M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de vos interventions.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 mars 2011 :
À quatorze heures trente :
Élection d’un vice-président du Sénat, en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin.
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (n° 297, 2010-2011).
Rapport de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 341, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 342, 2010-2011).
Avis de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 334, 2010-2011).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur le « Grand Paris ».
À dix-huit heures :
3. Suite de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
Le soir et, éventuellement, la nuit :
4. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
5. Deuxième lecture de la proposition de loi relative au prix du livre numérique (n° 309, 2010-2011).
Rapport de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 339, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 340, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART
ANNEXE
Débat préalable au conseil européen des 24 et 25 mars 2011
(La séance est ouverte le mardi 22 mars 2011, à quinze heures dix, salle Clemenceau, sous la présidence de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. La séance est ouverte.
Monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce débat préalable au Conseil européen des 24 et 25 mars prochains se tient sous la forme particulière d’une réunion conjointe de la commission des affaires européennes, de la commission des finances et de la commission de l’économie, car il était prévu que le Sénat ne siégerait pas en séance publique cette semaine en raison des élections cantonales. Il fera l’objet d’un enregistrement et d’un compte rendu intégral publié au Journal officiel.
Ce débat intervient à un moment important du calendrier européen, entre la réunion des chefs d’État ou de Gouvernement de la zone euro du 11 mars et le Conseil européen des 24 et 25 mars.
La réunion du 11 mars a ouvert la voie à des décisions de grande portée : renforcement du FESF, le Fonds européen de stabilité financière, et du futur mécanisme de stabilité, lancement du pacte pour l’euro et début d’une coordination des politiques fiscales. Ces sujets tiendront une grande place dans les travaux du prochain Conseil européen.
Dans le même temps, nous voyons bien que la zone euro reste fragile, notamment parce que la situation en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne demeure préoccupante, avec une forte exposition des banques étrangères, en particulier françaises et allemandes.
Monsieur le ministre, c’est donc avec le plus grand intérêt que nous écouterons votre intervention. Je donnerai ensuite la parole à MM. les présidents de la commission des finances et de la commission de l’économie, ainsi qu’à M. le rapporteur général. Après que vous leur aurez répondu, nos collègues pourront intervenir dans la limite du temps qui nous est imparti, sachant qu’une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la situation en Lybie a été inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée, à dix-sept heures.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le président de la commission des affaires européennes, d’avoir organisé ce débat qui, s’il déroge quelque peu aux habitudes, revêt un grand intérêt, eu égard à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. En effet, ce dernier, il ne faut pas s’y tromper, aura une portée historique et marquera incontestablement un changement d’échelle pour la politique européenne, une rupture totale avec la situation antérieure et une affirmation de la volonté de progresser sur la voie de l’intégration communautaire.
Or, il y a six mois encore, nombreux étaient ceux qui considéraient que de telles avancées étaient hors d’atteinte. D’ailleurs, il n’est pas sûr que j’aurais moi-même parié, alors, sur la possibilité d’atteindre certains des résultats auxquels nous sommes parvenus et qui seront entérinés par le Conseil européen.
MM. Bizet et Arthuis le savent, j’ai la conviction que nous avons plus que jamais besoin de l’Europe en cette période de sortie de crise.
À cet égard, je vais essayer de démontrer que les trois sujets sur la table offrent, au-delà des différences d’approche, au-delà des nuances qui existent entre les différents États membres et qu’il serait stupide de nier, autant d’illustrations d’une vraie démarche communautaire, manifestant le retour de l’Europe.
Le premier de ces sujets, sur lequel les avancées sont le plus patentes, recouvre toutes les décisions relatives à la création d’une gouvernance économique de la zone euro.
Sur ce plan, il faut se souvenir que, voilà deux ans, rien n’existait. Disposions-nous d’un fonds destiné à défendre l’euro ? Non ! Existait-il un système de gouvernement économique de la zone ? Aucunement, le sujet était même tabou… Était-il possible d’envisager le moindre travail d’approche en matière de convergence fiscale ? Nullement ! Bien des États membres se seraient alors dressés sur notre chemin. Était-il seulement loisible d’évoquer un renforcement de la coordination entre les dix-sept États de la zone euro ? Sur ce point encore, les difficultés semblaient insurmontables.
