M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 190 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
quatre jours
par les mots :
quarante-huit heures
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 70.
M. Richard Yung. L’article 30 tend à modifier l’article L. 551-1 du CESEDA, qui fixe le régime du placement en rétention administrative, en faisant passer la durée de la rétention administrative de deux à quatre jours.
Cet allongement s’inscrit dans une réforme d’ensemble du contentieux de l’éloignement, mise en œuvre par les articles 34 et 37 du projet de loi, dont la principale innovation, d’ailleurs néfaste à mon avis, est d’inverser l’intervention du juge administratif et du juge judiciaire.
En première lecture, l’article 30 avait été amendé, sur proposition du rapporteur et contre l’avis du Gouvernement. Cette modification visait à ramener à quarante-huit heures, au lieu de cinq jours, la durée de rétention administrative décidée par le préfet, avant l’intervention du juge judiciaire.
L’Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement de son rapporteur tendant à rétablir le délai de cinq jours.
La commission des lois de notre assemblée a tenté de trouver une solution médiane, en proposant un délai de quatre jours. Ce compromis, qui me semble plus proche des desiderata du Gouvernement que des souhaits que nous avions exprimés en première lecture, ne me paraît pas satisfaisant.
Mes chers collègues, comme pour d’autres dispositions que nous avions adoptées et qui représentaient autant d’avancées, l’Assemblée nationale est revenue sur notre proposition. Nous vous demandons à travers cet amendement de revenir à notre position initiale, car il n’y a aucun argument tangible pour prolonger la durée de rétention à quatre ou à cinq jours.
Pour avoir discuté de cette question avec ceux qui s’occupent des lieux de rétention, je sais que c’est pour eux un problème majeur, car cela veut dire que c’est autant de main-d’œuvre policière qui va être occupée à gérer non plus deux, mais quatre jours de rétention. Pendant ce temps-là, les bandits courent les rues ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Voilà le vrai problème !
Nous vous proposons donc de conserver le délai de quarante-huit heures.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 190 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous proposons également de ramener de quatre à deux jours le délai d’intervention du juge en matière de rétention administrative, conformément à la position adoptée par le Sénat en première lecture.
J’entends qu’il puisse y avoir – comme je l’ai indiqué tout à l’heure – une négociation, ce qui est tout à fait logique. Je vois M. le président de la commission réagir à mon propos : je n’ai pas critiqué le fait qu’il y ait une négociation, je dis simplement que, en faisant un tel choix, on anticipe sur la tenue de la commission mixte paritaire.
Or, quels sont les arguments juridiques apportés au Sénat pour justifier qu’il change d’avis ? Je dois avouer que je n’ai pas été vraiment convaincu. En lisant le rapport de la commission, j’ai même été plutôt convaincu du contraire.
C’est effectivement l’un des points les plus délicats sur le plan de l’appréciation juridique de ce texte. Le but visé dans cette négociation, c’est d’éviter un problème au niveau constitutionnel, ce que je comprends parfaitement. Mais le Sénat avait pris une position à la fois réaliste et courageuse en première lecture et il n’existe, à mon sens, aucune raison de capituler, tout au moins avant la commission mixte paritaire.
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
cinq
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Je tiens de nouveau à saluer le travail de réflexion mené par la commission des lois. Les positions du Gouvernement et celles de la commission sont maintenant très proches, aussi bien sur l’articulation à mettre en œuvre pour l’exercice des compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire que sur la question du délai.
Avec l'amendement n° 208, nous souhaitons porter le délai d’intervention du JLD de quatre à cinq jours, car nous estimons qu’il s’agirait d’une réforme extrêmement utile. Loin d’être contraire à nos principes constitutionnels, elle permettrait, au contraire, de mieux les respecter.
Ainsi, elle garantirait une « bonne administration de la justice », qui est un objectif de valeur constitutionnelle découlant des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et le respect de la compétence de la juridiction administrative, reconnue comme un principe de valeur constitutionnelle.
