normes ; pouvoirs donnés au préfet pour faire appliquer ces règles en cas d’inaction des responsables locaux.
L’État devra toutefois se donner les moyens d’assurer un contrôle de légalité, lequel est souvent devenu, pour des raisons budgétaires, une véritable « passoire », pour reprendre une expression qu’il nous est arrivé d’entendre. La vérité est là : entre 2000 et 2009, les représentants de l’État en Vendée et en Charente-Maritime n’ont effectué que quarante-neuf recours devant le juge administratif, c’est-à-dire moins de 0,01 % de la totalité des cas de recours.
Notre troisième grande proposition porte sur les ouvrages de protection.
Nous connaissons tous le débat sur les digues. Selon nous, la digue n’est pas une protection absolue.
M. Roland Courteau. C’est bien de le rappeler !
M. Alain Anziani. Ce serait une erreur de penser que, à elle seule, elle annulerait tout risque. Elle n’est pas davantage un moyen d’échapper à la délimitation de zones non constructibles ou même à la destruction d’habitations exposées à un risque mortel. La digue, comme les dunes, sont pour nous des solutions nécessaires, mais non suffisantes.
La mise en œuvre de cette solution nécessite d’identifier qui est propriétaire de l’ouvrage, car nous savons qu’il existe des digues orphelines, qui le gère et selon quelles normes – des normes qu’il nous appartiendra de définir ! –, qui le contrôle et, comme toujours, qui finance.
Je crois que nos deux propositions de loi comportent sur tous ces points des avancées significatives, notamment en favorisant les mécanismes de transferts de propriété des digues abandonnées.
Reste la question primordiale du financement. Selon nos estimations, un kilomètre de digue nécessite 1 million à 2 millions d’euros.
Nous avons proposé d’accroître les ressources du fonds Barnier. Le Gouvernement vient de nous opposer, au travers d’un amendement, que ces ressources étaient suffisantes. J’espère qu’elles le seront durablement et qu’elles éviteront de recourir aux contributions locales, ce qui a été le cas au cours des dernières années. Sans doute nous fournirez-vous toutes les précisions nécessaires à cet égard, monsieur le secrétaire d’État.
De même, je constate que l’idée de moduler le taux de la future taxe d’aménagement en fonction de l’exposition au risque a fait l’objet de critiques, dont je comprends le sens. Selon ses détracteurs, elle ne serait pas en accord avec le principe de solidarité.
Je rappelle que cette idée nous vient des Pays-Bas, où cette modulation des ressources, et donc des prélèvements, en fonction des risques est appliquée de façon bien plus systématique que ce que nous proposons.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Alain Anziani. Pour notre part, nous souhaitons laisser les communes libres de moduler les cotisations et les futurs taux de la taxe d’aménagement en fonction des risques. Ces recettes iront dans les caisses des communes. Celles qui ne souhaiteront pas avoir recours à cette modulation seront tout à fait libres de ne pas le faire.
Je voudrais également émettre deux vœux.
Tout d’abord, je souhaite que ce texte trouve une issue rapide devant l’Assemblée nationale. Outre que cela nous ferait plaisir, ce qui n’est pas le plus important, ce serait faire œuvre utile. J’invite donc nos collègues députés à inscrire très rapidement ce texte à l’ordre du jour de leurs débats.
Ensuite, je souhaite que l’État joue son rôle.
Sans une volonté forte de l’État, plusieurs préconisations de notre rapport qui ne relèvent pas de la loi n’aboutiront jamais. Évidemment, tout ne relève pas de la compétence du législateur ...
Le rapport évoque la nécessité de renforcer la prévision météorologique ou la prévision des risques à terre, de modifier profondément les systèmes d’alerte dont la défaillance a été la cause de pertes de vies humaines, de coordonner les différentes zones de défense – nous avons constaté, à notre grand effarement, que des accidents entre hélicoptères de différentes régions auraient pu se produire ! –,...
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est vrai !
M. Alain Anziani. ... et de renforcer le contrôle de légalité en y affectant des moyens en personnel.
J’observe également que la commission des finances a opposé l’article 40 à un amendement tendant à élargir la procédure d’expropriation pour risque naturel majeur aux érosions marines. Nous connaissons les vertus et les vices de cet article … Pour ma part, je considère qu’il est véritablement nécessaire de prendre en compte ce type de risque.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Alain Anziani. Je m’adresse au représentant du Gouvernement : il y a là un gisement majeur de catastrophes et de pertes de vies humaines. Invoquer l’article 40 ne permettra pas de résoudre la question ! J’appelle donc le Gouvernement à trouver une solution pour régler le problème dans son entier. Nous aurons ainsi fait œuvre utile.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est rare de pouvoir faire œuvre utile, concrète. Je crois que c’est le cas aujourd’hui, et je tiens à vous en remercier tous. (Applaudissements.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons fait suite au rapport de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.
Je ne reviendrai ni sur les évènements tragiques qui se sont déroulés en ce mois de février 2010, que nous avons tous à l’esprit et au cœur, ni sur le rapport de la mission sénatoriale que viennent de rappeler nos collègues MM. Retailleau et Anziani. Je m’attacherai à présenter brièvement les travaux et réflexions de la commission des lois, dont une bonne partie d’entre eux ont reçu un écho favorable au sein de la commission de l’économie. Je tiens d’ailleurs à en remercier son président, Jean-Paul Emorine, et son rapporteur, Bruno Retailleau.
La commission des lois a souhaité se saisir pour avis des dispositions qui ressortissent à sa compétence, c’est-à-dire celles qui concernent l’urbanisme, la sécurité civile et le régime de propriété des digues.
L’empilement des documents d’urbanisme n’est pas un élément de lisibilité et la multiplication des prescriptions qu’ils doivent contenir n’est pas un gage d’efficacité. C’est pourquoi la commission des lois n’a pas souhaité la création, à l’article 19, d’un nouveau document, le schéma d’aménagement des zones littorales à risque, pas plus qu’elle n’a souhaité voir introduites, tout au long du texte, des mentions spécifiques concernant les submersions marines. Elle a considéré que la loi du 13 juillet 2010 dite « Grenelle 2 » a clarifié et précisé ce point, en anticipant d’ailleurs sur les conclusions de la commission d’enquête.
De même, il lui est apparu que, dès lors que le code général des collectivités territoriales imposait l’inventaire des risques de toute nature aux schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques, il n’y avait pas lieu de mentionner ces risques-là en particulier. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 11.
D’une façon plus générale, la commission des lois s’est interrogée sur la cohérence et la complémentarité entre le code de l’environnement et le code de l’urbanisme. Elle a estimé qu’il y avait nécessité de rapprocher les deux de façon opérationnelle.
Si le code de l’environnement s’attache à protéger la biodiversité, au premier rang de laquelle se situe, tout naturellement, la protection des vies humaines, le code de l’urbanisme ne peut se limiter à une approche de gestion des sols et se doit d’intégrer les prescriptions environnementales dans ses cartes et règlements.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Pour la commission des lois, le plan local d’urbanisme est l’outil naturel de la synthèse des différentes prescriptions et, par conséquent, se doit d’intégrer fidèlement les éléments et cartes du plan de prévention des risques naturels prévisibles, le PPRN, et du plan de prévention des risques technologiques, le PPRT. C’est pourquoi je vous proposerai, au travers d’un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 19, de rappeler que le PLU peut restreindre l’occupation des sols en raison de l’existence de risques naturels, comme cela a été fait pour les SCOT. Ce dispositif viendra compléter le mécanisme adopté par la commission de l’économie.
Poursuivant le même objectif, la commission de l’économie a souhaité retenir la formulation selon laquelle le PLU ne doit pas contenir de dispositions contraires aux PPR. Nous lui aurions préféré la notion de mise en compatibilité.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Cela a fait l’objet d’un long débat !
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Dans le souci de rapprocher les deux points de vue et d’établir un consensus, je vous proposerai un amendement replaçant l’autorité gestionnaire du PLU au cœur de la procédure de révision du PLU si celui-ci doit être modifié à la suite de l’entrée en vigueur du PPR. En effet, il est tout à fait important que l’autorité gestionnaire du PLU ait la main sur la mise en compatibilité des deux documents.
S’agissant de la protection des individus, nous avons proposé une procédure de modification allégée du PLU, que la commission de l’économie a retenue, afin de mettre sans délai les deux documents en cohérence. Dans le même souci de rapprocher les codes de l’urbanisme et de l’environnement, nous souhaitons que les outils de la loi Littoral puissent venir en appui aux documents d’urbanisme.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Reprenant un amendement adopté par la commission des lois, qui, lui-même, reprenait l’une des préconisations de la mission commune d’information, je vous proposerai ainsi de permettre l’utilisation de cette loi dans une optique de prévention des risques littoraux.
Je regrette que l’article 20, qui prévoyait de délimiter des zones à risque où pouvait être institué un droit de délaissement, ait été supprimé. C’était un complément utile à la bonne articulation entre les codes de l’environnement et de l’urbanisme.
Il apparaît que les drames que nous avons connus ne tiennent pas tant à un défaut de texte qu’à la mise en cohérence des textes existants et à leur mise en œuvre. C’est le sens des travaux de la commission d’enquête et de nos deux commissions.
Il apparaît très clairement dans le même temps que nous n’avons pas assez développé la culture du risque. C’est le sens de l’article 13, qui institue une journée nationale de prévention des risques naturels.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Même s’il relève plus d’une logique réglementaire, la commission des lois souscrit à sa rédaction, tant le développement de cette culture est essentiel pour contribuer à prévenir les risques, et surtout leurs conséquences.
À l’article 12, nous sommes d’accord avec la commission de l’économie pour rappeler le principe de la responsabilité de l’État en matière de secours, au titre de sa mission essentielle de protection des populations. Nous avons donc prévu que l’État apporte son appui aux communes pour l’élaboration des plans communaux de sauvegarde, dont je veux rappeler ici l’extrême importance pour l’alerte, le déclenchement et l’organisation des secours. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements.
Je me félicite, par ailleurs, de la « priorisation » des appels d’urgence, qui fait l’objet de l’article 14.
À l’article 7, enfin, qui vise à proposer un dispositif de transfert de propriété publique d’ouvrages de défense contre la mer afin de clarifier le régime de propriété de ces biens, la commission des lois a souhaité prévoir, dans tous les cas, l’accord de la personne publique propriétaire au dessaisissement de son bien afin que le transfert intervienne en toute connaissance de cause.
À ce propos, je voudrais évoquer la question des digues orphelines, dont beaucoup s’inquiètent, afin d’en permettre un entretien régulier. Ce sujet est en effet revenu de façon récurrente au cours de nos travaux.
Je veux rappeler que le code général de la propriété des personnes publiques permet déjà de régler cette question par la mise en œuvre de la procédure des biens sans maître : à l’issue d’une procédure respectant les droits des propriétaires qui pourraient apparaître en cours, la commune dans laquelle le bien est situé peut l’incorporer dans le domaine communal. À défaut, la propriété est attribuée à l’État. La loi permet donc déjà de régler le sort de la propriété des digues orphelines et de désigner un propriétaire clairement identifié : celui-ci devra assumer les responsabilités correspondantes, tenant notamment à l’entretien et à la remise en état de l’ouvrage.
Je souhaite que la mobilisation unanime du Sénat à travers la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, mission dont les déplacements, auditions et réflexions ont abouti au texte que nous examinons aujourd'hui, permette à l’avenir de mieux prévenir et gérer les risques de submersion marine et d’assurer la sécurité des populations concernées.
Les témoignages émouvants, qui font état des souffrances et du désarroi des victimes, recueillis lors de nos déplacements en Vendée et en Charente-Maritime ont renforcé notre détermination à mettre en œuvre un dispositif de prévention efficace et solidaire. Je m’associe donc au vœu d’Alain Anziani pour que la proposition de loi vienne rapidement en discussion à l’Assemblée nationale.
Au-delà de ce texte nécessaire, je soulignerai que la seule prévention qui vaille ne peut découler que de la mobilisation et de la collaboration de tous les acteurs : l’État, les collectivités territoriales, les services publics et les citoyens eux-mêmes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour commencer de saluer le travail remarquable, et remarqué, de la mission d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia et de remercier plus particulièrement son président, Bruno Retailleau, ainsi que son rapporteur, Alain Anziani, auteurs de la double proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine aujourd’hui discutée devant votre Haute Assemblée.
La mission d’information aura grandement contribué à nous permettre d’atteindre notre objectif, qui était de tirer tous les enseignements possibles de la tempête Xynthia et de le faire en restant mobilisés, sans céder à la facilité de l’oubli et sans non plus que la mémoire du risque s’estompe.
Xynthia a causé cinquante-trois décès en France. En Charente-Maritime seulement, plus de 700 personnes ont dû quitter leur maison et 2 500 personnes ont été hébergées en urgence lors de cette terrible nuit.
Notre première priorité aura été de remettre à niveau les digues de protection endommagées par la tempête ; nous avons ensuite rapidement travaillé sur les zones de solidarité.
Compte tenu de la très grande émotion provoquée par Xynthia, nous avons souhaité qu’une solution d’urgence soit trouvée.
Nous avons ainsi défini, en avril 2010, les zones dans lesquelles l’État proposerait de racheter les maisons, notamment parce que certaines personnes avaient été traumatisées et voulaient déménager. Cela concernait 1 574 habitations et, à ce jour, 1 129 biens ont fait l’objet d’un accord pour une acquisition amiable.
Dans la phase suivante, après un examen évidemment approfondi de chaque situation, un périmètre des zones exposées à un risque grave contre lequel aucune protection n’est possible, et donc au sein desquels les propriétaires sont voués à l’expropriation, a été proposé.
En Vendée, l’expertise s’est achevée en octobre.
En Charente-Maritime, l’expertise a été rendue en février pour huit des douze zones concernées ; avec le programme de travaux de protection du conseil général, elle pourra être achevée avant l’été pour les quatre zones restantes.
Grâce aux dispositions exceptionnelles qui ont été adoptées en lois de finances par le Parlement, la trésorerie du fonds Barnier s’est révélée suffisante. À ce jour, 284 millions d’euros ont été mobilisés par l’État sur ce fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les acquisitions à l’amiable.
J’ajoute que les ressources annuelles du fonds Barnier, qui s’élèvent à 165 millions d’euros, paraissent, à ce jour également, suffisantes pour faire face à nos différents programmes de travail, qu’il s’agisse du plan « Submersions rapides », soit 80 millions d’euros par an, du plan « Séisme Antilles », soit 25 millions à 30 millions d’euros par an, des opérations de délocalisation, soit 35 millions d’euros, ou encore de la mise en œuvre des PPR, soit 15 millions d’euros.
De manière peut-être plus générale, je voudrais également évoquer la politique de prévention des inondations.
En la matière, Xynthia a livré des leçons, à commencer par des leçons sur les PPR, qui sont contestés ou au contraire parfois accusés de trop contraindre le développement des territoires. L’actualisation de ces documents est un défi qu’il va nous falloir relever.
Toujours en matière de prévention des inondations, Xynthia a fait apparaître que nous étions confrontés à un autre véritable défi : l’entretien et la gestion des digues
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le rapporteur, et la mission d’information l’a clairement démontré, nombre de digues n’ont pas de responsable actif et parfois même pas de responsable identifié, ce qui a bien évidemment des conséquences sur leur entretien. En outre, les responsables, publics ou privés, ne sont pas forcément, il faut l’admettre, à la hauteur des enjeux techniques ou des contraintes financières que cet entretien exige.
Nous avons d’ores et déjà commencé à agir à travers le plan « Submersions rapides », qui a pu utilement tirer profit des recommandations de la mission.
Rappelons que l’État y consacrera 500 millions d’euros, principalement via le fonds Barnier, sur la période 2011-2016, ce qui permettra de conforter 1 200 kilomètres de digues.
Ce plan, qui couvre l’ensemble des axes de la prévention du risque, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la directive relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, dite « directive inondation », et de la stratégie nationale de gestion du trait de côte.
Son premier objectif est la réduction de la vulnérabilité.
Il a été demandé aux préfets littoraux de recenser les territoires qui doivent faire l’objet de plans de prévention des risques littoraux de manière prioritaire. Ont ainsi été identifiées deux cent quarante-deux communes où un PPR doit être élaboré et approuvé dans un délai de trois ans et soixante-huit communes dont le PPR devra être révisé.
Enfin, il ne s’agit évidemment pas pour nous d’aborder la réduction de la vulnérabilité uniquement par le biais de l’élaboration de PPR dans les communes les plus menacées.
J’ai bien entendu vos remarques, monsieur le rapporteur pour avis : il convient également d’élaborer des projets d’aménagement intégrant prévention des risques et objectifs de développement, par exemple via des SCOT expérimentaux sur le littoral ou via l’urbanisme de projet, démarche que j’ai lancée qui permet d’adapter les règles à un projet durable plutôt que l’inverse.
Vous avez, les uns et les autres, évoqué les techniques utilisées en la matière aux Pays-Bas. On peut également prendre l’exemple de l’Allemagne, notamment d’Hambourg, où des techniques particulières permettent de réduire la vulnérabilité au risque, tout en protégeant le développement du territoire.
Il s’agit là d’un équilibre qu’il est impératif de prendre en considération.
L’enjeu est d’autant plus essentiel qu’il est lié à une tendance de la démographie française, déjà forte à la fin des années soixante comme les chiffres que vous avez cités le montrent, à savoir la forte progression démographique dans toutes les zones littorales, que ce soit sur la façade atlantique comme sur la façade méditerranéenne. Les projections de l’INSEE à l’horizon de 2040 font ainsi apparaître une hausse de 20 % dans ces zones alors que la hausse sera de moins de 10 % pour le reste du territoire.
Dans ces zones où les flux démographiques vont ainsi se concentrer, il nous faut donc trouver un équilibre entre l’indispensable réduction de la vulnérabilité au risque et la nécessité d’assurer le développement. À cet égard, nous disposons d’exemples étrangers particulièrement instructifs, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas.
Après la réduction de la vulnérabilité, le deuxième objectif du plan est l’amélioration de la chaîne vigilance- prévision-alerte.
Météo France mettra en place, à partir de la fin de cette année, une vigilance vagues-submersion marine à la côte à l’échelon départemental. Grâce au code couleur en vigueur – orange, rouge –, un niveau de vigilance sera défini en fonction des différents critères qui permettent d’apprécier le danger de submersion.
Notre troisième objectif concerne les ouvrages de protection.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Anziani, un travail considérable de recensement – il porte sur plus de 8 000 kilomètres d’ouvrages – a été entrepris. L’un des objectifs est de trouver aux digues dites « orphelines » un ensemble propriétaire-gestionnaire qui pourra prendre en charge le renforcement et l’entretien de ces ouvrages.
L’enjeu d’une maîtrise d’ouvrage solide est bien évidemment crucial et il me semble que la proposition de loi dont nous débattons ouvre en la matière des pistes très utiles.
À ce stade des réflexions, il est plutôt envisagé de faire émerger des maîtrises d’ouvrage locales solides, sachant que, pour les digues, il est difficile de trouver un schéma unique sur tout le territoire.
Selon les cas, la gestion des digues a été prise en charge par des communautés de communes, par le département, par des syndicats mixtes – je pense notamment au SYMADREM, sur le Rhône – regroupant plusieurs niveaux de collectivités.
Du coup, les possibilités sont nombreuses, et la question reste ouverte : faut-il maintenir cette diversité en créant localement un établissement souple dans les collectivités qui adhérent ou bien créer un schéma unique fondé, par exemple, sur la compétence des EPCI à fiscalité propre, dotés d’un budget annexe ? Il nous appartiendra d’examiner toutes ces pistes.
S’agissant du financement des travaux de confortement des ouvrages de protection, le Gouvernement a entendu la demande que vous exprimiez, monsieur Retailleau.
Vous souhaitez que soit accordé à titre transitoire un taux de 40 % d’aide tant que le PPR prescrit n’est pas approuvé, contre un taux de 25 % actuellement, relèvement du taux qui, bien sûr, ne pourra s’appliquer que pendant une période limitée, à savoir le temps d’approuver le PPR, afin d’encourager son élaboration. Sachez que le Gouvernement présentera un amendement reprenant votre idée afin de ne pas prendre de retard dans la réalisation des travaux de protection sur le littoral.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est parfait !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le dernier objectif a trait à la préparation à la gestion de crise et la culture du risque, point qui, à l’évidence, doit constituer un élément structurant du texte.
Cela a été dit, la culture du risque japonaise a fait la preuve de son efficacité à l’occasion des trois types de crise que vient, hélas ! de subir le Japon. Tous, nous avons été frappés par le sérieux de l’ensemble des populations et par leur capacité à appréhender et, dans une certaine mesure, à gérer le risque.
La culture du risque « à la française » est, nous en avons tous conscience, d’une nature très différente. Elle est en fait à créer.
M. Roland Courteau. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Jusqu’à présent, le modèle que nous avons développé avait plutôt pour objet de tendre au « zéro risque ». C’est d’ailleurs la vocation même des PPRI dans leur forme actuelle.
Il s’agissait d’annuler le risque, alors que nous devons essayer de vivre avec le risque. Adopter cette dernière approche, qui relève d’une tout autre philosophie, est évidemment un enjeu essentiel en termes de développement.
La proposition de loi permet en la matière une avancée majeure. Désormais, grâce à elle, les plans communaux de sauvegarde, qui servent à organiser l’alerte et l’évacuation des populations, devront être élaborés par les communes dès qu’un PPR sera prescrit, et plus seulement lorsque le PPR est approuvé.
Je terminerai par la question de la gouvernance adaptée aux enjeux dont nous débattons.
Nous allons mettre en cohérence la politique et les outils que nous définissons cet après-midi dans le cadre d’une instance de gouvernance pluripartite, rattachée à la fois au Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs et au Comité national de l’eau. Cette instance pilotera et suivra l’ensemble des actions accomplies dans le domaine de la prévention des inondations. Il est fondamental que la politique menée en la matière soit partagée par tous les acteurs, au premier rang desquels figurent, bien évidemment, les collectivités locales. Nous avons donc missionné les présidents de ces deux comités – les députés Christian Kert et André Flajolet –-, afin qu’ils nous fassent des propositions d’organisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout comme vous, un an après la catastrophe, l’État reste mobilisé. Nous avons avancé du point de vue de la compréhension des enjeux et, espérons-le, de la connaissance des dangers. À la faveur d’une large concertation, nous nous sommes fixé des objectifs clairs. Nous allons donc les réaliser, dans la durée, tout en menant à terme des projets de qualité.
La double proposition de loi qui nous est soumise est une étape essentielle pour y parvenir. Je souhaite donc en remercier ses auteurs ainsi que le rapporteur et le rapporteur pour avis de l’aide qu’ils nous fournissent aujourd'hui afin de mettre en place les outils nécessaires à une meilleure gestion, à l’avenir, des risques naturels. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de ces deux propositions de loi identiques est le motif d’une grande satisfaction. En réponse à la catastrophe résultant de la tempête Xynthia, elles prouvent une fois de plus que le Sénat sait être réactif et tirer au plus vite les enseignements de l’expérience. À peine plus d’un an après les faits, nous allons en effet adopter un texte dont la nécessité n’est plus à démontrer.
Le 28 février 2010, la tempête Xynthia a violemment frappé la France. Le littoral atlantique – notamment les départements de Vendée et de Charente-Maritime – a été durement touché. Mais, ne l’oublions pas, la tempête a aussi traversé une partie de notre territoire et a touché l’intérieur des terres. De sérieux dégâts ont été relevés dans des départements relativement éloignés du littoral. Ainsi, dans celui des Hautes-Pyrénées, dont je suis l’élu, un certain nombre de forêts ont été mises à mal et plus de 70 000 mètres cubes de bois ont été massacrés. C’était très impressionnant. Fort heureusement, mon département n’a eu à déplorer aucune perte humaine.
Dans les zones les plus touchées, le bilan humain de la tempête est terrible : 53 morts, 79 blessés et un demi-million de personnes affectées à des degrés plus ou moins graves, notamment du point de vue psychologique. Les dégâts ont été estimés à pas moins de 2,4 milliards d’euros. Comme nous le savons tous, si la tempête était inévitable, le drame qu’elle a provoqué comme la polémique qui s’est ensuivie auraient pu être évités.
Loin de moi cependant l’idée de stigmatiser les manquements relevés. Mais, au hasard malheureux d’une météorologie apocalyptique, ce drame a révélé au grand jour les lacunes du droit en matière de protection des populations face aux risques de catastrophes naturelles, tempêtes ou séismes, plus particulièrement face au risque de submersion marine ou de tsunami. Ce manque de préparation a conduit à de graves défaillances, à une trop forte dilution de la responsabilité dans la chaîne de décision et au drame que l’on sait.
Néanmoins, je ne tiens pas à aller trop loin dans la condamnation, car, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, une chaîne de solidarité et une fraternité tout à fait exemplaires ont été mises en œuvre, épargnant ainsi des blessures psychologiques. Il était important d’apporter aide et réconfort aux victimes. Rendons donc hommage à toutes les personnes qui, avec beaucoup de dévouement, ont participé au sauvetage.
Depuis, d’autres événements dramatiques, en France ou à l’étranger – je pense évidemment au Japon –, sont venus nous rappeler que les phénomènes de submersion marine se produiront sans aucun doute de plus en plus souvent, et à des échelles qui font froid dans le dos.
En cet instant, je veux affirmer la nécessité de tenir compte des observations formulées par nos ancêtres à l’époque où les POS n’existaient pas. Certes, parfois, leur décision relative à une construction sur tel ou tel terrain était motivée par la volonté de protéger des terres agricoles, dont ils avaient un ardent besoin. Mais, de manière générale, par expérience, ils connaissaient les lieux appropriés ou non pour de nouvelles constructions, les zones risquant d’être affectées par une avalanche, par une coulée de boue ou encore par le débordement d’une rivière. Et ce savoir se transmettait de génération en génération.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est la mémoire du risque !
M. François Fortassin. Il convient de rétablir cette mémoire du risque, comme le dit M. le rapporteur, qui a tendance à s’estomper.
Il est dès lors fondamental de tout mettre en œuvre pour faire face à ces phénomènes climatiques violents. À défaut de pouvoir les contenir, il faut être en mesure de les prévoir et d’en minimiser les dégâts, en anticipant au mieux toutes leurs conséquences. Pour cela, la prévention et la préparation sont essentielles. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une fois passé le pic de la crise, l’enjeu primordial est aussi de rétablir au plus vite la distribution de l’électricité et de l’eau, les télécommunications ainsi que les liaisons routières et ferroviaires.
Permettez-moi, mes chers collègues, de formuler une remarque sur ce point. Quelquefois, le mieux peut être l’ennemi du bien. Nombreux sont ceux qui croient, au-delà d’un point de vue esthétique, que l’enfouissement des lignes électriques est la panacée et permettra de résoudre tous les problèmes. Or, généralement, les désordres constatés sur des lignes aériennes sont rétablis en une dizaine de jours. En revanche, si les lignes sont enfouies, les dégâts résultant de glissements de terrain, voire de simples mouvements du sol, moins facilement décelables, risquent de n’être réglés qu’au bout de plusieurs mois. Par conséquent, soyons extrêmement prudents !
Afin de faire évoluer la législation au plus vite, une mission commune d’information, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, a été créée au Sénat immédiatement après la tempête Xynthia. Je tiens à féliciter et à remercier son président, Bruno Retailleau, ainsi que son rapporteur, Alain Anziani, de leur gestion admirable de ses travaux et de la qualité de leur réflexion approfondie et aboutie.
Comme eux, je veux à mon tour souligner la sérénité et l’objectivité qui ont présidé aux dizaines d’auditions menées par la mission, permettant ainsi une réflexion sans tabou.
Nous avons désormais pris conscience qu’il est indispensable de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine, auquel la France est très mal préparée. Jusqu’à ce jour, les plans de prévention des risques d’inondation n’ont traité cette problématique que sous l’angle des crues, ce qui est insuffisant.
Les plans de prévention des risques ont été créés en 1995 par la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier ». Ce point ayant été rappelé précédemment, je n’insisterai pas.
Globalement, la culture du risque est jusqu’à présent quasiment inexistante dans notre pays. Espérons que les deux propositions de loi identiques y remédieront.
Ces deux textes sont primordiaux. Les travaux de la commission de l’économie et de la commission des lois ont permis de les fusionner, tout en apportant des améliorations importantes.
Soulignons, surtout sur des sujets majeurs comme ceux que nous traitons ce jour, le consensus politique qui s’est dégagé, ce qui est relativement rare. Lorsqu’il existe, nous devons nous en féliciter.
La proposition de loi que nous examinons aborde les questions du droit des sols, des ouvrages de protection, de l’indemnisation des victimes.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous livrer une réflexion de bon sens, allant au-delà de l’examen de ce texte, et de formuler une suggestion qui concerne tous les dérèglements climatiques et dont le coût serait peu onéreux. Loin de moi l’idée d’abattre des chênes tricentenaires, mais force est de constater que nombre de dégâts sont liés à des chutes d’arbres. Si vous élaboriez un décret interdisant toute plantation arborée à moins d’une certaine distance des espaces bâtis et des lignes électriques, en limitant leur hauteur à six ou huit mètres, par exemple, de nombreux dommages matériels, voire des pertes humaines, seraient évités. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à mon tour, je veux souligner à quel point les membres du groupe CRC-SPG ont été marqués par les conséquences humaines de la submersion marine liée à la tempête Xynthia et impressionnés par les services de secours qui sont intervenus sur le terrain.
Cette catastrophe a confirmé l’insuffisante culture du risque des régions littorales et les déficiences en matière d’urbanisme que la loi Littoral n’est pas parvenue à endiguer.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est le résultat des réflexions de la mission commune d’information et son intitulé traduit ce que tous ses membres ont ressenti sur le terrain, à savoir la nécessité de veiller à ce que l’aménagement intègre mieux la protection des vies humaines face aux risques.
Bien entendu, nous le savons tous, le risque zéro n’existe pas ! De ce point de vue, peut-être faudrait-il mieux identifier le risque considéré comme acceptable par la société aujourd'hui.
Le traitement spécifique mais intégré du risque de submersion marine avec les autres risques naturels me semble constituer une réponse à nos interpellations. En effet, envisager un risque requiert une vision large, car certains risques ont des conséquences sur d’autres, et les différents milieux ne sont pas imperméables les uns aux autres. Ainsi, comme le disent souvent les techniciens de ces domaines, l’effet domino est bien souvent très lourd.
Prendre également en compte l’érosion qui fragilise le littoral et qui peut accroître le risque de submersion marine et parler de « risques littoraux », c’est, selon moi, une bonne chose. Il est aussi indispensable de travailler sur la prévision de tels phénomènes de submersion, comme le suggèrent les auteurs du présent texte. Leur prévention, notamment par le biais d’un recensement et d’une évaluation du fonctionnement des ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines, est également essentielle. C’est pourquoi – j’insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, par expérience – l’analyse des risques ou, si vous voulez, l’étude de danger réalisée par les services de l’État doit associer les élus concernés et tous les acteurs de terrain, y compris la population.
Mme Marie-France Beaufils. En outre, l’idée selon laquelle la prise en compte des risques doit rester en permanence dans l’esprit de chacun doit être promue.
Je constate avec satisfaction que tel est l’objectif du texte, issu de deux propositions de loi identiques, que nous examinons aujourd'hui.
La nécessaire adaptation du droit des sols au risque de submersion marine constitue également un chapitre important de cette réforme, qui tire les conséquences des anomalies que nous avons constatées sur le terrain. Pour les collectivités concernées, l’interdiction des permis tacites dans les zones exposées aux risques naturels est l’un des aspects importants de la gestion de leur territoire.
J’émettrai cependant un certain nombre de réserves.
Si je ne nie pas que les collectivités locales ont une part évidente de responsabilité en matière de prévention des risques, le transfert d’un certain nombre de prérogatives sans les financements correspondants ne me semble pas une bonne idée.
En juin 2010, j’étais intervenue pour souligner l’absence de ressources humaines mises à disposition des petites communes pour la réalisation de leurs plans communaux de sauvegarde. Or le texte qui nous est soumis précise que les communes disposeront éventuellement de l’appui technique de l’État, qui pourra être délégué au conseil général ou à toute autre collectivité avec son accord.
Malheureusement, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la RGPP, la révision générale des politiques publiques, a fait fondre sur le terrain les effectifs des services de l’équipement. Face aux difficultés financières des conseils généraux, les communes risquent de se retrouver seules.
En outre, vous renforcez le droit de préemption des départements. Vous proposez de compenser les pertes des bases d’imposition que subissent les collectivités après toute catastrophe naturelle, mais le Gouvernement a déposé des amendements qui visent à abandonner ce mécanisme.
Enfin, vous proposez un dispositif d’expérimentation pour le transfert aux collectivités de la propriété d’ouvrages de défense contre la mer.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez formulé cette dernière proposition, car la propriété des ouvrages de protection contre les submersions marines, vous le savez, est un problème complexe et récurrent.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Tout à fait.
Mme Marie-France Beaufils. Toutefois, si nous nous contentons d’inciter les collectivités à demander des transferts de propriété, avec toutes les contraintes de gestion afférentes, sans leur donner les financements pérennes nécessaires pour y faire face, ces mesures ne pourront devenir effectives !
Pour renforcer le droit de préemption des communes dans les zones définies par les plans de prévention des risques naturels prévisibles, il faut donner à ces collectivités les moyens de garder ces territoires classés en zones dangereuses. En effet, nous le savons tous, des espaces non entretenus et inconstructibles sont très vite « habités » par des occupants sans titre – nous ne manquons pas d’exemples en la matière.
Pour financer ces propositions, ce texte tend à élargir la possibilité d’augmenter à 20 % le taux de la part communale de la taxe d’aménagement au motif de création ou de réhabilitation d’ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines.
Mes chers collègues, ajouter une nouvelle strate à une taxe qui n’est même pas encore entrée en vigueur et dont le montage complexe ne manquera pas de poser des difficultés ne me semble pas constituer une réponse appropriée. Toutefois, la discussion de ce texte apportera peut-être des éclaircissements à cet égard.
Le préfet aura un rôle important dans la mise en conformité des SCOT, des PLU et des cartes communales. Cependant, là encore, les moyens humains des services préfectoraux sont-ils suffisants pour exercer tous ces contrôles et ces révisions de plans et de schémas ? Pour faire respecter l’interdiction des permis tacites en zone dangereuse, il faudrait affecter un nombre plus important de personnes à l’examen des permis de construire et à l’instruction des autorisations du droit des sols. L’urbanisme français souffre toujours de la révision générale des politiques publiques, appliquée de façon abrupte et, bien souvent, sans discernement.
Enfin, je m’interroge sur les modifications que vous voulez apporter au régime CAT-NAT, c'est-à-dire relatif aux catastrophes naturelles. Une réforme est en cours, comme M. le rapporteur l’a signalé. Dès lors, pourquoi avoir proposé de transformer le plafond du prélèvement sur le produit des cotisations additionnelles de 12 % en un seuil fixe de 14 %, alors que l’article 18 de la proposition de loi, qui prévoyait de déterminer les modalités de calcul de la cotisation ou prime additionnelle par décret, a été supprimé lors de l’examen en commission, précisément parce qu’une réforme de ce régime était envisagée ?
Là encore, l’examen des amendements nous aidera peut-être à mieux cerner la situation.
Mme Marie-France Beaufils. Nous manquons clairement de visibilité sur les recettes de cette cotisation additionnelle à la cotisation principale des assurances qui est destinée à garantir le risque de catastrophe naturelle.
Monsieur le secrétaire d'État, que devient l’excédent qui ne sert ni à financer le fonds Barnier ni à indemniser les victimes ? Quel est son montant ? Jusqu’où pourra-t-on augmenter le taux de prélèvement sur ces cotisations additionnelles sans accroître la facture de l’assuré ? Telles sont les questions que nous nous posons, d’autant que, il faut s’en souvenir, lors de la grande sécheresse de 2003, certaines des ressources de ce fonds avaient été reversées au Fonds de garantie des assurances ou à l’État.
Le régime CAT-NAT doit rester solidaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Néanmoins, il nous faut nous interroger. Ne devons-nous travailler que sur la réparation des dommages ? N’est-il pas indispensable d’imposer des obligations lors de la construction de biens ? Ne serait-il pas intéressant d’introduire des modulations sur le montant de la prime d’assurance dont bénéficieraient les propriétaires qui respectent des contraintes spécifiques pour la construction de leur bien, et cela afin d’atténuer leur vulnérabilité aux risques ? Ces mesures, que je propose aujourd'hui, je les ai aussi défendues devant les responsables des sociétés d’assurance.
La construction d’une maison sur pilotis ou simplement comportant un étage dont le niveau est supérieur à celui des plus hautes eaux connues entraîne des coûts supplémentaires, certes. Toutefois, nous le savons, un bien qui a été mieux conçu, en y intégrant le risque, est aussi moins dégradé en cas de catastrophe.
Ce système incitatif, qui pousserait les propriétaires à faire le choix de l’adaptation à leur environnement et de la prévention des risques, participerait du nécessaire apprentissage de la culture du risque par tous les acteurs : habitants, entreprises, élus.
Par ailleurs, je regrette le silence du texte sur la loi Littoral. En effet, cette dernière a tout de même été significativement amoindrie en 2005 ; il serait temps de revenir sur les assouplissements accordés alors. En effet, l’affaiblissement et le contournement de la loi Littoral ont aussi accru les risques encourus par les populations.
La pente naturelle qui consiste à oublier l’existence de risques sur la côte, du fait de l’attrait de celle-ci, de son climat souvent clément, de la proximité des plages, de l’intérêt, y compris économique, que trouvent nos concitoyens à s’y installer, pose véritablement problème. Il convient de diffuser, ou de réintroduire, cette culture du risque dans les régions littorales.
Je terminerai mon intervention en soulignant que la culture du risque reste insuffisante dans notre pays.
La création d’une journée nationale de prévention des risques naturels est sans doute un premier pas, même s’il est modeste. Encore faut-il donner du sens et de la lisibilité à un tel événement et le coordonner avec les dispositifs existant à l'échelon international, qui sont brièvement évoqués dans le rapport pour avis de la commission des lois. Nous proposerons d'ailleurs un amendement en ce sens.
Au-delà, je me dois de répéter les propos que j’avais déjà tenus devant la mission d’information : il est indispensable de prévoir des temps de formation, non seulement pour les enseignants chargés de la sensibilisation et de l’éducation au risque, mais aussi pour les élus locaux, dont la responsabilité est de plus en plus souvent engagée en la matière. Tant qu’aussi peu d’acteurs se seront appropriés cette question sur le terrain, ce ne sera pas en décrétant une journée nationale de la prévention des risques naturels que cette dernière deviendra subitement effective et qu’elle sera appréhendée par tous.
Si les deux propositions de loi identiques ont le mérite de répondre au drame de la tempête Xynthia – elles visent à améliorer un certain nombre de dispositions des codes de l’urbanisme et de l’environnement afin de rendre plus cohérente l’articulation des documents d’urbanisme avec les plans de prévention des risques – et de donner aux préfets davantage de possibilités pour agir et participer à la réduction de ces risques, l’essentiel des efforts de financement est laissé aux collectivités.
En outre, une fois de plus, les ressources qu’il est prévu de mobiliser ne sont pas pérennes. Ainsi, un certain nombre de mesures seront malheureusement inopérantes. Pis, elles risquent d’être vécues par les collectivités comme un nouveau fardeau si celles-ci ne se voient pas attribuer des moyens supplémentaires.
Ce texte marque une étape, me semble-t-il, mais il faut accorder les ressources financières et humaines nécessaires et définir les mesures que notre société est prête à mettre en œuvre pour que soit intégré le risque, dès le stade de l’aménagement de nos territoires et de la construction des bâtiments.
Faute de réponse à ces questions, nous nous abstiendrons sur ce texte, même si nous souscrivons à ses orientations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que sénateur de Vendée et élu local, j’ai été particulièrement bouleversé par les conséquences de la tempête Xynthia, qui a sévi sur le territoire du département où j’exerce mes responsabilités, le 28 février 2010.
La conjonction de vents violents et de fortes marées a causé d’importantes inondations, qui ont elles-mêmes provoqué de lourds dégâts matériels ainsi que le décès de cinquante-trois personnes.
Deux mois plus tard, des inondations dans le Var ont fait encore vingt-cinq morts. Nous n’oublions pas toutes ces victimes, ni les familles si durement éprouvées. À mon tour, je veux remercier chaleureusement tous ceux qui ont porté secours ou participé à cet immense élan de solidarité, qui a fait tant de bien.
La violence des événements climatiques susceptibles d’entraîner une submersion marine des territoires situés sur le littoral doit retenir toute notre attention afin d’en limiter les effets sur les populations, faute de pouvoir agir sur les causes.
Comme dans toute situation de crise, les uns et les autres ont pu chercher à se décharger de leurs responsabilités : les services de l’État, les élus locaux, les promoteurs immobiliers ou les propriétaires. Tout le monde a tort et raison à la fois, puisque, en réalité, les responsabilités sont partagées. J’y insiste, car c’est ma conviction : il y a eu des insuffisances et des carences à tous les échelons en matière d’évaluation et de gestion du risque.
Certaines premières mesures d’urgence ont été prises, notamment le classement de centaines de maisons en zones « noires », rebaptisées ensuite « de solidarité », ou « jaunes ». Il s’agit maintenant de régler le problème au fond, d’anticiper ces phénomènes et d’en réduire les effets par des mesures concrètes.
L’examen de la présente proposition de loi, un peu plus d’un an après la catastrophe, est ainsi d’une importance capitale pour nos territoires et leurs habitants, afin que ces événements ne se reproduisent plus. Rien ne devra être comme avant Xynthia !
Avant tout, je tiens à saluer l’initiative du président du Sénat Gérard Larcher …
Mme Nathalie Goulet. Excellent ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Merceron. … et des élus de Charente-Maritime et de Vendée, qui ont décidé, dès le 10 mars 2010, soit dix jours à peine après les événements, de constituer une mission d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.
Je remercie tout spécialement nos collègues Bruno Retailleau, président de la mission d’information et rapporteur de la proposition de loi, et Alain Anziani, rapporteur de la mission d’information. L’efficacité du travail de cette structure a conduit, dans un calendrier resserré – trois mois ! –, à l’élaboration d’un rapport, dont les propositions, loin de rester dans un tiroir, ont été reprises dans le présent texte. Néanmoins, le temps de l’écoute et de la réflexion n’en a pas été écourté.
Cette proposition de loi, en cherchant à consolider une « chaîne de gestion du risque » en ce qui concerne tant la prévision que la prévention et la protection, prend en effet directement la suite des conclusions de notre mission d’information.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec conviction et émotion que j’apporte mon soutien et celui des sénateurs de l’Union centriste à cette proposition de loi.
D’une manière générale, je me félicite du travail de la mission et de la commission sur ce texte, pour sa méthode comme pour son esprit.
Parmi cet ensemble cohérent, je souhaiterais souligner certaines mesures qui, à mes yeux, doivent retenir plus particulièrement l’attention.
Je suis convaincu que le plan gouvernemental « Submersions rapides » permettra une approche globale efficace de la gestion des risques littoraux. J’apprécie notamment l’implication dans sa mise en œuvre de différents acteurs – ministères, autorités déconcentrées et élus locaux –, dans une perspective de responsabilité partagée et en vue de réduire la vulnérabilité des zones concernées.
Je pense également que le plan de prévention des risques d’inondation, destiné à s’appliquer à la fois aux cours d’eau en crue et aux littoraux, constitue un outil indispensable.
L’élaboration de plans de gestion des risques d’inondation, applicables pour chaque bassin homogène, permettra, pour sa part, de mettre en place une stratégie globale de prévention, de protection et de préparation aux situations de crise.
L’ensemble de ces outils constitue une avancée considérable par rapport aux plans actuels de prévention des risques.
D’autres mesures importantes viennent utilement renforcer la chaîne de gestion des risques. Je pense notamment aux dispositions qui concernent les digues. Je rappelle que la commune de La Faute-sur-Mer, village sinistré situé en dessous du niveau de la mer, était protégée par des digues, notamment celle de L’Aiguillon-sur-Mer. Encore faut-il que ces ouvrages soient correctement entretenus. Il est donc indispensable de veiller à ce que, tous les six ans, l’État élabore un plan d’action concernant les digues, à l’instar de ce qui se pratique aux Pays-Bas.
Je regrette seulement que l’épineuse question du morcellement de la propriété et de la gestion des digues n’ait pu être résolue. Il est en effet dangereux que de tels ouvrages ne soient pas la propriété de l’État ou celle d’une collectivité territoriale. On imagine sans peine la tentation pour chaque partie prenante de faire l’économie de mesures d’entretien coûteuses en renvoyant aux autres la charge et la responsabilité de celles-ci.
Il me paraît important que nos débats abordent cette question. La gestion locale opérationnelle de proximité doit être maintenue, tant pour la surveillance que pour l’entretien.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Jean-Claude Merceron. En revanche, je suis satisfait de voir que le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre le financement à hauteur de 40 % du fonds Barnier dans le cas où les communes chargées de l’entretien des digues ont souscrit un plan de prévention des risques.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Claude Merceron. Cela accélérera, à coup sûr, le programme de rénovation de ces ouvrages, avant même que le PPR ne soit définitivement adopté.
Une autre série de mesures que je souhaiterais souligner a trait à la primauté de la prévention des risques sur le droit de l’urbanisme.
On connaît la difficulté rencontrée par les préfets pour faire appliquer certaines précautions urbanistiques dans des zones fortement touchées par la tempête. La mission d’information avait donc recommandé un aménagement et un développement de l’espace littoral adapté au niveau du risque de submersion marine.
La proposition de loi, telle que la commission l’a réécrite, vise à ce qu’aucun PLU, SCOT ou carte communale ne puisse autoriser des constructions interdites par le plan de prévention des risques. Le texte n’est pas seulement un guide de bonnes pratiques, il s’attache aussi à la bonne exécution des mesures qu’il prescrit.
Ainsi, les pouvoirs de substitution du préfet à la commune, si celle-ci ne modifie pas un PLU contraire au plan de prévention des risques, m’apparaissent-ils comme absolument nécessaires.
Pour conclure, je rappellerai que, s’il faut avoir conscience des risques qui nous entourent, il n’est ni possible ni souhaitable de s’empêcher de vivre sur notre littoral.
Chacun connaît l’importance des ressources touristiques pour les collectivités installées sur le littoral. La proposition de loi ne doit pas empêcher que le littoral puisse, au même titre que la mer, être mis en valeur dans le cadre du schéma de cohérence territoriale.
Les maires doivent pouvoir organiser ce développement au travers d’un document de planification du développement du littoral, en cohérence avec le plan de prévention des risques. C’est d’ailleurs l’objet d’un amendement que je soumettrai à notre discussion et qui me semble un bon vecteur pour conduire l’aménagement économique du littoral en prenant correctement en compte les risques de submersion marine.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les propos liminaires que je souhaitais vous faire partager.
Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste apportera un soutien ferme à la présente proposition de loi et se félicite de l’excellent travail qu’a effectué sur ce texte notre commission, notamment son rapporteur. Cette proposition de loi constitue une réponse adéquate et attendue de la part des élus, des habitants et des familles des victimes de submersions marines.
En mettant en place la mission sénatoriale d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, nous nous étions engagés vis-à-vis de la population victime en disant : « Rien ne sera comme avant Xynthia ! ». La proposition de loi, qui, je l’espère, sera adoptée, le permettra assurément. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela a été dit avec beaucoup de force par nombre d’intervenants : il faut que les choses bougent ! Je ne saurais mieux dire.
Voilà un texte d’une extrême importance, un immense défi à relever et, d’emblée, je voudrais avoir une pensée pour les victimes et leurs familles.
Je tiens aussi, dès cet instant, à rendre un hommage appuyé à la mission commune d’information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, à ses membres, bien sûr, et, plus particulièrement, à son président, Bruno Retailleau, et à son rapporteur, Alain Anziani.
Je veux d’abord les féliciter pour la qualité de leur rapport intitulé Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames. Tout est dit en quelques mots. Il est en effet très vrai que, si les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées, les drames que celles-ci provoquent pourraient, eux, souvent l’être.
Voilà, en tout cas, une initiative qui aura déclenché une vaste réflexion collective pour comprendre ce qui s’est passé et faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent plus.
Je veux ensuite féliciter Bruno Retailleau et Alain Anziani pour leur initiative visant à formaliser, par ces deux propositions de loi, les recommandations de nature législative de la mission. Je pense en effet qu’il était capital de tirer toutes les conséquences de ces catastrophes naturelles, tout en faisant, comme cela a été dit, « un juste partage entre la fatalité, d’une part, et la prévention des risques, d’autre part ».