Il faut donc bien mesurer tout le chemin qui a été parcouru au terme d’une longue marche, commencée il y a deux ans. Les progrès enregistrés trouvent en partie leur source dans la crise de l’euro, dont l’Europe sort résolument par le haut, grâce à des avancées majeures pour la coordination économique entre les États et la défense de la monnaie commune.
Le volontarisme de la diplomatie française, la détermination du Président de la République et le travail acharné accompli par Christine Lagarde, de concert avec nos partenaires, particulièrement l’Allemagne, ont permis ces avancées, que je vais maintenant détailler.
En premier lieu, nous allons nous doter d’un fonds de stabilité, qui nous permettra de défendre la zone euro dans la durée. Souvenez-vous : lors des débats sur le traité de Maastricht, on s’était demandé ce qui arriverait si l’euro était attaqué. Les modalités de mobilisation de ce fonds de stabilité, qui s’élève à 700 milliards d’euros et permettra de prêter effectivement 500 milliards d’euros avec la meilleure notation possible, ont fait hier l’objet d’un accord précis. C’est une réponse aux spéculateurs qui ont voulu attaquer et fragiliser l’euro : l’euro sortira de la crise plus fort qu’il ne l’était auparavant !
En deuxième lieu, les efforts qui ont été accomplis par la Grèce, dont le Gouvernement a fait preuve d’un sens des responsabilités exemplaire, vont être reconnus. Il est normal que nous envoyions un signal à l’opinion publique grecque, qui a consenti beaucoup de sacrifices. Dans cette perspective, la décision a été prise d’abaisser de cent points de base le taux de refinancement de l’économie grecque : l’Europe ne doit pas se montrer ingrate.
En troisième lieu, un pacte pour l’euro vient consacrer pour la première fois la notion de gouvernement économique européen, pour lequel la France plaide depuis longtemps. Jusqu’à présent, nos partenaires de la zone euro semblaient vivre dans l’illusion qu’une monnaie peut exister en apesanteur, sans être fondée sur une convergence économique et sociale entre les différents États concernés. L’une des leçons de la crise est qu’une monnaie ne peut exister artificiellement : elle doit reposer sur des sous-jacents économiques, sur une détermination des pays qui l’ont adoptée à avancer ensemble. Le pacte pour l’euro permet de franchir ce cap, en mettant en place pour la première fois un véritable gouvernement économique conjoint.
La diplomatie française a œuvré pour que ce pacte soit équilibré. Tel est bien le cas, car il couvre les différents champs, à savoir le nécessaire assainissement de nos dettes et de nos déficits, dont il faut absolument enrayer l’augmentation infernale, et le renforcement de la compétitivité offensive de l’Europe, ce qui suppose d’investir dans la recherche, l’innovation et les infrastructures, ainsi que d’améliorer les passerelles entre la formation des jeunes et l’emploi. Le texte a été considérablement enrichi par rapport à ce qu’il était voilà encore un mois ; la version actuelle est équilibrée, et prévoit même d’associer les partenaires sociaux à la réflexion, point qui me tenait à cœur. Cela n’était pas prévu initialement, mais l’association des partenaires sociaux au gouvernement économique, dans le cadre d’un sommet tripartite, représente elle aussi une avancée très positive.
En quatrième lieu, il a été décidé de travailler sur la convergence fiscale et l’harmonisation des bases de l’impôt sur les sociétés. Qui pouvait croire, il y a encore quelques mois, que nous parviendrions à un tel résultat ? Il s’agit d’une véritable rupture dans l’histoire de la construction européenne. La question de la convergence fiscale n’était pas vraiment inscrite à l’ordre du jour européen, mais elle a été replacée au premier plan. Hier, le commissaire européen chargé de la politique fiscale a affirmé sa détermination à avancer sur ce dossier, afin que des harmonisations puissent intervenir rapidement, sans qu’il faille en passer par d’interminables négociations.
