Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 23
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« Les licences d'exportation sont accordées aux exportateurs établis en France après que l'autorité administrative se soit assurée :
« - du respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations-Unies ou l'Union européenne, des accords en matière de non-prolifération, ainsi que des autres obligations internationales ;
« - de l'absence de risque manifeste que les matériels de guerre et matériels assimilés dont l'exportation est envisagée servent à la répression interne, à de graves violations des droits de l'homme ou du droit international humanitaire dans le pays destinataire ;
« - que ces matériels ne risquent pas de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d'aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays destinataire ;
« - de l'absence d'un risque manifeste d'utilisation de ces matériels de manière agressive contre un autre pays pour faire valoir par la force une revendication territoriale ;
« - de l'absence d'un risque d'utilisation de ces matériels aux fins de compromettre la sécurité nationale des États membres ainsi que celle des pays amis ou alliés ;
« - de l'absence d'utilisation de matériels de guerre et matériels assimilés par le pays destinataire aux fins de soutenir le terrorisme ou la criminalité organisée internationale ;
« - de l'équilibre entre le besoin légitime de sécurité et de défense du pays destinataire et la nécessité d'assurer son développement durable ;
« - de l'absence de risque de détournement et de réexportation de ces matériels vers un utilisateur final qui ne répondrait pas aux conditions susmentionnées.
« Les conditions de ce contrôle sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essentiel de cet article vise à remplacer le système d’autorisation des ventes d’armes actuellement en vigueur dans notre pays par des licences d’exportation qui concerneraient également les exportations hors de l’Union européenne.
Il vise, pour cela, à harmoniser et, surtout, à simplifier les procédures. Il s’agit, en réalité, d’alléger les contrôles sur les importations et les exportations de matériels de guerre. On passerait ainsi d’un contrôle a priori, certes contraignant pour les industriels, car il ne leur permet pas d’engager rapidement des négociations pour conclure des marchés, à un système de contrôle a posteriori, une fois la licence accordée. Ce qui pourrait à la rigueur être admissible dans l’espace de l’Union européenne, encore que tous les pays ne soient pas au même niveau en matière de déontologie et de contrôle des matériels de guerre, l’est beaucoup moins pour les exportations hors de l’Union.
Selon moi, pour prévenir les risques de réexportation frauduleuse et d’utilisation inappropriée, nous devrions nous entourer de garanties juridiques permettant de ne pas autoriser une exportation. Ces garanties, qui reposent sur des critères précis, figurent en tant que telles dans une position commune adoptée par le Conseil européen et possédant un caractère contraignant.
Le fait d’inscrire, comme le prévoit cet amendement, ces critères dans la loi plutôt que de les intégrer, comme ils le sont actuellement, dans les « directives à haut niveau » d’application immédiate, qui sont données aux ministères chargés de l’instruction des dossiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Issue du code de bonne conduite de 1998, la position commune qui a été adoptée en 2008 sous la présidence française de l’Union européenne fixe huit critères pour l’exportation d’armements.
C’est un acte juridiquement contraignant, qui s’impose donc aux gouvernements pour la délivrance des autorisations. Juridiquement, la position commune ne nécessite pas, en droit français, une transposition législative, non plus d’ailleurs que dans d’autres États membres comme l’Allemagne et les Pays-Bas.
D’application directe, la position commune est, en effet, appliquée au quotidien avec la plus grande vigilance par l’administration. Les ministères chargés de l’instruction des dossiers examinent avec la plus grande vigilance les demandes d’exportation, s’assurant du respect des huit critères de la position commune. Cette vigilance explique, d’ailleurs, que les délais d’instruction soient très longs. Aujourd’hui, il faut au total plus de 110 jours pour procéder aux deux phases de cet examen.
D’après le rapport remis au Parlement sur les exportations d’armements, 79 demandes d’exportation ont été refusées en 2009 sur le fondement des critères de la position commune, dont près d’un tiers sur la base du septième critère, celui du risque de détournement ou de réexportation ultérieure. La plupart des refus concernaient le Moyen-Orient, l’Afrique subsaharienne ou l’Asie du Nord-Est.
Enfin, la position commune prévoit, dans son article 15, son réexamen tous les trois ans. Ce texte devrait, en conséquence, être bientôt appelé à évoluer.
Si nous transposons dans la loi le texte actuel de la position commune, il deviendra rapidement obsolète, et il faudra tout recommencer.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 1.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Le Gouvernement, qui partage l’avis de la commission, est défavorable à cet amendement.
Je me contenterai de rappeler que c’est la France qui a été à l’origine de l’inscription du code de bonne conduite dans la position commune adoptée par le Conseil le 8 décembre 2008, ce qui l’a rendu juridiquement contraignant.