Globalement, le groupe socialiste est favorable à ces deux propositions de loi et aux principales dispositions qui nous sont soumises, à quelques remarques près, qui justifient d’ailleurs nos amendements. J’espère que, à l’issue de notre discussion, on pourra dire, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le rapporteur, qu’il y a eu un avant et un après Xynthia.
Notre pays est de plus en plus souvent confronté à des phénomènes météorologiques extrêmes et, donc, à de nombreuses inondations ou submersions marines. Je citerai, à titre d’exemple, la tempête Xynthia en Charente-Maritime et en Vendée, les récentes inondations dans le Var ou encore les terribles inondations dans l’Aude, en 1999. Dans tous les cas, ils ont provoqué des drames et des traumatismes durables. D’ailleurs, l’Aude, sur l’initiative de son conseil général et de son président, Marcel Rainaud, a, depuis lors, lancé un très important plan de prévention des crues : 130 PPRI et autant de plans communaux de sauvegarde.
Cela dit, la multiplication de ces phénomènes météorologiques liés au dérèglement climatique, qui ne vont malheureusement aller qu’en s’aggravant, doit impérativement et urgemment être prise en compte, notamment dans cette spécificité des risques que sont les submersions marines. En effet, jusqu’à présent, les plans de prévention des risques consacrés aux inondations ne traitent que des seuls risques de crues. Il faut le souligner avec d’autant plus de force que nous assistons, depuis ces dernières années, à un nouveau phénomène, je veux parler de la littoralisation, c’est-à-dire l’accroissement de l’occupation humaine des régions côtières. (M. le rapporteur opine.)
Dans un tel contexte, gardons-nous aussi d’omettre de prendre en compte cet autre phénomène qui résulte du réchauffement climatique : je veux parler de la hausse du niveau des océans et des mers. Ainsi, les extrapolations générales conduisent les chercheurs à prévoir une hausse évaluée entre quarante centimètres et un mètre à l’horizon de 2100 compte tenu des incertitudes concernant l’évolution des régions polaires. Voilà encore un élément à prendre en compte dans la perspective des mesures d’adaptation possibles et de la mise en œuvre des PPRI.
Ne faut-il pas considérer l’interdiction de constructions nouvelles, dans la « bande de cent mètres », comme un minimum ? À ce propos, nous reprenons volontiers l’amendement de M. de Legge. Examiné en commission mais non retenu, il permettrait notamment d’étendre la « bande de cent mètres » par le PLU pour limiter l’exposition des populations aux risques naturels.
Dois-je préciser que, à ces problèmes d’origine plutôt météorologique, il faudrait ajouter la prise en compte de certains autres phénomènes, d’origine géologique, tels que les séismes sous-marins et autres instabilités gravitaires susceptibles de provoquer ces phénomènes que sont les tsunamis ? Nulle mer, nul océan sur la planète n’est à l’abri de ce risque, et la France ne l’est pas davantage ! Il est à noter que ce type de risque est tout à fait distinct, dans ses causes et dans ses effets, de celui qui est relatif aux submersions marines issues des tempêtes.
Ces particularités plaident donc pour une prévention et une gestion particulières de ce risque avec, notamment, des dispositifs d’alerte totalement distincts des dispositifs d’alerte météorologique.
Croyez-moi, chers collègues, de tels phénomènes ne se manifestent pas que chez les autres ! Je laisse chacun libre de son interprétation, mais je tiens à le dire, sur trente ans, la décennie 2001-2010 est celle qui a connu le plus grand nombre d’événements dans le monde. Pour ce qui est de la France, les inondations par crues ou submersions marines arrivent largement en tête des événements dramatiques. On en a relevé cent trente-six en dix ans, comme Alain Anziani l’a rappelé tout à l’heure. Quant à l’année 2010, elle fut l’une des plus meurtrières depuis vingt ans. Qu’en sera-t-il de l’actuelle décennie ?
Et pourtant, une fois retombée l’émotion, l’oubli s’installe trop fréquemment ! Dès lors, entretenir le souvenir de tels drames serait certainement l’une des garanties qu’ils ne se reproduiront pas ou se reproduiront moins, à la condition aussi et surtout que nous développions une réelle culture du risque, comme savaient le faire avec efficacité nos anciens.
Or les nouvelles populations, aux cultures souvent plus urbaines, et au-delà d’elles, les nouvelles générations n’ont plus cette culture du risque. Pourtant, seules les sociétés qui auront su développer une culture des dangers de la nature et de la mer seront suffisamment préparées pour se protéger.
Oui, il importe par-dessus tout de redonner vie à cette culture et de la maintenir vivante, à l’image de certains pays, comme les Pays-Bas ! L’institution d’une journée nationale de prévention des risques naturels devrait, en partie, nous y aider, de même que les exercices de simulation, les actions de sensibilisation de terrain, dans le cadre de la mise en œuvre de plans communaux de sauvegarde destinés à être régulièrement diffusés auprès des populations concernées.
Pour l’heure, le constat est plutôt amer : en permettant à des populations de s’installer dans des zones à risque, force a été de constater qu’un aléa naturel pouvait alors se transformer en désastre. Que n’a-t-on remarqué plus tôt que le territoire français n’était couvert que partiellement par des PPRI et que les communes littorales l’étaient encore moins ! C’est aussi un impératif : l’urbanisme doit, de manière contraignante, s’adapter aux conclusions des PPRN.
Je suis donc très heureux de constater que les deux propositions de loi identiques de nos collègues Retailleau et Anziani apportent suffisamment de réponses aptes à concilier la gestion du risque et l’aménagement de l’espace littoral. À quelques remarques près, nous approuvons, je le répète, l’ensemble des dispositions de ces textes. Effectivement, comme cela a été récemment souligné, il y a une véritable priorité à réduire la vulnérabilité, à améliorer la chaîne prévision-alerte, à porter l’effort sur les plans communaux de sauvegarde et, surtout, à conforter les ouvrages de protection.
Concernant les ouvrages de protection, je m’associe bien volontiers aux fortes demandes de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani visant à porter à 40 % le montant de l’aide fournie par le fonds Barnier dans les zones où les PPR sont prescrits, et non plus seulement approuvés.
Se pose aussi un problème majeur : la clarification du régime de propriété des digues. Selon le rapport du Centre européen de prévention du risque d’inondation, le CEPRI, instance présidée par notre collègue Éric Doligé, 3 000 kilomètres sont en bon état et 5 600 kilomètres sont dans un état très dégradé. J’imagine que la proportion doit être la même pour les quelque 500 kilomètres de digues contre les submersions marines. Combien d’années faudra-t-il pour conforter tout cela ? Quinze ans ? Vingt ans ? Et je ne parle pas du casse-tête consistant à trouver les propriétaires ! Trois mille kilomètres de digues seraient sans propriétaires identifiés. Faudra-t-il modifier l’arsenal législatif concernant la reconstitution de propriété et l’organisation de la gestion ?
J’aborde maintenant un autre point, qui porte toujours sur les ouvrages de protection.
À l’article 1er, nous proposerons d’entériner le principe dit de « transparence des digues », selon lequel, dans la délimitation du zonage des PPR, les surfaces qui seraient atteintes par les eaux, si les digues venaient à être rompues ou submergées, doivent être considérées comme inondables. Il s’agit d’éviter une sorte d’illusion de sécurité créée par les digues, ce qui limiterait d’autant la culture du risque.
Il est un autre sujet de préoccupation que nous souhaitons dissiper par voie d’amendement. Nous considérons que le souci de mise en cohérence des aménagements opérés sur un territoire face au risque d’inondation doit aussi viser les infrastructures de transports susceptibles de constituer, dans une zone inondable, un facteur aggravant par le blocage ou le ralentissement de l’écoulement des eaux et, par conséquent, de mettre en danger les populations. Je pense, hélas ! à un exemple bien précis que j’évoquerai lors de l’examen des articles.
Par ailleurs, je salue l’initiative consistant à intégrer, dans l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui définit les dispositions générales communes aux SCOT, aux PLU et aux cartes communales, un nouvel objectif de protection des vies humaines face aux risques naturels majeurs. Jusqu’à présent, cet objectif n’était mentionné que dans le code de l’environnement.
Je salue également la volonté des auteurs de ces deux propositions de loi identiques de « faire coïncider parfaitement la carte du risque et la carte d’occupation des sols ».
Nous partageons aussi le souhait de la commission et de son rapporteur, d’une part, de rétablir dans le texte le droit actuel aux termes duquel les PPR valent servitude d’utilité publique et, d’autre part, de prévoir que toutes les dispositions contraires au PPR doivent être supprimées des PLU, des cartes communales ainsi que des SCOT, selon le souhait de notre collègue Alain Anziani.
Nous souhaitons par ailleurs que les plans communaux de sauvegarde soient mis en place dans les communes littorales, notamment dans les cas où le risque de tsunami serait visé dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.
Bien sûr, les articles tendant à rendre prioritaires les appels d’urgence en cas de crise ou l’article visant à compenser les pertes de bases d’imposition à la suite d’une catastrophe naturelle recueillent notre entier soutien.
J’en viens maintenant à deux points qui n’emportent pas totalement notre adhésion.
Sur le premier, je n’ai plus rien à ajouter aux propos que j’ai tenus en commission, puisque vous avez eu l’heureuse idée, monsieur le rapporteur, de proposer la suppression de l’article visant à moduler les primes et cotisations additionnelles d’assurance en fonction du risque de catastrophe naturelle.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Roland Courteau. Le second point concerne l’article 10 et la majoration de la taxe locale d’équipement ou taxe d’aménagement. En commission, j’ai également fait part de mes fortes préoccupations, mais en vain.
En effet, selon cet article, le taux de cette taxe pourrait être porté jusqu’à 20 % dans certains secteurs au regard de la nécessité de créer ou de réhabiliter des ouvrages de protection dans les communes disposant d’un PPR approuvé. Certes, je reconnais que les auteurs de cette double proposition de loi ont le souci légitime de trouver des financements. En autorisant l’augmentation des taux jusqu’à 20 % dans certains secteurs pour réaliser les travaux de voirie ou de réseau, la réforme leur a ouvert une réelle opportunité pour financer des ouvrages de protection.
Il n’en reste pas moins qu’une telle disposition nous semble contraire à la logique actuelle, qui veut que soient exclus du champ d’application de cette taxe les aménagements sur des biens construits qui sont justement prescrits par un PPRN. Je reviendrai sur ce sujet lors de l’examen des articles, puisque nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 10.
En permettant d’instaurer un droit de délaissement dans les secteurs présentant un danger grave, l’article 20 pose également problème.
Ce dispositif existe d’ailleurs pour les risques technologiques avec, toutefois, une procédure de financement tripartite, donc particulière. En théorie, la proposition paraissait intéressante. Cependant, telle qu’elle était rédigée, elle exposait les communes à supporter seules le coût d’acquisition de ces constructions. Sa suppression était donc nécessaire.
Avant de conclure, permettez-moi d’évoquer un autre sujet de préoccupation : le risque de tsunami sur les côtes françaises Oui, le risque est certain et, jusqu’à ces dernières années, l’impréparation de la France était manifeste ! Tel est d’ailleurs l’intitulé de l’un des deux rapports que j’ai présentés sur la question devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au mois de décembre 2007. La quinzaine de préconisations qu’il contenait ont été suivies d’effet, au moins pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, puisque la zone qui s’étend des Açores à la Sicile sera couverte à compter du second semestre de l’année 2012 par le Centre national d’alerte aux tsunamis, le CENALT, en liaison avec les pays riverains. Monsieur le secrétaire d'État, voilà qui me satisfait.
D’ores et déjà, les financements sont acquis au travers des 14 millions d’euros accordés par le ministère de l’environnement et par le ministère de l’intérieur. Il restera cependant à traiter le problème des Antilles.
Nous aurons à défendre plusieurs amendements sur la problématique relative aux tsunamis, mais, à toutes fins utiles, un bref rappel historique s’impose.
Au cours du seul xxe siècle, on a dénombré dans le monde 911 tsunamis : 76 % d’entre eux se sont produits dans l’océan Pacifique, 10 % dans l’océan Atlantique, 10 % en mer Méditerranée et 4 % seulement dans l’océan Indien, à tel point que cet océan était considéré comme le plus sûr au regard du risque de tsunami. Or, en 2004, le tsunami en Indonésie a provoqué 250 000 morts. Mes chers collègues, il n’y a pas un seul océan, pas une seule mer sur cette planète qui soit à l’abri du risque de tsunami.
En 1908, le tsunami de Messine a fait 35 000 morts. En 1979, le tsunami au large de Nice, sur Antibes, a entraîné la mort de 11 personnes. En 2003, le tsunami, après avoir frappé les Baléares – avec des vagues de quatre mètres –, a touché les côtes françaises de façon très modérée, même si 150 bateaux ont coulé dans nos ports.
Le risque existe. Il ne s’agit pas de l’exagérer ; il ne s’agit pas non plus de le nier ou de le minimiser, comme l’a fait trop longtemps l’Espagne, qui, d’ailleurs, s’est ravisée depuis. Il faut savoir profiter de nos connaissances pour mieux nous protéger.
Comme l’a si bien décrit Thierry Gentet : « L’homme ne dominant pas la nature, il nous revient de faire preuve d’humilité par rapport à tous les dangers naturels, d’être responsables et de savoir profiter de ses connaissances pour mieux nous protéger ». Au regard des vies exposées, dans ce cas comme dans tous les autres, je ne saurais mieux dire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi qu’au banc de la commission.)
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, deux propositions de loi identiques portant sur les conséquences de la tempête Xynthia, dites « double proposition de loi » selon la formule de M. Anziani, viennent aujourd’hui en discussion devant la Haute Assemblée. Nous ne pouvons évoquer ce dramatique événement sans avoir d’abord une pensée émue pour toutes les familles endeuillées et meurtries des deux départements les plus touchés, la Vendée et la Charente-Maritime.
Au nom de mes collègues membres, comme moi, de la mission commune d’information initiée par le Sénat, je souhaite rendre hommage à l’investissement tant de son président, Bruno Retailleau, que de son rapporteur, Alain Anziani. Cette implication n’a jamais fléchi au terme de plus de cent auditions. Celles-ci se sont déroulées dans la dignité ; elles ont été marquées par une écoute particulière, emplie d’humanité et de respect à l’égard des différents témoignages. Il est important de le préciser.
Messieurs, je vous remercie d’avoir tenu vos engagements. À quoi aurait-il servi en effet de rendre un rapport commun d’information si celui-ci n’avait pas été suivi d’effet ? Un mois après le débat promis sur les conséquences de la tempête Xynthia, le 16 juin 2010, le rapport d’information final était déposé : il est extrêmement intéressant et détaillé. Au cours de ce débat, monsieur Retailleau, vous avez précisé : « [Nos travaux] ne s’achèveront pas pour autant : nous suivrons jusqu’au bout les mesures qui ont été annoncées ». Si seulement c’était vrai pour tous les rapports d’information que nous remettons !
Monsieur le secrétaire d'État, les présentes propositions de loi ont donc été mûrement réfléchies, afin que soient prises toutes les mesures, qu’elles soient législatives ou réglementaires, pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.
En effet, lors de cette catastrophe, des dysfonctionnements sont apparus à différents échelons, tant en amont qu’en aval d’ailleurs. Heureusement, la gestion de la crise a été remarquable : les secours arrivés dès qu’ils le pouvaient et coordonnés par les préfets ont été exemplaires. Cela a été souligné, mais il faut le répéter : sapeurs-pompiers, gendarmes, militaires, pilotes d’hélicoptères, secouristes et bénévoles en grand nombre ont sauvé des centaines de vies humaines.
Il nous appartient maintenant d’en tirer les enseignements sur trois points cruciaux : la prévision, la prévention et la protection.
Avant de les aborder, permettez-moi de formuler une observation qui mérite de notre part réflexion. Lorsque nous nous sommes rendus sur les différents sites les 14 et 15 avril 2010, le chagrin, la douleur, l’accablement dominaient. Mais, au-delà de ces sentiments tout à fait légitimes, la colère, l’incompréhension s’exprimaient au sein d’une population déjà meurtrie. En effet, quelques jours après la catastrophe, ce que j’appellerai des « pseudo-experts » – j’espère que ce terme ne vous heurtera pas – venus de Paris référençaient des zones selon la dangerosité qu’ils évaluaient sur tel ou tel bâtiment.
Mme Gisèle Gautier. C’est ainsi que, parfois sans jamais être entrés à l’intérieur desdits immeubles, sans jamais avoir eu d’échanges avec les propriétaires présents – certains étaient absents, car il s’agissait de leurs résidences secondaires –, ils ont estampillé certaines villas d’une grande croix noire et les ont classées en « zone noire », devenue ensuite « zone de solidarité », parce que cette dénomination était embarrassante.
Il est aisé de comprendre combien de personnes déjà traumatisées ont souffert de cette attitude pour le moins incompréhensible, pour le dire de façon modérée. Les préfets et les élus locaux ont dû gérer l’irritation générale provoquée par cette situation lors de débats publics houleux et devenus irrationnels.
Bien sûr, je ne conteste pas le fait qu’il fallait réagir rapidement – c’est d’ailleurs ce que vous me répondrez, monsieur le secrétaire d'État, et je le comprends parfaitement –, dans l’urgence, pour aider à prendre les décisions qui semblaient prioritaires. Cela va de soi et vous avez bien fait ; de ce point de vue, les services de l’État ont bien agi. Mais permettez-moi d’ajouter cette supplique à titre personnel : de grâce, dans ce genre de situation, il convient de ne pas ajouter du mécontentement à la douleur des familles !
Dans le domaine de la prévision et de l’alerte, la proposition d’ajouter la prévision des submersions marines – inexistante jusqu’à présent – au chapitre du code de l’environnement consacré aux crues me semble indispensable. Il en est de même en ce qui concerne les systèmes d’alerte, éléments fondamentaux en cas de crise majeure et urgente. En effet, les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques n’intégraient pas jusqu’à présent le risque lié à des submersions marines. C’est une carence que comblerait l’article 11 si, comme je l’espère, celui-ci est voté.
En outre, même si je sais que cela semble difficile, on l’a vu lors de la canicule de 2003, il me semble judicieux de mettre en place un système de hiérarchisation ou, si l’on préfère, de graduation des alertes ou d’évaluation des risques, lisible et compréhensible par tous – élus et population –, afin d’éviter toute confusion dans les messages qui nécessitent du sang-froid et une réactivité appropriée.
Puisque j’évoque les « messages », je citerai une anecdote qui a son importance.
Un responsable des sapeurs-pompiers nous a précisé qu’il ne disposait plus au moment des faits de téléphone satellitaire pour communiquer avec ses pompiers, ayant été amené à le prêter à une autorité supérieure de coordination, à savoir le préfet lui-même ! Souhaitons que cette lacune ait été comblée, et j’espère que le nécessaire sera fait au plan national. Peut-on imaginer aujourd’hui qu’un préfet ou un colonel des sapeurs-pompiers ne dispose pas de téléphone satellitaire ? Cela paraît invraisemblable ! Il faut nous donner les moyens d’agir ; sinon, où allons-nous ? Peut-être aurions-nous pu sauver des vies si nous avions disposé de plus de moyens de cette nature. Cette question, lourde de conséquence, est loin d’être un simple détail !
L’adoption par les communes d’un plan de sauvegarde, ou PCS, devient obligatoire, dès lors qu’un plan de prévention des risques d’inondation, ou PPRI, leur a été prescrit. Lorsque je parle de prévention, je pense bien sûr à l’urbanisation parfois irresponsable qui s’est développée au fil des années sur notre littoral, lequel subit une forte pression foncière et immobilière. Pour autant, je n’ai pas l’intention de faire ici un procès d’intention. Selon moi, tout le monde est concerné, la population influençant quelquefois les décisions des municipalités pour ce qui concerne la construction, ce qui est extrêmement dangereux.
Une mesure indispensable nous est donc proposée afin que la carte des risques s’impose à la carte de l’urbanisme. Il est bien sûr prévu d’imposer une distance minimale entre l’océan et les constructions. On a parlé tout à l’heure d’un éloignement de cent mètres, pourquoi pas ? Il est de toute manière indispensable de définir une marge.
Lorsque, dans mon propos liminaire, j’évoquais des mesures de protection, je pensais évidemment aux digues, qui auraient pu et dû, aux yeux des riverains, constituer des remparts naturels. Or, tel n’a pas été le cas, et ce pour de multiples raisons. Dans ce domaine, de nombreuses questions restent posées en ce qui concerne tant la réalisation de ces ouvrages, qui peut n’être que partielle, que leur financement ou leur « statut foncier » : relèveront-elles en effet du domaine privé ou du domaine public ? Il nous faudra traiter cette question importante ; à cet égard, je relève que les termes « plan digues » ne figurent pas dans cette proposition de loi !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le Gouvernement veille ! Il a prévu 500 millions d’euros !
Mme Gisèle Gautier. Je ne m’étendrai pas davantage sur les propositions formulées dans ce texte. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles et amendements. L’essentiel est d’adopter une loi efficace, qui prépare l’avenir, afin d’éviter un drame tel que celui que nous avons connu. D’autres catastrophes, malheureusement, se produiront ailleurs et, peut-être, d’une autre manière, compte tenu des conditions climatiques qui évoluent très vite. Le tsunami, bien sûr, a été évoqué. Quoi qu’il en soit, sachons nous doter de tous les moyens pour éviter le pire, en nous rappelant qu’une culture du risque, inculquée aussi bien aux enfants qu’aux adultes, est sans doute le premier maillon de la chaîne des moyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite en préambule revenir sur les drames que nos concitoyens et leurs familles, mais aussi nos collègues élus ont vécus lors de la tempête Xynthia et des inondations qui ont frappé la Dracénie. Je leur exprime toute ma sympathie et ma volonté de faire évoluer notre prise en compte des risques liés aux inondations.
Nous devons retenir de ces événements que c’est plus l’aménagement du territoire qui est en cause, que le phénomène inondation. Si certains territoires ont du mal, malgré la solidarité nationale, à redémarrer et à panser leurs plaies, c’est parce que nous n’avons pas su les ménager et les construire de manière à ce qu’ils puissent faire face à de tels événements, qui malheureusement peuvent se répéter plusieurs fois par siècle.
Xynthia et les événements survenus en Dracénie confortent la raison d’être de la directive européenne sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation, laquelle précise dès son premier article : « Les inondations constituent une menace susceptible de provoquer des pertes de vies humaines et le déplacement de populations, de nuire à l’environnement, de compromettre gravement le développement économique et de saper les activités économiques de la Communauté. »
« Provoquer des pertes de vies humaines », nous venons de nouveau de le vivre avec les événements récents. « Déplacer des populations », ce sera une obligation pour des centaines de milliers de nos concitoyens lors d’une prochaine crue grave de la Loire, de la Garonne ou du Rhône, et pour près de 2 millions de personnes installées trop près de la Seine. « Compromettre gravement le développement économique et saper les activités économiques », c’est ce qui peut nous arriver demain si nous ne nous préparons pas à faire face à ce risque, si nous ne l’anticipons pas mieux et n’adaptons pas dès maintenant nos territoires.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas : il faut vraiment que nous inscrivions dans nos priorités de mieux préparer nos territoires pour faire face à ces événements, qui, nous le savons, se reproduiront. Nous devons adapter nos territoires et leur fonctionnement aux conséquences dommageables des inondations. Il convient à cet égard de profiter de toutes les opérations d’urbanisme et d’aménagement – je pense à cet égard aux écoquartiers et aux écocités – pour confier aux générations à venir des villes qui sauront se relever rapidement de telles catastrophes.
La mise en œuvre de la directive Inondation dans le droit français est une opportunité à saisir, pour que chaque élu change son regard, considère les conséquences dommageables des inondations et adapte son territoire pour le rendre « résilient ».
À ce titre, la proposition de loi présentée par notre collègue Bruno Retailleau constitue un exercice difficile, d’autant que la tempête Xynthia a donné lieu à trois missions de retour d’expérience, menées en parallèle – ce n’est pas la première fois que cela arrive ! –, et non pas à une seule, comme il serait souhaitable que cela soit à l’avenir.
L’exercice est difficile, car nous sommes toujours tentés, face à un tel événement, d’adopter une nouvelle loi. Or, pour nombre des sujets abordés, la réflexion se poursuit encore. Je pense notamment à la mise en œuvre de la directive, à la nouvelle réglementation sur les digues, à la doctrine de l’État sur les PPR ou encore au plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, élaboré courant 2010.
Le CEPRI, le Centre européen de prévention du risque d’inondation, que j’ai créé pour faire entendre la voix des collectivités territoriales qui se préoccupent de prévenir les conséquences des inondations sur leur territoire, a été auditionné par les trois missions. Sa contribution technique a largement inspiré les conclusions de ces instances, en particulier sur le rôle central et déterminant de l’aménagement du territoire ou la gestion des digues.
Ce fut l’occasion de montrer qu’une inondation ne se résume pas à un débordement de mer ou de cours d’eau, que c’est tout un territoire qui est atteint dans sa population et son outil économique et qui subit des dommages dont il a du mal à se relever. Xynthia et les événements survenus en Dracénie nous montrent que, pour nos territoires exposés, anticiper est vital et s’adapter est capital. Nous le savons tous, l’élu est au premier plan pour agir concrètement et positivement.
Je salue le travail de la commission des lois et de son rapporteur, notre collègue Dominique de Legge, qui ont contribué à l’élaboration du texte qui nous est présenté. S’inspirant des conclusions du rapport de la mission d’information sénatoriale, Bruno Retailleau avait déposé une proposition de loi très riche et cherché des solutions qui demandaient à être encore débattues. J’avais exprimé des craintes, lors de mon audition par la commission de l’économie, plusieurs dispositifs proposés ne me semblant pas suffisamment éprouvés.
Lors de l’adoption de la loi SRU en 2000, nous nous étions déjà prononcés sur le fait que le PPR ne devait pas constituer une servitude d’urbanisme et il ne me semblait pas judicieux de revenir sur cette question. Je ne voyais pas non plus la plus-value apportée par un schéma d’aménagement des zones littorales à risque, qui donnait au maire, par le biais des PPR, une responsabilité relevant de l’État.
La création d’une zone littorale homogène partait d’une intuition peut-être juste, mais elle exigeait une réflexion collective sur son contenu. Je rappelle en effet que les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, doivent couvrir la France d’ici à la fin de l’année 2017 et que la directive Inondation prévoit l’identification des « territoires à risque d’inondation important », qui feront l’objet d’une cartographie et permettront l’élaboration de plans de gestion du risque inondation.
Sur tous ces points, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui montre que la richesse et la qualité de nos débats ont pu faire évoluer le texte originel pour le rendre plus pragmatique et plus efficace ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la question des digues et des ouvrages de protection, le long de la mer et dans les estuaires, mais aussi pour les fleuves et rivières. C’est un sujet grave, sur lequel nous travaillons depuis cinq ans et qui a été l’un des premiers sujets de préoccupation du CEPRI, à l’occasion de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur les digues comme ouvrages de danger.
On compte environ 8 600 kilomètres de digues en France, dont au moins 510 kilomètres visent à protéger le territoire contre les submersions marines. Elles sont gérées par plus de 1 000 gestionnaires différents. Pour 7 000 kilomètres de ces digues, le gestionnaire est connu, mais la moitié seulement a un propriétaire identifié. Ainsi, 5 600 kilomètres soit sont dans un état très dégradé, soit subissent des désordres locaux, soit ne font l’objet d’aucun renseignement sur leur état.
Des travaux importants sont donc à envisager pour 3 000 à 5 000 kilomètres de ces digues, pour un montant de l’ordre de 5 milliards d’euros. Avec un rythme de 200 kilomètres de travaux par an, un investissement annuel de l’ordre de 300 millions à 400 millions d’euros est nécessaire, l’effort national s’étalant sur quinze à vingt-cinq ans. C’est un véritable plan Marshall en faveur des digues que nous devons mettre au point ! Mais, pour ce faire, il faudrait que nous disposions d’un état des lieux plus précis, qui nous permette d’élaborer une programmation sur plusieurs années. J’ai demandé ce document à plusieurs reprises au Gouvernement, et nous devrions en prendre connaissance d’ici à la fin de l’année 2011.
Trois axes prioritaires ont été mis en avant dans les différents travaux : identifier un responsable unique au titre de la nouvelle réglementation ; sécuriser le cadre d’intervention du responsable et des autres acteurs, dont les collectivités ; renforcer et pérenniser les moyens humains et financiers nécessaires pour atteindre le « bon état de service » des ouvrages.
Si nous voulons que ces dossiers relatifs aux digues progressent réellement, il faut changer le regard que nous portons sur celles-ci.
Plusieurs millions de nos concitoyens et une part très importante de notre potentiel économique sont exposés directement derrière ces ouvrages. Les impacts directs ou indirects d’une inondation consécutive à une rupture sont non seulement très importants, mais encore mal connus : une digue mal entretenue ou mal surveillée peut entraîner la mort ; Xynthia nous le rappelle.
Il est certes tentant, mais trop prématuré, d’inscrire dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui des évolutions réglementaires, car un vrai débat doit encore s’engager sur les points suivants.
Concernant la propriété des ouvrages, la réglementation sur les biens vacants sans maîtres existe ; il suffit au maire d’avoir la volonté de l’appliquer, en associant le préfet.
S’agissant de la responsabilité des ouvrages, les outils réglementaires existent pour constituer des établissements publics administratifs rassemblant les propriétaires et pour les obliger à remplir leurs obligations ; il revient au préfet de les utiliser au mieux.
Un point sur lequel nous devons encore travailler est celui de la définition juridique de la digue, car elle n’existe pas. Ce vide juridique conduit le juge administratif à être particulièrement sévère pour les collectivités lors de la recherche de responsabilité.
Restent les deux points du savoir-faire technique et du financement.
Concernant le savoir-faire technique, il faut reconstituer un savoir-faire national et le partager entre l’État, les collectivités et les acteurs privés. Il faut véritablement organiser une filière professionnelle sur le sujet, qui pourrait avoir un rayonnement international.
S’agissant du financement, le groupe de travail a souhaité disposer d’une vision plus consolidée des véritables besoins dans les années à venir, avant de créer une nouvelle taxe.
Nous sommes devant une situation un peu paradoxale : sécuriser durablement les digues ne représenterait que 300 millions à 400 millions d’euros par an, dans la durée. Mais, aujourd’hui, il est clair que nous n’arriverons pas à trouver un tel montant au cours des vingt-cinq à trente prochaines années sans réformer le mode de financement de ces ouvrages.
Sur ce point, la proposition de loi que nous examinons est très raisonnable. Notre collègue Bruno Retailleau nous avait interpellés en prévoyant la possibilité, dans la rédaction initiale de son texte, de porter à 20 % le taux de la taxe d’aménagement dans les communes disposant d’un plan de prévention. Nous avons pu montrer que cette disposition était prématurée et pouvait avoir des effets inattendus.
Avant de conclure, je souhaiterais formuler quelques remarques sur les différents articles.
À l’article 2, le schéma départemental a été très justement supprimé.
À l’article 3, les mots « zone littorale homogène » ont été judicieusement remplacés par les mots « zone littorale homogène du point de vue hydro-sédimentaire ».
À l’article 4, les risques technologiques ont été à juste titre pris en compte.
À l’article 5, la référence à la servitude d’urbanisme a été supprimée, ce qui est positif.
La communication par le préfet, tous les trois ans, des documents visés à l’article 6 ne paraît pas nécessaire ; en effet, ce dernier doit systématiquement porter à connaissance tout fait nouveau.
À l’article 12, la contrainte qui devait être mise à la charge du conseil général a très heureusement été atténuée.
À l’article 15, je m’interroge sur la compensation des pertes de base.
À l’article 17, y a-t-il un réel besoin de faire passer le taux du plafond du prélèvement sur le produit des primes et assurances au profit du fonds Barnier de 12 % à 14 % ?
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaitais réagir à votre proposition de mettre en place des SCOT et des projets d’urbanisme pilotes.
Je me permets de vous rappeler que, sur proposition du CEPRI, le Centre européen de prévention du risque d’inondation, le conseil général du Loiret, avec la ville d’Orléans, la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire et les Grands lacs de Seine, est pilote au sein de l’un des rares projets Interreg dédiés à la résilience des villes.
S’agissant des écocités et des écoquartiers, je rappelle que onze d’entre eux parmi les treize qui sont en cours de réalisation ou en projet se développeront en zone inondable. On ne peut considérer comme « durables » des écovilles situées en zone inondable.
En conclusion, je forme le vœu que soit organisé prochainement un débat sur les éléments proposés à notre réflexion par le rapport issu du groupe de travail, tout particulièrement sur deux aspects centraux : la définition juridique d’une digue et le financement dans la durée, à travers la solidarité locale ou nationale, de la restauration et du maintien en état de ces ouvrages d’intérêt national. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants avant d’aborder, à dix-sept heures, le point suivant de l’ordre du jour, à savoir les questions cribles thématiques.
Nous poursuivrons ensuite la discussion des deux propositions de loi.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Hommage aux victimes d'un attentat
M. le président. Mes chers collègues, M. le Président de la République doit se rendre à dix-huit heures au pavillon d’honneur de l’aéroport d’Orly afin de rendre hommage aux victimes françaises décédées lors de l’attentat de Marrakech, le 28 avril.
Il sera accompagné de M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui devra donc quitter notre assemblée au cours de la séance de questions cribles thématiques et sera remplacé par M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
M. Roger Romani, vice-président, représentera le Sénat à cette cérémonie.
Au nom du Sénat tout entier, je tiens à condamner à nouveau ce lâche attentat en pensant à l’ensemble des victimes et à témoigner notre sympathie et notre compassion à leurs familles.
8
Questions cribles thématiques
la france et l’évolution de la situation politique dans le monde arabe
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la France et l’évolution de la situation politique dans le monde arabe.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !), de M. Frédéric Taddéï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été mis à la vue de tous.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’exercice des questions cribles est un peu difficile sur un sujet aussi délicat, au cœur de l’actualité.
Monsieur le ministre d’État, notre politique dans les pays arabes dépend, en grande partie, de la qualité de nos personnels.
Une des proches collaboratrices d’Hillary Clinton, avec qui je me suis entretenue voilà quelques semaines, m’a indiqué qu’il fallait revoir le recrutement et l’implication du personnel de nos ambassades à l’aune des événements actuels.
De très nombreux postes sont pourvus par des personnes qui ne parlent pas la langue du pays. C’est notamment le cas des attachés culturels et des personnels qui travaillent dans le domaine de la coopération. Nous avons là de grands progrès à faire.
Ainsi, un attaché de presse qui était en poste récemment dans une ambassade des pays du Golfe ne parlait ni arabe ni anglais, ce qui lui interdisait tout contact avec les populations locales. Et je pourrais citer bien d’autres exemples.
Monsieur le ministre d’État, quelles mesures envisagez-vous pour corriger ces erreurs de « casting » dans notre politique étrangère, erreurs dont notre pays n’a pas les moyens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame le sénateur, je ne suis pas absolument sûr que les capacités linguistiques de nos collègues diplomates américains soient aussi développées qu’on veut bien le dire, même s’ils ont l’avantage de parler naturellement l’anglais, ce qui, reconnaissons-le, facilite leur travail.
Je peux vous assurer que, dans notre politique de recrutement, nous nous efforçons, dans la mesure du possible, d’adapter le plus possible les profils aux postes.
Je souhaite vous rendre attentif au fait que le taux de rotation au sein du ministère des affaires étrangères est l’un des plus élevés, rapporté tant à l’administration qu’à la société française tout entière, puisqu’un tiers des agents titulaires et assimilés de mon ministère change chaque année d’affectation.
Cela étant, nous nous efforçons, je le répète, d’adapter le profil au poste. Nous tenons en particulier compte du critère linguistique. La majorité des personnels titulaires du ministère des affaires étrangères et qui sont en fonction dans le Golfe sont arabisants. Il en est ainsi, en Arabie Saoudite, de l’ambassadeur, du numéro deux, du conseiller de coopération d’action culturelle, du chef du service commun de gestion, du consul général à Djeddah et de son adjoint. Il en est de même, au Koweït, de notre ambassadrice, ancienne interprète de la présidence de la République, que j’ai eu l’occasion de bien connaître lors de l’exercice de mon premier ministère au Quai d’Orsay, voilà maintenant quinze ans, ainsi que du conseiller culturel et de son adjointe. Et c’est également le cas, au Qatar, de l’ambassadeur, du numéro deux et du numéro trois, ainsi que du conseiller culturel. Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup d’arabisants au Quai d’Orsay, et nous nous efforçons d’améliorer encore la situation.
Je ferai deux observations complémentaires. En premier lieu, nous essayons de développer la formation linguistique dans l’accueil des diplomates. C’est un des points du Livre blanc que j’ai rédigé avec Louis Schweitzer, voilà maintenant deux ou trois ans.
En second lieu, la révision générale des politiques publique, la RGPP, qui, je dois le dire, réduit considérablement nos moyens, nous incite à nous adresser à des recrutés locaux. Dans ce cas, le critère linguistique est respecté.
Aussi, madame le sénateur, comme vous pouvez le constater, votre souci est pris en considération.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Une mise à jour des connaissances est nécessaire, et je me félicite de cette réponse qui montre que les points de vue ont évolué sur cette question que je pose depuis des années.
La collaboratrice d’Hillary Clinton, que j’évoquais tout à l’heure, reconnaissait que des efforts étaient également nécessaires du côté américain. Chacun travaille dans l’intérêt de son pays. Il nous reste beaucoup à faire afin de parvenir à une meilleure connaissance des pays dans lesquels nous sommes implantés et qui attendent beaucoup de la France.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, tous ceux qui affirmaient leurs certitudes ont été totalement pris au dépourvu par le printemps arabe. Les contours du monde arabe sont connus, mais on perçoit mal son hétérogénéité sous son unité religieuse.
On ne peut comprendre cette réalité qu’à travers notre prisme laïc, sous peine d’une erreur certaine. Certains, parmi les Arabes, aspirent à un gouvernement laïc mais, dans le socle de leurs sociétés, la religion tient une place majeure.
Ayons à l’esprit que la force de la tradition est supérieure à celle de la loi, ce qui est contraire à l’esprit démocratique. Cependant, gardons-nous de toute arrogance en supposant que ces pays ne sont pas encore mûrs pour la démocratie. Leur concept est certes encore très éloigné de nos critères, mais, soyons-en sûrs, il évoluera.
Des élections vont se dérouler dans de nombreux pays arabes. Si les fondamentalistes musulmans l’emportent, reconnaîtrons-nous les résultats ?
Pour atteindre l’objectif que nous recherchons, l’Union pour la Méditerranée, avec sa rive arabe, concrétise une tentative intéressante et audacieuse, mais elle est encore plus un espoir qu’une réalité.
Monsieur le ministre d’État, quel est votre calendrier pour mener à bien cette entreprise ? La Ligue arabe peut-elle devenir un partenaire privilégié ?
Une des difficultés majeures réside dans les tensions entre Israël et ses voisins, en particulier la Syrie. Toléré par certains gouvernements, Israël n’a pas été accepté par leurs peuples, dans leur quasi-unanimité.
Pourquoi ? Sans doute pour des motifs historiques et religieux, mais aussi à cause de la violence terrible exercée par les Israéliens à l’encontre des Palestiniens depuis la genèse de leur pays. L’existence d’Israël est un fait et elle doit être protégée. Le pays doit voir sa sécurité garantie, mais on ne peut tolérer de sa part ce que la communauté internationale interdit aux autres.
Les résolutions des Nations unies doivent être appliquées. Le monde arabe ressent comme profondément révoltante cette justice internationale à géométrie variable.
La France est-elle prête à soumettre au vote des Nations unies la reconnaissance d’un État palestinien dans ses frontières de 1967, étape indispensable vers la paix ? Si Israël ne cédait pas à cette décision de la communauté internationale, envisagerions-nous des sanctions ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, je ne suis pas persuadé de pouvoir, en deux minutes, répondre à autant de questions pertinentes.
Les événements qui se déroulent au sud de la méditerranée, ce qu’il est convenu d’appeler le « printemps arabe » – que nous n’avions peut-être pas pressenti – est une chance formidable. Il ne faut pas avoir peur lorsqu’on voit des peuples se lever pour la liberté, pour la démocratie, pour les droits de l’homme, pour les droits de la femme. Face à de tels mouvements, nous devons nous engager sans hésitation parce que c’est une façon de retrouver, avec tous ces peuples, une communauté de valeurs.
Ce principe étant posé, nous nous efforçons d’être cohérents, d’éviter qu’il y ait deux poids et deux mesures. D’aucuns prétendent que nous serions indulgents avec la Syrie : ce n’est pas exact !
Nous avons pris une position très claire et très ferme en condamnant, sans hésitation d’aucune sorte, l’utilisation de la violence par le régime syrien contre sa population. Mais force est de constater, et c’est une différence majeure avec la situation qui prévalait en Libye, qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur la Syrie au Conseil de sécurité. De grandes puissances, la Russie ou la Chine, menacent de faire usage de leur droit de veto. Et il n’y a même pas de majorité sur le délai de neuf mois pour trouver un accord sur une résolution. Nous continuons donc à travailler.
Ensuite, nous devons rester ouverts au dialogue. Comme je l’ai dit, et cela en a surpris certains, il faut parler avec les islamistes, ou les islamiques, qui récusent la violence et qui s’engagent dans un processus démocratique.
Par ailleurs, et c’est essentiel, si nous voulons que la transition politique réussisse dans des pays comme l’Égypte ou la Tunisie, nous devons faire un effort massif pour les aider sur le plan économique. Si la crise se déclenche, et la menace est réelle du fait des contraintes que subissent ces pays, il y a fort à parier que le processus politique sera fragilisé. C’est pourquoi nous avons invité l’Égypte et la Tunisie à assister au sommet du G 8 qui se tiendra à la fin du mois de mai, à Deauville. Il faut mobiliser les grandes puissances, mais aussi, vous l’avez rappelé, relancer l’Union pour la méditerranée.
Enfin s’agissant d’Israël et de la Palestine, je n’anticiperai pas sur les décisions que nous prendrons au mois de septembre prochain. Je peux simplement vous dire que, pour nous, le statu quo n’est pas possible. Il nous faut donc user de tous nos moyens d’action pour que le dialogue reprenne entre Israéliens et Palestiniens.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre d’État, vos réponses me satisfont pleinement. Je partage votre optimisme quant à l’avenir du monde arabe. Il faut aider ces peuples sur le plan économique, avoir confiance en eux, ne serait-ce que pour que les femmes retrouvent leur dignité.
Quant à Israël, il faut admettre que ses relations avec la Palestine sont une source importante de conflit. Il faut garantir la sécurité d’Israël, mais il faut aussi demander à ce pays de respecter la loi internationale.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, de Tunis au Caire, de Misrata à Sanaa, des peuples, au prix d’un lourd tribut, écrivent une nouvelle page de leur histoire.
Le profond changement de donne consécutif aux événements du printemps arabe appelle de la part de notre pays une redéfinition de sa politique envers les États concernés, tout en se gardant de comparaisons par trop simplificatrices quant aux situations vécues par chacun d’entre eux.
Évitons également l’écueil qui consisterait à nous positionner en vieille puissance moralisatrice, forte d’une révolution démocratique vieille de plus de deux cents ans.
L’heure est grave, en particulier en Libye. En tant que président du groupe d’amitié France-Libye du Sénat, je me suis exprimé le 21 février dernier, dès les premiers morts connus dans le pays. Deux mois plus tard, le Conseil de sécurité des Nations unies, aux termes de la résolution 1973 – adoptée grâce à votre détermination et votre savoir-faire, monsieur le ministre d’État – donnait tous les moyens, y compris militaires, à la communauté internationale pour protéger les populations civiles libyennes.
Permettez-moi de saluer ici l’action conduite sur l’initiative du Président de la République, qui a su appeler chacun à ses responsabilités, mobiliser et fédérer nos partenaires européens et les responsables de la Ligue arabe. L’organisation du sommet pour le soutien au peuple libyen, à Paris, le 19 mars en témoigne.
Combien de morts devrions-nous déplorer aujourd’hui si nous n’étions pas intervenus ? Certains craignent l’enlisement, un autre Irak, un nouvel Afghanistan ! En tout état de cause, le chemin sera long et difficile. Comme l’a déclaré Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition, « la liberté a encore besoin de temps pour l’emporter ».
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous esquisser les contours de la future politique de la France, non seulement envers le Conseil national de transition, mais également sur le plan des échanges, de l’aide et de l’accompagnement du peuple libyen vers la démocratie, aspiration profonde, symboliquement illustrée par l’appel, ce dimanche, des soixante et une tribus à l’unité, acte historique pour ce pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, reportons-nous quelques semaines en arrière, rappelons-nous que, si nous n’avions pas fait ce que nous avons fait, le colonel Kadhafi ayant annoncé son intention de s’emparer de Benghazi et de se venger sur les populations civiles, nous risquions d’assister à un massacre, de devoir déplorer plusieurs milliers de morts. Je pense donc que nous avons fait notre devoir.
Aujourd’hui, le colonel Kadhafi continue d’utiliser des armes lourdes contre sa population. Il est manifestement discrédité sur la scène internationale. Cela fait l’objet d’un large consensus aux États-Unis comme au sein de l’Union européenne, de la Ligue arabe et d’une grande partie des pays de l’Union africaine.
Pour arriver au résultat, qui est de permettre à la population libyenne d’affirmer ses droits et de mettre en œuvre une véritable démocratie dans une Libye nouvelle, nous agissons d’abord par la pression militaire.
Nous avons décidé de continuer – parce que c’est, hélas ! le seul langage que comprend Kadhafi –, avec l’intensification des frappes aériennes, dans le souci de respecter le cadre de la résolution 1973 et donc de ne frapper que des cibles militaires comme cela a été le cas lors de la dernière frappe sur Tripoli.
Nous accentuons aussi la mise en œuvre des sanctions, mais nous sommes bien conscients que, au-delà de l’intervention militaire, seule la solution politique permettra de déboucher sur une issue durable.
C’est la raison pour laquelle nous travaillons à un cessez-le-feu qui en soit un, et surtout à la recherche d’un dialogue politique entre les différents acteurs : d’abord le Conseil national de transition, que nous essayons de renforcer, mais aussi d’autres acteurs, en particulier ceux qui, à Tripoli, auront compris qu’il n’y a d’avenir ni pour eux ni pour la Libye en restant solidaires de Kadhafi.
Tel sera l’objet de la réunion du prochain groupe de contact qui se tiendra à Rome jeudi prochain. Nous allons en particulier travailler à un mécanisme financier qui permette d’aider le Conseil national de transition, mais aussi d’ouvrir la voie à ce grand dialogue national afin, je l’espère, de parvenir à une solution politique démocratique.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour la réplique.
M. André Trillard. Monsieur le ministre d’État, je rappelle que ce mouvement pour la liberté a ébranlé nos certitudes selon lesquelles les régimes autoritaires étaient un mal inévitable pour contrer la montée de l’islamisme.
Sachons qu’il existe d’autres voies qu’un choix binaire entre un « tyran laïc, pare-feu des extrémistes », et « une république islamique ». La relation de confiance qui s’instaurera entre la France et les pays en marche vers la liberté dépendra largement de notre capacité à comprendre les formes que prendra ce cheminement, à les accepter et à leur témoigner notre intérêt en soutenant ce mouvement qui me paraît ô combien profitable pour tous.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre d’État, en préambule, je formulerai une remarque liée à l’actualité.
Nous pensons que la disparition d’Oussama ben Laden va constituer un tournant dans notre tragique histoire contemporaine. Aussi, je demande solennellement au Sénat de mettre à son ordre du jour une réflexion sur la participation de notre pays à la guerre en Afghanistan.
J’en viens à ma question.
Syrie, Libye et Yémen suivent l’exemple de la Tunisie et de l’Égypte. Les peuples du monde arabe se battent jour après jour pour plus de liberté et de justice. Le Maroc et l’Algérie ne resteront pas en marge de ce formidable mouvement d’espoir.
Nous avons soutenu l’intervention militaire en Libye, car elle était juste et légitime. Nous attendons maintenant une solution politique qui, selon nous, tarde à venir et nous fait craindre, monsieur le ministre d’État, des risques d’escalade, voire d’enlisement.
Cette révolte des populations arabes pour la démocratie et la justice a des racines sociales très profondes.
Comment croire, dès lors, que l’on pourrait soutenir avec générosité « ce printemps arabe qui ne doit pas nous faire peur » – je vous cite – si, en France et en Europe, on claque la porte au nez des migrants tunisiens ou libyens qui cherchent un havre où recomposer leurs forces ? Solidaires à Tunis, à Benghazi et au Caire, mais pas à Vintimille ou à Paris….