Dans le cadre du pacte pour l’euro, cette démarche s’accompagnera d’ailleurs de toute une réflexion sur les moyens de lutter contre l’évasion fiscale, sur la fiscalité du numérique et sur celle de l’énergie. Sur ces points aussi, le prochain Conseil nous permettra de faire un pas décisif.
Enfin, nous plaidions pour la création d’une taxe sur les transactions financières : le Conseil européen en entérinera le principe, une réflexion sur ce sujet et une étude d’impact devant être menées, afin d’évaluer les conséquences de la mise en place d’une telle taxe.
Tous ces éléments nous permettent de mesurer le chemin parcouru. Il s’agit d’une authentique victoire pour l’Europe et pour notre monnaie commune, d’une étape décisive pour le projet de construction européenne dans son ensemble. Je suis convaincu que, dans l’avenir, elle sera considérée comme un moment clé de l’approfondissement des synergies à l’échelon européen.
Ce travail a été accompli dans un temps très court, grâce à la détermination du couple franco-allemand, qui, n’ayons pas peur de le dire, a été amené à prendre les choses en main. Ainsi, des propositions conjointes ont été mises sur la table par la Chancelière et par le Président de la République. Il a ensuite fallu que les États partenaires puissent se les approprier collectivement. Je tiens à insister sur le fait que M. Van Rompuy a joué un rôle essentiel à cet égard. Il est peut-être des personnalités plus charismatiques et plus médiatiques, mais son sens du dialogue et de l’écoute nous a considérablement aidés à faire émerger un consensus autour de ces propositions. Son action a été déterminante dans cette période de transition.
Ce retour de l’Europe constitue donc, me semble-t-il, un premier motif de fierté.
J’en viens maintenant au deuxième enjeu du Conseil européen des 24 et 25 mars prochain : la refondation de nos relations avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Dans cette optique, deux messages complémentaires doivent être délivrés.
Tout d’abord, il importe de répondre à la situation d’urgence que connaît la Libye. Sur ce plan, je crois que nous pouvons être fiers du travail qui a été mené par la diplomatie française, sous l’égide d’Alain Juppé, afin d’éviter un massacre et un bain de sang à Benghazi. Pour autant, je ne nie nullement les différences d’appréciation existant entre les États membres de l’Union européenne, s’agissant notamment des opérations en cours. Certes, dans des domaines aussi importants que la politique étrangère ou la politique de défense, qui touchent à la souveraineté des États, il existe des divergences entre les pays européens, mais cela enlève-t-il toute portée aux avancées obtenues en matière de coopération européenne ? Sûrement pas ! Ainsi, les Européens ont été parmi les premiers à condamner le régime de Kadhafi et à vouloir mettre en place un embargo extrêmement strict sur la fourniture d’armes et de matériels de répression. Ils ont décidé la saisine des avoirs financiers du dirigeant libyen et entendu éviter que l’argent du pétrole puisse servir à financer ses armées. Je pourrais également évoquer la saisine de la Cour pénale internationale, la mise en place d’actions coordonnées au bénéfice des réfugiés et d’opérations humanitaires : toutes ces initiatives ont été portées par l’Union européenne, de façon réellement coordonnée.
Je le répète, certaines différences d’approche ont pu s’exprimer, mais il ne faut pas leur donner une importance excessive : dans l’optique du Conseil européen des 24 et 25 mars prochains, nous sommes parvenus à une déclaration commune par laquelle l’Union européenne soutient sans ambiguïté la mise en œuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies. En dépit de nos divergences, nous avons donc su adopter une position globalement commune sur un sujet délicat de politique internationale.
En ce qui concerne la question du partenariat de long terme pour la démocratie et la prospérité partagée au sud de la Méditerranée, l’enjeu est simple : il faut investir dans la démocratie, rapidement, de façon concrète et visible.
Deux jalons de ce nouveau partenariat seront posés par le biais du Conseil européen.
Il s’agit tout d’abord d’une reprogrammation rapide de l’aide financière de l’Union européenne. Chaque pays sera considéré spécifiquement et une prime sera accordée aux États qui se seront vigoureusement engagés dans une phase de transition au cours de la période considérée. Dans cette perspective, nous devons renforcer nos instruments financiers.