Certains se demandent – M. le rapporteur s’en est fait l’écho – si le report à cinq jours est bien compatible avec le principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.
J’ai trois réponses à apporter à cette interrogation.
Première réponse : comme M. le rapporteur l’a décrit tout à l’heure de façon scrupuleuse, le Conseil constitutionnel n’a jamais estimé qu’un délai de cinq jours ne serait pas acceptable. Dans une décision de 1997, il a validé le délai actuel de quarante-huit heures ; dans une décision de 1980, il a censuré un délai de sept jours ; s’agissant des zones d’attente, il n’a pas jugé inconstitutionnel un délai de quatre jours. Pour autant, le Conseil n’a pas fixé de bornes plus précises.
J’ajoute qu’il a admis, dans une décision de novembre dernier, un délai de quinze jours pour les hospitalisations sans consentement. Bien que la matière soit différente, le raisonnement pourrait être transposé à la rétention, d’autant que nous ne proposons pas un délai de quinze jours, mais simplement un délai de cinq jours.
Deuxième réponse : lorsque le Conseil d’État a examiné le présent projet de loi, il a validé le report à cinq jours de l’intervention du JLD. Certes, le Conseil d’État n’est pas le Conseil constitutionnel. Mais le vice-président du Conseil d’État a émis un second avis favorable à ce délai devant le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le CSTACAA, notamment pour des raisons pratiques sur lesquelles je reviendrai.
J’ajoute que le délai de quatre jours semble comporter un certain nombre de risques au regard de l’objet principal de la réforme. En effet, si le juge administratif ne peut pas se prononcer dans ce délai, nous risquons d’être de nouveau confrontés à cet enchevêtrement des compétences que nous voulons tous éviter, tout au moins les partisans de la réforme.
Troisième réponse : en pratique, comme il sera le premier juge saisi et comme des motifs de saisine supplémentaires sont institués dans ce projet de loi, le juge administratif risque d’être saisi d’un plus grand nombre de recours qu’auparavant. Il nous semble opportun qu’il puisse disposer d’un délai de trois jours pour se prononcer. C’est du reste cette considération qui a amené le CSTACAA à se prononcer en faveur du délai de cinq jours.
Étant donné qu’il est exclu d’amputer de vingt-quatre heures le délai dont dispose l’étranger placé en rétention pour former un recours, et comme nous ne voulons pas non plus réduire le temps imparti au juge pour statuer, nous souhaitons que le délai de cinq jours soit conservé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si on diminue encore les effectifs, on passera à un délai de sept jours !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements pour les raisons que j’ai expliquées tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cher collègue Jacques Mézard, c’est en partie à cause de moi que la commission a modifié sa position sur la question. Nous réfléchissons, nous disposons d’informations nouvelles, notre position peut quelquefois évoluer. Ce n’est pas en restant figé que l’on légifère efficacement !
J’avais déjà fait part de mes doutes. Pour moi, le problème principal provient de l’absence d’unification des juridictions. Il semble que ce ne soit pas possible de modifier cet état de fait, sauf à opérer le bouleversement constitutionnel souhaité par certains. Nous allons peut-être le faire dans un autre domaine, alors vous voyez, mes chers collègues, des ouvertures sont toujours envisageables !
Si l’on supprimait le Conseil d’État, l’affaire sera réglée : les juridictions judiciaires seraient compétentes. Dans certains pays, il n’y a qu’un seul ordre de juridiction. Mais notre organisation, qui est ancienne, ne le permet pas. Il est vrai que la situation est complètement absurde et incompréhensible si l’on n’est pas familier des arcanes de notre organisation juridictionnelle : une juridiction se prononce sur le maintien en rétention, l’autre sur le fond.
Monsieur le ministre, j’ai entendu vos arguments pour passer du délai actuel de deux jours à cinq jours. La tâche des préfectures est dure. Tous ceux qui ont fréquenté les services des étrangers des préfectures savent qu’il est très difficile d’être à la fois respectueux des personnes et de faire appliquer la législation. Il est évident qu’un délai de cinq jours permettrait au tribunal administratif d’être saisi le premier.