À l’épouvantail inacceptable que constitue la posture du ministre de l’intérieur, je préfère vos propos : « Sachons jouer tout notre rôle, fidèles à nos valeurs communes de liberté, de générosité et de respect des droits de l’homme et de la femme, pour faire émerger avec le monde arabe un espace de paix, de stabilité et d’échange en Méditerranée. »
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre d’État : quelle est la politique de la France en ce domaine ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, je répondrai d’un mot à votre introduction.
Comme vous, je pense que la disparition de ben Laden est porteuse de nombreuses conséquences positives.
Je ne suis pas sûr que le moment soit déjà venu de considérer qu’il faut se retirer d’Afghanistan, car les réseaux terroristes dans ce pays n’ont pas disparu. Prenons le temps de la réflexion avant d’agir.
Dans les différents pays que vous avez cités, il est très important que, tout en gardant la même attitude d’ouverture à l’égard de tous ceux qui se battent pour la liberté et la démocratie, nous adaptions notre politique en fonction des circonstances : la situation du Yémen n’est pas celle de la Libye, et celle du Maroc n’est pas celle de l’Algérie.
Au Yémen, j’espère que la médiation du Conseil de coopération des États arabes du Golfe va aboutir – il s’en est fallu de peu voilà quelques jours. Au Maroc, je reste confiant dans l’initiative prise par le roi, qui constitue une grande ouverture vers une monarchie réellement constitutionnelle.
Votre question porte plus particulièrement sur la question des migrants et des réfugiés.
D’abord, je voudrais rappeler que nous avons fortement aidé au retour des réfugiés égyptiens qui ont quitté la Libye, en organisant un pont aérien et maritime pour leur permettre de revenir dans leur pays comme ils le souhaitaient.
En ce qui concerne les relations que nous avons avec la Tunisie à ce sujet, je peux vous dire que nos partenaires comprennent très bien que le flux d’immigration irrégulière est un fléau, aussi bien pour eux et pour nous que pour les intéressés qui sont victimes d’une véritable traite. Ils ont donc accepté – désormais avec le concours de l’Union européenne, puisque le président Barroso vient de répondre très positivement à la lettre que lui avaient adressée M. Berlusconi et M. Sarkozy – de nous aider à mieux contrôler les frontières et de réadmettre sur leur territoire des personnes qui ne sont pas, par définition, victimes de persécutions politiques et qui ne sont donc pas des réfugiés.
Pour ce qui concerne les réfugiés, nous examinons les situations à la lumière des règles et des traités que nous avons souscrits. Je vous rappellerai simplement qu’il y a en France 50 000 demandeurs d’asile contre 10 000 en Italie, comme nous l’avons fait valoir auprès des autorités italiennes.
Enfin, monsieur le sénateur, vous considérez que les prises de position de M. Guéant sont choquantes. Je ne suis évidemment pas de cet avis. Je vous l’ai dit, nous avons été entendus au niveau de la Commission européenne, comme en témoigne la réponse de M. Barroso.
Je conclurai en répétant brièvement ce que j’ai déjà dit : la vraie solution n’est pas là ; elle est dans la réduction des inégalités entre le Nord et le Sud, c’est-à-dire dans une politique puissante, continue, dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée et au-delà, qui permette à ces pays de se développer et à leurs jeunes de réaliser ce dont ils rêvent, vraisemblablement de rester au pays, dans la liberté et le progrès économique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour la réplique.
M. Jean-Louis Carrère. Je n’ai pas la naïveté de croire que je pourrais vous mettre en contradiction avec tel ou tel ministre du Gouvernement auquel vous appartenez. Néanmoins, je vous le dis avec honnêteté, je préfère votre façon d’exprimer les choses à certaines autres. La France gagnera en rayonnement à faire comme vous et non à utiliser des expressions que je continue de contester et de condamner.
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, au-delà du thème de notre débat de ce soir, comme mon prédécesseur, je tiens à dire que l’événement que constitue la mort de ben Laden, avec ses conséquences, mériterait un débat parlementaire sans délai, débat qu’avec le groupe CRC-SPG je sollicite.
Le coup majeur porté à ce symbole du terrorisme mondialisé nécessite, notamment, de définir enfin les conditions du retrait d’Afghanistan de nos troupes et de celles de l’OTAN.
J’en viens à ma question précise.
Monsieur le ministre d’État, à l’occasion d’un récent colloque à l’Institut du monde arabe, vous avez exposé les nouvelles orientations de la politique extérieure de la France à l’égard du monde arabo-musulman.
Je souhaiterais que vous m’apportiez deux précisions concernant la Tunisie – l’une d’entre elles a été évoquée à l’instant.
En premier lieu, vous avez annoncé, lors de votre déplacement à Tunis, que la France consentirait un important effort financier en accordant une aide de 350 millions d’euros.
Notre aide bilatérale est évidemment essentielle pour accompagner le développement économique et la transition démocratique de ce pays, et je ne la néglige pas du tout. Mais la Tunisie doit faire face à une situation socio-économique catastrophique. En plus des sommes astronomiques détournées par le clan ben Ali, le poids de sa dette extérieure compromet dangereusement la possibilité d’une relance de son économie.
En conséquence, quelles initiatives comptez-vous prendre auprès de nos partenaires pour suspendre le remboursement des créances européennes sur la Tunisie ?
En second lieu, où en sont les négociations avec les autorités tunisiennes pour adapter à la nouvelle situation l’accord dit de « gestion des flux migratoires » que nous avions signé en 2008 ?
La réactivation de cet accord permettrait d’apporter un début de solution juste et humaine à l’afflux de migrants auquel nous sommes confrontés.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, je me suis rendu en Tunisie voilà quelques jours, et j’ai été frappé par la qualité de l’accueil que j’ai reçu, d’abord par les autorités tunisiennes elles-mêmes – le Premier ministre, le Président de la République et le ministre des affaires étrangères –, mais aussi dans la rue, notamment dans le sud de la Médina de Tunis. On m’avait dit que le drapeau français y était mal vu ; or ce n’est pas du tout ce que j’ai ressenti, bien au contraire ! Ce n’est pas non plus l’impression que m’a donnée l’entretien que j’ai eu avec les bloggeurs, cette jeunesse qui communique sur internet et qui a joué un rôle si décisif dans la propagation de ce mouvement révolutionnaire.
Il faut aider la Tunisie, parce que le processus politique est bien en route : les élections du 24 juillet permettant d’élire une assemblée constituante sont bien préparées, une commission est en train d’élaborer une future loi électorale ; j’ai d’ailleurs rencontré le président de cette commission qui m’a fait très bonne impression.
Le défi économique est considérable, car le tourisme s’est effondré, les réfugiés en provenance de Libye sont nombreux – il existe des camps de réfugiés à la frontière, entre la Libye et la Tunisie – et les populations attendent un mieux-être de la révolution. Les exigences sociales étant très fortes, il faut une aide massive.
Cette aide est bilatérale, vous l’avez rappelé : 350 millions d’euros d’aide de l’Agence française du développement sont immédiatement disponibles.
Elle est européenne : nous travaillons avec nos partenaires de l’Union pour mobiliser les fonds européens destinés à la politique de voisinage et au partenariat en Méditerranée ; nous œuvrons aussi à la relance de l’Union pour la méditerranée.
Enfin, nous attendons beaucoup, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la réunion du G 8 qui réunira les principales puissances économiques du monde, l’idée étant de mettre en place très rapidement une procédure destinée à faciliter l’élaboration d’un plan d’action en faveur de la Tunisie et de l’Égypte ayant le soutien de l’ensemble de ces puissances.
En ce qui concerne les migrations, Claude Guéant continue son travail avec les autorités tunisiennes, et nous nous orientons vers un accord inspiré de ce qui a été conclu avec l’Italie, c’est-à-dire un renforcement des contrôles aux frontières. D’une part, nous allons aider les Tunisiens, par le biais de l’Agence Frontex, à contrôler leurs propres frontières, l’effondrement de leur système de sécurité et de leur police ayant eu des incidences sur les événements actuels. D’autre part, nous allons aussi travailler à un accord de réadmission dans le même esprit que ce qui a été conclu avec l’Italie.
Tels sont les éléments d’information que je peux vous apporter, en plus de ceux que j’ai énoncés tout à l’heure en répondant à M. Carrère.
M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour la réplique.
M. Robert Hue. Monsieur le ministre d’État, je suis satisfait d’un certain nombre d’aspects que vous venez d’évoquer.
Je ferai simplement remarquer qu’en Tunisie, ce qui a été rejeté, ce n’est pas le drapeau de la France, ce sont les relations détestables qui prévalaient entre les gouvernements précédents et M. ben Ali.
J’en reviens au problème des flux migratoires.
Des représentants de la Tunisie sont venus dernièrement en France pour obtenir la renégociation des accords bilatéraux. A priori le gouvernement français est dans le même état d’esprit. Il est urgent que s’engage cette démarche visant à la conclusion d’accords nouveaux, car en dépend fortement l’évolution démocratique de ce pays, qui est confronté à des difficultés sociales majeures.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la coopération, mes chers collègues, on l’a dit avant moi, 2011 restera une année historique pour le Maghreb. Soulèvements, révolutions et changements de régime bouleversent les cartes jusqu’aux confins du Moyen-Orient. Ces évolutions se font au prix du sang, de la répression mais sont empreintes d’espoir, espoir auquel nous devons répondre sans les décevoir.
Ma question concerne la Tunisie.
Le pays en est à son quatrième gouvernement. Il semble que la population ne souffre aucune concession à l’égard des anciens responsables politiques ayant appartenu an régime de ben Ali au pouvoir pendant trente ans. Il est à craindre que ce qui devait s’apparenter à une transition démocratique ne devienne une crise institutionnelle.
Monsieur le ministre, quel soutien notre pays peut-il apporter aux Tunisiens pour les aider dans cette résurrection démocratique ?
Cette semaine, le président de la Banque mondiale se rend en Tunisie. Il est primordial que le pays puisse sortir d’un système économique fondé uniquement sur le tourisme de masse. La Tunisie doit aujourd’hui répondre aux besoins de sa jeunesse, dont une grande partie est diplômée, comme l’illustre notre tradition d’échange universitaire. Pour autant, nombre de ces jeunes sont au chômage.
Lors de son déplacement à Tunis les 20 et 21 avril dernier, M. le ministre des affaires étrangères a annoncé la mobilisation de 350 millions d’euros sous forme de prêts bilatéraux. Mercredi dernier, vous-même, monsieur le ministre, avez reçu les ministres tunisiens des finances, du commerce et du tourisme, de la formation professionnelle et de l’emploi. Je me réjouis de cet entretien « pluriel », car il témoigne d’une vision globale pour relancer l’économie nationale tunisienne, incluant les facteurs de développements sociaux. Toutefois, pouvez-vous nous préciser si un calendrier ou des évaluations seront mis en place afin d’accompagner au mieux ce pays ?
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer de répondre avec précision à la question posée par Bernard Fournier, en m’inspirant notamment des réponses qui ont déjà été apportées à certains d’entre vous sur la situation tunisienne, un sujet très important qui nous préoccupe tous.
Après les événements qui ont eu lieu, une certaine instabilité gouvernementale s’est en effet installée dans ce pays, qui en est à son quatrième gouvernement.
Comme il l’a expliqué tout à l’heure, M. le ministre d’État s’est lui-même rendu en Tunisie et a pu rencontrer à cette occasion le Président de la République, le Premier ministre ainsi que plusieurs ministres. Il a pu constater que l’équipe gouvernementale en place était expérimentée et de très haut niveau.
Comme vous l’avez souligné, monsieur Fournier, j’ai moi-même reçu plusieurs ministres tunisiens, notamment ceux en charge des finances, du commerce, du tourisme, de la formation professionnelle, de l’emploi, des transports et de l’équipement. Tous sont des chefs d’entreprises ou des personnes issues de divers secteurs professionnels qui ont momentanément quitté leurs fonctions pour servir leur pays dans cette période essentielle de transition devant conduire aux élections législatives.
C’est pourquoi, aujourd’hui, la France ne craint pas d’aider substantiellement nos amis tunisiens à repartir du bon pied, car les perspectives, qu’elles soient économiques, politiques ou diplomatiques, nous semblent positives.
Je précise enfin que nous militons, dans le cadre de l’Union européenne, en faveur de l’octroi à la Tunisie du statut avancé. Nous y travaillons en détail sur le plan politique, sans oublier les aspects financiers.
Ayez confiance dans l’avenir de la Tunisie, mesdames, messieurs les sénateurs, et n’oubliez pas qu’il appartient avant tout aux Tunisiens !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.
M. Bernard Fournier. Ces précisions étant de nature à répondre à nos préoccupations, je remercie M. le ministre de sa réponse.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’état de nos relations avec la Syrie.
Je crains que la France, en dépit de ses efforts, ne paie aujourd’hui les choix calamiteux du début du quinquennat.
Le fait que le président Sarkozy ait renforcé ou renoué les relations avec les pires dictateurs du monde arabe que sont Khadafi ou Bachar el-Assad, leur rendant ainsi une légitimité internationale, était une erreur.
Le fait d’établir des liens avec la Syrie en marge de la diplomatie officielle l’était également – je rappelle à ce propos les innombrables missions de Claude Guéant à Damas lorsqu’il était secrétaire général de l’Élysée.
En quoi ces accords, passés hors de tout contrôle du Parlement, ont-ils consisté ? Nous voudrions savoir dans quelle mesure ils pèsent sur la politique menée actuellement.
En apparence, la politique française a aujourd’hui radicalement changé, et nous approuvons totalement le vote de la résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui demande à la Syrie de mettre un terme à la violation des droits de l’homme contre son peuple, et qui met en place une commission d’enquête.
De même, nous approuvons les déclarations du ministre des affaires étrangères et celles du représentant permanent de la France auprès des Nations unies.
Toutefois, face à une répression qui a pris la forme d’actes de guerre caractérisés contre les habitants des villes de Deraa, Douma et Banyas, entres autres, et d’arrestations massives ces deux derniers jours, nous estimons que la France doit aller au-delà des déclarations.
Le Gouvernement entend-il prendre des mesures contraignantes contre Assad, son entourage et les responsables de la répression, en atteignant leurs avoirs financiers, leurs propriétés, et en les empêchant d’entrer sur notre territoire ?
Quelles sanctions défendrez-vous aux prochaines réunions du Conseil de sécurité de l’ONU ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Bien qu’elle ne soit pas si éloignée dans le temps, la période à laquelle vous faites référence était fondamentalement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui, madame la sénatrice. Cela justifie, me semble-t-il, les positions successives adoptées par le Gouvernement français.
Il s’agissait en l’occurrence de discuter d’État à État. Et, lorsque nous tentons de contribuer modestement à la création d’un environnement favorable à la paix dans cette partie du monde – souvenons-nous plus particulièrement du Liban – je ne vois pas comment nous pourrions nous passer d’une discussion avec la Syrie. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Nous n’avons jamais dépassé ce qu’il était convenable de faire en matière de relations diplomatiques.
S’agissant maintenant de la situation actuelle, la France condamne sans réserve, de la manière la plus solennelle qui soit, toutes les exactions. Elle a demandé à la Syrie que cessent les violences. Nous avons convoqué l’ambassadrice de Syrie à Paris, et la réciproque s’est déroulée à Damas. Nous essayons également de mobiliser autour de nous nos partenaires du Conseil de sécurité, mais sans grand succès jusqu’à présent.
À propos du Conseil des droits de l’homme, nous partageons votre sentiment, madame la sénatrice : nous militons pour que la candidature de la Syrie ne soit pas acceptée.
Enfin, nous travaillons, au sein de l’Union européenne, à la mise en place de sanctions fortes telles qu’un embargo sur les armes, le gel de l’accord d’association, la révision de la politique de coopération entre l’Union européenne et la Syrie ou encore des sanctions individuelles contre les responsables de la répression sanglante de ces dernières semaines.
Je puis vous assurer, madame, que le Gouvernement français n’a pas, à l’égard de la Syrie, une position différente de celle qu’il exprime de façon générale au cours de ce printemps des peuples qui se battent pour plus de liberté et de dignité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour la réplique.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre, et je vous ferai remarquer que je n’ai jamais mis en cause les prises de position de la France. Mais des prises de position verbales aux actes, il est un pas qu’il faut aujourd’hui franchir…
Dès maintenant, les biens et avoirs de tous les responsables syriens en France doivent être gelés. Cela concerne directement le général Manaf Tlass, responsable des exactions à Banyas. La diplomatie de connivence, qui était un peu la règle ces derniers temps dans les relations entre Paris et Damas, doit absolument cesser.
Enfin, la France doit demander au Conseil de sécurité de l’ONU la comparution de Bachar el-Assad et des responsables de la répression devant la Cour pénale internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que M. le ministre d’État, d’avoir répondu aux questions qui vous étaient posées.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Gestion effective du risque de submersion marine
Suite de la discussion et adoption de deux propositions de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du texte élaboré par la commission sur les propositions de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela fait plus d’un an que la tempête Xynthia s’est abattue sur l’ouest de notre pays, et les plaies sont loin d’être refermées. Certains sinistrés pleurent encore les victimes quand d’autres se battent pour reprendre, tant bien que mal, une vie normale.
Xynthia a été d’une ampleur exceptionnelle, conjonction de plusieurs phénomènes naturels imprévisibles qui expliquent sa brutalité. Malheureusement, nous pouvons craindre que seule son ampleur soit hors du commun. En effet, l’actualité nous démontre chaque jour que les catastrophes naturelles ne cessent de se multiplier.
Des tempêtes de 1999 à celles de Xynthia ou de Klaus, en passant par les inondations survenues dans le Var en 2010, il semble évident que nous devons reconsidérer notre politique en matière de gestion des risques car ces phénomènes sont de plus en plus fréquents et appelés à se reproduire.
Un cabinet d’études spécialisé dans les risques naturels a estimé à 670 le nombre de catastrophes naturelles depuis 2001 et l’année 2010 constitue à cet égard un record. Il a chiffré à 13,65 milliards d’euros le « coût total des dommages assurés liés aux catastrophes naturelles ». En prenant en compte les biens non assurés – routes, forêts, infrastructures publiques –, ce coût atteindrait « environ 30 milliards d’euros depuis 2001 ».
Forts de ces constats, nous nous devons de procéder de façon urgente à une remise en cause complète et collective de notre capacité à faire face à ces phénomènes. Il est fort regrettable que ce soit un drame de l’ampleur de Xynthia qui ait été l’élément déclencheur.
L’adage dit que ce sont de nos échecs et de nos erreurs que nous apprenons le plus. C’est encore une fois le cas et, malheureusement, au prix de nombreuses vies humaines.
Reconsidérer notre politique de gestion du risque, c’est donc commencer par faire preuve de beaucoup plus d’humilité en la matière.
L’homme a souvent cru pouvoir maîtriser les éléments et contrôler la nature. Mais cette dernière nous rappelle bien souvent qu’elle est toute puissante et, même armés des technologies les plus avancées, nous ne pouvons lutter.
Il est pourtant de notre devoir d’anticiper au mieux ces catastrophes afin de ne plus jamais les subir de la sorte. Les recommandations de cette proposition de loi sont donc une première étape nécessaire pour doter la France d’une véritable culture du risque.
Elles sont le fruit de plus d’un an de travail et concrétisent une partie des propositions du rapport d’information de juillet 2010.
À ce sujet, je tiens à saluer le travail de nos deux collègues Alain Anziani et Bruno Retailleau, qui ont porté ce sujet difficile et fourni un travail de grande qualité.
Dans le cadre de cette mission d’information, nous nous étions rendus dans les territoires sinistrés, en Vendée et en Charente-Maritime notamment.
À cette occasion, nous avons tous été frappés par l’ampleur des dégâts, tant humains que matériels, tant sociaux qu’économiques.
Puis, très vite, la tristesse a fait place à la stupeur : constructions d’habitation dont plus de 200 000 situées en dessous du niveau de la mer ; permis de construire non ou mal instruits, délivrés à la chaîne, notamment dans des zones soumises à hauts risques ; méconnaissance totale des risques liés aux zones du littoral ; quasi-absence de plans de prévention des risques d’inondation dans les communes sinistrées.
La liste pourrait être très largement allongée.
Il a aussi fallu ajouter au désarroi des sinistrés une gestion malheureuse de cette catastrophe, tout du moins dans un premier temps.
Il est donc impensable que nous revivions cela et, à ce titre, la tempête Xynthia a dispensé au moins un enseignement positif : celui de nous révéler les graves défaillances de notre système et de nous démontrer, si ce n’était pas encore le cas, que la France n’était absolument pas préparée aux risques de submersion marine.
C’est donc non pas seulement une modification de la législation qui doit avoir lieu, même si elle est indispensable, mais une véritable révolution des mentalités en France dans le domaine de la gestion et de l’appréhension des risques naturels, au niveau tant de l’État, de l’administration et des élus, que des citoyens.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
Mme Nicole Bonnefoy. C’est notre système entier qui a failli dans son ensemble et je tiens vraiment à insister sur cette globalité de l’échec car, comme l’a démontré le rapport d’information, la responsabilité a été largement collective. Je regrette qu’à un moment on ait pu rejeter la faute sur les élus locaux, en première ligne sur ce drame, occultant toutes les autres responsabilités de l’État et de l’administration française.
Si faute exclusive il devait y avoir, elle serait imputable au diktat de l’argent et de la pression foncière qui a sévi sur les zones du littoral. En effet, les demandes de permis de construire se sont multipliées de façon exponentielle durant des années.
Les pressions financières étaient telles qu’elles ont nécessairement favorisé des accords précipités et inconsidérés : sans examens préalables des risques encourus ; sans que les décideurs concernés, principalement les maires des petites communes, aient eu les outils en main et les moyens de s’en servir pour évaluer ces risques.
Chacun doit donc prendre sa part de responsabilité et c’est notre devoir de législateur de tirer les leçons de cette tragédie et de tenter d’y apporter des réponses adaptées.
Nous devons mettre en place une véritable politique de l’anticipation et de la gestion des risques qui devra nécessairement passer par une meilleure prévention et une meilleure information dans ce domaine.
Il est impensable que les victimes d’une telle tragédie revivent la gestion hâtive de ce drame, à l’image de ces fameuses zones noires introduites dans la précipitation et de façon unilatérale, qui sont tombées tel un couperet sans possibilité de négociation.
Il est donc nécessaire que la France se dote enfin d’une politique adaptée à de tels phénomènes afin de pouvoir en limiter si possible les conséquences.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi et nous pouvons nous en féliciter. Mes collègues ont déjà largement exposé ses objectifs, mais je tiens à revenir sur certains d’entre eux, qui me semblent fondamentaux.
En premier lieu, la gestion du risque et l’aménagement du territoire ne pouvant plus être disjoints, cette proposition de loi promeut une approche globale du risque de submersion marine, en adéquation avec la mise en œuvre prochaine de la directive communautaire relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation. L’objectif est de consolider la chaîne du risque à chacune de ses étapes : prévention, prévision et gestion.
La prise en compte simultanée des crues et des risques littoraux au sein des plans de prévention des risques d’inondation en était le préalable indispensable. L’affirmation de la suprématie de la prévention des risques sur le droit de l’urbanisme en était une traduction impérieuse.
En effet, la majorité des communes touchées par la tempête Xynthia ne disposait pas de plans de prévention des risques d’inondation. Sur les quelque 900 communes du littoral, environ 5 % seulement en étaient dotées. De plus, même lorsque ces plans existaient, ils n’étaient pas pour autant efficaces, la simple annexion des plans de prévention des risques d’inondation aux documents d’urbanisme n’entraînant pas nécessairement une cohérence entre les deux.
Désormais, les plans de prévention des risques naturels s’imposeront aux documents locaux d’urbanisme, qui devront être révisés dans les plus brefs délais pour être en conformité avec les prescriptions de ces plans.
Les maires seront, eux, dans l’obligation d’arrêter des plans communaux de sauvegarde dès lors qu’est prescrit un plan de prévention des risques.
Dans ce cadre, je me félicite que les élus locaux bénéficient d’un appui technique de l’État pour ce faire. En effet, se retrouver dans les méandres de l’administration ou du droit en vigueur n’est pas chose aisée, surtout lorsque l’on est maire d’une petite commune et que l’on ne dispose pas de services importants pour se faire aider. L’aide des services de l’État est donc primordiale et permettra très certainement d’accélérer la mise en conformité des documents d’urbanisme aux plans de prévention des risques naturels.
La proposition de loi vise également à sensibiliser les populations à l’existence du risque en leur inculquant des comportements adaptés en cas de catastrophe naturelle. Cela se fera par le biais d’exercices de simulation et par l’instauration d’une journée nationale de la prévention des risques naturels. Ainsi, nous sensibiliserons le public le plus large possible.
Dans le même temps, les préfets disposeront de tous les leviers nécessaires pour s’assurer de cette mise en conformité. Ils auront également des obligations, comme celle de communiquer aux maires, tous les trois ans, une synthèse des risques naturels auxquels les communes sont exposées.
Pour sa part, l’État devra assumer ses fonctions générales de planification et de contrôle en tant que garant de la sécurité des personnes et des biens. Il devra publier, tous les trois ans, une évaluation globale du fonctionnement des ouvrages de protection contre la mer et les inondations et, tous les six ans, un plan d’action concernant les digues.
C’est seulement avec cet effort collectif et cette conscience commune du risque que nous pourrons faire avancer notre pays dans la bonne voie.
Je me félicite donc de l’ensemble de ces mesures qui, en plus de renforcer et de sécuriser substantiellement notre système actuel, responsabilisent l’ensemble des acteurs concernés.
En consolidant l’ensemble de la chaîne de gestion du risque, nous pouvons espérer nous prémunir contre la survenue d’un autre drame de cette ampleur.
Néanmoins, le groupe socialiste proposera une série d’amendements qui, sans remettre en cause l’esprit de ce texte, permettront de l’améliorer.
J’espère que, à l’instar du rapport d’information du mois de juin dernier, cette proposition de loi, une fois modifiée, recueillera l’unanimité de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
Chapitre 1er
De l’approche globale du risque de submersion marine
Article 1er
L’article L. 562-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au I, après le mot : « inondations, », sont insérés les mots : « les risques littoraux, » ;
2° Après le VI, il est inséré un paragraphe VI bis ainsi rédigé :
« VI bis. – Les plans de prévention des risques d’inondation des communes littorales traitent simultanément mais de façon spécifique les risques de crues et les risques littoraux, dont les submersions marines. » ;
3° Dans le premier alinéa du VII, après les mots : « et des risques », sont insérés les mots : « et de prise en compte des ouvrages visés à l’article L. 562-8-1, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que leurs effets cumulés
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je voudrais dire tout d’abord combien je suis satisfait de l’intégration du risque de submersion marine et, plus globalement, des risques littoraux dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles.
Je soutiens aussi le fait que la commission de l’économie ait préféré une approche intégrée de tous les risques d’inondation.
J’estimais, en effet, que créer une nouvelle catégorie de plans de prévention des risques spécifiquement dédiée au risque de submersion marine en parallèle des plans de prévention des risques d’inondation risquait de rendre les choses plus complexes et la prévention moins efficace, d’autant que, comme vous l’avez noté dans le rapport, monsieur le rapporteur, dans certaines communes littorales, il faut prendre en compte la confluence des eaux fluviales et maritimes. Dans ces cas-là, traiter des risques de crues et de submersion marine dans le même document paraît plus pertinent.
Toutefois, j’estime que la rédaction actuelle de l’alinéa 4 de l’article 1er n’est pas tout à fait complète.
En effet, cet alinéa dispose : « Les plans de prévention des risques d’inondation des communes littorales traitent simultanément mais de façon spécifique les risques de crues et les risques littoraux, dont les submersions marines. »
Je propose de compléter cet alinéa en faisant référence aux effets cumulés de ces différents risques d’inondation.
J’estime qu’un document comportant deux volets différents, l’un portant sur les crues et l’autre portant sur les submersions marines, ne nous permettrait pas d’appréhender correctement l’intensité du risque d’inondation auquel les communes littorales sont soumises. Il faudrait croiser les données pour les communes littorales proches d’un estuaire ou d’une embouchure.
En effet, la conjonction d’une crue fluviale et d’un niveau de la mer exceptionnellement élevé en raison de forts coefficients de marée ou de marée de tempête peut provoquer une inondation beaucoup plus importante que prévu dans les espaces littoraux.
Dans ce cas, les eaux de crue sont refoulées dans les terres beaucoup plus loin et l’évacuation à l’exutoire peut être ralentie.
Bref, vous l’aurez compris, les dégâts potentiels matériels et humains peuvent alors être encore plus importants et il faut donc réfléchir à l’occupation des sols qui permettra de réduire ces risques au minimum. J’espère, mes chers collègues, que vous soutiendrez cet amendement, qui complète le texte du rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il semble opportun de prévoir que les plans de prévention des risques d’inondation, les PPRI, traitent aussi les effets cumulés des risques de crues et les risques littoraux, notamment dans les zones estuariennes.
En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous propose, mes chers collègues, de modifier les modalités de prise en compte des ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions dans les PPRI.
Au départ, les propositions de loi prévoyaient que ces ouvrages, essentiellement les digues, soient directement pris en compte dans les PPRI. La commission a estimé préférable de renvoyer les modalités de cette prise en compte à un décret, sans aucune précision.
Les derniers alinéas de l’article L. 562-1 du code de l’environnement disposent déjà que des décrets en Conseil d’État définissent en tant que de besoin les modalités de qualification des aléas et des risques, les règles générales d’interdiction, de limitation et d’encadrement des constructions, de prescription de travaux de réduction de la vulnérabilité, ainsi que d’information des populations, dans les zones exposées aux risques définies par les plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRN. Un autre décret serait donc nécessaire.
Toutefois, la première version qui nous avait été soumise précisait bien que ces ouvrages seraient appréhendés autant dans leur fonction de protection qu’en tant qu’objet de danger, ce qui ne figure plus dans la version actuelle. Je le regrette, car, même si la rédaction n’était pas vraiment satisfaisante, elle permettait de remettre en question l’illusion de sécurité créée par les digues et de sensibiliser les élus locaux et la population.
C’est pourquoi je propose, d’une part, de supprimer cet alinéa introduit en commission, aux termes duquel un décret en Conseil d’État précise les modalités de prise en compte des ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions visées à l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement et, d’autre part, d’entériner explicitement dans les PPRN le principe dit de transparence des digues.
Il est clair que, dans la délimitation du zonage des PPRI, les surfaces qui seraient atteintes par les eaux si les digues venaient à être rompues ou submergées doivent être considérées comme inondables. Cette recommandation ayant d’ailleurs été formulée dans le rapport interministériel intitulé : « Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et proposition d’actions », rendu public en mai 2010, il me semble important de lui donner un caractère normatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Mon cher collègue, vous aviez inscrit initialement dans votre amendement un principe législatif fort sur la transparence des digues, qui nous posait problème dans la mesure où il ne nous semblait pas eurocompatible avec l’article 4 de la directive d’octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation notamment.
D’ailleurs, dans le plan de submersion rapide, le Gouvernement a atténué le principe de transparence : lorsque le maître d’ouvrage est connu, que la conception de l’ouvrage est solide et que l’ouvrage est entretenu, il peut y avoir prise en compte des ouvrages.
La version rectifiée que vous nous proposez, mon cher collègue va dans le sens souhaité par la commission. Aussi, celle-ci a-t-elle émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le chapitre IV du titre VI du livre V du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé du chapitre est complété par les mots : « et des submersions marines » ;
2° À l’article L. 564-1, après les mots : « sur les crues » sont insérés les mots : « et les submersions marines » ;
3° Au I de l’article L. 564-2, après les mots : « Un schéma directeur de prévision des crues » sont insérés les mots : « et des submersions marines » et après les mots : « ou zones estuariennes » sont insérés les mots : « ainsi que les effets de surcotes marines et de vague et les risques de submersion des territoires concernés » ;
4° Au I de l’article L. 564-3, après les mots : « sur les crues » sont insérés les mots : « et les submersions marines ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre VI du titre VI du livre V du code de l’environnement, il est inséré une division ainsi rédigée :
« Chapitre VII
« Alerte aux tsunamis
« Art. L. 567-1. – L’organisation de la surveillance, de l’alerte et de la transmission de l’information sur les tsunamis est assurée par l’État et fait l’objet de règlements arrêtés par le préfet.
« Art L. 567-2. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent chapitre. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La France a pris conscience de son exposition au risque de tsunami après celui de Sumatra en décembre 2004. Il faut dire que les zones économiques exclusives françaises couvrent 10 millions de kilomètres carrés et que la forte densité de la population sur les côtes françaises aggrave la vulnérabilité de ces dernières.
Comme je l’ai particulièrement souligné dans les deux rapports que j’ai rédigés au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, il n’y a pas, sur la planète, un seul océan, une seule mer qui soit à l’abri du risque de tsunami. Et là où il y a eu des tsunamis par le passé, il y en aura d’autres dans le futur.
S’il est vrai que le risque peut être rare, il n’en est pas moins particulièrement dévastateur.
Ainsi, comme je l’ai rappelé tout à l'heure lors de la discussion générale, sur les 911 tsunamis qui se sont produits au cours du xxe siècle, 76 % d’entre eux ont eu lieu dans le Pacifique, 10 % en Méditerranée, 10 % dans l’Atlantique et 4 % seulement dans l’océan Indien, ce qui faisait de ce dernier l’océan le plus sûr. Mais il a suffi d’un seul tsunami, en 2004, pour provoquer la mort de 250 000 personnes.
En Méditerranée, ont été recensés en un siècle près de 90 tsunamis. Je ne citerai que les plus meurtriers d’entre eux : celui de Messine en 1908, avec 35 000 morts ; celui qui a été consécutif à l’explosion du Santorin dans l’Antiquité et a conduit à l’extinction de la civilisation minoenne ; celui qui détruisit, à l’époque, Alexandrie, ou, plus récemment, celui qui a entraîné la mort de onze personnes près d’Antibes.
Concernant l’océan Atlantique, je citerai le séisme de Lisbonne, qui a entraîné la mort de milliers de personnes, le tsunami ayant atteint les Antilles, avec une vague de trois à quatre mètres ?
Oui, mes chers collègues, l’aléa tsunami est peut-être rare, mais il est dévastateur.
À la suite des deux rapports dans lesquels j’avais proposé la création d’un centre d’alerte aux tsunamis, il m’avait semblé nécessaire de compléter la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le Grenelle 1, en donnant, par voie d’amendement, un fondement législatif à la création d’un centre national d’alerte aux tsunamis. Tel est l’objet de l’article 44 de la loi précitée.
La mise en place de ce centre d’alerte, qui couvrira, je le rappelle, la zone s’étendant des Açores à la Sicile, est en bonne voie, puisque celui-ci devrait être opérationnel au mois de juillet 2012. Je suis donc satisfait, monsieur le secrétaire d'État, de la confirmation qui m’a été donnée ici même dernièrement. Tout laisse à penser que les délais seront tenus puisque les travaux sont concomitamment engagés sur la mise en œuvre de l’« alerte descendante », c'est-à-dire vers les populations.
Comme chacun le sait, les causes et les effets des tsunamis sont distincts des submersions marines provoquées par les tempêtes. L’origine du tsunami est géologique : il est engendré par un séisme, un effondrement de terrain ou une éruption volcanique, des manifestations également spécifiques et particulièrement dévastatrices. Le tsunami est souvent précédé d’un retrait de la mer, suivi d’un reflux colossal, avec un phénomène d’aspiration qui ne l’est pas moins.
Ces particularités plaident pour une prévention et une gestion particulières de ce risque, notamment au moyen de dispositifs d’alerte distincts des dispositifs d’alerte météorologique, d’autant que, si les tempêtes sont prévisibles, les tsunamis ne le sont pas.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Excellente présentation de l’amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Après un tel plaidoyer, comment ne pas être favorable à cet amendement ?...
Notre collègue Roland Courteau, qui a rédigé, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un excellent rapport, nous rappelle que le risque de tsunami n’est pas seulement réel au Japon, qu’il existe aussi pour notre pays. Le Gouvernement a décidé la création d’un centre national d’alerte pour la zone que vous avez citée, dont le coût est important, puisqu’il s’élève à 14 millions d’euros.
Cet amendement est donc cohérent avec les décisions gouvernementales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. Aussi, ce sont 100 % de vos amendements qui vont être adoptés, monsieur Courteau ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela va se gâter…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 3
Le chapitre VI du titre VI du livre V du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 566-7 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après les mots : « de prévision des crues » sont insérés les mots : « et des submersions marines » ;
b) Au 3°, après les mots : « face aux risques d’inondation » sont insérés les mots : « et d’érosion » ;
c) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il recense les ouvrages définis à l’article L. 562-8-1 et décrit leur état » ;
d) L’avant-dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L’autorité administrative publie tous les trois ans une évaluation globale du fonctionnement des ouvrages définis à l'article L. 562-8-1. Cette évaluation mentionne les actions engagées pour en améliorer les performances et les résultats obtenus. » ;
2° L’article L. 566-8 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les submersions marines, ces stratégies sont organisées à l’échelle de la zone littorale homogène du point de vue hydro-sédimentaire et peuvent traiter de l’érosion. »
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Au début du dixième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il retrace l’organisation de la chaîne d’alerte et d’intervention en cas d’occurrence d’un risque d’inondation ou d’un risque de tsunami grâce, dans ce dernier cas, au centre d’alerte aux tsunamis. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet article prévoit l’élaboration d’un plan de gestion des risques d’inondation, les PGRI, à l’échelle de la zone littorale homogène et renforce aussi le contenu du PGRI, en y ajoutant les ouvrages de protection contre la mer et l’organisation de la chaîne d’alerte et d’intervention.
En commission, il a été décidé de supprimer la référence à l’organisation de la chaîne d’alerte, car le dixième alinéa de l’article L. 566-7 du code de l’environnement précise déjà que les plans ORSEC sont intégrés au PGRI.
Il est vrai que les plans ORSEC se composent de la plupart des dispositifs de mise en sûreté des populations, dispositifs de l’État, plans communaux de sauvegarde, plans particuliers de mise en sûreté des enfants, etc.
Toutefois, nous estimons que, bien souvent, l’annexion de différents plans à un document ne suppose pas une mise en cohérence des différentes dispositions qu’ils contiennent et ne facilite pas l’appréhension des différents enjeux.
C’est pourquoi nous proposons que le PGRI retrace de façon simple et claire l’organisation de la chaîne d’alerte et d’intervention en cas d’occurrence d’un risque d’inondation. Nous proposons aussi d’y intégrer le risque de tsunami dans la mesure où, comme cela nous a été confirmé, un centre national d’alerte devrait être mis en place en juillet 2012. Celui-ci devra donc participer à cette chaîne d’alerte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je suis désolé de vous le dire, mon cher collègue – il fallait bien que cela arrive ! (Sourires) –, la commission ne peut approuver votre amendement car elle estime qu’il est satisfait.
Le PGRI, qui est vraiment le tableau de bord de la gestion de la chaîne du risque, comprend les plans ORSEC, lesquels intègrent les dispositions relatives à tout risque d’inondation.
Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer votre proposition ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement estime que cet amendement est satisfait.
Si M. Courteau souhaite en rester à un taux de satisfaction de 100 %, il devrait retirer cet amendement (Sourires.) car, sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Courteau, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Je n’ai été totalement convaincu ni par M. le rapporteur ni par M. le secrétaire d’État.
Comme je l’ai souligné, le risque de tsunami est très spécifique et l’on ne saurait le confondre avec une simple inondation. Je le répète, un tsunami est précédé d’un retrait de la mer, suivi d’une vague particulièrement dévastatrice, avec un phénomène d’aspiration gigantesque vers le large. Ce sont autant d’éléments qui plaident pour une prise en compte spécifique du phénomène.
Voilà pourquoi je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
1° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
2° Après le mot :
fonctionnement
insérer les mots :
et de l’état
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 3 des propositions de loi initiales prévoyait une évaluation annuelle de l’ensemble des mesures de gestion du risque d’inondation contenues dans les PGRI. Le rapporteur a estimé que cette obligation pourrait s’avérer trop lourde.
En revanche, dans son rapport, il juge « essentiel que l’État assume pleinement son rôle de contrôle de la sécurité des ouvrages de protection contre les inondations et les submersions et propose donc [...] que l’autorité administrative publie tous les trois ans une évaluation globale du fonctionnement de ces ouvrages, l’évaluation mentionnant les performances et les résultats obtenus ».
Nous pouvons comprendre cette modification, qui paraît plus réaliste au regard des moyens mobilisables pour procéder à l’évaluation en question. Toutefois, un intervalle de trois ans nous semble trop long. Nous proposons, quant à nous, que cette évaluation globale des ouvrages de défense contre les inondations et les submersions ait lieu tous les deux ans.
Nous l’avons souligné, l’érosion se produit de manière continue et les ouvrages peuvent finalement se trouver sérieusement altérés – sans compter que des animaux peuvent également leur causer des dommages –, au point que, lors d’événements climatiques extrêmes, ils ne remplissent plus leur rôle de défense.
Aussi convient-il de prévoir des contrôles plus réguliers dans le cadre de ces plans de gestion des risques d’inondation.
Par ailleurs, il semble opportun d’évaluer non seulement le fonctionnement, mais aussi l’état de ces ouvrages, afin de prendre en compte leur éventuelle vétusté ; du fait de celle-ci, les ouvrages ne sont pas nécessairement altérés de manière flagrante, mais ils sont suffisamment usés pour ne plus offrir une réelle protection.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. J’ai, sur cet amendement, un avis partagé.
En effet, je suis défavorable au 1°, qui préconise que l’évaluation globale des ouvrages de défense doit avoir lieu tous les deux ans, et non tous les trois ans comme cela est prévu dans le texte de la commission. Il est vrai que le texte initial des propositions de loi prévoyait une évaluation annuelle. Une périodicité de deux ans me semble encore trop brève et je considère l’intervalle de trois ans comme raisonnable.
J’ajoute que, pour les ouvrages les plus importants, de catégories A et B, il existe déjà un contrôle technique annuel, ce qui va donc plus loin que les deux ans que vous préconisez, monsieur Courteau.
En revanche, je suis favorable au 2° de l’amendement : je pense en effet que l’évaluation doit porter également sur l’état des ouvrages.
Par conséquent, je préconise le retrait du 1° de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur Courteau, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens souhaité par le Gouvernement ?
M. Roland Courteau. Madame la présidente, je souhaite d’autant moins le rectifier que la commission a émis un avis favorable sur l’ensemble de l’amendement.
Je viens de m’en expliquer : si j’ai opté pour un intervalle de deux ans, c’est parce que celui de trois ans est vraiment trop long en regard d’un processus d’altération qui peut être rapide.
Mme la présidente. Nous allons procéder à un vote par division.
Je mets aux voix le 1° de l’amendement n° 13.
(Le 1° de l’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le 2° de l’amendement n° 13.
(Le 2° de l’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au quatrième alinéa (2°) de l’article L. 122-3 du code de l’environnement, après les mots : « effets du projet sur l’environnement », sont insérés les mots : «, sur la gestion des risques naturels majeurs ».
II. - Au cinquième alinéa (3°) de l’article L. 566-7 du code de l’environnement, après les mots : « cohérence du territoire », sont insérés les mots : « et des projets d’infrastructures de transport ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. J’estime que la présente proposition de loi répond à l’objectif de mise en cohérence entre les choix d’urbanisation et la gestion des risques d’inondation, notamment de submersion marine. Toutefois, cette mise en cohérence des aménagements au regard du risque d’inondation aurait pu être poussée plus loin, afin de viser aussi les projets d’infrastructures de transport.
Il arrive en effet que des ouvrages et remblais réalisés dans le cadre de tels projets au sein de zones inondables remettent en question des mesures de protection contre les inondations prises par les populations, par exemple en empêchant le libre écoulement des eaux. J’ai en tête l’exemple précis d’une zone inondable dans laquelle la construction d’un remblai de ligne à grande à vitesse est susceptible de faire obstacle à l’écoulement des eaux et donc de provoquer des inondations dans les villages en amont.
Par conséquent, afin de prendre en compte cette problématique, je propose d’apporter deux modifications au code de l’environnement.
La première vise l’article L. 122-3 et porte sur le décret en Conseil d’État qui fixe notamment le contenu des études d’impact environnemental. Je souhaiterais qu’une étude d’impact environnemental relative à certains projets de travaux, de réalisation d’ouvrages ou d’aménagements prenne en compte, outre leurs effets sur l’environnement ou la santé humaine, leurs incidences spécifiques sur la gestion des risques naturels majeurs.
La seconde concerne l’article L. 566-7, relatif au plan de gestion des risques d’inondation ; il s’agit de préciser que les dispositions permettant la réduction de la vulnérabilité des territoires face aux risques d’inondation comprennent des mesures visant non seulement à la maîtrise de l’urbanisation et à la cohérence du territoire, mais aussi à la cohérence des projets d’infrastructures de transport au regard du risque d’inondation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il est évident que, s’agissant de grandes infrastructures, il faut prendre notamment en compte les risques naturels. Il est clair que, par exemple, des routes ou des voies ferrées constituent des obstacles pour l’eau et ont donc une incidence sur le risque d’inondation : si l’eau est arrêtée brutalement, elle va évidemment se répandre ailleurs. Par conséquent, il y a un effet domino que l’étude d’impact doit apprécier.
La commission a décidé de s’en remettre à la sagesse – une sagesse plutôt bienveillante – dans la mesure où l’on peut considérer que la gestion des risques naturels est incluse dans la loi sur l’eau, mais où il est peut-être préférable de préciser ici la nécessité de la prendre en compte. Le Gouvernement sera sans doute en mesure de nous éclairer à cet égard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Dans l’esprit, l’avis du Gouvernement est similaire à celui de la commission.
Toutefois, il estime que le I de l’amendement est satisfait puisque l’étude d’impact environnemental doit déjà prendre en compte la gestion des risques naturels majeurs. Par conséquent, non seulement cette disposition est redondante, mais elle est susceptible de provoquer des raisonnements a contrario.
En revanche, le Gouvernement est plutôt favorable au II de l’amendement.
Mme la présidente. Nous allons donc procéder à un vote par division.
Je mets aux voix le I de l’amendement n° 27.
(Le I de l’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le paragraphe II de l’amendement n° 27.
(Le II de l’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Chapitre II
De l’adaptation du droit des sols au risque de submersion marine
Article 4
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Dans la troisième phrase de l’article L. 110, après les mots : « d'économiser les ressources fossiles, » sont insérés les mots : « de prévenir les risques naturels et technologiques, » ;
2° L'article L. 121-1 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :
« 1° A La protection des vies humaines face aux risques naturels et technologiques et la prévention de ces risques ; »
b) Au septième alinéa, les mots : « des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 5
I. – Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° La dernière phrase de l'article L. 515-23 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Il est annexé au plan local d’urbanisme, conformément à l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme. Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions du plan de prévention des risques technologiques dans un délai d'un an à compter de l'approbation de ce dernier. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 562-4 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Il est annexé au plan local d’urbanisme, conformément à l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme. Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles dans un délai d'un an à compter de l'approbation de ce dernier. »
II. – Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 123-1-10, il est inséré un article L. 123-1-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-10-1. – Dans un délai d'un an à compter de l'approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles visé à l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du plan de prévention des risques technologiques visé à l'article L. 515-15 du même code, le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions des plans susvisés. À défaut, le représentant de l'État dans le département procède à la modification ou à la révision. » ;
2° L'article L. 123-12 est ainsi modifié :
a) Au b, après les mots : « projets d'intérêt général » sont insérés les mots : « ou aux prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou d'un plan de prévention des risques technologiques, » ;
b) Au d, après les mots : « du 12 juillet 2010 précitée, » sont insérés les mots : « d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou d'un plan de prévention des risques technologiques, » ;
3° Après la première phrase du septième alinéa de l’article L. 123-13, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette procédure est également applicable lorsque la modification a uniquement pour objet la suppression des dispositions contraires au plan de prévention des risques naturels ou au plan de prévention des risques technologiques. » ;
4° Après l'article L. 124-2, il est inséré un article L. 124-2-1 ainsi rédigé :
« Art L. 124-2-1. – Dans un délai d'un an à compter de l'approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles visé à l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du plan de prévention des risques technologiques visé à l'article L. 515-15 du même code, la carte communale est modifiée pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions du plan susvisé. A défaut, le représentant de l'État dans le département procède à la modification ou à la révision. »
III. – Dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques technologiques approuvé avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le délai d'un an mentionné aux paragraphes I et II court à compter de cette entrée en vigueur.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 123-1-10-1. - Dans un délai de six mois à compter de l'approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles visé à l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du plan de prévention des risques technologiques visé à l'article L. 515-15 du même code, l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune fait connaître au préfet si il ou elle entend réviser ou modifier son plan local d'urbanisme afin de supprimer les dispositions contraires aux prescriptions des plans susvisés.