S’agissant de la Banque européenne d’investissement, la BEI, près de 150 millions d’euros disponibles au titre des mécanismes de remboursement anticipé ne sont pas mobilisés. Ils peuvent l’être sans fragiliser les assises financières de la BEI. N’attendons pas : ce mécanisme a déjà été utilisé pour l’Europe centrale, il pourrait être transposé sans aucune difficulté au bénéfice des pays de la rive sud de la Méditerranée.
Quant à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, il faut étudier comment étendre son champ d’action afin qu’elle puisse intervenir aussi sur la rive sud de la Méditerranée.
Enfin, nous proposons la création d’une banque euro-méditerranéenne d’investissement, qui permettrait d’afficher la priorité que nous entendons donner à la rive sud de la Méditerranée. N’oublions jamais cette constante de notre histoire : la France et l’Europe ont été prospères lorsque la Méditerranée était une zone de stabilité et de prospérité, comme l’a très bien montré Fernand Braudel.
La mise en œuvre de cette démarche passe par des projets concrets, tels le plan solaire méditerranéen, l’Office méditerranéen de la jeunesse, les autoroutes de la mer ou encore l’autoroute de l’Ouest, en Tunisie.
N’oublions pas non plus la gestion conjointe des flux migratoires. Une émigration massive ne serait bénéfique ni pour la Tunisie, ni pour l’Europe, ni pour le monde arabe. Cette question doit être envisagée conjointement, de façon responsable, sans antagonismes : nous devons ensemble faire en sorte que les règles régissant l’immigration sur le territoire de l’Union européenne soient respectées.
J’évoquerai enfin la situation au Japon et la problématique de la sûreté nucléaire.
Un Conseil Énergie exceptionnel a été convoqué hier à Bruxelles. Ce sujet a également été abordé lors du Conseil Affaires générales. Je soulignerai d’abord que nous ne partons pas de rien : l’Europe n’a jamais transigé sur les questions de sécurité nucléaire, et elle n’a pas attendu la crise japonaise pour adopter les standards les plus élevés en la matière.
Ainsi, en 2009, sous présidence française, l’Union européenne a adopté une directive rendant contraignants des engagements pris au travers de la convention sur la sûreté nucléaire de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ce fut la première étape d’un encadrement juridique commun.
Puis, au mois de novembre 2010, une proposition de directive sur la gestion sûre des déchets radioactifs et du combustible usé a été présentée par la Commission européenne.
Enfin, lors du dernier Conseil, qui s’est tenu le 4 février, c’est-à-dire avant le début des événements tragiques que connaît le Japon, nous avons plaidé, je le rappelle, pour que les plus hauts standards de sûreté nucléaire, issus des standards WENRA, soient immédiatement transposés et mis en application. Nous nous étions entretenus de ce sujet avec les membres de la commission des affaires européennes du Sénat.
Nous devons évidemment mener, à l’échelon européen, une action conjointe en matière d’audit et de mise en œuvre des tests de résistance. Personne ne comprendrait que les États membres agissent en ordre dispersé dans ce domaine. La France estime donc qu’il convient de mettre en place un cadre harmonisé en vue de réaliser en toute transparence un audit de chacune de nos centrales à l’aune de ce qui s’est passé au Japon : cet audit devra notamment porter sur les conséquences d’un séisme, d’une inondation, d’une rupture de l’alimentation en électricité, ainsi que sur les capacités de réaction lorsque le processus de refroidissement ne peut plus être maîtrisé. La volonté des États membres d’agir sur ce point dans un cadre européen harmonisé est unanime. Nous pouvons nous appuyer sur nos experts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes ces questions, quelles que soient les différences d’appréciation entre les États membres, le prochain Conseil aura une importance majeure pour la construction européenne. Il permettra notamment, sur les plans économique et financier, d’opérer un changement de dimension et de répondre à toutes les attaques spéculatives que nous avons subies depuis près de deux ans. Avec ce Conseil, l’Europe est de retour ; elle repasse à l’offensive et assure une vraie protection de son économie et de sa monnaie commune : je crois que nous pouvons en être fiers.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, compte tenu des événements internationaux que vous venez d’évoquer, les principaux sujets qui seront débattus au Conseil européen des 24 et 25 mars ne seront probablement pas ceux que l’on imaginait voilà quelques semaines, lorsque le président de la commission des affaires européennes, M. Jean Bizet, a eu la très bonne idée de proposer à la commission des finances et à la commission de l’économie de s’associer au débat préalable à ce Conseil européen qui sera sans doute essentiel pour l’avenir de la zone euro.