À cet égard, l’introduction dans la loi d’une liste exhaustive – je sais le Sénat toujours attentif à ces questions de rédaction – aboutirait à un texte inutilement long. Ce serait contre-productif par rapport à la rédaction actuelle, laquelle permet expressément le retrait ou la suspension au motif du non-respect des engagements internationaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Si nous partageons totalement l’esprit de cet amendement, nous sommes sensibles au fait que les huit critères existent déjà dans la réglementation française. Dès lors, personne ne peut douter de leur mise en application.
L’inscription dans la loi ne nous paraît pas une exigence absolue. C’est la raison pour laquelle, bien que favorables à l’esprit de cet amendement, nous ne le voterons pas.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
leur maintenance, leur conservation et leur contrôle a posteriori, ou leur réexportation
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement est une déclinaison du précédent. Je pense qu’il est nécessaire, pour renforcer les pouvoirs de contrôle de l’autorité administrative, d’inscrire précisément dans la loi que les licences d’exportation doivent également comporter des conditions ou des prescriptions ayant trait à la réexportation des matériels et au contrôle après la vente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui lui paraît superfétatoire. Il vise en effet à détailler la terminologie en ajoutant les termes de « maintenance », « conservation » et « réexportation » à ceux d’« utilisation finale ». Toutefois, la terminologie retenue dans le projet de loi est d’ores et déjà en vigueur, notamment à l’article 5 de la position commune.
La précision apportée par cet amendement nous paraît donc inutile.
Pour ce qui est du contrôle a posteriori, il a été renforcé par la nouvelle rédaction adoptée par la commission de l’article 2 du texte, qui vise à conférer des prérogatives très étendues d’inspection in situ aux agents habilités du ministère de la défense. Les dispositions relatives au contrôle doivent figurer non dans les licences délivrées aux industriels mais dans le code de la défense. Faire ici référence au contrôle ne serait pas efficace.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Madame la sénatrice, bien que je comprenne l’esprit qui anime cet amendement, je vous demande néanmoins de le retirer. La notion d’« utilisation finale » recouvre, en réalité, très précisément l’ensemble des thèmes qui vous préoccupent, notamment celui de la réexportation.
Sous le bénéfice de ces explications, j’espère que vous accepterez de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Demessine, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Michelle Demessine. Il l’est, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Notre position sur cet amendement sera identique à celle que nous avons adoptée sur l’amendement précédent.
Je précise que ces amendements nous ont été suggérés par des organisations non gouvernementales, telles que le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, et Oxfam, qui s’assurent de manière intelligente de la transparence du marché des armements.
Très attachés à cette idée, nous avons, nous aussi, fait progresser la réglementation. La France peut d’ailleurs être fière de son action, depuis plusieurs années, en la matière.
Dès lors que ces dispositions figurent déjà dans la réglementation, les inscrire dans la loi n’ajouterait à peu près rien.
Nous ne voterons donc ni cet amendement ni les suivants.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Après les mots :
l'utilisation finale de ces produits
insérer les mots :
leur maintenance, leur conservation, leur contrôle a posteriori
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par coordination, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport annuel au Parlement dans lequel il publie la totalité des licences octroyées ou révoquées, en détaillant les types de matériels et les utilisateurs finaux, ainsi que les motifs invoqués pour les licences révoquées. Un décret en Conseil d'État détermine la nature des informations publiées.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le rapport sur les exportations d’armements remis chaque année au Parlement est relativement volumineux, mais les informations qu’il contient sont assez succinctes. Pour des raisons évidentes de sécurité, de concurrence entre fournisseurs, ou tout simplement de volume, il est compréhensible que l’intégralité des documents ne puisse être divulguée.
Mais à côté des informations et des analyses présentées dans le rapport devraient également figurer un certain nombre d’éléments plus précis.
Par cet amendement, nous proposons donc qu’un décret en Conseil d’État détermine la nature des informations à publier. Je pense en particulier à une liste nominative des licences, ainsi qu’à une liste plus détaillée du type de matériels et des utilisateurs finaux, alors que seuls sont mentionnés actuellement les pays destinataires. Il serait également nécessaire de publier les motifs invoqués pour retirer une licence.
Ces différentes mesures contribueraient à rendre ces marchés plus transparents et à améliorer l’information du Parlement. Ce serait aussi une façon de traduire dans notre législation l’un des engagements de la position commune européenne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je regrette d’opposer, une fois de plus, un avis défavorable à l’amendement présenté par Mme Demessine. Je suis en général très sensible aux amendements qui visent à accroître l’information du Parlement, mais, dans le cas présent, je me demande s’il est réaliste de demander la publication de l’intégralité des autorisations et refus, qui représentent un total de 13 000 actes. Même avec la simplification administrative qui doit découler du nouveau système, il en restera encore 6 000 !