« À défaut de réponse dans ce délai ou en cas de désaccord entre le préfet et l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune, le préfet peut engager et approuver, après avis de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du conseil municipal, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme. Il en est de même si l'intention exprimée par l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune de procéder à la suppression des dispositions contraires aux prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou d'un plan de prévention des risques technologiques n'est pas suivie, dans un délai d'un an à compter de l'approbation des plans précités, de la modification ou de la révision du plan local d'urbanisme. » ;
II. - Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 124-2-1. - Dans un délai de six mois à compter de l'approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles visé à l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du plan de prévention des risques technologiques visé à l'article L. 515-15 du même code, la commune fait connaître au préfet si elle entend modifier sa carte communale afin de supprimer les dispositions contraires aux prescriptions des plans susvisés.
« À défaut de réponse dans ce délai ou en cas de désaccord entre le préfet et la commune, le préfet peut engager et approuver, après avis du conseil municipal, la modification de la carte communale. Il en est de même si l'intention exprimée par la commune de procéder à la suppression des dispositions contraires aux prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou d'un plan de prévention des risques technologiques n'est pas suivie, dans un délai d'un an à compter de l'approbation des plans précités, de la modification de la carte communale. »
III. - Alinéa 16
Après les mots :
présente loi,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
les délais mentionnés aux paragraphes I et II courent à compter de cette entrée en vigueur.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans cette affaire, nous cherchons tous à établir une certaine cohérence entre le PPRN et le document d’urbanisme de base, à savoir le plan local d’urbanisme.
La commission de l’économie et la commission des lois ont eu un débat sur la question de savoir s’il suffisait que le PLU ne contienne point de dispositions contraires au PPRN ou s’il fallait que le PLU soit rendu strictement compatible avec le PPRN. Nous nous sommes finalement ralliés sans difficulté à la position de la commission de l’économie.
Cela dit, le texte prévoit actuellement que « le plan local d’urbanisme est modifié ou révisé pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles dans un délai d’un an à compter de l’approbation de ce dernier ». Il ne se passe donc rien entre le moment où le PPRN est approuvé et la mise en compatibilité du PLU. Le préfet ne peut intervenir qu’au bout d’un an, en quelque sorte pour se substituer à l’autorité gestionnaire du droit des sols, en l’occurrence le maire ou le président de l’EPCI.
Dans un souci de replacer le gestionnaire du droit des sols au cœur du dispositif, il nous paraît souhaitable que, six mois après l’approbation du PPRN, l’autorité en charge de la gestion des sols annonce soit qu’elle va réviser son PLU parce qu’elle considère qu’il n’est pas conforme au PPRN, soit qu’elle n’envisage pas de le faire. Ainsi, le préfet sera en mesure d’arrêter sa position beaucoup plus tôt. Bien entendu, nous rejoignons la commission de l’économie pour que la compatibilité entre les deux documents soit opérée au bout d’un an.
En conclusion, nous voulons, premièrement, replacer le gestionnaire du droit des sols au cœur du dispositif et l’amener à prendre position, deuxièmement, améliorer les délais là où c’est possible et, surtout, éviter une prise de position par défaut.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Nicole Bonnefoy. L’article 5 est le cœur de cette proposition de loi puisqu’il permettra une mise en conformité des documents d’urbanisme avec les plans de prévention des risques naturels prévisibles.
Les travaux de la mission sur les conséquences de la catastrophe Xynthia ont permis de souligner que « si la tempête était inévitable, le drame qu’elle a provoqué aurait pu, lui, être évité ».
La mission a pointé une responsabilité largement collective dans la survenue de ce drame, car la France est mal préparée au risque de submersion marine et, plus généralement, n’a pas de culture du risque. Nous nous sommes alors rendu compte que le territoire français n’était que partiellement couvert par des plans de prévention des risques d’inondation et que les communes littorales l’étaient encore moins, l’inondation n’étant souvent envisagée que sous l’angle des crues et non des submersions marines.
Ainsi, seulement 46 plans ont été approuvés et 71, prescrits, alors que l’on compte en France 874 communes de ce type. Les communes de la côte atlantique les plus touchées par la tempête Xynthia n’étaient pas dotées de plans de prévention des risques d’inondation.
Encore plus regrettable : même quand les plans de prévention des risques d’inondation existaient, ils n’étaient pas forcément efficaces.
En pratique, la seule annexion aux documents d’urbanisme non seulement n’a pas conduit à une cohérence entre les mesures du plan et les documents d’urbanisme, mais elle a abouti à des situations ambiguës.
Qu’il s’agisse des élus locaux ou des services préfectoraux, on n’a pas assez pris la mesure des risques. Il est donc temps de veiller à une meilleure intégration des différentes problématiques, des divers instruments d’action et sources de droit, afin de mettre fin à la dualité existant entre la prévention des risques définie dans le code de l’environnement et le droit des sols défini dans le code de l’urbanisme.
Pour que les choses soient plus opérantes, il est proposé que les documents d’urbanisme soient modifiés ou révisés selon la procédure simplifiée, afin de supprimer les dispositions contraires au plan de prévention des risques naturels majeurs dans un délai d’un an.
Pour les zones déjà couvertes par un PPRN, nous estimons que ce délai doit être réduit à six mois puisque ce plan est déjà approuvé et annexé au PLU ou à la carte communale, et aurait dû déjà s’imposer aux décisions d’urbanisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 29, nous avons bien compris l’idée qui guidait la commission des lois puisque nous avons donné un an pour supprimer toutes les dispositions contraires entre le PPRN et les PLU.
Le vœu de la commission des lois est de faire en sorte que le maire se positionne dans un délai de six mois après la publication du PPRN, et non au bout de six mois comme l’a laissé entendre tout à l'heure M. de Legge. Nous avons donc émis un avis de sagesse favorable.
En revanche, la commission est défavorable à l’amendement n° 14. En effet, dans un souci de simplification et d’harmonisation, il n’est pas souhaitable de prévoir un délai différent – un an ou six mois – selon que les plans de prévention des risques naturels ont été adoptés avant ou après la promulgation de la présente loi. Cela ne ferait qu’apporter de la confusion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je voudrais juste attirer l’attention de la Haute Assemblée sur le fait qu’il existe déjà un délai d’un an pour adapter ou supprimer les dispositions du PLU qui sont d’ores et déjà inapplicables dans le droit actuel. En effet, un plan de prévention des risques d’inondation est opposable à un plan local d’urbanisme.
Indiscutablement, nous avons besoin d’une cohérence des textes. Cela étant, un délai d’un an pour supprimer les dispositions du PLU qui sont en opposition avec le PPRN n’est concevable que si l’on procède par la voie d’une modification simplifiée. En revanche, si l’on doit procéder par la voie d’une révision du PLU, avec un délai d’un an, ce n’est pas jouable !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez tout à fait raison, mais nous avons précisément prévu une procédure de modification simplifiée, faute de quoi, en effet, le délai d’un an serait insuffisant.
Nous sommes bien d’accord sur le droit : la servitude d’utilité publique l’emporte, donc le risque doit s’imposer. Néanmoins, l’expérience a montré, notamment lors de la tempête Xynthia, qu’il ne suffisait pas d’avoir un PPRN annexé à un PLU, mais qu’il fallait aussi que les cartes communales coïncident et que les dispositions contraires disparaissent du PLU pour que le PPRN soit à coup sûr correctement appliqué.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 14 n'a plus d'objet.
Je constate par ailleurs que l’amendement n° 29 a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 30 est présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 146-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de la prévention des risques naturels ; »
2° L’article L. 146-4 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa du I est complétée par les mots : « ou à aggraver l’exposition des populations aux risques naturels » ;
b) Au dernier alinéa du III, après les mots : « lorsque des motifs liés », sont insérés les mots : « à la prévention des risques naturels, ».
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet de modifier les dispositions du code de l’urbanisme qui sont particulières au littoral, afin que l’utilisation des outils prévus par la loi Littoral soit possible dans une optique de prévention des risques naturels, et uniquement dans cette optique.
Ainsi, les capacités d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser seront définis non seulement en fonction des objectifs actuellement fixés par le code – garantie du libre accès au rivage pour le public, préservation des espaces naturels et fragiles, etc. –, mais également en fonction de l’intensité et des caractéristiques des risques naturels.
L’extension de l’urbanisation pourrait être prohibée dans les zones à risque et la « bande de cent mètres » être étendue par le PLU, en vue de limiter l’exposition des populations aux risques naturels.
Je m’arrête là afin de laisser la parole à M. de Legge, qui a défendu cette proposition, au nom de la commission des lois, devant la commission de l’économie la semaine dernière, malheureusement sans succès. J’espère en tout cas, mes chers collègues, que vous la soutiendrez.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Il faut replacer cet amendement dans le cadre plus général des débats que nous avons eus.
Nous voulons qu’il y ait la concordance la plus étroite entre les différents documents et outils d’urbanisme. On a bien vu, à l’occasion du drame de Xynthia, que la multiplication des documents d’urbanisme nuisait à la lisibilité d’ensemble. La commission des lois a donc cherché à déterminer comment la loi Littoral pourrait s’inscrire dans cet objectif général de protection des personnes et de sécurité civile.
J’ai eu l’occasion d’entendre les arguments de la commission de l’économie sur le sujet, mais je maintiens que la cohérence est nécessaire.
Je suis aussi parfaitement conscient que la loi Littoral véhicule avec elle d’autres problématiques.
Cependant, si M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État parviennent à nous démontrer – ce dont je ne doute pas ! – que le retrait de cet amendement serait un facteur de clarification du texte que nous examinons, peut-être me laisserai-je convaincre. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission de l’économie est très défavorable à ces amendements identiques.
Il se trouve que la loi Littoral, qui a pour objet la protection des espaces naturels, est source d’une très grande insécurité juridique. Selon la côte où l’on se trouve, les notions d’espace proche du rivage ou d’espace remarquable font l’objet d’interprétations variables.
Adopter ces amendements reviendrait à accroître encore l’insécurité juridique. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose vis-à-vis des maires, qui croulent déjà sous les textes.
De plus, ces amendements ne permettraient pas d’atteindre notre objectif de sécurisation par rapport aux risques naturels.
À notre excellent collègue rapporteur pour avis de la commission de lois je me permettrai de rappeler que Patrice Gélard, autre membre éminent de cette commission, dans un rapport d’information qu’il avait fait sur l’application de la loi Littoral, écrivait ceci : « L’indétermination des notions retenues par la loi et la carence des documents de planification ont entraîné une grande période d’incertitude juridique, renforcée par l’opposabilité directe de la loi aux décisions individuelles, particulièrement préjudiciable pour les communes... »
J’ajoute que l’article L. 146-2 du code de l’urbanisme, qui porte sur la capacité des espaces définis comme constructibles, n’est pas le bon vecteur.
Modifier la loi Littoral revient à ouvrir une boîte de Pandore et à accroître l’insécurité juridique, sans résoudre pour autant le problème de la sécurité des personnes.
Avec les dispositions que nous avons adoptées sur l’urbanisme, sur les SCOT, les PLU, les PPRN, les PCS, je vous assure que les maires disposeront de tous les outils pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vais essayer à mon tour de convaincre M. le rapporteur pour avis de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause la loi Littoral, qui a un objectif particulier. Elle est par ailleurs suffisamment complexe.
Elle est aussi décriée par beaucoup, mais adulée par d’autres. À propos de chaque texte traitant de questions d’urbanisme, ressort la volonté de renforcer la loi Littoral ou, à l’inverse, de la « détricoter », ce qui donne lieu à des débats homériques entre les uns et les autres sur les bienfaits ou les défauts de cette loi.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas que l’on y touche.
J’ajoute que vos préconisations vont très loin puisque, selon elles, la notion de « bande de cent mètres », qui est effectivement soumise à des interprétations légèrement différentes selon les endroits, comme vient de la rappeler M. le rapporteur, pourrait être étendue par le PLU pour limiter l’exposition des populations aux risques naturels. Cette possibilité d’extension de la « bande de cent mètres » me paraît un peu excessive, notamment au regard des besoins en termes de production. On ouvrirait donc ainsi une faculté considérable aux PLU, ce qui ne manquerait pas, me semble-t-il, d’entraîner un contentieux important.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 30 est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Ce débat était nécessaire.
Les explications de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur ne m’ont pas tout à fait convaincu au fond, mais je crains que faire référence à la loi Littoral dans un texte qui se veut opérationnel et consensuel ne soit pas, en effet, une bonne idée.
En attendant d’avoir l’occasion de rouvrir le débat sur la loi Littoral, je retire mon amendement pour ne pas « polluer » notre discussion d’aujourd’hui.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 est retiré.
Monsieur Courteau, retirez-vous également l’amendement n° 15 rectifié ?
M. Roland Courteau. M. le secrétaire d’État nous dit qu’il se refuse à remettre fondamentalement en cause la loi Littoral. Mais telle n’est pas notre intention ! Nous souhaitons simplement ajouter une possibilité en matière de sécurité.
La loi Littoral prend en compte la préservation des espèces naturelles et fragiles, et c’est une bonne chose, mais elle devrait ignorer les problèmes liés à l’existence de zones à risque… C’est pour le moins surprenant !
Je maintiens donc cet amendement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il a raison !
M. Roland Courteau. Tant pis pour la sécurité !
Article 5 bis (nouveau)
Après l’article L. 122-1-13 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 122-1-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-1-13-1. – Dans un délai d’un an à compter de l’approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles visé à l’article L. 562-1 du code de l'environnement ou du plan de prévention des risques technologiques visé à l’article L. 515-15 du même code, le schéma de cohérence territorial est modifié ou révisé pour supprimer les dispositions contraires aux prescriptions des plans susvisés. À défaut, le représentant de l'État dans le département procède à la modification ou à la révision. » – (Adopté.)
Article 6
Après le troisième alinéa de l’article L. 121-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, il communique tous les trois ans aux communes ou à leurs groupements compétents un document récapitulant les informations détenues par l’État sur les caractéristiques, l’intensité et la probabilité de survenance des risques naturels connus sur le territoire concerné. »
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette communication est réalisée sans délai dans les cas de modifications significatives de ces risques naturels.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Comme l’a souligné, dans son rapport de mai 2010, la mission interministérielle faisant suite à la tempête Xynthia et comme le rappelle notre rapporteur, dès lors qu’il n’existe pas de PPR dans une commune, la prise en compte des risques dans les documents d’urbanisme dépend essentiellement des « porter à connaissance » du préfet aux élus locaux.
Cet article prévoit donc que le préfet communique tous les trois ans aux communes un document récapitulant les informations détenues par l’État sur les caractéristiques, l’intensité et la probabilité de survenance des risques naturels.
Les propositions de loi prévoyaient initialement une communication annuelle, ce qui paraissait assez lourd pour les préfets, mais était plutôt sécurisant au regard de l’accélération des événements climatiques extrêmes à laquelle nous avons assisté ces dernières années.
Nous ne vous proposons pas de revenir à cette transmission annuelle, mais nous souhaiterions que l’on prévoie que cette communication est réalisée sans délai dans les cas de modification significative de ces risques naturels.
Il peut paraître évident que les services préfectoraux agiront avec la plus grande diligence dans un tel cas. Néanmoins, j’estime qu’il est préférable de l’écrire noir sur blanc dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est une précision utile. L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Dès lors qu’il y a une modification significative des risques, il entre évidemment dans les compétences normales du préfet de le signaler aux collectivités territoriales. C’est son boulot !
Je sais bien que l’on peut faire dire beaucoup de choses à la loi et y faire notamment figurer des détails qui ne sont pas forcément de nature législative, mais je crois que la volonté du Parlement de simplifier le droit doit nous conduire à écarter certains dispositifs dont nous ne sommes pas certains qu’ils aient leur place dans une loi.
Je souhaite donc le retrait cet amendement.
Tout de même, j’imagine mal un préfet qui serait au courant d’un risque significatif s’abstenir de le signaler aux collectivités locales concernées !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est déjà arrivé !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je ne comprends pas les propos de M. le secrétaire d’État, qui les a d’ailleurs formulés avec beaucoup de passion.
Enfin quoi, nous savons que tout n’est pas parfait dans le meilleur des mondes ! En l’occurrence, nous avons eu de multiples exemples de « porter à connaissance » du préfet qui présentaient un certain nombre de lacunes. Or, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est justement pour essayer de régler ce qui était déficient dans la législation antérieure, et, à cet égard, la proposition de mon ami Roland Courteau est pleine de bon sens.
Si nous adoptons le texte de la commission en l’état, le préfet n’aura l’obligation de communiquer les documents en question aux communes que tous les trois ans. M. le secrétaire d’État nous dit de ne pas nous inquiéter et que, si besoin est, la transmission se fera même en dehors de tout cadre contraint. Mais ce qui se conçoit bien mérite d’être énoncé dans la loi. S’il est communément admis que tout risque apparaissant dans la période des trois ans doit être signalé, écrivons-le dans le texte plutôt que de laisser la décision à l’appréciation du préfet. Sinon, les communications du préfet varieront selon les départements.
Il convient de garantir l’unité de la parole de l’État. De ce point de vue, cet amendement est tout à fait nécessaire.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je l’ai dit lors de la discussion générale, indépendamment de la période de trois ans prévue, le préfet a l’obligation de porter systématiquement à la connaissance des communes tout fait nouveau susceptible de se produire.
L’article 6 me paraît déjà quelque peu superfétatoire. Certains ont souhaité inscrire cette périodicité dans la loi. Soit ! Mais préciser le dispositif encore davantage ne me semble pas utile. De toute façon, dans la réglementation actuelle, le préfet engage sa responsabilité dès lors qu’il ne communique pas à l’ensemble des collectivités les faits nouveaux susceptibles de les concerner.
Par conséquent, mes chers collègues, n’en rajoutons pas ! Gardons-nous d’alourdir et de complexifier encore le texte ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ce que je dis ne vous satisfait peut-être pas ; il n’en demeure pas moins que les dispositions actuelles sont largement suffisantes !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Peut-être cela va-t-il sans dire, mais cela irait encore mieux en l’écrivant noir sur blanc ; croyez-en mon expérience et celle de mes collègues !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
1° Après le premier alinéa de l’article L. 424-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun permis tacite ne peut être accordé lorsque le projet est situé dans une zone délimitée en application du 5° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement. » ;
2° Après le sixième alinéa de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° De délimiter les zones dans lesquelles aucun permis ne peut être tacitement accordé au titre du code de l’urbanisme. Cette délimitation peut être effectuée selon la procédure prévue au II de l’article L. 562-4-1; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par Mme Beaufils, M. Le Cam, Mme Didier, M. Danglot, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
du 5°
par les mots :
du 1° et du 2°
II. – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à rendre plus lisible et plus simple cette disposition, introduite en commission par M. le rapporteur.
Aux termes de l’article 6 bis, les permis de construire ne pourront plus être accordés de manière tacite dans des zones déterminées dans les plans de prévention des risques naturels par une procédure simplifiée.
J’entends bien que l’introduction de ce zonage assortie de la procédure simplifiée a pour but d’accélérer la mise en place du nouveau dispositif et de le rendre opérationnel le plus rapidement possible. Toutefois, j’observe que deux zonages sont déjà prévus dans le cadre de ces plans de prévention des risques naturels prévisibles par les 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement. Il s’agit, d’une part, des zones de danger, où les constructions sont soit interdites, soit conditionnées à des prescriptions relatives à leur réalisation, utilisation ou exploitation, et, d’autre part, des zones de précaution, indirectement exposées aux risques, où, là encore, les constructions sont soit interdites, soit conditionnées à des prescriptions similaires.
Il suffit donc, me semble-t-il, d’exclure toute possibilité d’accorder tacitement un permis de construire dans ces deux types de zones. Voilà qui serait plus simple, d’autant que cela épargnerait aux communes disposant déjà d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles de prévoir une modification dont l’utilité ne me paraît pas évidente.
L’adoption de cet amendement n’aurait pas pour conséquence de ralentir sensiblement la mise en œuvre de la mesure. Les communes non encore dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles suivront la procédure d’élaboration, intégrant la concertation et l’enquête publique. Cela garantira une meilleure transparence et simplifiera, du reste, la lecture de ces plans.
Ainsi, cette proposition me semble guidée par le bon sens.
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par MM. Anziani et Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2 et alinéa 4, première phrase
Après le mot :
permis
insérer les mots :
ou déclaration de travaux
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le texte comporte une innovation majeure, à savoir l’interdiction de tout permis tacite dans les zones à risque. Nous le savons, certaines des maisons qui ont été exposées avaient été construites grâce à un permis accordé tacitement.
Il faut néanmoins aller un tout petit peu plus loin et étendre cette interdiction à la déclaration de travaux.
D'une part, les constructions de moins de vingt mètres carrés, qui sont concernées par la déclaration de travaux, représentent déjà des chantiers d’une certaine ampleur.
D'autre part, et c’est la raison principale qui motive cet amendement, nous nous sommes aperçus, en menant nos travaux dans le cadre de la mission d’information, que, à L’Aiguillon-sur-Mer, 150 maisons avaient été construites sans permis.
C’est un phénomène que je constate aussi en Gironde. Il arrive que l’on construise une cabane, pour laquelle l’obtention d’un permis n’est pas nécessaire, puis qu’on l’agrandisse et la modernise au point d’en faire une véritable maison, là où, en principe, il est interdit d’en construire une.
Mes chers collègues, je vous propose donc d’appliquer le principe de précaution. Mais ce principe prend ici toute sa valeur parce nous parlons de zones sensibles, exposées.
Certes, la procédure en serait quelque peu alourdie, mais c’est pour la bonne cause : protéger la vie de ceux qui, commençant par construire une cabane pour se retrouver finalement avec une véritable habitation, s’exposeraient à de graves dangers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Bien que je comprenne parfaitement l’inspiration des auteurs de l’amendement n° 7, j’émets un avis défavorable : à trop élargir les zones de danger et de précaution, on s’éloigne de ce qui est au cœur du dispositif, à savoir la volonté d’interdire les permis tacites là où il y a un vrai danger ; à trop étendre la mesure, on en dilue l’effet.
Je suis au regret d’émettre également un avis défavorable sur la proposition d’Alain Anziani relative à la déclaration de travaux. Dans la mesure où la moitié des autorisations de travaux concerne l’installation de Velux, l’adoption de l’amendement introduirait une lourdeur supplémentaire et tout à fait inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.
L’esprit de la réforme du permis de construire engagée en 2007, c’était de simplifier la vie des gens en élargissant le champ d’application du permis tacite.
Or, sur une carte de France, les zones concernées par des plans de prévention des risques couvrent à peu près la moitié du territoire. Autrement dit, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence d’interdire de fait le permis tacite sur 50 % du territoire national. Cela irait totalement à l’encontre du souhait du Gouvernement de simplifier les démarches administratives, souhait partagé, me semble-t-il, par l’ensemble de la Haute Assemblée.
En supprimant le permis tacite, vous réinstaurez le permis favorable sur l’ensemble des territoires couverts par un plan de prévention des risques. C’est un élargissement considérable !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l’amendement n° 17.
M. Daniel Raoul. Je compléterai la démonstration d’Alain Anziani au sujet de l’émergence de cette « génération spontanée » d’abris de jardin qui se transforment en résidences secondaires, car ce ne sont pas les Velux évoqués par M. le rapporteur qui posent problème.
Nous savons tous comment cela se passe. Moi, je vous parlerai non pas des Calanques, mais du littoral atlantique. Il suffit d’une simple déclaration de travaux pour installer un abri de jardin ; puis, sans que personne n’aille d’ailleurs vérifier quoi que ce soit, on ajoute des sanitaires, on fait une extension servant prétendument de garage, et l’on en arrive à une véritable résidence secondaire !
C’est bien pour cette raison que l’amendement n° 17 a tout son sens. D’autant, monsieur le secrétaire d’État, que vous souhaitez étendre les cas de non-déclaration de travaux en surface. Actuellement, la limite est fixée à 20 mètres carrés. Voulez-vous aller jusqu’à 100 mètres carrés ? (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Imaginez ce que cela peut donner et quel type d’habitations on risque de voir surgir sans permis de construire ni déclaration de travaux, en particulier dans les zones exposées et les zones inondables, autrement dit dans l’ensemble des zones couvertes par des PPR !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 6 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par MM. Anziani et Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2131-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-2-1. - Dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, visé à l’article L. 562-1 du code de l’environnement, les actes visés au 6° de l’article L. 2131-2 font l’objet d’un contrôle de légalité systématique par les services de l’État dans le département. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement va dans le même sens que les précédents.
J’ai entendu M. le secrétaire d’État nous dire que l’esprit de la réforme du droit de l’urbanisme et du permis de construire était de simplifier la vie des gens. Je lui répondrai que l’esprit du présent texte est de sauver des vies ! Plutôt que d’opposer les deux objectifs, mieux vaut essayer de les concilier !
Pour sauver la vie des gens, l’État doit, à mon avis, assumer totalement sa responsabilité au regard du contrôle de légalité. Cela rejoint d’ailleurs l’une des préconisations du rapport de la mission sénatoriale : il faut instaurer un contrôle de légalité systématique des actes d’urbanisme dans les zones à risque.
Je suis conscient des difficultés et des lourdeurs qu’une telle obligation entraînera. Mais je sais surtout que la mesure proposée dans cet amendement entre en contradiction avec la RGPP. Ces observations, nous les avons entendues, mais, en général, elles étaient formulées pour regretter justement l’insuffisance des moyens, alors que le contrôle de légalité est indispensable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Cet amendement est, semble-t-il, satisfait dans la mesure où l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales précise que le préfet « défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ».
Alain Anziani a eu tout à fait raison de rappeler la position exprimée par la mission commune d’information. Nous étant aperçus que le taux des autorisations d’urbanisme faisant l’objet d’un contrôle de légalité s’élevait à 0,024 %, nous avions préconisé qu’un contrôle de légalité systématique en ce domaine soit instauré dans les zones de danger.
Toutefois, la loi n’est pas, selon moi, le bon vecteur pour organiser un tel contrôle puisque le code général des collectivités territoriales donne déjà au préfet le levier pour agir.
Peut-être M. le secrétaire d’État sera-t-il en mesure de s’engager à ce qu’il soit demandé aux préfets, par voie de circulaire, de contrôler systématiquement la légalité des autorisations d’urbanisme dans les zones de danger. L’aspiration d’Alain Anziani serait alors totalement satisfaite et celui-ci pourrait retirer son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car un contrôle de légalité systématique par les préfectures de l’ensemble des autorisations d’urbanisme me paraît impossible à mettre en œuvre.
Je comprends la nécessité d’accroître très sensiblement la fréquence du contrôle de légalité, tant le taux de 0,024 % constaté est faible, et je souscris, d’une certaine façon, à l’esprit qui sous-tend l’amendement n° 18, rejoignant en cela M. le rapporteur.
Je trouve ainsi tout à fait souhaitable et envisageable d’attirer fortement l’attention des préfets par circulaire sur la nécessité d’améliorer le contrôle de légalité sur les autorisations d’urbanisme dans les zones à risque.
C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Anziani, l’amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Alain Anziani. Je me méfie un peu des circulaires. Nous le savons tous, le propre d’une circulaire est d’être interprétative : elle n’a jamais de portée normative. Dès lors, si nous voulons établir des normes, faisons-le dans la loi !
Mais surtout, en fin de compte, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire ? Parce que nous n’en avons pas les moyens ! Et pourquoi cela ? Parce que la RGPP s’applique peut-être d’une façon aveugle et brutale. Résultat : lorsqu’on veut faire progresser le droit de l’urbanisme, on s’entend répondre : « Hélas, les caisses sont vides ! ».
C’est un argument que nous pouvons comprendre au regard des finances publiques, mais il n’est pas forcément bon sur le plan du droit.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je ne l’ai pas utilisé ! (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
M. Alain Anziani. Lorsque vous nous dites que le contrôle systématique des autorisations d’urbanisme est impossible, la raison est bien d’ordre financier, et uniquement de cet ordre. Autant le dire très clairement : vous n’avez pas les moyens financiers de procéder à ce contrôle systématique !
Pour notre part, nous le regrettons parce que nous estimons qu’il faut, au contraire, mettre en place cette obligation juridique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre III
De la gestion des digues et de la défense contre la mer
Article 7
Le titre unique du livre Ier de la troisième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Transfert de propriété d’ouvrages de défense contre la mer
« Art. L. 3114-1. – Les transferts de propriété d’ouvrages de défense contre la mer au profit d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales de la part d’une personne publique peuvent être opérés à la demande de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement en cas de carence d'entretien de ces ouvrages. Ils le sont à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts ou honoraires.
« La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire du transfert succède dans l’ensemble des droits et obligations à l’égard des tiers à la personne publique gestionnaire des ouvrages avant la date du transfert.
« Pour l’application du présent article, le représentant de l’État dans le département communique aux collectivités territoriales ou groupements intéressés qui en font la demande toutes les informations dont il dispose sur les ouvrages de défense contre la mer susceptibles de leur être transférés dans un délai de six mois. Il assortit ces informations d’un diagnostic portant sur la nature et l’état des ouvrages ainsi que sur les coûts annuels de leur gestion et de leur entretien.
« Art. L. 3114-2. – Une expérimentation peut être engagée pour une durée maximale de six ans pendant laquelle la collectivité ou le groupement de collectivités est compétent pour entretenir et gérer les ouvrages de défense contre la mer dont la propriété ne lui est pas transférée.
« Une convention signée entre la personne publique propriétaire et la collectivité ou le groupement de collectivités ayant opté pour l'expérimentation, définit les conditions et la durée de l'expérimentation.
« Le transfert de propriété peut être opéré à l'issue de cette période, sauf si la collectivité ou le groupement de collectivités a renoncé au transfert au moins six mois avant la clôture de l'expérimentation.
« Art. L. 3114-2-1. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions du transfert de propriété d'ouvrages de défense contre la mer.
« Art. L. 3114-3. – (Non modifié) Le présent chapitre n’est pas applicable aux ouvrages de défense contre la mer situés à l’intérieur des limites administratives d’un port maritime. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, mon intervention vaudra explication de vote.
La structure de la propriété et de la gestion des ouvrages de défense contre la mer pose un véritable problème. En effet, d’après les chiffres du ministère de l’écologie, près du tiers de ces ouvrages sont sans propriétaire, voire sans gestionnaire. Au total, plus du cinquième de ces ouvrages est dépourvu de gestionnaire.
Du reste, de l'État aux particuliers en passant par les associations, les propriétaires sont très divers. En réalité, un recensement précis mériterait d’être fait.
Il résulte principalement de cette situation des carences dans l’entretien de ces ouvrages, ce qui aggrave les risques pour les populations supposées être protégées.
Il convient donc d’améliorer ce régime de propriété et de gestion.
Il n’existe pas, à mon sens, de solution miracle : on pourrait envisager que l’État prenne en charge les ouvrages ou qu’un cofinancement intelligent par l’État et les collectivités soit mis en place, un peu sur le modèle de la gestion de certaines levées en bord de Loire, destinées à parer aux crues.
Cependant, inciter les collectivités à demander des transferts de propriété relève, en dépit de leur caractère volontaire, d’une certaine perversion. En effet, en cas de carence d’entretien des ouvrages, demain, les collectivités n’auront pas le choix ! Elles se verront obligées, moralement contraintes, de demander ces transferts. Malheureusement, parallèlement à cela, il n’y aura pas de transfert de moyens financiers de la part de l'État.
Comment ces ouvrages seront-ils vraiment financés ? Vous proposez manifestement de financer la réhabilitation de ces ouvrages par la taxe d’aménagement et une partie du fonds Barnier. Autant dire que le financement de ces transferts est nul, ou pour le moins insuffisant. On veut encore une fois solliciter les finances des collectivités alors que celles-ci connaissent déjà des difficultés.
C’est pourquoi le système d’expérimentation que vous proposez risque bien souvent de se solder par une renonciation à ce transfert de propriété.
Mes chers collègues, il s’agit bien d’un problème d’approche. J’ai l’impression qu’on prend le risque de conforter le désengagement de l’État, alors que, en matière de risques, et plus précisément de risques naturels, ce dernier doit jouer son rôle.
S’il veut déléguer cette tâche aux collectivités, pourquoi pas ? Mais, dans ce cas, qu’il leur affecte aussi les financements correspondants !
En l’état, dans le contexte de la présente proposition de loi, cette disposition ne sera qu’un fardeau de plus pour les collectivités, effaçant toute notion de solidarité nationale à cet égard.
Pour ces raisons, nous voterons contre l’article 7.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
Les transferts de propriété des ouvrages de défense contre la mer
par les mots :
Sauf lorsque les ouvrages de défense contre la mer sont établis en totalité ou en partie sur le domaine public maritime, les transferts de propriété de ces ouvrages
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Si le Gouvernement est favorable à l’article 7, il souhaite néanmoins éviter que l’ensemble des ouvrages établis sur le domaine public maritime, propriété de l'État, et qui sont de ce fait assujettis aux règles propres à ce domaine, ou en font partie, ne soient visés par un processus de transfert qui ne serait pas compatible avec la gestion du domaine public maritime et sa continuité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. À partir du moment où l’État conserve ses ouvrages et qu’il les entretient, la commission émet un avis favorable.
M. Jean-Jacques Mirassou. Oui, s’il les entretient !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un plan d'action relatif aux ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines est élaboré tous les six ans par le Gouvernement à compter de 2016 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mme Beaufils, M. Le Cam, Mme Didier, M. Danglot, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
Après le quatrième alinéa de l’article 1er
par les mots :
À la fin de l’article 44
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à remettre à la place qui convient la disposition proposée par notre rapporteur.
En effet, l’article 8, tel qu’il est présenté, « décodifie » la mesure visant à obliger l’État à élaborer tous les six ans un plan d’action relatif aux ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines. Il la place à l’article 1er de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, la loi Grenelle 1.
Or l’article 1er de la loi Grenelle 1 évoque le constat de l’urgence écologique, les raisons profondes ayant conduit à son élaboration, les grands objectifs qu’elle fixe ; il mentionne le développement durable et les trois piliers sur lesquels il s’appuie, la gouvernance associant les cinq grandes catégories d’acteurs, le suivi du Grenelle. En résumé, c’est un article de considérations générales.
Il me semble que l’alinéa qu’il nous est proposé d’y ajouter, et qui constitue une prescription bien précise sur un sujet très spécifique, arrive un peu « comme un cheveu sur la soupe »...
Il paraît donc plus pertinent d’introduire l’alinéa en question à la fin de l’article 44 de cette loi de programmation, article qui traite explicitement de la politique de prévention des risques majeurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est une modification opportune, sur laquelle la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un rapport d’étape portant sur les investissements réalisés sur les ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines dans le cadre de ce plan d’action est présenté à mi-parcours par le Gouvernement au Parlement.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 8 de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement aurait à remettre un rapport tous les six ans au Parlement sur la qualité des ouvrages de protection contre les inondations et la submersion marine, suivant en cela l’exemple des Pays-Bas.
Le rapporteur a proposé que ce rapport se transforme en véritable plan d’action du Gouvernement, afin de s’adapter à la volonté de ce dernier de mettre en place dans des délais réduits un plan contre les submersions à montée rapide.
Nous soutenons cette proposition car, comme l’a souligné le rapport publié en février dernier par le Centre européen de prévention du risque d’inondation relatif à la gestion des digues de protection contre les inondations, il n’existe pour l’instant aucune vision nationale de l’état du parc, aucune priorité d’action et aucune programmation.
Cette stratégie portera sur six ans, et le prochain plan devrait donc intervenir en 2016.
Nous estimons que la nature des investissements à réaliser sur les ouvrages de protection contre les crues et les inondations nécessite des temps longs de programmation des investissements. La période de six ans peut donc paraître appropriée. D’autant que, dans un premier temps, il faudra d’abord améliorer la connaissance du parc de digues et autres ouvrages de protection, car c’est cette connaissance qui orientera la priorité des travaux.
L’État devra aussi identifier les propriétaires afin qu’ils assument leur responsabilité et déterminer qui sera le gestionnaire, en cherchant autant que possible à instaurer une unité de gestion des digues.
On le voit il s’agit d’une entreprise complexe, d’autant que l’on compte environ 8 600 kilomètres de digues en France, gérées par plus de 1 000 gestionnaires différents, et que, sur un même ensemble d’ouvrages hydrauliquement cohérent, on trouve plusieurs tronçons de digues avec plusieurs propriétaires différents.
Dans ces conditions et eu égard à l’importance de l’enjeu, il nous semble essentiel que le Gouvernement présente un rapport d’étape à mi-parcours au Parlement afin que celui-ci puisse exercer un contrôle sur les investissements réalisés et sur la définition des priorités qui a pu être établie.
L’article 3 prévoit bien un contrôle de la qualité des ouvrages tous les trois ans à l’échelon déconcentré, c’est-à-dire au niveau des plans de gestion des risques d’inondation. En l’occurrence, il s’agirait d’une vision nationale de l’état du parc, c’est-à-dire ce qui fait le plus défaut aujourd’hui à nos yeux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission n’est pas très favorable à la multiplication des rapports, d’autant que nous demanderons très régulièrement un rapport d’évaluation des plans Digues successifs.
Par ailleurs, un questionnaire en loi de finances permettrait sans doute de mieux retracer l’effort annuel de l’État en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, le Sénat a voté tout à l’heure le principe d’un rapport sur les digues tous les deux ans. À cela s’ajoute un rapport annuel sur l’utilisation du fonds Barnier. De surcroît, l’article 8 prévoit un rapport d’évaluation tous les six ans.
Il me semble que tous ces rapports sont suffisants sans qu’il soit besoin d’ajouter un rapport supplémentaire tous les trois ans, comme le proposent les auteurs de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. J’ai souligné que la France comptait 8 600 kilomètres de digues placées sous la responsabilité de 1 000 gestionnaires différents. Compte tenu de la complexité du réseau, il me semble qu’un rapport d’étape permettrait d’opérer à mi-parcours une évaluation des investissements et des travaux réalisés, afin de se donner la possibilité d’apporter, le cas échéant, en fonction du constat établi, des modifications pour les trois ans qui restent.
Tout à l’heure, on nous a expliqué que l’inflation dans le domaine réglementaire pouvait être pénalisante et, maintenant, on nous dit qu’il faut aller plus vite !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Initialement, les deux propositions de loi prévoyaient d’associer le Parlement. Nous ne remettons pas en cause les dispositions prévues par la commission. Simplement, nous souhaitons que le Parlement soit davantage informé, avec un rapport à mi-parcours du plan.
On n’informe jamais trop le Parlement, et celui-ci ne contrôle jamais trop l’action du Gouvernement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
L’article L. 213-21 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « des barrages », sont insérés les mots : «, des digues » ;
2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il donne également son avis sur les prescriptions techniques relatives à la sécurité et à la sûreté en matière de construction, d'exploitation et de surveillance des ouvrages hydrauliques ». – (Adopté.)
Article 10
Au premier alinéa de l'article L. 331-15 du code de l'urbanisme, après les mots : « délibération motivée, » sont insérés les mots : « du fait de la nécessité de créer ou de réhabiliter les ouvrages visés à l'article L. 562-8-1 du code de l'environnement ou ».
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article L. 331-15 du code de l’urbanisme, qui sera applicable au 1er mars 2012 du fait de la réforme des taxes d’urbanisme, prévoit que le taux de la nouvelle taxe d’aménagement pourra, dans certains secteurs, être porté jusqu’à 20 % par une délibération motivée si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs.
Le présent article 10 ouvre la possibilité d’utiliser cette majoration pour les constructions et aménagements réalisés dans les zones couvertes par un PPRN afin de financer la création ou la réhabilitation des ouvrages de défense contre les inondations.
Cet article correspond à la recommandation de la mission d’information qui proposait, pour les digues, un financement local à partir d’une contribution demandée à ceux qui déposent des demandes de permis de construire dans les zones à risque. Pourtant, je souhaite m’y opposer, car j’estime que les habitants s’installant ou déjà installés dans les zones couvertes par un PPRI, mais ouvertes à l’urbanisation, ne doivent pas être pénalisés, d’autant qu’ils auront souvent à réaliser sur leur propre habitation les aménagements supplémentaires prescrits dans le PPRN à des fins de protection.
Une telle disposition serait d’ailleurs contraire à la logique qui veut que les aménagements prescrits par un plan de prévention des risques naturels, technologiques ou miniers sur des biens construits ou aménagés avant l’approbation de ces plans soient exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement.
Soit on considère que ces zones sont ouvertes à l’urbanisation dans des conditions précises, soit on remet en question cette urbanisation. Il ne serait pas juste de prévoir la possibilité d’aller jusqu’à quadrupler la taxe d’aménagement pour ceux qui s’installent dans ces zones et a fortiori pour ceux qui y sont déjà installés mais qui n’étaient pas au courant des risques qu’ils prenaient lorsqu’ils ont fait construire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je souhaite recadrer quelque peu les propos tenus par Roland Courteau. Il s’agit d’une faculté, non d’une obligation. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Je ne vois pas pourquoi on empêcherait un maire, qui a la possibilité de moduler la taxe d’aménagement pour financer l’aménagement d’une route ou l’extension d’un réseau routier, d’utiliser ce produit fiscal pour consolider une digue protégeant des habitations, si le besoin s’en fait sentir.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez dit, mon cher collègue, il ne s’agit pas de multiplier la taxe d’aménagement par quatre. Je le répète, l’utilisation de cette taxe est une simple faculté. Les maires qui le souhaitent pourront toujours conserver le taux de 5 %. Enfin, s’ajoute à ce dispositif l’abattement de 50 % prévu pour les 100 premiers mètres carrés.
Les élus choisiront de se saisir ou non cette faculté, en fonction des besoins.
Très franchement, je ne vois pas pourquoi la consolidation d’une digue protégeant une zone d’habitation ne pourrait pas être financée par cette ressource fiscale, alors que d’autres dépenses d’infrastructures publiques y sont éligibles.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je vous rappelle que nous avons réformé la fiscalité de l’urbanisme, et cela après avoir mené une très vaste concertation. Nous souhaitons passer, en deux étapes – à partir du 1er janvier 2012, puis au 1er janvier 2015 –, de dix-sept à cinq taxes et participations, la taxe d’aménagement constituant l’outil principal.
La taxe d’aménagement, dont le taux peut varier de 1 % à 5 %, remplacera les taxes actuelles. Si une collectivité locale décide d’y ajouter les participations particulières existantes, elle pourra moduler le taux de cette taxe de 5 % à 20 %.
Je rappelle aussi que l’objet des taxes d’urbanisme est de faire participer ceux qui réalisent des constructions nouvelles aux dépenses d’investissement réalisées par les collectivités locales et liées, par exemple, à l’aménagement de nouveaux lotissements. Leur objet n’est pas, me semble-t-il, de financer la consolidation de routes existantes ou de digues.
Si l’on accepte d’étendre l’utilisation de ces taxes au financement de la consolidation de digues, notamment, je crains que l’on n’ouvre la porte – si j’ose, en l’espèce, m’exprimer ainsi ! – de cette nouvelle fiscalité à tous les autres types de réfection. Cela reviendrait à créer un impôt local nouveau, en sus des taxes d’urbanisme.
À suivre cette logique, dans le cas de la construction d’un lotissement de quelques maisons, ce serait les constructeurs, et donc finalement les acquéreurs, qui devraient financer la réfection de la digue protégeant ces constructions. Cela ne me paraît pas conforme à l’esprit de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme votée voilà quatre mois par la Haute Assemblée, à l’issue d’un travail de consultation et de concertation particulièrement approfondi, associant notamment l’Association des maires de France.
Pour cette raison, je suis favorable à cet amendement tendant à supprimer l’article 10.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Me voilà bien embarrassé ! Je suis en effet l’un des coauteurs d’un texte visant à moduler la taxe d’aménagement ; or je constate que certains de mes amis, ainsi que le Gouvernement, ne partagent pas vraiment notre vision.
Cette idée nous est venue au cours d’une visite aux Pays-Bas – preuve que les voyages ne forment pas que la jeunesse ! (Sourires) –, où la réglementation en la matière est bien plus sévère que chez nous. Les Néerlandais estiment en effet que les personnes qui ont choisi de s’installer dans une zone sensible, une zone à risque, doivent contribuer au financement des différents aménagements destinés à les protéger. Ce principe s’applique de façon rigoureuse alors même que les sommes en jeu atteignent plusieurs centaines d’euros, voire un millier d’euros.
Nous n’en sommes pas là ! Nous posons simplement cette question : une personne susceptible de bénéficier de la construction d’un équipement spécifique qui la protégera, par exemple une digue, doit-elle ou non contribuer financièrement à sa construction ?
À cette question, mon ami Roland Courteau répond non, considérant que le principe de solidarité doit jouer à plein.
Une autre réponse consiste à dire que la personne concernée savait qu’elle s’exposait à des risques en s’installant à cet endroit, raison pour laquelle elle doit assumer une partie de la charge financière des travaux, car la collectivité ne doit pas seule payer pour le choix effectué par cette personne. Tel est le sens de l’article 10 tel qu’il vous est soumis.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je reconnais qu’il existe, de la part de la commission, comme c’était le cas au sein de la mission sénatoriale, une volonté « d’articuler un financement national par le “fonds Barnier”, expression de la solidarité nationale, et un financement local à partir d’une contribution demandée à ceux qui déposent des demandes de permis de construire dans les zones à risque ».
Avec le fonds Barnier, la solidarité joue sur le plan national, mais je ne suis pas certain que cette solidarité soit effective sur le plan local. En effet, on soumet à la plus forte contribution des personnes qui peuvent très bien ne pas avoir le choix du lieu de construction, pour des raisons de coût du terrain, ou qui étaient déjà installées sans le savoir dans un secteur à risque et qui l’apprennent au moment où ils sollicitent un permis de construire en vue de procéder à un agrandissement.
Certes, je sais qu’il existe un précédent, puisque la réforme prévoit également une possible augmentation de la taxe d’aménagement pour certains travaux substantiels de voirie ou de réseaux. Cependant, j’attire votre attention sur le fait que ces terrains jugés à risque seront peu prisés, et pourront donc être recherchés, en raison de leur prix moins élevé, par des personnes disposant de peu de moyens. Ces acheteurs aux moyens modestes devront acquitter une forte taxe alors même que la construction est autorisée dans ces secteurs à risque : on leur inflige, en fait, une sorte de double peine !
Une telle disposition paraît encore plus surprenante au regard de la logique actuelle, aux termes de laquelle toute personne réalisant des aménagements de sécurité prescrits par un PPRN sur des biens construits doit être exclue du champ d’application de la taxe d’aménagement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Nous ne proposons pas d’augmenter la taxe d’aménagement !
Premièrement, je vous rappelle, mon cher collègue, que vous avez déjà voté une disposition prévoyant la possibilité de la porter jusqu’à 20 %.
Deuxièmement, il ne s’agit pas de dépenses d’entretien, mais de dépenses d’investissement.
Troisièmement, je vous indique – ce qui vous rassurera… à moins que cela ne vous inquiète ! – que les participations communales destinées à entretenir les digues pèsent in fine sur les budgets des communes, et donc sur la fiscalité locale.
M. Roland Courteau. C’est la solidarité !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le fonds Barnier, dont nous reparlerons ultérieurement, n’est pas une ressource budgétaire : il est alimenté par une surprime acquittée par les assurés. Même si l’État gère ce fonds, il ne s’agit donc pas d’une ressource fiscale stricto sensu.
Par ailleurs, cher Roland Courteau, je ne peux vous approuver lorsque vous affirmez que ces terrains à risque seront dépréciés. Sur le littoral, la pression foncière et immobilière est énorme. Il me semble que la responsabilisation financière des riverains qui choisissent de faire construire sur un terrain nécessitant d’importantes dépenses de protection permet de faire progresser la culture du risque.
J’ai également entendu les excellents arguments de M. le secrétaire d’État, mais l’avis de la commission reste défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 128 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce financement est soumis aux conditions suivantes : » ;
2° Au début du second alinéa, il est inséré la référence : « I » ;
3° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Par dérogation au I du présent article, et jusqu’au 31 décembre 2013, le taux maximal d’intervention est fixé à 40 % pour les travaux, ouvrages ou équipements de protection contre les risques littoraux pour les communes où un plan de prévention des risques naturels littoraux prévisibles est prescrit. Le montant supplémentaire correspondant à cette dérogation pourra être versé à la commune à la condition que le plan communal de sauvegarde mentionné à l’article 13 de la loi n° 2004-811 ait été arrêté par le maire, et au plus tard avant le 31 décembre 2013. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cet amendement vise à augmenter de façon transitoire, comme le demandait le rapporteur, le taux du financement par le fonds Barnier des travaux sur les ouvrages de protection dans le cas où un PPR est prescrit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il est très favorable. M. le secrétaire d’État mérite d’avoir sa statue parmi celles qui dominent le « plateau », madame la présidente ! (Sourires.) Les élus de tous bords attendaient en effet cette disposition, qui sera très utile pour financer le plan Digues.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Chapitre IV
Des systèmes d’alerte, de la préparation de la population au risque et de l’organisation des secours
Article 11
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le troisième alinéa de l’article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le schéma consacré à la prévention des risques d’inondation intègre un volet spécifiquement consacré au risque de submersion marine et au risque tsunami. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 11 des propositions de loi initiales prévoyait une prise en compte spécifique du risque de submersion marine dans les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques, les SDACR.