Même si le Japon et la Libye seront légitimement au cœur de toutes les préoccupations, il n’en reste pas moins que ce Conseil devra entériner, à l’échelle des Vingt-Sept, plusieurs décisions très importantes prises par l’Eurogroupe le 11 mars dernier et précisées lors de sa réunion d’hier, portant sur la gouvernance économique, dont on a dit à quel point elle est pour l’heure évanescente, et sur la gouvernance budgétaire de la zone euro, ainsi que sur les outils destinés à assurer la stabilité de celle-ci.
Pour éviter les redondances, nous nous sommes réparti les rôles : le président de la commission de l’économie évoquera le nouvel instrument que constitue le pacte pour l’euro ; le rapporteur général abordera le fonctionnement des mécanismes de soutien aux États en difficulté ; pour ma part, au nom de la commission des finances, je centrerai mon propos sur les aspects liés à la gouvernance budgétaire et au pacte de stabilité, qui reste le « règlement de copropriété » de la monnaie unique.
Je ferai d’abord une observation sur le mécanisme communautaire et le processus de prise de décision.
Si, le 11 mars, un accord est bien intervenu entre les États sur le paquet législatif proposé par la Commission, accord devant aboutir fin juin, ce fut au prix de modifications substantielles des propositions initiales de la Commission, et à l’issue d’une démarche parallèle engagée par la France et l’Allemagne, qui, de la déclaration de Deauville à la présentation du pacte de compétitivité, devenu pacte pour l’euro, ont fait pression pour que l’architecture d’ensemble soit moins fédérale et plus intergouvernementale.
Cette évolution fait l’objet de critiques inhabituellement ouvertes de la part de la Banque centrale européenne. Ma question sera donc simple : les institutions européennes fonctionnent-elles bien ?
S’agissant de la gouvernance, le droit communautaire va nous conduire à revoir notre calendrier et nos procédures. Nous l’avons certes anticipé dans la dernière loi de programmation des finances publiques, mais il serait utile, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément ce que le semestre européen changera au calendrier parlementaire.
Par ailleurs, la prochaine révision constitutionnelle permettra de mieux articuler engagements européens et lois financières nationales. La commission des finances milite en ce sens depuis longtemps : c’est donc pour nous un réel motif de satisfaction qu’il puisse être mis un terme à une forme de duplicité, les programmes de stabilité étant adressés à Bruxelles dans une sorte d’allégresse convenue, mais se trouvant systématiquement démentis par la réalité et par nos lois de finances.
Les textes en cours d’examen ne se limitent pas à la procédure. Sur le fond, deux règles me semblent mériter que l’on s’y arrête.
La première de ces règles complète celle du déficit excessif, supérieur à 3 % du produit intérieur brut, et imposera aux États dont l’endettement dépasse 60 % du PIB de réduire celui-ci d’un vingtième par an, sous peine de sanctions. Comment ce dispositif fonctionnera-t-il ? A-t-on anticipé les effets sur la croissance en Europe de la mise en œuvre simultanée de cette règle par tous les États ?
La seconde règle porte sur les sanctions financières. De telles sanctions existent aujourd’hui en théorie, mais elles ne sont pas appliquées. Chacun se souvient de cette « victoire » politique des années 2004 et 2005, quand on avait en quelque sorte, dans une Europe peu regardante, « tordu le cou » au pacte de stabilité et de croissance : au nom du respect de la souveraineté nationale, on avait posé le principe que chaque État membre, notamment la Grèce, était censé présenter des comptes sincères…
Le nouveau dispositif vise à rendre ces sanctions plus opérationnelles et, dans une certaine mesure, plus automatiques, car il faudra réunir une majorité inversée pour les écarter.