Je crains que trop d’informations ne tuent l’information. Le format actuel du rapport est lisible et les tableaux en annexe détaillent par zones géographiques les autorisations accordées ou refusées, en mentionnant les types d’armements, les pays concernés et les montants précis. Pourquoi établir un listing des 13 000 ou 6 000 autorisations ?
Par ailleurs, madame Demessine, j’ai bien peur qu’en livrant un trop grand nombre d’informations sur les contrats passés par nos industriels, nous ne donnions quelques idées à la concurrence. N’oublions pas qu’il s’agit d’un marché extrêmement disputé, sur lequel nous avons quelquefois bien du mal à nous défendre. Trop de transparence touche à l’innocence !
M. André Trillard. C’est la glasnost !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je partage l’avis de la commission. Je précise que, à l’échelle européenne, le niveau de transparence du rapport français est de loin le plus élevé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – Le III de l’article L. 2331-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« III. – Les matériels appartenant ou non aux précédentes catégories, qui sont soumis à des restrictions ou à une procédure spéciale pour l’importation ou l’exportation hors du territoire de l’Union européenne, ou le transfert au sein de l’Union européenne, sont définis au chapitre V du présent titre. »
II. – À l'article L. 2332-4 du code de la défense, le mot : « représentants » est remplacé par les mots : « agents habilités ».
III. – Le second alinéa de l'article L. 2339-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les agents du ministère de la défense habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État peuvent également constater les infractions aux dispositions du présent titre ainsi qu'aux dispositions réglementaires prises pour leur application.
« Les titulaires des autorisations et des licences définies dans le présent titre sont tenus de laisser pénétrer, dans toutes les parties de leurs locaux, les agents habilités de l'État.
« Ils sont tenus de fournir les renseignements verbaux ou écrits et les comptes rendus demandés par ces mêmes agents.
« Ils sont également tenus de n'apporter aucune entrave aux investigations nécessaires à l'exécution des missions des agents habilités. Ces investigations peuvent comporter, outre l'examen des lieux, des matériels et du système d'information, les recensements et les vérifications des comptabilités ou registres de toute espèce paraissant utiles.
« Les agents habilités de l'État qui ont connaissance à titre quelconque des renseignements recueillis au sujet des entreprises en application du présent titre sont tenus au secret professionnel sous les peines définies à l'article 226-13 du code pénal.
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les agents des douanes et les agents habilités du ministère de la défense mentionnés au présent article peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.
« En cas d'infraction aux dispositions du présent titre, les services compétents du ministère de la défense adressent au procureur de la République les procès-verbaux des constatations effectuées. Une expédition est également transmise au ministre de la défense.
« Préalablement à tout acte de poursuite envisagé sur le fondement des dispositions du présent titre, le procureur de la République doit demander l'avis du ministre de la défense, par tout moyen dont il est fait mention dans la procédure, hormis en ce qui concerne le port, le transport et l'usage mentionnés au chapitre VIII du présent titre. Cet avis est donné dans un délai d'un mois, sauf cas d'urgence. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence. »
IV. – (nouveau) Les articles L. 2332-7 et L. 2332-9 du code de la défense, et le deuxième alinéa de l'article L. 2332-3 du code de la défense sont abrogés.
V. – (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 2352-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« La production, l’importation et l’exportation hors du territoire de l’Union européenne, le transfert entre États membres de l’Union européenne, le commerce, l’emploi, le transport et la conservation des produits explosifs sont subordonnés à un agrément technique et aux autorisations et contrôles nécessités par les exigences de la sécurité publique et de la défense nationale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les agents habilités de l'État, ou la représentation diplomatique de l'État, doivent également s'assurer régulièrement que l'usage par les utilisateurs finaux du matériel exporté se fait dans le respect des dispositions du présent titre.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L’amélioration des instruments internationaux sur le commerce des armes et la nécessité d’agir pour qu’ils soient ratifiés par le plus grand nombre de pays ne sauraient nous dispenser de rechercher les moyens d’assurer un meilleur contrôle des ventes d’armes à l’exportation.
Plutôt que d’alléger le système de contrôle, comme vous le proposez, il aurait fallu au contraire le renforcer. En effet, les matériels de guerre exportés peuvent être, actuellement, assez facilement détournés d’un usage habituel et utilisés de façon totalement incontrôlée. Ils peuvent aussi être réexportés vers des zones de conflits. Cela est essentiellement dû au manque d’efficacité, faute de moyens de vérification fiables, des contrôles post-exportation.