En effet, on a pu constater que les SDACR ne prenaient pas assez en compte le risque de submersion marine et que des casernes de sapeurs-pompiers, notamment, avaient été implantées dans des zones soumises à des risques naturels importants et n’étaient plus opérationnelles en cas de catastrophe. C’est tout de même un comble d’installer des unités de secours dans des zones susceptibles de devoir être secourues en priorité ! Il est vrai que les exigences d’accessibilité et d’intervention rapide imposent une certaine proximité... Il reste que cela s’est produit sur le littoral atlantique lors de la tempête Xynthia et que d’autres zones littorales pourraient également faire la même malheureuse expérience, notamment aux Antilles.
Cet amendement tend donc à prévoir dans les SDACR un volet spécifique au risque de tsunami.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
L’article 13 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, avant le mot : « approuvé », sont insérés les mots : « prescrit ou » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'existence d'un plan communal de sauvegarde conditionne l’octroi des subventions publiques en faveur des actions locales de prévention des risques.
« Il prévoit tous les trois ans, dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles prescrit, approuvé ou compris dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention, un exercice de simulation d’une catastrophe naturelle. Sur la base de cette expérience, la commune, en collaboration avec le représentant de l’État dans le département, adapte son contenu. » ;
3° Au troisième alinéa, après le mot : « commune », sont insérés les mots : «, avec l'appui technique de l'État, qui peut être délégué au conseil général ou à toute autre collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales avec son accord, » ;
4° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « relève » est remplacé par les mots : «, ainsi que sa diffusion régulière auprès des populations concernées, relèvent ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ainsi que dans toutes les communes littorales » ;
II. - Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Il prévoit, tous les trois ans, un exercice de simulation d’une catastrophe naturelle :
« - dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvés ou prescrits ;
« - dans les communes comprises dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention ;
« - dans les communes exposées au risque tsunami et visées par le volet tsunami du schéma départemental d’analyse et de couverture du risque défini dans l’article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales.
« Sur la base de cette expérience, la commune, en collaboration avec les services compétents de l’État, adapte son contenu. » ;
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le présent amendement tend à rendre obligatoire le plan communal de sauvegarde défini à l’article 13 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile dans toutes les communes littorales qui sont, par nature, exposées au risque de submersion marine, mais aussi au risque de tsunami.
Nous proposons, en outre, de prévoir un exercice de simulation d’une catastrophe naturelle dans toutes ces communes exposées au risque de tsunami, et qui sont couvertes par le volet tsunami du SDACR. Dans un souci de clarté, une liste énumérant les autres communes couvertes par un PPRN a été établie.
Nous nous félicitons, par ailleurs, de la décision de la commission de l’économie de rendre obligatoires les PCS dans les communes où un PPRN a été prescrit, et non plus seulement approuvé, afin d’accélérer la mise en place de la gestion des risques naturels.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Supprimer les mots :
, en collaboration avec le représentant de l'État dans le département,
II. - Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un appui technique peut être apporté par le conseil général ou par toute autre collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales avec leur accord. » ;
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ne sachant pas ce que la notion d’« appui technique de l’État » peut recouvrir sur le plan urbanistique, et craignant qu’elle ne soulève beaucoup de questions, j’estime qu’elle ne doit pas figurer dans cet article.
S’il s’agit d’élaborer un guide pratique de réalisation des PCS, je n’y suis pas évidemment pas opposé, mais je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire d’introduire ce type de disposition dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 25 et 2 ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 25, qui a d’ailleurs été défendu d’une façon différente de celle que son libellé pouvait laissait présager, mais je pense que nous nous rejoignons sur l’esprit du dispositif.
Les communes littorales ne sont pas toutes soumises à un risque et, de ce fait, elles ne doivent pas toutes être couvertes par des plans communaux de sauvegarde. En revanche, comme vous l’avez dit à la fin de votre explication, monsieur Botrel, il est clair que les communes qui ont un PPR seront couvertes par un plan communal de sauvegarde.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 2.
Nous souhaitons en effet qu’il y ait un appui technique de l’État parce qu’une de ses missions régaliennes reste d’assurer la sécurité des personnes. Beaucoup de petites communes sont concernées, mais je vous rassure, monsieur le secrétaire d'État : il s’agit non pas d’établir pour elles des plans communaux de sauvegarde, mais de leur apporter un appui en termes de méthodologie par l’intermédiaire des services de la DDTM, la direction départementale des territoires et de la mer, et des services de la protection civile des préfectures. Priver les plus petites communes de ce simple accompagnement reviendrait à mon sens pour l’État à renoncer à une de ses missions régaliennes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 25 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Monsieur le secrétaire d'État, vous vous interrogiez sur ce que pouvait être l’appui fourni par les services de l’État aux collectivités et, singulièrement, aux plus petites d’entre elles. Eh bien, il s’agit précisément de tous ces services que leur apportaient notamment la DDTM et l’ancienne DDE, et que le Gouvernement est en train de supprimer !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je souhaiterais savoir si M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État seraient favorables à l’amendement n° 25 dans le cas où nous le rectifierions en en supprimant le I.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Même si l’amendement était modifié dans ce sens, nous maintiendrions notre avis défavorable, car le dispositif permet déjà d’avoir un PCS lorsqu’il y a un PPR prescrit et non pas approuvé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
Au chapitre V du titre II du livre Ier du code de l’environnement, après l’article L. 125-2, il est inséré un article L. 125-2-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 125-2-1 A. – Il est institué une journée nationale de prévention des risques, dont les modalités de mise en œuvre sont déterminées par décret. »
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme Beaufils, M. Le Cam, Mme Didier, M. Danglot, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
risques
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
de catastrophes naturelles dont les modalités de mise en œuvre sont déterminées par décret. Elle a lieu le même jour que la journée internationale de la prévention des catastrophes naturelles.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous sommes plutôt favorables à l’idée de créer une journée nationale visant à renforcer la culture du risque dans notre pays. Néanmoins, nous pensons qu’il faut réfléchir un peu au sens qu’on veut lui donner et à sa cohérence.
La rédaction initiale des propositions de loi évoquait une journée nationale de la « prévention des risques naturels », mais notre rapporteur a préféré l’élargir à tous les risques. L’idée sous-jacente d’intégrer également – si j’ai bien compris – les risques technologiques est louable, mais j’ai peur que la notion de risques ne soit trop large pour qu’une journée nationale qui va donc consister à faire de la sensibilisation et de la pédagogie puisse être bien comprise et identifiée.
Il existe tout de même une large palette de risques à prévenir, professionnels, psychosociaux, technologiques et j’en passe, risques qui nécessitent des approches souvent différentes, y compris sur le plan philosophique : traiter de l’homme face aux aléas naturels n’est pas la même chose que traiter de l’homme face aux aléas de sa propre technique et de ses propres objets, même si, j’en conviens, le risque technique n’est pas toujours indépendant du risque naturel.
L’idée est donc de se recentrer sur les risques de catastrophes naturelles, qui impliquent certes une sensibilisation à la culture du risque, mais aussi une sensibilisation, de façon sans doute plus spécifique, aux systèmes de prévision, d’alerte et de secours.
Une journée, c’est court. Il convient donc, à mon sens, que l’objet de cette journée soit suffisamment ciblé pour ne pas risquer de manquer l’objectif visé.
Enfin, comme Dominique de Legge l’a fort pertinemment indiqué dans son avis, une journée internationale de la prévention des catastrophes naturelles, fixée au 13 octobre, existe déjà sous l’égide de l’ONU. Je pense que peu de parlementaires ont entendu parler de cette journée – de fait, j’en ignorais l’existence jusqu’à présent – qui n’a pas trouvé l’écho qu’elle mérite dans notre pays, mais cela aurait un sens de faire correspondre les dates des deux événements, et plus encore si l’on reprécise l’objet de la journée nationale, comme nous proposons de le faire.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement de pédagogie et de cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il est défavorable. Lier les risques naturels aux risques technologiques a tout de même du sens, notamment en situation paroxystique, comme on a pu le voir au Japon.
Quand à la date qui sera fixée pour la journée nationale, je ne peux vous répondre, madame Didier : Alain Anziani et moi-même avons accepté en commission un amendement visant à renvoyer les modalités pratiques de celle-ci à un décret. C’est donc au Gouvernement qu’il appartiendra de fixer la date.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je partage les préoccupations des auteurs de l’amendement : il est illusoire de penser qu’une action pédagogique consacrée à un éventail de risques aussi polymorphes et concentrée sur une seule journée puisse être exhaustive. Il vaudrait donc mieux, comme le propose Mme Didier, cibler le propos sur les risques naturels.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
(M. Roger Romani remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
Article 14
Le f du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « l’acheminement gratuit », sont insérés les mots : « et prioritaire » ;
2° À la seconde phrase, le mot : « gratuit » est remplacé par les mots : « permanent, dans la limite des technologies disponibles, gratuit et prioritaire ».
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Retailleau, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Remplacer les mots :
et prioritaire
par les mots :
et, dans la limite des technologies disponibles, permanent et prioritaire
II. Alinéa 3
Remplacer les mots :
permanent, dans la limite des technologies disponibles, gratuit et prioritaire
par les mots :
gratuit et, dans la limite des technologies disponibles, permanent et prioritaire
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Cet amendement de précision a pour objet la prise en compte du niveau technologique disponible pour acheminer les appels. Il y a en effet actuellement une distorsion entre le numéro d'urgence européen, le 112, et les autres numéros d'urgence nationaux, le 15, le 17 et le 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Chapitre V
Des régimes d’indemnisation
Article 15
(Non modifié)
Le chapitre V du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Compensation de pertes de bases
« Art. L. 2335-17. – Il est institué à compter de 2011 un prélèvement sur les recettes de l’État permettant, suite à une catastrophe naturelle, de verser une compensation aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui enregistrent d’une année sur l’autre une diminution des bases d’imposition à la taxe d’habitation, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. L’éligibilité d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale à cette compensation est décidée par décret en Conseil d’État. Cette compensation, partielle et temporaire, ne peut porter que sur ces trois taxes directes locales.
« Les collectivités territoriales déclarées éligibles à la compensation bénéficient, sur la ou les taxes compensées, d’une attribution égale :
« - la première année, à 90 % de la perte de produit enregistrée,
« - la deuxième année, à 75 % de l’attribution reçue l’année précédente,
« - la troisième année, à 50 % de l’attribution reçue la première année,
« - la quatrième année, à 50 % de l’attribution reçue l’année précédente. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. À ce stade, le Gouvernement n'est pas favorable à l’adoption de l’article 15, qui prévoit la compensation partielle et temporaire des diminutions de recettes fiscales des communes et EPCI liées à des délocalisations consécutives à des catastrophes naturelles, à l’exemple de celles qui ont suivi la tempête Xynthia.
En effet, nous ne disposons pas d’étude d’impact sur les finances publiques de la mesure préconisée, étude qui pourrait être réalisée d’ici à l’examen de la proposition de loi par l’Assemblée nationale.
J’ajoute que des aides sont déjà apportées. Ainsi, le fonds Barnier indemnise les occupants. Même si j’entends bien qu’il ne s’agit pas d’une disposition fiscale, c’est déjà une mise en œuvre de la solidarité nationale.
De la même façon, les collectivités locales bénéficient d’aides pour compenser les dommages non assurables, ainsi que de subventions pour les aider à réduire la vulnérabilité.
Certes, les dispositions de l’article 15 ne se situent pas tout à fait sur le même registre, mais je suggère de ne pas les adopter avant de disposer de l’étude d’impact ; d’où cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le dispositif proposé à l’article 15 a été copié sur le dispositif applicable en matière de taxe professionnelle ou, désormais, de contribution économique territoriale : en cas de liquidation judiciaire et donc de perte brutale de produit fiscal pour une commune, l’État a prévu un mécanisme de « lissage » dans les comptes de la commune, dispositif sur quatre ans, dégressif, « en sifflet », qui crée une sorte de sas destiné à permettre à la commune d’amortir progressivement la perte de produit fiscal.
Nous avions présenté notre proposition à Brice Hortefeux, alors ministre de l’intérieur, qui nous en avait dit beaucoup de bien.
Le dispositif s’appliquerait en l’espèce aux délocalisations dans les zones de solidarité. À titre d’exemple, les communes de L’Aiguillon-sur-Mer et de La Faute-sur-Mer vont perdre une part très importante de leurs recettes au titre de la taxe d’habitation puisque plusieurs centaines de maisons vont être détruites, ce qui entraîne une diminution brutale de l’assiette fiscale.
Certes, monsieur le secrétaire d'État, le programme 122 permet au ministère de l’intérieur de prendre en charge des réparations sur des biens communaux non assurables, et cet élément est à prendre en compte.
Je serais prêt à m’en remettre à la sagesse sur cet amendement, mais j’ai quelques craintes, car cela fait plus d’une année que nous « cheminons » sans que rien nous ait été proposé. Peut-on laisser les communes, notamment des communes qui comptent moins de 2 000 ou de 2 500 habitants et qui, souvent, ne disposent pas des terrains nécessaires pour procéder à des relogements, sans solution face à une perte brutale de recettes fiscales ? Ce serait donc un avis de « sagesse peu favorable ».
J’attends donc de voir quelles réactions suscite cet amendement chez nos collègues…
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. En effet, le fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales victimes de catastrophes naturelles permet d’attribuer des subventions aux communes pour la réalisation ou la réhabilitation de biens communaux non assurables ou encore pour des travaux de voiries.
Cependant, il n’existe aucun mécanisme de compensation des pertes de recettes fiscales – taxe d’habitation, taxe foncière, etc.
M. le rapporteur a déjà rappelé que M. Brice Hortefeux, alors ministre de l’intérieur, avait déclaré, lors de son audition par la mission, qu’il appuierait une telle demande.
Je tiens à souligner qu’il s’agit non pas de délocalisations, comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement, mais bien de la démolition des maisons situées dans les zones dangereuses, délimitées par l’État, et ayant fait l’objet d’une acquisition amiable par ce dernier, eu égard au danger auquel leurs habitants sont exposés.
Les pertes de recettes fiscales ne sont pas négligeables pour les communes touchées par la tempête Xynthia, et qui, du fait de la catastrophe, vont pourtant devoir étudier une nouvelle fois leurs projets d’aménagement et financer de nouveaux espaces d’urbanisation. Elles devront aussi aménager ces espaces inconstructibles rendus à leur état naturel.
Les pertes, évaluées à 1,8 million d’euros, sont énormes pour ces communes, mais finalement modiques pour l’État, garant de la solidarité nationale. Or la solidarité nationale consiste aussi à faire en sorte que les communes durement touchées par les catastrophes naturelles puissent se relever, envisager l’avenir, sans que les habitants ayant choisi d’y rester supportent la hausse d’impôts locaux qui sera inévitable à défaut de compensation.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe socialiste sont résolument opposés à l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. J’ai bien pris note de l’étude d’impact proposée par M. le secrétaire d’État. Cependant, je regrette que l’article 15, qui suscite la pleine et entière adhésion des membres du groupe CRC-SPG, fasse l’objet d’un amendement de suppression.
N’oublions pas que les citoyens des communes sinistrées qui subiront la hausse inévitable des impôts locaux à la suite d’importantes baisses des bases d’imposition dans ces communes auront aussi été les victimes du sinistre en question.
Si nous adoptions l’amendement n° 4, nous pénaliserions les habitants déjà frappés par une catastrophe naturelle. La mesure transitoire de compensation décroissante dans le temps est un point fort de la présente proposition de loi. Par conséquent, nous estimons nécessaire de maintenir l’article 15.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement est complété par les mots : «, en particulier dans le cas de financement de dépenses exceptionnelles. » – (Adopté.)
Article 17
(Non modifié)
À la fin de la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 561-3 du même code, les mots : « par l’autorité administrative dans la limite de 12 % » sont remplacés par les mots : « à 14 % ».
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir un instant sur le vote qui vient d’avoir lieu : ceux d’entre vous qui, sur certaines travées de cet hémicycle, doutaient que la réforme constitutionnelle ait apporté des pouvoirs nouveaux au Parlement ont eu une démonstration flagrante que les parlementaires prennent réellement en charge leurs responsabilités, en l’occurrence au détriment du Gouvernement. Au moins, maintenant, il existe un équilibre des pouvoirs dans notre pays ! (Sourires.)
Mme Évelyne Didier. On se console comme on peut !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous le concède, madame la sénatrice ! (Nouveaux sourires.)
J’en viens maintenant à ce nouvel amendement de suppression présenté par le Gouvernement.
L’article 17 prévoit de porter le prélèvement maximal opéré sur les primes d’assurance pour alimenter le fonds Barnier de 12 % à 14 %. Aujourd’hui, ce fonds a largement de quoi subvenir à ses besoins et il dispose d’une trésorerie.
Je vous rappelle qu’il y a eu une avance de l’État et un prélèvement exceptionnel auprès de la Caisse centrale de réassurance pour un montant de 100 millions d’euros. Les ressources annuelles – 165 millions d’euros – permettent de financer les différentes composantes de notre politique de prévention des risques, y compris, bien évidemment, la politique de rachat liée à la tempête Xynthia.
Bref, le Gouvernement peut assumer financièrement l’ensemble des dépenses qui lui incombent en la matière sans avoir besoin de ressources supplémentaires au titre du fonds Barnier.
Porter de 12 % à 14 % le maximum du prélèvement sur le produit des primes d’assurance se traduirait en outre par une augmentation à due concurrence du tarif desdites primes. Par conséquent, cette mesure pèserait sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je veux d’abord féliciter M. le secrétaire d’État de son esprit sportif…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il s’agirait alors d’une statue équestre ! (Nouveaux sourires.)
Pour la commission, il s’agissait là d’une disposition d’appel : nous voulions simplement recevoir du Gouvernement l’assurance que le fonds Barnier prend bien en compte les dépenses courantes, le plan Digues et l’acquisition des maisons situées en zone de solidarité. Puisque vous nous avez affirmé, monsieur le secrétaire d'État, que le fonds disposait d’une trésorerie suffisante, j’émets un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Comment peut-on affirmer que l’on dispose de fonds suffisants pour les zones sinistrées ? Ne faudrait-il pas financer, par exemple, l’acquisition des habitations situées dans des zones de grave danger avant qu’une catastrophe ne se produise ? Qui peut prévoir de quoi demain sera fait, monsieur le secrétaire d’État ?
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé.
Article 18
(Supprimé)
Chapitre VI
De l’aménagement et du développement des zones littorales
Article 19
L’article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « et de prévention des risques littoraux. » ;
2° La deuxième phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et à la prévention des risques littoraux. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Merceron, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État est ainsi modifiée :
1° L’intitulé du chapitre IV de la section II du titre II est complété par les mots : « et du littoral » ;
2° L’article 57 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et du littoral » :
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « et de prévention des risques littoraux » ;
c) La seconde phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et à la prévention des risques littoraux » ;
d) Au quatrième alinéa, après le mot : « mer » sont insérés les mots : « et du littoral » ;
e) À la première phrase du sixième alinéa, après le mot : « mer » sont insérés les mots : « et du littoral ».
II. - À l’article L. 122-1-11, au dernier alinéa du IV de l’article L. 122-3, à l’article L. 122-8-1, aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 122-11, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 123-1-9, au d) de l’article L. 123-12, au quatrième alinéa de l’article L. 123-14, à la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 124-2, au deuxième alinéa du II de l’article L. 146-4, au quatrième alinéa de l’article L. 156-2 et au premier alinéa du I de l’article L. 156-4 du code de l’urbanisme, après les mots : « schéma de mise en valeur de la mer », sont insérés les mots : « et du littoral ».
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Aujourd’hui, les schémas de cohérence territoriale des zones littorales contiennent un schéma de mise en valeur de la mer. De fait, ces schémas ne prennent pas nécessairement en compte l’aménagement du littoral, c’est-à-dire cette zone qui fait le lien entre la mer et la terre.
Or, pendant le Grenelle de la mer, il est apparu clairement que la liaison entre la mer et la terre était un point essentiel de la conception même d’aménagement des territoires situés en bordure de mer. De la même façon, il est évident que le risque de submersion marine produit ses principaux effets sur la terre, étant entendu que la plage est un espace très fréquenté, notamment par les touristes.
Dès lors que l’on a conscience de cela, une réflexion sur l’aménagement du littoral s’impose à l’échelon intercommunal. Toutefois, plutôt que de créer de nouveaux outils, il me paraît préférable d’élargir les schémas de mise en valeur de la mer à l’espace littoral, afin que les élus locaux puissent avoir, au niveau du SCOT, une vision plus cohérente de l’aménagement du littoral.
Pour cette raison, je vous propose, mes chers collègues, la présente rédaction de l’article 19, qui va au-delà d’une simple modification rédactionnelle puisqu’elle met au cœur de la réflexion sur la mise en valeur de la mer son impact sur le littoral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Cet amendement utile tend à renforcer le lien entre l’urbanisme et la carte des risques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l'article 19
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
17° Délimiter, dans les zones délimitées en application du I de l'article L. 515-16 du code de l'environnement ou en application des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code, les zones exposées à un risque naturel ou technologique grave et où, en raison des caractéristiques et de la gravité dudit risque, aucune construction ni aucun ouvrage ne peut être implanté ;
18° Délimiter, dans les zones délimitées en application du I de l'article L. 515-16 du code de l'environnement ou en application des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code, les zones exposées à un risque naturel ou technologique sérieux, et où aucune habitation ne peut être réalisée ;
19° Délimiter, dans les zones délimitées en application du I de l'article L. 515-16 du code de l'environnement ou en application des 1° et 2° du II l'article L. 562-1 du même code, les zones exposées à un risque naturel ou technologique modéré ; le règlement détermine alors les conditions dans lesquelles des habitations peuvent y être implantées ou occupées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. L’article 19 permet l’intégration de la prévention des risques littoraux dans les schémas de mise en valeur de la mer et dans les SCOT. Dans le prolongement de notre vote, il nous paraît souhaitable que le même dispositif soit applicable aux PLU.
À l’article 5, une discussion s’est engagée sur le fait que le PLU, document de synthèse de la gestion au quotidien des sols, doit être mis en conformité avec les plans de prévention des risques naturels. La même logique s’applique en l’espèce.
Par le biais de l’amendement n° 31, nous proposons de conforter le PLU en tant qu’outil de prévention des risques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. L’amendement n° 31 n’apporte rien au regard de la problématique envisagée ; au contraire, il pourrait être source d’alourdissement du dispositif applicable.
Les importants groupes de travail mis en place par M. le secrétaire d'État dans le cadre d’une grande réforme nationale – pour ne pas dire européenne – de l’urbanisme de projet ont montré que l’un des facteurs bloquants résidait dans une trop forte complexité des PLU. Or la mesure proposée accroîtrait cette dernière.
Je comprends parfaitement votre intention, mon cher collègue, mais l’amendement n° 31 est satisfait par l’ensemble du dispositif qui va lier encore plus étroitement urbanisme et risque. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le présent amendement semble être source d’une grande complexité en ajoutant des zonages aux zonages.
Comme M. le rapporteur vient de l’indiquer, la volonté est de simplifier le droit de l’urbanisme. À cette fin, dans quelques semaines, le Gouvernement, habilité par le Parlement à légiférer par ordonnance, présentera une réforme. Il a constitué un groupe miroir regroupant un certain nombre de sénateurs représentant toutes les sensibilités de cet hémicycle. Il souhaite profondément faire évoluer les PLU, en accord avec l’ensemble des représentants des collectivités locales.
Aujourd’hui, il ne me semble pas judicieux de complexifier à outrance le PLU, qui est déjà une source de contentieux considérable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 31.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Je m’attendais à ces explications, qui, malheureusement, ne m’ont convaincu pour une raison très simple : on ne peut pas, pendant deux heures de débat, expliquer que les difficultés dues à la tempête Xynthia étaient précisément liées au fait que les documents d’urbanisme n’étaient pas en harmonie les uns avec les autres, puis, lors de l’examen de l’article 19, soutenir qu’il n’est pas grave du tout que le SCOT et les schémas d’aménagement de la mer ne soient pas compatibles avec le PLU.
À tout le moins, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous réaffirmiez de façon très claire que, pour le Gouvernement, en matière d’urbanisme, le document opérationnel est le PLU et non le SCOT.
Par ailleurs, j’observe que les SCOT recouvrent en général plusieurs communes, alors que le PLU peut, lui, être communal.
L’amendement que je défends au nom de la commission des lois a toute sa logique par rapport au débat que nous venons d’avoir. Toutefois, par magnanimité, et bien que n’étant pas sûr d’être approuvé par mes collègues de la commission des lois, je suis prêt à le retirer si j’obtiens une assurance de votre part, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler que, dans le cadre du Grenelle 2, nous avons réorganisé la hiérarchie des documents d’urbanisme.
Nous étions confrontés à la difficulté suivante : jusqu’alors, un permis de construire, par exemple, devait être conforme à un PLU, à un SCOT, à un SDRIF en Île-de-France, bref, à toute une série de documents d’urbanisme existants. Dans un souci de simplification, nous avons souhaité prévoir une conformité non plus horizontale, mais verticale. Autrement dit, le permis de construire doit être conforme au PLU, qui doit lui-même être conforme au SCOT, etc. Chaque document de rang inférieur doit être compatible avec celui de rang supérieur, ce qui, me semble-t-il, répond à votre demande, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Alors, je retire l’amendement n° 31, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l’article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur le financement des mesures de délaissement dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 20, qui a été supprimé par la commission, permettait d’instaurer un droit de délaissement dans les secteurs présentant un danger grave pour la vie humaine, en raison de risques importants de catastrophe naturelle. Toutefois, compte tenu de la manière dont il était rédigé, ce dispositif exposait les communes à supporter seules le coût d’acquisition de ces constructions.
Nous proposons donc que le Gouvernement présente au Parlement, après un an d’application de la loi, un rapport sur le financement des mesures de délaissement dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce serait un rapport de plus alors que le texte en prévoit déjà un certain nombre… Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 19.
Article 20
(Supprimé)
Article 21
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa de l’article L. 142-1 est ainsi rédigé :
« Afin de préserver la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels, des champs naturels d’expansion des crues ou des submersions marines et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l’article L. 110 (le reste sans changement) » ;
2° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 142-3, le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
3° À la première phrase de l’article L. 143-2, après les mots : « destinés à favoriser », sont insérés les mots : « la prévention des risques naturels majeurs » ;
4° Au premier alinéa de l'article L. 211-1, après les mots : « code de l'environnement », sont insérés les mots : « dans les zones délimitées en application du 1° et du 2° du II de l’article L. 562-1 du même code ».
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Courteau, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
des champs naturels d’expansion des crues ou des submersions marines
par les mots :
de préserver ou de créer des champs naturels d’expansion des crues ou des submersions marines ou des espaces de mobilité des cours d’eau
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Les propositions de loi initiales prévoyaient d’intégrer la notion de « création » de champs naturels d’expansion des crues ou des submersions marines dans l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme, qui porte sur la politique des départements en matière de préservation des sites et des milieux naturels. Or, nous en sommes finalement restés à la notion de « préservation ».
Cela peut rappeler les débats que nous avons eus lors du Grenelle de l’environnement sur les questions de restauration ou de remise en bon état des zones humides. D’ailleurs, les zones d’expansion correspondant au lit majeur des cours d’eau ont souvent été artificialisées alors qu’elles auraient pu être considérées comme des zones humides, où une flore intéressante peut se développer.
Je propose donc de rétablir la notion de « création » de champs naturels d’expansion des crues ou des submersions marines, en faisant également référence aux « espaces de mobilité des cours d’eau ».
La délimitation des espaces de mobilité des cours d’eau s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les risques d’inondation, qui a été renforcée par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Étonnamment, ces espaces sont visés dans le chapitre relatif au régime général et à la gestion de la ressource en eau du code de l’environnement, et non dans le titre sur la prévention des risques naturels. Pourtant, ils ont un rôle important à jouer dans la prévention des risques d’inondation.
En effet, comme les champs naturels d’expansion des crues, les espaces de mobilité s’apparentent à des « zones tampons » qui permettent de stocker les eaux débordant du lit mineur ou, puisqu’il faut désormais prendre également en compte le risque de submersion marine, de l’espace maritime.
Ces espaces de mobilité, qui sont particulièrement utiles pour les cours d’eau à dynamique active, permettent ainsi de réduire les risques d’inondation de zones urbanisées à proximité des cours d’eau ou du littoral. Il est donc nécessaire non seulement de préserver ceux qui existent mais aussi d’en créer de nouveaux.
En outre, l’intégration de cette référence dans le code de l’urbanisme permettra de régler les problèmes de maîtrise foncière qui freinent souvent la réalisation de projets d’intérêt général. Les conseils généraux auront ainsi la possibilité d’utiliser leur droit de préemption pour acquérir ces espaces et en faire des servitudes d’utilité publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je souhaiterais simplement préciser que c’est souvent l’absence de maîtrise du foncier qui freine les réalisations d’intérêt général.
Ainsi, le département de l’Aude, où de terribles inondations ont fait vingt-cinq morts en 1999, a vu sa situation améliorée grâce à la multiplication des zones d’expansion des crues. Les inondations du 15 mars dernier ont démontré l’utilité de ces champs d’expansion ou de ces zones de mobilité au regard de la régulation hydraulique, ou encore celle des pièges à embâcles : en aval, les dégâts ont été réduits.
Dans ce contexte, préserver les champs naturels est une chose – c’est même le minimum ! –, mais donner la possibilité d’en créer de nouveaux en association avec les zones de mobilité des cours d’eau, dont le rôle est au moins aussi important, serait tout à fait nécessaire. Je rappelle que, s’il n’y a pas eu de victimes dans l’Aude lors des inondations de mars 2011, il reste encore beaucoup à faire, notamment en matière de création de champs d’expansion ou de zones de mobilité des cours d’eau.
C’est à méditer, mes chers collègues !
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
L’article 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral est ainsi modifié :
1° Dans la troisième phrase du troisième alinéa, après les mots : « qu'il juge nécessaires » sont insérés les mots : « pour la prévention des risques littoraux et » ;
2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être saisi par les collectivités territoriales et par leurs groupements compétents en matière d’urbanisme en vue de les assister dans l’aménagement de leurs zones littorales à risque. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voterons ce texte issu des propositions de loi de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani, que je félicite une nouvelle fois de leur initiative, tant il était urgent de tout mettre en œuvre pour éviter, non pas les catastrophes naturelles, bien sûr, mais les drames qu’elles peuvent provoquer.
Il était en effet essentiel que, à l’issue de l’examen de ces deux propositions de loi, nous puissions dire qu’il y a désormais un avant et un après Xynthia, comme cela a été souligné à de multiples reprises. Ce vœu est réalisé, même s’il faut encore que l’Assemblée nationale nous suive dans cette voie.
Il convenait que soit prise en compte la spécificité des risques que constituent les submersions marines dans la mesure où, jusqu’à présent, les PPR ne traitaient que les risques de crue. C’est fait.
Il convenait également de prendre en compte de manière spécifique ces autres phénomènes qui, nettement différents des submersions marines provoquées par les tempêtes, sont plus rares mais non moins dévastateurs : je veux bien entendu parler des tsunamis. On peut d’ailleurs se féliciter qu’un Centre national d’alerte au tsunami soit bientôt opérationnel.
Bref, des mesures d’adaptation s’imposaient de toute urgence compte tenu à la fois de l’évolution de nos connaissances, des dérèglements climatiques, de la montée du niveau des mers et des phénomènes de « littoralisation », c’est-à-dire de l’accroissement de l’occupation humaine des régions côtières.
Il était donc très important de légiférer sur ce sujet, d’autant qu’il n’existe pas véritablement aujourd’hui de culture du risque en France. Je n’en ai que davantage apprécié la volonté de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani, ainsi que des autres membres de la mission, de développer cette culture du risque pour éviter de nouveaux drames.
Du reste, comment ne pas se réjouir de l’adoption de l’article 13, instituant une journée nationale de prévention des risques, ainsi que du caractère obligatoire des plans communaux de sauvegarde, comportant de surcroît la mise en œuvre d’exercices de sensibilisation ? Voilà qui est excellent pour instaurer cette nécessaire culture du risque !
Comment, aussi, ne pas apprécier les dispositions visant à imposer aux opérateurs de services de communications électroniques l’accès non seulement gratuit, mais surtout prioritaire des appels d’urgence ?
Comment, encore, ne pas apprécier les mesures tendant à compenser, pour les communes, les pertes de base d’imposition liées à une catastrophe naturelle ?
Je salue aussi l’initiative qui a été prise d’intégrer dans l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, lequel définit les dispositions générales communes aux SCOT, aux PLU et aux cartes communales, un nouvel objectif de protection des vies humaines face aux risques naturels majeurs, objectif qui n’était jusqu’à présent mentionné que dans le code de l’environnement.
Par ailleurs, il était important de faire coïncider parfaitement la carte des risques et la carte d’occupation des sols. C’est fait.
Enfin, il n’était pas moins essentiel que toutes les dispositions contraires aux PPR soient supprimées des PLU et autres documents. Cela aussi est prévu.
En conclusion, le groupe socialiste votera le texte issu des propositions de loi de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani, car il constitue une réelle avancée dans la nécessaire anticipation de la survenance des risques. Tout cela valait mieux que de rechercher un hypothétique « risque zéro », entreprise parfaitement illusoire, au demeurant.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l’avions laissé entendre en commission, nous adopterons sur ce texte une position d’abstention que je qualifierai de positive au vu du nombre d’articles que nous avons votés. Notre abstention se justifie uniquement par le manque d’engagement financier de l’État aux côtés des collectivités locales.
Pour autant, nous sommes de tout cœur avec les personnes qui ont été victimes de Xynthia.
J’ajoute que nous devrons sans doute, à l’avenir, remettre l’ouvrage sur le métier, car, à en juger par les statistiques qui ont été citées durant ce débat, ce sont des questions qui vont malheureusement revenir de plus en plus souvent et sous des formes assez diverses.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre RAffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Traité avec la Grande-Bretagne et l'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques
Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en procédure accélérée du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (projet n° 322, texte de la commission n° 387, rapport n° 386).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis porte sur le traité signé entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes. Derrière ce titre technique, il renvoie à l’une des évolutions majeures de notre politique extérieure.
Nous en sommes tous convaincus : le Royaume-Uni et la France sont des partenaires naturels en matière de sécurité et de défense. Ils possèdent les principaux budgets de défense et de recherche-développement de l’Union européenne et sont engagés côte à côte dans les plus importantes opérations extérieures.
La signature par le Président de la République française et le Premier ministre britannique, lors du sommet de Londres du 2 novembre dernier, de deux traités essentiels en matière de défense est venue renforcer encore cette coopération. Celle-ci avait connu une première impulsion en 2007, quand le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait mis l’accent sur le développement de la capacité militaire européenne.
Le traité de défense et de sécurité nous permettra d’approfondir sur le long terme notre coopération bilatérale dans ces domaines.
Le traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, qui fait l’objet du projet de loi soumis à l’approbation du Sénat, constitue, quant à lui, une première illustration concrète de cette coopération renforcée.
En effet, il ouvre la voie à un partenariat sans précédent dans le domaine particulièrement sensible des technologies liées aux arsenaux nucléaires, partenariat qui témoigne de l’exceptionnel degré de confiance atteint entre les deux pays.
Ce traité vise un certain nombre de points précis. Il prévoit la construction et l’exploitation conjointes d’une installation de physique expérimentale dénommée EPURE, pour Expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair, et située à Valduc en Bourgogne. Cet équipement sera l’un des éléments du programme français de simulation, qui comprend la simulation numérique et le Laser Mégajoule. Il vise à mettre en œuvre des expériences de laboratoire, lesquelles s’appuieront en outre sur un centre de développement technologique commun qui sera construit à Aldermaston au Royaume-Uni.
L’objectif, ici, est tout simplement de garantir l’efficacité et la pérennité de notre dissuasion atomique sans réaliser d’essais nucléaires, conformément aux engagements pris à la fois par la France et par le Royaume-Uni. Cette mise en commun d’un outil scientifique de pointe constitue également –une importante source d’économies pour nos deux pays, un aspect qui retiendra, j’en suis certain, l’attention du Sénat.
Les coûts de construction, d’exploitation puis, à terme, de démantèlement de l’installation seront partagés équitablement. Les scientifiques et les experts des deux parties mettront en commun leur expérience, ce qui fera réaliser à nos deux États des gains financiers.
Par ailleurs, le partage de l’installation EPURE se fera dans le strict respect de l’indépendance de nos dissuasions respectives. Chaque pays conservera – je sais que vous y êtes attentif, mesdames, messieurs les sénateurs – la propriété et la responsabilité des produits testés et des sous-produits générés.
Il s'agit donc ici d’une première déclinaison concrète opérationnelle de ce que le rapprochement entre la France et le Royaume-Uni en matière de défense peut produire de meilleur.
Enfin, ce traité illustre notre capacité à créer des synergies et à approfondir notre politique européenne de défense. Dans la période actuelle, il constitue véritablement un message d’espoir : il est possible de faire avancer la coopération européenne sur ces questions.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle ce traité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la signature du traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, que nous examinons aujourd’hui, figure parmi les décisions essentielles prises lors du sommet franco-britannique de Londres, le 2 novembre 2010.
La construction par la France et le Royaume-Uni, sur notre territoire, d’un outil d’expérimentation commun voué à la simulation pour les armes nucléaires constitue, en effet, un projet remarquable à la fois par sa dimension scientifique et par le montant des économies qu’il permettra de réaliser.
Toutefois, ce projet est surtout important par sa dimension stratégique. Il touche à la dissuasion nucléaire et engage une coopération européenne dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait jusqu’ici une relation pratiquement exclusive avec les États-Unis.
Je formulerai trois observations.
Premièrement, ce traité s’inscrit, bien entendu, dans le cadre de la relance de notre coopération bilatérale de défense et de sécurité avec le Royaume-Uni.
Le sommet de Londres a assigné une feuille de route ambitieuse à cette coopération. Celle-ci s’appuiera d’ailleurs sur une autre convention, à vocation plus générale, un traité-cadre de coopération qui, en application de nos règles constitutionnelles, ne nécessite pas d’approbation parlementaire avant sa ratification.
La France et le Royaume-Uni visent le même objectif : il s’agit de préserver des capacités militaires essentielles ainsi qu’une base industrielle et technologique de premier plan, malgré un contexte budgétaire difficile.
Je rappelle que le Royaume-Uni a prévu de réduire de 8 % son budget de défense d’ici à 2015, avec des conséquences telles que le retrait de son porte-avions et un « trou capacitaire » sur l’aviation embarquée jusqu’en 2020, la renonciation à l’aviation de patrouille maritime, la réduction de format de la flotte de surface, de l’aviation et des forces terrestres.
Certes, on peut estimer que, si les Britanniques s’orientent vers des coopérations accrues avec la France, c’est sans doute moins par choix que par nécessité.
Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître les obstacles potentiels à la mise en œuvre de ce partenariat, par exemple les contraintes liées aux arbitrages financiers propres à chaque pays ou les inévitables différences d’appréciation portant sur les besoins opérationnels et les priorités industrielles.
Il me semble, toutefois, que les décisions annoncées à Londres concilient l’ambition et le pragmatisme. Les objectifs qui ont été identifiés portent sur un nombre limité de domaines, présentant un intérêt majeur pour l’un et l’autre pays.
Je pense, bien entendu, à la dissuasion nucléaire, mais également aux systèmes de combat sous-marins, aux satellites de télécommunications, aux drones d’observation et de combat et aux missiles, avec le projet « One MBDA » visant à constituer un secteur franco-britannique des armes complexes.
Cette relance de la coopération supposait une impulsion politique forte, qui devra être maintenue dans la durée. C’est pourquoi il faut se féliciter que le traité-cadre de coopération ait prévu une structure de pilotage située au plus haut niveau, c’est-à-dire celui du Président de la République française et du Premier ministre britannique. À l’échelon immédiatement inférieur, deux autres organes, relevant respectivement des chefs d’état-major interarmées et des directeurs nationaux de l’armement, permettront de superviser la mise en œuvre des projets communs.
C’est également pour soutenir cette dynamique de coopération que le président de notre commission, Josselin de Rohan, s’est fortement investi dans la mise en place d’un suivi parlementaire franco-britannique. La première réunion associant les commissions de la défense des deux chambres du Royaume-Uni et de la France a eu lieu au Sénat quelques jours après le sommet de Londres. La prochaine se tiendra au mois de juillet 2011.
Je voudrais à présent revenir sur le débat dans lequel on a cherché à opposer le renforcement de notre coopération bilatérale avec le Royaume-Uni et l’avenir de l’Europe de la défense.
Je ne conteste pas que, dans un premier temps, notre démarche ait pu susciter des interrogations chez certains de nos partenaires, voire froisser quelques susceptibilités. Néanmoins, je suis certain que, au final, elle ne peut avoir qu’un effet stimulant.
D’ailleurs, cette méthode de coopération réaliste, fondée sur de véritables besoins et calendriers communs, a été montrée en exemple par plusieurs responsables étrangers. Elle témoigne que des partages de capacités ou des dépendances mutuelles sont envisageables.
Il est souhaitable que d’autres groupes de pays engagent, sur le même modèle, des coopérations de nature à permettre une meilleure utilisation de leurs ressources.
Au demeurant, la coopération franco-britannique n’est pas exclusive de la participation d’autres partenaires européens aux projets décidés en commun, dès lors, bien sûr, que ces États visent les mêmes objectifs. Elle ne s’oppose pas non plus à d’autres formats d’association, car elle ne couvre pas, loin de là, tout le champ potentiel des coopérations. À titre d’exemple, nous travaillons avec le Royaume-Uni sur les satellites de télécommunications et avec d’autres pays sur les satellites d’observation.
Enfin, il faut rappeler que la France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays européens à disposer de toute la gamme des capacités militaires, ce qui se reflète dans le niveau de leurs budgets de défense. Leur statut international et l’étendue des relations qu’ils entretiennent sur tous les continents les amènent objectivement à jouer un rôle de premier plan en matière de sécurité internationale.
Il est évident qu’un effritement des capacités militaires françaises et britanniques nuirait à la défense européenne dans son ensemble. En cherchant à optimiser leurs moyens et à préserver leurs capacités, les deux pays non seulement obéissent à leurs intérêts nationaux, mais aussi contribuent à maintenir une participation européenne significative dans l’OTAN et une base solide pour les opérations de la politique de sécurité et de défense commune.
On a trop souvent regretté que le Royaume-Uni ne se tourne pas suffisamment vers l’Europe en matière de défense pour reprocher aujourd’hui à ce pays une coopération renforcée avec l’autre acteur militaire majeur qu’est la France.
Pour toutes ces raisons, cette coopération, bien qu’elle soit bilatérale, me paraît incontestablement utile pour l’Europe dans son ensemble.
Deuxièmement, j’évoquerai le traité qui nous est soumis aujourd’hui. Celui-ci touche au domaine de la dissuasion nucléaire et constitue un volet marquant des décisions prises à Londres.
Il faut le rappeler d’emblée, ce traité porte sur un aspect bien délimité et précis des programmes nucléaires militaires des deux pays : les techniques de simulation permettant de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires sans essais en grandeur réelle.
Il faut le souligner également, cette coopération ne porte pas sur la mise au point des armes elle-même. Il s’agit de partager l’utilisation d’une installation construite en commun, où chacun pourra effectuer séparément ses propres expérimentations, en pleine souveraineté.
Comme la France, le Royaume-Uni a signé en 1996 le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, le TICE. Nos deux pays ont d’ailleurs déposé le même jour, le 6 avril 1998, leur instrument de ratification.
Comme la France, le Royaume-Uni recourt à la simulation pour valider le fonctionnement de ses armes. Pour mettre en œuvre cette capacité, les deux pays font appel à des ressources similaires : des moyens de calcul, des travaux de physique théorique, enfin la validation expérimentale de ces derniers grâce à deux grands types d’outils, à savoir, d'une part, des lasers extrêmement puissants et, d'autre part, des installations radiographiques pour étudier l’étape initiale du fonctionnement de l’arme, ce que l’on appelle la « phase froide ». C’est sur ces installations radiographiques que porte le traité du 2 novembre dernier.
La direction des applications militaires – la DAM – du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique, et son homologue britannique, l’Atomic Weapons Establishment, ou AWE, préparaient séparément des projets comparables de perfectionnement de leurs installations.
Constatant une grande convergence de besoins et de calendriers, ils sont arrivés à la conclusion qu’une installation commune permettrait de satisfaire les besoins de chaque pays. Il restait, sur ce domaine hautement sensible, à obtenir le dernier accord, l’accord politique, et à définir des modalités pratiques apportant à chaque pays les mêmes garanties que s’ils disposaient d’une installation strictement nationale.
Le traité que nous examinons aujourd’hui constitue l’aboutissement de ces discussions. Mon rapport écrit comporte tous les détails sur cette installation commune qui sera réalisée au centre du CEA situé à Valduc, en Côte-d’Or, et qui se dénommera EPURE, pour Expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair.
Le traité du 2 novembre 2010 formalise le contenu, le déroulement et le calendrier du programme. Il pose le principe du partage des coûts pour la construction et le fonctionnement de l’installation. Les dispositions relatives aux garanties et modalités d’accès sont particulièrement importantes.
La France – je le rappelle – s’engage à garantir l’accès du Royaume-Uni à EPURE durant cinquante ans. Le Royaume-Uni prend l’engagement réciproque pour le centre de recherches commun qui sera créé à Aldermaston.
Le traité prévoit le statut des zones dédiées à une utilisation exclusivement nationale, dont l’accès est régi par les autorités de chaque pays. Il comporte également une série de dispositions très précises sur les règles applicables en matière de sûreté, de gestion des déchets ou de responsabilité.
Troisièmement, enfin, le traité que vous examinez aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et la coopération qu’il permet d’engager m’apparaissent comme des résultats marquants du sommet de Londres.
D’abord, cette coopération permettre de réaliser, grâce au partage des investissements, une économie appréciable pour la France : 200 millions d’euros entre 2015 et 2020, 200 millions à 250 millions d’euros après 2020, soit, au total, entre 400 millions et 450 millions d’euros sur la durée de vie de l’installation.
Ensuite, chaque pays conservera l’entière responsabilité de ses expériences et la propriété des résultats, mais le regroupement sur un même site sera propice aux échanges scientifiques et à l’émulation qui s’ensuit. Il s’agit d’un élément non négligeable dans la perspective du maintien, sur le long terme, de la qualité et de la motivation des scientifiques en charge de la garantie de nos armes.
Enfin, cette coopération en matière nucléaire militaire comporte une dimension politique majeure. Elle s’effectuera dans le plein respect de la souveraineté de chaque État. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, elle témoigne de leur très haut degré de confiance, dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait historiquement une relation privilégiée avec les États-Unis.
Elle marque aussi très clairement la volonté de la France et du Royaume-Uni de garantir la crédibilité de leur dissuasion. Nos deux pays présentent, en matière de dissuasion nucléaire, une grande proximité de doctrine et de postures. C’est pourquoi ils ont soutenu des positions similaires lors du débat nucléaire qui a marqué l’année 2010, à la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, et à l’OTAN, au moment de la rédaction du nouveau concept stratégique.
Dans le préambule du traité du 2 novembre 2010, la France et le Royaume-Uni soulignent « l’importance de la dissuasion nucléaire, qui est un élément-clé de leurs stratégies de défense nationales et alliées », et se disent déterminés à maintenir « une capacité nucléaire minimale crédible ».
Cette crédibilité est essentielle au regard de la défense de chacun des deux pays, mais elle joue également un rôle plus large, à l’échelle européenne.
Comme ils le rappellent également dans le préambule du traité, la France et le Royaume-Uni considèrent que leurs forces nucléaires « contribuent à la sécurité de l’Europe dans son ensemble ».
Il me semble que ce traité conforte le maintien d’une capacité de dissuasion nucléaire en Europe. La possession d’une telle capacité par des pays européens reste nécessaire dans un monde marqué par la subsistance d’arsenaux importants et le risque de prolifération nucléaire, notamment au Moyen-Orient.