À ce sujet, je soulèverai trois questions.
Premièrement, en faisant payer les États en difficulté, ne risque-t-on pas d’aggraver leur situation ?
Deuxièmement, d’un point de vue juridique, M. Pierre Lellouche, alors qu’il était secrétaire d’État chargé des affaires européennes, s’était interrogé sur la conformité aux traités du principe de la majorité inversée : ces doutes juridiques ont-ils été levés, monsieur le ministre ?
Troisièmement, comment le nouveau dispositif, dès lors qu’il ne prévoit pas de sanctions automatiques, permettra-t-il d’éviter les écueils actuels et de faire en sorte que les chefs de Gouvernement osent décider de sanctionner l’un de leurs pairs ?
À ce stade, je suis tenté d’ajouter une quatrième question : au fond, l’Europe pourra-t-elle survivre sans se fédéraliser ?
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de vos réponses.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. La parole est à M. Gérard César, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie.
M. Gérard César, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. M. Jean-Paul Emorine étant retenu par une réunion avec M. le ministre de la ville, il m’a confié la lourde tâche de le représenter.
Je vous poserai trois questions, monsieur le ministre.
Tout d’abord, le futur règlement européen sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques prévoit le suivi de certaines variables macroéconomiques sur la base d’un tableau de bord d’indicateurs. C’est une disposition utile, car la crise de l’euro que nous traversons a révélé l’insuffisance des indicateurs prévus par le pacte de stabilité et de croissance. Le choix des variables macroéconomiques entrant dans le champ du futur règlement européen sera stratégique.
Or le texte proposé par la Commission est encore assez vague sur ce point. Pourriez-vous donc, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ces indicateurs ? En particulier, y aura-t-il un suivi du niveau d’endettement intérieur total des pays européens, prenant en compte à la fois l’endettement public et l’endettement privé ? On sait en effet que les pays européens le plus durement touchés par la crise, notamment l’Espagne ou l’Irlande, affichaient jusqu’en 2008 des performances satisfaisantes en termes de dette et de déficit publics, tout en présentant, sans que la gouvernance de la zone euro les prenne en compte, des bulles d’endettement privé.
Ensuite, le pacte pour l’euro prévoit un suivi de l’évolution conjointe des salaires et de la productivité du travail au travers de ce que l’on appelle le coût unitaire de la main-d’œuvre. Il est indiqué qu’il sera prêté une attention particulière aux mesures visant à assurer que « les coûts évoluent en accord avec la productivité ».
Cette formulation laisse a priori la porte ouverte à des interprétations diverses. Elle s’applique de manière évidente à des pays où les salaires croissent plus vite que la productivité et où, par conséquent, le coût unitaire du travail augmente et la compétitivité-coût diminue. Il ne fait de doute pour personne qu’il s’agit là d’une situation de déséquilibre qui ne peut perdurer.
Le nouveau pacte crée-t-il un outil permanent permettant de se prémunir contre ces politiques économiques nationales non coopératives contre lesquelles, en régime de monnaie unique, il est impossible de se protéger avec l’outil classique des taux de change ?
Enfin, j’aborderai la question de la coordination des politiques fiscales et sociales en Europe.
L’approfondissement de la construction européenne rend de plus en plus illusoire la souveraineté budgétaire et sociale nationale. Les choix collectifs démocratiquement décidés à l’échelon national sont en effet fragilisés : dans un environnement économique totalement ouvert, comme l’est celui du marché européen, une partie des acteurs économiques peuvent migrer d’un territoire à l’autre et jouer ainsi des différences en matière de règles sociales et fiscales existant entre les États membres. Il existe donc un risque de nivellement par le bas pour les États, tels que la France, qui ont les normes les plus élevées.
Monsieur le ministre, dans quelle mesure les progrès de la gouvernance économique en Europe pourraient-ils permettre d’avancer vers une régulation des phénomènes de dumping fiscal ou social ?