Nous devons cependant prêter attention au problème constitutionnel. Nous avions d’ailleurs récemment mis en garde l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur le doute constitutionnel qui pesait sur la LOPPSI. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, un délai de sept jours est trop long. En ce qui concerne les zones d’attente, le délai est de quatre jours. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, qui est une référence, elle a également fixé le délai à quatre jours. On peut m’objecter que les situations ne sont pas identiques, car en l’espèce il est question de la garde à vue. Mais il s’agit également d’une mesure privative de liberté. Vous l’avez indiqué, et j’en conviens parfaitement, les deux ne sont pas de même nature, mais il est tout de même possible d’établir des correspondances.
Évidemment, je comprends que les juridictions administratives soient débordées. Un tribunal administratif que je connais mieux que les autres croule sous ces recours, car sa juridiction englobe Roissy.
Honnêtement, si l’on renforce les moyens des juridictions administratives, elles pourront faire face, même en quatre jours, et sans disparités.
Je connais le sentiment du vice-président du Conseil d’État, qui a souligné les difficultés que rencontreraient les juridictions administratives pour statuer en quatre jours. Le juge administratif devrait pouvoir intervenir avant que le juge judiciaire ne traite de la question de la liberté : certes, mais sans courir de risque constitutionnel !
Dès le départ, j’ai fait part de mes doutes à ce sujet. C’est pourquoi, après avoir réfléchi de longues semaines à la suite de la première lecture du texte dans notre assemblée, j’ai décidé de proposer à la commission, qui m’a suivi dans sa majorité, un délai de quatre jours, qui me paraît garantir une plus grande efficacité.
Comme je l’ai dit, je ne suis absolument pas hostile à l’inversion, monsieur le ministre. Mais il me semble que notre solution est raisonnable, et qu’elle nous permettra peut-être d’éviter une censure du Conseil constitutionnel.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai qu’un délai de cinq jours serait sans doute idéal, mais on aurait aussi pu proposer six jours puisque seul le délai de sept jours a été censuré. Cela donnerait de l’aisance aux tribunaux administratifs, car tout n’est qu’une question d’organisation.
M. David Assouline. Et pourquoi pas quinze jours ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Toutefois, la commission des lois tient au délai de quatre jours, qui a recueilli, je le répète, la majorité, alors qu’il n’y avait pas eu de majorité en première lecture pour le délai de cinq jours.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 70 et 190 rectifié.
M. David Assouline. Le raisonnement politique que j’ai développé tout à l’heure ne doit pas être analysé comme une remise en cause de l’indépendance de la justice administrative : cette indépendance est, pour moi, évidente et constitutionnellement établie.
Par ailleurs, les propos que vient de tenir le président de la commission des lois sont clairs : son argumentation montre qu’il est difficile de dire si le Conseil constitutionnel acceptera telle ou telle mesure.
Aujourd'hui, le seul argument qui est avancé, c’est qu’il faut essayer de trouver un entre-deux entre le délai de deux jours d’aujourd'hui, qui est accepté par le Conseil constitutionnel, et celui de sept jours, qu’il a rejeté dans l’une de ses décisions. Cela ressemble à du marchandage : on espère que le délai de quatre ou de cinq jours passera, car il est au milieu des deux bornes.
La nécessité d’allonger le délai n’est pas justifiée. D’ailleurs, M. Hyest a pointé le problème : si l’on ne propose pas 7, 8, 9 ou 10 jours, c’est uniquement parce que le délai de sept jours a déjà été rejeté. À aucun moment, des arguments portant sur l’efficacité du dispositif n’ont été avancés.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel refuse le délai de six jours, car il est trop long. Le Gouvernement veut essayer le délai de cinq jours : M. Hyest, qui est un fin connaisseur de ces questions, estime que l’on est dans une zone de danger constitutionnel et nous propose quatre jours. Nous, nous voulons deux jours. Je vous propose un compromis : trois jours ! (Exclamations amusées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 et 190 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 82 et 69.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’étranger mineur ne peut, à quelque titre que ce soit, être placé en rétention.