En conclusion, je voudrais saluer la qualité du travail préparatoire réalisé par la direction des applications militaires du CEA et par son équivalent britannique. Ils ont rendu possible ce projet, qui présente un intérêt financier évident pour notre défense et donne une nouvelle dimension tout à fait stratégique à notre coopération avec le Royaume-Uni.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous demande d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi autorisant la ratification du traité signé en novembre 2010 avec le Royaume-Uni, relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, nous donne l’occasion d’évoquer la politique de défense de notre pays à l’échelon européen.
En effet, derrière cet intitulé anodin, c’est de la coopération franco-britannique dans le domaine nucléaire militaire qu’il s’agit.
Une telle coopération a évidemment une portée politique et stratégique majeure qui ne peut être comprise et expliquée que dans le contexte plus large de notre posture vis-à-vis de la politique européenne de sécurité et de défense.
L’autre traité de coopération, signé en même temps et portant sur ces questions, ne nécessite pas, à proprement parler, de ratification parlementaire, mais je l’intégrerai dans le même ensemble.
Ces sujets auraient mérité d’être débattus devant le Parlement préalablement à la signature de ces accords bilatéraux, car ils marquent une évolution stratégique qui sonnera vraisemblablement le glas de la défense européenne.
Monsieur le ministre, avec ces accords, votre gouvernement fait le constat de l’incapacité des nouveaux instruments institutionnels du traité de Lisbonne à poursuivre la mise sur pied d’une défense européenne.
Souvenons-nous, par ailleurs, que le sommet de Londres est chronologiquement antérieur au sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Lisbonne. Au cours de celui-ci, le Président de la République avait de nouveau procédé à une évolution de ses orientations stratégiques concernant la défense antimissile et le nouveau concept de l’Alliance.
Nous n’avions pu avoir un débat parlementaire qu’une fois les décisions prises. C’est même à l’occasion d’une conférence de presse à Londres que ces accords bilatéraux de partenariat stratégique ont été présentés de façon abrupte et cavalière, tant à l’égard de la représentation nationale que de nos alliés européens.
En effet, ils ont été annoncés sans avoir été prévus dans la loi de programmation militaire, sans que soit précisée une doctrine d’emploi, sans information préalable ni consultation du Parlement et de l’Allemagne, notre partenaire jusqu’ici privilégié.
Cette subite relance de la coopération avec le Royaume-Uni avait, à l’évidence, été motivée par le pragmatisme et le souci de mutualiser des équipements coûteux afin de faire face aux réductions budgétaires militaires imposées par la crise.
C’est certainement une condition nécessaire si nous voulons prétendre garder notre rang parmi les puissances militaires.
Mais, à la différence du sommet de Saint-Malo de 1998, qui marquait une adhésion, certes toute relative, de nos alliés britanniques à l’Europe de la défense, et qui pouvait avoir un effet d’entraînement sur nos partenaires européens, les traités de Londres sont très étroitement bilatéraux.
De fait, ils ne faciliteront pas d’autres coopérations européennes à plus long terme. En outre, leur caractère souvent plus intentionnel que concret les fragilise en les mettant à la merci d’éventuels changements de situations politiques et économiques dans nos deux pays.
Les conséquences de ces accords vont également bien au-delà d’une simple mutualisation. Il ne s’agit pas uniquement de mettre en commun des capacités, des matériels et de créer une force militaire conjointe de 5 000 hommes pour des opérations extérieures. Il s’agit également d’envisager le rapprochement de nos deux industries de défense et la fusion, à terme, des moyens de recherche et de développement sur certains programmes. Vous voulez surtout, monsieur le ministre, mettre en œuvre une coopération sur les ogives nucléaires, en partageant ces technologies dans des laboratoires communs de simulation et de modélisation.
Quand on connaît dans ce domaine la dépendance des Britanniques envers les Américains, on peut craindre une perte d’autonomie de la dissuasion nucléaire française, notion à laquelle le Président de la République prétend pourtant être toujours très attaché. Cet accord repose aussi sur le pari hasardeux d’un relâchement des liens entre la Grande- Bretagne et les États-Unis.
Mais ma critique la plus vigoureuse de ces recherches communes porte sur leur motivation. Je considère qu’elles ont davantage pour objectif de moderniser et de renforcer notre arsenal nucléaire que de strictement garantir sa crédibilité.
En cela, vous interprétez très largement le principe de stricte suffisance, l’un des fondements de la doctrine militaire française.
Et vous ne vous conformez pas non plus à l’un des engagements fondamentaux du traité de non-prolifération nucléaire de ne pas procéder à la recherche de nouveaux systèmes d’armes.
Après notre réintégration complète dans le commandement militaire de l’OTAN, qui nous a fait perdre l’autonomie stratégique que nous conférait notre spécificité au sein de l’Alliance, et qui nous avait été présentée comme devant permettre le développement d’une défense européenne autonome, ces accords franco-britanniques se situent dans la continuité des revirements et des contradictions du Président de la République en matière de défense.
Où est la cohérence entre la réintégration totale dans l’OTAN, la recherche d’une défense européenne commune et cette coopération bilatérale renforcée avec le Royaume-Uni ?
Il y a là des postures contradictoires, mises en œuvre par une stratégie à géométrie variable.
Cette relance d’une coopération strictement bilatérale ainsi que la crise récente en Lybie marquent désormais la fin de toute possibilité de défense européenne. Vous en avez fait le constat, et contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, je doute fort que ces accords aient un effet d’entraînement sur nos partenaires européens.
La gestion de la crise en Lybie a illustré de façon malheureuse cette incapacité de l’Union européenne à exister réellement comme puissance, à définir et à mettre en œuvre une politique de défense et de sécurité commune et autonome.
Notre pleine réintégration dans l’OTAN n’aura donc pas atteint l’objectif affiché par le Président de la République. Monsieur le ministre, l’Union européenne restera, en réalité, cantonnée à l’humanitaire, à n’être qu’une « grosse ONG », selon votre pertinente expression.
Dans cette affaire, c’est l’OTAN qui est devenu le bras armé de l’Union européenne.
Par mon intervention, je pense avoir démontré que l’autorisation de ratification de ce projet de loi soulève de nombreuses questions révélatrices des profonds désaccords du groupe CRC-SPG avec la politique que vous menez. Nous ne voterons donc pas ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes nous offre l’occasion de nous exprimer sur la coopération franco-britannique en matière de défense. Ce traité représente une petite partie d’une coopération qui serait plus vaste et plus stratégique.
Comme l’a déjà dit le rapporteur, le sommet qui s’est tenu à Londres le 2 novembre 2010 a produit un traité de défense et de sécurité, destiné à approfondir dans le long terme la coopération bilatérale entre les forces armées des deux États.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui en fait partie, certes, mais en votant ce texte, on ne peut pas laisser croire…. (M. le ministre s’entretient avec un sénateur de l’UMP.)
Monsieur le ministre, si je vous dérange dans votre conversation, je peux m’arrêter. Vous avez, me semble-t-il, d’autres occasions de vous entretenir avec les membres de l’UMP. Votre attitude est inconvenante et manque de courtoisie.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poursuivre.
M. Jean-Louis Carrère. Je disais donc qu’on ne peut laisser croire que l’on vote et que l’on approuve l’ensemble de l’association militaire entre la France et le Royaume-Uni, d’autant qu’une telle association mérite encore d’être précisée.
Cela m’inspire une première question, monsieur le ministre : quels sont les différents aspects de cette coopération bilatérale ?
Je voudrais évoquer le traité de Londres de novembre 2010.
N’oublions pas qu’il y a eu, entre Français et Britanniques, l’accord de Saint-Malo en 1998. Toutefois, une différence existe entre ces deux moments de l’entente franco-britannique et, comme l’a souligné Michelle Demessine, elle est de taille !
L’accord de Saint-Malo, dont les signataires français étaient MM. Chirac et Jospin, était destiné à développer et à consolider la défense européenne et à donner un nouvel élan aux industries et technologies de la défense. Ainsi, il permettait à la Grande-Bretagne de s’insérer utilement dans la construction de la politique européenne de sécurité et de défense. Sur le plan industriel, les avancées ont été importantes ; sur le plan politique européen, en revanche, les espoirs d’alors n’ont pas tous été concrétisés.
Rien de tel aujourd’hui dans l’accord de Londres. Celui-ci confirme bien une démarche, utile certes, peut-être même d’avenir, mais qui reste exclusivement bilatérale.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : outre-Rhin, certains commentateurs ont cru voir dans le nouveau traité de Londres l’amorce d’une politique antiallemande et se sont interrogés sur les raisons d’une telle entente bilatérale excluant les autres pays européens.
Je vous pose donc une deuxième question, monsieur le ministre : envisagez-vous d’ouvrir cette coopération à des pays européens qui manifesteraient leur intérêt ?
Sans doute ce traité marque-t-il un tournant majeur dans notre coopération avec les Britanniques. Mais « l’horizon OTAN » ne peut pas être l’alpha et l’oméga de notre politique européenne. Nous aimerions donc savoir si une vision commune se dégage pour faire progresser l’Europe de la défense, aujourd’hui en panne.
L’entente franco-britannique peut aisément se comprendre quand il s’agit du domaine nucléaire militaire.
Le maintien du principe de dissuasion au sein du concept stratégique de l’OTAN, qui était pourtant, semble-t-il, contesté par l’Allemagne, est une preuve de l’utilité de la coopération franco-britannique. Mais le nucléaire militaire n’est que l’un des aspects du problème.
Monsieur le ministre, si ce traité est l’expression de la volonté de créer une alliance forte entre les deux principales puissances militaires européennes, quel est le but politique de cette alliance et quels sont ses objectifs stratégiques ?
Pour ma part, je reste persuadé que l’ensemble de la politique de défense de la France doit s’inscrire dans une coopération approfondie avec ses partenaires de l’Union européenne, si possible avec l’ensemble de ces pays.
Venons-en au contenu même du projet de loi qui concerne en particulier le domaine des technologies liées aux arsenaux nucléaires, dont les aspects techniques ont déjà été très bien explicités par le rapporteur.
La construction et l’exploitation conjointes d’une installation de physique expérimentale, dénommée EPURE, à Valduc, en Bourgogne, apparaît comme une application concrète de l’alliance franco-britannique.
D’autres coopérations devraient suivre, mais, pour l’instant, seul le projet EPURE est véritablement finalisé. La feuille de route établie au sommet de Londres est fort ambitieuse. Il ne faudrait pas qu’elle suive le même chemin que tant d’autres projets présidentiels…
L’installation EPURE permettra de réaliser une économie importante. C’est une promesse, un vœu pieux, presque un acte de foi ! Mais peut-on croire cela aujourd’hui ? Nous voudrions que cela soit vrai. Hélas ! monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, votre gouvernement, et les précédents depuis 2002, ne nous ont pas habitués à la sincérité budgétaire.
M. Jean-Claude Carle. C’était pire avant !
M. Jean-Louis Carrère. Je me contenterai de quelques exemples : les recettes exceptionnelles qui manquent au rendez-vous budgétaire, le trou de plusieurs milliards d’euros – 10 ou 15 milliards ? – dans la programmation militaire précédente, le coût du nouvel immeuble du Pentagone français toujours mal calibré, les bases de défense au nombre et au financement si élastiques, sans parler des derniers budgets, qui sont, selon moi, peu fiables en raison de leur manque de sincérité.
Par conséquent, monsieur le ministre, quand vous affirmez aujourd’hui que cela permettra de réaliser des économies et que ces dernières reviendront à la défense, permettez-moi d’être pour le moins sceptique, voire quelque peu méfiant !
Laissons ces économies virtuelles de côté, tout en espérant qu’elles seront au rendez-vous de nos finances dans quelques années. De mon point de vue, elles ne représentent pas un argument déterminant en faveur du projet.
Pour moi, l’argument important et concluant est qu’il s’agit, avec la mise en place du programme EPURE, de garantir la subsistance de notre dissuasion nucléaire au niveau de stricte suffisance définie naguère par le président François Mitterrand. En lisant le projet de loi et l’étude d’impact qui l’accompagne, j’en conclus que, manifestement, il ne nous était plus possible, à l’horizon 2030, de parvenir seuls à garantir son maintien, d’où la nécessité de cette alliance.
C’est en quelque sorte un constat de faiblesse, un pari sur l’avenir et une réorientation stratégique.
C’est d’abord un constat de faiblesse : ce que nous faisions seuls hier, vous concédez que nous ne pourrons plus, seuls, le faire demain ou après-demain.
C’est ensuite un pari sur l’avenir, parce que cela présuppose que nos amis Britanniques resteront encore longtemps attachés au développement plus au moins autonome de leur force nucléaire. On peut s’interroger. Mais, monsieur le ministre, les Britanniques vous ont peut-être déjà rassuré à ce sujet et vous allez pouvoir nous apporter des réponses sur ce point. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en écoutant les propos du rapporteur.
C’est enfin une réorientation stratégique qui donne la priorité aux alliances bilatérales plutôt qu’à une défense européenne commune et qui s’ajoute à la nouvelle orientation traduite par le retour dans le commandement intégré de l’OTAN : voilà qui me semble quelque peu préoccupant !
Par ailleurs, nous savons tous que la Grande-Bretagne est très dépendante des États-Unis pour le nucléaire militaire. Cela n’aura-t-il pas des conséquences sur notre propre autonomie en la matière ? Allons-nous vers un partenariat nucléaire élargi ? Monsieur le ministre, vous avez certainement des assurances. Pour notre part, nous nous posons vraiment des questions.
Sur le plan technique, le traité sur l’installation commune EPURE nous semble un bon projet. Au regard de l’état de nos finances, nous pouvons dire que, si nous souhaitons le maintien d’une force nucléaire de dissuasion efficace et crédible, nous n’avons pas véritablement le choix. Nous voterons donc ce texte.
En effet, la France et le Royaume-Uni doivent également garantir ces armes sans essais nucléaires, car nos deux pays ont signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ce dont nous nous félicitons.
Ce traité, qui interdit tous les essais nucléaires quels que soient leur puissance et le milieu dans lequel ils sont réalisés, offre la possibilité de procéder à des méthodes expérimentales. Les installations comprises dans le traité dont le projet de loi autorise la ratification s’inscrivent dans ce cadre.
Ainsi, cet accord qui rend viable le programme EPURE apparaît comme vital pour le maintien de notre dissuasion nucléaire. Nous ne voulons pas perdre des capacités militaires significatives, nécessaires à notre défense et à celle de l’Europe.
Cet aspect l’emporte aujourd’hui, à l’heure du vote du projet de loi. En revanche, nous ne pouvons pas vous donner quitus sur tous les aspects politiques et stratégiques d’un accord avec les Britanniques, dont les conséquences à long terme sur notre autonomie n’ont pas encore été clairement explicitées par le Gouvernement.
Selon moi, le débat doit se poursuivre. À vrai dire, il ne fait que commencer !
M. le président. La parole est à M. Jean Milhau. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Jean Milhau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors d’une intervention à l’université de Zurich, le 19 septembre 1946, Winston Churchill clôtura son discours en proclamant : « En avant l’Europe ! »
En ce qui me concerne, mes chers collègues, je crois en une Europe ambitieuse, forte de ses valeurs et unie dans la diversité. Je crois en une Europe cohérente et respectueuse des droits et libertés fondamentales. Enfin, je crois en une Europe innovante, qui favorise le progrès économique et la justice sociale.
Cet ambitieux projet ne peut toutefois se soustraire à la construction d’une politique européenne de sécurité et de défense plus sûre et plus fiable. Il en va aussi de la crédibilité de cette Europe que nous souhaitons. À cet effet, nous sommes aujourd’hui tous conscients de l’importance que revêt la coopération franco-britannique dans le domaine militaire, avec pour objectif la consolidation de la paix.
L’entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne est ainsi devenue, selon l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, une « entente formidable » à l’origine d’un véritable élan pour l’Europe.
De la première rencontre entre Churchill et le général de Gaulle le 17 juin 1940 au sommet franco-britannique de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998, en passant par la naissance de l’OTAN en 1949, les deux États ont toujours su démontrer leur efficacité politique et sont ainsi devenus des partenaires privilégiés.
Le 31e sommet franco-britannique du 2 novembre 2010 s’inscrit par conséquent dans la volonté naturelle des deux États de prolonger et concrétiser leur coopération. La conclusion du traité de défense et de sécurité est destinée à approfondir, dans le long terme, la collaboration bilatérale entre les forces armées de nos deux pays en renouvelant la confiance mutuelle qui nous anime. Il a notamment été prévu un déploiement conjoint, un partage et une mutualisation de matériels et d’équipements, une construction d’installations communes ainsi qu’une coopération industrielle et technologique.
Une première illustration concrète dans le domaine des technologies liées aux arsenaux nucléaires a vu le jour avec la signature du traité relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques communes dont nous discutons aujourd’hui.
Mes chers collègues, le traité a pour assise principale le domaine de la dissuasion nucléaire. Il permet, à terme, une coopération franco-britannique diversifiée dans un nombre de domaines présentant un intérêt majeur pour l’un et l’autre pays.
Tout d’abord, les techniques de simulation permettant de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires vont être perfectionnées. L’objectif est de construire et d’exploiter conjointement une installation de physique expérimentale. L’installation commune, EPURE, sera réalisée au centre du CEA de Valduc, en Côte-d’Or.
La construction d’EPURE sera achevée en 2022. La France s’engage à garantir l’accès du Royaume-Uni au site pendant une durée de cinquante ans. Dans un souci d’économie permanent que le budget de la défense éprouve quotidiennement, les deux pays ont décidé de partager équitablement les coûts de construction et d’exploitation.
Il convient, par ailleurs, de souligner qu’aucune arme ne sera mise au point. Sur cet élément, le traité comporte une série de dispositions très précises sur les règles applicables en matière de sûreté, de gestion des déchets ou de mise en œuvre de la responsabilité.
Ces stipulations préventives sont particulièrement importantes dans le contexte mondial actuel. En effet, nous avons tous assisté avec effroi à la catastrophe naturelle survenue au Japon le 11 mars dernier. Le séisme puis le tsunami ont provoqué un accident nucléaire qui a soulevé une vive inquiétude chez nos concitoyens quant à la place de cette énergie sur le territoire national. Je tiens à rappeler que les deux États ont signé, en 1996, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
Cette coopération se déroulera donc en toute transparence, dans le respect de la souveraineté nucléaire des deux pays. Ainsi, toute explosion expérimentale d’armes nucléaires ou toute autre explosion nucléaire est interdite. Aucun dégagement d’énergie nucléaire ne doit être produit dans le cadre des expériences menées.
En outre, l’exploitation du site créera un climat de confiance entre les équipes de scientifiques et les experts, lequel sera propice à l’émulation. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’exceptionnel degré de confiance obtenu entre les deux pays dans un domaine aussi sensible et symbolique que le nucléaire militaire.
Enfin, cette coopération en matière de défense comporte une dimension politique majeure. Elle s’effectuera dans le plein respect de la souveraineté de chaque État, dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait historiquement une relation privilégiée avec les États-Unis.
Elle démontre également la volonté de nos deux pays de garantir la crédibilité de leur dissuasion. Les deux États présentent en effet en la matière une grande proximité de postures et de doctrine, qui a justifié leurs positions similaires, en mai 2010, lors du débat de la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération.
Mes chers collègues, l’objectif de désarmement nucléaire ne peut être dissocié d’une lutte plus efficace contre la prolifération, d’une part, et de progrès tangibles permettant d’instaurer un environnement international plus sûr, d’autre part. Malheureusement, l’actualité nous rappelle que le chemin est encore long !
C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuveront ce projet de loi, dont l’adoption permettra la ratification de cet important traité franco-britannique. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de féliciter notre collègue Xavier Pintat de son rapport sur ce sujet qui est non seulement technique, mais également politique. Ce projet de loi s’inscrit en effet dans la logique politique de Saint-Malo, renforcée en novembre dernier par les accords de Londres.
Je souhaite également remercier M. le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, tant pour son action que son engagement personnel lors du 31e sommet franco-britannique, qui a abouti à deux traités de coopération en matière de défense et de sécurité entre nos pays. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Dernière oratrice de la discussion générale sur ce projet de loi, « last but not least », pour reprendre une expression de nos amis anglais, je ne reviendrai pas sur le fond du volet technologique relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques. Mon excellent collègue et rapporteur Xavier Pintat s’est brillamment livré à cet exercice. Afin d’éviter toute redite, je concentrerai mon propos sur quelques points qui me tiennent particulièrement à cœur.
Douze ans après le sommet de Saint-Malo, malgré les idées reçues, malgré un environnement fortement marqué par l’euroscepticisme, y compris en matière de défense, ce sommet a démontré que l’Europe de la défense avançait et qu’elle devenait une réalité.
Ces accords interviennent dans un contexte de grave crise économique. Or nous le savons, dans un tel contexte, ce sont souvent les programmes d’armement et d’équipement qui sont les premières victimes des rabots budgétaires. À l’occasion de la dernière réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à La Haye, j’ai pu prendre la pleine mesure de ces réductions budgétaires, qui sont drastiques chez certains de nos partenaires. Nos hôtes néerlandais nous ont annoncé un milliard d’euros d’économies d’ici à 2014, dans le cadre d’une réduction considérable de leur flotte de F 16 AMBM et d’hélicoptères Cougar, ainsi que du retrait de quatre-vingts chars de combat Leopard.
Pour une fois, nous pouvons nous féliciter : ces accords de défense démontrent que la crise économique peut être un catalyseur permettant aux Européens non seulement de travailler ensemble, mais aussi de rebondir et de faire avancer la défense européenne.
D’ailleurs, il est heureux de constater la reprise par le nouveau gouvernement conservateur de David Cameron d’une feuille de route initiée par le Livre vert adopté précédemment par le gouvernement travailliste. Cette constance est exemplaire et responsable.
Une telle cohérence ne peut qu’être bénéfique aux industries de la défense, qui constituent, on le sait, de véritables leviers pour la société civile, grâce aux retombées économiques, mais aussi pour le monde de la recherche.
La stabilité en matière de loi de programmation militaire est un véritable garant face au risque de décrochage technologique et capacitaire. À l’heure où la France est engagée avec le Royaume-Uni dans bon nombre de processus de résolution de crises, cette remarque est d’autant plus vraie. Je pense non seulement à l’Afghanistan et à la Libye, mais aussi à la lutte contre la piraterie en mer, avec l’opération Atalante.
Le 3le sommet franco-britannique a aussi impulsé une dynamique de coopération parlementaire entre nos deux pays ; il se traduit par la ratification de deux traités.
À l’invitation du Président de la République, les présidents des commissions des affaires étrangères de nos deux assemblées se sont rendus à Londres, où ils ont pu échanger avec leurs homologues de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords et jeter les bases d’une véritable collaboration.
Sachons en convenir, c’est aussi la démonstration d’un renforcement du rôle des parlementaires, qui va au-delà du seul contrôle. Les parlementaires ont été associés en amont, il me paraît important de le souligner. En tant qu’élue des Français établis hors de France, membre du Conseil franco-britannique et secrétaire national de l’UMP aux relations franco-britanniques, je ne peux que me réjouir du renouveau de ce partenariat « bicaméral » entre nos deux pays.
Le traité qui nous occupe ce soir a pour objectif d’instaurer une coopération en matière de technologies relatives à la gestion des arsenaux nucléaires, afin de garantir nos capacités respectives de dissuasion nucléaire. Comme l’a très bien rappelé le président Josselin de Rohan en commission, ces accords sont aujourd’hui possibles grâce au retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN.
Rappelons-le, à elles seules, la Grande-Bretagne et la France prennent en charge 50 % des dépenses de défense des vingt-sept pays de l’Union et les deux tiers des dépenses en recherche et développement. Les deux puissances militaires européennes sont animées par la même volonté de réformer les structures de l’OTAN.
Ces accords mettent fin à l’idée selon laquelle l’Europe et l’OTAN seraient d’immuables concurrents. En d’autres termes, ils sont des porte-voix d’une Europe ambitieuse, efficace et active au sein de l’OTAN.
M. Jean-Louis Carrère. C’est complètement faux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Plus encore qu’un leadership, la France et la Grande Bretagne créent une émulation. Les traités bilatéraux qui découlent du sommet de Londres ne sont pas « fermés ». L’Italie et l’Allemagne peuvent rejoindre cette coopération, dans la mesure où le choix de leur politique nationale leur en laisse la liberté.
Nous savons que le sujet des armes nucléaires ne présente pas, en Allemagne, les mêmes enjeux. Mais l’Union européenne est également riche de ses différences, l’essentiel étant de parvenir à les articuler sans qu’elles deviennent une entrave pour certains partenaires européens. Certes, l’Allemagne privilégie une défense antimissile, mais le dialogue reste ouvert.
Pour la France et le Royaume-Uni, qui sont deux puissances nucléaires, cette coopération instaure une interdépendance qui respecte la souveraineté de chacun. Il s’agit là d’une mutualisation des technologies qui n’altère pas nos capacités de dissuasion nucléaire respectives. La France et le Royaume-Uni sont en adéquation avec le nouveau concept stratégique de l’OTAN. Nos forces nucléaires participent pleinement à une dissuasion globale qui fonde le socle de défense collective.
M. Jean-Louis Carrère. Vous parlez au présent, mais tout cela, c’est du futur !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette convergence de politique est, à mon sens, primordiale et très encourageante pour l’essor d’une véritable défense européenne.
Concrètement, outre la relance des relations entre nos deux pays, cette coopération permettra à la fois l’utilisation conjointe des installations communes de Valduc, où devra être modélisée la performance de nos têtes nucléaires et des équipements associés, et l’installation du futur centre de développement technologique d’Aldermaston au Royaume-Uni.
Pour moi, ce partage des savoirs et l’utilisation commune des moyens durant cinquante ans sont aussi un gage concret et à long terme, pour cinquante ans, d’une plus grande sécurité et sûreté. Par ailleurs, en ces temps difficiles, ne négligeons pas l’économie, pour la France, de 500 millions d’euros, qui résultera de la répartition des coûts.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de la ratification de ce texte, lequel apporte un nouveau souffle à la politique européenne de sécurité et de défense qui se construit chaque jour.
Enfin, en tant que parlementaire, je me réjouis tout particulièrement de la mise en place d’un groupe de travail, afin de suivre les évolutions de ce traité, notamment en termes financiers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, mes chers collèges, dans la mesure où les précédents orateurs ont dit des choses infiniment justes, je souhaite simplement répondre à ceux de nos collègues qui considèrent que cet accord marque, au fond, la fin de la politique européenne de sécurité et de défense.
Tout d’abord, une telle politique doit être voulue par tout le monde. Or, Joëlle Garriaud-Maylam l’a très bien dit, lorsqu’on considère la part de la France et de la Grande-Bretagne dans les dépenses militaires des pays de l’OTAN, on s’aperçoit qu’ils sont les deux contributeurs les plus importants, après les États-Unis. Si les choses continuent ainsi, nos deux pays assureront d’ici à moins de dix ans près de 65 % des dépenses de défense au sein de l’Union européenne.
Que faut-il en conclure, cher Jean-Louis Carrère ? Que l’un des principaux pays de l’Union européenne, celui qui possède l’économie la plus puissante et souhaite se doter d’une industrie de défense, ne consacre pas une part suffisante de son PIB à ce secteur pour se situer au même niveau que la France et la Grande-Bretagne.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d’accord !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour tout vous dire, c’est l’un des obstacles à la création d’une politique européenne de sécurité et de défense. Si l’Allemagne avait la volonté d’y participer, cela changerait complètement la donne : nous disposerions d’une base industrielle beaucoup plus puissante, compte tenu de ce que l’Allemagne peut mettre dans la corbeille. Cela montrerait également que ce pays a réellement la volonté de se défendre.
Or quelle est la conséquence de l’attitude allemande ? Au sein de l’OTAN, ce sont les États-Unis, si la France et la Grande-Bretagne ne mutualisent pas leurs efforts, qui donneront en permanence le ton. Nous souhaitons participer à la défense antimissile balistique. Mais si on avait écouté les Allemands, les États-Unis auraient, seuls, mis en place cette défense au sein de l’OTAN : on imagine la vulnérabilité qui serait la nôtre, puisque nous dépendrions totalement, en la matière, des États-Unis.
Une telle situation serait particulièrement dangereuse, car nous ne savons pas si l’Europe continuera de constituer, aux yeux des États-Unis, un enjeu ou une zone considérée comme prioritaire en matière de défense. Regardez en effet dans quelle direction ce pays s’engage aujourd’hui : il se tourne vers l’Asie.
Je dois le dire, l’attitude allemande en la matière est très décevante, d’autant que ce pays n’est guère favorable à la dissuasion. Le fait que la Grande-Bretagne et la France partagent la même vision en matière nucléaire a incité l’OTAN à considérer que la dissuasion continuait à faire partie de son concept stratégique. Notre alliance, sur ce plan, est extrêmement positive.
Vous vous interrogiez, monsieur Carrère, sur notre stratégie : c’est bien celle que je viens de décrire. Si nous voulons maintenir notre crédibilité et notre autonomie au sein de l’OTAN, il faut que nous puissions nous appuyer sur une puissance qui possède la même volonté que nous. Tel est le cas de la Grande-Bretagne, qui possède une défense atomique crédible.
À mes yeux, la question qui se pose est celle de savoir s’il existera un jour une politique européenne de sécurité et de défense commune. Ce traité n’empêche pas l’émergence d’une telle politique : du jour au lendemain, les pays de l’Union européenne peuvent décider de rejoindre, non pas le dispositif nucléaire – la France et le Royaume-Uni sont les deux seules nations nucléaires –, mais l’ensemble de la coopération initiée par le traité de Londres. Cette coopération est ouverte à qui le veut ; encore faudrait-il que nos partenaires manifestent leur volonté en ce sens !
Pour ma part, je ne crois pas qu’il y ait, sur le plan des principes, une opposition fondamentale entre le traité franco-britannique et la politique européenne de sécurité et de défense commune.
Je le répète, la porte est ouverte à qui veut bien entrer, mais, pour appartenir au club, il faut avoir la volonté de se défendre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Daniel Marsin applaudit également.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur le président, je crois que notre débat, très nourri, a permis de bien mettre en perspective les enjeux de ce texte.
Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir bien exposé l’enjeu stratégique, qui découle du changement d’approche auquel a procédé le Royaume-Uni en signant ce traité : il consiste à revenir vers une alliance européenne avec la France, alors qu’ils sont, traditionnellement, des alliés des États-Unis.
Il s’agit là, pour nous, du point d’aboutissement de notre changement de politique à l’égard de l’OTAN. Nous sommes partis du principe que ce nouveau cadre permettrait de développer la coopération bilatérale, notamment avec le Royaume-Uni. Ce traité en est la première illustration.
Au sujet des inquiétudes que vous avez soulevées, madame Demessine, je veux souligner que le projet EPURE permet de maintenir une stricte indépendance des dissuasions française et britannique.
Sur ce point, la différence d’approche entre votre intervention et celle de M. Carrère était perceptible : croire à la possibilité de mettre en place une politique européenne de défense, c’est croire à la possibilité de mettre en place des coopérations qui préservent notre indépendance. Telle est, me semble-t-il, la voie que montre ce traité.
Si l’on adopte une conception purement nationaliste, restrictive, en considérant que tout partenariat entraîne nécessairement l’affaiblissement de notre indépendance et de notre autonomie, il n’y a pas de place pour une coopération en matière de défense. Ce n’est évidemment pas, vous l’avez compris, le choix que nous privilégions.
Monsieur Carrère, je tiens à vous assurer que je vous ai écouté avec toute l’attention que vous méritez, notamment lorsque vous avez soulevé trois interrogations auxquelles le président de Rohan a en partie répondu.
Tout d’abord, je vous confirme que la démarche que nous adoptons est pragmatique. Par rapport aux accords précédents, notre but est que cette dernière se traduise par des réalisations concrètes et rapides. Vous avez vous-même reconnu, en faisant preuve d’une objectivité dont je vous remercie, que ce traité en représentait une première illustration et que, de ce point de vue, il était satisfaisant.
Ensuite, nous concevons la coopération avec le Royaume-Uni comme devant créer une force d’entraînement nous permettant d’aboutir progressivement à une logique européenne. C’est bien à cela que nous croyons. Si nous voulions basculer d’un seul coup dans une politique européenne de défense, cela ne marcherait pas ! Nous avons donc besoin d’une force d’entraînement : cela passe par une première étape, la coopération avec le Royaume-Uni.
Dans le même temps, nous travaillons, comme le président Josselin de Rohan l’a très bien souligné, dans le cadre du triangle de Weimar, à la relance d’une approche coordonnée entre l’Allemagne, la Pologne et la France.
Enfin, vous l’avez vous-même souligné, il s’agit non pas d’un aveu de faiblesse, mais d’une volonté de préserver une véritable ambition en matière de politique de défense, tout en tenant compte des impératifs d’économie – même si j’ai entendu les avertissements que vous m’avez adressés.
Je me réjouis du vote favorable de votre groupe.
Je vous remercie, monsieur Milhaud, d’avoir resitué notre débat dans une dimension historique. Lorsque Winston Churchill évoquait la défense européenne, il entendait surtout que le Royaume-Uni lui reste bien extérieur… (Sourires.) Heureusement, nous avons tout de même quelque peu progressé depuis lors !
Vous avez souligné, avec une grande justesse, le partage équitable des coûts, qui constitue effectivement l’une des clés d’une coopération juste et équilibrée entre nos deux pays.
Je vous remercie, madame Garriaud-Maylam, d’avoir souligné notre volonté constante, qui répond au souhait du Président de la République, de mieux associer les parlementaires à la politique étrangère. La révision de nos accords de défense sur le continent africain en avait déjà fourni une illustration.
Je ne peux que m’associer aux félicitations nourries que vous avez adressées au rapporteur, ainsi qu’au président de Rohan, qui pourrait presque trouver là un billet d’entrée pour la Chambre des Lords… (Nouveaux sourires.)
Au total, cet accord est, me semble-t-il, pragmatique ; il constitue une première illustration importante de ce que peut apporter une coopération en matière de défense. Il est vrai que cette dernière repose sur un pari : celui de parvenir à créer une force d’entraînement et à la transposer à l’échelle plus globale d’une politique européenne de défense. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
Est autorisée la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, signé à Londres le 2 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, vous allez un peu vite lorsque vous interprétez l’attitude des Anglais comme le signe d’une modification de leur stratégie de défense, en quelque sorte d’un basculement de l’Alliance atlantique vers l’Europe. Il faut faire preuve de prudence. (M. le ministre acquiesce.)
Pour ma part, je souscris à cette alliance bilatérale avec le Royaume-Uni. Malgré tout, je ne partage pas complètement l’enthousiasme du président de Rohan. La constitution d’une telle alliance ne me semble pas être la meilleure voie pour préparer l’Europe de la défense et de la sécurité.
Mais si l’on m’apporte la preuve que d’autres pays peuvent nous rejoindre en cours de route, j’en serai bien évidemment satisfait. Mes inquiétudes auront alors simplement été excessives.
Je ne nourris pas non plus l’optimisme quelque peu excessif de Mme Garriaud-Maylam et de quelques autres orateurs, y compris parfois de M. le rapporteur, sur les économies qui pourraient résulter de cet accord.
Que n’ai-je entendu, depuis quelques années ? J’ai entendu que les bases de défense, l’externalisation, allaient entraîner des économies exceptionnelles. Or, rendez-vous compte, mes chers collègues, nous en sommes à demander un audit de la Cour des comptes !
Pardonnez-moi de vous conseiller, madame Garriaud-Maylam – peut-être parce que j’ai été trop longtemps instituteur ! – d’employer le futur plutôt que le présent lorsque vous évoquez ce qui va se passer dans les années à venir. Le temps n’est pas venu de la réalisation de cet accord, qui n’a pas encore été ratifié, même si je comprends que vous votiez ce texte avec beaucoup d’enthousiasme.
Pour ma part, parce que la raison me dicte de le faire, je voterai ce projet de loi, mais avec un moindre engouement.
M. Josselin de Rohan. L’essentiel, c’est de voter !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est l’assemblée des territoires. Nous avons évoqué les économies à réaliser, mais en tant que sénateur de la Côte-d’Or, je suis préoccupé par l’impact économique du site du CEA de Valduc, implanté sur un hameau de ma commune.
Alors que nous examinons le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, je crois opportun de vous demander, monsieur le ministre, quel sera l’impact des investissements ainsi réalisés sur le territoire national.
Vous n’ignorez pas que, plus que jamais, le nucléaire fait aujourd’hui l’objet de nombreuses contestations citoyennes, souvent excessives, mais globalement respectables. Aussi est-ce en prenant toutes les précautions nécessaires que de tels projets doivent être poursuivis.
Comme le démontre le rapport de notre collègue Xavier Pintat, l’État met tout en œuvre pour limiter les risques inhérents à ces investissements sur le territoire national. Il en va ainsi des questions liées à la sécurité, au traitement des déchets et à la responsabilité en cas de dommages.
Cependant, toutes ces précautions ne sauraient suffire, si les territoires et les populations voient seulement des inconvénients à l’accueil de tels investissements. Je pense en particulier à la commune que je connais le mieux, la mienne, qui accueille le centre du CEA de Valduc.
Voilà plusieurs dizaines d’années que les peurs se cristallisent autour d’un complexe industriel du secteur de la défense, bénéficiant du statut d’établissement industriel et commercial, qui use et abuse du territoire sans contribuer au développement local et qui se refuse à s’acquitter de ses obligations en matière de fiscalité locale, au détriment des populations vivant sur le territoire.
Pour faciliter l’acceptabilité de tels investissements, il faut que le CEA s’acquitte loyalement de toutes ses obligations fiscales.
M. Jean-Louis Carrère. Qu’il le fasse avec les économies de Mme Garriaud-Maylam !
M. Alain Houpert. Je vous parle non pas d’économies, mais de solidarité humaine et territoriale.
Si, à l’inverse, le CEA refuse de s’acquitter loyalement de ses obligations fiscales, il s’inscrit dans une relation de défiance avec le territoire et de désintérêt pour l’avenir de ce dernier et compromet la pérennité de ses propres activités.
Je prendrai un seul exemple : 90 % des employés du CEA de Valduc habitent à plus de 30 kilomètres du site. De tels chiffres illustrent la défiance qui s’installe entre le CEA et le territoire, ainsi que le manque d’empathie de celui-là pour celui-ci.
Je crois donc nécessaire, monsieur le ministre, que vous affirmiez avec force, avant que nous ne passions au vote, que le CEA, afin de ne compromettre ni son avenir ni celui du territoire sur lequel est implanté son centre, doit d’acquitter loyalement de ses obligations fiscales, s’agissant en particulier de la contribution économique territoriale et de la taxe foncière – taxations au sujet desquelles le CEA a d’ailleurs fait l’objet d’une condamnation par le tribunal administratif en 1999, puis par la cour administrative d’appel de Lyon, et, enfin, par le Conseil d’État.
Je forme le vœu que le CEA devienne un établissement pleinement citoyen et qu’il se mette en conformité avec ses obligations citoyennes françaises et européennes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Ce n’est pas l’élu local que je suis qui désapprouvera l’engagement de M. Houpert pour la défense de son territoire. Il a tout à fait raison de porter ce flambeau.
Il s’agit de faire en sorte que le CEA, qui est d’abord une chance potentielle pour le territoire de la Côte-d’Or, ait la volonté de créer des liens avec les communes alentour, afin d’être un véritable vecteur de développement.
Ce traité de coopération, qui conduit à un renforcement du rôle du CEA, doit s’accompagner d’une réflexion sur la manière de faire bénéficier l’environnement des retombées positives : le CEA ne doit pas être un centre « hors-sol ».
Je crois pouvoir assurer M. Houpert que le ministre d’État Alain Juppé, ainsi que les services du Quai d’Orsay, sont très attentifs à cette question. Nous pourrons donc travailler avec lui pour développer les liens qu’il a évoqués et assurer à l’ensemble de ses administrés des retombées visibles et concrètes : le CEA doit être perçu non plus comme une entité extérieure, mais comme un atout.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Effets sur l'agriculture des départements d'outre-mer des accords commerciaux conclus par l'Union européenne
Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par MM. Serge Larcher et Éric Doligé (proposition n° 226, rapport n° 310).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Larcher, co-auteur de la proposition de résolution.
M. Serge Larcher, co-auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 septembre 2010, la Commission européenne a transmis au Parlement européen et au Conseil une proposition de règlement portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union européenne, les RUP.
Il s’agit en fait d’une refonte du régime existant appelé POSEI – programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Ce programme a été mis en place voilà plusieurs années déjà pour tenir compte de la situation économique et sociale des RUP.
Il répond à deux objectifs : garantir l’approvisionnement des régions ultrapériphériques en produits agricoles, en exonérant de droits de douane certains produits importés ; soutenir l’activité agricole par le biais de mesures en faveur des produits agricoles locaux.
Ce régime a fait la preuve de son efficacité, notamment depuis qu’il a été rendu plus flexible en 2006. Dans un rapport publié en octobre 2010, la Cour des comptes européenne a elle-même reconnu l’importance du programme POSEI pour l’agriculture des RUP.
Pour l’outre-mer français, ce programme a représenté 278 millions d’euros l’an dernier.
La proposition de règlement que soumet la Commission ne modifie pas fondamentalement le soutien communautaire à l’agriculture des RUP. Tant mieux, me direz-vous ! En réalité, il faut s’en alarmer.
En effet, le règlement du 19 décembre 2006, qui a étendu le règlement POSEI au secteur de la banane, a admis que, s’il était constaté un changement significatif dans les conditions économiques affectant les sources de revenus dans les régions ultrapériphériques, la Commission européenne devait en tenir compte.
Et c’est bien là que le bât blesse, car la situation a considérablement changé pour l’agriculture ultramarine ces derniers mois.
Ainsi, le 15 décembre 2009, a été conclu l’accord multilatéral de Genève sur le commerce de la banane et, au printemps 2010, l’Union européenne a conclu des accords commerciaux avec l’Amérique centrale, d’une part, et avec la Colombie et le Pérou, d’autre part.
Or, la proposition de la Commission feint d’ignorer les conséquences désastreuses que risquent d’avoir ces accords commerciaux pour l’agriculture en outre-mer.
En nos qualités respectives de rapporteur et de président de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, qui s’est réunie en 2009, Éric Doligé et moi-même avons jugé nécessaire d’intervenir.
C’est au nom du comité de suivi des orientations de cette mission, comité créé en octobre 2009, que nous avons donc déposé le 18 janvier 2011 une proposition de résolution européenne pour dénoncer l’indifférence ou le désintérêt de la Commission européenne à l’égard des effets de ces divers accords commerciaux sur l’agriculture des départements d’outre-mer.
En quoi consistent ces accords ?
Les textes viennent seulement d’être paraphés et n’ont pas encore été transmis au Parlement au titre de l’article 88-4 de la Constitution, bien que leur conclusion remonte à plus d’un an.
Néanmoins, selon les informations disponibles, nous savons quelles avancées l’Union européenne a obtenues : il s’agit, essentiellement, de la fin des barrières douanières pour ses industries – surtout l’automobile – et d’un meilleur accès aux marchés péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits laitiers.
En contrepartie, les deux États andins ont obtenu une amélioration du potentiel d’exportation de bananes, de sucre, de rhum et d’autres produits agricoles, affectant le cœur de nos économies ultramarines.
Plus précisément, concernant la banane, production emblématique de nos îles, l’Union européenne va abaisser ses droits de douane à 75 euros par tonne au 1er janvier 2020.
Déjà, l’accord multilatéral de Genève sur le commerce de la banane, signé en décembre 2009, s’était conclu par un abaissement progressif des droits de douane de 176 euros à 114 euros la tonne d’ici à 2017.
C’est donc une baisse supplémentaire de 40 euros par tonne qui est consentie sur la taxation des bananes importées des pays andins.
Pour la banane, il est certes prévu une sauvegarde spéciale déclenchant une suspension du traitement préférentiel en cas de forte augmentation des importations en provenance de ces pays, mais celle-ci cessera de s’appliquer lorsque le droit préférentiel aura atteint 75 euros par tonne en 2020.
Pour ce qui est du sucre et des produits à teneur élevée en sucre, des contingents à droit nul, assortis d’un taux de croissance annuel, sont consentis à la Colombie et au Pérou.
Pour le rhum, des contingents à droit nul s’appliqueront là aussi pour la Colombie et le Pérou et augmenteront chaque année.
Les lignes tarifaires sur le rhum en bouteille seront, pour leur part, démantelées en trois ans.
Enfin, il faut souligner que le commerce des produits de la pêche sera lui aussi très largement libéralisé, avec les conséquences que l’on sait sur ce secteur déjà en difficulté.
De facto, la France et, disons-le sans détour, ses départements d’outre-mer sont incontestablement les premiers contributeurs à ces accords.
C’est pour notre pays que le déséquilibre entre les concessions opérées sur les produits sensibles et les résultats obtenus sur le plan offensif apparaît le plus frappant.
En effet, mes chers collègues, l’économie agricole des RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions. Ainsi, en 2007, la banane représentait 57 % de la production agricole en Martinique et 18 % en Guadeloupe. La canne à sucre, quant à elle, représentait 20 % de la production agricole en Guadeloupe et 7 % en Martinique.
Notre commerce extérieur est lui aussi étroitement lié à ces produits. Pour la Guadeloupe, par exemple, le sucre représente près de 30 % des exportations en valeur, la banane plus de 14 % et le rhum près de 12 % ; à La Réunion, le sucre représente 38,5 % des exportations en valeur.
Il nous faut sauvegarder l’essentiel, à savoir les dizaines de milliers d’emplois qui sont en jeu derrière ces pourcentages.
Si nous laissons nos marchés locaux – je dis bien « locaux » – être envahis de produits d’Amérique latine, que deviendra notre agriculture ? Et nos agriculteurs ?
Les concessions commerciales accordées par l’Union européenne ne peuvent s’entendre sans compensation pour préserver la fragile production agricole locale.
Il n’est pas pensable d’exposer, sans garde-fous, nos agriculteurs à la concurrence des pays d’Amérique latine, dont les producteurs ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
En effet, faut-il que je rappelle ici que c’est la législation sociale française qui s’applique, bien heureusement, pour les ouvriers agricoles des départements d’outre-mer ? Inutile de vous dire que les conditions de travail, les conditions salariales, les conditions sociales dans les pays tiers que nous évoquons sont d’un autre siècle, faussant totalement le jeu normal de la concurrence.
Faut-il également que je rappelle que, dans un monde où le développement durable est devenu une préoccupation majeure, la banane antillaise est désormais la plus propre au monde ?
Quand les producteurs colombiens pratiquent soixante traitements phytosanitaires par an, nous en réalisons moins de dix ! Mais tout cela a un coût, bien sûr. Il convient donc d’être attentif à ne pas ruiner ces efforts.
Ces compensations pourraient prendre la forme de mesures de protection du marché des RUP, par exemple, s’agissant de la banane, la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde plus protecteur, pérenne et susceptible d’être automatiquement activé.
Pour le sucre et le rhum, ne pourrait-on pas envisager une limitation dans le temps des augmentations annuelles des contingents ?
La compensation devra aussi être financière, en dédommagement des pertes de recettes commerciales induites.
Le Parlement européen lui-même a appelé à la mise en place de compensations en faveur des producteurs des RUP lors de la ratification de l’accord de Genève sur la banane en février dernier.
Le Parlement relève que, d’ores et déjà, l’Union européenne a décidé de consacrer 200 millions d’euros sur la période 2010–2013 aux pays ACP producteurs de bananes pour les accompagner dans le processus d’ajustement nécessaire.
Symétriquement, les députés européens appellent à modifier les modalités de l’aide prévue dans le budget POSEI à l’attention des producteurs de l’Union pour que ces derniers soient en mesure de rester sur le marché et de poursuivre leurs activités traditionnelles.
Aux dernières nouvelles, et au terme de longues discussions, la Commission proposerait une compensation de 10 millions d’euros par an pour les trois États membres concernés – Espagne, France et Portugal –, soit seulement 4 millions d’euros pour la France !
Cette proposition est inacceptable pour notre pays, qui a estimé à 40 millions d’euros par an, soit dix fois plus, le besoin de compensation de pertes de revenus et de restructuration pour la filière.
Nous devons donc maintenir la pression sur la Commission européenne. Pour cela, nous avons besoin que vous souteniez notre démarche, mes chers collègues.
Je remercie d’ores et déjà les rapporteurs, Christian Cointat et Daniel Marsin, qui ont témoigné de leur soutien en enrichissant notre texte lors de son examen par la commission des affaires européennes et par celle de l’économie.
Une résolution européenne du Sénat permettra d’exprimer au Gouvernement notre attente sur le sujet. Celui-ci pourra ensuite l’invoquer utilement pour tenter d’obtenir gain de cause à Bruxelles dans la négociation en cours.