Ces contrôles devraient également pouvoir être effectués dans le pays destinataire, au terme d’accords passés entre les deux pays, par ce qu’il est convenu d’appeler les « agents habilités de l’État ».
Nous proposons donc de préciser que les agents de notre réseau diplomatique figurent parmi ces agents habilités de l’État. Nos attachés de défense, en particulier, lorsqu’ils sont couverts par un statut diplomatique, seraient à mon sens les plus compétents en ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je suis désolé d’émettre à nouveau un avis défavorable.
Cet amendement tend à prévoir que les agents habilités de l’État ou nos représentants diplomatiques en poste à l’étranger s’assurent de l’utilisation, par leurs destinataires, des armements exportés. Ils auront bien du mal à le faire !
Pour des raisons évidentes de territorialité, le contrôle de l’administration française sur l’exportateur – sur lequel pèsent d’ailleurs des sanctions pénales très lourdes ! – s’exerce en France. Cela n’empêche pas le ministère des affaires étrangères d’intervenir avant la délivrance de l’autorisation. En effet, dans les pays sensibles, nos postes sont systématiquement sollicités. Le cas échéant, on peut aussi faire remonter les informations transmises par nos services de renseignement.
Il est donc important de soutenir les initiatives internationales visant à établir, non pas un traité, mais un socle de droit international prévoyant des règles partagées par le plus grand nombre d’États et, si possible, des mécanismes de contrôle. On ne peut pas contrôler sur pièce et sur place dans des pays étrangers sans que ces derniers ne nous donnent leur accord ! C’est une question de bon sens.
Nous sommes d’ardents défenseurs d’un traité sur le commerce des armes. Le principe de ce traité, dont nous avons été les promoteurs, a fait l’objet d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, en 2009. Mais la signature d’un tel document suppose que chaque État adhère à un système de contrôle. Or nous n’en sommes pas encore là !
En tout état de cause, nous n’avons pas les moyens de nous rendre dans les pays étrangers pour y faire la police !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je partage l’avis de la commission, tout d’abord en raison du principe de souveraineté des États, qui a été rappelé avec beaucoup de clarté par M. le président de Rohan.
Ensuite, je tiens à informer Mme Demessine que nous disposons de procédures permettant de nous assurer que les matériels sont bien vendus aux seules personnes autorisées. Je pense notamment aux certificats de réexportation, authentifiés par nos représentations diplomatiques et par les services de renseignement, qui contrôlent de façon très approfondie les risques de détournement de matériels.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Trillard, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
concerne
insérer les mots :
l'acquisition et la détention mentionnées au chapitre VI du présent titre, la conservation, la perte et le transfert de propriété mentionnés au chapitre VII du présent titre et
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. L’article L. 2339-1 du code de la défense prévoit que le procureur de la République, avant d’engager des poursuites, doit demander l’avis du ministère de la défense. Cette obligation est assortie d’exceptions tenant au fait que l’avis du ministère de la défense n’est pas requis en ce qui concerne les infractions présumées relatives au port, au transport et à l’usage d’armes à feu dont les dispositions figurent, dans ce code, au chapitre VIII du titre III relatif aux matériels de guerre, armes et munitions.
D’un point de vue philosophique, l’autorisation préalable du ministère de la défense pour engager des poursuites ne peut porter que sur des armes fabriquées par des entreprises d’armement, c’est-à-dire des armes de première, deuxième et troisième catégories.
Le texte qui nous est proposé reprend en partie, en le transformant, l’ancien article 36 du décret-loi du 18 avril 1939, abrogé par la ratification du code de la défense.
Jusqu’à présent, les auteurs d’infractions pouvaient arguer qu’ils se livraient à l’activité de commerce d’armes, même si les matériels concernés n’étaient pas des armes de guerre. Il était peu probable, en effet, que le ministère de la défense donne une réponse sur ce sujet durant le délai de la garde à vue, ce qui leur permettait d’échapper aux poursuites.
Nous proposons donc que l’on puisse se passer de l’avis du ministère de la défense pour toutes les infractions concernant des armes qui relèvent non pas de la définition militaire du terme, mais de la justice ordinaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je remercie M. Trillard de son travail rédactionnel. C’est un excellent amendement, qui va dans le sens des libertés publiques et permet de mieux restreindre les cas dans lesquels le procureur de la République, dans le cadre de l’article L. 2339-1 du code de la défense, doit demander l’avis du ministère de la défense. En effet, certains matériels mentionnés dans cet article ne sont pas des armes au sens militaire du terme, et ne relèvent donc pas du périmètre de compétence du ministère de la défense.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)