« Le placement en rétention prévu au présent article ne peut être ordonné lorsque l'étranger est parent d'au moins un enfant mineur résident en France et qu'il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Il peut, même s'il ne dispose pas de garanties de représentation, et par dérogation aux conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 561-1, être assigné à résidence. »
L'amendement n° 69, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au présent article ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne est immédiatement remise en liberté. »
Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement n° 71 vise à résoudre un problème d’importance.
Aux termes de l’alinéa 9 de l’article 30, un étranger peut être placé en rétention lorsqu’il doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour. Or interdire le retour sur le territoire français, cela s’appelle le bannissement. Nous l’avons dit en première lecture, nous le répétons aujourd’hui, nous sommes contre le fait que quelqu’un puisse ne jamais revenir, soit sur le territoire français, soit sur le territoire européen.
Je rappelle que l’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF, avait été supprimée par le gouvernement Jospin en 1998. En rétablissant ce dispositif, on franchit une étape supplémentaire, car une telle interdiction vaut non seulement pour la France, mais aussi pour le reste de l’Union européenne.
De surcroît, aucun dispositif n’est prévu afin de protéger de ce bannissement des catégories d’étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner en France. Or la directive Retour exclut explicitement les personnes victimes de traite des êtres humains ainsi que celles qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités.
Enfin, le présent projet de loi ne prévoit pas de mécanisme d’annulation de l’inscription de l’étranger sous le coup d’une IRTF au système d’information Schengen lorsque celle-ci aura été abrogée ou annulée, alors que l’inscription dans ce fichier se traduirait par l’impossibilité d’obtenir un visa ou un titre de séjour dans un pays européen.
Nous ne saurions souscrire à un tel dispositif. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à dire très fort avec nous : « Non au bannissement ! » Une telle mesure ne fait pas partie, j’y insiste, monsieur le ministre, des traditions républicaines de notre pays.
J’en viens à l’amendement n° 82.
L’article 17 de la directive Retour dispose que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort pour la période appropriée la plus brève possible ».
Pour notre part, nous proposons de dire clairement que la place des enfants n’est pas en centre de rétention.
Je suis sûr que vous êtes nombreux, mes chers collègues, à avoir, comme moi, visité les centres de rétention.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous savez donc que l’on n’est pas tellement fier d’y voir des enfants.
Nous proposons une assignation à résidence pour les parents d’enfants qui se verraient notifier une mesure d’éloignement afin de nous mettre en conformité avec la directive et, surtout, de protéger les enfants de cette expérience peu souhaitable pour eux.
Quant à l’amendement n° 69, je considère qu’il est défendu.
Je répète donc notre message, qui est simple : « Non au bannissement ! » – ce n’est pas conforme à nos traditions républicaines – et « Non aux enfants dans les centres de rétention ! »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Par cohérence avec l’article 23, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 71.
En ce qui concerne l’amendement n° 82, j’indique que le droit positif prévoit déjà le fait qu’une famille puisse être assignée à résidence. Toutefois, l’objet de cet amendement est de rendre une telle assignation obligatoire et d’interdire la rétention.
Gardons la possibilité de pouvoir placer les familles en rétention, car certaines circonstances rendent cette décision nécessaire. La supprimer priverait d’efficacité une grande partie des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des parents.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l’amendement n° 69.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 71.
M. Jean-Pierre Sueur. Les réponses laconiques de M. le rapporteur et de M. le ministre me confortent dans ma position.
Introduire dans notre dispositif législatif le bannissement n’est pas anodin.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un bannissement. Le bannissement, c’est pour les citoyens !
M. Jean-Pierre Sueur. Exiger que les enfants ne puissent pas être placés en centre de rétention, chacun peut le comprendre.
Je n’ai donc pas besoin de fournir d’explications supplémentaires. Je souhaite simplement que le Sénat adopte une position très claire sur ces points.