Mes chers collègues, je suis sûr que vous aurez à cœur, en adoptant cette proposition de résolution, de tout faire pour assurer l’avenir de l’agriculture des départements d’outre-mer, car elle est une composante majeure de leur santé économique et sociale.
Le démantèlement de l’agriculture réduirait à néant les perspectives de développement endogène préconisées par le Gouvernement.
Je suis également convaincu que chacun de vous a conscience que le problème qui est posé ici n’a pas un caractère marginal ou périphérique. Ce que pose au fond cette résolution, c’est le nécessaire rappel à nos partenaires européens et internationaux que, dans une économie qui se veut mondialisée et dont nous acceptons les règles, la France n’entend pour autant renoncer ni à son agriculture ni à son modèle social. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, co-auteur de la proposition de résolution.
M. Éric Doligé, co-auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me demande si ce débat n’a pas été programmé à cette heure tardive afin de permettre, grâce au décalage horaire, à nos concitoyens de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane d’assister à sa retransmission ! (Sourires.)
L’Union européenne a conclu, au cours des deux dernières années, plusieurs accords commerciaux qui représentent un danger pour l’agriculture de nos départements d’outre-mer : en décembre 2009, a été signé à Genève un accord sur le commerce des bananes avec les pays sud-américains, accord qui devait mettre un terme à la « guerre de la banane » ; lors du sommet de Madrid de mai 2010, deux accords commerciaux ont été officialisés avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec l’Amérique centrale, d’autre part.
L’impact de ces accords sur l’agriculture des outre-mer est potentiellement dévastateur. En échange de la levée des barrières commerciales sur les produits industriels européens, les accords avec les pays andins et d’Amérique centrale prévoient en effet une ouverture du marché européen en matière agricole, notamment pour les productions de banane, de sucre et de rhum.
La Commission européenne reconnaît elle-même le danger de ces accords pour les économies ultramarines. Elle affirme, dans son rapport d’évaluation de la réforme du régime POSEI, qu’ils pourraient « avoir un effet sur la capacité concurrentielle des producteurs des régions ultrapériphériques sur le marché de l’Union européenne ».
Le Parlement européen a estimé, quant à lui, dans une résolution adoptée le 3 février dernier, que l’accord de Genève « met en danger les petits et moyens producteurs des ACP, de l’Union et de ses régions ultrapériphériques » qui « pourraient être significativement affectés ».
Les intérêts des agriculteurs ultramarins semblent donc avoir été sacrifiés par la Commission européenne au profit des intérêts de l’industrie européenne.
Face au danger représenté par ces accords, la proposition de résolution que nous avons déposée avec Serge Larcher, et dont je remercie les présidents Emorine et Bizet d’avoir demandé l’examen en séance publique, formule deux demandes essentielles.
La première est la compensation des effets de ces accords commerciaux sur les régions ultrapériphériques, la proposition de règlement opérant la refonte du régime POSEI paraissant le véhicule adapté pour déterminer les modalités de cette compensation.
La seconde est la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques dans la politique commerciale de l’Union, via l’évaluation systématique de l’impact sur ces régions des accords commerciaux négociés par la Commission européenne.
Notre collègue Serge Larcher a évoqué l’indispensable compensation des effets de ces accords sur les régions ultrapériphériques, je ne reviendrai donc pas sur cet aspect de la proposition de résolution.
Je souhaite, en revanche, m’attarder sur la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques sur le plan européen : il s’agit en effet, à mes yeux, d’un sujet essentiel, qui dépasse le simple cadre de la politique commerciale. La mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, l’avait souligné et la proposition de résolution se situe donc, de ce point de vue, dans la droite ligne de ses conclusions.
La proposition n° 62 de la mission commune d’information appelait ainsi à « renforcer la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques par l’Union européenne », tandis que la proposition n° 35 indiquait qu’il était nécessaire de « défendre une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture et de la pêche ultramarines dans la réglementation européenne ».
La Commission européenne est peu sensible aux spécificités des régions ultrapériphériques. La proposition de refonte du règlement POSEI sur laquelle s’appuie la proposition de résolution en est une nouvelle illustration.
Ce texte repose, pour l’heure, sur les articles 42 et 43 du traité sur l’Union européenne, articles qui portent sur la politique agricole commune, la PAC, et non pas sur l’article 349 du traité, qui autorise des dérogations aux règles communautaires pour les régions ultrapériphériques. Il est pourtant indispensable que l’article 349 figure parmi les bases juridiques du règlement POSEI, d’un point de vue symbolique bien entendu, mais aussi et surtout parce que cela permettrait les exonérations de droits de douane prévues par le régime spécifique d’approvisionnement.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer la mobilisation du gouvernement français sur cette question : son intervention a porté ses fruits. Il semble en effet que la Commission ait fait machine arrière et accepté de faire figurer l’article 349 parmi les bases juridiques du règlement.
La proposition de résolution demande donc que les spécificités des régions ultrapériphériques soient prises en compte par la Commission européenne dans les accords commerciaux qu’elle négocie, et ce notamment par des études d’impact préalables, semblables à l’étude d’impact de l’accord commercial envisagé avec le MERCOSUR, qui a été effectuée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, pour l’ensemble de l’Union.
Cette demande est essentielle : la proposition de résolution constitue sur ce point un soutien à la position du Gouvernement.
Au cours des dernières années, les régions ultrapériphériques, la France, l’Espagne et le Portugal ont en effet demandé de façon récurrente la mise en place d’études d’impacts spécifiques aux régions ultrapériphériques : dans le mémorandum conjoint des RUP de 2009, était évoquée l’institution d’une « étude d’impact actualisée sur les effets sur l’économie des RUP de la libéralisation commerciale », tandis que le mémorandum de l’Espagne, de la France, du Portugal et des RUP de 2010 va plus loin en estimant indispensable « d’évaluer systématiquement les effets attendus des politiques de l’Union dans les RUP ».
Enfin, le 14 juin 2010, le Conseil de l’Union européenne a invité la Commission à « continuer à élaborer […] des mesures spécifiques pour les régions ultrapériphériques, à renforcer le partenariat et à évaluer systématiquement les effets des politiques de l’Union européenne sur les régions ultrapériphériques, notamment lors de la réalisation d’analyses d’impact ».
Ces études d’impact seront très utiles. Elles permettront au Gouvernement français d’influer sur la conclusion de tels accords et pourront, le cas échéant, justifier la mise en place de compensations.
Je remercie la commission de l’économie d’avoir complété utilement la proposition de résolution sur ce point : l’évaluation des effets de ces accords doit s’effectuer non seulement a priori, mais également au cours de la mise en œuvre des accords.
En conclusion, je souhaite saluer l’excellent travail effectué tant par la commission des affaires européennes et son rapporteur, Christian Cointat, que par la commission de l’économie et son rapporteur, Daniel Marsin.
J’espère que notre Haute Assemblée s’exprimera de façon unanime sur ce texte, démontrant ainsi, une fois encore, son attachement profond aux intérêts de nos outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Marsin, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est rare que notre Haute Assemblée examine en séance publique une proposition de résolution européenne.
Depuis 1999, seules treize propositions de résolution ont ainsi été discutées dans cet hémicycle, et dix d’entre elles ont été adoptées. La dernière proposition de résolution adoptée en séance date de mars 2009, et portait sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes.
Notre discussion d’aujourd’hui illustre une nouvelle fois l’attention portée par notre Haute Assemblée à nos outre-mer. Je tiens d’ailleurs à remercier les présidents Jean-Paul Emorine et Jean Bizet qui ont demandé que nous débattions en séance publique de cette proposition de résolution.
Je rappelle au préalable que la proposition de résolution a été déposée le 18 janvier 2011 par nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé, respectivement président et rapporteur du comité de suivi de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. Je tiens à saluer leur initiative qui se situe dans la droite ligne des conclusions de la mission d’information, dont ils ont été les excellents président et rapporteur.
La commission des affaires européennes a examiné la proposition de résolution le 2 février 2011. Elle a voté six amendements présentés par son rapporteur, Christian Cointat, avant d’adopter le texte à l’unanimité.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est alors saisie du texte. Elle m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur. Le 15 février dernier, elle l’a adopté, également à l’unanimité, après avoir accepté deux amendements que je lui avais proposés.
Avant d’en venir au contenu de la proposition de résolution, je souhaite « planter le décor ».
À cette fin, monsieur le ministre, je voudrais citer un court passage de votre excellente intervention lors du débat organisé dans ce même hémicycle le 11 janvier dernier, sur l’initiative des commissions de l’économie et des affaires européennes sur l’avenir de la politique agricole commune : « il ne sert à rien de se battre pour la PAC si on ne se bat pas non plus dans le cadre des négociations commerciales et du G 20. Il faut aborder les négociations commerciales internationales, notamment avec le MERCOSUR et dans le cadre de l’OMC, sans aucune naïveté et sans aucun complexe. C’est sans complexes que nous devons défendre notre agriculture, refuser les accords qui se feraient au détriment de l’agriculture et ne pas accepter que l’agriculture soit une nouvelle fois la monnaie d’échange dans un marché de dupes entre les pays sud-américains et l’Union européenne ».
Comment ne pas partager vos propos, monsieur le ministre ? Vous connaissez en effet tous, mes chers collègues, le risque que ferait peser un accord commercial entre l’Union européenne et le MERCOSUR sur l’agriculture européenne, notamment sur nos éleveurs. Une étude d’impact réalisée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, a d’ailleurs montré qu’un tel accord pourrait conduire à une baisse du revenu agricole en France allant jusqu’à 3 %.
S’agissant des départements d’outre-mer, les DOM, il ne me semble pas exagéré de dire que des accords emportant des conséquences similaires pour les DOM à celles que pourrait avoir pour notre pays un accord avec le MERCOSUR ont été conclus par l’Union européenne au cours des derniers mois. C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution a été déposée.
Pourquoi les problématiques agricoles sont-elles vitales pour nos outre-mer ? Parce que, comme dans bien d’autres domaines, la situation des outre-mer est très spécifique en matière agricole. Je ne vous livrerai que quelques illustrations.
Tout d’abord, le poids économique de l’agriculture est essentiel dans les DOM : entre 1,7 % et plus de 4 % du PIB, contre 2,2 % pour la France hexagonale, et entre 2 % et 7,2 % de l’emploi, contre 2,3 % pour le territoire métropolitain. Les produits agricoles et agroalimentaires représentent 53 % des exportations de la Guadeloupe et 65 % de celles de la Réunion !
Par ailleurs, le législateur a fait de l’agriculture l’un des secteurs clés du développement endogène de ces territoires, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer.
Enfin, l’agriculture des départements d’outre-mer reste dominée par deux filières traditionnelles d’exportation : la banane et la filière canne-sucre-rhum. Ces deux filières structurent l’économie des DOM : la filière banane représente près de 10 000 emplois dans les Antilles, ce qui en fait le premier employeur privé. La filière canne-sucre-rhum occupe près de 30 % de la surface agricole utile.
L’Union européenne prend d’ailleurs en compte ces spécificités. Sur le fondement de l’ancien article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, qui autorisait, au vu de leurs handicaps, la prise de mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, c’est-à-dire les DOM, les Açores, les Canaries et Madère, l’Union européenne a mis en place, au début des années quatre-vingt-dix, un dispositif spécifique de soutien, le programme POSEI.
Ce programme comprend deux volets : un régime spécifique d’approvisionnement, dont l’objet est d’alléger les coûts relatifs à l’approvisionnement, et des mesures d’aide à la production locale. Son bilan positif est reconnu par tous, y compris par la Commission européenne.
Ce programme n’est d’ailleurs pas en danger : la proposition de règlement sur laquelle s’appuie la proposition de résolution ne comporte que des ajustements formels et des modifications de fonds mineures.
Quels sont donc les faits à l’origine du dépôt de la proposition de résolution ?
Plusieurs accords signés par l’Union européenne mettent aujourd’hui en danger l’agriculture ultramarine et ont conduit les élus ultramarins à protester énergiquement.
D’une part, en décembre 2009, l’Union européenne a conclu à Genève avec certains pays sud-américains, un accord sur le commerce des bananes. Cet accord est censé, mais seulement censé, mettre fin à la « guerre de la banane » qui dure depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il prévoit ainsi, en contrepartie de l’arrêt des procédures lancées contre l’Union européenne par les pays producteurs de banane latino-américains devant l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, une baisse importante des droits de douane européens, de 176 euros en 2009 à 114 euros en 2017, soit une diminution de 35 % en six ans.
D’autre part, en mai 2010, lors du sommet de Madrid, l’Union européenne a conclu deux nouveaux accords : le premier avec la Colombie et le Pérou, le second avec l’Amérique centrale.
Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à souligner qu’il m’a été impossible d’obtenir le texte consolidé et traduit de ces accords avant l’examen de mon rapport en commission, soit près de dix mois après leur conclusion.
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est scandaleux !
M. Daniel Marsin, rapporteur. Le président Emorine a pris l’initiative, et je l’en remercie, d’interpeller à ce sujet le commissaire européen au commerce : seule la version en anglais du texte de l’accord avec l’Amérique centrale lui a été adressée en retour...
Je sais, monsieur le ministre, que vos services ne sont pas mieux lotis, pas plus que le secrétariat général aux affaires européennes. Cette situation est stupéfiante, scandaleuse comme vient de le dire notre collègue Jean-Paul Virapoullé : comment expliquer que, près d’un an après le sommet de Madrid, aucune version consolidée et traduite de ces deux accords ne soit disponible ? Je m’interroge sur l’attitude de la direction générale du commerce de la Commission européenne envers les États membres...
Quoi qu’il en soit, l’objectif de ces accords est de réduire les barrières commerciales concernant les produits industriels européens. En échange, ils vont plus loin que l’accord de Genève en prévoyant une nouvelle baisse des tarifs douaniers en matière de banane, qui devrait atteindre 75 euros d’ici à 2020 – ce qui montre que la « guerre de la banane » est loin d’être terminée –, mais aussi en mettant en place des contingents d’exportation à droits nuls pour le sucre et le rhum.
Les intérêts des régions ultrapériphériques ne semblent pas peser bien lourd face à ceux de l’industrie continentale. Le risque pour nos départements d’outre-mer est en effet évident : un afflux massif de produits agricoles de ces pays aux coûts de production très bas, à savoir les mêmes produits que ceux de nos DOM, sur le territoire européen, c’est-à-dire dans les DOM et sur le territoire continental, qui constitue le principal débouché pour les productions ultramarines. L’enjeu est donc essentiel.
En réaction à ces accords, la proposition de résolution formulait initialement, comme l’ont indiqué tout à l’heure Serge Larcher et Éric Doligé, deux demandes majeures.
Tout d’abord, elle demandait au Gouvernement français d’intervenir auprès de la Commission européenne afin que des compensations soient mises en place au profit des régions ultrapériphériques.
Ensuite, elle invitait la Commission européenne à prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la conduite de sa politique commerciale, et ce notamment par l’analyse préalable systématique de l’impact sur ces régions des accords commerciaux qu’elle négocie.
La commission de l’économie considère que ces demandes sont essentielles et que la proposition de résolution est une initiative bienvenue. Elle nous paraît constituer un appui important aux initiatives prises par le Gouvernement, dont je salue d’ailleurs l’entière mobilisation sur cette question auprès de la Commission européenne au cours des derniers mois.
Des négociations ont en effet lieu sur le montant des compensations. S’il semble que la Commission européenne ait admis le principe de la compensation, ses premières propositions sont inacceptables. Il est indispensable que la Commission assure une véritable compensation des effets de ces accords.
La commission de l’économie a enrichi le texte en adoptant, sur mon initiative, deux amendements.
Le premier porte sur la question de la cohérence des politiques européennes. Les accords commerciaux que j’ai évoqués sont en effet l’illustration de l’incohérence entre la politique commerciale et les autres politiques sectorielles de l’Union européenne. Pour parler clairement, la politique commerciale m’apparaît totalement déconnectée des autres politiques sectorielles.
Les accords commerciaux avec les pays andins et l’Amérique centrale risquent ainsi d’affaiblir des régions dont la politique de cohésion de l’Union européenne a pour objet de soutenir le rattrapage économique et un secteur économique que la politique agricole commune, via le programme POSEI, soutient fortement. Quelle est la cohérence de tout cela ?
De même, vous savez tous, mes chers collègues, qu’est évoqué actuellement le renforcement des contraintes environnementales dans le cadre de la réforme de la PAC. Les agriculteurs ultramarins sont déjà en pointe sur cette question, puisque, à la suite du scandale du chlordécone, un plan « banane durable » a été lancé en 2008 aux Antilles, qui a conduit à une réduction de près de 70 % de l’utilisation des produits phytosanitaires.
Or à quoi vont aboutir les accords commerciaux que j’ai évoqués ? Ils faciliteront l’entrée sur le territoire européen de produits en provenance de pays ayant des exigences environnementales bien inférieures. Je citerai un seul exemple, que Serge Larcher a rappelé : dans les Antilles, entre deux et dix traitements sont effectués sur la banane ; en Colombie, on atteint 60 traitements par an !
La commission de l’économie a donc complété la proposition de résolution en invitant la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l’Union.
Le second amendement a introduit notamment la problématique des mécanismes de sauvegarde.
À côté de l’aspect curatif – les compensations –, il y a en effet un aspect préventif : les mécanismes de sauvegarde, qui doivent permettre, en cas de perturbations sur un marché, de restaurer des droits de douane. Nombre d’accords commerciaux prévoient ce type de clauses. Il semblerait – nous ne disposons pas des textes – que les accords conclus avec les pays andins et l’Amérique centrale en comprennent également.
Or ces clauses sont particulièrement complexes à mettre en œuvre : leurs conditions sont restrictives, la procédure est particulièrement longue et, bien souvent, elles ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois les difficultés devenues insurmontables.
La commission de l’économie a donc invité la Commission européenne à veiller à ce que des mécanismes de sauvegarde opérationnels soient inclus, en faveur des régions ultrapériphériques, dans les accords commerciaux qu’elle négocie.
Après avoir adopté ces deux amendements, la commission de l’économie a voté le texte à l’unanimité.
Enfin, certains parmi vous estimeront peut-être que cette proposition de résolution reflète une vision trop franco-française, voire « franco-domienne ». Je souhaite les rassurer à ce propos.
Le 8 mars 2011, le Parlement européen a en effet adopté une résolution portant sur l’agriculture de l’Union européenne et le commerce international, dont les orientations sont très proches du texte que nous examinons aujourd’hui.
Quelques extraits de cette résolution l’illustrent : « le Parlement condamne l’approche adoptée par la Commission, qui accorde trop souvent des concessions sur l’agriculture en vue d’obtenir pour les produits industriels et les services un meilleur accès au marché dans les pays tiers ; [il] demande à la commission de ne plus faire passer les intérêts de l’agriculture après ceux de l’industrie et du secteur des services ».
Il « souligne que, dans le secteur agricole, la Commission doit mener des évaluations d’impact qui doivent être rendues publiques avant l’entame des négociations et des propositions de mises à jour de manière à tenir compte des nouvelles positions apparaissant au cours des négociations ».
Enfin, il « appelle [...] la Commission à tenir compte de la situation spécifique des RUP dans le cadre des négociations afin que leur développement ne soit pas mis à mal ».
En conclusion, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est, aux yeux de la commission de l’économie, un texte très utile qui viendra conforter les initiatives du Gouvernement au niveau européen et constituera un nouvel aiguillon pour la Commission européenne.
J’espère que notre Haute Assemblée pourra s’exprimer unanimement sur ce texte, démontrant ainsi une fois encore son attachement aux intérêts de nos outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture est stratégique pour toutes les outre-mer. Cela a été rappelé par les intervenants précédents, elle fait partie des priorités que le Président de la République a rappelées lors de son déplacement aux Antilles en janvier dernier.
En l’accompagnant durant ce voyage officiel, j’ai pu apprécier les premiers résultats du plan que nous avons engagé en 2009 pour développer l’agriculture et la pêche ultramarines, notamment en visitant deux entreprises de maraîchage et de transformation engagées dans le processus de diversification des agricultures d’outre-mer.
C’est bien la preuve, à mon sens, que nous sommes sur la bonne voie et que l’agriculture outre-mer a de belles perspectives devant elle !
Évidemment, il reste un chemin considérable à faire, et je connais les difficultés auxquelles doivent faire face les agriculteurs des départements antillais : une pression foncière, déjà considérable, de plus en plus forte ; un marché local limité qui impose de développer d’autres perspectives ; un climat peu propice à l’agriculture ; et un isolement géographique qui se traduit par des coûts de transport très élevés, rendant les coûts de production peu compétitifs par rapport à ceux du continent.
Toutes ces contraintes ont été reconnues à l’échelle européenne ; elles justifient un soutien renforcé aussi bien de l’Union européenne que du Gouvernement.
De ce point de vue, la proposition de résolution m’apparaît particulièrement opportune, puisqu’elle intervient au moment où le Gouvernement veut renforcer son aide pour l’agriculture outre-mer et où l’Union européenne a pris un certain nombre de décisions qui appellent soit une réflexion, soit une décision de notre part.
D’abord, l’Union européenne a signé en décembre 2009 un accord multilatéral sur la banane qui entraîne une réduction drastique des droits de douane applicables aux importations. Le Parlement européen vient de ratifier cet accord en février dernier.
Ensuite, cet accord a été complété par d’autres accords signés en mai 2010 avec les pays andins et d’Amérique centrale qui auront un impact sur la banane, le sucre et le rhum, c’est-à-dire sur les principales productions agricoles des outre-mer.
Enfin, comme vous le savez – j’ai eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises avec le Président de la République –, l’Union européenne s’apprête à faire une nouvelle offre tarifaire au MERCOSUR qui risque d’avoir des conséquences dramatiques pour l’agriculture européenne, en particulier celle des régions ultrapériphériques.
Le débat sur cette proposition de résolution arrive donc au bon moment.
Avant d’en venir plus spécifiquement à vos propositions, je voudrais insister sur la nécessité, pour la France et l’Europe, d’assumer toutes les conséquences des choix effectués en faveur d’une agriculture durable et responsable. Nous ne pouvons pas, d’un côté, défendre une agriculture durable et responsable et déclarer que cet objectif s’applique aussi aux régions ultrapériphériques et, de l’autre, engager des négociations commerciales qui mettent précisément à bas les fondements d’une telle politique.
Nous nous imposons des normes sociales, sanitaires et environnementales qui sont sans équivalent dans le reste du monde. Nous pouvons en être fiers, car elles correspondent aux attentes de nos concitoyens et fondent la légitimité même de la politique agricole commune. Mais encore faut-il que nous permettions à nos agriculteurs d’assumer ces choix d’un point de vue économique et commercial. Comme vient de le rappeler M. Marsin lors de son intervention, quand une banane antillaise subit de deux à six traitements sanitaires, une banane colombienne en subit soixante. Pouvons-nous laisser grands ouverts nos régions et nos départements à ces bananes qui subissent des traitements beaucoup plus lourds ?
L’Europe doit être cohérente dans ses choix politiques. Or, nous avons déclaré que l’agriculture devait totalement obéir au principe d’une sécurité sanitaire totale, qu’elle devait tendre vers un « verdissement » de plus en plus important et respecter des normes environnementales et de bien-être animal qui n’existent nulle part ailleurs au monde.
Je vous citerai juste un exemple à ce propos.
Nous avons décidé, au titre du bien-être animal, que toutes les truies allaitantes en Europe, au lieu d’être élevées dans des cages, devraient bénéficier chacune d’un espace de 2,5 mètres carrés. Cela impose la reconstruction de tous nos élevages porcins en France, pour un coût de 370 millions d’euros. Nous pouvons assumer ce coût si nous estimons qu’il est légitime de bien traiter les animaux, mais nous ne devons pas, dans le même temps, laisser nos frontières ouvertes à des produits pour lesquels les producteurs n’ont pas respecté les mêmes règles de bien-être animal, avec les coûts supplémentaires qu’elles engendrent.
Nos décisions concernant l’agriculture valent aussi pour la pêche, puisque nous avons choisi une gestion raisonnée des stocks de poissons. Encore faut-il que les autres pays respectent eux aussi les ressources halieutiques et se dotent, en la matière, de la même gestion prévisionnelle que nous, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Notre action vise aussi la cohésion territoriale, avec le rattrapage du PIB des régions ultrapériphériques classées en zone de convergence. Là aussi, il faut que nous tenions les engagements politiques qui ont été pris par l’Union européenne et les États membres.
La mise en cohérence de ces politiques sectorielles de l’Union doit donc se traduire, dans les négociations commerciales, par l’affirmation du principe de réciprocité. Lors du Conseil européen de septembre 2010, le Président de la République avait d’ailleurs obtenu, de la part des vingt-sept États membres, que ce principe de réciprocité s’applique à l’ensemble des négociations commerciales de l’Union européenne. Il faut maintenant s’assurer de sa concrétisation pour chacun des accords bilatéraux et multilatéraux.
La première bataille que nous aurons à livrer tous ensemble, ce sont les négociations avec le MERCOSUR. Je rentre tout juste du Brésil, et je me rendrai dans quelques jours en Argentine pour parler du G 20 et évoquer ces négociations. Ce qui m’a frappé lorsque j’ai discuté avec nos interlocuteurs brésiliens, c’est qu’ils m’ont eux-mêmes signalé les difficultés posées par cet accord, notamment pour les produits industriels et les services qu’ils veulent développer, alors même que leurs coûts de production augmentent et que leur monnaie s’apprécie.
Autrement dit, je n’ai pas trouvé les Brésiliens spécialement pressés de conclure un accord avec l’Union européenne sur la base qui a été choisie pour l’accord avec le MERCOSUR. Or c’est précisément le moment que choisit la Commission européenne pour formuler de nouvelles concessions agricoles ! Je dois dire que tout cela me laisse sans voix, d’autant que la première ébauche de l’étude d’impact de cet accord avec le MERCOSUR est connue et que ses conclusions sont alarmantes.
Ainsi, la signature de l’accord se traduirait par une baisse du revenu agricole de l’ordre de 1 milliard à 7 milliards d’euros suivant les différentes offres, que les pertes pourraient atteindre 3 milliards d’euros en 2020 pour la seule filière bovine, soit une baisse de 25 % du revenu des producteurs bovins en Europe, qui, je le rappelle, est pourtant le plus faible de tous les revenus agricoles français !
Personne ne peut accepter qu’un éleveur bovin, qui perçoit aujourd’hui, dans cette situation de crise, entre 700 et 900 euros par mois, voie son revenu diminuer du quart parce que nous aurions fait un mauvais choix commercial. Cela reviendrait, pour des milliers d’exploitations en France comme dans d’autres pays européens, et en particulier dans les régions ultrapériphériques, à mettre la clef sous la porte…
Par ailleurs, je constate que, dans son étude d’impact, la Commission n’a pas jugé bon d’aborder la situation spécifique des DOM.
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est un oubli fâcheux !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je lui ai donc demandé de compléter son travail afin de disposer d’une étude définitive qui nous permettrait de mesurer l’impact de la conclusion éventuelle de ces accords sur les départements d’outre-mer.
Si la Commission défendait ces offres, cela reviendrait, à mon sens, à tirer un trait sur l’agriculture d’outre-mer au moment même où nous avons pris les dispositions nécessaires pour la renforcer et la développer.
M. Jean-Paul Virapoullé. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je peux vous assurer que le Président de la République est tout à fait déterminé à ne pas sacrifier notre agriculture, d’outre-mer comme de métropole, à des accords commerciaux, quels qu’ils soient.
Au-delà du MERCOSUR, je reste évidemment très vigilant sur l’ensemble des négociations commerciales, comme cela a déjà été le cas s’agissant des accords sur le lait et de la relance d’une régulation européenne des marchés. J’ai mis en place une coalition d’une douzaine d’États membres qui font actuellement pression auprès de la Commission sur ces sujets.
En ce qui concerne le cycle de Doha, les négociations sont difficiles, et j’ai eu l’occasion de rappeler à de multiples reprises, à Genève comme à Bruxelles, que l’Union européenne était allée au maximum des concessions agricoles raisonnables.
S’agissant des accords « banane », la cohérence fait là aussi défaut, et si nous voulons préserver notre modèle d’agriculture outre-mer, une compensation est indispensable.
Je rappelle que, récemment encore, la Commission refusait le principe même d’une telle compensation, qui s’avère pourtant juste et nécessaire.
Grâce à l’implication personnelle du Président de la République, qui a envoyé un courrier sur le sujet au Président Barroso, ainsi qu’aux multiples démarches que nous avons entreprises, les choses commencent à évoluer.
Nous évaluons actuellement l’impact de ces accords sur le marché de la banane et la juste compensation qui pourrait en résulter. Je vous tiendrai bien entendu directement informés des résultats de ces négociations, mais il est déjà positif que le principe même de la compensation ait été accepté.
Au-delà de cette vigilance indispensable, de ces négociations nécessaires avec la Commission, et de ces signaux d’alerte que nous ne cessons d’envoyer sur la conclusion d’accords qui se feraient sur le dos de l’agriculture et des paysans en métropole et outre-mer, je pense qu’il est indispensable de continuer à soutenir le développement de l’agriculture ultramarine.
Ainsi, en Guadeloupe, j’ai été frappé de constater que la production locale ne couvrait que 60 % des besoins en produits alimentaires, alors que ce département, comme les autres DOM, a les moyens de développer son autosuffisance alimentaire.
Il n’y aura pas de développement économique de l’outre-mer sans développement de l’agriculture : c’est un point stratégique en termes d’emplois, et donc de richesse, pour ces départements. Nous devons donc impérativement passer la vitesse supérieure.
Je crois profondément aux ressources de ces territoires, de même qu’aux capacités des agriculteurs ultramarins, lesquels ont tous les atouts pour réussir le développement d’une agriculture endogène.
Il ne s’agit pas de renoncer aux cultures traditionnelles de ces départements, comme la banane ou la canne à sucre, qui font la richesse, l’identité et la force économique de ces départements. Il s’agit simplement, sur cette base solide, de poursuivre une diversification qui doit assurer les besoins alimentaires de la population locale.
Les fonds mis en place dans le cadre du Comité interministériel de l’outre-mer de 2009 visent précisément à encourager le développement endogène de l’agriculture et les productions tournées vers le marché local. Les départements d’outre-mer ont besoin d’une agriculture de proximité.
Ainsi, 40 millions d’euros ont été débloqués pour les filières végétales et animales.
Au-delà de l’autosuffisance alimentaire, nécessaire pour les départements ultramarins, cette diversification est aussi une chance pour l’emploi, pour les entreprises, pour le développement touristique et pour l’environnement, notamment la biodiversité.
Dans le même état d’esprit, et comme le Gouvernement s’y était engagé lors des débats sur le texte qui est devenu la loi relative à la modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous allons soutenir le développement des circuits courts en outre-mer.
Une circulaire du Premier ministre adressée aux préfets est actuellement en cours de signature. Elle permettra de favoriser l’approvisionnement en produits locaux dans la restauration collective et l’utilisation du bois dans la commande publique. Il me semble en effet opportun que les établissements publics donnent l’exemple en la matière, et permettent ainsi de soutenir le développement d’une agriculture endogène.
Vous pouvez donc compter sur ma détermination totale pour soutenir le développement durable de l’agriculture des départements d’outre-mer, pour défendre les intérêts de ces départements dans les négociations commerciales qui s’engagent et pour que la politique de cohésion continue de tenir compte des spécificités et des fragilités des régions ultrapériphériques.
Naturellement, nous veillerons également à ce que, au sein de la PAC 2013, qui fait actuellement l’objet de négociations très ardues, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, ou POSEI, demeure un instrument financier spécifique et que nos territoires ultramarins restent un atout pour l’agriculture de notre nation et de l’Europe tout entière.
Le Gouvernement soutiendra donc sans réserve cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Serge Larcher applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne, compte tenu de la spécificité du secteur agricole dans les DOM, lequel est dominé par une production traditionnelle souvent orientée vers l’exportation – banane, sucre de canne, rhum, etc.
Cette proposition de résolution intervient du fait que l’Union européenne a conclu au cours de ces derniers mois, ou est sur le point de signer, avec des pays concurrents, des accords commerciaux relatifs à des productions agricoles des DOM, lesquels ont un impact direct sur ce secteur économique en outre-mer.
Du fait de la spécificité des régions ultrapériphériques, les RUP, l’Union européenne dispose d’un programme, le POSEI, ou programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, inscrit dans l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Ce programme comprend deux volets principaux : d’une part, des régimes spécifiques d’approvisionnement, qui visent à alléger les coûts relatifs à l’approvisionnement en produits utilisés dans la consommation courante ou pour la fabrication de certaines denrées alimentaires de base ; d’autre part, des mesures d’aide à la production locale – aides à la production, à la transformation et/ou à la commercialisation de productions locales.
Institué au début des années 1990, le programme POSEI a été modifié à deux reprises : en 2001 et 2006. À la suite de la réforme de 2006, la France a élaboré un programme spécifique afin de promouvoir une agriculture durable dans les départements d’outre-mer, ce qui a permis à ces derniers de bénéficier de 273 millions d’euros du POSEI en 2009, sur les 628,6 millions d’euros alloués à l’ensemble des neuf RUP.
Les accords de Genève du 15 décembre 2009, conclus, notamment, avec le Pérou et la Colombie au sommet de Madrid en mai 2010, représentent un danger énorme pour l’agriculture domienne, du fait que les coûts de production dans ces pays latino-américains sont très inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans les DOM. Ces conséquences négatives ont été largement soulignées, successivement par l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, la Commission européenne elle-même, la Conférence des RUP, le Sénat – notamment à l’occasion des questions cribles thématiques du 18 janvier 2011 –, ou encore le Parlement européen.
Pour faire face à ces risques, que propose la présente proposition de résolution européenne ?
Nous savons qu’elle s’appuie sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union européenne du 24 septembre 2010. Cette proposition de règlement européen vise à refondre le régime du POSEI, en réaffirmant que « l’Union devrait continuer à soutenir les productions agricoles des RUP, élément fondamental de l’équilibre environnemental, social et économique des régions ultrapériphériques ».
De ce fait, les auteurs de la présente proposition de résolution suggèrent notamment d’analyser et de compenser les effets de ces accords sur les productions agricoles des RUP, de faire en sorte que la France négocie avec l’Union européenne afin d’obtenir des compensations destinées à préserver l’agriculture ultramarine des effets négatifs de ces accords, et de conduire une étude d’impact systématique visant à évaluer les effets sur les RUP des accords commerciaux que l’Union européenne sera amenée à conclure dans l’avenir.
Mayotte, cent unième département de France, est doublement intéressé par la problématique de la proposition de résolution : en tant que pays et territoire d’outre-mer, ou PTOM, d’une part, en tant que future RUP d’autre part, il est exposé aux risques des accords de partenariat économique conclus entre l’Union européenne et les pays Afrique, Caraïbes, Pacifique, ou ACP, notamment ceux de la zone de l’Afrique centrale et de l’océan Indien.
Que dire, en quelques mots, de la situation de l’agriculture mahoraise aujourd’hui ?
On compte 15 500 ménages agricoles à Mayotte, pratiquant pour la plupart une agriculture traditionnelle de subsistance, sur de petites surfaces de moins de un hectare par exploitation, essentiellement destinées à des cultures vivrières, avec très peu de variétés de production – banane, manioc, ambrevade…
De la même manière, la pêche demeure une activité traditionnelle, avec une flotte de 1 000 pirogues à balancier, 300 barques motorisées et seulement 3 palangriers équipés pour une pêche au large.
De son côté, la filière aquacole mahoraise se développe. Aujourd’hui, l’on trouve plusieurs variétés d’espèces de poissons en élevage, et davantage d’acteurs, dont Aquamay, Mayotte Aquaculture, Subagri ou encore le GSMA, avec des capacités de production et d’exportation de plus en plus importantes. Depuis l’essor de la filière aquacole mahoraise au début des années 2000, devenue d’ailleurs la première production piscicole de l’outre-mer français, des mesures d’aide et de soutien à l’investissement ont été apportées par l’État et l’Europe afin de pérenniser la filière.
À titre d’exemple, la loi du 27 mai 2009 dite « LODEOM » prévoit une aide au fret exceptionnelle – aide aux intrants et extrants – pour encourager la production du poisson élevé à Mayotte, et donc aussi son exportation, notamment vers l’espace européen. Cette production bénéficiera également du soutien de l’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, avec l’ouverture prochaine d’un centre de recherche et de développement pour l’aquaculture.
De manière globale, l’agriculture mahoraise doit faire face à plusieurs défis : alimentaires, du fait de l’augmentation de la population et de l’élévation du niveau de vie ; environnementaux, liés aux défrichements engendrés par le caractère extensif de l’agriculture traditionnelle ; économiques, liés notamment à la rentabilité économique des exploitations agricoles ; sociaux, liés à l’accompagnement de la transition agricole et aux mutations professionnelles dans la filière.
Ces défis méritent un accompagnement soutenu de la part de l’État et de l’Union européenne, du fait de l’évolution institutionnelle du département, actuellement PTOM, et future RUP à l’horizon 2014.
Si les accords commerciaux conclus par l’Union européenne et des pays d’Amérique latine représentent, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, un danger pour la filière agricole des RUP françaises d’Amérique et des Antilles, les accords de partenariat économique, ou APE, conclus par l’Union européenne et des pays ACP, notamment des pays d’Afrique orientale et australe, ont aussi des conséquences sur l’économie des départements français de l’océan Indien que sont la Réunion et Mayotte.
Pour Mayotte, du fait que l’économie mahoraise est encore fortement tributaire des importations, essentiellement de l’Europe, ces accords APE présentent un grand risque de déstabilisation de l’économie locale, d’autant que l’île ne bénéficie d’aucune mesure de compensation à ce jour.
Si, d’un côté, les APE ont en effet pour principe de renforcer l’intégration régionale « Sud-Sud » en facilitant les échanges économiques et commerciaux, ils présentent, de l’autre, un facteur important de risque pour les économies insulaires, tant des RUP que des PTOM, en raison des coûts de production élevés.
Il est donc important d’inciter l’Europe à mener une étude d’impact systématique des conséquences, sur l’économie des PTOM, de ses accords de partenariat économique conclus avec les pays ACP, prévoyant notamment un allégement, voire une suppression des droits de douane.
Pour Mayotte, deux facteurs contextuels représentent un danger pour l’économie du jeune département : d’une part, son intégration dans la région océan Indien, ce qui conduit à réfléchir sur les limites et les risques de la coopération décentralisée ; d’autre part, sa transformation en RUP qui, avec l’absorption des règles communautaires en matière commerciale, encouragera en particulier la libéralisation des échanges et, de ce fait, l’exposition des entreprises mahoraises à une forte concurrence.
Sous le bénéfice de ces quelques observations, je soutiendrai bien évidemment cette proposition de résolution de nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Serge Larcher applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne analyse la proposition de règlement européen portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques. Le texte européen élabore une refonte du régime POSEI, dont l’objectif est d’améliorer la compétitivité de l’agriculture et des industries agroalimentaires et de consolider une agriculture de proximité dans nos départements ultramarins.
En fait, cette proposition de règlement européen s’attarde peu sur les modifications proposées par la Commission européenne sur le fonctionnement du POSEI, mais se polarise surtout sur les risques importants pour l’agriculture des DOM posés, notamment, par la signature de l’accord multilatéral de Genève sur les bananes le 15 décembre 2009 et les accords commerciaux passés entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, le Pérou et la Colombie en particulier.
Elle se polarise également sur les éventuelles mesures de compensation ainsi que sur les études d’impact systématiques des effets commerciaux sur les RUP à proposer préalablement à leur conclusion.
Le POSEI, à travers le régime spécifique d’approvisionnement, ou RSA, et les mesures en faveur des produits agricoles locaux, a montré son efficacité, soulignée par la Cour des comptes européenne, qui a d’ailleurs mis en avant la nécessité de maintenir cette aide pour l’agriculture des régions concernées.
Aussi, cette proposition de règlement devait constituer une réelle opportunité pour dénoncer les effets néfastes de la politique commerciale européenne sur l’agriculture ultramarine. Or il semble bien que l’Union fait actuellement le choix de gommer peu à peu les différences de traitement et les avantages dont bénéficieraient ces territoires, sous couvert de libéralisation des échanges, de restrictions budgétaires et de changement de priorités vers d’autres zones régionales dans le monde.
Les récentes négociations sur la banane avec les pays non ACP ou encore l’accord de libre-échange avec le Pérou ou la Colombie sont là pour le prouver. Les analyses d’impact de ces accords sur les RUP ont fait défaut et la Commission européenne n’a pas proposé de compensation réglementaire. En tout état de cause, on peut douter de la détermination de la Commission européenne et des États de mettre en danger de tels accords pour protéger « quelques petits territoires d’outre-mer ».
Il importe donc que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne soit le socle juridique principal sur lequel les dispositions financières en faveur des RUP peuvent s’appuyer, aux côtés des articles concernant directement la politique agricole. Dès lors, toute compensation financière accordée aux RUP françaises du fait de leurs réalités devra être réalisée en prenant en compte les conséquences négatives d’une politique commerciale de l’Union sur des économies agricoles ultramarines fragiles, d’autant que les pays andins ou d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales.
Il importe également que soit systématisée la réalisation d’études d’impact par la Commission européenne lors de la négociation d’accords commerciaux susceptibles d’affecter l’économie des RUP. Ces études permettraient de mettre en avant préalablement à chaque signature d’accord les risques potentiels pour les économies locales. De même, l’abaissement des droits de douane devrait être conditionné à un meilleur respect d’un certain nombre de normes sociales et environnementales. Là, je pense particulièrement à la filière rizicole en Guyane, ce riz produit dans la commune dont je suis le maire, qui souffre notamment de l’application inappropriée de certifications européennes, alors que le riz produit dans les pays voisins, issu de semences non homologuées « Europe » – interdites en Guyane française – est vendu en Europe !
Il faudrait, enfin, que les mesures de compensation financière, même si elles ne peuvent neutraliser les effets négatifs de l’arrêt de certaines productions agricoles car l’agriculture assure un rôle multifonctionnel majeur, soient calculées à la hauteur du préjudice, compte tenu de l’absence encore trop marquée d’une réelle prise en compte des difficultés structurelles des RUP lors de la signature des accords de partenariat économique.
Le Gouvernement, dans ses négociations avec la Commission européenne, doit être particulièrement vigilant sur ce point ainsi que sur la mise en œuvre des autres mesures de protection du marché des RUP.
Aussi, je partage totalement les objectifs de la présente proposition de résolution européenne dont les deux axes essentiels sont la nécessaire compensation des effets des accords commerciaux et l’évaluation systématique de l’impact de ces accords sur les RUP. Il appartient maintenant aux gouvernements français, espagnol et portugais de trouver de nouvelles alliances dans une Europe à vingt-sept et de conditionner leur accord sur les grandes réformes européennes à venir dans un respect des dispositions des traités en faveur de l’outre-mer comme du principe de solidarité qui fonde le projet européen.
Par ailleurs, si à court et moyen termes l’aide financière aux filières principales – banane, sucre, rhum notamment – doit être maintenue compte tenu de leur poids économique et social, la trop forte dépendance des territoires ultramarins à quelques produits qui subiraient inévitablement une baisse très importante des droits de douane d’ici à 2020 peut être un frein à moyen et long termes au développement d’une économie agricole performante et compétitive. Les financements agricoles au titre du POSEI doivent davantage permettre à moyen terme de mettre en œuvre une diversification des produits et des circuits de transformation. Les filières canne-sucre-rhum et bananes, culture d’exportation, prédominent largement, alors que les filières animales et végétales de diversification – fruits et légumes, riz, fleurs, plantes à parfum, aromatiques et médicinales – sont en plein développement. Le partage de l’enveloppe française mériterait à ce titre d’être revu. En 2005, lors de la dernière répartition, 56 % étaient consacrés à la Réunion, 37 % à la Martinique, 17 % à la Guadeloupe et seulement 2 % à la Guyane, sous le prétexte de la faible organisation des filières. Or la Guyane est la seule région de France qui connaît une augmentation du nombre d’exploitations, de 20 % en dix ans. Cette activité concerne 20 000 personnes, soit près de 10 % de la population, plus de 80 % des exploitants s’adonnant à l’agriculture traditionnelle ! N’est-ce pas une réalité qui mérite d’être prise en considération quand on veut bâtir le développement de nos territoires à partir du concept de développement endogène ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Denis Detcheverry et Soibahadine Ibrahim Ramadani applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’axe majeur de la politique de l’Union européenne, c’est sa stratégie de cohésion. Dans ce cadre, le Marché commun, puis la CEE et, ensuite, l’Union européenne se sont efforcés de donner aux pays et aux régions les plus en retard les moyens financiers ou réglementaires – et parfois les deux – leur permettant de rattraper leur retard.
Parmi les régions les plus en retard, il y a eu lors du traité de Rome les départements français d’outre-mer auxquels se sont ajoutées ensuite les îles espagnoles et portugaises qui, avec les DOM, forment ce que l’on appelle aujourd’hui les « régions ultrapériphériques de l’Europe ».
Les moyens juridiques mis en œuvre par l’Union européenne pour permettre aux RUP de déroger au droit commun furent respectivement l’article 292-2 du traité d’Amsterdam, puis l’article 349 du traité de Lisbonne. Aussi est-il important que cet article soit la base juridique de tout règlement spécifique relatif aux RUP.
Le premier programme de reconnaissance des spécificités des RUP fut le POSEI, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, mis en œuvre en 1981.
Ce programme s’applique principalement à l’agriculture et permet à l’Union européenne et aux États membres, contrairement au droit communautaire, de venir en aide aux filières agricoles et aux agriculteurs des RUP.
L’objectif du POSEI est triple : d’abord, le soutien des filières traditionnelles – banane, canne à sucre, rhum ; ensuite, la diversification agricole, afin d’accroître le degré d’autosuffisance alimentaire ; enfin, le régime spécifique d’approvisionnement, ou RSA, palliant les surcoûts liés à l’approvisionnement pour les intrants agricoles et les produits de première nécessité comme le riz à la Réunion. Il est bien entendu que la diversification ne doit pas se faire au détriment des filières traditionnelles et inversement. Comme on le dit chez nous, « la diversification se porte bien quand l’agriculture traditionnelle se porte bien ».
Soulignons que le soutien aux filières traditionnelles s’impose d’autant plus qu’il permet de maintenir leur compétitivité face à la concurrence ; c’est le cas notamment pour la banane.
Nous sommes là au cœur du problème qui nous amène à la proposition de résolution.
En effet, les cultures traditionnelles des RUP bénéficient d’une organisation de marché propre à l’Union européenne, c’est l’Organisation communautaire du marché du sucre et l’Organisation communautaire du marché de la banane. Avec les aides POSEI, ces marchés avantageux pour les productions des RUP peuvent se maintenir face à la concurrence mondiale.
Mais ces marchés européens sont contraires aux règles de l’Organisation mondiale du commerce à laquelle adhère l’Union européenne. Aussi, l’Organisation mondiale du commerce ne cesse de demander à l’Europe d’ouvrir son marché à la production mondiale sous peine de sanction.
C’est ce que l’Union européenne a commencé à faire pour la banane. Elle protégeait sa production de bananes et aussi celle des ACP avec lesquels elle avait des accords privilégiés, en appliquant des droits de douane sur la banane importée des pays tiers. Ces droits s’élevaient à 176 euros par tonne métrique. Tel était le contenu de l’OCM bananes.
Sous la pression de l’OMC, une première brèche a été faite par l’Union européenne à son marché de la banane, en signant en décembre 2009, à Genève, un accord multilatéral avec les pays d’Amérique latine abaissant ces droits de douanes de 176 euros à 114 euros d’ici à 2017. C’était déjà une première atteinte à la production de bananes ACP et RUP.
Cet accord de 2009 a été passé par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, sans concertation avec les producteurs des ACP et des RUP. C’était une grave atteinte à leur économie. Aussi, dès cet instant, ils ont réclamé des compensations. Le point de départ des difficultés des producteurs de bananes des RUP et des ACP est donc décembre 2009, d’où le premier amendement que j’ai déposé sur la proposition de la résolution.
En 2010, le Parlement européen a, en effet, voté, pour les ACP, un budget de compensation de 200 millions d’euros alors qu’ils demandaient 500 millions d’euros. Notons que ce budget vient en supplément des crédits d’aide au développement accordés aux ACP par l’Union européenne.
Mais la pression de l’OMC sur l’Union européenne ne s’est pas arrêtée là. C’est ainsi que, en mars 2010, elle a passé de nouveaux accords avec la Colombie et le Pérou, abaissant encore les droits de douane pour la banane à 75 euros.
Autant dire que la production de la banane, notamment des RUP, est désormais sérieusement compromise. D’autant que les conditions de production dans ces pays ne sont pas les mêmes. De ce fait, la compensation devient une impérieuse nécessité. Cette compensation incombe totalement à l’Union européenne.
Le débat actuellement en cours au Parlement européen est, en effet, l’occasion de poser avec force ces questions.
Rappelons cependant que cette discussion porte sur le projet de règlement POSEI pour le mettre en conformité avec le traité de Lisbonne.
Le présent règlement réaffirme pour les RUP le soutien de leur agriculture pour la diversification et pour les cultures traditionnelles. Dans ce but, des lignes budgétaires sont arrêtées.
La question de la compensation doit donc venir en plus. L’Union européenne doit assumer ses responsabilités et voter en plus de crédits POSEI déjà définis un crédit supplémentaire pour la compensation des conséquences des accords commerciaux. D’où le second amendement que j’ai déposé et que je vous demande, mes chers collègues, de soutenir.
Sans cela, nous risquons de voir l’Union européenne prendre, pour la compensation, sur les crédits POSEI déjà votés, et ce au détriment des actions de POSEI en faveur du soutien des filières de diversification, ce qui est tout aussi inacceptable.
Je rappelle que la dotation financière prévue pour les RUP au titre du POSEI est annuellement de 771 millions d’euros. Cela a permis de développer nos agricultures. En témoignent d’ailleurs le rapport de la Cour des comptes européenne et le rapport commandé par la Commission européenne, publiés en 2010.
Ce bilan étant qualifié de positif dans ces deux rapports, il est hors de question de ponctionner sur le POSEI les crédits pour la compensation dont nous parlons, car cela aurait pour conséquence d’amoindrir les actions engagées dans le cadre de ce programme.
Il est évident que le débat actuel au Parlement européen est l’occasion d’affirmer avec force la nécessité de compenser le manque à gagner dont pâtissent aujourd’hui nos planteurs de banane du fait des accords passés par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, et dont pâtiront aussi demain nos planteurs de canne. Je le dis car, dans le Bulletin Quotidien Europe de l’Agence Europe publié vendredi dernier, a été révélée l’étude de la Commission européenne relative aux conséquences de l’accord UE/MERCOSUR sur l’agriculture européenne : une baisse de 3 % des prix et de 16 % des volumes de production est prévue si ce nouvel accord en négociation vient à être signé.
À la suite de cette étude, – je tiens à insister sur ce point – la Commission européenne s’est empressée de répondre ce lundi que « les gains dans les secteurs de l’industrie et des services dépassent largement les pertes dans l’agriculture ». À nous de comprendre que l’agriculture européenne sera sacrifiée !
C’est pourquoi je félicite mes collègues d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de résolution européenne. En effet, c’est tout un pan de l’activité économique des RUP qui en dépend.
Ce débat nous donne l’occasion de dire à l’Union européenne les conséquences, chez nous, des accords qu’elle passe. La résolution invite à juste titre et avec force la Commission européenne à procéder à une étude d’impact dans les RUP pour tout accord commercial avec des pays tiers et elle demande au gouvernement français de soutenir les parlementaires nationaux et européens auprès des instances européennes qui réclament une telle étude d’impact. J’ai bien noté, monsieur le ministre, votre volonté de nous soutenir.
La proposition de résolution européenne qui nous est présentée doit être adoptée, et j’espère qu’elle le sera à l’unanimité. Cependant, je le répète, la compensation doit s’ajouter aux crédits accordés au titre du POSEI et non se faire au détriment de celui-ci. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce soir, au travers de cette proposition de résolution européenne, la question cruciale de l’impact des accords de libre-échange négociés par l’Union européenne avec les pays tiers sur les économies ultramarines.
Au cours des deux dernières années, l’Union européenne a conclu plusieurs accords commerciaux portant sur des productions traditionnelles des départements d’outre-mer, la banane, le rhum, le sucre, avec des pays dont les coûts de production sont très inférieurs. Chacun peut aisément mesurer les effets potentiellement dévastateurs de ces accords sur l’agriculture des régions ultrapériphériques. Les producteurs des départements d’outre-mer n’auront évidemment pas la capacité concurrentielle pour résister à un afflux de produits à bas prix sur le marché européen.
Les élus d’outre-mer n’ont cessé depuis des mois, ici comme à Bruxelles, de tirer la sonnette d’alarme et de réclamer des compensations. En vain, semble-t-il ! Certes, la Commission européenne en a accepté le principe, mais ses premières propositions étaient purement inacceptables.
Quant aux clauses de sauvegarde prévues dans ces accords, on sait bien qu’elles sont particulièrement complexes à mettre en œuvre. Les conditions sont très restrictives, la procédure longue. Ce n’est pas quand les difficultés sont devenues insurmontables qu’il faut déclencher ce mécanisme !
Quoi qu’il en soit, ces accords, qui ouvrent un boulevard aux négociations reprises avec les pays du MERCOSUR, ne sont pas les seuls à susciter une inquiétude. En effet, l’Union européenne négocie depuis 2009 un accord économique et commercial global avec le Canada, qui devrait se concrétiser à la fin de cette année. Ma collègue députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, Annick Girardin, a présenté, en mars dernier, un rapport d’information devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur les conséquences d’un tel accord, qui a donné lieu à l’adoption par cette commission d’une proposition de résolution. J’indique que je partage tout à fait ses inquiétudes.
Le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon a largement fondé son développement économique sur son positionnement de porte d’entrée de l’Europe sur le continent américain et vice versa. De plus, l’archipel a une structure économique fragile, dépendant largement des quotas de pêche qui lui sont accordés dans un cadre bilatéral. En tant que pays et territoire d’outre-mer, il bénéficie d’un régime commercial spécifique. Ainsi, grâce à des dérogations à la règle d’origine, Saint-Pierre-et-Miquelon peut transformer certains produits de la pêche canadienne, dans la limite de 1 290 tonnes par an, et les exporter vers l’Union européenne sans droits de douane.
Si l’accord entre l’Union européenne et le Canada lève les barrières douanières sur tous ces produits, le Canada n’aura plus aucun intérêt à les faire transiter par Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est tout l’équilibre économique de ce territoire qui est menacé ! La pêche et l’aquaculture, principales filières de l’archipel, qui emploient 200 personnes sur 6 000 habitants, en seraient les premières victimes.
La France a certes adressé à la Commission européenne une liste des points problématiques, mais celle-ci n’est pas juridiquement tenue de les prendre en considération. Pourtant, directement en prise économique avec le Canada, Saint-Pierre et-Miquelon ne fait tout simplement pas partie du mandat de négociation de la Commission !
Cela étant, ce projet d’accord suscite moins de craintes et d’oppositions que celui qui concerne, par exemple, les pays du MERCOSUR, sans doute en raison de l’ancienneté des liens commerciaux, politiques et culturels avec un pays ayant des structures économiques comparables. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les conséquences qu’il peut avoir.
En effet, ce n’est pas par hasard si les négociations, qui ont connu, dans un premier temps, un rythme assez rapide, butent sur des questions sensibles. Restons vigilants, monsieur le ministre, car le Canada est très incisif, alors que l’Union européenne n’est pas toujours soudée et manque parfois de pugnacité.
Au-delà des problèmes posés par ces accords, on peut s’interroger sur la légitimité et la cohérence de la politique commerciale de la Commission européenne. Celle-ci dispose en effet d’une large marge de manœuvre, exerçant cette compétence sur la base d’un mandat formulé en termes généraux. Le traité de Lisbonne a certes introduit des dispositions visant à renforcer les prérogatives du Parlement européen en matière de contrôle sur les négociations, mais leur application est loin d’être effective, comme le démontrent les fortes réticences de la Commission pour transmettre des informations sur la tenue des différents rounds de négociations, ainsi que le déficit criant d’études d’impact.
À cet égard, le projet d’accord de libre-échange avec le Canada est particulièrement symbolique. Seule a été réalisée une étude conjointe de la Commission européenne et du gouvernement canadien, qui avait, en fait, pour objet principal de déterminer le champ des négociations. De plus, les incidences n’y ont été appréciées qu’en termes économiques globaux.
Par ailleurs, cette politique commerciale n’est pas toujours très cohérente avec les politiques européennes structurantes en matière sociale, sanitaire et environnementale. On facilite, par exemple, l’importation de bananes d’Amérique latine, alors que celles-ci ne respectent pas les mêmes règles phytosanitaires que celles qui sont imposées aux départements d’outre-mer. De même, nous importons de la viande sud-américaine produite dans des zones où sévissent encore des épizooties, qui nous auraient amenés en Europe à prendre des mesures d’interdiction de commercialisation. Comment comprendre et faire comprendre cela à nos agriculteurs et nos concitoyens ?
L’élimination de tous les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux ne conduit pas forcément en elle-même à la croissance la plus forte, la plus durable et la plus équitable. Selon Emmanuel Todd, « maintenir le libre-échange, c’est maintenir la machine à accroître les inégalités socioéconomiques ». La notion de libre-échange ne devrait-elle pas céder la place à celle de « juste échange » ?
Je souscris donc tout à fait à l’analyse des coauteurs et du rapporteur de cette proposition de résolution européenne, dont l’objectif est d’appuyer la démarche du Gouvernement pour que nos régions ultrapériphériques ne soient pas des variables d’ajustement et que notre agriculture ultramarine ne soit pas sacrifiée sur l’autel des intérêts de l’industrie européenne. Cette démarche doit être volontariste. Il faut obtenir non pas un semblant de compensation, mais une véritable réparation. Il est également grand temps de faire en sorte que la politique commerciale de l’Union intègre d’emblée une meilleure reconnaissance des réalités économiques ultramarines. En clair, mieux vaut prévenir que tenter de réparer !
Évaluation systématique des effets sur les RUP des accords commerciaux, clauses de sauvegarde opérationnelles, meilleure cohérence entre la politique commerciale et les autres politiques sectorielles de l’Union, notamment par la prise en compte de la spécificité des RUP, tout cela va dans le bon sens.
Toutefois, permettez-moi, mes chers collègues, d’ajouter que l’outre-mer européen ne se résume pas aux RUP ; il y a aussi les PTOM.
Contrairement aux premières, ceux-ci ne sont pas des territoires européens, même s’ils sont rattachés à un État membre et si leurs ressortissants sont des citoyens européens. Ils sont liés à l’Union européenne par un accord d’association, qui doit être renouvelé en 2014. Dans cette perspective, j’appelle à une réflexion approfondie sur un rapprochement entre le régime des PTOM et celui des RUP, afin d’intégrer les PTOM dans le mandat de négociation des accords commerciaux, d’inclure une clause de sauvegarde spécifique dans ces accords et de prévoir des modalités de compensation. Tel est d’ailleurs l’objet des amendements que j’ai déposés sur cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – Mme Gélita Hoarau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rassure : je n’épuiserai pas mon temps de parole, parce que je partage toutes les analyses qui viennent d’être développées à la tribune tant par les coauteurs de cette proposition de résolution européenne, par notre excellent rapporteur et par M. le ministre que par l’ensemble de mes collègues, sans exception.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire un rappel historique de la construction européenne, pour que nous nous mettions d’accord sur la méthode, avant de nous accorder sur les actions à conduire.
L’histoire de l’Europe montre que les territoires que l’on appelait « les confettis de l’Empire » sont les mal-aimés des autres partenaires de la France. Ainsi, en 1957, lors de la signature du traité de Rome – les départements d’outre-mer étaient mentionnés à l’article 227 dudit traité –, le général de Gaulle avait dû quitter la table des négociations parce que nos partenaires allemands refusaient d’attribuer un quota de bananes aux départements d’outre-mer. Ce fut la politique de la chaise vide. Autrement dit, il y a eu un rapport de force entre la France et l’Allemagne, pour que nous soyons intégrés par la grande porte de la préférence communautaire.
Aux termes du traité de Rome, la France disposait d’un délai, de dix ans, me semble-t-il, pour proposer des mesures d’adaptation aux départements d’outre-mer.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, si cela est dû au traumatisme qu’a constitué la perte du plus grand département français d’outre-mer, je veux parler de l’Algérie – mentionné lui aussi au 2. de l’article 227 –, mais la France n’a pris aucune mesure d’adaptation durant cette période. Ainsi, en 1978, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie pour statuer sur un conflit privé, a rendu le fameux arrêt Hansen, aux termes duquel elle a estimé que l’ensemble des politiques communautaires s’appliquaient intégralement aux départements d’outre-mer, la France n’ayant pas pris les mesures d’adaptation nécessaires pendant la période impartie. Nous sommes donc entrés dans ce système non pas par la porte d’une décision politique, mais par celle d’une décision de justice.
À partir de cette date, tous les mécanismes européens se sont appliqués, jusqu’en 1989, date à laquelle nous nous sommes aperçus que, une fois certains crédits européens autorisés, il n’y avait pas de politique européenne pour l’outre-mer. C’est alors que le gouvernement de Jacques Chirac a élaboré des rapports pour demander la mise en place de programmes prioritaires pour l’outre-mer, les fameux POSEI.
En 1991, lors de la discussion du traité de Maastricht, nous avons créé un intergroupe parlementaire DOM-TOM. Avec l’ensemble de nos collègues, toutes opinions politiques confondues, à l’instar de ce qui se passe ce soir, nous avons plaidé auprès du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, pour qu’une déclaration prévoyant des adaptations spécifiques aux économies des départements d’outre-mer soit annexée au traité de Maastricht.
Cette déclaration solennelle des Douze – nous étions douze à l’époque ! – a été adoptée et annexée au traité, et Jacques Chirac, devenu Président de la République, a fait adopter le traité d’Amsterdam, devenu aujourd'hui le traité de Lisbonne.
L’intégration de l’outre-mer, avec ses particularités et ses difficultés qui sont considérables par rapport à celles que connaissent les autres territoires européens, a été le fruit d’une volonté politique des élus d’outre-mer, conjuguée à une décision de justice et à la volonté politique des plus hautes autorités de l’État français, d’appartenance politique différente, à savoir François Mitterrand et Jacques Chirac.
Aujourd’hui, il appartient à ce gouvernement et au président de la République en exercice de mettre en place un plan capable de sauver l’économie d’outre-mer. Or, monsieur le ministre, je vois – nous voyons, puisque cela a été dit sur toutes les travées – arriver trois ouragans : les accords avec les pays andins, avec le MERCOSUR et les accords de partenariat économique.
Quelle riposte face à un ouragan ? On l’a vu aux États-Unis : il n’y en a pas ! Or, inutile de tourner autour du pot ! Si, nous, nous n’en trouvons pas, il n’y aura plus d’économie agroalimentaire, ni d’économie de la pêche dans les départements d’outre-mer.
Où est la marge de manœuvre quand vous représentez 800 000 habitants comme la Réunion, 200 000 comme la Guyane, 400 000 comme la Martinique et 400 000 également comme la Guadeloupe, soit à peine 2 millions d’habitants ? Pour des marchés qui comptent à coup de 300 millions, 400 millions, 500 millions d’habitants, avec des PIB énormes, monsieur le ministre, le rapport de force ne plaide pas en notre faveur et votre tâche est éminemment compliquée !
Voilà pourquoi nous sommes solidaires avec vous. Nous sommes vos alliés, vos partenaires, et nous jouons le même match sur le même terrain. Mais nous sommes des nains ! Or la libéralisation mondiale du commerce n’aime pas les nains ; elle les écrase même. Et quand on écrase les nains, on écrase des populations en difficulté.
Nous voyons apparaître une première incohérence au sein de la Commission. Celle-ci n’a pas que des défauts ; elle a bien utilisé les traités quand elle a accordé les crédits européens au nom de la cohésion, lorsqu’elle nous a autorisés, sur demande de l’État français, à bénéficier de taux de subvention élevés ou quand elle a autorisé une aide « au quintal » pour sauver l’économie sucrière.
Mais, en ouvrant grand les portes du marché européen, elle en fait un marché passoire sur le plan industriel. Mes chers collègues, aujourd’hui, des pans entiers de l’industrie française s’écroulent sous nos yeux. Comme le dit souvent le Président de la République, la France se vide de son sang industriel. La faute à qui ? Pas aux départements d’outre-mer, mais à une interprétation trop libérale des traités européens, sans qu’il y ait « réciprocité » ; vous avez dit le mot, monsieur le ministre. Il n’y a plus de réciprocité, cette règle de l’équilibre et de la prospérité commune !
Envoyez des produits en Chine, on y trouvera toujours un défaut et ils n’entreront pas dans le pays. Mais sans norme, sans respect des règles d’environnement, des règles sociales, ni de la personne humaine, on enverra n’importe quel produit en France. C’est ainsi que des meubles en provenance de Chine donnent de l’urticaire, que des semelles de chaussures se décollent. Mais on laisse entrer tous ces produits au nom du libre-échange !
Si l’on fait la même chose dans le domaine agricole, on va tuer l’identité culturelle de notre pays. En effet, une facette de l’identité et du patrimoine de la France, et avec elle des outre-mer bien sûr, c’est notre agriculture, laquelle, avec son industrie agroalimentaire, ses paysages, ses productions qui sont la fierté de nos paysans et nos tables bien garnies, notre gastronomie, fait la richesse de notre pays !
C’est tout cela qui est en jeu, monsieur le ministre, et c’est aussi l’image d’un pays qui donne en même temps au tourisme, première industrie du pays, sa chance d’exister.
Monsieur le ministre, je soutiens cette proposition de résolution. Mais, en quittant cette tribune, je n’aurai pas la conscience tranquille si je ne vous dis pas qu’elle est une condition nécessaire, mais largement insuffisante pour relever le défi !
Le défi, c’est vous et le chef de l’État qui, dans le groupe des Douze, comme vous l’avez indiqué, dit que l’on n’est pas pressé de libéraliser s’il n’y a pas réciprocité. On n’est pas pressé de faire entrer des produits de tous les pays et, ce faisant, de tuer les paysans qui nous ont élus si l’on n’est pas sûr de sauver notre agriculture. Nous n’avons pas été élus pour tuer notre agriculture ; il faut faire très attention !
Des technocrates surpayés et irresponsables devant le peuple nous obligent à avaler des couleuvres et, de fait, nous nous trouvons confrontés avec ceux qui, à un moment donné, par leur bulletin de vote, nous ont fait confiance !
Alors que nous combattons Kadhafi parce qu’il n’est pas un démocrate, ne nous comportons pas comme des dictateurs ! Moi, j’ai été élu et je rends compte de ce que je dis et fais ici. Nous avons été élus pour sauver notre agriculture, notre industrie, et pour que les gens qui veulent aujourd’hui vivre de leur travail puissent y parvenir !
Si nous n’apportons pas de réponse, mes électeurs me demanderont à quoi je sers quand je mets mon costume pour aller au Sénat ! Avant, je pouvais leur répondre que je défendais leurs intérêts, comme avec le traité Maastricht, les régions ultrapériphériques, la Constitution…
Mais que répondrai-je quand les accords de partenariat économique mettront notre sucre de canne ou les bananes antillaises en concurrence avec les pays d’Amérique du Sud ou quand tous les efforts que l’Europe pourra consentir en matière de crédits seront anéantis par les ouragans que j’ai cités ? Nous ne pouvons pas plaider pour l’incapacité de réagir en pareille situation !
Comme en 1957 – ô combien l’attitude du général de Gaulle était responsable ! –, comme au moment du traité de Maastricht et du traité d’Amsterdam, je demande au chef de l’État – car c’est à ce niveau-là que cela va se jouer, monsieur le ministre – d’adopter ce projet de résolution, mais surtout de le mettre en œuvre !
J’ai justement déposé un amendement destiné à compléter l’amendement du rapporteur et prévoyant que, concernant les accords commerciaux, outre les études d’impact prévues par le rapporteur et par la résolution, les mécanismes de compensation demandés sur toutes les travées, la clause de sauvegarde soit mise en œuvre par l’État membre dans les six mois où le danger est constaté, si toutefois la Commission ne l’a pas fait, bien sûr. Ce n’est pas la peine de voter cette résolution si c’est pour attendre trois ans les clauses de sauvegarde et finalement pleurer l’enterrement de secteurs entiers de notre agriculture !
Voilà, mes chers collègues, l’inquiétude qui est la mienne. Je suis content qu’un consensus se soit dégagé et, monsieur le ministre, que tout le monde se soit rassemblé autour de vous pour vous encourager. Nous savons que vous vous battez, que vous avez résisté au courant libre-échangiste irresponsable. Nous sommes les combattants de la liberté, mais pas de n’importe laquelle. Nous défendons celle qui donne de la dignité aux populations. Ce qui, au contraire, anéantit les populations est une contrainte, un asservissement, et non une liberté. Or nous avons été élus non pour asservir les gens, mais pour les servir !
Mes chers collègues, je compte sur vous pour soutenir mon amendement. Comme vous tous, je vais voter cette résolution. Monsieur le ministre, c’est un acte de foi et d’espérance. Mais je resterai vigilant, car, en bons démocrates, nous avons été élus pour construire, et non pour détruire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Georges Patient applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une appréciation positive pour nos territoires.
En effet, nos produits agricoles se caractérisent par leur qualité, leur authenticité, leur production en toute saison, et disposent d’atouts qui, incontestablement, doivent en faire une production à valeur ajoutée.
Notre agriculture, organisée essentiellement autour de la canne à sucre et de la banane, représente un secteur important de l’économie guadeloupéenne ; environ un tiers de la surface totale de notre territoire lui est consacré. Elle emploie 12 % de la population active et contribue pour 6 % au produit intérieur brut régional.
En 2010, la banane représente 2 000 emplois directs, 1 000 emplois indirects ; c’est le premier secteur d’exportation en Guadeloupe et le premier employeur du secteur agricole.
La culture de la canne à sucre constitue la deuxième activité agricole, avec une production de 60 000 tonnes de sucre.
Ces quelques chiffres témoignent à eux seuls, s’il en était besoin, du poids économique et de l’importance sociale de ce secteur, véritable pilier déterminant pour l’équilibre socioéconomique de notre société.
L’activité souffre néanmoins de certains handicaps liés à son histoire et à sa géographie, en particulier à l’étroitesse du marché local, à l’insularité et à la dépendance à l’égard d’un petit nombre de produits.
Ainsi, l’ouverture des marchés, notamment celui de la banane, intervenue du fait des deux accords commerciaux conclus en 2010 entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie d’une part, et avec les autres pays de l’Amérique latine, d’autre part, fait peser de sérieuses menaces sur ce fragile équilibre économique, à l’horizon du premier semestre 2012, période d’entrée en vigueur de ces accords.
Une baisse de 35 % des droits de douane entre 2009 et 2017 est donc prévue, avec une nouvelle baisse des tarifs douaniers d’ici à 2020.
Les départements d’outre-mer vont donc devoir affronter la concurrence des pays d’Amérique latine, qui bénéficient de faibles coûts de production, largement inférieurs à ceux que connaissent les régions ultrapériphériques.
Ces accords sont d’autant plus inquiétants que de nouvelles négociations bilatérales avec l’Amérique centrale, voire le MERCOSUR, sont prochainement programmées et entraîneront vraisemblablement des concessions supplémentaires sur ces mêmes produits et par conséquent une accentuation de leurs effets sur nos régions.
Comment ne pas penser que notre agriculture est ainsi sacrifiée et bradée au profit du libre-échange, ce qui laisse apparaître in fine la véritable doctrine commerciale de l’Union européenne, celle de se garantir un succès commercial dans d’autres secteurs industriels – ouverture du marché automobile aux entreprises européennes –, en réalisant de fortes concessions sur les secteurs agricoles des régions ultrapériphériques ?
Par ailleurs, qu’en est-il de l’application des normes environnementales, sanitaires ou sociales chez ces nouveaux concurrents directs ?
En effet, les normes phytosanitaires imposées à nos producteurs sont nettement plus exigeantes que celles qui sont mises en œuvre dans ces pays. Le secteur agricole de nos territoires s’en trouvera donc d’autant plus affaibli, alors même qu’il ne doit déjà sa survie qu’aux aides publiques qui lui sont allouées.
De plus, quelles garanties sanitaires l’Union européenne peut-elle, dans ces conditions, apporter aux consommateurs de ces productions extracommunautaires ?
Toutes ces raisons nous conduisent à nous interroger sur la cohérence de la politique de l’Union européenne.
En effet, ces négociations commerciales, menées par l’Union, hors toute concertation avec les responsables régionaux, soulèvent des interrogations essentielles, notamment quant à la cohérence des politiques européennes entre elles et singulièrement entre la politique commerciale et la politique de cohésion qui visent des objectifs fondamentalement contradictoires.
Rappelons que l’Union européenne investit largement à travers les instruments que sont le Fonds européen agricole pour le développement rural et l’outil spécifique qu’est le POSEI pour favoriser le développement de ce secteur.
Mais parallèlement et de manière surprenante, elle compromet tous ces efforts en multipliant des accords de libre-échange commerciaux qui pénalisent le développement de nos régions d’outre-mer.
Vous comprendrez donc, sans difficulté, monsieur le ministre, que je souscrive à la proposition qui est faite d’obtenir de l’Union européenne des compensations qui pourraient prendre la forme d’une augmentation de l’enveloppe globale du POSEI en cours d’élaboration.
Une telle mesure permettrait de renforcer toutes les filières agricoles et ainsi de mieux les préparer à faire face à ces importations massives, tant sur le marché européen que sur leur propre marché régional.
En outre, la question de l’évaluation par la Commission européenne de l’impact sur les régions ultrapériphériques de nouveaux accords commerciaux qu’elle négocie est d’autant plus justifiée que d’autres accords sont envisagés, notamment avec le MERCOSUR.
De plus, la Commission devrait aussi envisager plus de flexibilité lors des discussions qu’elle engage notamment sur d’autres instruments tel l’octroi de mer, dont chacun s’accorde à dire qu’il constitue un instrument incitatif pour le développement de la production locale.
Il apparaît de surcroît utile et impératif que la Commission européenne, et singulièrement la DG commerce, intègre le fait que l’agriculture n’est pas un bien marchand comme les autres, car elle s’identifie à la vie même des êtres humains. Notre potentiel agricole est avant tout un potentiel humain.
Monsieur le ministre, face à ces enjeux majeurs pour les économies des régions ultrapériphériques, les RUP, il est indispensable que la France, au besoin en partenariat avec d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal, agisse plus directement et sur la durée, afin de promouvoir une action européenne plus forte et cohérente en faveur des RUP, conformément à la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008. Celle-ci qualifie les RUP d’avant-postes stratégiques de l’Union européenne dans diverses parties du monde, qui représentent à ce titre des atouts à valoriser et non des monnaies d’échange d’accords commerciaux. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intérêt de cette proposition de résolution européenne a largement été démontré.
Alors que la Commission européenne programme une refonte des mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques, en particulier du régime des programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, les POSEI, il est nécessaire de lui signaler que les conséquences des accords conclus par l’Union européenne sur l’économie agricole de ces régions doivent être pleinement mesurées et compensées.
C’est la logique même de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Toutefois, l’intérêt de cette proposition de résolution ne doit pas masquer un autre enjeu de la refonte des POSEI, celui de la prise en compte de la spécificité de chacun des territoires au sein des régions ultrapériphériques.
En effet, si certaines similitudes peuvent apparaître entre les Antilles et la Réunion, le cas de la Guyane est en revanche étrangement laissé à la marge de ces programmes d’aide au secteur agricole. Les accords de l’Union européenne qui motivent cette proposition de résolution restent effectivement assez indifférents à la spécificité guyanaise.
Ainsi, l’accord de Genève, comme ceux qui ont été conclus avec le Pérou et la Colombie, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, prévoient principalement, dans leur volet agricole, des concessions sur les tarifs douaniers pour les productions de bananes et celles de cannes à sucre.
Si ces accords auront des conséquences socioéconomiques importantes pour les départements de Guadeloupe et de Martinique, la Guyane se trouve peu concernée.
À la différence des Antilles françaises, dont l’économie agricole repose fortement sur l’exportation des produits issus des grandes cultures héritées du système colonial – principalement la banane et le sucre –, l’agriculture guyanaise reste, pour sa part, tournée vers la culture vivrière.
En effet, l’agriculture traditionnelle manuelle – la pratique des abattis-brûlis - est largement répandue sur le territoire. Elle concerne le tiers de la surface agricole utilisée et 80 % des exploitants.
Cette production vivrière comprend principalement des légumes, des tubercules et des fruits, alors que l’agriculture mécanisée, à vocation marchande et essentiellement située sur le littoral, assure la production de céréales.
Si cette production agricole guyanaise est singulière, sa contribution au PIB du département est tout à fait comparable aux pourcentages relevés dans les autres départements d’outre-mer, soit entre 4 % et 6 %. Il est alors étonnant de comparer la part des fonds du POSEI consacrée aux DOM qui revient à la Guyane avec celle qui est allouée aux autres départements.
Concernant le régime spécifique d’approvisionnement, la Guyane reçoit moins de 7 % des fonds disponibles, et seulement 1 % de ceux qui sont prévus pour les mesures en faveur des productions agricoles locales, loin derrière la Guadeloupe, 23 %, la Réunion, 30 %, et la Martinique, 46 %.
Or, en Guyane, le secteur des fruits et légumes, peu aidé, fait face à de grandes difficultés.
Cette diversité des secteurs agricoles de même importance socioéconomique rend nécessaire la prise en compte des spécificités des territoires dans la programmation des mesures d’aides à l’agriculture dans nos régions ultrapériphériques.
Le rapporteur M. Daniel Marsin se félicite du bilan – unanime – du régime POSEI. La Commission européenne le qualifie même d’outil très efficace pour soutenir une production locale de qualité. Il constitue certes un instrument essentiel pour l’agriculture ultramarine.
Pourtant, je ne peux manquer de constater que la Cour des comptes européenne, dans son rapport spécial d’octobre 2010 sur les mesures spécifiques en faveur de l’agriculture des régions ultrapériphériques, relève certaines faiblesses dans la mise en œuvre de ces programmes. Depuis 2006, les États membres établissent et assurent la gestion des mesures de soutien avec l’accord de la Commission européenne. La responsabilité des POSEI est donc partagée.
La méthode d’identification des besoins des régions ultrapériphériques mise en place par la France semble particulièrement avantageuse pour les grands secteurs agricoles que sont la banane et la canne à sucre. Certes, les mesures destinées au soutien du secteur de la banane ont pour objectif de maintenir une stabilité économique et sociale essentielle, puisque 20 000 emplois sont concernés dans les Antilles et à la Réunion. Mais le programme établi par la France comporte également un objectif environnemental.
Or aucun critère d’éligibilité aux aides ne concerne cet objectif, puisque seule la production est en cause – les producteurs reçoivent une aide calculée sur un tonnage de référence historique –, alors qu’aucune contrainte sur les méthodes de production n’est imposée. À cet égard, je fais remarquer que l’abattis, pratiqué par les agriculteurs guyanais, est structurellement biologique et qu'une aide à cette activité agricole développerait des perspectives encourageantes, en particulier pour les productions endémiques comme l’igname indien.
En ce qui concerne le secteur du sucre, les mesures visent à compenser la baisse des prix sur le marché international. Or les aides européennes ne suffisent pas, malgré les quelque 80 millions d’euros consacrés sur les fonds de l’Union, pour garantir le prix de vente d’une production sujette aux aléas extérieurs. Les aides nationales sont toujours nécessaires pour maintenir cette activité.
Un autre point faible des mesures spécifiques prises pour soutenir le secteur agricole des RUP, mises en place par la France, a trait au contrôle des régimes spécifiques d’approvisionnement, les RSA.
Les États membres sont tenus de vérifier si l’avantage qui découle de l’aide à l’introduction ou de l’exonération des droits de douane a été effectivement répercuté jusqu’au bénéficiaire final. La Cour des comptes européenne constate que la méthode retenue par la France, en se fondant sur des données très anciennes, ne reflète plus la situation actuelle. Or l’objectif fixé par le comité interministériel de l’outre-mer, CIOM, de mettre en place un marché commun du plateau des Guyanes ne peut se réaliser sans une évaluation précise du RSA.
La spécificité du secteur agricole guyanais doit être prise en compte à la fois par la France et par l’Europe.
La Commission doit jouer son rôle d’appui technique et financier, ainsi que de contrôle, pour assurer la couverture intégrale du programme français pour le soutien de tous les départements de l’outre-mer.
À cet égard, il me semble qu’il serait possible d’atteindre l’autosuffisance, avec le même degré de sûreté sanitaire, sans interdire l’importation d’intrants ou de poussins d’un jour, par exemple en provenance du Brésil. Pourtant, dans la situation actuelle, la filière subit une concurrence importante des surgelés issus de la production brésilienne, mais en provenance de l’Union européenne.
De même, alors que la Guyane est le seul producteur ultramarin de riz, environ 9 000 tonnes en 2009, cette culture disparaît aujourd’hui car la seule entreprise exploitante cesse son activité en raison, d’une part, de l’interdiction par la Commission européenne des produits utilisés pour lutter contre les attaques phytosanitaires et, d’autre part, de la modification du régime d’aide à la production.
La France doit surtout tenir compte de la spécificité du secteur guyanais dans la conception et la gestion des POSEI. La détermination des éligibilités aux aides doit être réformée, puisque l’exclusion de nombre d’agriculteurs guyanais des aides des POSEI est essentiellement due au Gouvernement.
Enfin, je ne peux manquer de relever le lien entre l’insuffisance de structuration du secteur agricole, dont l’organisation est pourtant nécessaire à l’obtention des aides, et les difficultés d’accès au foncier.
Ces difficultés sont inscrites dans l’histoire, et malgré les nouvelles procédures permettant d’accélérer les concessions de périmètres, on estime encore entre 50 % et 70 % du total le nombre d’agriculteurs installés exerçant sans titre de propriété. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que le secteur des fruits et légumes soit si peu organisé.
En conclusion, les objectifs du CIOM visant un développement endogène et durable des territoires ultramarins sont toujours d’une brûlante actualité, dans un contexte international de volatilité des prix des denrées alimentaires.
La proposition de résolution qui rappelle à l’Union européenne sa responsabilité ne doit pas masquer celle de la France, qui devrait apporter un soutien équivalent à la compétitivité des grandes industries agroalimentaires ultrapériphériques et au secteur agricole traditionnel et durable de proximité. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne, élaboré par la commission de l’économie, dont je donne lecture :
Le Sénat,
Vu l'article 88–4 de la Constitution,
Vus les articles 42, 43 et 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu le mémorandum de l'Espagne, de la France, du Portugal et des régions ultrapériphériques signé le 7 mai 2010 à Las Palmas de Gran Canaria,
Vu les conclusions du Conseil Affaires générales du 14 juin 2010,
Vu l'accord multilatéral signé à Genève le 15 décembre 2009 relatif au commerce des bananes,
Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord d'association entre l'Union européenne et l'Amérique centrale,
Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord commercial multipartite entre l'Union européenne, la Colombie et le Pérou,
Vu les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009,
Vu le rapport du Sénat n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer,
Vu le règlement (CE) n° 2013/2006 du Conseil du 19 décembre 2006 modifiant les règlements (CEE) n° 404/93, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 247/2006 en ce qui concerne le secteur de la banane,
Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union (E 5655),
Considérant que les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l'Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d'une part, et avec les pays d'Amérique centrale, d'autre part, font courir un risque important à l'agriculture des régions ultrapériphériques françaises si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,
Considérant qu'il est dans l'intérêt de l'Union européenne de ne pas mettre en péril le développement endogène des régions ultrapériphériques,
Considérant que la Commission envisage la conclusion d'autres accords commerciaux, notamment avec le Mercosur,
Estime urgent d'analyser et de compenser les effets des accords commerciaux déjà signés sur les productions agricoles des régions ultrapériphériques,
Souligne que de telles mesures de compensation trouvent leur fondement juridique dans l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Juge que la proposition de règlement portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union constitue une opportunité à saisir pour arrêter les modalités de cette compensation,
Demande au Gouvernement d'intervenir afin que la Commission européenne veille à assurer toute forme de compensation efficace pour préserver l'agriculture ultramarine des effets négatifs des accords commerciaux signés avec la Colombie et le Pérou et avec l'Amérique centrale,
Invite la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l'Union, et donc à prendre en compte dans les négociations commerciales les objectifs spécifiques fixés par l'Union pour les régions ultrapériphériques,
Souhaite, dans ce cadre, que la Commission européenne évalue systématiquement les effets sur ces régions des accords commerciaux qu'elle négocie, en en étudiant l'impact préalablement à leur conclusion puis au cours de leur mise en œuvre, et qu'elle veille à l'inclusion dans ces accords de mécanismes de sauvegarde opérationnels en faveur de ces régions. »
L'amendement n° 3, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
43
insérer la référence :
, 198
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les sept amendements que M. Collin et moi-même avons déposés, l’objet étant identique.
M. le président. Je vous remercie de cet effort, mon cher collègue.
M. Denis Detcheverry. Ces amendements visent à étendre le champ de la proposition de résolution aux pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, dont fait partie notamment Saint-Pierre-et-Miquelon.
Contrairement aux régions ultrapériphériques, ces pays et territoires, pour la plupart situés dans la zone des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ne font pas partie de l’Union européenne, bien que constitutionnellement rattachés à des États membres de celle-ci.
Malgré la diversité qui les caractérise, les PTOM ont de nombreux points communs : ils sont tous assez vulnérables aux chocs venant de l’extérieur et dépendent en général d’une base économique étroite, organisée le plus souvent autour des services.
Ils dépendent aussi fortement des importations de biens et d’énergie.
À ce titre, et compte tenu du lien particulier qui les unit à l’Union européenne, ils bénéficient actuellement d’un traitement privilégié dans le cadre de la coopération économique et commerciale. Alors que la décision d’association de 2001 doit faire l’objet d’une révision, il s’agit, par ces amendements, de rappeler l’indispensable solidarité de l’Union européenne à l’égard des habitants des PTOM qui, en leur qualité de ressortissants des États membres auxquels les PTOM sont liés, sont en principe citoyens européens.
Les PTOM méritent un traitement différencié et privilégié, car ils font partie de la « famille européenne ».
C’est pourquoi leurs intérêts doivent être pris en compte dans la définition de la politique commerciale de l’Union, notamment lors de la négociation des accords commerciaux avec leurs voisins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Daniel Marsin, rapporteur. Je remercie notre collègue Denis Detcheverry d’avoir défendu ces sept amendements à la proposition de résolution en une seule intervention. Je donnerai l’avis de la commission dans les mêmes conditions.
L’objectif de ces amendements est d’étendre le champ de la résolution aux pays et territoires d’outre-mer.
À ce sujet, je tiens à rappeler que l’Union européenne distingue deux catégories de collectivités d’outre-mer : les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d’outre-mer, PTOM.
Les RUP font partie intégrante de l’Union européenne, tandis que les PTOM ne sont pas considérés comme faisant partie du territoire de l’Union. Le droit communautaire ne leur est donc pas applicable.
Je comprends le souhait de notre collègue Denis Detcheverry d’attirer notre attention, ainsi que celle du Gouvernement, sur la situation des PTOM, dont Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie.
J’espère d’ailleurs que M. le ministre pourra le rassurer sur l’attention portée par le Gouvernement aux problématiques propres aux PTOM, et notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La question de la prise en compte des intérêts des PTOM dans la politique commerciale de l’Union européenne est en effet importante : nos collègues députés ont d’ailleurs adopté, en mars 2010, une résolution portant sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer, pour demander que « l’Union européenne tienne compte des intérêts des PTOM dans la définition et la conduite de sa politique commerciale ».
S’agissant plus spécifiquement du projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a également adopté une résolution, devenue résolution de l’Assemblée nationale le 25 avril dernier.
Par conséquent, tout en reconnaissant l’importance du sujet, la commission de l’économie du Sénat n’a pas jugé opportun d’inclure les PTOM dans le champ de la proposition de résolution, car cela aurait pour conséquence, en quelque sorte, de « brouiller le message » que nous voulons faire passer. À l’évidence, les problématiques des PTOM sont différentes de celles des RUP.
J’en veux pour preuve le fait que l’accord envisagé avec le Canada concerne non pas directement une production de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais plutôt un genre de pratique commerciale qui permet la transformation de ces produits à Saint-Pierre-et-Miquelon et leur réexportation vers l’Union européenne.
Or, dans le cas qui nous intéresse, nous nous appuyons sur les dispositions de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et sur celles du POSEI en visant des produits bien précis, c’est-à-dire la banane, le sucre et le rhum, ce qui n’est pas le cas dans les PTOM, particulièrement à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par conséquent, je souhaite que compte soit tenu des préoccupations exprimées par notre collègue Denis Detcheverry, mais qu’après les propos que j’espère rassurants de M. le ministre il accepte de retirer ses amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suggérerai volontiers à M. Detcheverry le retrait de ses amendements. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, leur adoption risquerait d’affaiblir la portée de la résolution en mélangeant les problématiques des PTOM et des RUP, qui sont très différentes.
En revanche, je tiens à lui assurer que nous suivons avec autant d’attention les négociations respectives menées par l’Union européenne en vue de la conclusion éventuelle d’un accord avec, d’un côté, le Canada et, de l’autre, le MERCOSUR.
Il n’est pas question, là encore, que l’Union européenne alloue une enveloppe de 21 millions d’euros pour le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon et que, dans le même temps, elle signe un accord commercial qui remettrait précisément en cause le développement économique de ce territoire, notamment dans le domaine de la pêche et de l’agriculture.
M. le président. Monsieur Detcheverry, les amendements nos 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont-ils maintenus ?
M. Denis Detcheverry. Si nous sommes réunis ici ce soir, c’est pour attirer l’attention, dans le cadre d’une proposition de résolution, sur les problèmes des RUP. Autrement dit, il s’agit en partie de guérir un mal qui existe déjà, mis à part les accords qui ont été signés entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud.
Je considère, pour ma part, que les problèmes pesant aujourd’hui sur les économies des Caraïbes du fait des accords négociés par l’Union européenne vont sans doute toucher l’année prochaine, une fois signés les accords entre l’Union européenne et le Canada, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.
J’ai voulu, en déposant ces amendements, profiter de l'examen de cette proposition de résolution, que j’estime être le véhicule législatif approprié, dans un but de prévention, pour servir les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, mieux vaut selon moi prévenir que guérir !
Monsieur le ministre, j’espère vraiment que la situation de ce territoire, sur lequel nous ne sommes que 6 000 à vivre, sera prise en compte dans le cadre de l’évolution des accords entre l’Union européenne et le Canada. Alors que, aujourd'hui, on se mobilise autour d’un problème précis, parce qu’il concerne à peu près un million de personnes dans les Caraïbes, il n’est pas certain qu’on puisse faire de même, demain, pour un archipel aussi petit !
Je vous fais confiance, monsieur le ministre. J’accepte donc de retirer mes amendements, mais je le fais à contrecœur et après avoir beaucoup hésité.
M. le président. Les amendements nos 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont retirés.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Hoarau, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
Considérant que l’accord conclu en décembre 2009 à Genève par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, et les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l’Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, font courir un risque important à l’agriculture des régions ultrapériphériques françaises, si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Conclu en décembre 2009, l’accord de Genève, accord multilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine, prévoit une réduction de 35 % des droits de douane sur la banane latine entrant sur le marché européen. Cette baisse progressive fera passer ces droits de douane de 176 euros en décembre 2009 à 114 euros par tonne métrique au 1er janvier 2017.
La Commission a prévu un fonds de 200 millions d’euros pour soutenir les pays ACP, mais rien pour les régions ultrapériphériques.
Quant aux accords de mars 2010, ce sont des accords bilatéraux signés entre l’Union européenne et la Colombie et le Pérou. Ils visent à réduire davantage les droits de douane, sur la banane notamment, qui atteindront 75 euros en 2020.
Il convient donc de souligner que les préjudices occasionnés sur l’agriculture des RUP seront considérables et qu’ils résulteront, à la fois, de l’accord de 2009 et des accords de 2010.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Marsin, rapporteur. Cet amendement vise à préciser, utilement selon nous, que l’accord de Genève fait courir, comme les autres accords auxquels nous avons fait allusion, un risque à l’agriculture des RUP.
Nous émettons donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Considérant que les pays et territoires d’outre-mer français sont insuffisamment pris en compte et parfois oubliés lors de la négociation des accords commerciaux avec leurs pays riverains,
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 5, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
et des pays et territoires d’outre-mer
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 6, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
et le Canada
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 2, présenté par Mme Hoarau, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, en abondant en conséquence, par le budget de l’Union européenne, l’enveloppe du programme d’options spécifiques à l’éloignement et l’insularité (POSEI).
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. La proposition de règlement de la Commission européenne portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des RUP, ou POSEI, fixe une dotation financière qui s’élève annuellement à quelque 771 millions d’euros.
Cette somme est affectée à des opérations déjà arrêtées. Toute compensation rendue nécessaire à la suite d’accords commerciaux conclus entre l’Union européenne et des pays tiers et portant atteinte aux productions des RUP ne peut être prise sur l’enveloppe initiale du POSEI, sauf à prévoir un abondement en conséquence à partir du budget de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Marsin, rapporteur. L’objet de cet amendement vient compléter le dispositif que nous avons déjà prévu. Par ailleurs, il est en cohérence avec la position du Gouvernement français, qui négocie aujourd’hui le montant des compensations avec la Commission européenne.
Nous émettons par conséquent un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 7, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Souligne la nécessité de remédier à l’érosion des préférences commerciales dont bénéficient les pays et territoires d’outre-mer dans leurs relations avec l’Union européenne,
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 8, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
et les pays et territoires d’outre-mer
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 9, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 21
À deux reprises, après le mot :
régions
insérer les mots :
et ces pays et territoires
Cet amendement a été précédemment retiré.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Compléter la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :
Souhaite que soit précisé par un règlement procédural spécifique, le dispositif de sauvegarde à mettre en œuvre lors de tout accord économique entre l’Union Européenne et un pays tiers, emportant des conséquences sur les économies des régions ultrapériphériques.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. La Commission, dans le cadre du règlement de décembre 2007, a proposé un mode opératoire pour la mise en place des clauses de sauvegarde. Elle a agi un peu comme un médecin qui vous prescrirait des médicaments sans vous indiquer la posologie ni le moment où il faut commencer le traitement !
Par mon amendement, je souhaite souligner la nécessité de rédiger un règlement procédural pour préciser les conditions et le timing relatifs à la mise en œuvre des clauses de sauvegarde, en ce qui concerne les accords signés tant avec les ACP qu’avec les autres pays habituellement partenaires de l’Europe.
Dans ce dossier épineux et difficile, le fait de disposer d’un tel règlement procédural sera un atout dans le jeu du Gouvernement, qui défend nos intérêts auprès des pays avec lesquels l’Europe traite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Marsin, rapporteur. Cet amendement porte sur un sujet essentiel : les dispositifs de sauvegarde. Ces derniers, prévus dans nombre d’accords commerciaux, visent à permettre le rétablissement de droits de douane en cas de perturbation du marché.
De tels dispositifs sont difficiles à mettre en œuvre, comme l’avait constaté la délégation pour l’Union européenne du Sénat dans un rapport de mars 2007.
M. Jean-Paul Virapoullé. Absolument !
M. Daniel Marsin, rapporteur. Mme la ministre de l’outre-mer l’avait aussi reconnu quand nous avions soulevé le problème lors de la séance des questions cribles thématiques du 18 janvier 2011 consacrées à l’outre-mer et l’Europe.
Sur mon initiative, la commission de l’économie a introduit la problématique des clauses de sauvegarde dans la proposition de résolution. Cette dernière appelle désormais, à son alinéa 21, la Commission européenne à inclure dans les accords commerciaux qu’elle négocie des mécanismes de sauvegarde opérationnels.
Par son amendement, notre collègue Jean-Paul Virapoullé va plus loin en demandant qu’un règlement procédural spécifique intervienne pour préciser les modalités de mise en œuvre des dispositifs de sauvegarde lors de tout accord économique conclu entre l’Union européenne et un pays tiers.
Cette proposition me semble aller dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix, modifiée, la proposition de résolution européenne.
(La proposition de résolution européenne est adoptée à l’unanimité des présents. – Applaudissements sur l’ensemble des travées.)
M. le président. En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter de ce que l’outre-mer donne un bel exemple d’unité nationale !
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 4 mai 2011 :
De quatorze heures trente à seize heures trente :
1. Proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien (n° 607, 2009–2010).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (n° 429, 2010–2011).
De seize heures trente à dix-huit heures trente :
2. Proposition de loi relative aux expulsions locatives et à la garantie d’un droit au logement effectif (n° 300, 2010–2011).
Rapport de Mme Isabelle Pasquet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 463, 2010-2011).
À dix-huit heures trente et le soir :
3. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer (n° 267, 2010–2011).
Rapport de M. Georges Patient, fait au nom de la commission de l’économie (n° 424, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 425, 2010–2011).
Avis de M. Serge Larcher, fait au nom de la commission de l’économie (n° 464, 2010–2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 4 mai 2011, à une heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART